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N° 2859

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME II

CULTURE

CRÉATION ; TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

Par Mme Marie-Odile BOUILLÉ,

Députée.

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Voir les numéros : 2857 (annexe n° 8).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2011 : STAGNATION POUR LA CRÉATION ET LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE 7

A. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE ALARMANTE 8

B. LA CRÉATION : QUELLES MARGES POUR L’ARTISTE DE DEMAIN ? 11

a) Le spectacle vivant en difficulté 11

b) Les arts plastiques : priorité au Palais de Tokyo 13

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LE DÉSENGAGEMENT DU MINISTÈRE SE POURSUIT 14

D. LA NÉCESSAIRE SUPPRESSION DU CONSEIL POUR LA CRÉATION ARTISTIQUE 18

1. Un guichet de trop… 18

2. … dont le budget entretient l’ambiguïté 20

II.- ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE : QUEL BILAN ET QUELLES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES ? 22

A. QUELQUES ÉLÉMENTS D’HISTOIRE ET DE CONTEXTE : UNE PRIORITÉ SANS CESSE RÉAFFIRMÉE 23

1. Un concept ambitieux 24

2. Un discours étonnamment constant 25

3. Une succession de plans de relance 27

a) La loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques 28

b) Le plan « Tasca-Lang » de développement des arts et de la culture à l’école en 2000 28

c) Le plan de relance de l’éducation artistique et culturelle de MM. François Fillon et Renaud Donnedieu de Vabres en 2005 29

d) Le plan gouvernemental d’action en faveur de l’éducation artistique et culturelle du 24 avril 2008 30

B. UNE RECONNAISSANCE OFFICIELLE LARGEMENT CONTREDITE PAR LES FAITS 31

1. Les budgets alloués à l’éducation artistique et culturelle ne sont pas à la hauteur des ambitions 32

a) L’éducation artistique au sein du programme « Transmission des savoirs » : une stagnation persistante 32

b) L’éducation artistique au sein du budget du ministère de l’éducation nationale : une évaluation délicate 33

2. L’inégale mise en œuvre du plan de 2008 37

a) Le rôle assumé des structures artistiques et culturelles et des artistes 37

b) L’inscription d’une dimension artistique et culturelle dans les projets d’établissements scolaires 39

c) Les dispositifs et leur cohérence 40

d) La délicate question de la formation artistique et culturelle des enseignants et des responsables d’établissements 43

3. L’histoire des arts et les portails numériques : prétextes pour cacher le désengagement de l’État ? 46

a) L’histoire des arts : un enseignement décontextualisé et des enseignants déboussolés 46

b) Les portails numériques : un outil, non une panacée 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION 49

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 81

ANNEXES 83

ANNEXE 1: LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 83

ANNEXE 2 : LES DISPOSITIFS D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE 87

ANNEXE 3 : VENTILATION DES CRÉDITS D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE 89

ANNEXE 4 : LA TERRITORIALISATION DES POLITIQUES D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE 91

ANNEXE 5 : L’IMPACT DE LA RÉFORME DE L’INTERMITTENCE 97

INTRODUCTION

Depuis le 1er janvier 2010, les activités du ministère de la culture et de la communication sont regroupées au sein de trois directions générales :

− la direction générale des patrimoines (DGP), qui regroupe les anciennes directions des musées de France (DMF), des archives de France (DAF) et de l’architecture et du patrimoine (DAPA) ;

− la direction générale de la création artistique (DGCA), qui regroupe les anciennes directions de la danse, de la musique, du théâtre et des spectacles (DMDTS) et délégation aux arts plastiques ;

− la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), qui regroupe l’ancienne direction du livre et de la lecture (DLL) et la direction du développement des médias (DDM), jusqu’alors service du premier ministre ;

Subsiste par ailleurs un secrétariat général.

Les programmes et actions de la mission ont en conséquence subi cette année des changements majeurs, changements qui rendent la lecture des documents budgétaires très peu aisée. Si l’on peut comprendre qu’à l’occasion de la réorganisation du ministère se soit posée la question de la rationalisation de la responsabilité des programmes, certains découpages laissent perplexe, notamment le regroupement des crédits « livres » et « industries culturelles » au sein du programme « Presse »…

En effet, tous les crédits consacrés aux livres, aux bibliothèques et aux industries culturelles au sein de la mission « Culture » ont été transférés vers le programme « Presse », devenu programme « Presse, livre et industries culturelles » de la mission « Médias » : la totalité des anciennes actions « patrimoine écrit » et « patrimoine cinématographique » du programme « Patrimoines », la totalité de l’ancienne action « livre et lecture » du programme « Création » et la majeure partie de l’ancienne action « industries culturelles » du programme « Création », ainsi qu’une partie des crédits centraux et déconcentrés consacrés au livre au sein des actions « enseignement supérieur », « éducation artistique et culturelle » et « accès à la culture » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ont été transférés vers le nouveau programme « Médias et industries culturelles » et regroupés au sein de deux actions « livre et lecture » et « industries culturelles » de la mission « Presse, livre et industries culturelles ».

Pourtant, l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose qu’« un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère […] ». La rapporteure pour avis s’interroge sur la logique qui a conduit à regrouper les actions relatives à la presse et les actions à destination du livre, du cinéma ou de la musique, le nouveau programme « Presse, livre et industries culturelles » faisant cohabiter les crédits traditionnellement dévolus à la presse, l’effort budgétaire relatif à la rénovation de la Bibliothèque nationale de France (quadrilatère Richelieu), le soutien public aux bibliothèques et autres médiathèques territoriales, les crédits affectés au patrimoine cinématographique (subvention à la Cinémathèque française), le soutien au monde de la musique (Centre national des variétés, de la chanson et du jazz) ou encore les crédits nécessaires au fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) !

Les données fournies pour 2010 dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « Culture » 2011 ont donc été, selon la terminologie employée dans le document, « retraitées » selon la nouvelle architecture budgétaire afin de pouvoir être comparées avec celles de 2011.

La rapporteure pour avis dénonce vivement l’absence de lisibilité des documents budgétaires et déplore ces changements incessants de maquette qui nuisent à l’efficacité du contrôle parlementaire sur les finances de l’État. En effet, l’architecture budgétaire issue de la LOLF devait se caractériser par sa stabilité : or les changements répétés de maquette budgétaire opérés par le ministère de la culture rendent extrêmement difficiles le suivi, et donc le contrôle, de l’utilisation des deniers publics. La commission des finances a d’ailleurs formulé des observations en ce sens sur la mission « Culture » le 20 octobre dernier.

S’agissant de la commission des affaires culturelles, rappelons que 2010 a été sa première année de « plein exercice ». Sa création le 1er juillet 2009 a conduit la commission à proposer depuis deux ans deux avis budgétaires distincts, un relatif au programme « Patrimoines », attribué à Mme Monique Boulestin, députée de Haute-Vienne, et le présent avis, relatif aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs ».

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget du programme dont elle a la charge pour 2011, la rapporteure pour avis s’attachera à étudier un secteur de l’action culturelle, ainsi que l’a décidé le bureau de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son choix s’est porté cette année sur l’éducation artistique et culturelle.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2010 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 88,18 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis, dont la majeure partie est arrivée entre le 6 et le 8 octobre. La rapporteure pour avis le regrette, ces documents contribuant très efficacement à la compréhension des enjeux budgétaires.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2011 :
STAGNATION POUR LA CRÉATION ET
LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE

La mission « Culture » sera dotée en 2011 de 2 708,01 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 4,04 % par rapport à 2010 (1)) et de 2 672,81 millions d’euros en crédits de paiement (- 0,15 % par rapport à 2010).

Évolution du budget de la mission culture 2011
(à périmètre constant – données LFI 2010 retraitées)

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation
(%)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

765,68

855,91

848,33

868,27

+ 10,79

+ 1,44

Création

722,49

723,56

753,13

736,86

+ 4,24

+ 1,84

Transmission des savoirs *

485,83

468,57

471,98

433,11

- 2,85

- 7,57

Dépenses de personnel

628,89

628,89

634,56

634,56

+ 0,90

+ 0,90

Total

2 602,9

2 676,93

2 708,01

2 672,81

+ 4,04

- 0,15


*
Hors dépenses de personnel.

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Le budget du programme « Création » est relativement stable, la hausse de 4,24 % des autorisations d’engagement – soit 30,64 millions d’euros additionnels – s’expliquant principalement par les moyens supplémentaires en faveur des arts plastiques et la programmation de travaux pour la Comédie Française, le Théâtre national de Chaillot, l’Opéra comique, le Centre national de la danse et la Cité de la céramique à Sèvres.

Plus inquiétant, les crédits de paiement stagnent à + 1,84 %. Rappelons que le projet de loi de finances pour 2011 table sur une inflation à 1,5 % (2).

S’agissant du programme « Transmission des savoirs », le tableau est sombre, les crédits de paiement sont en forte baisse (- 7,57 %) alors que le programme est déjà mis à mal depuis plusieurs années. Cette baisse s’explique selon le ministère par le transfert de crédits vers le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). La situation est en réalité plus complexe, la rapporteure y reviendra. Les autorisations d’engagement sont elles aussi en baisse à - 2,85 % alors même que le ministre a fait de la « culture pour chacun » son cheval de bataille. La distorsion entre les moyens budgétaires consacrés à l’éducation artistique et culturelle, et plus globalement à l’action culturelle, et les paroles du ministre est inquiétante, la rapporteure y reviendra dans la partie thématique de son avis.

Rappelons par ailleurs que, si la mise en réserve préventive, plus communément appelée « gel », inscrite au projet de loi de finances pour 2011, de même niveau que celle de 2010 − soit 0,5 % pour les dépenses de personnel et 5 % pour les autres titres – devait être maintenue cette année, les crédits de paiement et autorisations d’engagement des deux programmes seraient en forte baisse et la situation d’autant plus préoccupante. La rapporteure pour avis plaide donc pour un dégel rapide de l’ensemble des crédits des deux programmes. En effet, comme le souligne le ministère dans une de ses réponses, en 2010, « la libération des crédits mis en réserve a été annoncée en janvier par le Président de la République mais réalisée effectivement (…) en mai seulement, provoquant des retards dans le versement des subventions aux opérateurs et aux autres structures de production et de diffusion du spectacle vivant et des arts plastiques ». Il est regrettable de désorganiser ainsi, de manière récurrente, les opérateurs, structures et équipes artistiques du secteur du spectacle vivant et des arts plastiques. La rapporteure pour avis plaide pour que cette levée intervienne rapidement en 2011 afin que les crédits puissent être consommés dans les meilleures conditions.

Enfin, si, en 2010, la mission « Culture » a effectivement bénéficié de la levée de la réserve de précaution, comme annoncée en début d’année par le Président de la République, cette levée n’a pas été totale puisqu’un gel résiduel de 0,05 million d’euros sur le programme « Création » et de 0,58 million d’euros sur le programme « Transmission des savoirs » a été maintenu au titre du fonds « État exemplaire ». Par ailleurs, selon les informations communiquées par le ministère, en complément, des crédits ont été bloqués à hauteur de 2,38 millions d’euros au sein du programme « Transmission des savoirs » dans l’attente d’un transfert des crédits vers le programme « Tourisme ». Il s’agit de la participation du ministère de la culture – au titre de son action internationale – à l’exposition universelle de Shanghai.

Pour conclure, mais la rapporteure pour avis y reviendra ultérieurement, le financement et les modalités de fonctionnement du Conseil pour la création artistique continuent de poser problème.

A. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE ALARMANTE

La rapporteure pour avis s’inquiète vivement de la programmation pluriannuelle prévue pour la mission « Culture », plus particulièrement en ce qui concerne le programme « Création ».

À la lecture de ce tableau, le désengagement de l’État est clairement acté, notamment dans le secteur du spectacle vivant. Pourtant, le projet annuel de performance de la mission « Culture » ne fournit strictement aucune explication sur ce désengagement progressif et régulier de l’État, notamment s’agissant du programme « Création », indiquant simplement que « le projet de loi de finances pour 2011-2013 vise à poursuivre la mise en œuvre des politiques culturelles engagées et la réalisation de projets d’investissement importants ».

Programmation pluriannuelle 2011-2013

(En millions d’euros)

 

2011

2012

Variation 2012/2011
(%)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

848,331

868,273

788,066

869,722

- 7,10

+ 0,17

Création

753,136

736,866

725,393

732,623

- 3,68

- 0,58

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 106,542

1 067,673

1 053,208

1 075,215

- 4,82

+ 0,71

Total

2 708,009

2 672,812

2 566,667

2 677,560

- 5,22

+ 0,18

 

2013

Variation 2013/2012
(%)

Variation 2013/2011
(%)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

784,575

860,493

- 0,44

- 1,06

- 7,52

- 0,90

Création

722,483

729,803

- 0,40

- 0,38

- 4,07

- 0,96

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 114,067

1 095,477

+ 5,7

+ 1,88

+ 0,68

+ 2,60

Total

2 621,125

2 685,773

+ 2,12

+ 0,31

- 3,21

+ 0,48

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Par ailleurs, et on ne peut que le déplorer, le rapport annexé au projet de loi n° 2823 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est tout aussi sibyllin, voire incantatoire…

Les crédits de la mission « Culture » permettent de maintenir les efforts engagés en 2010 dans l’ensemble des domaines dont le ministère à la charge, (…) [notamment] le soutien aux structures du spectacle vivant. Enfin, le développement de l’éducation artistique et culturelle demeure une priorité. Le ministère poursuivra la réforme de l’enseignement supérieur et mettra en œuvre des plans d’actions tels que « Culture pour chacun » ou « Dynamique Espoir Banlieue » dans sa mission de démocratisation de la culture. Il développera également les réseaux et programmes d’échanges culturels européens et internationaux (programme Odyssée).

Ces crédits permettront de poursuivre plusieurs chantiers de rénovation, dans les domaines du spectacle vivant (…).

L’objectif de maîtrise des dépenses et de réduction de l’emploi public reste une priorité sur la période 2011-2013 pour les opérateurs de la mission, qui appliqueront les règles de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et de réduction des dépenses de fonctionnement de 5 % dès 2011. Cet effort doit se traduire par une diminution de 297 équivalents temps plein à horizon 2013.

Si, en 2008, il était indiqué dans ce rapport que les crédits d’intervention en faveur du spectacle vivant étaient stabilisés « les modalités d’intervention de l’État en coordination avec les collectivités territoriales devant être revues au terme des entretiens de Valois », aujourd’hui, l’explication fournie à la représentation nationale sur la baisse des crédits alloués à la création n’est pas totalement satisfaisante. Sollicité par la rapporteure pour avis, le ministère indique que, s’agissant des autorisations d’engagement allouées à la création, elles évoluent simplement selon le calendrier des projets d’investissement, ce qui explique les fortes variations sur ces trois années.

S’agissant des crédits de paiement du programme « Création », la baisse de 4 millions d’euros est principalement liée à la fin des travaux du Palais de Tokyo, concentrés sur 2011. En conséquence « les crédits de paiement nécessaires [pour cette opération] en 2012 sont en baisse de 8 millions d’euros par rapport à 2011. Une partie des crédits de paiement (4 millions d’euros) est principalement redéployée sur les opérations d’investissement du spectacle vivant (Chaillot, Opéra comique), l’autre partie est redéployée au sein de la mission, sur le programme 224 », ce qui veut dire que la hausse du programme « Transmission des savoirs » s’explique en partie par une ponction sur les crédits de la création !

S’agissant des crédits de paiement du programme « Transmission des savoirs », l’augmentation en 2012 est, toujours selon le ministère, « destinée aux opérateurs d’enseignement supérieur (2 millions d’euros), aux opérations d’investissement sur les écoles d’architecture (1 million d’euros) et en DRAC (5 millions d’euros). Une partie de cette hausse est financée par redéploiement au sein du programme (baisse sur les crédits de fonctionnement de l’action « Fonctions de soutien ») et l’autre partie par redéploiement au sein de la mission (programme « Création ») ». Aucun crédit additionnel n’est donc prévu pour l’action culturelle ou l’éducation artistique… La situation se renouvelle en 2013, la hausse s’expliquant par la montée en charge des projets d’investissement : écoles de Clermont-Ferrand (4 millions d’euros) et de Toulouse (5 millions d’euros), ainsi qu’école nationale supérieure des Beaux-Arts (3 millions d’euros). Là encore, « la hausse est financée par redéploiement depuis les autres programmes », la culture finançant la culture !

Par ailleurs, la question de la répartition des financements État/collectivités n’est pas réglée, loin s’en faut. Les Entretiens de Valois sont au point mort et la réforme des collectivités territoriales fait peser de lourdes incertitudes sur le budget de ces dernières. Qu’en est-il aujourd’hui des conférences du spectacle vivant en région ? Qu’en ressort-il ? Le projet annuel de performances est muet sur ce sujet… Dans une de ses réponses, le ministère laisse d’ailleurs percer son désengagement : « dans un cadre budgétaire à faible évolution, ces réunions, à géométrie variable et adaptées aux contextes locaux, permettront de développer une stratégie de choix plus exigeants pour un meilleur soutien à la création, de redessiner une carte clarifiée des labels, régionale, voire interrégionale, plus cohérente pour opérer des regroupements, des mutualisations, voire parfois des restructurations d’institutions. (…) Parallèlement, les services de l’État ont engagé une réflexion qui doit déboucher sur la conclusion de mandats de révision des critères d’intervention de l’État dans le domaine de la création, communiqués aux préfets de région. Établis dans une perspective triennale, ces mandats permettront de définir les orientations que l’État pourra proposer aux collectivités pour l’ensemble de ses interventions ».

Certes, le 31 août 2010 a été publiée une circulaire sur les labels et réseaux nationaux du spectacle vivant, qui précise les missions communes, les règles d’attribution et de retrait des labels, ainsi que les règles de nomination des dirigeants. Cette clarification est la bienvenue. Par ailleurs, selon les informations communiquées à la rapporteure pour avis par le ministère, il est effectivement « demandé aux préfets d’appliquer ces textes en mettant systématiquement en place des dispositifs contractuels pluriannuels pour les institutions qui n’en disposent pas et de mettre en adéquation les contrats existants avec ces textes ». Mais dans quel délai sera réalisé ce travail de mise en adéquation, lorsque l’on sait que les personnels des directions régionales des affaires culturelles sont aujourd’hui surchargés…

B. LA CRÉATION : QUELLES MARGES POUR L’ARTISTE DE DEMAIN ?

Crédits du programme « Création »

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation
(%)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Spectacle vivant

662,44

666,49

681,46

663,36

+ 2,87

- 0,47

Arts plastiques

60,056

57,06

71,68

73,51

+ 19,35

+ 28,81

Total

722,49

723,56

753,14

736,87

+ 4,24

+ 1,84

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Le programme « Création » représente 753,14 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 4,24 % par rapport à 2010) et 736,87 millions d’euros en crédits de paiement (+ 1,84 %). Après le redécoupage opéré et le transfert des actions « Livre et lecture » et « Industries culturelles » vers la mission « Médias », le programme se compose cette année de seulement deux actions : 90,48 % du programme sont consacrés au spectacle vivant, les 9,52 % restant étant dédiés aux arts plastiques.

a) Le spectacle vivant en difficulté

Le budget du spectacle vivant est en régression à 663,36 millions d’euros de crédits de paiement (- 0,47 %), soit 3,13 millions d’euros de crédits supprimés. Cette baisse est le fruit d’évolutions différentes selon le type de crédits et marque pourtant, selon le ministère, « la priorité de l’État à ce secteur essentiel de la politique culturelle » dans un contexte de rigueur budgétaire. Selon le ministère toujours, « ces moyens permettront ainsi de maintenir l’effort de l’État en faveur de la création et de l’émergence des jeunes créateurs, de soutenir les grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion auprès des différents publics ». On ne peut qu’en douter…

Comme en 2010, ces crédits se répartissent entre les opérateurs de l’État (44 % des crédits) et les autres structures (56 %).

 Les opérateurs du ministère

Les crédits des opérateurs nationaux stagnent (+ 0,72 %) en 2011 pour atteindre 293,13 millions d’euros. Avec une inflation prévue à 1,5 %, les moyens sont même en régression en valeur réelle. Selon le ministère, cette stabilité nécessitera « un effort » de la part des établissements pour « consolider leurs ressources propres et contenir l’augmentation de leur ordre de marche », la maîtrise de ces dépenses devant permettre le maintien de la marge artistique « au service de la création et de la présentation de nouvelles productions »…

En réalité, la baisse des crédits alloués à la création est d’autant plus forte que le gel correspond à 14 millions d’euros en moins pour les opérateurs du ministère. Le même raisonnement peut d’ailleurs être tenu pour les crédits d’intervention. Comment maîtriser de manière aussi drastique la masse salariale dans un secteur où l’humain constitue la matière première de toute création ? On laisse donc aujourd’hui sciemment les marges artistiques s’éroder tout en tenant un discours fort – mais un discours de dupes – sur la création.

Si la poursuite de la signature de contrats de performance avec les opérateurs du ministère, annoncée pour cette année, est une bonne chose, là encore, la rapporteure pour avis plaide pour des actes en adéquation avec les discours : comment expliquer que le directeur du théâtre de l’Odéon, en place depuis mars 2007, n’ait pas encore reçu à ce jour de lettre de mission et encore moins signé de contrat de performance ?

 Les crédits de fonctionnement en région

Alors que les centres chorégraphiques nationaux et les centres de création musicale avaient été les plus touchés l’an passé, cette année, leurs crédits sont en stagnation, voire en régression en valeur réelle. De même, alors que les aides aux équipes artistiques avaient fait l’objet d’une réévaluation de près de 6 % l’an passé, les crédits sont cette année à nouveau à la baisse et le nombre de bénéficiaires en diminution inquiétante (- 2,48 %).

En nombre de bénéficiaires, les plus touchés cette année sont les festivals
(- 61,02 %), du fait du recentrage du ministère sur les festivals plus importants, au détriment d’une politique d’aménagement culturel du territoire ambitieuse. Les scènes de musiques actuelles sont également très touchées (- 45,86 %) suivies par les orchestres permanents (- 13,64 %). En termes budgétaires, les scènes de musiques actuelles perdent plus de 26 % de leurs crédits, les festivals un peu plus de 5 % et les scènes conventionnées 4 %. À l’inverse, on saupoudre les crédits à destination des lieux de création et de diffusion non labellisés avec une hausse de plus de 78 % des bénéficiaires pour des crédits en baisse de 0,27 %. La subvention moyenne de ces structures passe ainsi de 140 606 euros en 2010 à 78 720 euros en 2011 ! Les collectivités locales devront-elles compenser le différentiel ? Par ailleurs, mises devant le fait accompli, comment sont-elles censées gérer cet afflux de nouveaux lieux subventionnés sur leur territoire ?

Enfin, cette politique n’est absolument pas cohérente avec la réforme des labels précédemment évoquée qui devait normalement aboutir à un engagement pluriannuel de l’État avec les structures et équipes artistes labellisés. En réalité, le ministère, conscient de la vitalité de la création en région, ne sait plus comment réagir et y répond en multipliant les petites subventions en faveur d’initiatives non conventionnées. En refusant ainsi de s’engager, il fait preuve d’une rare schizophrénie…

Crédits déconcentrés de fonctionnement 2010-2011

(En euros)

 

2010

2011

Variation 2011/2010 (%)

Bénéficiaires

Montant des crédits

Nombre de bénéficiaires

Montant des crédits

Nombre de bénéficiaires

Montant des crédits

Nombre de bénéficiaires

Équipes artistiques (conventionnées ou non)

48 096 106

1 208

48 035 750

1 178

- 0,13

- 2,48

Centres dramatiques nationaux et régionaux

58 200 000

38

58 156 472

38

- 0,07

0,00

Centres chorégraphiques nationaux

13 070 000

19

13 038 268

19

- 0,24

0,00

Centres de développement chorégraphique

1 600 000

8

1 716 095

8

+ 7,26

0,00

Opéras en régions

28 260 000

13

28 000 113

14

- 0,92

+ 7,69

Orchestres permanents

22 250 000

22

21 780 586

19

- 2,11

- 13,64

Scènes nationales

50 645 000

70

51 364 897

70

+ 1,42

0,00

Centres de création musicale

2 930 000

7

3 000 604

7

+ 2,41

0,00

Scènes conventionnées

10 730 000

101

10 295 952

118

- 4,05

16,83

Salles de musiques actuelles (SMAC)

9 100 000

133

6 674 763

72

- 26,65

- 45,86

Autres lieux de création et de diffusion (non labellisés)

22 497 000

160

22 435 434

285

- 0,27

- 78,13

Festivals

8 765 000

295

8 301 962

115

- 5,28

- 61,02

Source : ministère du budget – projets annuels de performances 2010 et 2011.

b) Les arts plastiques : priorité au Palais de Tokyo

Les crédits de paiement alloués aux arts plastiques sont en très forte hausse de près de 29 %, les autorisations d’engagement augmentant quant à elles également très fortement à + 19,35 %. La progression des crédits correspond selon le ministère à l’accompagnement et au développement du réseau des institutions d’art contemporain en région, mais il s’agit surtout de permettre la poursuite de la réalisation de deux grands projets nationaux, tous deux situés à Paris : le Palais de Tokyo et les manifestations d’art contemporain au Grand Palais.

Ainsi le Palais de Tokyo ponctionne-t-il 14 millions d’euros sur les 17,05 millions d’euros de dépenses d’investissement (en autorisations d’engagement) et 13 millions d’euros sur les 18,13 millions d’euros de dépenses d’investissement (en crédits de paiement). La rapporteure pour avis s’interroge : quelles seront les relations de ce lieu avec les centres d’art et les fonds régionaux d’art contemporain ? De quels moyens disposera-t-il pour nouer des relations pérennes et coproduire des expositions avec ces lieux, non à son seul bénéfice, mais également en direction des régions ? Pourra-t-il servir de catalyseur des différentes initiatives en faveur de l’art contemporain, car on sait qu’elles sont nombreuses sur notre territoire ?

À l’inverse, les crédits déconcentrés de fonctionnement, alloués principalement aux fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et aux centres d’art en région, passent de 18,6 millions d’euros en 2010 à 19 millions d’euros en 2011… La hausse (+ 2,15 % soit 400 000 euros) est ici toute relative.

De même, les crédits déconcentrés d’investissement, destinés à accompagner les FRAC dans leur modernisation, passeront de 7,5 millions d’euros en 2010 (autorisations d’engagement) à 4,5 millions d’euros en 2011 (- 40 %) et de 4,7 millions d’euros en 2010 à 5,25 millions d’euros en 2011 s’agissant des crédits de paiement (+ 11,70 %).

Si l’effort est réel en crédits de paiement et accompagne la modernisation de ces structures, on peut s’inquiéter pour l’avenir proche, la baisse drastique des autorisations d’engagement laissant présager un désengagement profond de l’État dans les années qui viennent.

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LE DÉSENGAGEMENT DU MINISTÈRE SE POURSUIT

Hors dépenses de personnel, ce programme sera doté de 471,98 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 2,85 % par rapport à 2010) et 433,11 millions d’euros en crédits de paiement (- 7,57 %).

Crédits du programme
« Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation (%)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Enseignement supérieur / insertion professionnelle

Dont réserve parlementaire 2010

237

0,02

218,94

0,02

247,64

225,16

+ 4,49

+ 2,84

Éducation artistique et culturelle

Prise en compte du « transfert » au CNC **

Dont réserve parlementaire 2010

31,95

0,06

33,49

0,06

30,77

2,116

31,42

2,116

- 3,69

+ 2,93

- 6,18

+ 0,14

Enseignement spécialisé

29,46

29,46

29,46

29,46

0,00

0,00

Actions en faveur de l’accès à la culture

Prise en compte du « transfert » au CNC **

Dont réserve parlementaire 2010

54,23

7,94

54,02

7,94

45,73

3,466

45,53

3,466

- 15,67

- 9,28

- 15,72

- 9,3

Action culturelle internationale

Prise en compte du « transfert » au CNC **

Dont réserve parlementaire 2010

17,52

0,12

17,52

0,12

9,01

8,421

9,01

8,421

- 48,57

- 0,51

- 48,57

- 0,51

Fonctions de soutien *

115,67

115,13

109,36

92,53

- 5,46

- 19,63

Total hors dépenses de personnel

485,83

468,56

471,97

433,11

- 2,85

- 7,57

Dépenses de personnel

628,89

628,89

634,56

634,56

0,90

0,90

Total

1 114,72

1 097,45

1 106,53

1 067,67

- 0,73

- 2,71

Total avec les crédits CNC

1 114,72

1 097,45

1 120,53

1 081,67

+ 0,52

- 1,44

* Hors dépenses de personnel - ** Sur la base des montants budgétés en 2010 (voir ci-dessous).

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Ces baisses très importantes s’expliquent selon le ministère par le fait que le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) prendra à sa charge, à partir de 2011, des actions financées jusqu’à présent par le ministère, à hauteur de 14 millions d’euros : actions de diffusion auprès de certains publics, en particulier éducation à l’image, actions de restauration des films anciens, programmes européens et actions internationales. Ces actions étaient auparavant déjà gérées par le CNC mais financées par le budget du ministère.

Actions financées par le ministère en 2010

(En millions d’euros)

Soutien à l’éducation artistique et culturelle

2,116

Actions en faveur de l’accès à la culture

3,466

Action culturelle internationale

8,421

Total

14,003

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Selon le CNC, « la dynamique des recettes du Centre permettra un transfert qui maintiendra les financements alloués à ces actions, voire les améliorera – ainsi pour tenir compte de la demande du ministre d’augmenter le budget de la commission Fonds Sud ». 

Par ailleurs, même si les crédits de la Cinémathèque ne se trouvent plus dans la mission « Culture » – ils ont été transférés sur la mission « Médias » –, la rapporteure pour avis tient à souligner que le CNC prendra également à sa charge en 2011 la moitié de la subvention allouée par le ministère à la Cinémathèque française, soit 11 millions d’euros.

La rapporteure pour avis tient ici à faire part de son inquiétude sur cette « débudgétisation » déguisée de l’action culturelle : que se passera-t-il demain si le budget du CNC devient moins dynamique ? Devra-t-il choisir entre action culturelle et financement de la création ? Là encore, il est inadmissible que la culture seule finance la culture !

Ces « transferts », comme le ministère les appellent mais qui n’en sont pas puisque les crédits ministériels ne sont absolument pas « transférés » au CNC, cachent en réalité mal une réelle baisse des crédits budgétaires alloués à l’action culturelle au sens large et le très fort désengagement du ministère sur la question de l’action en faveur de l’accès à la culture alors que les crédits ont été particulièrement maltraités en 2008, ont stagné en 2009 et alors que le ministre fait de la « culture pour chacun » un axe de sa politique… Quel paradoxe ! Par ailleurs, même en prenant en compte les crédits du CNC, les crédits de paiement du programme baissent encore de 1,44 %…

De la même manière, même en prenant en compte les crédits alloués par le CNC, l’action en faveur de l’accès à la culture subit cette année encore une fois une réduction drastique de ses moyens budgétaires, déjà mis à mal au cours des dernières années. La baisse est de 15,72 % sans prise en compte des crédits CNC et reste de 9,3 % en les incluant. Selon le ministère, cette baisse s’explique par le fait que la loi de finances initiale pour 2010 intègre la réserve parlementaire à hauteur de 7,94 millions d’euros, tandis qu’elle ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2011 puisqu’elle sera ajoutée par la suite. Il faudrait donc comparer le PLF 2011 à la LFI 2010 hors réserve parlementaire… La rapporteure pour avis dénonce cette absence de lisibilité des crédits. Par ailleurs, l’argumentation du ministère est surprenante car si la réserve parlementaire a déjà servi à pallier le désengagement de l’État en 2010, il n’est pas dit qu’elle viendra s’ajouter à un niveau identique et sur les mêmes actions en 2011, même si l’on ne peut que souhaiter que, cette année encore, les parlementaires viennent renforcer le budget de cette action.

L’examen du projet annuel de performances permet malheureusement de mieux comprendre comment se répartissent les coupes budgétaires : les pratiques amateurs sont cette année encore très touchées alors que ces crédits financent l’animation de réseaux nationaux tels que les fédérations d’éducation populaire
– dont les crédits sont également mis à mal par le ministère de la jeunesse –, les grandes fédérations nationales d’amateurs en musique, danse et théâtre, les fédérations des associations de développement culturel territorial, ainsi que les structures qui, sur l’ensemble du territoire, accompagnent les pratiques amateurs (théâtre, associations, etc.). Comment parler de démocratisation de la culture et développer une véritable politique d’aménagement culturel du territoire sans ses structures ? Comment seront-elles demain financées ?

L’inquiétude est réelle et les associations d’éducation populaire auditionnées par la rapporteure pour avis lui ont fait part d’une très forte inquiétude sur le terrain : le désengagement de l’État est dramatique, d’autant qu’il se conjugue avec les interrogations des collectivités sur l’avenir de leurs compétences et de leur budget. La conjonction des deux conduit à des baisses de subventions souvent drastiques pour ces structures pourtant fondamentales dans notre politique d’action culturelle. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple (3), la mort programmée de l’association Danse au cœur qui a vu la même année la DRAC et la Région Centre supprimer ses subventions, alors que son action est reconnue depuis des années dans le secteur de l’éducation artistique.

Dépenses d’intervention de l’action « accès à la culture » 2010-2011

(En millions d’euros)

 

PLF 2010

PLF 2011

Variation (%)

Bénéficiaires

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pratiques amateurs

5,73

5,48

4,08

4,08

- 28,80

- 25,55

Publics spécifiques et diversité culturelle

15,42

15,09

14,25

14,25

- 7,59

- 5,57

Nouvelles pratiques culturelles et nouvelles technologies

4,98

4,74

5,11

5,58

+ 2,61

+ 17,72

Politiques territoriales

17,52

18,13

19,13

18,45

+ 9,19

+ 1,77

Outre mer

   

1,40

1,40

 

 

Total

45,53

45,32

43,97

43,76

- 3,43

- 3,44

Source : ministère du budget – projets annuels de performances 2010 et 2011.

De même, les crédits destinés aux publics dits « spécifiques », les plus éloignés de la culture, sont en baisse de plus de 5 %. Le ministre doit s’expliquer sur ces deux points.

L’éducation artistique et culturelle voit ses crédits stagner si l’on prend en compte les actions financées par le CNC (+ 0,14 %), ce qui équivaut à un budget en baisse en valeur réelle. Là encore, le ministère explique que ce n’est pas le cas « hors réserve parlementaire »… La rapporteure pour avis le déplore vivement et reviendra sur ce point dans la deuxième partie de son avis.

Les crédits aux établissements d’enseignement sont quant à eux en hausse de 2,84 % en crédits de paiement et de près de 4,5 % en autorisations d’engagement. Par ailleurs, selon les informations communiquées par le ministère, en matière d’emploi, les emplois d’enseignants du ministère de la culture seront exonérés en 2011 de la règle du non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite.

Ces efforts ont vocation à permettre la poursuite de l’intégration de l’enseignement supérieur dépendant du ministère de la culture dans le schéma européen Licence–Master-Doctorat (LMD) et l’accomplissement de projets d’investissements nécessaires, mais aussi à soutenir le niveau d’insertion professionnelle qui s’établit aujourd’hui seulement à 80 % après 3 ans.

D. LA NÉCESSAIRE SUPPRESSION DU CONSEIL POUR LA CRÉATION ARTISTIQUE

Lors de ses vœux au monde culturel en janvier 2009 à Nîmes, le Président de la République indiquait avoir demandé « qu’on crée un Conseil pour la création artistique, instance que nous présiderons, Christine Albanel et moi, et qui sera animée par une personnalité importante de notre vie culturelle, Marin Karmitz. Je crois que l’État est parfaitement légitime pour financer la création, mais il doit concevoir son action en association étroite avec les artistes, les professionnels et le public ». À l’instar de M. Marcel Rogemont, l’an passé, la rapporteure pour avis dénonce à nouveau vigoureusement la création et l’objet même de cette structure ad hoc, évoluant sans aucune coordination avec les actions entreprises par le ministère de la culture, « comme s’il fallait compenser l’indigence des crédits alloués à la démocratisation culturelle par des initiatives complètement déconnectées de l’action menée sur le terrain » (4).

1. Un guichet de trop…

La rapporteure pour avis s’interroge : n’est-ce pas la vocation première des crédits du ministère que d’apporter des « réponses pragmatiques » à des questions telles que le soutien à la vitalité de la création artistique en France, le rayonnement international des artistes, l’accès de tous aux œuvres de l’esprit, la promotion de la culture comme éléments structurant du « vivre ensemble » dans notre société ? Telle est en effet la mission assignée au Conseil. Persiste cette année, comme l’an passé, l’impression étrange que cet « ovni » n’a rien à faire dans le paysage culturel français et qu’il tente simplement de masquer le fait que la direction générale de la création et le secrétariat général du ministère n’ont malheureusement plus les moyens de mettre en musique les paroles présidentielle et ministérielle du fait de coupes récurrentes dans leurs budgets au cours des dernières années.

Par ailleurs, le risque est grand de voir les actions financées par le Conseil « doublonner » celles que le ministère tente de mettre en place sur le long terme, année après année. À force de saupoudrer des crédits sur des actions de court terme, on risque de perdre tout le bénéfice d’une action culturelle de longue haleine. Les projets financés – qui n’ont d’ailleurs rien de particulièrement novateur mais disposent simplement des fonds dont le ministère ne dispose plus depuis des années – entretiennent cette inquiétude et le Conseil contribue à alimenter cette logique de guichet néfaste à la cohésion de notre politique culturelle. Pour ne prendre qu’un exemple, alors que le Théâtre national de Bordeaux dispose d’un million d’euros de marge artistique, il a été contacté par le Conseil pour participer à l’opération « Imaginez maintenant » et s’est vu proposer la somme de 350 000 euros (5) !

Par ailleurs, à la lecture des projets retenus, la rapporteure pour avis s’interroge sur la pertinence de certains :

Projets engagés par le Conseil

– L’Orchestre des jeunes : projet porté par l’Association de prévention du site de la Villette, l’Orchestre de Paris et l’Orchestre Divertimento de Stains et fondé sur le modèle de la Fondation Sistema au Venezuela. Création d’un orchestre de 450 jeunes, issus des quartiers défavorisés et âgés de 7 à 12 ans. Le projet est financé jusqu’en 2012. Budget engagé en 2009 et 2010 : 1,89 million d’euros.

– « Imaginez maintenant » : manifestation qui s’est déroulée du 1er au 4 juillet dernier pour « repérer et rendre visible la créativité des jeunes ». Elle reposait sur les projets conçus et définis par sept structures et une collectivité réparties sur le territoire national. Budget engagé : 204 990 euros.

– La Cinémathèque en ligne : création d’une plateforme VOD éditorialisée qui « doit fonctionner comme une véritable boutique attractive en phase avec les nouveaux modes de consommation des jeunes (émotion, information, partage, discussion, play list) ». Budget engagé : 151 716 euros.

– La Colline des arts : « il s’agit de réinterpréter de façon contemporaine, en tenant compte des nouvelles pratiques culturelles, les maisons de la culture créées par André Malraux ». Le projet vise à mettre en commun un certain nombre d’institutions culturelles de la colline de Chaillot en vue de développer des activités communes. Budget engagé : 177 388 euros.

– Monet Numérique : dans le cadre de l’exposition organisée par la Réunion des musées nationaux (RMN) aux Galeries nationales du Grand Palais, soutien à la mise en ligne de contenus innovants ; Budget engagé : 350 000 euros.

– La diffusion de la pensée française à l’étranger : en collaboration avec la Villa Gillet de Lyon (6) afin de renforcer le rayonnement international de la pensée française à l’étranger dans le domaine des sciences humaines et sociales, soutien à la traduction et la mise en ligne des articles des grandes revues françaises de sciences humaines et sociales et valorisation des chercheurs à l’étranger. Budget engagé : 1,365 million d’euros.

– Le Centre Pompidou mobile : projet de création d’un espace d’exposition nomade d’environ 1 000 m²pour mettre à la portée de tous les territoires des œuvres majeures. Budget engagé : 500 000 euros.

– Captation d’opéras en haute définition : rediffusion par des scènes publiques (scènes nationales, CDN, maisons d’opéras, universités, réseaux des instituts culturels français à l’étranger) d’opéras des grandes scènes lyriques françaises et européennes. Budget engagé : 37 000 euros.

Comme son collègue l’an passé, la rapporteure pour avis s’étonne de « cette liste d’actions égrenées sans autre formulation politique, comme si la profusion créait, voire nourrissait, une politique ? ». Les budgets alloués à ces opérations sont pour la plupart exorbitants. Qui, en région, ne serait pas capable de faire aussi bien, voire mieux, avec autant de subventions !

2. … dont le budget entretient l’ambiguïté

Rappelons que les dossiers de subventions décidés par le Conseil sont instruits par l’équipe du délégué général du Conseil mais exécutés juridiquement et financièrement par les services du ministère de la culture et de la communication.

Sollicité par la rapporteure pour avis, le cabinet du ministre indique que les « crédits d’intervention du Conseil n’ont jamais été budgétés en projet de loi de finances. Cette année, 10 millions d’euros sont prévus en loi de finances rectificative (LFR) et le mécanisme devrait être le même en 2011 ». Il s’agirait donc d’une ouverture additionnelle de crédits sur la mission « Culture », arbitrée en ce sens par le Premier ministre. Il reste que ces crédits sont bien exécutés juridiquement et financièrement par le ministère, ce qui entretient la confusion. Par ailleurs, suivant les projets, les crédits sont abondés par des financements provenant d’autres ministères (éducation nationale et enseignement supérieur, jeunesse et solidarités actives, Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – Acsé) ou du secteur privé.

En 2009, le budget prévu était de 5 millions d’euros. Le Conseil a reçu 2,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement et a consommé 2,57 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,97 million d’euros en crédits de paiement. Selon le ministère, « des reports à hauteur de la différence ont été effectués sur l’exercice 2010 ». 

En 2010, 2,25 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,2 millions d’euros en crédits de paiement, issus de la dotation 2009, ont donc été reportés – ponctionnant d’ailleurs au passage d’autant les capacités de report du programme « Transmission des savoirs », plafonnées à 3 % du programme, ce qui est très problématique pour les projets d’investissement du programme – et ont servi à financer les actions menées jusqu’en septembre.

À ces reports devait donc s’ajouter un budget de 10 millions d’euros non reçu à ce jour du ministère des finances et qui devrait être débloqué lors de la prochaine loi de finances rectificative pour 2010, en janvier 2011. Pour 2011, les crédits non engagés en 2010 feront également l’objet d’un report et « aucun crédit n’est prévu au PLF 2011 » pour le Conseil.

En septembre 2010, selon les informations fournies par le ministère, le Conseil n’avait pas commencé à consommer au-delà des reports 2009. Il semblerait que la situation soit différente en octobre puisque de nouveaux projets ont dû être financés, à hauteur de 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1,6 million d’euros en crédits de paiement, selon les informations communiquées par le ministère de la culture. Les 10 millions d’euros n’ayant pas été versés, le ministère a été dans l’obligation d’avancer les sommes en retardant le paiement de subventions à certains établissements publics financés sur le programme « Transmission des savoirs ».

Si, début 2011, les crédits 2010 du Conseil ne sont pas débloqués en LFR ou à une hauteur insuffisante, la situation va devenir intenable car étant donné le niveau des crédits 2011 du programme « Transmission des savoirs », il sera impossible de tenir les engagements du ministre en matière de « culture pour chacun » tout en finançant le Conseil. Par ailleurs, en 2011, les reports de crédits 2010 vont se monter à plus de 8 millions d’euros en crédits de paiement, sur les près de 13 millions d’euros de reports autorisés pour le programme « Transmission des savoirs », fragilisant à nouveau et de manière bien plus importante qu’en 2010 les opérations d’investissement du ministère.

La situation n’est pas tenable et il convient que le Gouvernement prenne très vite ses responsabilités.

Par ailleurs, il semblerait que le ministère de la culture soit également chargé de lancer et de financer deux appels à projet d’un montant maximum de 60 000 euros pour le compte du Conseil, alors que ce type de mission relève très clairement du fonctionnement du Conseil et donc des crédits et personnels normalement alloués par les Services du Premier ministre. Le ministère a confirmé qu’il était chargé de lancer ces appels à projet en 2010, mais qu’ils ne seraient engagés et payés qu’en 2011, sur les crédits du programme « Transmission des savoirs ».

La rapporteure pour avis demande donc instamment la suppression de cette structure et la réallocation des fonds dont elle dispose au programme « Transmission des savoirs » de la mission « Culture ».

II.- ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE : QUEL BILAN ET QUELLES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES ?

Comme le rappelait M. Éric Gross, inspecteur général de l’Éducation nationale, dans son rapport de 2007, « avec la garantie des droits des créateurs, l’éducation artistique et culturelle a occupé, pendant toute la campagne présidentielle, une place centrale dans le débat sur la culture » (7). Le Président de la République soulignait effectivement dans la lettre de mission envoyée le 1er août 2007 à Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture, l’échec de la démocratisation culturelle parce qu’elle ne s’était notamment pas appuyée sur l’école. Il indiquait que l’éducation artistique et culturelle devait devenir une priorité commune du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale et qu’il s’agissait de « faire tomber la barrière qui s’est progressivement dressée entre le monde éducatif et le monde de la culture du fait de la séparation des deux ministères ».

Extrait des lettres de mission

À Mme Christine Albanel, ministre de la culture :

« L’école doit transmettre à tous les élèves les bases culturelles fondamentales leur permettant de connaître et d’aimer l’histoire, la lange et le patrimoine littéraire et artistique de notre pays – condition pour se sentir membres d’une même Nation –, de vivre en homme ou en femme libre, et d’apprécier, tout au long de leur vie, l’art, le spectacle, la littérature, et toutes les autres formes de pratiques culturelles. Nous pensons que la création d’un enseignement obligatoire d’histoire de l’art peut constituer le support de cette éducation culturelle qui fait aujourd’hui si cruellement défaut à nos enfants. Vous veillerez également à ce que tous les enfants, durant toute leur scolarité, puissent avoir une pratique artistique effective, en diversifiant les possibilités et en favorisant les pratiques collectives. Chaque établissement scolaire devra établir des liens privilégiés avec un établissement culturel. L’épreuve artistique au baccalauréat sera davantage valorisée ».

À M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale :

« Nous voulons que l’enseignement culturel et artistique soit significativement renforcé car c’est un facteur d’élévation individuelle et collective, et, dans un pays comme le nôtre, attaché à sa langue et à la vigueur de sa culture, un élément d’identité nationale. Vous créerez à cet effet, notamment, un enseignement obligatoire de l’histoire de l’art et vous veillerez à la transmission du patrimoine littéraire de notre pays. L’école d’un grand pays doit faire lire de grands textes. Vous ferez en sorte que, de la maternelle au baccalauréat, tous les élèves aient une pratique artistique. L’épreuve de pratique artistique au baccalauréat sera valorisée. Vous inciterez par ailleurs chaque établissement scolaire à établir des liens avec un établissement culturel permettant, entre autres, des échanges entre les élèves et les artistes ».

Cette thématique représente un enjeu constant depuis une trentaine d’années et fait l’objet de débats récurrents. En décembre 2004 déjà, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre Assemblée avait donné pour mission à Mme Muriel Marland-Militello, députée des Alpes-Maritimes, de se pencher sur cette problématique et mener une réflexion sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques. Elle soulignait dès l’introduction de son rapport que « les moyens humains et financiers alloués à la formation des maîtres et à l’éducation artistique des élèves n’ont jamais permis de traduire dans la réalité [l]es bonnes intentions » et qu’en « dépit de la grande richesse des initiatives et des projets d’éducation artistique et de la qualité des enseignants comme des intervenants œuvrant dans ce domaine, l’éducation artistique est loin de bénéficier à tous » (8).

Qu’en est-il aujourd’hui ? La rapporteure pour avis a voulu mesurer les progrès accomplis depuis 2005 sur cette thématique et vérifier l’adéquation de la pratique du ministère de la culture avec la parole présidentielle, mais surtout avec la mise en œuvre par le ministère de l’éducation nationale des moyens pour répondre à l’injonction présidentielle. L’ambition est immense : il s’agit qu’un enfant, un jeune, de la maternelle à l’université, ait la chance, à un moment ou à un autre, d’accéder à une expérience et une pratique culturelles ou artistiques. La rapporteure pour avis estime que cette expérience doit prendre place de préférence durant le temps scolaire, pour avoir un réel effet en termes de démocratisation culturelle.

A. QUELQUES ÉLÉMENTS D’HISTOIRE ET DE CONTEXTE : UNE PRIORITÉ SANS CESSE RÉAFFIRMÉE

L’éducation artistique et culturelle désigne un ensemble d’enseignements
– les enseignements artistiques et l’enseignement de l’histoire des arts – et de pratiques effectuées pendant et en dehors du temps scolaire, liées à des dispositifs de partenariats 
(9) mis en place par les ministères de la culture et de l’éducation nationale au cours de ces trente dernières années. L’ensemble des champs artistiques et culturels est pris en compte et non pas seulement la musique, les arts plastiques et l’histoire des arts, seules matières faisant l’objet d’un enseignement obligatoire. L’ensemble des enseignements doit également être mis à contribution. En effet, « indépendamment de leur intérêt intrinsèque, les méthodes pragmatiques et souvent attractives de la pédagogie artistique facilitent l’acquisition des autres savoirs en développant des enseignements empiriques et transversaux » (10). L’enjeu majeur de toute politique d’éducation artistique et culturelle est donc d’intégrer une dimension culturelle et une dimension artistique dans tous les enseignements, tout en permettant à tous les enfants d’accéder à la pratique artistique.

Toutes les classes d’âge sont concernées, y compris la petite enfance, où les actions d’éveil culturel et artistique des tout petits peuvent être considérées comme la première étape d’un processus d’éducation qui devra durer tout au long de la vie. À ce titre, la rapporteure pour avis s’inquiète de la baisse de qualification des personnels travaillant dans le secteur de la petite enfance : cette baisse de qualification affecte leur perception de l’importance de l’éducation artistique et culturelle, selon plusieurs associations auditionnées – notamment l’association Enfance et musique – qui développent depuis des années des formations dans le secteur.

1. Un concept ambitieux

L’éducation artistique et culturelle est en France une mission partagée par un vaste ensemble d’acteurs. Elle est assurée en mobilisant des compétences diverses : enseignants, éducateurs et des intervenants extérieurs, artistes et professionnels de la culture. Elle conduit les structures artistiques et culturelles à intégrer un volet d’action éducative dans leurs projets artistiques et culturels, et devrait conduire à la prise en compte de la dimension artistique et culturelle dans les projets d’écoles ou d’établissements scolaires et dans les projets éducatifs locaux élaborés par les collectivités territoriales en concertation avec les services de l’État.

Les actions en matière d’éducation artistique et culturelle s’organisent aujourd’hui autour de trois axes :

– le rapport direct aux œuvres (représentations de spectacles, concerts, visites d’expositions, lectures …) ;

– l’approche analytique et cognitive des œuvres, leur contextualisation (conférences, enseignement de l’histoire des arts, mise en relation avec les autres champs du savoir, etc.) ;

– la pratique effective dans le cadre d’ateliers.

La fréquentation des œuvres, l’approche culturelle et la pratique se nourrissent mutuellement et participent en ce sens à la construction de l’identité culturelle de l’individu. Mme Marland-Militello le soulignait dans son rapport, « l’éducation artistique participe indiscutablement à la construction de la personnalité en développant particulièrement les aptitudes liées à la sensibilité, à l’imagination créatrice, tout en proposant des références culturelles et artistiques communes pour construire du lien social et, par delà, accéder à l’ensemble des valeurs humanistes transmises à l’école » (11).

L’idée que l’acte de transmission dans le champ de l’éducation artistique et culturelle n’est pas réductible à un enseignement sous-tend l’émergence de cette nouvelle conception de la politique éducative. Au-delà d’un enseignement stricto sensu, l’éducation artistique et culturelle doit développer chez les enfants et les jeunes la capacité à poser un regard personnel sur le monde. Elle fait appel pour cela à leur sensibilité et rend nécessaire la mise en place de dispositifs où les enfants et les jeunes adoptent une posture active leur permettant de découvrir par eux-mêmes la pluralité des regards singuliers posés par les artistes sur le monde et l’enjeu que constitue la confrontation des imaginaires des uns et des autres.

2. Un discours étonnamment constant

Si les querelles entre l’institution chargée de « faire connaître » et celle chargée de « faire aimer », selon les termes d’André Malraux, sont aussi anciennes que le ministère de la culture, il n’en reste pas moins que l’importance du « sensible » et de la curiosité dans la construction des plus jeunes de nos concitoyens est soulignée de longue date.

Déjà, Fénelon, dans son Traité sur l’éducation des filles, soulignait que « la curiosité des enfants est un penchant de la nature qui va comme au-devant de l’instruction ». Plus tard, le 2 avril 1792, devant l’Assemblée nationale législative, Condorcet exposait sa conception de l’instruction publique et rappelait l’importance de stimuler tous les talents des enfants. L’instruction publique doit, selon ses termes, se fixer pour mission d’« assurer à chacun la facilité de (…) se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi : tel doit être le premier but d’une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice ». Au XIXe siècle, Ernest Renan, dans Souvenirs d’enfance, estime que « l’essentiel de l’éducation, ce n’est pas la doctrine enseignée, c’est l’éveil ».

À partir des années 80, même si elle suscite encore parfois quelques réticences, l’idée dominante est bien de réconcilier « le sensé et le sensible » (12). En 2000, M. Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, déclarait qu’il n’y a pas « d’autre lieu que l’école pour organiser la rencontre de tous avec l’art, il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour instaurer de manière précoce le contact avec les œuvres. Il n’y a pas, enfin, d’autre lieu que l’école pour réduire les inégalités d’accès à l’art et à la culture ». Plus récemment, en janvier 2005, le plan de relance de MM. François Fillon et Renaud Donnedieu de Vabres qualifiait l’éducation artistique de « composante essentielle de la formation des enfants d’âge scolaire et des jeunes ».

La nécessité d’une éducation artistique et culturelle au sens où nous l’entendons aujourd’hui s’est progressivement affirmée contre l’idée qui a prévalu dans les milieux culturels jusque dans les années 70, selon laquelle l’œuvre d’art, par sa seule présence, serait susceptible de susciter l’adhésion du public, toute action de médiation étant suspectée d’altérer la relation aux œuvres. À l’inverse aujourd’hui, on estime que l’appréhension des œuvres, la construction du jugement esthétique, la réceptivité aux formes nouvelles d’expression artistique se nourrissent de l’apprentissage des codes esthétiques et de la mise en relation des œuvres et des styles qui ont fait l’histoire des arts.

Rappelons que le premier accord de coopération entre les ministères de la culture et de l’éducation nationale date du mois d’avril 1983. Jusqu’alors, la notion d’éducation artistique et culturelle était assimilée aux seuls enseignements de la musique et du dessin dans les établissements scolaires, et à ceux dispensés en dehors du temps scolaire par les conservatoires et écoles municipales de musique.

L’importance de l’éducation artistique et culturelle dans la formation des enfants et des jeunes ne fait donc aujourd’hui plus débat. C’est une avancée non négligeable. La place qu’elle doit avoir dans les cursus a également été clairement affirmée. La loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École a affirmé l’obligation pour le système scolaire de garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compétences. L’éducation artistique et culturelle est l’une des composantes de ce socle, au titre du cinquième pilier : la « culture humaniste ».

Circulaire de rentrée 2010-2011

L’éducation artistique et culturelle y est inscrite au titre des fondamentaux (13).

« L’éducation artistique et la culture générale ne sauraient être l’apanage de quelques-uns. Elles sont des éléments clés de l’ouverture au monde. Elles traversent toutes les disciplines et illustrent, à ce titre, la nécessité d’une approche qui articule les savoirs entre eux.

« La mise en place d’un enseignement obligatoire d’histoire des arts de l’école primaire au lycée, auquel contribue l’ensemble des disciplines, garantit cet ancrage. Des ressources pour l’enseignement et la formation sont accessibles sur le portail interministériel modernisé dont se sont dotés le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture (education.arts.culture.fr), ainsi que sur le site spécifiquement élaboré par ce dernier pour l’enseignement de l’histoire des arts (histoiredesarts.culture.fr).

« Le plaisir de la lecture et le plaisir de la culture sont au centre des enjeux de transmission. L’accompagnement éducatif offre l’occasion d’une pratique artistique aux collégiens volontaires. Au lycée, l’art et la culture devront être parties intégrantes de la vie scolaire ; les actions spécifiques permettant la pratique artistique, le contact direct avec les œuvres, la rencontre avec les artistes et, plus généralement, la découverte culturelle sous toutes ses formes devront être développées.

« En particulier, des séances de projection de films emblématiques du patrimoine cinématographique mondial seront organisées au sein des lycées. Les salles et les équipements nécessaires aux projections devront être prévus. (…)

« La proximité de résidences d’artistes dans des structures culturelles fournit des opportunités de rencontres avec les artistes et les projets de résidences d’artistes au sein même du lycée, voire du collège, seront recherchés. »

L’éducation artistique et culturelle est par ailleurs désormais intégrée dans le décret d’attribution des ministres de la culture et de l’éducation nationale. C’est là encore une avancée non négligeable, un saut qualitatif que la rapporteure pour avis espère irréversible. Pour autant, la mise en musique de cette obligation est plus complexe qu’il n’y parait, comme la rapporteure pour avis va tenter de le démontrer.

3. Une succession de plans de relance

Il est surprenant de voir à quel point les « plans de relance » de l’éducation artistique et culturelle sont intervenus de manière régulière depuis plus de vingt ans, faisant toujours plus ou moins suite à des coups d’arrêt brutaux dans la politique menée.

On peut même s’interroger : réaffirmer – voire asséner – régulièrement de beaux principes peut-il tenir lieu de politique ? En 1993 par exemple, cinq ans après la loi relative aux enseignements artistiques et sept ans avant le plan Tasca-Lang, M. François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale, signait un protocole avec le ministère de la culture pour offrir à chaque enfant un « itinéraire cohérent d’initiation artistique », afin de donner aux élèves « les repères nécessaires à la fréquentation autonome des équipements culturels et à la rencontre avec les œuvres d’art ».

Rappelons en préambule que c’est M. Jack Lang, alors ministre de la culture, qui développe en 1982 le premier projet global d’éducation artistique, en décidant de renforcer la collaboration avec les promoteurs de l’action culturelle dans le monde scolaire. Cette nouvelle conception est confiée à une structure transversale créée en 1982 : la direction du développement culturel (DDC). À partir de 1982, le doublement des crédits permet par ailleurs d’assurer le développement de plusieurs types d’actions conjointes entre les ministères de l’éducation nationale et de la culture. Une grande partie de ce qui se fait actuellement résulte de ce qui a été mis en place suite à ce protocole : les classes culturelles, les classes du patrimoine sur le modèle des classes de neige progressivement étendues à tous les domaines artistiques (arts plastiques, théâtre, cinéma, métiers d’art, livre…) ; les ateliers de pratique artistique, qui concernent surtout les collèges et uniquement des élèves volontaires ; les options, réservées aux élèves volontaires des lycées, sont progressivement étendues au cinéma, au théâtre et à la danse, s’intègrent au cursus et sont sanctionnées au baccalauréat ; les programmes conjoints de formation d’enseignants et de professionnels ; la création de neuf centres de formation de musiciens intervenants (CFMI).

Après la disparition de la DDC en 1986, le dossier de l’action culturelle en milieu scolaire sera confié, sous le ministère Léotard, à la délégation aux enseignements et aux formations du ministère de la culture. La même année, une mission pour la promotion des enseignements artistiques dans le système scolaire est confiée par le Premier ministre, M. Jacques Chirac, à Marcel Landowski. Celui-ci, qui préconise un aménagement des rythmes scolaires, est un des maîtres d’œuvre de la loi votée en 1988.

a) La loi du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques

La loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques vise à donner un cadre juridique stable aux disciplines artistiques que sont la musique et les arts plastiques, en réaffirmant que les enseignements artistiques « font partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire ». Elle rappelle leur caractère obligatoire et la nécessité du partenariat entre enseignants et artistes ou structures culturelles.

b) Le plan « Tasca-Lang » de développement des arts et de la culture à l’école en 2000

Le 14 décembre 2000, M. Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, et Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, réaffirment l’importance de l’éducation artistique en annonçant un plan sur cinq ans de développement des arts et de la culture à l’école. On assiste alors au renforcement des enseignements artistiques obligatoires par la formation des maîtres et à une augmentation des moyens pédagogiques et des horaires alloués à ces disciplines, à une amélioration de la répartition sur le territoire national des offres d’options artistiques en lycée, à un accroissement des activités artistiques et culturelles facultatives. Le souhait de la généralisation des dispositifs (classes culturelles et ateliers artistiques) y est fortement réaffirmé et, pour ce faire, on crée la classe à projet artistique et culturel (PAC), au sein de laquelle l’activité artistique s’adresse à tous et non aux seuls élèves volontaires. Par ailleurs, les délégués académiques à l’action culturelle (DAAC) sont confirmés auprès des recteurs et des inspecteurs d’académie. Le plan insiste également sur le rôle de l’établissement scolaire comme pôle culturel dans les quartiers ou les zones rurales éloignées de l’offre culturelle. À l’époque, des moyens budgétaires importants sont débloqués et fléchés en direction de l’éducation artistique par le ministère de l’éducation nationale. Par ailleurs, des plans académiques pour les arts et la culture sont rédigés et des conférences régionales annuelles pour l’éducation artistique organisées pour permettre la circulation de l’information sur ces sujets.

c) Le plan de relance de l’éducation artistique et culturelle de MM. François Fillon et Renaud Donnedieu de Vabres en 2005

En 2002, lors du changement de majorité, l’application du plan Tasca-Lang est suspendue et les dispositifs d’éducation artistique voient leurs crédits diminuer drastiquement.

Financements par type de dispositif

(En euros)

Année scolaire

2002-2003

2003-2004

2004-2005

Variation
2002-2005

(%)

Classes à projet artistique et culturel

4 114 124,67

2 416 071,07

2 314 842,02

- 43,73

Ateliers artistiques

11 089 579,90

8 676 767,82

7 929 288,29

- 28,5

Projets d’action éducative

1 506 584,90

1 073 826,50

1 041 113,00

- 30,9

Jumelages

119 037,80

112 680,54

142 447,34

- 19,67

Services éducatifs

2 985 146,29

2 754 353,84

3 104 809,54

- 4,01

Autres dispositifs : contrats de plan, contrats locaux, etc.

4 206 771,65

1 928 962,68

2 123 468,57

- 49,52

TOTAL

24 021 245,21

16 962 662,45

16 655 968,76

- 30,66

Source : Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello, 29 juin 2005.

Devant les critiques de plus en plus nombreuses qui pointent face au désengagement de l’État, le 3 janvier 2005, M. François Fillon, alors ministre de l’éducation nationale, et M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, annoncent un « plan de relance de l’éducation artistique et culturelle », accompagné d’une circulaire interministérielle. Cette circulaire réaffirme que l’éducation artistique et culturelle est une composante essentielle de la formation des enfants d’âge scolaire et des jeunes, en rappelant à nouveau que cette politique est commune aux ministères chargés de l’éducation et de la culture. Les axes de travail retenus sont les suivants : recentrage de l’action de l’État et développement de stratégies partenariales ; meilleure formation ; mobilisation des établissements culturels, l’attribution de subventions de fonctionnement aux établissements culturels étant désormais subordonnée à la production d’une action éducative ; meilleure prise en compte des nouveaux enjeux de la société avec le développement de l’éducation aux œuvres produites par les industries culturelles.

d) Le plan gouvernemental d’action en faveur de l’éducation artistique et culturelle du 24 avril 2008

En 2008, alors qu’aucune évaluation n’a réellement été menée sur les effets du précédent plan, Mme Christine Albanel et M. Xavier Darcos, alors respectivement ministres de la culture et de l’éducation nationale ont présenté un nouveau plan gouvernemental qui a été mis en œuvre par une circulaire interministérielle, signée par les deux ministres le 24 avril 2008. Cette circulaire reste la référence du dispositif actuellement en vigueur (14). Confortant les principales dispositions du plan de relance de 2005, le plan, largement préparé par le rapport remis par Éric Gross en 2007 (15), réaffirme l’intégration d’ici 2009, en concertation avec les collectivités locales, de la mission d’éducation artistique et culturelle dans les cahiers des charges de l’ensemble des structures artistiques et culturelles subventionnées par l’État et dans les contrats de performance de tous les établissements publics du ministère de la culture et de la communication, ainsi qu’en parallèle, l’inscription d’une dimension artistique et culturelle dans tous les projets d’établissements scolaires.

Il prévoit également la multiplication par quatre du nombre de classes à horaires aménagés et leur extension au domaine des arts plastiques et du théâtre ; le développement, dans et hors l’école, des pratiques artistiques, en portant une attention particulière au développement des ateliers de pratique artistique animés par des enseignants et des artistes ou professionnels de la culture. À ce titre, les artistes accueillis en résidence sur subvention de l’État consacreront un tiers de leur temps à des interventions et des ateliers en milieu scolaire ; l’évolution des concours de recrutement, de la formation initiale et continue des enseignants pour répondre aux orientations du plan gouvernemental ; la création d’un grand portail interministériel de l’éducation artistique et culturelle destiné à offrir à la communauté scolaire les ressources numériques produites par les institutions culturelles et par l’éducation nationale.

Outre ces dispositions, ce qui est considéré comme l’avancée principale de ce plan réside en la création d’un nouvel enseignement d’« histoire des arts ». Intégré dans les programmes de l’école primaire à la rentrée 2008, l’enseignement de l’histoire des arts est intégré dans ceux du collège en 2009, et à ceux du lycée à partir de la rentrée 2010, « de façon à proposer aux élèves un parcours cohérent et à faire émerger une culture commune », selon les termes du ministère de la culture. Il a donné lieu à une épreuve optionnelle au brevet des collèges en 2010, épreuve qui devient obligatoire pour la session 2011.

B. UNE RECONNAISSANCE OFFICIELLE LARGEMENT CONTREDITE PAR LES FAITS

Alors que le treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui a valeur constitutionnelle, « garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à (…) la culture » et que de nombreux projets, textes réglementaires et déclarations ont vu le jour au cours de trente dernières années, réaffirmant régulièrement l’importance de l’éducation artistique et culturelle, il semble que la pratique en la matière soit nettement plus fluctuante, voire contredise trop souvent les ambitions initialement affichées. L’ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis lui ont fait part d’une très forte inquiétude, tant du corps enseignant que des institutions culturelles, liée au désengagement croissant du ministère de l’éducation nationale sur la thématique de l’éducation artistique et culturelle.

Au-delà des discours, qu’en est-il des actes ? Sur plusieurs points, les difficultés de relation entre culture et éducation nationale restent encore criantes. Par ailleurs, la lisibilité de l’action du ministère de l’éducation nationale en région est problématique. Enfin, la question de la formation des enseignants est très préoccupante.

La coordination interministérielle : où en est-on ?

Un groupe de pilotage interministériel chargé de gérer cette thématique a été institué en 1999. Instance d’étude, de discussion et d’élaboration de propositions à soumettre aux ministres et à leurs cabinets, il visait essentiellement à simplifier les procédures et dispositifs existants, à contribuer à la généralisation des pratiques ayant fait leur preuve, à développer les actions de formation des enseignants et à inscrire les actions dans la durée. Selon les informations communiquées par le ministère de la culture, « le groupe de pilotage interministériel ne s’est jamais réuni au cours des neuf dernières années ». Il est aujourd’hui indispensable de réactiver une instance de coordination, seule susceptible de garantir l’existence et le suivi d’objectifs communs entre les deux ministères.

De même, au niveau régional, des groupes de pilotages régionaux étaient chargés de développer, coordonner et évaluer l’ensemble des actions menées en partenariat entre l’État et les collectivités locales dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle. Or, selon le ministère, « force est de constater que les groupes de pilotages régionaux (…) peinent encore à se mettre en place. Ils constituent au mieux des espaces de circulation de l’information et sont loin d’assurer la fonction de co-pilotage ».

Le plan de 2008 prévoit par ailleurs, dans chaque académie, la signature de conventions associant les services déconcentrés de l’État (recteur, Préfet de région) et les collectivités territoriales. À la signature d’une convention globale associant l’ensemble de ces partenaires, qui s’avère difficile à élaborer et dénuée d’efficacité, les DRAC privilégient depuis 2010 la signature de conventions bilatérales entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l’éducation nationale, en les déclinant ensuite par des conventions spécifiques autour d’un objet (un territoire, un domaine artistique ou une structure culturelle) en y associant l’ensemble des partenaires concernés. Plus souple, cette forme répond plus efficacement aux objectifs de généralisation de l’éducation artistique et culturelle.

1. Les budgets alloués à l’éducation artistique et culturelle ne sont pas à la hauteur des ambitions

Si, au sein du budget du ministère de la culture, la priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle peut être évaluée du fait de l’existence d’une action spécifiquement dédiée, la question est beaucoup plus complexe au sein du budget du ministère de l’éducation nationale. La rapporteure pour avis déplore cette absence de lisibilité, d’ailleurs dénoncée dès 2005 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales qui plaidait déjà pour une action dédiée. Le ministère de l’éducation nationale reconnaît pudiquement que « la mise en place de la LOLF dans les services déconcentrés du ministère et la globalisation des crédits obligent à concevoir de nouveaux modes de pilotage »…

a) L’éducation artistique au sein du programme « Transmission des savoirs » : une stagnation persistante

Les crédits en faveur de l’éducation artistique et culturelle sont regroupés sur l’action « éducation artistique et culturelle » du programme « Transmission des savoirs ».

Évolution des crédits de l’action sur dix ans

(En millions d’euros)

 

Montant

Variation annuelle
(%)

2001

32,79

 

2002

31,93

- 2,62

2003

33,96

+ 6,36

2004

32,57

- 4,09

2005

31,69

- 2,70

2006

31,71

+ 0,06

2007

32,31

+ 1,89

2008

32,69

+ 1,18

2009

32,27

- 1,28

2010

33,49

+ 3,78

PLF 2011

33,53*

+ 0,12

Var. 2011/2001

 

+ 2,26

Source : ministère de la culture et projets annuels de performances.

La quasi-totalité de ces crédits est déconcentrée. L’évolution est peu encourageante puisque la hausse n’est que de 2,26 % sur dix ans. Par ailleurs, ce montant devrait être rapporté et comparé aux sommes – non quantifiables d’ailleurs car elles ne font l’objet d’aucune action budgétaire spécifique – investies par l’ensemble des institutions culturelles. Le « jaune », document récapitulant l’effort financier de l’État dans le domaine culturel pour 2010, évalue à 24 millions d’euros l’effort fourni par les opérateurs du ministère de la culture. Mais cela ne recouvre pas les efforts fournis par les autres institutions culturelles subventionnées par le ministère.

Il conviendrait que le ministère de la culture dispose d’une comptabilité analytique plus précise, notamment pour extraire les crédits d’éducation artistique des deux autres programmes de la mission, mais également afin de fournir une évaluation précise des sommes investies par chaque secteur.

Par ailleurs, au niveau déconcentré, le tableau est contrasté. Lorsque l’on reprend la ventilation de l’action « éducation artistique » dans les budgets des DRAC, la baisse des moyens alloués aux dispositifs partenariaux et aux programmes de sensibilisation est flagrante, alors que les projets fédérateurs et la formation semblent plus favorisés (16).

Ventilation des budgets des DRAC

(En euros)

 

Exécuté 2008

PLF 2009

PLF 2010

PLF 2011

Dispositifs partenariaux (classes à PAC, classes culturelles, ateliers, options obligatoires, options facultatives, autres)

8 459 160

8 338 256

8 297 611

8 158 942

Projets fédérateurs (missions d’actions éducatives, jumelages, conventions avec les collectivités locales, résidences, projets d’établissement, inter-établissements, espaces de rencontre avec l’œuvre)

8 976 790

8 813 301

9 581 187

10 956 084

Hors temps scolaire (contrats éducatifs locaux, etc.)

1 055 802

998 584

918 431

930 201

Actions de formation et de documentation (formations d’enseignants, outils pédagogiques, formations de professionnels de la culture à l’intervention en milieu scolaire)

4 371 186

4 244 591

5 035 089

4 924 071

Programmes de sensibilisation (écoles, collèges et lycées au cinéma, adoptez un jardin, architecture au collège, autres)

2 159 626

2 213 509

1 823 014

1 742 760

Autres actions (lycées agricoles, action culturelle dans des établissements d’enseignement supérieur, éducation à la culture scientifique et technique, divers : petite enfance, secteur médico-social)

1 991 781

1 722 172

2 056 025

2 562 228

Total action 02

27 014 345

26 330 413

27 711 357

29 274 286

Source : ministère de la culture.

b) L’éducation artistique au sein du budget du ministère de l’éducation nationale : une évaluation délicate

 Les crédits budgétaires

L’étude des données fournies par le ministère de l’éducation nationale pose problème et leur évolution n’est en rien significative d’un investissement budgétaire accru du ministère de l’éducation nationale en faveur de l’éducation artistique.

Tableau de synthèse de l’effort financier
du ministère de l’éducation nationale dans le domaine culturel

(En euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011
(prévision PLF)

 

AE = CP

AE = CP

AE = CP

AE = CP

AE = CP

Programme 140

(crédits ouverts en LFI)

 

 

 

 

 

1er degré

569 942 164

594 965 281

694 236 787

727 034 826

738 914 714

dont titre 2

567 542 164

591 896 497

690 806 787

724 154 826

736 034 714

dont autres titres

2 400 000

3 068 784

3 430 000

2 880 000

2 880 000

Programme 141

(crédits ouverts en LFI)

 

 

 

 

 

2e degré

959 060 544

967 014 974

1 014 520 031

1 022 232 305

1 037 810 455

dont titre 2

944 519 844

958 714 974

1 007 747 571

1 015 491 400

1 031 069 550

dont autres titres

14 540 700

8 300 000

6 772 460

6 740 905

6 740 905

TOTAL

1 529 002 708

1 561 980 255

1 708 756 818

1 749 267 131

1 776 725 169

Source : ministère du budget – Effort financier de l’État dans le domaine culturel pour 2010.

En effet, selon les informations fournies par le « jaune » budgétaire pour 2010, l’action culturelle du ministère de l’éducation nationale couvre trois fonctions principales : le soutien des activités artistiques, les activités de sensibilisation culturelle mais également l’enseignement des disciplines artistiques. Les crédits relatifs à cette action regroupent trois catégories de dépenses : les dépenses de personnel, « qui représentent l’essentiel de la dépense culturelle », les dépenses pédagogiques, notamment pour les classes à projet artistique et culturel ou les ateliers artistiques, mais également les crédits d’intervention, « consacrés essentiellement à des subventions attribuées aux établissements privés sous contrat ». Or ces deux derniers types de crédits sont indifférenciés dans le « jaune » et par ailleurs en forte baisse : les crédits hors personnels alloués au secondaire ont baissé de 53 % entre 2007 et 2011 et si ceux alloués au primaire ont augmenté de 20 % sur la même période, ils ont baissé de plus de 16 % entre 2009 et 2011, après la mise en œuvre du dernier plan !

Si, facialement, la hausse est certes réelle, le ministère même le reconnaît, l’évolution des crédits prévus entre 2009 et 2010 résulte uniquement « du renchérissement des coûts de personnel (…) et de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts »… Il ne s’agit donc en aucun cas – bien au contraire – de crédits additionnels alloués aux pratiques artistiques et aux dispositifs partenariaux, pourtant fondamentaux. Le ministère est d’ailleurs dans l’incapacité de fournir des données chiffrées précises sur les budgets alloués aux différents dispositifs d’éducation artistique. Plus alarmant, plusieurs enseignants et les intervenants du ministère de l’éducation nationale ont confirmé lors de leur audition cette évolution à la baisse dramatique du financement des dispositifs. Ainsi, les chorales semblent de moins en moins faire partie de la dotation horaire globale de l’établissement et être transférées vers de l’accompagnement éducatif. De même, de nombreux enseignants font état de la fermeture de classes à PAC et d’ateliers dans leur région.

Parallèlement, avec la réforme du lycée, selon les syndicats d’enseignants, on constate une diminution du nombre d’options artistiques prises en seconde par les élèves et les enseignements d’exploration – 1 h 30 par semaine et plus de subvention car plus d’intervenant extérieur – sont privilégiés au détriment des enseignements de détermination – 3 heures avec intervenant extérieur.

Le plan de 2008 prévoyait par ailleurs le développement de la pratique artistique et culturelle dans le cadre de l’accompagnement éducatif pour les élèves du primaire et du collège, sur la base du volontariat uniquement. L’accompagnement éducatif représentait 323 millions d’euros dans le budget de l’éducation nationale en 2009 et seulement 277 millions d’euros en 2010. Sur cette somme, selon les informations fournies par le ministère de l’éducation nationale, 27,96 millions d’euros sont consacrés au volet artistique et culturel, soit sous forme d’heures supplémentaires versées aux enseignants, soit sous forme de subventions à des associations. Ce volet culturel représente environ 20 % du total horaire de l’accompagnement éducatif selon une estimation fournie par M. M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, lors de son audition. On peut donc s’étonner qu’il ne représente qu’un peu plus de 10 % des crédits de l’accompagnement éducatif, crédits par ailleurs en baisse entre 2009 et 2010.

La rapporteure pour avis dénonce également la baisse des crédits correspondant à l’action culturelle du Centre national de documentation pédagogique (CNDP) (- 46,81 %) qui passent de 2,82 millions d’euros en 2009 à 1,5 million d’euros, alors même que cet organisme « joue un rôle essentiel dans la mise à disposition d’une documentation professionnelle ordonnée à l’intention des écoles et établissements scolaires » (17) tout en développant l’accompagnement pédagogique des professionnels de l’enseignement et de l’éducation… Le projet annuel de performances précise même que « de nombreux partenariats noués dans le domaine des arts et de la culture en font également une référence pour l’ancrage de l’éducation artistique et culturelle dans le système éducatif » ! La rapporteure pour avis s’interroge : comment cet organisme peut-il continuer à assurer ses missions, notamment en termes de formation des professionnels de l’enseignement, avec un budget réduit de moitié ?

Enfin, au niveau déconcentré, même si aucune donnée nationale agrégée ne permet de confirmer ce sentiment puisque le ministère n’est pas capable de produire de tels documents – l’autonomie croissante de l’échelon déconcentré constituant à cet égard une véritable difficulté (18) –, plusieurs personnes auditionnées ont indiqué que les changements d’inspecteurs d’académie ou de recteurs entraînent souvent des redéploiements de crédits qui défavorisent le plus souvent l’éducation artistique.

Le ministère de l’éducation nationale admet que « les rectorats tendent à privilégier, de plus en plus, de nouveaux dispositifs » et non plus les dispositifs partenariaux tels que les classes à projets artistiques et culturels et les ateliers artistiques qui s’appuient sur des financements croisés et équilibrés du ministère de l’éducation nationale et du ministère de la culture, car ces nouveaux dispositifs sont « relativement moins coûteux, et touchent plus d’élèves ». Le ministère argumente ensuite sur la difficulté à maintenir des financements partenariaux pour des dispositifs qui touchent peu d’élèves puisque l’objectif visé est celui de la généralisation. D’où des opérations type « résidences d’artistes » ou « Ciné-lycée » par exemple. Puis un peu plus loin dans sa réponse, le ministère avoue malgré tout que « la généralisation des classes à PAC telle qu’elle était initialement envisagée en 2001 nécessiterait des moyens financiers considérables que l’État ne peut envisager dans le contexte budgétaire actuel ». L’ambiguïté du discours ne laisse pas d’intriguer…

 Les mises à disposition d’enseignants dans les structures culturelles

C’est dans le cadre de la convention conclue le 22 mai 2003 entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture que des enseignants ont été mis à disposition auprès des services centraux du ministère de la culture, d’établissements publics (Bibliothèque nationale de France, Centre national de la danse, Musée Guimet, Musée du Louvre, etc.) ou des directions régionales des affaires culturelles. Il s’agissait en particulier de contribuer à un accueil mieux adapté des publics scolaires, de produire des ressources pédagogiques, de concevoir et d’organiser des ateliers de pratique artistique et/ou de découverte culturelle.

Or, « sous l’impulsion du ministère de l’économie », selon les termes employés par le ministère de l’éducation nationale dans sa réponse, le ministère « s’est placé dans une logique d’évolution du statut des agents mis à disposition vers un statut de personnel détaché ». Alors que durant l’année scolaire 2008-2009, vingt enseignants étaient mis à disposition d’institutions culturelles pour un volume de seize équivalents-temps plein, ces mises à disposition ont pris fin au 31 août 2009.

Le musée du Louvre indique avoir ainsi disposé de quatre personnes de l’éducation nationale mises à disposition à plein temps et trois personnes de l’académie de Paris mises à disposition à mi-temps entre 2004 et septembre 2008. Depuis cette date, il ne dispose plus que des personnes mises à disposition à mi-temps par l’académie de Paris. Le Centre national de la danse a dû salarier en catastrophe et à mi-temps une personne venant de l’éducation nationale après l’annonce brutale, par courrier, de la fin de la mise à disposition d’une personne à temps plein, personne qui représentait 50 % des ressources humaines de Centre dédiées à l’action culturelle…

Selon le ministère de l’éducation nationale, « les établissements culturels ont eu la possibilité de remplacer ces personnels mis à disposition par des personnels détachés, mais ont d’une manière générale opté pour le recrutement de personnels par contrats de droit privé ». Le ministère justifie également la fin de ces mises à disposition par la mise en ligne de ressources culturelles croissantes dans le cadre du portail numérique (19). Cet argument ne tient pas, un outil numérique ne remplaçant en aucun cas la présence de personnels dans les structures. Par ailleurs, au vu de la stagnation – voire pour certains de la régression – de leurs crédits de fonctionnement, il n’est pas évident pour toutes les structures de salarier de nouveaux personnels.

Au niveau déconcentré, les rectorats contribuent aujourd’hui au développement de l’accueil, de la formation, et des ressources pour les publics scolaires uniquement par l’octroi d’heures supplémentaires à des enseignants missionnés pour une durée de trois ans (20). En moyenne, entre trente et quarante enseignants par académie sont concernés.

La rapporteure pour avis déplore la fin unilatérale de ces mises à disposition car cela a contribué à désorganiser les services éducatifs des institutions culturelles. Elle estime par ailleurs que la présence continue et de longue durée d’un enseignant au sein d’une structure culturelle n’est en rien comparable à un investissement intermittent, en plus d’heures d’enseignement.

Par contraste, on ne peut que se réjouir qu’une convention ait été signée avec le Centre des monuments nationaux en juillet dernier qui permet au Centre de bénéficier d’un soutien financier du ministère de l’éducation nationale pour rémunérer sur son budget vingt et un enseignants effectuant des vacations au sein des monuments nationaux répartis dans dix-huit académies, à raison de quatre-vingt-huit heures supplémentaires effectives annuelles. Ce soutien permet de compléter les moyens attribués par les recteurs pour dix-neuf autres enseignants effectuant déjà un service pédagogique au sein d’autres monuments nationaux sous la tutelle du CMN. Il conviendrait de multiplier très rapidement ce type de partenariat, constructif et pluriannuel.

2. L’inégale mise en œuvre du plan de 2008

a) Le rôle assumé des structures artistiques et culturelles et des artistes

L’inscription de la mission d’éducation artistique et culturelle dans les cahiers des charges de l’ensemble des structures artistiques et culturelles subventionnées par l’État et dans les contrats de performance de tous les établissements publics du ministère de la culture est un objectif tout à fait louable, d’autant plus que les artistes, longtemps réticents, sont aujourd’hui les premiers à vouloir transmettre et sensibiliser le jeune public.

Ainsi, au théâtre de l’Odéon, la mission est aujourd’hui assumée sans complexe par M. Olivier Py qui a multiplié par douze en trois ans la dotation en direction des actions de sensibilisation et de formation. Elle s’élève en 2009 à 61 963 euros, dont 21 000 euros provenant d’une subvention du ministère de l’éducation nationale. L’objectif est très ambitieux, puisqu’il s’agit, selon M. Paul Rondin, secrétaire général, « de faire entendre à des jeunes qui n’en ont parfois plus conscience cette chose simple, qu’ils sont nés le jour où le premier grand singe devint homme, se redressant, faisant face à ses doubles, exprimant sa particularité, inventant le récit de son être. Que nous venons d’un monde d’il y a vingt-cinq siècles, où nous fûmes convoqués pour écouter notre propre histoire. Jamais depuis ne s’est tari ce besoin pour l’humanité d’exister par le langage, de raconter, se souvenir du passé afin de comprendre le présent et d’imaginer un avenir. (…) C’est dire la responsabilité de celui qui convoque le public, qui lui demande un peu de son temps pour raconter ce qu’il croit important. De siècle en siècle, il est l’un des marathoniens qui passe le relais, pour que l’homme ne se replie pas dans le silence. C’est pour transmettre ce goût de la parole et de la langue que nous avons mis en place depuis mars 2007 un grand nombre d’actions de sensibilisation, d’accompagnement et de formation en direction des publics jeunes ». L’ensemble des institutions culturelles auditionnées par la rapporteure pour avis ont semblé aussi engagées que le théâtre de l’Odéon sur ce dossier.

Selon les résultats d’une évaluation effectuée par le ministère de la culture, environ 95 % des 2 500 structures régulièrement subventionnées ont une action d’éducation artistique et culturelle, mais le contenu de cette action est très inégal selon les institutions. Cela va de l’ouverture à l’accueil de jeunes à un travail de fond plus poussé, mais qui est, le reconnaît le ministère, beaucoup plus rare. Parmi les structures ayant signé une convention avec le ministère, 20 % n’ont pas de stratégie d’éducation artistique et culturelle. Parmi celles qui n’ont pas signé de convention, 60 % affichent une telle stratégie. Ces chiffres sont très encourageants mais encore insatisfaisants au regard de l’objectif fixé.

Parallèlement, le ministère fournit un gros travail de mise à niveau des conventions, des cahiers des charges et de signature des contrats de performance, mais la tâche est titanesque. Rappelons que le Louvre a été le premier établissement du ministère à signer en 2004 un contrat d’objectifs et de moyens et que « la place de l’éducation y a toujours été présente de manière stratégique », selon le musée.

Toujours selon les résultats de l’évaluation précitée, seul un tiers des structures a aujourd’hui signé une convention, les deux tiers restant n’en disposant pas. Les moyens humains étant ce qu’ils sont, tant au niveau central qu’en DRAC, on peut craindre qu’entre les paroles et les actes se passent un certain nombre d’années.

Par ailleurs, les structures culturelles doivent se mobiliser pour proposer des actions d’accompagnement de l’enseignement de l’histoire des arts dans le cadre des partenariats qu’elles concluent avec les établissements scolaires, ainsi que pour l’accompagnement de la formation des enseignants. Mais là encore, soit les financements ne suivent pas, soit les enseignants ne peuvent assister aux formations faute d’être remplacés. Ainsi, au Centre national de la danse, un stage prévu fin septembre a été annulé à la demande du ministère de l’éducation nationale car les professeurs ne pouvaient être remplacés dans leurs classes.

S’agissant des financements, les institutions ne reçoivent que rarement et ponctuellement des subventions spécifiques pour ces missions, alors même que, d’un côté, les exigences du ministère et donc les sollicitations sont croissantes et que, de l’autre, les budgets des structures – notamment celles du spectacle vivant – sont en stagnation depuis des années… S’il est aujourd’hui normal de considérer que la mission éducative est intrinsèque à la mission artistique et culturelle, il conviendrait malgré tout d’allouer aux structures et équipes artistiques des budgets que leur permettre de mener de front action culturelle et projet artistique, sans avoir constamment à choisir l’un au détriment de l’autre.

Enfin, les intermittents sont sollicités pour des interventions en milieu scolaire, mais leur statut les conduit parfois à différer ou refuser de telles interventions (21). En effet, pour bénéficier du statut d’intermittent du spectacle, un artiste doit effectuer 507 heures de travail sur une période de dix mois. Sur ces 507 heures, seules 56 peuvent être prises en compte au titre des interventions de l’artiste en milieu scolaire. Il conviendrait de réfléchir à une réévaluation de ce quota d’heures.

La situation spécifique du théâtre de l’Odéon doit sur ce sujet également être évoquée puisque le théâtre réclame depuis l’arrivée d’Olivier Py en mars 2007 la possibilité d’obtenir un agrément qui lui permettrait d’être établissement de formation et donc de salarier des artistes intermittents pour des interventions artistiques. À ce jour, le ministère de la culture refuse cet agrément alors que le théâtre plaide pour que ces formations et interventions restent assumées par des artistes intervenants et non par des formateurs. Le théâtre estime qu’il devra peut-être supprimer des partenariats avec des établissements en 2011 par manque d’intervenants. La rapporteure pour avis le déplore.

b) L’inscription d’une dimension artistique et culturelle dans les projets d’établissements scolaires

Les écoles, collèges et lycées sont invités depuis le début de l’année 2005 à inclure un volet culturel au sein de leur projet d’établissement, cet objectif ayant été confirmé par le plan gouvernemental de 2008. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale est aujourd’hui incapable de fournir des informations sur la présence ou non de ce volet au sein des projets d’établissements. Cette situation est inacceptable car une obligation non contrôlée relève de l’incantation.

Par ailleurs, les projets culturels des établissements ne peuvent se réduire à l’addition des initiatives de quelques enseignants volontaires. La responsabilité de la mise en cohérence incombe au chef d’établissement et, sur un territoire donné, aux échelons déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, qui doit sur ce dossier travailler de concert avec les directions régionales des affaires culturelles, les institutions culturelles du territoire et les collectivités locales.

c) Les dispositifs et leur cohérence

De nombreux interlocuteurs auditionnés l’ont déploré : depuis vingt-cinq ans, tous les acteurs qui travaillent sur ce dossier ont les mêmes intentions et les mêmes objectifs, mais la superposition des dispositifs, les coups d’arrêt réguliers portés à cette politique et l’absence d’évaluation des politiques et dispositifs mis en place nuisent à la cohérence de l’éducation artistique dans notre pays.

Comme le soulignait Mme Marland-Militello dans son rapport de 2005, « une des grandes difficultés est de réussir à instaurer une réelle égalité sur l’ensemble du territoire. En effet, du fait de ces remises en cause périodiques, l’éducation artistique repose beaucoup trop en France sur la motivation et le volontariat des professeurs et des chefs d’établissement et sur le partenariat avec les collectivités locales ».

 Les dispositifs partenariaux (22)

Il n’existe aujourd’hui aucune évaluation des différents plans mis en œuvre, de leur pertinence, de leur cohérence par rapport aux politiques précédemment menées. Le ministère de l’éducation nationale ne dispose pas non plus de la moindre étude permettant une analyse géographique et sociale fine des enfants touchés par les dispositifs. La rapporteure le déplore vivement, le seul document transmis par le ministère de l’éducation nationale n’étant qu’une photographie de la situation en 2008-2009.

Répartition 2008-2009 des dispositifs

Dispositifs

Part de chaque dispositif
(%)

Nombre total d’élèves

Nombre d’élèves du 1er degré

Nombre d’élèves
en collège

Nombre d’élèves
en lycée

Classes à PAC

18 *

523 375

321 225

151 750

50 400

Ateliers artistiques

4

120 174

56 377

41 731

20 066

Dispositif académique global

2

56 474

33 033

15 076

8 093

Opérations académiques spécifiques ((23)

5

154 873

62 405

59 144

33 324

Chartes déptale pratique vocale

12

336 381

304 905

31 476

 

Pratique vocale hors chartes

9

266 730

202 551

64 029

 

Dispositifs cinéma

40

1 163 015

548 648

426 703

187 664

Autres dispositifs 1er degré

4

116 990

116 990

   

Accompagnement éducatif

5

154 984

42 398

112 586

 

Nombre d’élèves scolarisés

12 016 484

6 645 113

3 187 955

2 183 413

Nombre total d’inscriptions à des dispositifs d’éducation artistique

2 912 379

1 710 326

896 777

305 276

* Mode de lecture : les classes à projet artistique et culturel (PAC) représentent 18 % des inscriptions à des dispositifs partenariaux d’éducation artistique et culturelle.

Source : ministère de l’éducation nationale.

La rapporteure pour avis se réjouit que le département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture ait lancé une étude exploratoire dont les conclusions devraient être rendues fin 2010 pour identifier et analyser l’ensemble des types d’interventions puis produire un outil de collecte des informations destiné à permettre un état des lieux national de l’éducation artistique et culturelle.

Il conviendrait d’aller plus loin – peut-être en confiant cette mission au Haut conseil pour l’éducation artistique et culturelle qui disposerait sans doute plus facilement des moyens d’agréger à ces données celles du ministère de l’éducation nationale. Un observatoire permanent pourrait ainsi être créé et permettrait d’évaluer la pertinence et l’efficacité de la politique de l’État sur le long terme. Par ailleurs, les indicateurs du ministère de l’éducation nationale devraient être retravaillés pour inclure cette problématique et permettre ainsi de disposer de données et d’analyses plus prospectives.

 L’importance de la généralisation

Si ces dispositifs ont été mis en place depuis trente ans afin d’organiser la coopération entre enseignants et artistes et/ou professionnels de la culture, chacun s’accorde à reconnaître que des marges de progression subsistent.

Mme Marland-Militello notait déjà en 2005 que « les projets d’excellence existants ne doivent donc pas masquer les inégalités territoriales, les inégalités entre élèves au sein des établissements et le trop faible nombre d’enfants touchés » (24). Ainsi, par exemple, les classes à horaires aménagées, dont le financement repose d’ailleurs pour l’essentiel sur les collectivités locales, correspondent aujourd’hui à un peu moins de 0,2 % du nombre total de classes, selon les informations communiquées par le ministère de la culture. Même si le plan de 2008 s’est donné comme objectif de doubler le nombre de ces classes et d’en créer de nouvelles en théâtre et en arts plastiques, on est encore loin d’une généralisation… Le ratio pour les classes à PAC (4,35 % des élèves touchés) ou les autres dispositifs n’est aujourd’hui pas non plus satisfaisant.

Le ministère de l’éducation nationale l’a reconnu lors de son audition, en soulignant que l’inégalité est autant sociale que territoriale. Ainsi, par exemple, en Île-de-France, si le volontarisme des dernières années commence à porter ses fruits dans les quartiers prioritaires de banlieue parisienne, l’accès à la culture des enfants des villages de Seine-et-Marne est plus complexe.

L’interrogation sur la pertinence de ces multiples dispositifs partenariaux, « saupoudrés » sur le territoire sans réelle logique, n’est pas neuve. Dès 2005, le plan de relance pour l’éducation artistique et culturelle visait à renforcer la cohérence globale des projets d’éducation artistique et culturelle : les dispositifs partenariaux précités devaient constituer une « boite à outils » et se combiner au service de projets plus fédérateurs et/ou territorialisés. L’idée était par exemple de les inscrire dans le cadre de jumelages entre structures culturelles et établissements scolaires ou de projets éducatifs territoriaux (PLEA/CLEA) et devait donner lieu à la mise en œuvre de conventions associant les établissements scolaires, les services de l’État et les collectivités territoriales, ces dernières ayant pris depuis une vingtaine d’années des initiatives nombreuses – mais là encore mal évaluées – outrepassant d’ailleurs souvent les possibilités qui leur étaient ouvertes par la loi (rémunération d’intervenants dans les enseignements, participation au financement des classes à PAC, etc.) et allant au-delà de leurs obligations légales (aménagement dans les établissements scolaires d’espaces dédiés aux pratiques artistiques, salles d’exposition ou de spectacle, etc.(25).

La rapporteure pour avis partage ce point de vue et estime que seule une politique cohérente, généralisée et réfléchie sur un territoire donné, visant à offrir à l’ensemble des élèves de ce territoire une pratique artistique au cours de sa scolarité, permettra la généralisation effective de l’éducation artistique que tout le monde semble appeler de ses vœux. Le Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle (26) estime qu’il convient de renforcer la visibilité globale des projets individuels, afin de faciliter « la preuve par l’exemple », en proposant une grille d’évaluation au préalable, afin de faciliter ultérieurement la généralisation.

Par ailleurs, cette généralisation concertée implique une coopération plus étroite avec les collectivités dans la mesure où il s’agit d’élaborer conjointement des réponses à des enjeux territoriaux partagés. En ce sens, la signature, le 5 mars 2010, d’une circulaire conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale sur les résidences d’artistes est un premier pas intéressant car il permet à l’ensemble d’un établissement de rencontrer une œuvre par la découverte d’un processus de création, de pratiquer un art et de mettre en relation l’œuvre ainsi créée, les différents champs du savoir et la construction d’un jugement esthétique. Mais, pour être réellement efficaces, ces résidences doivent par ailleurs, en lien avec les collectivités, donner lieu à des actions culturelles cohérentes sur l’ensemble du territoire donné. Or, sur ce sujet, le Haut conseil pour l’éducation artistique et culturelle estime que la question des lieux adaptés à cette pratique artistique reste posée et qu’elle est réglée de manière très inégale, en fonction de l’implication des collectivités territoriales en charge de la gestion des locaux des établissements. D’une manière générale, « la présence des artistes dans les écoles reste soumise à des contingences locales (implication des élus, existence d’un tissu associatif et culturel, etc.) ».

d) La délicate question de la formation artistique et culturelle des enseignants et des responsables d’établissements

La formation des enseignants a toujours été considérée comme un levier important du développement de l’éducation artistique et culturelle par le ministère de la culture et de la communication qui s’était fortement investi depuis vingt ans en coopération avec les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) afin d’améliorer la formation initiale et continue des enseignants du premier et du second degré dans le domaine artistique. La réforme de cette formation pose aujourd’hui question. Le Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle estime qu’en la matière, l’école primaire doit encore faire l’objet d’efforts substantiels. C’est la condition essentielle pour que la pratique culturelle et artistique devienne régulière à long terme. Les cadres intermédiaires de l’éducation nationale doivent, par ailleurs, être mieux formés à la gestion et à la coordination de projets culturels, tout particulièrement les chefs d’établissement.

 La formation initiale

Avant 2007, la mise en œuvre d’actions de formation dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle relevait essentiellement de la volonté de chaque IUFM, établissement public autonome, voire de la volonté personnelle de formateurs au sein des IUFM, et de l’impulsion que pouvaient donner les DRAC. Il en a résulté une très grande variété d’initiatives, allant de simples dispositifs de sensibilisation, d’action culturelle et de pratique artistique jusqu’à des modules fondés sur la pédagogie et la didactique de l’éducation artistique et culturelle. Cette disparité se retrouvait également dans les volumes horaires consacrés à l’éducation artistique et culturelle et dans les effectifs de professeurs-stagiaires formés. Seul l’IUFM du Nord Pas-de-Calais avait instauré des modules obligatoires de formation au partenariat culturel pour les professeurs des écoles.

Les IUFM sont désormais intégrés aux universités et la formation est mastérisée. Selon le ministère de la culture, « ces deux grandes refontes structurelles ont eu pour conséquence une très faible implication nationale des IUFM dans la mise en œuvre des différents plans gouvernementaux en faveur de l’éducation artistique et culturelle ». Les syndicats d’enseignants estiment quant à eux que la masterisation a renforcé le caractère aléatoire de la formation artistique des enseignants. Par ailleurs, les professeurs stagiaires, qui ne passent plus par le « sas » de l’IUFM, ont d’autres priorités lors de leur première rentrée qui les empêchent de se préoccuper d’éducation artistique et culturelle.

Enfin, le nouvel arrêté du 12 mai 2010 portant sur la définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation pour l’exercice de leur métier dispose certes que l’enseignant doit connaître et apprendre à ses élèves un socle commun de connaissances et de compétences, dont fait partie « la culture humaniste ». Mais cet arrêté est beaucoup moins précis que le précédent, qui datait du 19 décembre 2006 et soulignait le rôle de l’enseignant dans « l’ouverture culturelle de ses élèves », tout en précisant que « tous les professeurs stagiaires susceptibles d’enseigner des disciplines artistiques pourront bénéficier d’une formation au partenariat avec les professionnels et les établissements relevant du ministère chargé de la culture et les collectivités territoriales ». Cette disposition instituait, notamment pour l’ensemble des professeurs des écoles, la possibilité d’une formation en partenariat avec les institutions culturelles. La disparition de cette disposition met évidemment à mal la légitimité de la formation des enseignants à l’éducation artistique et culturelle…

Aujourd’hui, c’est donc avec les universités que les DRAC doivent négocier, afin d’intégrer dans les maquettes des programmes des différentes formations des modules répondant aux exigences du cahier des charges des compétences à acquérir et du nouvel enseignement de l’histoire des arts. Selon les informations transmises par les DRAC, « la situation est très disparate d’une université à l’autre, mais on peut généralement constater la difficulté à conserver les acquis mis en œuvre dans les anciens plans de formations des IUFM, ainsi que l’absence globale de prise en compte de l’éducation artistique et culturelle, enseignement de l’histoire des arts inclus ». Ce constat est partagé par l’ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure, notamment par les syndicats d’enseignants.

Il convient donc que, sans délai, soient mises en œuvre de manière harmonisée sur l’ensemble du territoire des formations spécifiques à l’éducation artistique et culturelle répondant aux obligations réglementaires et à la volonté affichée par le Gouvernement, formations qui devront par ailleurs favoriser les partenariats avec les structures culturelles. S’agissant de l’histoire des arts, la moindre des choses serait que les épreuves des nouveaux concours de recrutement des enseignants contrôlent d’une manière ou d’une autre les connaissances et compétences des candidats, ce qui n’est pas le cas actuellement, alors même que ce nouvel enseignement doit faire l’objet d’une épreuve obligatoire au brevet des collèges cette année.

Enfin, les cadres de l’éducation nationale, notamment les directeurs d’établissement, doivent tous pouvoir bénéficier d’une telle formation, pour assurer une coordination réelle des projets d’éducation artistique et culturelle dans le cadre de leur projet d’établissement.

 La formation continue

La formation continue des enseignants relève de la responsabilité des recteurs d’académie, dans le cadre des plans académiques de formation (ou départementaux pour le premier degré). Sur ce point également, le constat est inquiétant. Selon le ministère de la culture, « les crédits affectés à la formation continue des enseignants et, par conséquent le nombre d’actions de formation, ont fortement baissé ces dernières années ». Par ailleurs, « les dispositifs de formation associant enseignants et artistes/professionnels de la culture autour de la méthodologie et de la pédagogie de projet partenarial ont été peu ou prou abandonnés ». De même, les pôles de ressources pour l’éducation artistique et culturelle (PREAC) qui se sont substitués aux pôles nationaux de ressources (PNR) « maintiennent une activité de formation en deçà des besoins réels », alors même que la mise en œuvre du nouvel enseignement de l’histoire des arts aurait dû accroître très fortement la demande des enseignants en formation continue.

Un rapport publié en juillet 2010 (27) par l’inspection générale de l’éducation nationale abonde dans le même sens. Il souligne que les budgets de fonctionnement du ministère de l’éducation nationale « préparent peu l’avenir » et sont aujourd’hui « en grande difficulté », ce qui impacte notamment « les dépenses de formation », créant des occasions de plus en plus nombreuses « de tensions, de conflits et de dysfonctionnements (…) Le cri d’alarme est général dans les académies. (…) Un des effets les plus fâcheux va être la fragilisation des plans de formation des enseignants alors même que de nouvelles obligations sont créées au bénéfice des nouveaux professeurs stagiaires. (…) Les autorités académiques s’apprêtent à annuler de nombreux stages de formation continue faute de pouvoir payer les déplacements et les formateurs ». On ne saurait être plus clair.

Les statistiques fournies à la rapporteure pour avis par le ministère de l’éducation nationale ne lui permettent pas de mesurer objectivement les efforts fournis en faveur de l’éducation artistique. En effet, n’est pas distinguée la part des stages réalisés sur le temps de travail, hors du temps de travail et la part des animations pédagogiques pour le premier degré, qui ne sont pas, à proprement parler, des stages de formation continue. Aucun chiffrage précis de la durée des stages n’a été fourni : s’agit-il de journées, de demi-journées, d’une ou deux heures de stages ? Il n’est pas précisé s’il s’agit des stages offerts aux enseignants ou bien des stages réellement effectués. Enfin, aucune précision n’est apportée sur les stages qui ont dû être annulés faute de remplacements dans les établissements.

3. L’histoire des arts et les portails numériques : prétextes pour cacher le désengagement de l’État ?

a) L’histoire des arts : un enseignement décontextualisé et des enseignants déboussolés

L’avancée du plan gouvernemental d’action en faveur de l’éducation artistique et culturelle de 2008 résiderait dans la création d’un nouvel enseignement « histoire des arts ». L’arrêté du 11 juillet 2008 organisant ce nouvel enseignement dispose qu’il « est aussi l’occasion de renforcer, autour d’un projet national conjoint, le partenariat entre les milieux éducatifs et les milieux artistiques et culturels », l’enseignement de l’histoire des arts devant impliquer « la fréquentation des lieux de création, de conservation et de diffusion de l’art et de la culture, relevant notamment du patrimoine de proximité ».

Selon le ministère de la culture, « l’enseignement de l’histoire des arts est un enseignement de culture artistique partagée. Il concerne tous les élèves. Il est porté par tous les enseignants. Il convoque tous les arts. Il instaure des situations pédagogiques nouvelles, favorisant les liens entre la connaissance et la sensibilité ainsi que le dialogue entre les disciplines ». Une fois encore, le discours est alléchant, mais la rapporteure pour avis a quelques difficultés à saisir le périmètre exact de cet enseignement et les modalités de sa mise en œuvre par des enseignants qui n’y ont absolument pas été formés. Instaurer des « situations pédagogiques pluridisciplinaires et partenariales » est intéressant lorsque l’on sait de quoi l’on va parler… L’enseignement de l’histoire des arts implique la « constitution d’équipes de professeurs réunis pour une rencontre, sensible et réfléchie, avec des œuvres d’art de tous les pays et de toutes les époques ». L’ambition est immense.

Or, lors de son audition, M. Vincent Maestracci, doyen du groupe de l’enseignement et de l’éducation artistique à l’inspection générale de l’éducation nationale, a estimé que l’histoire des arts était aujourd’hui un peu « au milieu du guet » et que l’on a encore du mal à cerner quelle forme pourrait prendre à terme cet enseignement. Pour autant, selon lui, on voit se diffuser une préoccupation des équipes éducatives sur cette nouvelle dimension de leur responsabilité. Ce discours est quelque peu inquiétant s’agissant d’un enseignement qui doit faire l’objet d’une évaluation obligatoire au brevet des collèges…

Les syndicats d’enseignants auditionnés dénoncent unanimement le fait que l’annonce de cette mesure n’ait pas été suivie de plans de formation continue massifs pour les enseignants et de conseils pratiques sur les modalités de mise en œuvre de ce nouvel enseignement. Les enseignants ne semblent absolument pas s’être appropriés la question pour le moment. Ce constat est confirmé par un rapport de juillet 2010 (28) rédigé par l’inspection générale de l’éducation nationale. Consacré à l’école primaire, le rapport souligne, s’agissant notamment de l’école élémentaire, que « es pratiques artistiques et l’histoire des arts bénéficient d’un temps nettement inférieur à la durée officielle dans une classe de cours préparatoire sur trois ».

De même, au cycle 3 de l’école élémentaire, les emplois du temps étudiés par l’inspection générale « fournissent peu d’information sur la mise en place de l’histoire des arts (…) et l’histoire des arts ne fait l’objet d’une plage horaire identifiée que dans 10% des emplois du temps ». Elle est associée à une autre discipline dans seulement un emploi du temps sur cinq… Au-delà de quelques initiatives partenariales intéressantes, « l’histoire des arts relève plus souvent de compléments autour de productions en arts visuels avec mention de quelques œuvres relevant d’autres domaines, parfois très éloignés, ou d’événements rassemblés dans une frise chronologique. Pour de très nombreux enseignants, ce champ se confond avec les sorties à caractère culturel ». Et l’inspection générale de conclure, « l’histoire des arts n’a encore pas véritablement trouvé sa place comme champ d’enseignement ».

Ainsi, la rapporteure pour avis a l’impression que cette mise en avant perpétuelle du progrès que constitue l’histoire des arts n’est qu’un slogan. Cet enseignement reste aujourd’hui un enseignement largement décontextualisé, dont les objectifs se trouvent, dès lors, très affaiblis.

La rapporteure pour avis craint par ailleurs que la mise en œuvre de cet enseignement n’ait pour conséquence la diminution de la place accordée aux pratiques artistiques pendant le temps scolaire et leur relégation en dehors des heures scolaires, en particulier dans le cadre de l’accompagnement éducatif, basé sur le volontariat et où, selon le ministère de la culture, « les garanties quant au professionnalisme des intervenants dans les activités artistiques sont loin d’être respectées ».

b) Les portails numériques : un outil, non une panacée

La rapporteure pour avis estime que toute ressource, qu’elle soit d’ailleurs numérique ou non, n’est qu’un support qui doit susciter l’envie chez l’enfant. Le Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle partage ce point de vue puisqu’il souligne que, si la création des portails permet l’accès à de nouveaux contenus, mieux éditorialisés, ces ressources doivent cependant pouvoir être intégrées dans les enseignements et mieux accompagnées pédagogiquement.

Les syndicats enseignants reconnaissent également l’intérêt et le foisonnement récent de ressources remarquables, qui facilite la mise en relation avec les œuvres et la construction de relations artistiques de qualité, tout en s’inquiétant des conditions de leur appropriation par des enseignants non formés à la matière.

Rappelons que le site « histoiredesarts.culture.fr », a été ouvert en octobre 2009 et permet l’accès à 3 000 ressources numériques, gratuites pour l’essentiel, issues des établissements publics du ministère de la culture (Bibliothèque nationale de France, musée du Louvre, musée du Quai Branly site « Histoire en images » développé par les musées de France, etc.). En octobre 2010, cet annuaire évoluera et deviendra un site à part entière doté d’une meilleure ergonomie, et sera enrichi de 3 000 fiches-ressources classées par territoires. En effet, après un travail de repérage mené en partenariat avec les DRAC auprès de l’ensemble des structures culturelles du territoire, les services du ministère de la culture et de la communication se sont employés à recueillir et géo-référencer les données régionales existantes, afin de favoriser un rapprochement entre les enseignants et les institutions culturelles de leur région. C’est une avancée riche de perspectives.

Pour autant, le développement de ces portails numériques ne doit pas empêcher les élèves de sortir de leur établissement, au motif que les ressources seraient disponibles sur écran. En ces temps de disette budgétaire, très marquée à l’éducation nationale, la tentation risque d’être grande. Il convient de l’éviter à tout prix, au risque de ruiner des années de travail partenarial entre les institutions culturelles et les établissements.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la mission « Culture » pour 2011, au cours de sa séance du mardi 2 novembre 2010.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui va nous présenter les crédits de la mission « Culture » pour 2011.

En raison d’un calendrier très contraint, nous avons dû organiser cette réunion très peu de temps avant l’examen des crédits en séance publique, qui aura lieu jeudi matin. Je pense qu’il était important que nous ayons un premier échange dans le cadre de notre Commission.

Nous nous reverrons dans le cadre d’une commission élargie avec nos collègues de la Commission des finances, jeudi après-midi, pour examiner les crédits de la mission « Médias ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente de la Commission, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil.

« La culture, c’est l’art de transformer une journée de travail en une journée de vie ». Ainsi s’exprimait Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973. Cette maxime me semble plus que jamais d’actualité à l’heure où la culture est accessible à travers les objets de notre quotidien – ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes –, à l’heure où par ailleurs le quotidien, la rue, influencent profondément les productions culturelles.

Chacun ici sait combien notre environnement budgétaire est particulièrement tendu, chacun mesure combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l’État. Néanmoins, je me suis engagé et battu pour maintenir notre ambition culturelle et pour préserver cet « État culturel » parfois décrié ici, souvent admiré en Europe et dans le monde.

C’est pourquoi je suis très heureux de pouvoir exposer devant vous les lignes principales du budget pour 2011. C’est un budget consolidé, c’est un budget préservé, c’est aussi un budget qui nous permet d’afficher notre ambition culturelle et de donner corps aux nouvelles priorités d’action de mon ministère. Les crédits de la mission « Culture » sont en effet en légère augmentation, de 1,1 %, s’établissant à 2,7 milliards d’euros – hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C’est un budget conforté, cela mérite d’être souligné, si l’on songe par exemple à d’autres États membres de l’Union européenne qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans leur budget de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques. Nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés et de mettre en valeur des priorités nouvelles.

Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les champs culturels.

Le programme « Patrimoines », tout d’abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s’établir à 868 millions d’euros. L’accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région, parce qu’ils permettent de mettre en valeur les territoires et de créer des emplois.

Conformément à l’engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l’année prochaine de moyens reconduits par rapport à 2010, avec un budget de 375 millions d’euros, si l’on compte les 10 millions issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux (CMN). Entretenir aujourd’hui, c’est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain.

Je tiens à souligner que, sur cette enveloppe reconduite, la part destinée aux régions est en augmentation de 3 %. Par ailleurs, l’effort réalisé en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État se poursuivra en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Ce sont les preuves d’un engagement fort et d’une ambition économique et touristique à l’attention des collectivités locales. Dans le même esprit, les crédits de l’archéologie, en forte hausse, vont permettre la mise en place de centres de conservations et d’études sur le territoire dans le cadre d’une politique durable de conservation.

Cet accent mis sur le développement des territoires, vous le retrouvez pour les musées, dont le budget augmente de 26 millions pour atteindre 372 millions d’euros. Le plan « Musées en région » proprement dit pourra s’appuyer en 2011 sur 25 millions d’euros, sur les 70 millions prévus jusqu’en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d’extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente et répartis sur l’ensemble du territoire. Dans ce dispositif, l’État joue pleinement son rôle d’incitateur : il s’agit de créer un effet levier favorable au développement de l’attractivité de nos régions.

Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques (RGPP) nous a conduits à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, la Réunion des musées nationaux (RMN), le Louvre, le Musée d’Orsay, le Centre Pompidou, le Musée du Quai Branly, le Centre des monuments nationaux et la Bibliothèque nationale de France (BnF) restent et doivent rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale. Leurs ressources propres sont dynamiques, leur capacité d’investissement pluriannuel est maintenue, leur rayonnement international conforté.

Parmi les grands chantiers emblématiques que ce budget 2011 permet de porter, je citerai bien sûr le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (MUCEM). 30 millions d’euros seront ainsi consacrés l’année prochaine à l’aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et à la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti. Nous sommes sur la bonne voie pour permettre au MUCEM d’ouvrir ses portes à l’horizon 2013, lorsque Marseille sera capitale européenne de la culture. À Paris, parallèlement, le programme de rénovation du Musée Picasso sera lancé en 2011. Ces deux projets immobiliers sont emblématiques de la politique de grands projets du ministère que je poursuis : ils apportent leur contribution à l’excellence architecturale de notre pays, ils sont une vitrine et un vecteur de rayonnement pour notre culture.

À Paris également, la Maison de l’histoire de France figure parmi les grands projets culturels qui vont bénéficier de crédits mis à disposition par ce budget, notamment pour l’ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l’exposition de préfiguration à la fin de 2011. C’est un grand projet voulu par le Président de la République. Il permet d’apporter un nouveau souffle à neuf musées nationaux dont les collections sont exceptionnelles. Plus qu’un musée, il s’agira d’une Maison, c’est-à-dire d’un réseau ouvert à la communauté des chercheurs, à la communauté des historiens, ouvert aux nombreux musées d’histoire présents en régions, mais aussi aux musées européens, à ceux de Berlin, de Londres ou de Turin, par exemple. Cette Maison de l’histoire de France sera aussi un lieu de diffusion des recherches et du savoir, en d’autres termes un pont entre l’histoire et le grand public.

Parallèlement, le budget des archives, de 66 millions d’euros, nous permettra de respecter le calendrier de construction du Centre des archives de Pierrefitte : la livraison du bâtiment de Massimiliano Fuksas est prévue pour la fin de l’année, avec une ouverture au public en 2012. Ce sera le centre d’archives le plus vaste et le plus moderne d’Europe. Je tiens à souligner qu’un effort particulier a également été fait en faveur des centres d’archives en régions, qui bénéficient d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros.

Ce budget traduit donc une grande ambition pour nos archives, ces lieux qui sont la mémoire de la nation, ces lieux qui sont aussi la traduction d’une continuité de l’État et du droit, ces lieux enfin qui sont au cœur du lien subtil entre le passé et le présent dans notre pacte républicain.

Le budget consacré au patrimoine linguistique est, pour sa part, plus que préservé, puisqu’il connaît une augmentation de 2 %, à hauteur de 2,5 millions d’euros, afin de donner à l’action de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France la visibilité et la continuité dont elle a besoin. La notion de « patrimoines » – au pluriel – est à cet égard significative : le patrimoine n’est pas figé, il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et se construit dans le présent. Du patrimoine rural – fontaines, halles, lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines sont une richesse vivante.

Le programme « Création » entend préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Le budget consacré à la création est en hausse de 13 millions, pour s’élever désormais à 736 millions d’euros, soit une augmentation de 1,8 %. Sur cette enveloppe, le spectacle vivant, qui compte pour 90 % de ce montant global, voit ses crédits pratiquement stabilisés. L’effort important sur le budget des arts plastiques vise, quant à lui, à mettre en œuvre les travaux de rénovation du Palais de Tokyo.

En ce qui concerne le spectacle vivant, la reconduction des crédits de fonctionnement à hauteur de 276 millions d’euros représente, je tiens à le rappeler, un succès – si l’on veut bien se rappeler qu’il y a quelques mois encore il était question de diminuer ces crédits d’intervention de 10 %. C’est la marque d’un engagement maintenu de l’État en faveur de la création et de l’émergence de jeunes créateurs. Les dotations destinées aux grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion de la danse, de la musique, du théâtre, des arts de la rue et du cirque sont, dans l’ensemble, reconduites, car les structures financières de ces établissements restent souvent fragiles.

L’année 2011 sera par ailleurs essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des « Entretiens de Valois » ont été tirées, et mon ministère va procéder à la redéfinition du périmètre et des modalités d’intervention de l’État. Qu’il s’agisse des labels ou du fonctionnement des comités d’experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l’État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d’un dialogue véritablement responsable. Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer le panorama de la création aujourd’hui mettrait en péril les formes d’expression dont nous aurons besoin demain.

L’enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 à 74 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l’art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012. La création artistique bénéficiera ainsi d’un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l’ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, en particulier ceux issus de la scène française. Ce sera un élément important au service de l’attractivité de Paris dans un marché de l’art de plus en plus globalisé.

Le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d’institutions en région. À Marseille, à Besançon, à Bordeaux, à Rennes ou encore à Orléans, plusieurs fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) vont en effet s’installer dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en investissements. Or j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’artistes forts sans un monde de l’art fort. On ne pourra pas encourager la promotion de nos artistes, notamment à l’étranger – dimension essentielle dans un monde ouvert et connecté par de multiples réseaux – si l’on ne promeut pas, dans le même temps, le travail de tous les acteurs qui contribuent à leur vitalité en France.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont au cœur de mes priorités : c’est l’ambition que je porte de la « culture pour chacun ».

Développer l’accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c’est à mon sens conforter le rôle de l’éducation dans toutes ses dimensions ; c’est aussi participer à la refondation du « pacte républicain » ; c’est, enfin, redonner un sens à notre projet « vivre ensemble ». C’est toute l’ambition du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les crédits pour 2011 s’élèveront à 433 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 635 millions d’euros pour les crédits de personnels. Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l’offre culturelle : les quartiers, les personnes handicapées, ou encore les territoires ruraux qui, pour leur part, feront l’objet d’un plan « Culture en milieu rural ».

La légère baisse de 2 %, hors réserve parlementaire, que connaît le programme est pour l’essentiel due au fait qu’une partie de l’action internationale et de l’éducation culturelle et artistique jusque-là prise en charge par le programme lui-même le sera désormais directement par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Par ailleurs, des économies de fonctionnement du ministère seront réalisées à hauteur de 5 millions d’euros en misant sur la rationalisation des politiques d’achat, du parc de véhicules, des frais de missions. Face à ces efforts nécessaires, les crédits d’action culturelle, eux, sont stabilisés ou en hausse.

J’en veux pour preuve le budget de l’action « Enseignement supérieur », qui sera très largement préservé. Qu’il s’agisse des écoles d’architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d’investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation pourront par ailleurs être poursuivis – je pense notamment aux écoles d’architecture de Strasbourg et de Clermont ou encore à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Je tiens également à rappeler que les emplois d’enseignants sont, pour leur part, sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne s’appliquera pas dans ce secteur.

Pour finir, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l’éducation culturelle et artistique et l’action en faveur de l’accès à la culture. Je suis en effet convaincu de leur importance dans la formation de la sensibilité de l’individu, mais aussi dans la construction du citoyen. Car il ne saurait y avoir d’accès à la culture sans une appropriation des œuvres par le public : il faut sans cesse le former et susciter sa curiosité, son désir. C’est un travail de Sisyphe, mais c’est un travail indispensable et qui pourra être couronné de succès.

J’ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national sur la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d’euros qui sont consacrés à cette dernière, des redéploiements internes vont nous permettre en 2011 de dégager 3 millions d’euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.

Ce budget pour 2011 nous permettra donc de préserver pleinement l’ambition de la politique culturelle de l’État, avec un effort particulier en ce qui concerne son action territoriale, ce qui représente un signal important à l’attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d’envergure auxquels je suis attaché, et d’ouvrir de nouvelles priorités, notamment dans le domaine de l’accès à la culture. Toute mon ambition consiste à préserver le périmètre d’action du ministère de la culture, mais aussi à tenir compte des profondes évolutions dans l’accès aux œuvres et à la création – l’individualisation, la numérisation – et à favoriser l’ouverture de nouveaux « territoires » pour nos artistes et nos créateurs.

En d’autres termes, je souhaite gérer au mieux le legs transmis par les ministres de la culture qui se sont succédé rue de Valois, mais aussi anticiper ce que seront notre patrimoine et notre création à l’horizon de vingt ou trente ans. En effet, le bon gouvernement, c’est être gestionnaire, mais c’est aussi se projeter dans l’avenir.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Monsieur le ministre, je ferai d’abord une remarque de forme : les programmes et actions de la mission « Culture » ont subi cette année des changements majeurs, changements qui rendent la lecture des documents budgétaires très peu aisée, certains découpages laissant perplexe, notamment le regroupement des crédits « livres » et « industries culturelles » au sein du programme « Presse ». Je regrette vivement l’absence de lisibilité des documents budgétaires et déplore ces changements incessants de maquette qui nuisent à l’efficacité du contrôle parlementaire sur les finances de l’État.

S’agissant du budget de la culture pour 2011 proprement dit, on note une stagnation pour la création et la démocratisation culturelle.

La mission « Culture » sera dotée en 2011 de 2 708,01 millions d’euros en autorisations d’engagement (plus 4,04 % par rapport à 2010) et de 2 672,81 millions d’euros en crédits de paiement (moins 0,15 % par rapport à 2010).

Notons, tout d’abord, une programmation pluriannuelle 2011-2013 plutôt alarmante, plus particulièrement en ce qui concerne le programme « Création ». Cela est d’autant plus inquiétant que la question de la répartition des financements État-collectivités n’est pas réglée, loin s’en faut. Les Entretiens de Valois sont au point mort et la réforme des collectivités territoriales fait peser de très lourdes incertitudes sur le budget de ces dernières.

Le budget du programme « Création » est relativement stable, la hausse de 4,24 % des autorisations d’engagement s’expliquant principalement par les moyens supplémentaires en faveur des arts plastiques et la programmation de travaux pour la Comédie Française, le Théâtre national de Chaillot, l’Opéra comique, le Centre national de la danse et la Cité de la céramique à Sèvres.

Plus inquiétant : les crédits de paiement stagnent à + 1,84 %, pour une inflation de 1,5 %.

Le spectacle vivant est en difficulté. Son budget est en régression, avec 3,13 millions d’euros de crédits supprimés.

Les crédits des opérateurs nationaux stagnent (+ 0,72 %) en 2011, mais les crédits de fonctionnement en région sont en baisse significative, ce qui est dramatique. Ainsi, un nombre important d’équipes artistiques, de scènes conventionnées, de festivals ne sera plus soutenu par le ministère, de même que des salles de musiques actuelles (SMAC), qui verront leur label supprimé.

Dans le domaine des arts plastiques, la priorité est le Palais de Tokyo et les manifestations d’art contemporain au Grand-Palais. Pourtant, l’image de la France n’est pas seulement Paris.

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le désengagement du ministère est là aussi réel.

Le tableau est sombre : les crédits de paiement sont en forte baisse (- 7,57 %), alors que le programme est déjà mis à mal depuis plusieurs années. Cette baisse s’explique, selon le ministère, par le transfert de crédits vers le CNC. La situation est en réalité plus complexe : il ne s’agit pas d’un transfert, mais d’un désengagement du ministère, le CNC finançant désormais ces actions sur ses fonds propres. Je suis extrêmement inquiète de cette « débudgétisation » déguisée de l’action culturelle : que se passera-t-il demain si le budget du CNC devient moins dynamique ? Devra-t-il choisir entre action culturelle et financement de la création ? Là encore, il est inadmissible que la culture seule finance la culture.

L’examen du projet annuel de performances permet malheureusement de mieux comprendre comment se répartissent les coupes budgétaires : les pratiques amateurs sont, cette année encore, très touchées. Comment parler de démocratisation de la culture et développer une véritable politique d’aménagement culturel du territoire sans les structures d’animation que constituent les réseaux amateurs ?

L’éducation artistique et culturelle voit ses crédits stagner si l’on prend en compte les actions financées par le CNC, ce qui équivaut à un budget en baisse en valeur réelle.

Par ailleurs, que dire du Conseil pour la création artistique, voulu par le Président de la République ? Je m’interroge sur cet « ovni » qui, pour moi, n’a rien à faire dans le paysage culturel français. Nous sommes nombreux à souhaiter sa suppression afin que ses crédits soient réaffectés à votre ministère, monsieur le ministre.

En ce qui concerne l’éducation artistique et culturelle, le Président de la République soulignait, dans la lettre de mission envoyée à Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture, que l’éducation artistique et culturelle devait devenir une priorité commune du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale afin de « faire tomber la barrière qui s’est progressivement dressée entre le monde éducatif et le monde de la culture du fait de la séparation des deux ministères. »

J’ai donc souhaité mesurer les progrès accomplis depuis 2005 par ces deux ministères et vérifier l’adéquation entre les ambitions affichées et les moyens disponibles sur le terrain.

Parmi les nombreux plans mis en œuvre, je me suis penchée plus particulièrement sur le dernier en date, celui du 24 avril 2008, qui prévoit la multiplication par quatre du nombre de classes à horaires aménagés et leur extension au domaine des arts plastiques et du théâtre ; le développement, dans et hors l’école, des pratiques artistiques ; l’évolution des concours de recrutement, de la formation initiale et continue des enseignants ; la création d’un grand portail interministériel de l’éducation artistique et culturelle ; la création d’un nouvel enseignement d’« histoire des arts ».

Hélas, les intentions sont largement contredites par les faits.

L’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, tant du corps enseignant que des institutions culturelles, nous ont fait part d’une très forte inquiétude sur quatre points : le désengagement croissant du ministère de l’éducation nationale sur cette thématique ; le manque de lisibilité des actions en régions et dans les établissements scolaires ; la formation des enseignants ; l’enseignement de l’histoire des arts ; le portail numérique.

En ce qui concerne le budget du ministère de la culture, la priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle peut être évaluée du fait de l’existence d’une action spécifiquement dédiée. Toutefois, il n’est pas possible d’évaluer les sommes engagées par les institutions subventionnées par le ministère : je le déplore, d’autant qu’elle a déjà été dénoncée en 2005 par Mme Muriel Marland-Militello au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En effet, certaines institutions culturelles ont de véritables actions en direction de la démocratisation de la culture, tandis que d’autres se contentent d’une politique d’affichage.

Concernant le ministère de l’éducation nationale, l’évaluation du budget consacrée à l’éducation artistique est très délicate : le ministère est dans l’incapacité de fournir des données chiffrées précises sur les budgets alloués aux différents dispositifs d’éducation artistique. À cette opacité la plus totale s’ajoute un fait plus alarmant encore : plusieurs enseignants et des intervenants ont confirmé lors de leur audition l’évolution à la baisse dramatique du financement des dispositifs. De plus, le Gouvernement a mis fin à des mises à disposition d’enseignants dans les structures culturelles en raison de la création du portail numérique. Je déplore cette décision, qui a contribué à désorganiser les services éducatifs des institutions culturelles, d’autant qu’un outil numérique ne remplacera jamais la présence continue et de longue durée d’enseignants dans les structures.

Par ailleurs, bien que le ministère de la culture ait mis en place des conventions avec les établissements culturels pour faire de l’éducation artistique une vraie mission éducative, trop de disparités subsistent entre les établissements. Il conviendrait de leur allouer des budgets permettant de mener de front actions culturelles et projets artistiques sans avoir constamment à choisir les uns au détriment des autres.

En ce qui concerne les établissements scolaires, le plan de 2008 a renforcé l’exigence d’inclure un volet culturel au sein du projet d’établissement. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale est aujourd’hui incapable de fournir des informations sur la présence, ou l’absence, d’un tel volet dans les projets d’établissement. Cette situation est inacceptable car une obligation non contrôlée relève de l’incantation.

Il n’existe pas non plus d’évaluation des plans mis en œuvre ni d’analyse géographique et sociale fine des enfants concernés par les dispositifs. C’est regrettable. En effet, seule une politique cohérente, généralisée et réfléchie sur un territoire donné, visant à offrir à l’ensemble des élèves une pratique artistique au cours de la scolarité, permettra la généralisation effective de l’éducation artistique que chacun semble appeler de ses vœux.

Je souhaite également insister sur la formation artistique et culturelle des enseignants et des responsables d’établissement. Les auditions ont largement montré que la réforme des IUFM et la mastérisation ont rendu aléatoire la formation artistique des enseignants. De plus, la diminution des budgets ne permettra pas d’assurer la formation continue des professionnels et des futurs professionnels.

Le plan de 2008 prévoit également la création d’un enseignement obligatoire de l’histoire des arts. Or toutes les personnes que nous avons auditionnées ont évoqué leurs difficultés à saisir le périmètre exact de cet enseignement et les modalités de sa mise en œuvre, d’autant que les enseignants n’y ont absolument pas été formés. Il est vrai que l’annonce de cette mesure n’a pas été suivie d’un plan de formation des enseignants, ce qui est une erreur. Il est par ailleurs à craindre que la mise en œuvre de cet enseignement n’ait pour conséquence la diminution de la place accordée aux pratiques artistiques sur le temps scolaire et leur relégation en dehors des heures scolaires, en particulier dans le cadre de l’accompagnement éducatif.

Je finirai par le portail numérique : toute ressource, numérique ou non, n’est qu’un support qui doit susciter l’envie chez l’enfant – vous l’avez du reste rappelé, monsieur le ministre, vous qui êtes très attaché à la culture pour chacun. Le développement de ces outils ne doit pas empêcher les élèves de sortir de leur établissement, sous le prétexte que les ressources seraient disponibles sur écran. En ces temps de disette budgétaire, très marquée à l’éducation nationale, la tentation risque d’être grande. Il convient de l’éviter à tout prix, au risque de ruiner des années de travail partenarial entre les institutions culturelles et les établissements.

Mme Monique Boulestin, rapporteure pour avis pour le programme « Patrimoines ». « Une fois ou deux elle avait jeté un œil sur le livre que sa sœur lisait, mais il ne contenait ni image ni conversation, et, se disait Alice, à quoi peut bien servir un livre où il n’y a ni image ni conversation ? ». Pour paraphraser Alice, monsieur le ministre, nous pourrions nous demander à quoi bon examiner un budget dédié aux patrimoines réservés ? Et pourtant, territoire de secrets, de rêves et d’imaginaires collectifs, espace protégé, parfois, réservé aux coulisses de la mémoire, ce que nous appelons notre patrimoine mérite toute notre attention.

C’est pourquoi, sans reprendre l’intégralité de mon rapport, je concentrerai mon propos sur trois des points les plus importants.

Ma première remarque portera, comme celle de Mme Marie-Odile Bouillé, sur la forme : la maquette du budget en rend difficile la lecture et la comparaison rétrospective est malaisée. C’est pourquoi nous vous demandons avec insistance de bien vouloir revenir à une présentation du budget qui distingue, avec clarté, les moyens mis en œuvre pour les médias et ceux relatifs à la culture, en y incluant livres, industries culturelles et enrichissement des collections publiques. En effet, dans ce nouveau périmètre, que devient la réflexion sur la numérisation du patrimoine écrit contemporain : manuscrits, carnets de notes, livres uniques ou œuvres orphelines, sur lesquels nous vous avons déjà longuement interrogé ? Comment en négocier la diffusion après numérisation ? Dans le même ordre d’idée, comment faire évoluer notre patrimoine cinématographique, qui n’a rien à faire au sein des crédits de la mission « Médias » ? Enfin, comment évaluer le coût de la gratuité dans les collections permanentes des musées nationaux, étendue à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-six ans, alors que, selon les informations fournies par votre ministère, « la compensation de la gratuité n’a jamais été intégrée au projet de loi de finances sur aucune action. […] La compensation est prise sur le dégel du programme “ Patrimoines ” donc au détriment de tout le programme ». Quel aveu ! C’est la raison pour laquelle nous demandons la création d’une mission d’information au sein de notre Commission, pour mesurer l’utilité de cette gratuité en termes de démocratisation culturelle. Comme vous, nous sommes en effet très attachés à l’accès à la culture pour tous et pour chacun.

Ma deuxième remarque découlera de la première : si nous observons avec attention les chiffres remis par le ministère de la culture, le désengagement de l’État est clairement acté, notamment dans les secteurs des patrimoines, ce qui est en totale contradiction avec les propos que le chef de l’État a prononcés en 2007 lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine : « La sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». Aujourd’hui, il y a loin de la parole aux actes !

En effet, comment atteindre chaque année les 400 millions d’euros promis pour les monuments historiques avec des crédits en baisse de 0,9 % sur trois ans ? Je vous renvoie, monsieur le ministre, aux rapports alarmants de MM. Christian Kert et Patrick Bloche, qui s’inquiétaient déjà des dangers que représentaient les désengagements budgétaires dans le secteur du patrimoine monumental.

Enfin, au lieu de songer à se séparer de son patrimoine au détour d’un article de projet de loi de finances – je fais référence à cet article 52 du projet de loi de finances pour 2010 heureusement censuré l’an dernier par le Conseil Constitutionnel –, le Gouvernement devrait avoir à cœur de le restaurer dans les meilleures conditions. Or que dire des conditions financières drastiques imposées aux collectivités territoriales, qui devront financer leurs projets à hauteur de 80 % dans le cadre du plan « Musées en région » présenté le 9 septembre dernier ? Que penser des ventes spectaculaires de nos bâtiments patrimoniaux à des pays étrangers ?

Ces restaurations et restructurations nous engagent collectivement, et c’est pourquoi vous voudrez bien me pardonner cette formule que j’emprunte à Isaac Newton : « Si j’ai vu loin, c’est en montant sur les épaules de géants ».

En effet, compte tenu de la situation, comment imaginer la création de la Maison de l’histoire de France ? Je m’interroge, à l’instar de nombreux historiens, sur les modalités de création de cette institution et sur ses conséquences budgétaires sur les structures déjà existantes dans la mesure où rien n’est prévu en 2011 pour développer le projet.

Tels sont les points que je souhaitais évoquer avant d’aborder les conséquences pour les sites et les collectivités d’une inscription au patrimoine mondial. Je le ferai autour de trois axes principaux : le cadre général dans lequel nous nous inscrivons, les procédures avant inscription et les obligations après inscription.

Je ne reviendrai pas sur les conditions d’élaboration de la Convention du 16 novembre 1972, parfaitement explicitées dans le rapport pour avis, qui rappelle également la définition donnée par l’UNESCO du concept de patrimoine matériel. Or, comme on s’est aperçu, avec le temps, que certaines traditions ou pratiques des communautés humaines, constitutives de leur identité – traditions orales, contes ou musique –, n’étaient que très marginalement prises en compte alors même que, dans certains pays, ce patrimoine pouvait être plus important que le patrimoine matériel, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003 vise à prendre en considération ces éléments exclus de la Convention de 1972.

Les dossiers d’inscription sont, quant à eux, élaborés soit par l’État, soit – c’est le cas le plus fréquent aujourd’hui – par les collectivités territoriales, ou encore par des associations, selon un modèle précisé par les « Orientations » issues des débats du Comité du patrimoine mondial composé de vingt et un États. Or le montage de ces dossiers étant devenu très lourd, aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier, il nécessite très souvent le concours d’organismes extérieurs spécialisés ou de personnels dédiés. En effet, selon le ministère de la culture, il faut en moyenne de cinq à sept ans pour monter un dossier. Il est donc impératif de former ces personnels dédiés, qui deviendraient ainsi de véritables référents en vue d’assurer une plus grande efficacité et une meilleure coordination dans le montage du projet. C’était du reste une idée de M. Donnedieu de Vabres lorsqu’il était ministre de la culture.

Depuis une dizaine d’années, les candidatures au patrimoine mondial sont portées et financées quasi exclusivement par les collectivités territoriales. L’État est passé d’un rôle opérationnel à un rôle d’accompagnement dans le processus d’élaboration des candidatures et dans le suivi des obligations liées à l’inscription. Rappelons en effet qu’un label n’est pas uniquement une récompense : il crée également de nombreuses obligations.

Rappelons par ailleurs que c’est à l’État et non aux collectivités responsables des biens et patrimoines inscrits que l’UNESCO demande des comptes. De plus, en matière de patrimoine, l’État est le seul référent, alors que les véritables responsables des biens et patrimoines inscrits sont les collectivités, et ce depuis leur implication dans les années quatre-vingt-dix. La position de l’État est, de ce fait, devenue délicate car, s’il contractualise avec l’UNESCO, il n’est que très rarement responsable des sites et patrimoines inscrits. Dès lors se pose la question de la gestion des sites en France.

Cette situation crée un vrai problème de visibilité et d’efficacité puisque l’État n’a pas de ligne budgétaire spécifiquement dédiée aux biens du patrimoine mondial.

Par ailleurs, si l’outil budgétaire est d’un maniement délicat – nous venons de le voir –, l’outil juridique n’est pas plus facile à utiliser. En effet, la gestion des biens inscrits est devenue singulièrement complexe, sous l’effet de plusieurs facteurs énumérés dans le rapport : aussi convient-il de réfléchir à la mise en place d’un partage des responsabilités entre 1’État et les collectivités. Un système de coordination État-collectivités reste donc à inventer, en dépit de la signature de la Charte d’engagement des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, en septembre 2010, laquelle prévoit le partage des responsabilités entre l’État et les collectivités.

Il n’en reste pas moins que les impacts socio-économiques, réels ou supposés, d’une inscription au patrimoine mondial sont l’un des principaux arguments des élus locaux porteurs des projets et dossiers. Au regard des avis contrastés sur ces impacts pour les collectivités, le ministère de la culture pourrait réaliser une étude indépendante ayant pour objet une observation plus systématique et mieux coordonnée des effets de l’inscription. Cette étude pourrait être confiée au département des études, de la prospective et des statistiques du ministère.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, le groupe UMP partage les ambitions que vous avez exprimées pour les archives, les musées, le patrimoine linguistique et la création, alors même que le contexte budgétaire est très tendu. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le budget du ministère de la culture soit préservé, voire augmente très légèrement. En revanche, la réforme de la maquette budgétaire nous laisse perplexes car elle ne facilite pas les comparaisons, bien légitimes, entre les années – je rejoins sur ce point les deux rapporteures pour avis.

Le fait que le livre ait été rattaché à la mission « Médias et industries culturelles » est un sujet principal de préoccupation – il était auparavant rattaché à la mission « Culture ». Il s’agit donc d’une restructuration en profondeur d’un sujet phare de la politique culturelle. Qu’est-ce qui a motivé le choix d’un tel rattachement ?

La TVA réduite sur le livre numérique est un sujet cher au cœur de plusieurs membres de la Commission des affaires culturelles. Christian Kert, Franck Riester, Muriel Marland-Militello, Hervé Gaymard et moi-même avons porté au sein de l’hémicycle le débat sur le sujet. La France a toujours été aux avant-postes en matière de politique du livre, notamment avec le prix unique du livre. Elle doit y rester pour mener le combat de la TVA réduite sur le livre numérique. Le ministre du budget s’est engagé à écrire au président de la Commission européenne sur ce point. Je souhaiterais obtenir votre soutien sur ce sujet important car il s’agit d’un marché émergent appelé à se développer. Or les pays de l’Union européenne mènent en la matière des politiques hétérogènes et floues. Le Luxembourg, notamment, applique un taux réduit qui ne favorise pas l’édition de livres numériques sur le territoire français.

Nous faisons de vos priorités les nôtres, puisque le thème central des différentes missions de votre ministère est de rendre la culture accessible. Vous avez cité une très belle phrase du ministre de la culture Jacques Duhamel. Je tiens pour ma part à citer André Malraux, qui a déclaré, il y a un demi-siècle : « Rendre le plus grand nombre d’œuvres accessibles au plus grand nombre d’hommes ». C’est le fil rouge de votre budget et de nos préoccupations.

En ce qui concerne les musées, les crédits de paiement et les autorisations d’engagement sont en hausse. S’agissant du plan « Musées en région », qui devra être réalisé en partenariat avec les collectivités locales, il sera doté en 2011 de quelque 26 millions d’euros en autorisations d’engagement – de 2011 à 2013, l’État mobilisera 70 millions d’euros – pour soixante-dix-neuf projets. Quelles seront les modalités d’attributions des aides octroyées par l’État ? Des champs culturels seront-ils privilégiés ? Sur quels critères seront retenus les projets financés ? J’insiste sur le rôle majeur que les musées jouent dans l’aménagement du territoire et sur la part centrale qu’ils occupent dans la démocratisation culturelle et l’accès de tous à la culture.

S’agissant des grands projets muséaux, vous avez évoqué le MUCEM. Je n’y reviens pas puisque, si j’ai bien compris, l’établissement ouvrira à la date convenue. Mais où en est le projet de fusion envisagé entre la Réunion des musées nationaux (RMN) et le Grand-Palais, fusion qui créerait des synergies entre ces deux établissements complémentaires et permettrait l’émergence d’un grand opérateur culturel de rang international ? Je rappelle que le plan présenté par M. Jean-Paul Cluzel s’élève à 236 millions d’euros.

Nous sommes heureux du succès du Centre Pompidou-Metz, qui est une magnifique réalisation. Toutefois, indépendamment du projet touchant le Palais de Tokyo, se pose la question d’un deuxième site pour le Centre Pompidou de Paris. Le Centre Pompidou de Paris est le seul musée au monde de cette taille à n’être que sur un seul site. Il existe un MoMA II à New York, et la Tate Modern, à Londres, est aussi dans ce cas. Quant au musée Reina Sofia de Madrid, il a vu sa surface doubler. Le Président Pompidou s’était posé la question du musée du XXe siècle. Quel sera le musée pour le XXIe siècle, d’autant qu’un grand nombre d’œuvres ne sont pas présentées au musée Pompidou ? Le Palais de Tokyo est insuffisant pour résoudre le problème.

En ce qui concerne le patrimoine monumental, je me réjouis que les autorisations d’engagement soient en hausse. Si les crédits sont stabilisés pour cette année, il conviendra, les prochaines années, de conserver l’accent mis sur les crédits d’entretien et de restauration des monuments qui n’appartiennent pas à l’État.

Nous nous félicitons, en matière de création, que l’offre artistique ait une meilleure lisibilité. La mise en place de labels me paraît une bonne chose. Quelles initiatives entendez-vous prendre pour redynamiser le marché de l’art en France ? Il convient en effet de refaire de Paris une des grandes places internationales.

Je sais, monsieur le ministre, que vous soutenez le projet de Philharmonie de Paris : toutefois, en l’absence de crédits, doit-on considérer qu’il est abandonné ? S’il ne l’est pas, quelles modalités et quel calendrier sont retenus pour mener à bien ce projet évoqué depuis plusieurs années ?

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », quel bilan pouvez-vous déjà tirer du plan triennal engagé en faveur des quartiers prioritaires – l’opération se termine en 2011 ? Qu’en est-il de l’articulation de ce plan d’action avec les fonds alloués aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), lesquels ont baissé au titre du programme « Transmission des savoirs » alors même que les DRAC jouent un rôle très important pour faire vivre le tissu culturel local ?

Comment s’articule le Conseil pour la création artistique avec l’action de votre ministère ? Je tiens à rappeler que quelque 2 millions d’euros sont en jeu.

Quel sera l’investissement du ministère de la culture dans le projet du Grand Paris, par-delà les crédits alloués à l’architecture ? Comment le ministère de la culture peut-il adjoindre une forte dimension culturelle à ce projet, dimension qui semble encore lui faire défaut ?

Je tiens, pour finir, monsieur le ministre, à vous confirmer le soutien du groupe UMP à votre projet de budget.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, je ne saurais vous donner immédiatement la position du groupe SRC sur votre projet de budget car nous attendons de ce débat des éclaircissements qui pourraient infléchir nos premières conclusions.

L’an passé – est-ce par mégarde ? –, vous aviez évoqué la « culture pour chacun », sans nous en dire plus. Vous avez apporté aujourd’hui quelques précisions supplémentaires. Il y aurait lieu toutefois de nous en dire beaucoup plus puisque, si l’on en croit la lecture du document de votre ministère intitulé « Culture pour chacun », il conviendrait d’opposer une culture dite « élitaire pour tous » à la culture populaire.

À titre d’exemple, pourriez-vous nous dire comment le projet de Philharmonie, création centrale, parisienne, élitaire, qui s’ajoute à la reprise de la salle Pleyel dans l’espace public, s’inscrit dans la « culture pour chacun » ? Comment l’ouverture du Palais de Tokyo, qui est également un équipement central, parisien, élitaire, qui récupère à son seul profit l’essentiel des crédits supplémentaires des arts plastiques, s’inscrit-elle dans la « culture pour chacun », alors que, dans le même temps, les autorisations d’engagement pour les investissements des FRAC en régions baissent de 40 % ? Est-ce en adéquation avec les principes de la culture pour chacun ?

Comment s’ouvrir à des pratiques pour les jeunes lorsque les salles de musiques actuelles représentent, par le nombre de leurs labels, plus de 45 % des bénéficiaires et que les crédits baissent de 26 % ?

Comment pouvez-vous mettre en avant la démocratisation culturelle qui, je le suppose, participe de la culture pour chacun, et réduire en même temps les crédits « Transmission des savoirs », de 7,57 %, comme notre rapporteur l’a indiqué ? Dans l’avis budgétaire de notre rapporteure, on lit qu’entre 2001 et 2011 les crédits de l’éducation artistique et culturelle ont progressé de 4,27 % tandis que l’inflation augmentait de plus de 21 %, soit une diminution en volume de 17 % en dix ans.

Ainsi, ce qui a pour objet de rapprocher la culture du plus grand nombre fait l’objet d’une cure d’amaigrissement dans les crédits, mais pas dans les propos.

J’aimerais savoir quelle place occupera le Conseil pour la création artistique dans le déploiement de votre ministère et dans votre politique. Nous avions compris que les crédits de cet organisme seraient gérés par le Premier ministre. Or il semblerait qu’ils le soient finalement par votre ministère, ce qui ne signifie pas forcément que son financement sera pris sur votre budget, mais ce qui risque de grever les reports de crédits, parfois importants en 2010 comme, par exemple, ceux portant sur la « Transmission des savoirs ». De ce fait, certains projets ont dû être freinés. Lesquels ?

M. Michel Herbillon s’est lui-même interrogé sur le rôle du Conseil pour la création artistique, susceptible de porter atteinte à votre propre légitimité d’acteur de la politique culturelle…

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Marcel Rogemont. Mais moi, je le dis ! À titre d’exemple, créer un orchestre de 450 jeunes dans un quartier populaire constitue certes une très bonne initiative, menée en outre avec qualité par des gens de qualité. Mais le coût de l’opération approche les 2 millions d’euros : avec une telle somme, on pouvait, en région, faire au moins aussi bien et autrement.

Je ressens donc cet organisme comme une petite danseuse placée auprès de vous. En ferez-vous bon usage ?

Les Entretiens de Valois devaient déboucher sur la définition d’une autre architecture des rapports avec les collectivités territoriales. Vous êtes opposé aux financements croisés et vous l’avez fait inscrire dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Mais c’est à l’action du monde sportif et culturel que nous devons la suppression de la clause de compétence générale. Comment envisagez-vous désormais ces rapports ? Comment établirez-vous des partenariats avec les communes, les départements et les régions, lorsque l’État ne tient sa parole ni sur le plan financier ni sur le plan institutionnel, et sans concertation avec les collectivités territoriales qui, pourtant, financent largement la culture ?

Alors que vous parlez d’un budget satisfaisant, se posent donc de nombreuses questions. Le Président de la République s’était engagé à ce que les crédits de la culture ne souffrent jamais de gel. Confirmez-vous ces propos ?

La culture est une invitation à penser. Mais savez-vous que, pour penser, il faut dépenser ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Si l’on peut afficher une progression des crédits de la mission « Medias, livre et industries culturelles », notamment grâce à des transferts de dotations vers votre ministère, il en va différemment des crédits que vous nous présentez aujourd’hui. L’ensemble de la mission « Culture » passe, en autorisations d’engagement, de 2,090 milliards en 2010 à 2,071 milliards pour 2011, soit une baisse d’environ 6 %, et, en crédits de paiement, de 2,092 milliards à 2,067 milliards, soit une diminution de près de 9 %. À cette chute, s’ajoute la prévision d’inflation d’environ 1,5 % pour 2011.

Le programme 175, « Patrimoines », accuse une réduction de 30 %, avec une redéfinition de son périmètre comportant des transferts de personnels au programme 224, rendant malaisée la comparaison d’une année à l’autre. Pouvez-vous préciser quelle est la diminution réelle du programme 175 ?

Ce sont 375 millions qui sont alloués aux monuments historiques, dont 10 millions d’euros sont censés provenir du produit de la taxe sur les jeux en ligne. Or celui-ci demeure inconnu à ce jour. Les 10 millions d’euros ne sont donc pas garantis mais néanmoins plafonnés en application de la loi du 12 mai 2010. Au 4 octobre dernier, l’évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances estimait le produit de la taxe à 26 millions en 2010 et à 62 millions en 2011. Le Gouvernement dispose-t-il de prévisions actualisées ? En effet, il ne serait pas admissible que la taxe supportée par les petits parieurs ne serve pas intégralement l’intérêt général. Si besoin était, nous proposerions de déplafonner le versement.

La Commission de la culture du Sénat a adopté à l’unanimité un rapport préconisant la création d’une nouvelle commission du patrimoine monumental, chargée « de rendre impossible le dépeçage du patrimoine ». Qu’allez-vous faire de cette proposition ?

Le budget d’acquisitions au profit des collections nationales accuse un repli de 12 %. Les grands opérateurs, tels que le Louvre, Orsay, Versailles, verront leurs crédits diminuer de 5 % dès 2012. Ils restent la cible de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Comment la réduction drastique des crédits de l’État sera-t-elle compensée ? Des intellectuels, comme Stéphane Hessel, se sont inquiétés, en lançant un appel, de « la menace d’une défaite devant l’invasion délétère de l’esprit marchand ».

Je voudrais aussi connaître votre analyse de la stagnation, autour de 36 millions d’entrées annuelles, de la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales, et particulièrement de la baisse, selon nous révélatrice, entre 2008 et 2009, de celle des moins de dix-huit ans.

Les grands projets dont les chantiers sont déjà engagés ou en voie d’achèvement bénéficieront seuls d’enveloppes de financement. Si le MUCEM de Marseille reçoit 27 millions d’euros, la Philharmonie de Paris, soutenue par le Président de la République lors de ses vœux au monde culturel en janvier dernier, semble oubliée. Peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point ?

Considérez-vous que les informations sur les personnes, conservées par les services d’archives, aient vocation à être privatisées en vue d’une réutilisation à des fins commerciales ? Sinon, nous proposerez-vous bientôt de légiférer afin d’imposer un cadre plus strict dans ce domaine ?

J’en viens aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Dans le premier, les arts plastiques semblent être préservés, en raison notamment de la confirmation du projet du palais de Tokyo, qui bénéficie de 13 millions d’euros. Vous signalez, dans le document budgétaire, que le programme soulève un enjeu démocratique « car la richesse et la diversité de la création et la capacité de chacun à y accéder constituent une des clés de la cohésion sociale et de l’épanouissement individuel. » Pensez-vous que la nouvelle structure répondra à cet objectif et, dans l’affirmative, de quelle manière ?

Qu’en est-il de la mise en place d’un véritable statut et de la reconnaissance des artistes plasticiens ?

Le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant se révèle stable.

Le texte portant réforme des collectivités territoriales est encore en discussion au Parlement, la commission mixte paritaire devant se réunir demain. Grâce à de nombreuses mobilisations, le texte préserve pour l’instant certaines possibilités de cofinancement en matière culturelle. Mais, en application de son article 35 ter, rétabli par l’Assemblée nationale après sa suppression par le Sénat, toute commune maîtresse d’ouvrage d’un projet culturel devra financer au moins 30 % de l’investissement correspondant : une façon draconienne, selon nous, de limiter les projets. Aussi bien le gel des dotations aux collectivités territoriales aura-t-il un impact particulièrement lourd en matière culturelle et patrimoniale, plus spécialement dans les communes ne disposant que de faibles ressources. L’Association des maires Ville et banlieue de France s’en est d’ailleurs émue.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », bien que regroupant désormais l’ensemble des dépenses de personnel du ministère intervenant en ce domaine, enregistre une perte de 30 millions d’euros de ses crédits de paiement, soit de 3 %, après avoir déjà subi une compression de 12 millions d’euros en 2010. Comment, dans ces conditions, prétendre que la transmission des savoirs demeure une priorité ?

L’éducation artistique et culturelle devrait bénéficier de 31 millions d’euros de crédits de paiement, contre 34 en 2010, soit une baisse de 10 %. Avez-vous répondu à la demande des professionnels et des usagers concernés que soient organisées des assises nationales des enseignements artistiques ?

Les actions en faveur de l’accès à la culture bénéficient de 49 millions en 2010, mais seulement de 45 millions d’euros pour 2011.

Pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant les territoires prioritaires, alors que le plan Espoir banlieues ne répond qu’insuffisamment aux besoins de lutte contre la fracture sociale et culturelle ?

Le rabotage des niches fiscales a épargné le secteur culturel. La niche « Malraux », permettant de défiscaliser les travaux effectués sur les immeubles situés dans des centres anciens et sur des objets mobiliers classés, sera toutefois amputée de 10 %, dégageant une économie de seulement 1 million d’euros. Les réductions d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat sont maintenues, mais leur impact sur les finances publiques ne semble pas avoir été mesuré.

Je rappelle enfin qu’une étude de votre ministère avait relevé, en 2009, qu’un quart des Français ne fréquentait jamais un équipement culturel, ce qui signifie ne jamais aller ni au cinéma ni dans une médiathèque, n’assister à aucun spectacle vivant, ne visiter aucun lieu d’exposition ou de patrimoine.

Les députés du groupe GDR considèrent donc que ce projet de budget manque d’ambitions et qu’il ne répond pas à l’idée que nous nous faisons d’une culture vivante et accessible à tous. Ils ne le voteront donc pas.

M. Christian Kert. Je veux d’abord remercier Mme Monique Boulestin d’avoir rappelé que M. Patrick Bloche et moi-même avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur l’absence de crédits suffisants pour assurer la sauvegarde du patrimoine. À cette époque, il ne manquait pas 25 millions d’euros, comme aujourd’hui, mais 140 millions, que nous avons obtenus. L’essentiel du patrimoine peut désormais être restauré et réhabilité, ce qui n’était pas le cas du temps où l’on ne pouvait pérenniser les chantiers de restauration de certaines cathédrales.

On dit beaucoup qu’en ce moment le mécénat culturel souffre. Faites-vous cette analyse ? Peut-on mieux le soutenir ? Nous avons assisté ensemble, monsieur le ministre, à l’assemblée générale de la Fondation du patrimoine, où nous nous sommes rendu compte que le mécénat des particuliers se portait plutôt bien. Peut-on espérer que sa bonne santé se propage au mécénat des entreprises ?

(M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission, remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la séance.)

M. Christian Kert. Le chantier du MUCEM, à Marseille, se réalise dans de bonnes conditions. Mais notre collègue exprime certaines craintes dans son rapport pour avis. L’élu d’Aix-en-Provence que je suis, soucieux du bon déroulement de « Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture », entend donc que le MUCEM ouvre ses portes au bon moment. Peut-on lever les inquiétudes à cet égard ?

M. Patrick Bloche. La surprise de cette audition provient, monsieur le ministre, du fait que vous ayez adopté un profil bas pour présenter votre projet de budget, ce qui est honnête de votre part, mais ce qui contraste avec l’exposé un peu triomphaliste que vous aviez fait lors de votre conférence de presse de septembre, annonçant fièrement une hausse de 2 % des crédits de la culture et de la communication.

Vous dites que les crédits de la mission « Culture » augmentent de 1,1 %. Je voudrais que vous nous expliquiez comment. Car, ainsi que Mme Marie-Odile Bouillé nous l’a indiqué, leur montant atteint 2,672 milliards d’euros pour 2011, contre 2,676 milliards d’euros en 2010. Ne s’agissant que d’une baisse infime, mieux vaut parler de stagnation. Mais les fonds de concours, non comptabilisés dans ces sommes, s’élèvent à 50 millions d’euros en 2010 alors que vous en prévoyez seulement 40 millions pour 2011. Le projet de budget traduit donc la consolidation de la stagnation.

Ce que vient de dire M. Christian Kert sur le patrimoine est révélateur. Il y eut, en effet, un plan de rattrapage, de 100 millions d’euros supplémentaires, en 2009 et 2010, puis, tout d’un coup, cette année, 13 millions de crédits de paiement sont enlevés au patrimoine monumental, dont la dotation passe de 391 à 378 millions d’euros.

Du fait de cette stagnation, tout se trouve nivelé par le bas, sans qu’apparaisse de priorité majeure.

Je voudrais vous poser trois questions.

La première, déjà évoqué par M. Marcel Rogemont, porte sur la Philharmonie de Paris. Nous comptons sur vous pour faire ici une réponse différente de celle que vous aviez faite en octobre 2010, déclarant alors que vous souhaitiez profondément que l’on puisse effectivement mettre en place cette Philharmonie. Nous ne doutons pas de votre volonté en l’espèce. Mais nous voulons savoir si le projet va bénéficier des crédits de l’État, tels qu’ils étaient prévus, soit une participation de 45 %, un même montant étant apporté par la Ville de Paris et le solde par la région. Le chantier devait se terminer en 2012. On annonce aujourd’hui fin 2013. Quelle est la vérité ?

J’ai lu votre tribune, parue ce soir dans Le Monde, concernant la Maison de l’histoire de France. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui nous oppose dans ce projet, notamment en ce qui concerne son fondement politique et même idéologique. Mais j’ai été frappé que vous n’évoquiez presque pas sa localisation. Or nous éprouvons fortement le sentiment que le service public des Archives nationales, témoignage de notre histoire, se trouve sacrifié. Le choix du lieu a fait l’objet de nombreuses éventualités, et pas seulement à Fontainebleau. Finalement, Paris a été retenu : curieuse conception de l’histoire de France, sans doute héritée de notre passé jacobin.

Il était prévu que les espaces libérés par le déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine soient occupés par la conservation des minutes de notaires de la période 1885-1935, par celle des registres du Parlement de Paris et pour la mise à plat des chartes scellées, aujourd’hui pliées faute de place.

Nous voudrions également savoir quelles seront les conséquences de cette opération sur le plan financier. Car le coût de la seule réhabilitation du site des Archives nationales était déjà estimé, en 1999, à 76 millions d’euros, sans bien sûr prendre en compte la construction d’un auditorium, l’aménagement d’espaces d’accueil du public, l’installation d’un centre de recherches et de conférences, toutes choses prévues pour la Maison de l’histoire de France.

Il faut enfin évoquer ce qui fait le plus de mal à votre ministère et plus de mal qu’à d’autres : la RGPP, c’est-à-dire le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Comment réagissez-vous à ce qu’a dit M. Henri Loyrette, le président directeur général de l’établissement public du Musée du Louvre, dans un entretien accordé au journal Les Échos, le 11 octobre dernier, exprimant son inquiétude et même son angoisse ? Je cite ses propos : « Prenons le département des antiquités orientales : comment ferons-nous lorsque deux tiers des conservateurs vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années ? Ce sont d’éminents spécialistes qui ont voué leur vie à ce département. Les décisions prises aujourd’hui engagent l’avenir, comment en mesurer les répercussions à terme ? Cela est angoissant. »

Les conséquences de la RGPP sont désastreuses, meurtrières, dans votre ministère !

Mme Muriel Marland-Militello. A-t-on évalué le coût, ainsi que l’incidence sur la fréquentation des jeunes publics, de la disposition datant du 4 avril 2009 permettant aux personnes âgées de moins de vingt-six ans d’accéder gratuitement aux musées et aux monuments nationaux ?

Les arts plastiques ne bénéficient que de 10 % des crédits de la création, 90 % de ceux-ci allant au spectacle vivant : c’est une situation récurrente et triste dont vous héritez. Or les arts plastiques et la création contemporaine sont notre patrimoine de demain. L’insuffisance de leurs dotations représente donc un handicap pour notre rayonnement culturel et pour l’avenir de notre patrimoine.

Je me réjouis en revanche de la hausse de 27 % des crédits au profit du Palais de Tokyo et des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).

Il est satisfaisant que le premier voit ses moyens accrus afin d’aménager des espaces qui seront notamment dévolus aux artistes émergents. La structure de gestion de ce nouvel équipement aura un statut juridique de société par actions simplifiée. Est-ce le meilleur qu’on puisse lui donner ? L’ancien statut, associatif, était certes déjà privé. Mais un statut public ne serait-il pas mieux adapté à la prise de risque que suppose la programmation d’artistes émergents. Avez-vous bien l’intention de mener une politique en faveur de la diversité artistique ?

Je suis heureuse du soutien apporté par l’État aux FRAC, qui possèdent une double vocation : de mécénat pour la création et les artistes contemporains, et d’externalisation des œuvres acquises en les présentant au public. Or une inquiétude pèse sur la deuxième génération des FRAC : il ne faudrait pas que les crédits accordés pour l’installation dans de nouveaux locaux rompent avec la tradition et en fassent de nouveaux lieux muséaux, plus coûteux et moins dévolus à la démocratisation culturelle.

Vous désirez une culture pour chacun. Mais, dans sa mise en œuvre, le soutien à l’éducation artistique et culturelle ne représente que 2,8 % du budget : à comparer aux 67,2 % alloués aux fonctions de soutien du ministère. Dans ces conditions, comment pensez-vous mener à bien votre mission ?

Dans l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts, vous accordez une juste importance à la formation des enseignants. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les crédits qui lui sont consacrés ?

Je suis également heureuse de constater l’absence de rupture dans l’éducation artistique et culturelle au niveau de l’université, comme de relever que vous avez des projets de modules de pratiques artistiques dans les cursus, le projet d’implanter dans les campus des équipements artistiques et culturels, et celui de développer des projets communs. Là encore, pourriez-vous nous fournir quelques exemples de réalisations concrètes ?

À titre personnel, j’apprécie le fait que vous orientiez votre politique artistique et culturelle en direction des jeunes publics et en faveur de la démocratisation culturelle, donc vers une société plus civilisée.

M. Daniel Spagnou. Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, c’est un bon budget que vous nous présentez, avec détermination et talent, et non en faisant « profil bas », comme l’un de nos collègues l’a dit tout à l’heure.

J’observe que le ministère consacre 12 millions d’euros à la HADOPI, alors qu’on ignore l’efficacité de cette structure sur le long terme et que les montants consacrés aux acquisitions et à l’enrichissement des collections publiques vont passer de 19,49 à 16,63 millions d’euros. Pourquoi réduire autant ces crédits qui permettent d’assurer l’accès du plus grand nombre aux œuvres d’art sur l’ensemble du territoire et de favoriser la circulation des œuvres dans un contexte de hausse constante du marché ?

Mme Valérie Fourneyron. Ce budget est sans doute moins mauvais que d’autres, mais la présentation très positive que vous en faites ne résiste pas à l’analyse. Je pense en particulier aux 40 millions d’euros de crédits de paiement prévus au titre des fonds de concours.

Je voudrais vous interroger sur ce parent pauvre qu’est la création, pour laquelle une enveloppe de 362 millions d’euros est prévue. Les crédits d’intervention en faveur des lieux labellisés et des équipes artistiques devraient rester constants, mais j’observe que les scènes nationales auront un peu plus, et les opéras un peu moins. Selon quels critères avez-vous arrêté vos choix ?

Ma seconde question portera sur le fonds de professionnalisation, institué à la suite du protocole d’accord de 2006 et aujourd’hui reconduit à hauteur de 5 millions d’euros. Pouvez-vous faire le point sur la situation de l’intermittence et sur l’utilisation de ce fonds ? Bon nombre de compagnies ont dû arrêter leur action en régions à cause de la situation économique actuelle.

Dans le domaine des arts plastiques, on peut se réjouir que des moyens supplémentaires soient attribués aux FRAC. Cependant, j’aimerais savoir comment interpréter la réduction de 9 millions d’euros des crédits attribués aux centres d’art contemporain : est-ce la conséquence de la mission de l’inspection générale du ministère diligentée sur ce sujet ? Quels critères avez-vous retenus ?

En dernier lieu, je regrette la suppression de 83 postes en 2011. Ce sont encore des moyens qui manqueront dans nos territoires. D’ici à 2013, il est prévu de supprimer 300 postes supplémentaires dans le cadre de la RGPP, ce qui est beaucoup trop compte tenu de l’importance des moyens humains dans ce domaine.

M. Alain Marc. Une précision sémantique, tout d’abord. Vous avez évoqué les « langues de France », expression qui me paraît un peu trop générale et qui renvoie aussi bien à des langues parlées sur le territoire national, et bien vivantes, qu’à des langues régionales menacées d’extinction, pour lesquelles une action et des crédits supplémentaires seraient souhaitables.

Il a été question des hauts lieux culturels à Paris, mais il ne faudrait pas oublier qu’il en existe aussi en province, et que les collectivités territoriales font des efforts pour que le public scolaire puisse les fréquenter. Pourquoi ne pas imaginer un partenariat avec la SCNF, dont les trains ne sont pas toujours pleins en journée, tendant à ce que les élèves de province puissent se rendre à Paris à moindre coût ? Les transports sont souvent le poste de dépenses le plus important des déplacements scolaires.

Mme Martine Martinel. Il serait certainement utile que nos élèves puissent fréquenter les lieux culturels parisiens et remplir par la même occasion des compartiments de train vides, mais il y a aussi tout un travail à réaliser sur la fréquentation des hauts lieux culturels en province, lesquels présentent un grand intérêt.

Ma première question porte sur la baisse des crédits dévolus à l’action culturelle internationale, qui peut sans doute s’expliquer par le fait qu’une part importante des crédits a été transférée à la mission « Médias ». Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires, monsieur le ministre ?

En dernier lieu, comment envisagez-vous de mener la politique patrimoniale de notre pays compte tenu de l’érosion prévisible des budgets des collectivités territoriales ?

M. Jean-Luc Pérat. Vous avez évoqué l’accès à la culture pour tous et partout : la démocratisation culturelle et la sensibilisation à la culture doivent aussi concerner les territoires les plus éloignés des grands centres de culture et de création. Les collectivités territoriales s’impliquent dans ce domaine grâce au développement d’un certain nombre d’activités dans le temps périscolaire et extrascolaire, telles que les arts plastiques, la musique, la danse ou le théâtre, mais elles se heurtent à des difficultés de recrutement de personnes qualifiées et agrées. Pourrait-on assouplir les exigences requises ? Il ne s’agirait pas, bien entendu, de faire de la culture à deux niveaux, mais de faciliter l’action des collectivités et de les encourager car elles se posent aujourd’hui de nombreuses questions sur la possibilité de continuer à mener leur action. J’ai cru comprendre, en vous écoutant, que l’on pourrait envisager une mobilisation intercommunale autour de certains projets et de certaines actions. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’aimerais, par ailleurs, en savoir davantage sur la place réservée à la lecture publique dans votre stratégie. C’est un enjeu important dans les territoires ruraux éloignés de tout. Quelles évolutions peut-on envisager dans ce domaine ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Même si je n’ai pas eu le temps de lire votre tribune sur la Maison de l’histoire de France, je tiens à dire que c’est un très beau projet qui a tout mon soutien. Compte tenu des inquiétudes sur le coût de la réhabilitation du site actuel des Archives, estimé à 76 millions d’euros, je tiens à rappeler que j’ai proposé le plus beau, le plus intéressant et le moins cher de tous les projets avec l’île Seguin. Nous restons candidats si la Ville de Paris et la CGT ne veulent pas de cette Maison.

Je m’interroge sur la réduction des crédits alloués aux conservatoires, en particulier ceux des conservatoires à rayonnement régional. Il faut rester dans le cadre d’un partenariat équitable avec les collectivités locales – même si l’on ne peut pas dire qu’il le soit tout à fait aujourd’hui, puisque les collectivités apportent 80 % des crédits. 

Je suis d’accord avec notre rapporteure pour avis Monique Boulestin quant à la procédure de candidature à l’inscription au patrimoine mondial : celle-ci est aujourd’hui relativement complexe. Dans le cadre du projet concernant l’œuvre de Le Corbusier, porté par une fondation présidée par Jean-Pierre Duport, ancien préfet, que je voudrais remercier pour son travail, et par une association de villes que nous avons créée, nous avons le sentiment d’œuvrer seuls, même si nous allons prochainement être reçus au ministère. Pouvez-vous nous dire où est en ce projet lancé depuis novembre 2006 ?

Mme Colette Langlade. La crise ne doit pas jouer contre le développement de la culture, qui est porteuse d’immenses ressources dans le domaine économique, notamment grâce à l’attractivité exceptionnelle qu’elle confère à notre pays et à ses territoires. Nous devons franchir une nouvelle étape dans le partenariat culturel entre l’État et les collectivités territoriales – une mission de réflexion sur ce sujet a été confiée à Jérôme Bouët, ancien directeur régional des affaires culturelles. Des propositions devaient vous être remises au mois de septembre. Qu’en est-il ? Je pense en particulier au sort des régions, qui seront les collectivités les plus dépendantes des dotations de l’État à cause de la déconnexion totale entre la fiscalité dont elles disposent et les compétences qu’elles exercent.

J’aimerais également que vous nous en disiez plus sur les moyens alloués au Musée de la préhistoire des Eyzies, qui figurent à l’action 3 du programme « Patrimoines ».

M. Michel Ménard. De nombreux acteurs de terrain s’inquiètent de l’avenir de la culture dans notre pays. L’action des collectivités territoriales est, en effet, de plus en plus contrainte. À cause de l’explosion des dépenses, les conseils généraux maintiennent leur engagement dans le meilleur des cas, mais ils sont souvent contraints de revoir leurs aides à la baisse. Puisqu’ils ne maîtrisent quasiment plus leurs recettes, ils n’ont d’autre choix que d’adapter leurs dépenses pour respecter leur obligation d’équilibre. Alors que le budget de la culture est en réalité en baisse, comme la plupart des autres budgets, comment rassurer les acteurs de culture ? Comment passeront-ils cette année 2011 pour laquelle tous les voyants sont au rouge ?

M. Bruno Bourg-Broc. L’intervention de Pierre-Christophe Baguet m’incite à revenir sur la question de la Maison de l’histoire de France. J’avais adressé à votre prédécesseur une proposition qui me paraît toujours intéressante et d’actualité, monsieur le ministre. Puisqu’il a été question de décliner ce nouveau musée sous la forme d’un réseau, pourquoi le moulin de Valmy  n’y participerait-il pas ? Ce lieu hautement symbolique de l’histoire de France ne demande qu’à en faire partie.

M. Michel Herbillon, président. On pourrait également inclure le château de Vincennes, mais je ne sais pas si nous avons intérêt à nous lancer dans un tour de France.

Nous allons maintenant écouter le ministre, qui pourra répondre par écrit à certaines questions s’il le souhaite.

M. le ministre. Je vous en remercie, car je ne voudrais pas m’enferrer dans une longue querelle de chiffres. Tout dépend, en effet, de la façon dont on les regarde. Je m’efforcerai de vous démontrer par écrit la justesse de notre approche.

Je suis frappé par la qualité de nos échanges – et ce n’est pas une flatterie. J’ai pu constater, depuis seize mois, à quel point les questions évoquées aujourd’hui par les uns et par les autres, avec leur sensibilité propre, ce qui est bien légitime, coïncident avec les sujets auxquels je réfléchis, pour ma part, et auxquels j’essaie d’apporter des réponses.

Une première interrogation concerne le rapport entre Paris et les régions.

En ce qui concerne le Palais de Tokyo, je rappelle que nous pâtissons d’une très forte érosion de la place de Paris sur le marché de l’art. Une des raisons est que nous ne défendons pas suffisamment nos artistes contemporains : il faut trouver un lieu et des moyens pour mieux le faire. Michel Herbillon a évoqué à juste titre le projet d’extension en volume et en périmètre du Centre Pompidou, dont la mission était initialement de défendre l’art contemporain, et en particulier l’art émergent. C’est ce qu’il fait, mais pas suffisamment, à cause de sa surface et de son mode de fonctionnement. Je précise que mes propos ne traduisent pas une critique : l’action menée par le Centre Pompidou est, en effet, remarquable. La question qui se pose aujourd’hui est celle de son extension.

Le Palais de Tokyo, qui sera doté d’une structure autonome, pourra se consacrer aux artistes émergents et aux artistes de renom qui ne trouveraient pas leur place au Centre Pompidou. En matière de statut, je crois que nous sommes parvenus à une solution permettant de concilier la politique menée par l’État et l’ouverture aux acteurs du marché de l’art, sans prise d’otages par ces derniers. J’ajoute que le Palais de Tokyo permettra aux FRAC de rendre compte du travail accompli en régions : la vision retenue n’a rien de « pariso-parisienne ».

Je ne pourrai pas apporter les précisions demandées par Patrick Bloche à propos de la Philharmonie. Je souhaite que ce projet aboutisse mais, pour le moment, ni le montant exact de son budget ni son mode de financement n’ont été validés. Il n’existe aujourd’hui qu’un simple budget de préfiguration. Je peux vous dire, en revanche, que la Philharmonie ne devra pas être une entreprise élitaire, réservée à quelque happy few venant écouter de la musique symphonique comme on peut avoir la chance d’aller à l’opéra. Ce sera la clé de voûte de la transmission de la musique en France : la Philharmonie permettra d’accueillir des étudiants venus de tous les conservatoires, et de mettre à disposition des lieux de travail qui n’existent pas aujourd’hui. Je rappelle, en effet, qu’on ne peut pas accueillir d’orchestre symphonique international à la salle Pleyel, faute de salle de répétition, alors qu’il existe une Philharmonie à Londres, à Berlin et même à Rome, ville qui ne compte pourtant que 2,5 millions d’habitants. D’où l’action entreprise par le Conseil pour la création artistique avec l’orchestre des jeunes. Vous vous interrogez sur le coût de ce dispositif, mais il faut reconnaître qu’il est admirablement géré par Laurent Bayle. Et je le répète : l’équipement dont nous disposerons grâce à la Philarmonie ne sera ni élitaire, ni parisien ; il sera destiné à la France entière, et son but sera de favoriser la transmission de la musique dans notre pays.

Nous ne construisons pas la Maison de l’histoire de France, encore dans les limbes au moment où je vous parle, en suivant une tradition jacobine. Je rappelle, en outre, que seuls huit historiens participent au mouvement évoqué par Mme Boulestin. Depuis le début, il est entendu que cette Maison réunira tous les établissements qui traitent de l’histoire en France – et il ne sont pas au nombre de huit seulement. C’est une confédération large et souple qui est prévue, avec un centre destiné à accueillir les colloques. Je rappelle aussi que l’État investit des sommes considérables à Pierrefitte-sur-Seine pour construire de nouvelles archives, dotées de 350 kilomètres de rayonnage normalisé et moderne et de 66 000 mètres carrés – contre 36 000 mètres carrés aujourd’hui. Nous conserverons à Paris les archives antérieures à 1790 et nous y installerons les minutes des notaires, sans que cela nous empêche d’accueillir la Maison de l’histoire de France. Si l’on veille à ne pas trop s’étaler, il y aura de la place pour la Maison de l’histoire de France et pour les missions traditionnelles des Archives, qui seront maintenues.

La question des critères, évoquée tout à l’heure à juste titre, me taraude. J’essaie d’être sage en ne prenant pas de décision, lorsqu’elle m’appartient, pour des raisons de copinage – il paraît que ce fut le cas dans certains domaines, il y a très longtemps… J’essaie d’écouter ce qu’on me dit et de trouver les solutions les plus favorables au bien public. Que n’a-t-on pas entendu sur le festival d’Avignon ! On a prétendu que je ne m’y intéressais pas et que je n’y connaissais rien, mais j’observe que la décision prise a fait l’objet d’un consensus. Avec mon cabinet – auquel je veux rendre hommage pour la qualité de son travail et pour la cohésion qu’il permet d’assurer au ministère de la culture –, j’essaie toujours de peser le pour et le contre, dans le seul intérêt du bien public. Voilà dans quel esprit nous infléchissons l’attribution des crédits.

S’agissant plus particulièrement du spectacle vivant, nous essayons de prendre en compte la gestion de chaque organisme. Il faut reconnaître qu’il n’y aura pas d’augmentation des crédits dans ce domaine, mais une stabilisation. Compte tenu de l’augmentation des charges et de l’inflation, cela signifie une légère régression des moyens, mais nous avons su éviter, non sans combat, le tir croisé de ceux qui souhaitaient une évolution plus drastique. Je rappelle, en outre, que les Entretiens de Valois ont permis d’aboutir à un consensus sur la nécessité d’une réorganisation et d’une mutualisation d’un certain nombre de dépenses, sans porter atteinte à une forme d’expression culturelle à laquelle je tiens beaucoup : certaines fonctions se recoupant parfois dans certains lieux, il y a moyen de réduire un peu les coûts.

Après les Entretiens de Valois, des réunions se tiennent dans chaque région en vue d’étudier les budgets et d’envisager les mutualisations possibles. Je suis certain que nous parviendrons dans tous les cas à poursuivre le travail du spectacle vivant dans de bonnes conditions.

J’ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées à propos du patrimoine, dont les crédits sont pourtant en hausse. Si les monuments nationaux bénéficient cette année d’une enveloppe de 375 millions d’euros contre 400 millions l’an dernier, c’est que le plan de relance est terminé, et l’on ne constate aucune diminution par rapport à l’ensemble. Soyons lucides, cependant : nous bénéficions d’un patrimoine considérable, dont la gestion est extrêmement lourde. Tous les week-ends, je me rends dans des régions où l’on ne va pas assez souvent, pour voir des lieux de notre patrimoine qui attirent trop peu de visiteurs. Voulez-vous un exemple parmi des centaines ? C’est à peine si le château de Villers-Cotterêts, bâtiment magnifique qui remonte à François Ier, est hors d’eau : il a fallu disposer des bâches et des taules pour éviter qu’il ne tombe en ruine.

Pour ma part, je m’attache à trouver des solutions, sans manifester aucune intention d’abandonner le service public. Je considère au contraire qu’il faut conserver le maillage de l’État sur tout le territoire. Cependant, quand une dévolution est possible, par exemple quand le ministère a la garantie que les collectivités locales assureront une bonne gestion d’un élément patrimonial, j’y suis favorable. Au château de Fontainebleau, tout le quartier Henri IV a été mis hors d’eau, sans qu’on sache à quoi l’employer. Pourquoi ne pas lui chercher une utilisation qui apporte des fonds ? Si j’accepte de travailler sur le sujet, il n’y a de ma part aucun abandon du patrimoine, au contraire : je veux simplement le rendre vivant, ce qu’il doit être avant tout.

Monsieur Kert, je suis favorable à l’extension des avantages du mécénat aux petites et aux moyennes entreprises, qui ne sont pas favorisées à cet égard. Sur ce dossier complexe, qui suscite toujours l’effroi de Bercy, je pense que nous pourrons obtenir des résultats, que j’appelle de mes vœux car ils pourraient réactiver le marché de l’art en France.

Madame Marland-Militello, la gratuité des musées représenterait environ 20 millions d’euros, somme compensée par le dégel, mais on ne peut pas solliciter de dégel chaque année. Ce serait d’ailleurs une contradiction dans les termes. L’an dernier, j’ai eu gain de cause en présentant au Président de la République des arguments précis. Je ne désespère pas d’obtenir un autre accord cette année, grâce à des arguments que mon expérience ministérielle m’aura permis d’affiner.

Les FRAC sont des institutions formidables, dont la dotation a augmenté. À présent, chacun d’eux semble avoir vocation à se transformer en musée, mais il n’est pas facile de définir une ligne stricte. À Clermont-Ferrand, le FRAC a permis d’ouvrir un formidable musée d’art contemporain, au lieu de conserver les œuvres dans des réserves, en les prêtant à droite ou à gauche sans grande cohésion. Comment aurait-on pu refuser la création d’un tel projet, qui a créé un équipement culturel, qui attire du monde et qui donne l’impression que la vie culturelle en régions est vivante et dynamique ? Mais il faut, une fois encore, être sage, et examiner les projets les uns après les autres. Quand l’un d’eux n’est pas viable ou coûterait trop cher, on doit y renoncer. En revanche, s’il est justifié et que les collectivités locales veulent y participer, on doit lui apporter de l’aide.

Dans le cadre du plan « Musées en région », nous avons réussi à déployer quelque 70 millions d’euros sur nos crédits pour l’entretien, la restauration, voire certaines constructions complémentaires. Le premier critère que nous avons défini était l’engagement des collectivités pour améliorer un musée local. Le second était l’implication des professeurs et des associations visant notamment à la « culture pour chacun », que je réunirai en janvier dans un forum. Parfois, il est également possible de faire un geste envers les architectes locaux, qui réalisent fort bien nombre d’équipements. C’est le cas de ce lieu magnifique qu’est la fonderie de Mulhouse. Au vu de ces critères, et de la qualité du projet, nous sommes heureux de bâtir, quand nous le pouvons, un plan avec une collectivité locale.

Les crédits que nous avons réussi à redéployer font office de levier : ce sont en réalité 300 millions d’euros qui seront mis au service du plan « Musées en région », grâce aux accords que nous avons signés avec les collectivités. C’était un travail de consensus, ainsi que de construction, en fonction de ce qu’il était possible de faire et de ce qui valait la peine d’être fait. C’était enfin un travail en direction des régions. À cet égard, je regrette l’absence, dans notre conversation, de toute référence à l’outre-mer : celui-ci ne doit pas être le parent pauvre de notre politique culturelle. Je visite systématiquement les territoires. J’ai un plan pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. À Cayenne, il existe un très bel hôpital en ruine, au centre de la ville. Un projet est en cours d’élaboration avec les collectivités locales en vue de réaliser un véritable centre culturel. Nous le construirons en additionnant différents crédits de toute provenance, sans désorganiser nos finances.

Quand je suis arrivé au ministère, on m’a dit que Jack Lang réunissait ses directeurs tous les quinze jours pour un déjeuner. J’ai pensé qu’il avait raison, une fois encore. Mais, très vite, je me suis aperçu que je voyais les miens quasiment tous les jours. Dans ces conditions, il m’a paru inutile de prévoir de tels déjeuners, auxquels je prendrais cependant beaucoup de plaisir.

Le ministère réalisera en 2011 5 millions d’euros d’économie en frais de fonctionnement.

De même, je suis très proche des DRAC, qui rapportent, qui informent et qui assurent à ce titre le premier arbitrage pour l’affectation des crédits dont je dispose. On ne peut donc pas prétendre que ce soit la vision parisienne qui l’emporte. C’est l’inverse, à mon sens : la structuration générale du budget opère un glissement relatif mais réel des implications du ministère vers les régions, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Un billet de train entre Paris et Lyon en seconde classe pour un week-end coûte quasiment 160 euros à un jeune de trente ans. Quand on dispose de 1 200 euros par mois ou qu’on est étudiant, comment irait-on à Paris voir l’exposition Monet, à laquelle on ne peut accéder qu’après trois heures de queue ? C’est un problème dont je suis conscient et auquel je cherche constamment des solutions. C’est pourquoi je suis heureux de réfléchir et de parler avec vous.

Avant la fin du mois, je recevrai de mon administration un plan d’intervention sur la ruralité, sur le modèle de celui qu’on m’a remis sur l’outre-mer. Il fera l’inventaire des mesures qu’il est possible de prendre tout de suite. Vous avez voté récemment, grâce au président Michel Herbillon, une proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma, qui évitera, grâce à l’appui du Centre national du cinéma et de l’image animée, la fermeture de bien des salles. De la même manière, j’apporterai mon appui au Centre Pompidou mobile, qui se déplacera à travers la France, même s’il reste quelques réglages à opérer pour diminuer les coûts d’installation.

En ce qui concerne le rayonnement de la France à l’étranger, je me félicite du dynamisme de nos grands établissements culturels, qu’illustre à merveille l’ouverture du Louvre à Abou Dabi. Cette opération extraordinaire va faire des petits. De même, le Centre Pompidou a engagé avec Singapour une conversation qui s’avérera certainement fructueuse.

À force de batailler, le ministère de la culture a obtenu une représentation importante au conseil d’administration de l’Institut français, ainsi que des garanties importantes en ce qui concerne les nominations. Il a d’ailleurs validé celle de sa directrice générale. C’est dire qu’il sera présent dans le réseau destiné à assurer le rayonnement de la culture française à l’étranger.

Par ailleurs, je soutiens les établissements publics dans leur action. Je me suis d’ailleurs rendu au Louvre à Abou Dabi. Même si le travail accompli rencontre un grand succès, il faut composer avec l’éloignement et la différence de mentalité, qui, en matière d’achat, ont produit un court-circuit. Sur place, nous avons déployé une grande attention, et constaté que tout le monde n’est pas prêt à accepter notre image de la culture française.

En ce qui concerne le patrimoine mondial de l’humanité, je suis conscient de la complexité des dossiers et du travail qu’il faut pour les instruire. Peut-être devrait-on prévoir une cellule dédiée. Cependant, la France n’est pas en reste. Depuis qu’Albi est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, cette ville enregistre une augmentation de 20  % de la fréquentation touristique. J’espère que nous obtiendrons le même résultat avec les Cévennes et les Causses, l’opération Le Corbusier, particulièrement justifiée, et l’opération sur le carreau de la mine et les paysages miniers du Nord de la France. J’ai également engagé une conversation avec Mme Filippetti en vue de monter un projet sur la mémoire de la Lorraine. Une dernière expérience peut être menée avec la Suisse afin de mettre en valeur les vestiges néolithiques du lac Léman.

Une candidature auprès de l’UNESCO est une procédure longue et difficile. Ceux qui prennent la décision finale n’ont pas tous la même connaissance des éléments du dossier, ce qui justifie qu’ils prennent leur temps. La cellule dédiée pourrait non seulement faire avancer la candidature, mais également réfléchir aux moyens de gérer les lieux par la suite afin de conserver le label.

Pour la lecture publique, nous avons mis en place un plan en quatorze points, notamment à l’adresse des librairies, qui s’est révélé efficace et s’applique toujours. Je vous y renvoie.

En ce qui concerne l’éducation artistique à l’école, je souscris aux déclarations de Mme Bouillé. Mais je ne suis pas le seul ministre concerné, même si le ministère de l’éducation nationale est un excellent interlocuteur. Les parties prenantes sont nombreuses et ne partagent pas toutes la même vision de l’action ni de son urgence. Reste que le Louvre est en train d’éditer un manuel et de peaufiner un portail qui sera remarquable. Malgré certaines insuffisances, j’ai l’impression que nous avons franchi une étape déterminante. À présent, il faut éviter que l’enseignement artistique à l’école ne suive la même évolution que l’éducation civique, promue il y a quarante ans, et devenue ensuite une matière enseignée une demi-heure par trimestre, quand le professeur de français en avait assez de sa propre discipline. Voilà le trou noir dans lequel il faut éviter de tomber, mais j’ai confiance, car nous avons franchi un cap psychologique.

J’ai constaté le succès de l’opération Ciné-lycée, que je suis allé promouvoir deux fois avec Luc Chatel, dont une avec le Président de la République. Le corps enseignant nous a suivis quand nous avons établi la liste des films du cinéma mondial sélectionnés pour la plateforme. Dans les conversations que nous avons eues avec eux depuis le ministère de la culture, qui n’était pas nécessairement habilité à intervenir, j’ai eu l’impression que quelque chose s’était cristallisé. Continuons le combat en gardant vos observations à l’esprit. Nous progresserons encore : la forte adhésion des élèves au principe de l’enseignement de l’histoire des arts est un levier que nous devons utiliser.

Le décret actant la fusion de la RMN et du Grand-Palais, actuellement au Conseil d’État, devrait prendre effet le 1er janvier 2011. Le président Jean-Paul Cluzel plaide pour une refonte architecturale du Grand-Palais. C’est un lieu kafkaïen : chaque fois que je m’y rends, je découvre de nouveaux espaces immenses tant dans les galeries supérieures qu’au sous-sol. Au fil des années, ce gruyère a été envahi, abritant aussi bien un commissariat de police que des salles de répétition de la Comédie française ou l’Université de Paris. Que M. Cluzel veuille récupérer les lieux pour assurer la cohésion du monstre me semble louable. Quant à savoir comment l’opération sera mise en œuvre, attendons déjà la fusion pour y réfléchir et pour établir la shopping list du ministère de la culture. Il est certain que, si le Grand-Palais retrouve sa cohésion, il sera l’équipement dont Paris a besoin pour réactiver le marché de l’art et assurer son rayonnement culturel. Car vous avez raison, monsieur le président Herbillon, la place de Paris s’est érodée dans le marché de l’art – pour ne pas dire qu’elle s’est effondrée !

M. Patrick Bloche. J’ai été frappé – mais, en tant qu’élu parisien, je parle à contre-emploi – par le fait que les grands équipements que vous avez évoqués, le Palais de Tokyo, la Philharmonie de Paris, la Maison de l’histoire de France et le Grand-Palais, sont tous parisiens. À la place de mes collègues de province, je me roulerais par terre ! Dans ces conditions, comment nier que la création de la Maison de l’histoire de France s’inscrive dans une tradition jacobine ?

M. le ministre. Si je ne vous connaissais pas, monsieur Bloche, je serais tenté de dire que vous êtes de mauvaise foi ! J’ai aussi évoqué l’hôpital de Cayenne, le MUCEM, les FRAC et le plan « Musées en région », qui concerne principalement des musées non parisiens. J’attribue à un moment d’émotion le fait que votre analyse, d’ordinaire très pertinente, ait été pour une fois trop rapide.

M. Patrick Bloche. Je n’ai fait que vous écouter, monsieur le ministre. J’aurais dû me boucher les oreilles ! Pouvez-vous répondre sur les personnels ?

M. le ministre. Les chiffres vous seront communiqués par écrit.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2011 de la mission « Culture » sur le rapport de Mme Marie-Odile Bouillé (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) et de Mme Monique Boulestin (Patrimoines).

Contrairement aux conclusions des rapporteures pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l’éducation nationale – M. Jean-Michel Blanquer, professeur des universités, directeur général, M. Patrick Pauriche, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires, Mme Annie Laurent, chef du bureau des actions éducatives, culturelles et sportives, et Mme Virginie Gohin, chef du bureau de la formation des enseignants

Ø Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale – M. Jean-François Chesné, chef du bureau de l’évaluation des politiques éducatives et des expérimentations de la sous-direction de la performance de l’enseignement scolaire

Ø Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN) – M. Vincent Maestracci, doyen du groupe de l’enseignement et de l’éducation artistique, correspondant français d’Eurydice, Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture »de la Commission européenne

Ø Institut national du patrimoine – M. Eric Gross, inspecteur général de l’éducation nationale, directeur de l’Institut national du patrimoine

Ø Centre Georges Pompidou – M. Vincent Poussou, directeur de l’action éducative et des publics

Ø Musée du Louvre – Mme Catherine Guillou, directeur de la politique des publics et de l’éducation artistique

Ø Cité de la Musique – Mme Marie-Hélène Serra, directrice du département pédagogie et médiathèque

Ø Opéra de Paris – Mme Danielle Fouache, responsable du programme « Dix mois d’école et d’Opéra »

Ø Théâtre de l’Odéon – M. Paul Rondin, secrétaire général, et M. Pierre-Yves Lenoir, administrateur

Ø Théâtre de la Colline – Mme Patricia Michel, administrateur, et M. Didier Juillard, secrétaire général et directeur de la programmation

Ø Centre national de la danse – M. Gaël Rias, secrétaire général, et Mme Delphine Bachacou, responsable de la médiation culturelle

Ø Centre des monuments nationaux (CMN) – Mme Isabelle Lemesle, présidente, et Mme Maxence Demerle, directrice des relations extérieures et de la communication

Ø M. Emmanuel Wallon, maître de conférences à l’Université Paris-X Nanterre

Ø Peuple et culture – M. Alain Desjardin, président, et Mme Line Colson, membre du Bureau, administratrice en charge des questions culturelles

Ø Fédération française des maisons des jeunes et de la culture –M. Gilles Le Bail, délégué général

Ø Enfance et musique – M. Marc Caillard, directeur, et Mme Annie Avenel, responsable du centre de formation

Ø Union française du Film pour l’enfance et la jeunesse (UFFEJ) – M. Jean-Jacques Mitterrand, président, M. Fernand Esteves, délégué général, et Mme Odette Mitterrand, administratrice

Ø Direction générale de la création artistique du ministère de la culture – M. Daniel Véron, chef du bureau de l’éducation artistique et des pratiques artistiques et culturelles

Ø Secrétariat général du ministère de la culture – M. Jean-François Chaintreau, chef du service de coordination des politiques culturelles et de l’innovation (SCPCI), M. François Marie, conseiller éducation artistique et culturelle au SCPCI, Mme Fabienne Bernard, conseillère éducation artistique et culturelle au SCPCI

Ø Inspection générale des affaires culturelles – M. Dominique Chavigny, chargé de mission

Ø FERC-CGT éducation nationale– M. Bernard Pujol, membre de la section éducation-culture

Ø UNSA-éducation – Mme Claire Krepper, secrétaire nationale

Ø Syndicat national des enseignants du second degré (SNES-FSU) – Mme Sandrine Charrier, secrétaire nationale

Ø Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles (SNUIPP) –M. Pierre Garnier, secrétaire national

Ø Grand T de Nantes – M. Philippe Coutan, directeur

Ø DRAC Ile-de-France – Mme Muriel Genthon, directrice, et M. Jean-Pierre Reismann, chef du service « développement et action territoriale »

Ø DRAC Pays-de-la-Loire – M. Georges Poull, directeur, et Mme Cécile Duret-Masurel, conseillère pour l’éducation artistique et culturelle

Ø Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) – Mme Michèle Deroche, chargée de mission, et M.  Nicolas Gougain, chargé de mission

Ø L’Apostrophe, Scène nationale de Cergy-Pontoise – M. Jean Joël Le Chapelain, directeur

ANNEXE 2

LES DISPOSITIFS D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

(Source : ministère de la culture et de la communication)

Les « classes à horaires aménagés » à l’école élémentaire et au collège constituent le plus ancien des dispositifs partenariaux. Créées en 1974, elles offrent la possibilité de suivre les programmes scolaires tout en bénéficiant des enseignements dispensés dans les conservatoires nationaux de région et les écoles nationales de musique. Il s’agit de permettre aux enfants jugés comme étant les plus « doués », indépendamment des moyens financiers de leurs parents, de poursuivre une formation musicale ou chorégraphique avancée sans sacrifier leur formation générale. Le financement de ces classes repose pour l’essentiel sur les collectivités locales, gestionnaires des établissements d’enseignement artistique spécialisé. Il en existe aujourd’hui à peu près un millier, correspondant à un peu moins de 0,2 % du nombre total de classes. Le plan gouvernemental d’action en faveur de l’éducation artistique et culturelle annoncé en janvier 2008 s’est donné comme objectif de doubler le nombre de ces classes et d’en créer de nouvelles en théâtre et en arts plastiques.

Les premières classes du patrimoine ont été mises en place en 1982, suivies en 1984 et 1985 des classes culturelles ouvertes à tous les domaines de la création et de la culture. Conçues sur le modèle des classes de découverte transplantées (classes de neige …), elles offrent la possibilité aux élèves de suivre pendant une semaine un enseignement nourri de la découverte d’un site patrimonial ou d’un lieu de création.

C’est également en 1984 qu’ont été mis en place les ateliers de pratiques artistiques, désormais appelés ateliers artistiques. Ils sont ouverts à une dizaine de disciplines artistiques. Les ateliers artistiques permettent une initiation à la pratique d’un art et sont co-animés par un enseignant et un artiste. Ils sont organisés pendant le temps scolaire dans les écoles primaires et concernent alors tous les élèves de la classe. Ils se déroulent en dehors du temps scolaire dans les collèges et les lycées, et s’adressent aux élèves volontaires. Les ateliers se répartissent sur une vingtaine d’heures environ au cours de l’année scolaire.

Les premières sections de préparation au baccalauréat littéraire options cinéma et théâtre ont été ouvertes en 1985/1986. Elles ont été étendues ensuite à la danse, à l’histoire des arts, et aux arts du cirque. On parle désormais des options facultatives et des enseignements de spécialité.

Les classes à projet artistique et culturel complètent la liste des dispositifs partenariaux depuis 2001. La classe à PAC constitue le maillon intermédiaire entre l’atelier (espace d’expression libre, hors programme scolaire) ou la sortie scolaire à finalité culturelle (visite de musée, spectacle en matinée scolaire, concert…) et les options et enseignements obligatoires de lycée encadrés par des programmes et donnant lieu à une épreuve au baccalauréat. La classe à PAC permet par exemple, d’accompagner les activités et les sorties culturelles pendant le temps scolaire, afin d’assurer leur pleine articulation avec les enseignements. Les huit à quinze heures d’intervention de partenaires culturels correspondent au seuil en-dessous duquel l’action ne relève pas encore d’un projet éducatif et ne s’inscrit pas non plus dans une vraie stratégie d’action culturelle. Lors de la mise en place des classes à PAC en 2001, l’objectif était que chaque enfant au cours de sa scolarité, puisse participer à une classe à projet artistique et culturel au moins une fois à chacune des trois étapes de sa scolarité (primaire, collège, lycée). Conçue à l’origine comme un outil de la généralisation de l’offre en matière d’éducation artistique et culturelle auprès de l’ensemble des enfants et des jeunes d’âge scolaire, le nombre de classes à PAC reste faible.

Les dispositifs partenariaux sont complétés par des programmes de sensibilisation et/ou de formation :

– au cinéma et à l’audiovisuel : « École au cinéma », « Collège au cinéma » et « Lycéens au cinéma » ;

– à la photographie : programme « écritures de lumière » ;

– au patrimoine, à travers les chartes « Adopter son patrimoine ».

ANNEXE 3 : VENTILATION DES CRÉDITS D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

(Source : ministère de la culture et de la communication)

régions

exécuté 2001

exécuté 2002

exécuté 2003

exécuté 2004

exécuté 2005

exécuté 2006

exécuté 2007

exécuté 2008

exécuté 2009

PLF 2010

PLF 2011

2009/2008

2010/2009

2011/2010

2001/2010

2001/2011

Alsace

1 173 819

1 106 657

1 211 868

1 137 774

1 178 353

1 176 700

1 162 706

1 183 661

1 284 386

1 295 776

1 320 776

8,51%

0,89%

1,93%

10,39%

12,52%

Aquitaine

1 468 252

1 375 985

1 521 019

1 445 410

1 470 526

1 472 800

1 501 050

1 571 471

1 631 300

1 591 300

1 616 300

3,81%

-2,45%

1,57%

8,38%

10,08%

Auvergne

727 113

665 868

617 630

625 887

630 542

551 456

566 373

578 888

579 931

598 220

623 370

0,18%

3,15%

4,20%

-17,73%

-14,27%

Bourgogne

635 958

685 856

467 673

465 755

610 887

721 754

826 362

803 996

781 203

976 636

1 031 500

-2,83%

25,02%

5,62%

53,57%

62,20%

Bretagne

957 054

995 210

1 079 974

1 092 010

1 057 157

1 088 140

1 059 350

1 141 070

1 062 100

1 042 700

1 042 700

-6,92%

-1,83%

0,00%

8,95%

8,95%

Centre

1 217 687

1 529 081

1 508 733

1 476 269

1 585 984

1 680 441

1 751 814

1 678 558

1 652 708

1 555 598

1 667 132

-1,54%

-5,88%

7,17%

27,75%

36,91%

Champagne-Ardenne

723 819

704 098

787 072

797 383

664 910

675 743

725 533

752 941

757 209

757 209

757 209

0,57%

0,00%

0,00%

4,61%

4,61%

Corse

237 272

0

 

 

0

0

0

 

 

 

-

 

 

 

 

 

Franche-Comté

598 150

529 333

640 459

605 241

559 479

616 743

579 711

668 776

653 894

654 652

695 799

-2,23%

0,12%

6,29%

9,45%

16,33%

Guadeloupe

300 325

294 282

346 259

306 541

402 362

357 518

415 360

395 301

408 605

355 818

383 250

3,37%

-12,92%

7,71%

18,48%

27,61%

Guyane

184 778

160 538

219 171

199 858

242 224

239 326

282 228

276 306

299 379

247 810

286 210

8,35%

-17,23%

15,50%

34,11%

54,89%

Ile de France

3 721 993

3 476 255

3 801 334

3 201 695

3 033 253

2 935 198

2 965 232

2 592 453

2 672 232

2 574 779

3 138 247

3,08%

-3,65%

21,88%

-30,82%

-15,68%

Languedoc-Roussillon

1 343 333

1 411 826

1 428 229

1 638 874

1 626 255

1 604 877

1 558 677

1 476 000

1 792 234

1 731 000

1 840 000

21,43%

-3,42%

6,30%

28,86%

36,97%

Limousin

711 030

784 876

792 565

752 966

582 291

567 755

549 890

563 584

550 860

570 860

580 860

-2,26%

3,63%

1,75%

-19,71%

-18,31%

Lorraine

772 470

753 006

872 536

848 990

802 572

803 340

789 381

841 120

743 224

743 224

797 681

-11,64%

0,00%

7,33%

-3,79%

3,26%

Martinique

181 117

279 068

231 521

296 830

274 050

264 252

368 452

365 540

404 386

424 000

424 000

10,63%

4,85%

0,00%

134,10%

134,10%

Midi-Pyrénées

1 255 500

1 283 043

1 228 308

1 380 035

1 025 382

1 084 921

834 922

1 069 783

1 054 304

1 080 000

1 091 000

-1,45%

2,44%

1,02%

-13,98%

-13,10%

Nord-Pas-de-Calais

1 599 520

1 920 332

2 036 923

1 653 724

1 654 912

1 687 599

1 611 620

1 700 645

1 672 721

1 659 300

1 646 731

-1,64%

-0,80%

-0,76%

3,74%

2,95%

Basse Normandie

680 990

685 383

636 292

706 569

706 569

691 514

657 329

717 352

661 410

689 000

689 000

-7,80%

4,17%

0,00%

1,18%

1,18%

Haute Normandie

860 763

834 403

956 412

1 092 118

954 938

948 504

946 701

1 015 700

1 066 155

1 011 516

1 011 516

4,97%

-5,12%

0,00%

17,51%

17,51%

Pays de la Loire

919 954

891 223

925 422

916 986

856 194

932 313

946 281

942 388

919 610

956 437

956 319

-2,42%

4,00%

-0,01%

3,97%

3,95%

Picardie

862 800

927 189

913 620

941 781

961 978

1 026 282

997 472

1 040 001

1 034 560

997 760

1 074 000

-0,52%

-3,56%

7,64%

15,64%

24,48%

Poitou-Charentes

1 245 645

1 327 263

1 451 879

1 600 747

912 017

857 204

1 030 570

888 220

841 500

883 000

918 300

-5,26%

4,93%

4,00%

-29,11%

-26,28%

PACA

2 050 865

1 331 556

1 296 073

1 468 340

1 519 058

1 507 605

1 697 776

1 879 602

1 818 825

1 817 781

1 864 581

-3,23%

-0,06%

2,57%

-11,37%

-9,08%

Réunion

455 823

483 681

462 136

439 560

471 698

466 334

481 334

504 100

500 185

490 074

490 074

-0,78%

-2,02%

0,00%

7,51%

7,51%

Rhône-Alpes

2 829 512

2 573 886

2 568 419

2 643 757

2 615 045

2 598 800

2 942 100

2 957 680

2 727 286

2 784 682

3 024 812

-7,79%

2,10%

8,62%

-1,58%

6,90%

Nouvelle Calédonie

263 505

263 279

320 829

175 070

173 573

175 235

201 244

140 212

207 717

192 850

203 019

48,14%

-7,16%

5,27%

-26,81%

-22,95%

TOTAL

27 979 047

27 273 177

28 322 356

27 910 170

26 572 209

26 732 354

27 449 468

27 745 348

27 777 924

27 681 982

29 174 386

0,12%

-0,35%

5,39%

-1,06%

4,27%

ANNEXE 4

LA TERRITORIALISATION DES POLITIQUES D’ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

(Source : ministère de la culture et de la communication)

Les collectivités territoriales sont devenues des acteurs majeurs de l’éducation artistique et culturelle. Elles prennent de nombreuses initiatives dans ce domaine, qu’elles soient accompagnées par les services de l’État (en particulier les DRAC) ou qu’elles soient autonomes, et cela en dépit d’un cadre législatif peu favorable à l’intervention des collectivités territoriales dans un domaine relevant de la responsabilité de l’État.

1. Le contexte législatif et réglementaire

L’éducation est un service public national dont le fonctionnement est assuré par l’État, sous réserve des compétences attribuées par le code de l’éducation aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service. Ce principe est rappelé dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales (article L .211-1 du code de l’éducation). Les compétences attribuées aux collectivités territoriales ont été définies par les chapitres 2 à 6 du titre 1 du code de l’éducation.

Outre leurs compétences en matière de construction et d’équipement des établissements scolaires, les communes assurent le fonctionnement des locaux des écoles publiques (L. 212-4), les départements et les régions respectivement le fonctionnement des collèges et des lycées, « à l’exception, d’une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l’État dont la liste est fixée par décret et, d’autre part, des dépenses de personnel sous réserve des dispositions de l’article L. 216-1 » (articles L 213-2 et L. 214-6).

La loi ne prévoit donc pas la possibilité pour les communes de participer au financement d’activités éducatives et culturelles intégrées dans les enseignements du premier degré. Quant au décret n° 85-269 du 25 février 1985, fixant la liste des dépenses pédagogiques à la charge de l’État, dans le second degré, il inclut explicitement les dépenses de fonctionnement afférentes aux projets d’action éducative, à la recherche et à l’expérimentation pédagogique, dans les dépenses pédagogiques à la charge de l’État.

En revanche, « les communes, départements et régions peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d’ouverture et avec l’accord des conseils et autorités responsables de leur fonctionnement, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activités d’enseignement et de formation fixées par l’État. Les communes, départements et régions en supportent la charge financière. Des agents de l’État, dont la rémunération leur incombe, peuvent être mis à leur disposition. L’organisation des activités susmentionnées est fixée par une convention, conclue entre la collectivité intéressée et l’établissement scolaire, qui détermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de l’État peuvent être mis à disposition de la collectivité ». (article L. 216-1 du code de l’éducation).

L’État reconnaît donc la possibilité pour les collectivités territoriales de financer des activités complémentaires aux activités d’enseignement. Cette possibilité a été largement utilisée par les collectivités locales pour organiser des activités pendant les heures d’ouverture des établissements, mais en dehors du temps scolaire (« devoirs surveillés », contrats éducatifs locaux…..). En sont exclues, outre les activités d’enseignement stricto sensu, les activités à caractère éducatif organisées dans le cadre des horaires de cours qui revêtent un caractère obligatoire.

En outre, alors que la loi prévoit l’obligation pour les collectivités territoriales « d’accompagner toute construction d’un établissement scolaire des équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive » (articles L. 212-3 et L. 214-4), aucune prescription n’est fixée en matière de construction des équipements nécessaires aux pratiques artistiques et culturelles.

Plus récemment, la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales (16 août 2004) a confirmé le rôle des collectivités territoriales dans le champ éducatif, sans modifier pour autant les textes encadrant les initiatives qu’elles sont susceptibles de prendre. Elle ouvre désormais aux collectivités locales la possibilité de conclure avec l’État des « conventions en vue de développer des activités communes dans le domaine éducatif et culturel et créer, ou gérer ensemble, les moyens et services nécessaires à ces activités », et de constituer « avec d’autres personnes morales de droit public ou privé un groupement d’intérêt public » (article L. 216–11). Sans modification des textes encadrant l’intervention des collectivités territoriales, ces « activités communes » ne peuvent cependant en théorie que se déployer en dehors du temps scolaire. Elle affirme enfin le principe de la participation des « établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique… à l’éducation artistique des enfants d’âge scolaire » (article L. 216-2). Cette disposition, qui reconnaît que la mission de ces établissements ne se limite pas à l’enseignement de la pratique instrumentale et vocale, de la danse et de l’art dramatique, ne va cependant pas jusqu’à affirmer la possibilité pour ces établissements de concourir aux enseignements artistiques à l’école et aux actions inscrites dans les dispositifs partenariaux.

2. La montée en puissance des collectivités territoriales

Les pratiques des collectivités sont de toute évidence « en avance » par rapport à l’état du droit en matière de répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales.

Depuis près d’une vingtaine d’années, de nombreuses initiatives ont été prises par les collectivités territoriales, outrepassant les possibilités ouvertes par la loi (rémunération d’intervenants dans les enseignements, participation au financement des classes à PAC…) et allant au-delà des obligations fixées par la loi (aménagement dans les établissements scolaires d’espaces dédiés aux pratiques artistiques, salles d’exposition ou de spectacle).

C’est dans ce contexte de responsabilisation des collectivités territoriales dans le domaine éducatif qu’émerge la notion de « projet éducatif local ». Celle-ci traduit le passage à une conception de l’éducation comme une mission partagée ; elle vise à fédérer l’ensemble des initiatives des différents acteurs locaux de l’éducation : l’école, la municipalité, les associations, les familles, conscients de la nécessité de considérer l’enfant dans sa globalité, sont invitées à coopérer à l’élaboration d’un projet global prenant en compte les différents temps de vie de l’enfant. Le projet éducatif local vise la mise en cohérence de l’offre en matière d’éducation artistique avec la politique éducative globale de la collectivité. Cette notion est employée pour la première fois dans un texte officiel en 1998 : la circulaire du 9 juillet 1998 sur les contrats éducatifs locaux, signée par les ministres en charge de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de la culture.

Depuis lors, l’investissement des collectivités dans le domaine éducatif conduit à parler de « politique éducative territoriale ». A travers cette notion, il ne s’agit plus seulement d’affirmer la nécessité de l’inscription territoriale de la politique nationale d’éducation, mais aussi il s’agit de partir des territoires pour affirmer la nécessité pour chacun de définir une politique éducative, associant l’ensemble des partenaires.

Parler de « politique éducative territoriale » signale que les élus territoriaux commencent à disposer d’une légitimité quasi égale à celle des services de l’État en la matière.

3. Le partenariat avec les collectivités territoriales

Depuis de très nombreuses années, les directives nationales d’orientations (DNO) envoyées par le ministère aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) prônent la territorialisation de l’action publique en matière d’éducation artistique et culturelle. Cet objectif se décline selon deux axes différents mais complémentaires :

– dans une première conception de la territorialisation, les DRAC sont invitées à orienter l’offre en matière d’éducation artistique et culturelle en direction des territoires prioritaires : les ZEP, les lycées professionnels et les zones rurales isolées. Il s’agit de favoriser une répartition plus équitable de l’offre éducative et culturelle au plan territorial par la mise en œuvre du principe de discrimination positive. L’État met ici en avant une conception du territoire comme un espace de gestion des problèmes ; il intervient en tant que garant de l’égalité devant le service public pour ramener ces territoires dans une situation de droit commun. Cette démarche, qui relève d’une gestion territorialisée de la politique nationale, donne lieu à un partenariat avec les collectivités ;

– dans une seconde conception de la territorialisation, les DRAC sont invitées à inscrire l’éducation artistique et culturelle dans le cadre du développement territorial. Cette orientation est sous-tendue par plusieurs finalités : une ambition démocratique (toucher le plus grand nombre de jeunes, dans tous leurs temps de vie) qui passe par l’intégration de l’éducation artistique et culturelle dans les politiques éducatives à l’initiative des collectivités territoriales ; un souci d’aménagement du territoire (intervenir en cohérence avec les dynamiques de développement territorial) qui se concrétise par l’intégration de l’éducation artistique et culturelle dans une préoccupation de développement culturel global sur les territoires. Dans cette conception du territoire comme espace de développement, espace dans lequel une communauté d’acteurs co-construit l’avenir, l’État, prenant acte de la montée en puissance des collectivités territoriales et de leur rôle en matière d’action publique, se positionne en tant que garant de l’intérêt général et porteur d’une expertise avérée.

Dans l’une et l’autre de ces conceptions, le partenariat avec les collectivités territoriales se traduit par la signature de conventions. La seconde conception suppose cependant une coopération plus étroite avec les collectivités dans la mesure où il s’agit d’élaborer conjointement des réponses à des enjeux territoriaux partagés.

Un bilan approfondi réalisé en 2007 rend compte de l’état du partenariat mis en œuvre à travers ces conventions ; il ne permet pas en revanche de dresser un état des lieux exhaustif des politiques d’éducation artistique et culturelle à l’initiative des collectivités. Par ailleurs, les enquêtes récurrentes sur les dépenses des collectivités locales ne permettent pas à ce jour d’identifier le poste éducation artistique et culturelle au sein de l’action culturelle et donc de mesurer l’ampleur des investissements.

Le renforcement du partenariat est par conséquent d’ordre qualitatif. Il est observable à travers :

– une coopération effective dans la correction des inégalités territoriales, à travers la pratique concertée , désormais bien installée, de ciblage de territoires prioritaires et à travers le rôle joué par les structures culturelles dans le rééquilibrage entre territoires.

– des collaborations régulières avec les collectivités, favorisant a minima une meilleure compréhension mutuelle et l’établissement de relations de confiance, et aboutissant a maxima à un partenariat politique de co-construction et de co-pilotage d’une politique d’éducation artistique et culturelle au plan territorial. La prédominance croissante de cette logique territoriale se lit d’ailleurs aussi tant à travers la signature de conventions généralistes (par exemple de développement culturel) qu’à travers les conventions thématiques contractées.

Ce renforcement du partenariat n’est pas observé en revanche en ce qui concerne l’organisation de la ressource. La mise en place d’un GIP ou d’un EPCC permettant une mutualisation des ressources est très minoritaire.

Les différents niveaux de collectivités sont concernés par le partenariat En termes d’évolution du partenariat, des avancées significatives sont pointées en ce qui concerne les intercommunalités d’une part, et les régions d’autre part. Cette tendance pourrait renforcer à terme le rôle du département comme intercesseur entre les groupements de communes et les régions.

En 2009, la place prioritaire donnée aujourd’hui à l’éducation artistique et culturelle dans les politiques culturelles à tous les niveaux territoriaux, et le déficit de connaissances sur l’ensemble des interventions publiques et leur articulation d’autre part, ont amené le ministère de la culture et de la communication à prendre l’initiative d’un vaste chantier d’approfondissement des connaissances et d’évaluation des politiques publiques conduites par les collectivités locales (dans ce domaine).

Dans cette perspective, le département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture et de la communication a lancé une étude exploratoire visant à :

– identifier et analyser l’ensemble des types d’interventions à partir d’études de cas et en dégager une classification ;

– produire un outil de collecte des informations destiné à permettre un état des lieux national des interventions des CT en faveur de l’éducation artistique et culturelle (EAC).

Une attention particulière a été accordée aux financements, afin d’être en mesure d’apprécier les volumes budgétaires, de connaître les imputations et les montages financiers réalisés, notamment dans un contexte de financements croisés. Au-delà de ces objectifs de connaissance, l’étude a poursuivi aussi des objectifs d’orientation de l’action publique. L’étude doit en effet pouvoir nourrir les réflexions engagées au sein d’un groupe de travail associant tous les acteurs de l’EAC et les recommandations politiques qu’il formulera.

Deux enjeux politiques majeurs appellent des recommandations :

– d’une part, la répartition des missions des services de l’État, des collectivités territoriales en matière d’EAC. Partant, les rôles respectifs des acteurs éducatifs concernés au niveau des territoires, au-delà des établissements scolaires et des structures culturelles. En d’autres termes, cette problématique renvoie à l’enjeu de la refondation du partenariat et de la mise en synergie des acteurs.

– d’autre part, l’enjeu de la structuration de politiques éducatives et culturelles territoriales. Il s’agit de déterminer quelles sont les conditions de passage de la juxtaposition de dispositifs à l’avènement de véritables politiques territoriales, et de déterminer les stratégies et les leviers à adopter.

L’étude qualitative a été menée auprès d’un échantillon raisonné de collectivités locales (comprenant deux conseils régionaux, trois conseils généraux, huit communes et leurs intercommunalités (dont trois grandes villes).

Elle doit déboucher, fin 2010, sur la production de monographies, sur la remise d’un outil de collecte d’informations permettant un état des lieux, ainsi que sur la rédaction d’un rapport d’étude final. Le ministère de la culture et de la communication a suscité une démarche de réflexion collective associant, dans un groupe de travail, des agents du ministère et les partenaires institutionnels (administrations, collectivités territoriales, organisations professionnelles…). Cette perspective de travail repose sur l’intérêt pour tous les acteurs impliqués dans l’action publique en faveur de l’EAC de partager leurs analyses en vue d’une meilleure compréhension des évolutions à l’œuvre et de la définition de nouveaux leviers d’action pour la territorialisation de l’EAC.

Définir une ambition commune partagée et structurée est le nouveau défi auquel le groupe de travail est confronté. Il s’agit de donner un cadre national à un plan de développement culturel « durable ». La responsabilité publique dans le domaine culturel se définit dans la coopération État/partenaires/collectivités territoriales. Le devoir de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs doit être une ambition commune pour les politiques publiques de la culture qui exigent une construction collective. L’État doit avoir un rôle fédérateur et régulateur des inégalités.

S’agissant de la question du dialogue et du pilotage, aucune avancée n’est possible sans réflexion commune. Il est essentiel d’insister sur l’équilibre des rapports entre les partenaires dans le pilotage, sans que l’un ou l’autre ne soit prédominant. La relation de confiance ne s’instaure que dans une instance de dialogue. Le groupe de travail, également institué comité de pilotage de l’étude citée plus haut, rendra se conclusions début 2011.

En conclusion, il semble donc que la volonté de passer à « une territorialité voulue, construite, fruit d’une politique concertée et partenariale et d’un projet d’aménagement du territoire » (29) se renforce. Les zones d’ombre d’ordre qualitatif, comme l’évolution des approches de l’éducation artistique et culturelle dans les projets territoriaux ou encore les conditions nécessaires à une mutualisation des moyens, devraient être levées par la production d’un document de cadrage national.

ANNEXE 5

L’IMPACT DE LA RÉFORME DE L’INTERMITTENCE

(Source : ministère de la culture et de la communication)

Il est difficile de déterminer l’impact de la réforme de l’intermittence sur le volume des interventions d’artistes dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle. En revanche, elle a largement fait croître les contentieux entre artistes (ou structures culturelles les employant) et les Urssaf, concernant la qualification des heures d’intervention en éducation artistique et culturelle.

L’annexe X au Règlement général relatif à l’assurance chômage prévoit la prise en compte pour les artistes, dans le calcul des 507 heures nécessaires à l’ouverture des droits, de 55 heures d’enseignement (90 heures au delà de 50 ans) dispensées dans des établissements agréés.

La clarification du seul critère de l’établissement ne peut suffire à traiter de manière claire les divers cas d’intervention d’artistes dans des établissements d’enseignement, de nature différente selon les apprentissages visés.

La qualification des heures effectuées par des artistes dans des établissements d’enseignement pose des questions d’interprétation. Elles devraient être prises en compte comme des heures « artistes », au sein des 507 heures, au titre de l’annexe X. Mais aucune précision n’a été donnée sur la définition de ces heures, d’où les difficultés et divergences d’interprétation sur le terrain, et la confusion souvent effectuée avec les heures éligibles aux 55 et 120 heures.

Pour les services de recouvrement, ne peuvent être prises en compte à ce titre que des heures correspondant à un spectacle, devant du public (un spectacle de fin d’année par exemple). Cependant, pour le ministère de la culture et de la communication, la définition de ces heures pour les artistes devrait couvrir les situations dans lesquelles l’artiste intervient, dans un établissement scolaire ou ayant une mission éducative en dehors du temps scolaire (centre de loisirs par exemple), sous la responsabilité pédagogique d’un enseignant, d’un animateur ou d’un éducateur, pour une prestation de nature artistique.

Ces heures ne sont aujourd’hui prises en compte ni au titre des heures d’enseignement, ni au titre d’heures artistes, et ne sont donc comptabilisées dans les 507 heures.

Vont dans le sens de cette interprétation :

– le jugement de la cour d’appel de Rouen du 24 février 2004 (Métro Mouvance) sur le mode de calcul des cotisations sociales appliquées à des comédiens intervenant en milieu scolaire a précisé que « les comédiens ... n’ont pas exercé des fonctions d’enseignants mais ont, lors des interventions dans les établissements d’enseignement ... pratiqué une activité artistique et en développant parfois des méthodes d’explication et de démonstration qui n’ont été que l’accessoire de leurs activités artistiques » ;

– la circulaire interministérielle du 3 janvier 2005 relative au plan de relance de l’enseignement artistique, qui précise que « le concours de l’artiste ou du professionnel de la culture trouve sa justification dans la mesure où il exerce une activité de création ou d’expression artistique ou de parole propre aux métiers de la culture et non une activité d’enseignement » ;

– la diversité des situations d’exercice du métier d’artiste, en lien avec le développement de l’action culturelle souhaité par les pouvoirs publics, État et collectivités. Le discours politique comme les réalités professionnelles et économiques vont dans le même sens : l’activité artistique ne se réduit pas à la production sur un plateau, et l’éducation artistique concourt au développement de l’emploi.

Ces heures, relevant de l’annexe X, doivent donner lieu au paiement du taux de cotisation chômage applicable aux intermittents du spectacle. Les établissements scolaires, n’étant pas des structures dont l’activité principale est le spectacle, doivent passer par le Guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) pour s’acquitter des obligations liées à l’emploi d’artistes. Cette disposition constitue une difficulté supplémentaire car les agents-comptables des établissements scolaires sont peu enclins à établir de telles démarches, et dans ce sens parfois confortés par les instructions de l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale.

© Assemblée nationale

1 () Les comparaisons sont effectuées avec les données 2010 « retraitées », telles que présentées dans le projet annuel de performance pour 2011.

2 () Evaluation des voies et moyens – tome 1 – Recettes, PLF 2011.

3 () Voir « À Cœur perdu », Libération, 20 octobre 2010.

4 () Avis n° 1968 présenté par M. Marcel Rogemont au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2010, Assemblée nationale, 14 octobre 2009.

5 () « Faut-il accepter l’argent du conseil piloté par Marin Karmitz ?», Le Monde, 18 février 2010.

6 () Observatoire international des langages contemporains.

7 () Un enjeu reformulé, une responsabilité devenue commune, vingt propositions et huit recommandations pour renouveler et renforcer le partenariat Education-Culture-collectivités locales en faveur de l’éducation artistique et culturelle, 14 décembre 2007, rapport au ministre de l’éducation nationale et à la ministre de la culture.

8 () Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, 29 juin 2005.

9 () Descriptif des principaux dispositifs en annexe.

10 () Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, 29 juin 2005.

11 () Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, 29 juin 2005.

12 () Didier Lockwood, préambule au rapport annuel 2007 du Haut conseil pour l’éducation artistique et culturelle. Pour plus de détails sur les conflits de doctrine, voir « L’éducation artistique », Emmanuel Wallon in Politiques et pratiques de la culture, sous la direction de P. Poirrier, La Documentation française, 2010.

13 () Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale du 18 mars 2010 (§ 1 « Maîtriser les fondamentaux et ancrer l’éducation artistique et culturelle », §1.1.3 « Ancrer l’éducation artistique et culturelle »).

14 () Circulaire en annexe.

15 () Un enjeu reformulé, une responsabilité devenue commune, Vingt propositions et huit recommandations pour renouveler et renforcer le partenariat Education-Culture-collectivités locales en faveur de l’éducation artistique et culturelle, 14 décembre 2007, rapport au ministre de l’éducation nationale et à la ministre de la culture.

16 () Voir en annexe la répartition régionale des crédits de l’éducation artistique sur dix ans.

17 () Projet annuel de performances pour la mission « Enseignement scolaire », PLF 2011, p. 352.

18 () Ainsi le ministère ne dispose par exemple pas de données chiffrées précises et régulières sur les crédits alloués aux actions culturelles par région et par établissement.

19 () www.education.arts.culture.fr.

20 () Circulaire n° 2010-040 du 30 mars 2010 relative aux missions des enseignants au sein des services éducatifs des institutions culturelles.

21 () Cf. annexe sur l’impact de la réforme de l’intermittence sur les interventions en milieu scolaire.

22 () Les textes qui les instituent sont accessibles sur le site www.educart.culture.gouv.fr. Voir en annexe pour un descriptif des principaux dispositifs.

(23 ) Les dispositifs académiques globaux ainsi que les opérations académiques spécifiques sont définis par les recteurs et ne correspondent pas à un cadre réglementaire national.

24 () Rapport d’information n° 2424 de Mme Muriel Marland-Militello sur la politique des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation et de la formation artistiques, 29 juin 2005.

25 () Voir note du ministère de la culture en annexe sur la territorialisation des politiques d’éducation artistique et culturelle.

26 () Dans une réponse au questionnaire qui lui a été soumis par la rapporteure pour avis.

27 () Synthèse sur la préparation de la rentrée scolaire, note n° 2010-095.

28 () Note de synthèse sur la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire, note n° 2010-092.

29 () Marie-Christine LABOURDETTE et Marie-Danièle CAMPION, «Pour une territorialisation de l’EAC », rapport annuel du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle, 2006.