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N° 2859

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011

TOME III

CULTURE

PATRIMOINES

Par Mme Monique BOULESTIN,

Députée.

___

Voir les numéros : 2824, 2857 (annexe n° 9).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 : LES PATRIMOINES PRÉSERVÉS ? 8

A. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE INQUIÉTANTE 8

B. UN GEL DES CRÉDITS PRÉOCCUPANT 9

C. LE PROGRAMME « PATRIMOINES » EN 2011 : UN SOUTIEN BIENVENU À DESTINATION DES MUSÉES EN RÉGION 10

1. Le patrimoine monumental : baisse des crédits de paiement 10

2. Les musées : soutien à l’investissement en faveur des régions 12

a) Le plan d’investissement en faveur des musées en région 13

b) Le point sur la gratuité dans les musées 14

c) Le chantier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée 16

3. Les archives 17

II.- LES CONSÉQUENCES DE L’INSCRIPTION D’UN PATRIMOINE OU D’UN SITE SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL 19

A. UNE ÉVOLUTION PROGRESSIVE DE LA NOTION DE PATRIMOINE MONDIAL ET DES MODALITÉS DE L’INSCRIPTION 19

1. La genèse des conventions : du patrimoine matériel au patrimoine immatériel 19

2. Les modalités d’inscription d’un site ou d’un patrimoine 21

3. L’évolution de la mise en œuvre des conventions en France 23

a) Des patrimoines matériels appartenant à l’État aux paysages culturels sous la responsabilité de nombreuses collectivités 23

b) Un contrôle par l’UNESCO sur pièces plus que sur place 25

c) Des subventions limitées 26

d) La responsabilité de l’État : un pilotage délicat 27

B. L’INSCRIPTION AU PATRIMOINE MONDIAL : FACTEUR FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT D’UN TERRITOIRE ? 30

1. L’inscription n’est pas, à elle seule, suffisante pour induire une dynamique territoriale favorable 30

a) Le coût non négligeable d’une inscription pour les collectivités 31

b) La question des éventuels effets néfastes 32

2. L’importance d’autres facteurs explicatifs dans le dynamisme des sites et patrimoines inscrits 33

a) L’inscription : un impact peu évalué 33

b) Les retombées économiques et financières constatées par les collectivités : quelques exemples 34

c) L’importance de la dynamique territoriale dans le succès d’une inscription 36

CONCLUSION 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION 39

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 71

ANNEXES 73

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 73

ANNEXE 2 : LISTE DES MEMBRES DU COMITÉ NATIONAL DES BIENS FRANÇAIS DU PATRIMOINE MONDIAL 74

ANNEXE 3 : BIENS SITUÉS EN FRANCE INSCRITS SUR LES LISTES DU PATRIMOINE MONDIAL ET DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL 76

ANNEXE 4 : LE LABEL « PATRIMOINE CULTUREL EUROPÉEN » 78

INTRODUCTION

Depuis le 1er janvier 2010, les activités du ministère de la culture et de la communication sont recentrées sur trois directions générales :

− la direction générale des patrimoines (DGP), qui regroupe les anciennes directions des musées de France (DMF), des archives de France (DAF) et de l’architecture et du patrimoine (DAPA) ;

− la direction générale de la création artistique (DGCA), qui regroupe les anciennes direction de la danse, de la musique, du théâtre et des spectacles (DMDTS) et délégation aux arts plastiques ;

− la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), qui regroupe l’ancienne direction du livre et de la lecture (DLL) et la direction du développement des médias (DDM), jusqu’alors service du Premier ministre ;

Subsiste par ailleurs un secrétariat général.

Les programmes et actions de la mission ont en conséquence subi cette année des changements majeurs, changements qui rendent la lecture des documents budgétaires très peu aisée. Si l’on peut comprendre qu’à l’occasion de la réorganisation du ministère se soit posée la question de la rationalisation des programmes, certains découpages laissent perplexes, notamment le regroupement des crédits consacrés aux « livres » et aux « industries culturelles » au sein du programme « Presse ».

En effet, tous les crédits consacrés aux livres, aux bibliothèques et aux industries culturelles au sein de la mission « Culture » ont été transférés vers le programme « Presse », devenu programme « Presse, livre et industries culturelles » de la mission « Médias » :

– la totalité des anciennes actions « Patrimoine écrit » et « Patrimoine cinématographique » du programme « Patrimoines » ;

– la totalité de l’ancienne action « Livre et lecture » du programme « Création » ;

– la majeure partie de l’ancienne action « Industries culturelles » du programme « Création » ;

– une partie des crédits centraux et déconcentrés consacrés au livre au sein des actions « Enseignement supérieur », « Éducation artistique et culturelle » et « Accès à la culture » du programme «Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Ces crédits ont été transférés vers le nouveau programme « Médias et industries culturelles » et regroupés au sein de deux actions « Livre et lecture » et « Industries culturelles » de la mission « Presse, livre et industries culturelles ».

Pourtant, l’article 7 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose qu’« un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère […] ». La rapporteure s’interroge sur la logique qui a conduit à regrouper les actions relatives à la presse et les actions à destination du livre, du cinéma ou de la musique. Ainsi cohabitent :

– les crédits traditionnellement dévolus à la presse ;

– l’effort budgétaire relatif à la rénovation de la Bibliothèque nationale de France (quadrilatère Richelieu, hors clos et couvert qui restent du ressort du programme « Patrimoines ») ;

– le soutien public aux bibliothèques et autres médiathèques territoriales ;

– les crédits affectés au patrimoine cinématographique (subvention à la Cinémathèque française) ;

– le soutien au monde de la musique (Centre national des variétés, de la chanson et du jazz) ;

– ou encore les crédits nécessaires au fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) !

Par ailleurs, le programme « Patrimoines » accueille une nouvelle action « patrimoine archéologique » par transfert des crédits de l’archéologie de l’ancienne action « patrimoine monumental et archéologique » et des crédits déconcentrés consacrés à l’archéologie au sein du programme « Recherche culturelle et culture scientifique » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». La rapporteure pour avis se félicite de cette dernière évolution qui permet de mieux identifier les crédits alloués à l’archéologie.

Du fait de cette évolution de l’architecture budgétaire, les crédits inscrits au programme Patrimoines présentent une baisse de près de 29 % en autorisations d’engagement et 23 % en crédits de paiement par rapport à la structure présentée en loi de finances initiale pour 2010 (soit respectivement – 344,3 millions d’euros et – 381,2 millions d’euros). En conséquence, les données fournies pour 2010 dans le projet annuel de performance (PAP) de la mission « Culture » 2011 ont été, selon la terminologie employée dans le document, « retraitées » selon la nouvelle architecture budgétaire afin de pouvoir être comparées avec celles de 2011.

La rapporteure pour avis dénonce vivement l’absence de lisibilité des documents budgétaires et déplore ces changements incessants de maquette qui nuisent à l’efficacité du contrôle parlementaire sur les finances de l’État. En effet, l’architecture budgétaire issue de la LOLF devait se caractériser par sa stabilité : or les changements répétés de maquette budgétaire opérés par le ministère de la culture rendent extrêmement difficiles le suivi, et donc le contrôle, de l’utilisation des deniers publics. La commission des finances a d’ailleurs formulé des observations en ce sens sur la mission « Culture » le 20 octobre dernier.

La commission des affaires culturelles créée le 1er juillet 2009 aborde depuis deux ans les questions budgétaires relatives à la culture au travers de deux avis budgétaires distincts, l’un relatif aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs », attribué à Mme Marie–Odile Bouillé, députée de Loire–Atlantique, et l’autre, le présent avis, relatif au programme « Patrimoines ».

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget du programme dont elle a la charge pour 2011, la rapporteure pour avis s’attachera à étudier un secteur de l’action culturelle, ainsi que l’a décidé le bureau de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son choix s’est porté cette année sur les conséquences pour les sites et les collectivités concernées d’une inscription au Patrimoine mondial.

L’article 49 de la loi organique n° 2001–692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2010 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 87,69 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis, dont les trois quarts sont arrivées entre le 6 et le 8 octobre. La rapporteure pour avis le regrette, ces documents contribuant très efficacement à la compréhension des enjeux budgétaires.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2010 :
LES PATRIMOINES PRÉSERVÉS ?

La mission « Culture » sera dotée en 2011 de 2 708,01 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 4,04 % par rapport à 2010 (1)) et de 2 672,81 millions d’euros en crédits de paiement (– 0,15 % par rapport à 2010).

Évolution du budget de la mission Culture
(à périmètre constant – données LFI 2010 retraitées)

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

765,68

855,91

848,33

868,27

+ 10,79

+ 1,44

Création

722,49

723,56

753,13

736,86

+ 4,24

+ 1,84

Transmission des savoirs *

485,83

468,57

471,98

433,11

– 2,85

– 7,57

Dépenses de personnel

628,89

628,89

634,56

634,56

+ 0,90

+ 0,90

Total

2 602,9

2 676,93

2 708,01

2 672,81

+ 4,04

– 0,15


*
Hors dépenses de personnel

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Le programme « Patrimoines », dont le périmètre a été très lourdement remanié – ce qui rend la lecture du budget extrêmement difficile –, est relativement préservé puisque les autorisations d’engagement sont en hausse de 10,79 % à 848,33 millions d’euros. Mais les crédits de paiement sont en stagnation (+ 1,44 % alors que l’inflation est évaluée à 1,5 % pour l’année prochaine(2)) à 868,27 millions d’euros.

A. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE INQUIÉTANTE

La rapporteure pour avis s’inquiète vivement de la programmation pluriannuelle prévue pour la mission « Culture », et plus particulièrement pour le programme « Patrimoines ».

Le projet annuel de performance de la mission « Culture » ne fournit strictement aucune explication sur ce désengagement progressif et régulier de l’État, indiquant simplement que « le projet de loi de finances pour 2011–2013 vise à poursuivre la mise en œuvre des politiques culturelles engagées et la réalisation de projets d’investissement importants ». Enfin, et on ne peut également que le déplorer, le rapport annexé au projet de loi n° 2823 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 est tout aussi sibyllin.

Programmation pluriannuelle 2011–2013

(En millions d’euros)

 

2011

2012

Variation 2012/2011

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

848,331

868,273

788,066

869,722

– 7,10%

+ 0,17%

Création

753,136

736,866

725,393

732,623

– 3,68%

– 0,58%

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 106,542

1 067,673

1 053,208

1 075,215

– 4,82%

+ 0,71%

Total

2 708,009

2 672,812

2 566,667

2 677,560

– 5,22%

+ 0,18%

 

2013

Variation 2013/2012

Variation 2013/2011

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

784,575

860,493

– 0,44 %

– 1,06 %

– 7,52 %

– 0,90 %

Création

722,483

729,803

– 0,40 %

– 0,38 %

– 4,07 %

– 0,96 %

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 114,067

1 095,477

+ 5,78 %

+ 1,88 %

+ 0,68 %

+ 2,60 %

Total

2 621,125

2 685,773

+ 2,12 %

+ 0,31 %

– 3,21 %

+ 0,48 %

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

Sollicité par la rapporteure pour avis, le ministère de la culture indique que les autorisations d’engagement évoluent simplement selon le calendrier des projets d’investissement, ce qui explique les fortes variations sur ces trois années.

Pourtant, à la lecture de ce tableau, le désengagement de l’État est clairement acté, notamment dans le secteur des patrimoines, ce qui est en totale contradiction avec les paroles prononcées par le chef de l’État en 2007… Lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine en septembre 2007, le Président de la République avait déclaré : « la sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». Il y a loin des paroles aux actes… et l’on atteindra notamment difficilement en 2013 les 400 millions d’euros promis pour les monuments historiques, avec des crédits « Patrimoines » en régression de 0,9 % sur trois ans.

B. UN GEL DES CRÉDITS PRÉOCCUPANT

Par ailleurs, si la mise en réserve préventive, plus communément appelée « gel », inscrite au projet de loi de finances pour 2011, de même niveau que celle de 2010 − soit 0,5 % pour les dépenses de personnel et 5 % pour les autres titres – devait être maintenue cette année, les crédits de paiement seraient en forte baisse et la hausse des autorisations d’engagement ramenée à 5,25 %.

Rappelons qu’en 2010, la mission « Culture » a bénéficié de la levée de la réserve de précaution, comme annoncée en début d’année par le Président de la République. La levée de cette réserve n’a pas été totale puisqu’un gel résiduel de 0,54 million d’euros sur le programme « Patrimoines » a été maintenu au titre du fonds « État exemplaire ». La rapporteure pour avis plaide pour que cette levée intervienne rapidement en 2011 afin que les crédits puissent être consommés dans les meilleures conditions.

C. LE PROGRAMME « PATRIMOINES » EN 2011 : UN SOUTIEN BIENVENU À DESTINATION DES MUSÉES EN RÉGION

La dotation globale annoncée pour le programme « Patrimoines » en 2011 est de 868,27 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 1,5 % par rapport à l’année dernière, ce qui représente seulement 12,36 millions d’euros additionnels. Les autorisations d’engagement, en augmentation sensible, sont dotées de 82,65 millions d’euros additionnels, à 848,33 millions d’euros (+ 10,79 % par rapport à 2010). Cette très forte hausse est principalement due à la mise en œuvre de projets d’investissement, notamment le plan en faveur de l’investissement dans les musées en région, doté de 25,8 millions d’euros en 2011.

Répartition des crédits du programme « Patrimoines »

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental (libellé modifié)

336,95

391,97

374,86

378,88

+ 11,25

– 3,34

Architecture

22,01

22,46

26,05

25,55

+ 18,36

+ 13,76

Musées

346,28

345,97

392,26

371,6

+ 13,28

+ 7,41

Archives et célébrations nationales

32,517

68,26

27,57

66,13

– 15,21

– 3,12

Patrimoine linguistique

2,5

2,5

2,54

2,54

+ 1,60

+ 1,60

Acquisition et enrichissement des collections publiques

18,51

18,51

16,63

16,63

– 10,16

– 10,16

Patrimoine archéologique

6,91

6,24

8,41

6,94

+ 21,71

+ 11,22

Total

765,68

855,91

848,32

868,27

+ 10,79

+ 1,44

Source : ministère du budget – projet annuel de performances 2011.

1. Le patrimoine monumental : baisse des crédits de paiement

Les crédits consacrés au patrimoine monumental représentent 44,2 % de l’ensemble des crédits du programme « Patrimoines ». En 2011, ils atteindront 374,86 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 11,25 % par rapport à 2010) et 378,88 millions d’euros en crédits de paiement (– 3,34 %). Rappelons que les crédits auparavant inscrits au sein de cette action et consacrés à l’archéologie sont désormais retracés dans une nouvelle action « Patrimoine archéologique ».

Lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine en septembre 2007, le Président de la République avait souhaité que 400 millions d’euros soient consacrés annuellement au patrimoine monumental, après que des rapports alarmants se soient multipliés au cours des dernières années : le rapport de notre collègue Christian Kert (3) il y a tout juste quatre ans était on ne peut plus explicite sur les dangers du désengagement budgétaire dans le secteur du patrimoine monumental. Il y a trois ans, Patrick Bloche, alors rapporteur budgétaire pour avis, s’inquiétait également de la situation (4).

Or, cette année, plus de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 20 millions d’euros en crédits de paiement manquent à l’appel. La rapporteure pour avis le déplore. S’agissant des monuments n’appartenant pas à l’État, les crédits d’entretien sont stabilisés à un niveau qui ne permet toujours pas de faire face à toutes les demandes – les crédits sont même en baisse si l’on tient compte de l’inflation. Les crédits de restauration sont eux aussi en baisse.

Répartition des crédits affectés aux monuments historiques

(En millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Monuments historiques (MH)
"hors grands projets"

290,61

341,69

297,98

336,14

+ 2,54

– 1,62

dont crédits d’entretien

56,17

56,17

55,77

55,77

– 0,71

– 0,71

dont MH État

34,46

34,46

34,06

34,06

– 1,16

– 1,16

dont MH non État

21,71

21,71

21,71

21,71

0,00

0,00

dont dotation MH versée aux opérateurs

7,26

7,26

8,06

8,06

+ 11,02

+ 11,02

dont crédits de restauration

227,2

278,27

234,15

272,31

+ 3,06

– 2,14

dont MH État

119,09

127,8

120,59

122,04

+ 1,26

– 4,51

dont MH non État

108,11

150,47

113,56

150,27

+ 5,04

– 0,13

MH "grands projets"

71,18

39,72

62,41

28,27

– 12,32

– 28,83

dont Musée Picasso

   

4,1

1,9

   

dont Versailles

20

25

19

18

– 5,00

– 28,00

dont Quadrilatère Richelieu (clos et couvert)

44,4

7

27,72

3,2

– 37,57

– 54,29

dont Fort Saint Jean

6,78

7,72

11,59

5,17

+ 70,94

– 33,03

Total crédits budgétaires

361,79

381,41

360,39

364,41

– 0,39

– 4,46

Évaluation du produit de la taxe sur les jeux en ligne (affectée au Centre des monuments nationaux – CMN)

   

10

10

   

Total

361,79

381,41

370,39

374,41

+ 2,38%

– 1,84%

Source : ministère du budget – projets annuels de performances 2010 et 2011.

Dans ce contexte, on ne peut que regretter que les recettes issues du produit de la taxe sur les jeux en ligne et affectées au Centre des monuments nationaux soient plafonnées à 10 millions d’euros (5).

Enfin, la rapporteure pour avis tient à alerter le Gouvernement : si l’État n’adresse pas un message clair s’agissant du financement et du pilotage de la politique patrimoniale de notre pays, les tensions que vont enregistrer les budgets des collectivités locales dans les prochaines années risquent, si les arbitrages budgétaires locaux sont défavorables, de freiner l’aboutissement des projets et de diminuer en conséquence les taux de consommation des crédits.

Au lieu de songer à se séparer de son patrimoine au détour d’un article du projet de loi de finances pour transmettre les charges afférentes aux collectivités locales – comme ce fut le cas l’an passé avec l’article 52 ensuite censuré par le Conseil constitutionnel – le Gouvernement devrait avoir à cœur de l’entretenir et de le restaurer dans les meilleures conditions pour le transmettre aux générations futures.

2. Les musées : soutien à l’investissement en faveur des régions

Les crédits de paiement de l’action « Patrimoine des musées de France », qui représente 46 % des crédits du programme « Patrimoines », sont en hausse de 7,41 %, soit une augmentation de plus de 25 millions d’euros, alors que les autorisations d’engagement augmentent de plus de 13 %, soit 45,98 millions d’euros additionnels, à 392,26 millions d’euros, principalement du fait de la mise en œuvre du plan « Musées en région 2011-2013 ». Mais, les dotations de fonctionnement allouées aux établissements publics dépendant du ministère diminuent en moyenne de 3 % et les dotations d’investissement baissent de 7,2 % en autorisations d’engagement et de 16,7 % en crédits de paiement.

La Maison de l’Histoire de France : confédération de neuf musées ?

Selon les informations transmises par le ministère, « la Maison de l’Histoire de France sera tout à la fois un musée de l’Histoire de France situé aux Archives Nationales, une confédération de neufs musées nationaux ((6) qui conservent des collections relatives à l’histoire de France, un réseau national et international d’institutions patrimoniales et scientifiques consacrées à l’histoire, un forum au service des historiens et un portail numérique au service de la diffusion de l’histoire. Elle fédérera, à l’horizon 2012, neuf musées nationaux au sein d’un établissement qui permettra de conjuguer leur implication dans un projet collectif et le maintien de leur autonomie, notamment dans la définition de leur propre projet scientifique et culturel. Une exposition de préfiguration sera inaugurée dès la fin de l’année 2011 : elle présentera les grandes orientations scientifiques, culturelles et muséographiques de la future institution ». La Maison de l’Histoire de France devrait ouvrir au public en 2015.

De même, dans le projet annuel de performances, concernant la réforme de la Réunion des musées nationaux (RMN) et sa fusion avec le Grand-Palais, le Gouvernement indique que « la réflexion en cours sur la création de la Maison de l’Histoire de France conduirait par ailleurs à fédérer plusieurs musées nationaux – dont plusieurs services à compétence nationale – possédant des collections historiques pour constituer le "socle" du futur établissement. (…)L’impact sur la RMN du projet de Maison de l’Histoire de France annoncé par le Président de la République devra être précisé ». Est-ce à dire que le Gouvernement compte procéder à la fusion de ces structures au sein de la Maison de l’Histoire de France ? Qu’en sera-t-il alors de l’avenir de la RMN ? Va-t-on assister à la création d’un nouvel établissement public « concurrent » de la RMN, la question de la gestion de la billetterie de ces musées par la RMN devant être posée car elle ne sera alors plus forcément justifiée ?

La rapporteure pour avis, tout comme de nombreux historiens, parmi lesquels Jacques Le Goff, Nicolas Offenstadt, Gérard Noiriel ou Michèle Riot-Sarcey (7), s’interroge sur les modalités de création de cette nouvelle institution et sur ses conséquences sur les structures déjà existantes, d’autant plus qu’aucun crédit budgétaire n’est prévu en 2011 pour ce projet…

a) Le plan d’investissement en faveur des musées en région

Dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques, le ministre de la culture a présenté le 9 septembre dernier un « Plan Musées en région » qui vise à apporter un soutien aux investissements réalisés dans les musées labellisés « musées de France ». La mise en œuvre de ce plan devrait se traduire par la mobilisation d’environ 70 millions d’euros sur la période 2011-2013 à destination des musées territoriaux et des petits musées nationaux. Pour 2011, 25,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18,75 millions d’euros en crédits de paiement devraient y être consacrés.

L’objectif de ce plan est d’opérer un rééquilibrage territorial et de renforcer la conservation et la mise en valeur des collections concernées. Selon le ministère, les musées choisis l’ont été selon des critères de sélection précis relatifs au développement culturel des territoires, à la qualité du projet scientifique et culturel, à l’ambition architecturale du projet et à l’engagement de la collectivité concernée, en recherchant un équilibre dans les thématiques représentées (archéologie, beaux-arts, histoire, etc.).

Les projets retenus se verront allouer une subvention de l’État à hauteur de 20 % du coût du projet, les collectivités territoriales retenues devant donc être capables de financer les projets à hauteur de 80 %. À ce jour, 79 musées ont été sélectionnés. Le ministère précise que « sont concernés majoritairement des projets inscrits aux contrats de projets État-régions (CPER) 2007-2013 ».

Si la rapporteure pour avis se félicite de cette tentative de rééquilibrage, elle s’interroge malgré tout, d’une part sur les critères qui ont présidé au choix des musées en questions et, d’autre part sur les conditions financières drastiques ici posées puisque, pour bénéficier de l’aide de l’État, la collectivité doit être prête à payer 80 % de l’investissement.

b) Le point sur la gratuité dans les musées

En avril 2009, la mesure de gratuité, déjà existante pour les moins de dix-huit ans dans les collections permanentes des musées nationaux, a été étendue à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-six ans. Ce sont d’abord les jeunes ressortissants de l’Union Européenne qui en ont bénéficié, puis, à partir de l’été 2009, les jeunes résidant dans les pays de l’Union européenne. Un suivi quantitatif des effets de la mesure sur la fréquentation des dix-huit-vingt-cinq ans a été réalisé par le ministère. Il a été complété par une enquête sociologique auprès des visiteurs.

 Évaluation des effets de la mesure sur la fréquentation

Entre le début avril et la fin décembre 2009, soit trois trimestres, 1 280 155 jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans ont visité les musées nationaux. Cette fréquentation a représenté en moyenne 7,5 % de la fréquentation totale des collections permanentes. Ce taux moyen a progressé à chaque trimestre : 5,5 % d’avril à juin, 8 % de juillet à septembre, puis 11 % d’octobre à décembre.

En 2010, entre le début janvier et la fin juin, sur deux trimestres donc, le nombre des visites s’est établi à 921 837, soit 8,5 % de la fréquentation totale. Entre le deuxième trimestre 2010 et le deuxième trimestre 2009, on note une progression de 42,4 % de la fréquentation de ces jeunes dans les musées nationaux, ce qui représente 476 336 personnes au lieu de 334 492.

Comme l’indique le ministère dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure, « le suivi de l’impact de la mesure doit s’interpréter en considérant différents ensembles d’établissements distribués en différents points du territoire national (Paris, Île-de-France hors Paris, autres régions). De même, les effets mécaniques d’une saisonnalité générale de la fréquentation doivent être relativisés en intégrant la singularité des temps sociaux et du degré de mobilité de la classe des 18-25 ans (examens en juin, stages et petits boulots de l’été, vacances segmentées, rentrée universitaire décalée par rapport à la rentrée scolaire ; visites en nocturnes ; mobilité des étudiants, des jeunes accédant à l’emploi). Ainsi, dans les établissements patrimoniaux situés à Paris et dans le reste de l’Île-de-France, la contribution des jeunes à la fréquentation des collections permanentes est la plus forte d’octobre à décembre en raison du grand nombre de“ visites de proximité ” ou de “ visites-découverte ” pour des jeunes en provenance des autres régions qui découvrent l’offre culturelle de la capitale ; dans les autres régions, l’élévation forte de la fréquentation des jeunes pendant l’été, puis sa forte décrue à partir de l’automne, témoignent davantage de la portée de la mesure auprès d’un public de jeunes touristes (nationaux ou étrangers) ».

Coût de la gratuité

En l’absence de données de référence, le taux moyen de contribution des dix-huit-vingt-cinq ans à la fréquentation de l’ensemble des collections permanentes des musées nationaux et des monuments nationaux ouverts à la visite (Centre des monuments nationaux – CMN et Domaine national de Chambord) avait été initialement estimé à 9,8 %.

S’agissant des musées nationaux, à l’issue d’une première année de mise en œuvre, ce taux dépasse légèrement 8 %, et celui des monuments nationaux est de l’ordre de 6,5 %. Mais, trimestre après trimestre, il continue de progresser.

Au titre de 2009, le ministère de la culture a versé 16,3 millions d’euros aux musées et aux monuments nationaux pour compenser la gratuité des dix-huit-vingt-cinq ans.

Après transfert du ministère de l’éducation nationale, le ministère de la culture a versé 5,8 millions d’euros aux musées et aux monuments nationaux pour compenser la gratuité pour les enseignants.

Selon les informations fournies par le ministère, « la compensation de la gratuité n’a jamais été intégrée au PLF sur aucune action. Depuis l’instauration de cette mesure, la compensation est prise sur le dégel du programme Patrimoines, au détriment donc de tout le programme ». Quel aveu !

 Sociologie des nouveaux bénéficiaires de la gratuité

Une enquête sous forme de questionnaire est réalisée depuis octobre 2009 dans une quinzaine de musées nationaux répartis sur l’ensemble du territoire. Elle devait s’achever à la fin du mois de septembre. Le ministère a transmis à la rapporteure pour avis la synthèse de l’exploitation d’un peu plus de 2 000 questionnaires recueillis jusqu’à la fin mai 2010 :

– près de 7 jeunes sur 10 considèrent que la gratuité a joué un rôle dans la décision de visite. À l’inverse, dans 12 % des cas, le projet de visite aurait abouti, entrée gratuite ou non. Enfin, dans 19 % des cas, le jeune visiteur déclare qu’il n’a jamais été informé de la mesure de gratuité ;

– les jeunes Français représentent 89 % des personnes interrogées et possèdent un taux de mobilisation bien supérieur à celui des jeunes résidents en Europe, dont plus de la moitié ignorent la mesure jusqu’à leur arrivée au musée. On notera que le bouche à oreille est déterminant dans la circulation de l’information et dans la mobilisation, tandis que l’information en provenance des institutions muséales est encore trop souvent secondaire : 15 % des personnes interrogées expliquent leur venue par la communication du musée sur la mesure ;

– les bénéficiaires de la gratuité sont d’abord des jeunes en cours d’étude –étudiants à 62 % et lycéens à 7 % –, mais près de 20 % sont des actifs et 11 % en attente d’un d’emploi – une moitié en stage ou en apprentissage, une autre au chômage. C’est cette dernière catégorie qui est la plus sensible à la gratuité, tandis que les indifférents se recrutent plus souvent parmi les étudiants. « S’agissant des loisirs habituels, la gratuité mobilise un peu plus souvent ceux dont les sorties relèvent de la culture « jeunes »  (concert de rock, spectacles d’humour, cinéma) que de la culture « cultivée » (théâtre, opéra, danse et musique classique ou contemporaine) » ;

– la gratuité suscite la découverte de nouveaux musées – 69 % venaient pour la première fois dans le musée où ils ont été interrogés –, mais également elle fidélise : tantôt à un établissement particulier – 50 % déclarent qu’ils reviendront –, tantôt à la sphère muséale dans son ensemble – 65 % en avaient déjà fait usage depuis avril 2009, dans un ou plusieurs musées.

La rapporteure pour avis déplore que cette étude ne mesure pas l’impact de la gratuité selon les catégories socio-professionnelles et l’origine géographique des jeunes en question. Elle demande la création d’une mission d’information au sein de notre commission qui serait chargée d’étudier cette question et d’en mesurer notamment le rapport coût/intérêt en termes de démocratisation sociale. En effet, comment mesurer l’utilité d’une telle mesure, notamment en termes de démocratisation culturelle, si de telles données sont absentes des enquêtes réalisées ?

c) Le chantier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

Rappelons que le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), implanté à Marseille, doit recevoir les collections du musée national des arts et traditions populaires (MNAT), situé à l’ouest de Paris et fermé en 2005. L’étude et la mise en valeur des cultures de la Méditerranée constituent sa mission essentielle.

Un espace de présentation permanente d’œuvres majeures, emblématiques de l’histoire et des civilisations de la Méditerranée a été ajouté dans le bâtiment conçu par Rudy Ricciotti. Cette nouvelle dimension du projet a été décidée par le ministre de la culture et de la communication fin juillet 2010 et se fera, selon le ministère, « grâce à l’expertise et aux prêts d’œuvres des grands musées nationaux qui conservent des collections de références sur les arts et les civilisations de la Méditerranée, complémentaires à celle du MuCEM ».

Ainsi, le musée du Louvre, le musée du quai Branly et le cas échéant, les musées de la ville de Marseille pourront être associés à l’élaboration de cette présentation permanente, afin d’apporter leur expertise scientifique. Si la rapporteure pour avis comprend l’intérêt de cette collaboration, les modalités de mise à contribution de ces institutions sont loin d’être claires. On peut s’en inquiéter car aucun crédit spécifique ne semble prévu à cet effet et les budgets de fonctionnement des musées nationaux sont cette année en baisse. Il conviendrait que le ministre s’explique sur ce point.

Ce musée s’étendra sur trois sites :

– sur l’ancien môle portuaire J4, le bâtiment de Rudy Ricciotti est depuis juillet dernier en construction. Il constituera le cœur du musée. Les délais de réalisation des travaux sont fixés à vingt-neuf mois, soit une livraison du bâtiment en décembre 2012 ;

– après restauration, le site du Fort Saint-Jean, dont les origines remontent au XIIe siècle, sera relié au bâtiment du J4 par une passerelle. La première tranche de travaux s’est achevée en mars 2010. La deuxième tranche a démarré au printemps dernier pour dix-huit mois (restauration des remparts et courtines et restauration de la tour du roi René). Les études de mise en accessibilité du fort sont en cours et les travaux doivent débuter avant l’été 2011 ;

– le centre de réserve, construit dans le site de la caserne de Muy, dans le quartier de la Belle de Mai, doit être réalisé dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Il abritera à la fois les réserves du musée et d’importants fonds documentaires, ouverts aux groupes, aux étudiants, aux chercheurs. Il accueillera également des expositions d’objets spécifiquement sélectionnés. La signature du contrat de PPP a eu lieu en décembre 2009. Les travaux doivent débuter au dernier trimestre 2010 pour une durée de dix-huit mois. Le bâtiment sera donc livré et fonctionnel en juillet 2012.

Le MuCEM doit ainsi ouvrir ses portes en 2013, année durant laquelle Marseille sera capitale européenne de la culture. La rapporteure pour avis ne peut ici que faire part de son inquiétude : le calendrier prévu n’est-il pas très tendu par rapport à la date « fatidique » de 2013, année durant laquelle Marseille sera Capitale européenne de la culture ? Par ailleurs, où en est l’inventaire des collections ? Quel est l’état d’avancée de la réflexion sur le projet muséographique ? Les réponses au questionnaire budgétaire sont muettes sur ces sujets.

3. Les archives

Les crédits de l’action « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » s’élèveront en 2011 à 27,57 millions d’euros en autorisations d’engagement – 15,21 %) et 66,13 millions d’euros en crédits de paiement (– 3,12 %). Cette très forte baisse s’explique principalement par la fin des travaux du centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, qui accueillera les archives centrales de l’État postérieures à 1790 et disposera d’une capacité de réserve pour les trente années à venir avec 320 kilomètres de linéaire de rayonnage. La livraison du bâtiment est prévue à la fin 2011 et l’ouverture devrait intervenir début 2013 après le déménagement des archives prévu pour durer quatorze mois. Il est prévu que le centre fonctionne en réseau avec les sites de Paris et de Fontainebleau, au sein du service à compétence nationale « Archives nationales ».

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En conclusion, la rapporteure pour avis tient à répéter qu’elle déplore l’incohérence du découpage budgétaire et le fait que le patrimoine écrit et documentaire – notamment les crédits de la Bibliothèque nationale de France, travaux intérieurs du site Richelieu, les crédits relatifs à la numérisation de notre patrimoine écrit, etc. – ne fasse plus partie du programme. Le constat est le même pour le patrimoine cinématographique qui n’a rien à faire au sein des crédits de la mission « Médias ».

Un point sur la politique du livre et de la lecture

Cette politique est pilotée par le service du livre et de la lecture (SLL) aujourd’hui rattaché à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication. Elle passe d’abord par la conservation, l’enrichissement et la valorisation des collections dont l’État est propriétaire, au sein de la Bibliothèque nationale de France ou bien dans des bibliothèques relevant de collectivités territoriales. Cette politique passe également par le développement de la lecture.

Sur ce dernier sujet, de la compétence des collectivités territoriales, le 30 mars dernier, le ministre de la culture a énoncé quatorze propositions s’articulant autour de trois axes fondateurs : adaptation des structures aux nouveaux usages ; accompagnement des projets innovants et conception d’outils d’aide à la décision.

S’agissant de la politique en matière de patrimoine écrit, elle comprend deux volets principaux : d’une part, l’action de la Bibliothèque nationale de France (35 millions de documents conservés), d’autre part, le plan d’action pour le patrimoine écrit (PAPE) et le soutien aux bibliothèques territoriales – 500 bibliothèques dont 54 bibliothèques municipales classées – détenant des fonds patrimoniaux (plus de 30 millions de documents anciens et précieux). À travers le mécanisme de collecte du dépôt légal, la BnF a pour mission principale de conserver, l’ensemble des documents publiés en France. Depuis la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, le périmètre du dépôt légal couvre également internet.

La BnF reçoit par ailleurs du service du livre et de la lecture une subvention de 3 millions d’euros pour des actions de coopération nationale. Cette coopération passe notamment par le développement des « pôles associés régionaux », impliquant services de l’État et collectivités territoriales autour de projets patrimoniaux communs, en particulier en matière de signalement. Treize régions sont désormais pourvues de ce dispositif ou en passe de l’être : Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Antilles (Martinique et Guadeloupe) et Guyane, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Limousin, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes.

Enfin, pour prendre un dernier exemple, dans le domaine de la numérisation patrimoniale, le service du livre et de la lecture favorise la concertation entre de grands projets nationaux comme la bibliothèque numérique de la BnF Gallica, les politiques de numérisation définies en région par les collectivités territoriales, éventuellement les initiatives privées qui peuvent leur être complémentaires et enrichir l’offre publique.

II.- LES CONSÉQUENCES DE L’INSCRIPTION D’UN PATRIMOINE
OU D’UN SITE SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL

Le concept de « Patrimoine mondial » a été inventé et développé par l’UNESCO pour protéger et signaler des sites d’importance mondiale, reconnus par la communauté internationale comme de « valeur universelle exceptionnelle ».

La convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972 avait très clairement été d’abord conçue comme un outil de sauvegarde du patrimoine, notamment pour les pays alors qualifiés de pays « en voie de développement ». Mais, comme l’indique M. Rémy Prud’homme, professeur émérite à l’Université Paris XII, dans un rapport de juillet 2008 rédigé à la demande de l’UNESCO, si les retombées générées par l’inscription ne faisaient pas partie des objectifs initiaux des conventions, elles en constituent effectivement une conséquence puisque « cette inscription a aussi des impacts potentiellement importants sur le développement socio-économique des zones où sont situés ces sites. En vérité, ces impacts réels ou supposés sont l’un des ressorts principaux, sans doute même le plus important, de la demande d’inscription sur la liste, qui est très forte. Dans l’esprit des élus locaux qui portent généralement cette demande, être couché sur la liste est une promesse et un instrument de développement économique, c’est-à-dire d’activités et d’emplois. Curieusement, alors que l’on connaît bien l’impact – indubitablement très positif – de l’inscription sur la protection et la signalisation des sites, on connaît assez mal l’impact de l’inscription sur le développement économique et social. Les espoirs placés dans la relation inscription – développement sont-ils fondés ? » (8).

A. UNE ÉVOLUTION PROGRESSIVE DE LA NOTION DE PATRIMOINE MONDIAL ET DES MODALITÉS DE L’INSCRIPTION

1. La genèse des conventions : du patrimoine matériel au patrimoine immatériel

La convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972 est le résultat d’une réflexion internationale initiée dans les années 1930 par la Société des Nations, et qui s’intensifie après la Seconde guerre mondiale. En 1945, les États prennent conscience de la nécessité de préserver le patrimoine, d’une part à la suite des destructions massives de la guerre, et d’autre part du fait des grands projets d’aménagement qui commencent à se développer après 1945. Une première convention est signée à la Haye en 1954, visant à préserver le patrimoine en cas de conflit armé. Puis, à partir de 1959, la campagne de sauvetage des temples d’Abou Simbel en Egypte, menacés par un projet de barrage sur le Nil, fait prendre conscience à la communauté internationale de la fragilité du patrimoine. En 1965, à Washington, une conférence internationale évoque la possibilité de protéger les sites historiques et naturels dans le monde.

Parallèlement, à la même époque, l’UNESCO contribue à la structuration et à l’organisation des professionnels du patrimoine, des historiens et des architectes au sein d’un Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS).

Ces initiatives menées de concert aboutissent finalement le 16 novembre 1972 à la signature de la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Cette convention vise à identifier et à mettre en exergue les éléments du patrimoine mondial de « valeur universelle exceptionnelle », c’est-à-dire capables de raconter l’histoire de la terre et des peuples du monde.

Le patrimoine mondial selon l’UNESCO

« Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Nos patrimoines culturel et naturel sont deux sources irremplaçables de vie et d’inspiration. Ce qui rend exceptionnel le concept de patrimoine mondial est son application universelle. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel ils sont situés ».

Selon les termes du point 49 des Orientations(9), « la valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité ».

Cette première Convention s’attache donc à des éléments du patrimoine qui revêtent un caractère matériel – vestiges archéologiques, monuments historiques, sites naturels ou paysages culturels. Les traditions, pratiques portées par les communautés humaines et constitutives de leur identité – traditions orales, contes, musique, etc. –, ne sont que marginalement prises en compte alors que, dans certains pays, ce patrimoine peut être plus important que le patrimoine matériel.

La convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003 vise à prendre en compte ces éléments patrimoniaux exclus de la Convention de 1972. Bien que conçue sur le même modèle que la première, elle constitue une avancée majeure en postulant que ce sont les communautés, les groupes, les collectivités, porteurs de leurs traditions, qui définissent leur propre patrimoine. Rappelons que la convention de 1972 postulait à l’inverse que les États et les experts étaient responsables de la désignation des éléments patrimoniaux importants.

2. Les modalités d’inscription d’un site ou d’un patrimoine

 La « Liste indicative »

Le bien ou le patrimoine immatériel que l’État-partie entend voir inscrit doit d’abord être placé sur une liste indicative nationale, inventaire non exhaustif des biens ou patrimoines que l’État en question considère comme de « valeur universelle exceptionnelle ». Cette liste est établie et déposée auprès de l’UNESCO par l’État et modifiable par lui à tout moment. Un bien doit figurer sur la liste indicative au moins douze mois avant d’être soumis au Comité du patrimoine mondial dépendant de l’UNESCO. Rappelons que ce comité est composé de 21 États-parties à la convention, élus par les États-parties à la convention réunis en assemblée générale au cours de sessions ordinaires de la Conférence générale de l’UNESCO. L’élection des membres du comité doit assurer une représentation équitable des différentes régions et cultures du monde, selon les termes de l’article 8 de la convention.

À l’heure actuelle, le Comité du patrimoine mondial encourage les États à rechercher des convergences entre les différents biens et patrimoines inscrits dans la liste indicative et à les harmoniser par thématique ou par grande région. Les candidatures transnationales sont également valorisées.

 La longue préparation du dossier

Les dossiers d’inscription sont élaborés soit par l’État, soit – c’est le cas le plus fréquent aujourd’hui – par les collectivités territoriales concernées ou bien encore par des associations, selon un modèle précisé dans un document issu des débats du Comité appelé « Orientations » (10). Les services de l’État doivent normalement accompagner et conseiller ce travail puis le valident. Le montage de ces dossiers est devenu très lourd, aussi bien techniquement que financièrement, et nécessite très souvent le concours d’organismes extérieurs spécialisés ou de personnels dédiés. Selon le ministère de la culture, il faut en moyenne cinq à sept ans pour monter un tel dossier.

 La procédure de dépôt du dossier et l’inscription devant l’UNESCO

Au niveau national, les dossiers parvenus « à maturité » sont examinés, sur proposition des ministères chargés de la culture – pour le patrimoine culturel – et de l’écologie – pour le patrimoine naturel –, par le Comité national des biens français du patrimoine mondial (11) – comité d’experts placé auprès des deux ministres, et auquel participe l’ambassadeur délégué auprès de l’UNESCO. Le comité établit une appréciation sur la base de l’audition des porteurs du dossier et du rapport d’un membre. L’État choisit, sur la base de cet avis, le dossier à déposer auprès du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Après son dépôt, le dossier fait l’objet d’un premier examen formel, mené par le Centre du patrimoine mondial, qui s’assure de sa conformité aux conventions. Il est ensuite remis aux « organes consultatifs » prévus par la convention, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) pour le patrimoine culturel et/ou l’Union mondiale pour la nature (UICN) pour le patrimoine naturel, chargés d’en assurer l’expertise scientifique et technique, et qui établissent un rapport au Comité du patrimoine mondial, assorti d’un avis quant à son inscription.

La décision définitive est prise par les membres du Comité du patrimoine mondial qui se réunissent une fois par an. Le site peut être inscrit, refusé, différé, ou encore renvoyé à l’État partie pour complément d’informations.

Calendrier

La date limite de dépôt des dossiers par les États au Centre du patrimoine mondial est le 31 janvier de l’année en cours. La décision d’inscription est prise par le Comité du patrimoine mondial en juin de l’année suivante. Un délai de dix-huit mois s’écoule donc entre le dépôt du dossier et la décision finale.

 Contenu d’un dossier d’inscription

Le dossier d’inscription répond à un format établi et validé par le Comité du patrimoine mondial. Pour pouvoir être proposé à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, un bien doit présenter une « valeur universelle exceptionnelle », concept clé de la convention et objet de nombreux débats, et se trouver dans un état d’authenticité et d’intégrité reconnus comme satisfaisants. Le périmètre du bien est aujourd’hui cartographié de manière très précise. S’y ajoute une « zone tampon », analogue aux « abords » des monuments historiques, qui permet de protéger le bien des projets de développement aux alentours pouvant affecter sa valeur.

Les rapports interministériels sur ce dossier

La délégation française auprès de l’UNESCO, sous tutelle du ministère chargé des affaires étrangères, est l’interlocuteur officiel de l’UNESCO. Elle est seule habilitée à engager le gouvernement français. Pourvue d’un rôle politique, elle représente la France à la Conférence générale et assure la conduite des délégations dans les différentes instances de l’UNESCO. C’est par elle que transitent les décisions et dossiers de la France vers l’UNESCO et de l’UNESCO vers la France.

Mais ce sont les ministères « techniques » en charge de la culture (plus particulièrement la direction générale des patrimoines) et de l’écologie (plus particulièrement le service de la protection des sites naturels) qui sont responsables du suivi de la convention ainsi que de son application sur le sol français. Les délégations des États au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO sont elles aussi constituées majoritairement d’experts du patrimoine culturel et naturel.

La gestion des sites est un point qui est regardé avec une très grande attention aujourd’hui. La collectivité porteuse du dossier doit donc mettre en place un système de gestion, comportant un plan de gestion et une structure ad hoc chargée de le piloter. Ce plan de gestion couvre, tant à court qu’à long terme, les différents aspects de la gestion du bien, de sa connaissance à sa conservation, mais également à la promotion et au développement touristique dont il fait l’objet. Ce plan de gestion implique le plus souvent un nombre d’acteurs important qu’il faut donc fédérer.

3. L’évolution de la mise en œuvre des conventions en France

Rappelons que l’application des conventions, comme toute convention internationale, est du ressort des États. C’est donc l’État qui, en France, reste seul responsable de son application et qui est interpellé par l’UNESCO en cas de problème sur un site ou un patrimoine inscrit. Pourtant, au niveau tant central que local, l’État dispose pour ce faire de peu de moyens, financiers, humains et même juridiques.

a) Des patrimoines matériels appartenant à l’État aux paysages culturels sous la responsabilité de nombreuses collectivités

Il existe aujourd’hui trente-cinq sites français inscrits sur la Liste du patrimoine mondial (12). Deux d’entre eux sont des biens « en série », constitués de plusieurs biens : les douze fortifications de Vauban qui regroupent des forts, des tours, des citadelles ou des villes fortifiées et les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle comprennent soixante-dix-sept édifices de statuts très divers, répartis sur toute la France.

La situation et les relations entre l’État et les différents acteurs concernés ont donc fortement évolué depuis les débuts de la mise en œuvre de la convention. Cette évolution s’est faite en relation avec celle des patrimoines pris en compte. On est en effet passé du monument isolé au centre historique puis à de véritables « paysages culturels » et même à des itinéraires. Cela a certes permis l’appréhension de portions de territoire de plus en plus vastes mais cela a surtout conduit à l’implication d’un nombre croissant d’acteurs. Parmi ces acteurs, les collectivités locales sont aujourd’hui majoritaires mais il ne faut pas négliger les associations, qui prennent une part active, soit dans l’élaboration des candidatures – comme dans le cas du Mont-Perdu – cirque de Gavarnie –, soit dans la défense des biens inscrits.

Les premières inscriptions, à partir de la fin des années 70, étaient des monuments ou des domaines appartenant presque exclusivement à l’État, tels que les châteaux de Versailles et de Fontainebleau ou les cathédrales. Dans le prolongement de cette pratique, les premiers ensembles urbains inscrits l’ont été sans qu’une concertation avec les collectivités s’établisse véritablement, car ils étaient conçus plutôt comme une extension de monuments de l’État et couverts par des procédures gérées par l’État comme les secteurs sauvegardés par exemple. Ce fut le cas de Strasbourg, d’Arles, voire de Nancy.

Les sites français déjà inscrits

1979 : Mont Saint-Michel, cathédrale de Chartres, Palais et parc de Versailles, Vézelay, grottes de la Vézère.

1981 : Palais et parc de Fontainebleau, cathédrale d’Amiens, Théâtre antique et arc de triomphe d’Orange, monuments romains et romans d’Arles, abbaye de Fontenay.

1982 : Arc-et-Senans.

1983 : place Stanislas à Nancy, église de Saint-Savin-sur-Gartempe, caps de Girolata et de Porto et réserve naturelle de Scandola, calanches de Piana en Corse.

1985 : Pont du Gard.

1988 : Strasbourg – Grande île.

1991 : rives de la Seine à Paris, cathédrale Notre-Dame, ancienne abbaye Saint-Rémy et palais de Tau à Reims.

1982 : Cathédrale de Bourges.

1995 : centre historique d’Avignon.

1996 : Canal du Midi.

1997 : Carcassonne, Mont-Perdu.

1998 : Chemins de Saint Jacques de Compostelle, site historique de Lyon.

1999 : Juridiction de Saint-Émilion.

2000 : Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes.

2001 : Provins, ville et foire médiévale.

2005 : Le Havre d’Auguste Perret.

2007 : Bordeaux, port de la Luthe.

Les collectivités territoriales, plus précisément les communes, voyant un intérêt à l’inscription en termes de notoriété, ont commencé à occuper une place significative à partir des années 1990. La ville de Lyon, inscrite en 1998, a été la première ville à se mobiliser, suivie par Provins, Le Havre, Bordeaux, et récemment Albi.

Après les villes, ce sont les régions qui ont pris des initiatives, avec des inscriptions de périmètres plus vastes permises par le développement de la notion de « paysages culturels » : ce fut le cas du Val de Loire porté par les régions Centre et Pays de la Loire. C’est aujourd’hui le cas des candidatures de la région Nord-Pas-de-Calais pour le Bassin minier et du Languedoc-Roussillon pour le paysage agro-pastoral des Causses et Cévennes.

Ainsi, depuis une dizaine d’années, les candidatures au patrimoine mondial sont portées, et financées, quasi exclusivement par les collectivités territoriales. Progressivement, des relations plus complexes se sont donc établies entre État et collectivités territoriales. L’État est passé d’un rôle opérationnel à un rôle de conseil et d’accompagnement dans le processus d’élaboration des candidatures et dans le suivi des obligations liées à l’inscription.

La mise en place d’outils capables d’impliquer tous les acteurs ayant une parcelle de responsabilité sur les biens inscrits est donc au cœur des préoccupations actuelles du ministère de la culture. En effet, aujourd’hui, selon la nature du patrimoine inscrit et l’ancienneté de son inscription, il n’est pas toujours facile d’identifier un responsable unique alors même que la responsabilité des biens revient majoritairement aux collectivités locales. Pour ce qui est des cathédrales par exemple, le problème de la coordination et de la gestion est complexe : l’État, via ses services déconcentrés, les entretient et les restaure ; le Centre des monuments nationaux (CMN) les ouvre à la visite ; le clergé en maintient l’usage originel ; les municipalités les intègrent – éventuellement – dans leurs activités touristiques ou de valorisation. Le cas des paysages culturels est également d’une rare complexité en termes de coordination.

b) Un contrôle par l’UNESCO sur pièces plus que sur place

Rappelons que c’est à l’État, et non aux collectivités le plus souvent responsables des biens et patrimoines inscrits, que l’UNESCO demande régulièrement de faire état de la mise en œuvre des conventions. Or la position de l’État est délicate puisque, comme indiqué précédemment, s’il « contractualise » avec l’UNESCO, il n’est que très rarement responsable des sites et patrimoines inscrits.

En théorie, le « contrôle » de l’UNESCO s’opère sous trois formes différentes :

– un suivi de l’état de conservation, dans les conditions prévues par le paragraphe 172 des « Orientations » devant guider la mise en œuvre de la convention sur le patrimoine mondial (13) ;

– un suivi renforcé, qui peut être demandé par le directeur général de l’UNESCO, lorsque l’organisation constate une atteinte au site ou au patrimoine protégé, comme ce fut le cas avec les travaux d’aménagement du Port de la Lune à Bordeaux (14). Dans ce cadre, un retrait de la liste du Patrimoine mondial peut être demandé. Cela s’est produit à deux reprises. La première fois à la demande de l’État-partie pour le Sanctuaire de l’oryx arabe (Oman) en 2007, la deuxième fois à la demande du Comité du Patrimoine mondial, pour la Vallée de l’Elbe à Dresde (Allemagne) retiré de la liste en 2009 à la suite de la construction d’un pont.

– des rapports périodiques : tous les six ans, les États sont invités à soumettre au Comité du patrimoine mondial un rapport sur l’application de la convention sur le patrimoine mondial, ainsi que de l’état de conservation des biens du patrimoine mondial situés sur son territoire (15).

La même procédure s’applique au patrimoine immatériel, dont les obligations sont définies également dans le texte de la convention et les directives opérationnelles.

En pratique, et de nombreux interlocuteurs l’ont souligné, le contrôle de l’UNESCO est quasi inexistant en France. Le ministère de la culture s’acquitte des obligations fixées en rédigeant régulièrement des rapports exigés. Mais le Centre des monuments nationaux (CMN) évoque l’absence de contrôle sur place par l’UNESCO des sites inscrits gérés par le CMN. On ne peut que le regretter, tout en comprenant que, du fait des moyens limités de l’organisation, certains sites de pays en développement retiennent plus son attention.

Inscription au Patrimoine mondial et coopération internationale

Deux points font aujourd’hui l’objet d’une attention plus particulière de l’État :

– des relations régulières ont été développées entre les « points focaux » d’Europe, c’est-à-dire entre les personnes en charge du suivi de la convention dans chaque pays européen, pour réfléchir en commun et rapprocher politiques et pratiques ;

– la coopération internationale a été renforcée. Il s’agit en effet d’un autre point fort de la convention. La convention France-UNESCO pour le patrimoine (CFU) a été signée en 1997 et est entrée en vigueur en 1999. C’est un outil de coopération technique et financière entre l’UNESCO, le Gouvernement français et tous les acteurs impliqués en France dans la gestion du patrimoine, notamment les collectivités locales qui développent des actions de coopération décentralisée. Cette convention permet d’inscrire dans un cadre multilatéral des projets bilatéraux, comme celui de Chinon avec Luang Prabang, ou celui de Lille avec Saint-Louis du Sénégal.

c) Des subventions limitées

En premier lieu, rappelons que la préparation des dossiers de candidature n’est pas financée par l’État, à l’exception des candidatures qui relèvent de son initiative, ou de biens lui appartenant, comme l’œuvre architecturale de Le Corbusier par exemple.

En second lieu, la rapporteure a interrogé le ministère de la culture sur l’évolution du budget alloué par l’État au soutien, à la promotion et à la valorisation des sites et patrimoines inscrits par l’UNESCO en France au cours des dix dernières années. La réponse est sans ambiguïté : « il n’existe pas de ligne budgétaire spécifique dédiée aux biens du patrimoine mondial. Ceux-ci émargent sur les lignes normales dédiées à l’étude, la restauration ou la valorisation du patrimoine culture (ministère de la culture et de la communication) ou naturel et paysager (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer) ».

Les seuls crédits spécifiques sont ceux alloués à l’Association des biens français du patrimoine mondial, présidée par M. Yves Dauge, sénateur, qui réunit les gestionnaires des sites inscrits – principalement des collectivités locales. L’association a reçu en 2010 une subvention de 20 000 euros.

Pour autant, si aucune ligne budgétaire spécifique n’existe pour ces biens, ils bénéficient malgré tout de crédits du ministère de la culture, au titre du programme « Patrimoines » puisque ce sont des biens, le plus souvent prestigieux, qui font donc l’objet de financements importants. Ainsi, le château de Versailles ou les cathédrales inscrites bénéficient de crédits d’entretien et de restauration importants. Le ministère reconnaît malgré tout que « la part de financement allouée à des biens plus modestes est en revanche beaucoup plus restreinte ».

Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, celui de l’Aquitaine, qui possède pourtant une forte concentration de biens inscrits au patrimoine mondial, les budgets alloués par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) à ces derniers en 2009 étaient les suivants :

– pour les grottes ornées de la Vallée de la Vézère : 500 000 euros par an et quatre emplois à temps plein affectés à Lascaux ;

– pour Bordeaux : environ 1,6 million d’euros, notamment pour la restauration de la cathédrale ;

– pour Saint-Émilion : 50 000 euros ;

– pour Blaye (Fortifications de Vauban) : 200 000 euros.

– s’agissant des édifices des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle : tous ont fait l’objet d’études en vue de leur restauration et un programme de restauration est en cours depuis plusieurs années, mais le ministère ne fournit pas de données budgétaires précises.

d) La responsabilité de l’État : un pilotage délicat

La responsabilité de l’État vis-à-vis de l’UNESCO est en effet totale puisqu’il est le seul responsable de l’application des conventions. On peut d’ailleurs à ce titre s’interroger sur les conséquences de la signature de la convention cadre Culture-Tourisme du 6 novembre 2009, et notamment de son volet « valorisation touristique », sur la mise en valeur de notre patrimoine monumental et les incohérences d’une telle démarche avec celle qui préside à l’inscription UNESCO. L’UNESCO n’a-t-elle pas récemment refusé l’inscription d’un site transformé en hôtel au titre des fortifications de Vauban ? Le ministère de la culture a-t-il mesuré toutes les conséquences de l’évolution actuellement envisagée ?

Si l’outil budgétaire est, on vient de le voir, d’un maniement délicat, l’outil juridique n’est pas plus facile à utiliser.

Les premières années de mise en œuvre de la convention protégeant le patrimoine culturel et naturel n’ont pas nécessité en France la mise en place de dispositifs législatifs ou réglementaires spécifiques. La convention demandait en effet principalement aux États signataires de développer des politiques d’inventaire, de protection et de conservation du patrimoine, politiques déjà largement mises en œuvre en France. De plus, les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial étaient majoritairement des monuments ou des sites naturels appartenant à l’État ou gérés par des établissements publics nationaux. Ils faisaient, à ce titre, tous l’objet de fortes protections.

À l’inverse, à partir des années 1990, l’augmentation du nombre et de la surface des biens inscrits, la diversification des types de patrimoine pris en compte – on est progressivement passé de monuments ou de domaines à des portions de villes de plus en plus grandes comme Provins et Lyon, puis à des « paysages culturels » très vastes comme le Val de Loire – et la pression du développement urbain ont rendu la gestion des biens inscrits singulièrement plus complexe et amené à réfléchir à la mise en place d’un partage des responsabilités entre État et collectivités. Les biens en question n’étaient en effet plus systématiquement protégés par des dispositifs nationaux – classement, inscription ou zonage – et, parallèlement, le cercle des acteurs concernés par leur devenir s’était fortement élargi.

Dans le même temps, à l’échelle internationale, progressivement, les recommandations de l’UNESCO se sont faites plus précises en matière de gestion et de suivi des biens inscrits et la France a également dû s’y adapter.

Sur la base de ces constats, l’État a tenté de mettre en place un dispositif spécifique pour les biens inscriptibles et inscrits au Patrimoine mondial, dispositif opérationnel depuis 2004 :

– une procédure plus claire et plus transparente a été instaurée pour gérer les demandes croissantes d’inscription sur la liste indicative. C’est à ce moment qu’a été créé le comité national des biens français du patrimoine mondial ;

– une circulaire a été adressée aux préfets en novembre 2007 afin de demander aux services de veiller à la conservation des biens et d’alerter les ministères en cas de projet d’aménagement susceptible de porter atteinte à leur valeur. Elle prévoit également l’élaboration d’un dispositif de suivi plus efficace de l’état de conservation des biens, qui se doit d’être exemplaire.

Parallèlement, les collectivités locales et les responsables de biens se sont également organisés en se constituant en Association française des biens du patrimoine mondial en 2007.

Puis, le 20 septembre 2010 a été signée une charte « d’engagement sur la gestion des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial » entre les deux ministres en charge de la culture et de l’écologie, affirmant le partage de responsabilités entre l’État et les collectivités sur la gestion des biens. Cette charte engage chaque responsable d’un bien inscrit à mettre en place un système de gestion sous la supervision d’une commission locale réunissant services de l’État, collectivités et acteurs concernés, et à acter ce dispositif par la signature de conventions bien par bien.

Les moyens humains déployés, d’une part pour répondre aux sollicitations de l’UNESCO et, d’autre part, pour accompagner et venir en soutien ou coordonner les candidatures, sont extrêmement limités, alors même que les acteurs locaux sont très demandeurs de méthodes, d’outils et de savoir-faire pour monter les dossiers et gérer les biens inscrits.

La rapporteure pour avis tient à insister sur le rôle que devrait jouer l’État « pilote » dans la formation des responsables de sites UNESCO, alors que le travail est aujourd’hui réalisé par le biais du mécénat par l’association Vocations Patrimoine-Unesco, que la rapporteure pour avis a auditionné et qui fait un travail très intéressant. M. Renaud Donnedieu de Vabres, lorsqu’il était ministre de la culture, avait pourtant insisté sur l’importance d’une telle formation et engagé un travail de réflexion sur ce sujet.

Selon les informations transmises à la rapporteure pour avis, au sein de l’administration centrale du ministère de la culture, une personne traite à plein temps ces questions. Elle est rattachée au département international des affaires européennes et internationales de la direction générale des patrimoines. Par ailleurs, la sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés est aussi impliquée, avec pour mission de veiller à la bonne conservation des biens inscrits, en relation avec les dispositifs législatifs et réglementaires nationaux de protection du patrimoine.

À l’échelon déconcentré, aucune ressource n’est spécifiquement dédiée à ces dossiers. Pourtant, la prise en compte systématique des conventions est un souci, très récent, des services de l’État en région et, selon le ministère de la culture, « d’application très variable selon les territoires ». Ainsi, par exemple, la désignation des référents « Patrimoine mondial » tant au niveau de chaque région que pour chaque bien inscrit, dont le principe a été rappelé par un courrier adressé aux préfets de région par le ministre de la culture en juillet 2010, a pris du retard.

Cette décision de contractualiser et d’organiser les relations entre les collectivités responsables des biens inscrits et l’État marque la volonté de ce dernier de tenter de piloter la coordination de la gestion de ces sites. La contractualisation devra être portée par le représentant de l’État dans la région et visera à la conservation et la mise en valeur des biens inscrits, notamment les plus anciens qui ne disposent donc pas de plan de gestion.

Le rôle de l’État est ici délicat. Mme Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux, résumait bien la difficulté de l’exercice lors de son audition : comment faire pour coordonner l’ensemble des acteurs en cause lorsque le périmètre d’une inscription UNESCO n’a rien à voir avec les périmètres administratifs classiques ? Si, pour l’UNESCO, le seul interlocuteur est l’État, en France, l’État ne « peut tout seul ». Reste donc à inventer ce système de coordination. Si la signature de la charte est une avancée intéressante, l’État va devoir faire preuve d’une grande force de persuasion pour mettre tous les acteurs locaux autour de la table. Seul à même de pouvoir fédérer les différents acteurs sur ces dossiers, le représentant de l’État dans la région ne pourra jouer qu’un rôle de « bons offices ». En effet, du fait de la structure institutionnelle française, le représentant de l’État n’a strictement aucune autorité sur les collectivités ou sur les établissements publics partenaires et ne pourra donc en aucun cas « contraindre à la coordination », comme le rappelait Mme Lemesle lors de son audition.

La rapporteure estime que le travail de clarification et de coordination entamé est indispensable mais sans doute insuffisant. En effet, reste maintenant à faire vivre cette volonté affirmée de travail en commun sur les territoires, seule à même de tirer le meilleur parti d’une inscription, comme la rapporteure pour avis l’expliquera ultérieurement. En résumé, l’inscription « n’est pas la panacée. Encore faut-il que, sur le terrain, les acteurs jouent le jeu, ensemble » (16).

Pour autant, ne faudrait-il pas aller plus loin ? En effet, la contractualisation a posteriori inscrite dans la nouvelle charte est clairement plus de l’ordre de la coordination, voire dans certains territoires de l’incantation, qu’elle ne correspond à la déclinaison d’obligations respectives. La rapporteure s’interroge : dès lors qu’une ou plusieurs collectivités présentent un dossier d’inscription au Patrimoine mondial, ne faudrait-il pas que l’État contractualise avec elles pour décliner leurs obligations respectives, comme c’est le cas pour l’obtention des labels nationaux, du type « villes et pays d’art et d’histoire », par exemple ?

B. L’INSCRIPTION AU PATRIMOINE MONDIAL : FACTEUR FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT D’UN TERRITOIRE ?

Si de nombreux travaux ont été consacrés à l’analyse des relations entre patrimoine, tourisme et développement, il existe peu d’études spécifiques sur la relation entre inscription au Patrimoine mondial et développement économique (17). Par ailleurs, les études ponctuelles réalisées en France et à l’étranger ne sont pas unanimes sur cette question : certaines associations (Grands sites de France, Association des biens français du patrimoine mondial…) et les offices de tourisme soulignent l’importance de l’attribution de ce label sur le dynamisme de la politique territoriale. D’autres études, le plus souvent universitaires, sont beaucoup plus nuancées.

1. L’inscription n’est pas, à elle seule, suffisante pour induire une dynamique territoriale favorable

Par définition, tous les sites inscrits au Patrimoine mondial sont en effet exceptionnels. Dans l’attractivité d’un site inscrit par l’UNESCO, il est extrêmement ardu de distinguer ce qui résulte des effets de l’inscription au patrimoine mondial et ce qui provient de l’intérêt même du site.

Les impacts socio-économiques, réels ou supposés, d’une inscription au patrimoine mondial sont cependant l’un des arguments principaux des élus locaux qui portent les dossiers UNESCO. Pourtant, dans une réponse au questionnaire budgétaire, le ministère de la culture répond que « l’augmentation de la fréquentation touristique est souvent annoncée dans les années suivant l’inscription, mais cela reste du registre déclaratif ». En effet, « les informations disponibles auprès des offices du tourisme ou des gestionnaires de sites sont souvent parcellaires et difficiles à exploiter en l’absence d’une méthodologie rigoureuse. De plus, les mécanismes du développement local et des relations entre tourisme/patrimoine sont encore mal connus et sont extrêmement variables en fonction des époques et de la nature des sites concernés ». Toujours selon le ministère, très rares sont les études et statistiques qui donnent les garanties méthodologiques suffisantes pour infirmer ou confirmer l’hypothèse générale d’un impact direct de l’inscription au patrimoine mondial sur la fréquentation et sur le développement local. Il faut donc prendre avec prudence les données qui associent inscription et fréquentation accrue.

La rapporteure pour avis estime que le ministre de la culture devrait confier une étude au département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture sur cette thématique. Le département pourrait ensuite, de manière régulière, réaliser une enquête plus systématique et coordonnée des effets des inscriptions, après avoir défini une méthodologie commune pour tous les sites. Ce travail d’observation est en effet indispensable pour mieux mesurer les effets de l’inscription.

a) Le coût non négligeable d’une inscription pour les collectivités

On oublie très souvent d’aborder ce point lorsque l’on parle d’inscription au Patrimoine mondial, mais le montage et le portage d’un projet a un coût non négligeable, coût supporté uniquement par les collectivités candidates. Ces collectivités financent notamment la rédaction du dossier de candidature, dont le coût est de plus en plus élevé. Ce sont également les collectivités qui financent la plupart du temps les personnes et structures de gestion dédiées qui sont mises en place après l’inscription – par exemple des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) comme à Saint-Savin ou au Pont du Gard ou des sociétés d’économie mixte comme celle du Val de Loire ou d’Arc-et-Senans.

Mme Isabelle Lemesle l’a clairement indiqué lors de son audition : si la mise en œuvre d’un plan de gestion ne pose pas de difficultés pour un établissement public comme le Centre des monuments nationaux, qui dispose déjà de documents de ce type pour chaque monument géré, et donc des procédures et personnels adéquats, il en va différemment pour les collectivités locales, pour qui l’exercice n’est pas toujours évident et souvent coûteux.

Par ailleurs, l’accord de toutes les collectivités est indispensable au succès de l’inscription. Tous les acteurs se trouvant dans le périmètre d’un projet d’inscription doivent porter ce projet en commun. Dans le cas contraire, comme l’a rappelé à la rapporteure pour avis M. Jean Musitelli, conseiller d’État, ancien ambassadeur et délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO de 1997 à 2002, en citant l’exemple du Mont-Perdu, cela ne fonctionne pas. Dans ce cas précis, l’inscription date de 1997, sur la base d’une candidature franco-espagnole, pilotée par l’État et alors que les autorités locales avaient été peu associées. Elles se sont donc totalement désintéressées des engagements pris par l’État, renouvelant chaque année la possibilité offerte à une association d’organiser un festival de théâtre dans le cirque de Gavarnie, ce qui a valu à la France différents rappels à l’ordre de l’UNESCO. Dans ce cas précis, qui se rapproche d’ailleurs de celui de Dresde, les élus locaux et les différents acteurs du site vivent l’inscription non comme un atout mais comme une contrainte, qui les empêchent de travailler efficacement sur leur territoire.

b) La question des éventuels effets néfastes

Les éventuelles retombées positives de l’inscription ne doivent pas non plus occulter les dangers d’une surfréquentation des sites ou des monuments inscrits, surfréquentation qui deviendrait « polluante ». Comme le souligne M. Rémy Prud’homme dans l’étude précitée, «  le tourisme n’est pas sans dangers. Dans d’assez nombreux cas, le tourisme est saisonnier, et la nécessité d’amortir sur quelques mois de lourds investissements en infrastructure ou en hôtellerie pèse lourdement sur la rentabilité. Dans d’autres cas, comme à Venise, le tourisme peut tourner à la monoculture, en faisant monter les prix (fonciers, mais aussi du travail) et en éliminant (presque) toutes les activités autres que touristiques » (18).

On pense ici à des sites comme le Mont Saint Michel, Carcassonne ou le Château de Versailles. Mais, là encore, la « surfréquentation » précédait l’inscription au Patrimoine mondial et le lien de cause à effet est très difficile à établir et, selon les chercheurs, souvent « plus imaginaire que réel » ((19).

Pour pallier d’éventuelles difficultés de cet ordre, la rapporteure partage le point de vue de l’association « Ateliers d’Art de France » : la pérennité des sites inscrits ne peut passer « que par la mise en place d’un écosystème culturel qui accompagne la labellisation par le respect de son site, de ses caractéristiques et la dynamisation des acteurs « crédibles » en termes de développement patrimonial ». C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la coordination locale et d’une meilleure formation des responsables de sites.

Cette dynamisation et cette réflexion concertée des acteurs locaux sont un préalable à toute inscription, comme l’a souligné M. Yves Dauge, sénateur, président de l’Association des biens français du patrimoine mondial. Ensemble, et avec l’aide de l’État et d’associations ou de personnes ressources, ils doivent réfléchir à cette question fondamentale : comment gérés de grands flux sans détruire la ressource ? Comment créer des outils institutionnels spécifiques pour y parvenir ?

2. L’importance d’autres facteurs explicatifs dans le dynamisme des sites et patrimoines inscrits

La plupart des études économiques réalisées sur le patrimoine (20) prennent en compte trois types de retombées : les retombées directes, c’est-à-dire les dépenses générées par les activités offertes sur le site et directement engagées par la visite du site (par exemple, dépenses de stationnement, achat de souvenirs, entrées payantes, etc.) ; les retombées indirectes, c’est-à-dire les dépenses réalisées par les visiteurs hors du site (par exemple, les dépenses d’hôtel, de restauration, la visite d’autres lieux, etc.) ; les retombées induites, c’est-à-dire les richesses produites par l’injection de flux financiers dans l’économie locale dues au site, qui sont les plus difficilement mesurables.

a) L’inscription : un impact peu évalué

Peu d’études ont étudié l’impact d’une inscription sur le développement local, notamment en termes économiques. La principale étude universitaire sur le cas français montre que l’impact de l’inscription d’un site ou d’un patrimoine sur le développement local est marginal et qu’en tout état de cause, celle-ci n’entraîne jamais d’explosion de la fréquentation (21).

L’étude montre que l’impact de l’inscription sur l’attractivité touristique et sur le développement est faible ou nul, en statique (2005) comme en évolution (1993-2005). « Le fait d’être sur la liste UNESCO ne contribue pas, en soi, à augmenter la part du tourisme dans l’emploi sur la période considérée, ou le revenu par habitant, ou le niveau des salaires. Il a même un effet significatif mais négatif sur l’évolution des revenus. La comparaison avec l’impact de l’inscription sur la liste des deux et trois étoiles du guide vert Michelin montre que le label UNESCO n’apporte rien de plus (en termes d’attractivité touristique et de développement économique) ».

L’inscription d’un site ou d’un patrimoine sur la liste du Patrimoine mondial n’est donc ni facteur nécessaire, ni une condition suffisante pour garantir une manne touristique ou financière. En réalité, et toutes les personnalités entendues par la rapporteure pour avis l’ont confirmé, les effets d’une inscription sont beaucoup plus subtils et proportionnels à l’action conduite par les responsables locaux pour promouvoir, mais surtout créer une dynamique autour du site ou du patrimoine inscrit. Par ailleurs, l’impact n’est clairement pas le même pour des sites déjà touristiquement surexposés et des sites moins connus.

De plus, comme le souligne M. Rémy Prud’homme dans l’étude précitée, « il ne s’ensuit pas que cet impact n’existe pas. On a même une raison théorique de penser qu’il existe : la théorie dite des superstars, dérivée des théories de l’information, qui postule que « le succès va au succès » ». Cette théorie, largement développée dans le domaine musical, peut tout à fait s’appliquer au patrimoine puisque, dans ce domaine également, « savoir ce que l’on préfère est coûteux en informations, en temps, en connaissances ». Dans ce cadre contraint, « plutôt que de courir le risque de faire un mauvais choix, beaucoup de consommateurs, incertains de l’offre et même de leur propre demande, préfèrent s’en remettre au verdict du succès, et aller là où tout le monde va, ou bien là où une autorité reconnue leur conseille d’aller, même si cela leur coûte plus cher ». Ainsi, tout comme une entrée dans les guides touristiques, une inscription au Patrimoine mondial est suivie quasi automatiquement d’une mise à jour des circuits touristiques proposés par les tours opérateurs pour inclure la destination dans celles qui « valent le détour ». Dans un pays qui, comme la France, se situe dans les grands circuits touristiques internationaux, cet impact est loin d’être négligeable.

Et M. Rémy Prud’homme de conclure qu’« au total, la revue de la littérature suggère que le lien entre inscription sur la liste du patrimoine mondial et développement économique local est (…) probablement assez ténu. Ce lien est comme une chaîne à plusieurs maillons : un premier maillon relie inscription et attractivité patrimoniale, un deuxième relie attractivité patrimoniale et tourisme, un troisième relie tourisme et développement local. Chacun de ces maillons est lui-même assez faible et assez mal connu, ce qui rend la chaîne fragile et incertaine. L’inscription est certainement un facteur favorable au développement, mais un facteur qui n’est ni nécessaire ni suffisant ».

b) Les retombées économiques et financières constatées par les collectivités : quelques exemples

L’augmentation de la fréquentation touristique est souvent annoncée dans les années suivant l’inscription et les articles de journaux se font l’écho de ce dynamisme touristique induit par l’inscription au Patrimoine mondial. À l’opposé des études universitaires précitées, certains acteurs auditionnés estiment en effet que les retombées sont réelles, même si elles ne sont pas toujours pérennes. Il convient de rappeler que l’organisation mondiale du tourisme évalue entre 15 % à 20 % des 880 millions de touristes mondiaux ceux qui se dirigent vers de sites inscrits au Patrimoine mondial.

Selon M. Jean Musitelli, conseiller d’État, ancien ambassadeur et délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO de 1997 à 2002, une des conséquences premières de l’inscription est donc une augmentation de la fréquentation de sites qui se retrouvent du fait de leur inscription dans les circuits des tours opérateurs internationaux. Selon lui, après son inscription, Carcassonne aurait ainsi connu une hausse de 31% de sa fréquentation. De même, selon l’association Ateliers d’art de France, « les premières retombées économiques d’une inscription au Patrimoine mondial sont mesurables sur le tourisme culturel et ses dérivés. On constate dans la plupart des cas une hausse de la fréquentation les premières années de l’ordre de 20 % ».

Au Havre, l’inscription en 2005 a conduit à des hausses de fréquentation tout aussi impressionnantes, avec des visiteurs de profil géographique très diversifiés, comme le montrent les tableaux ci-après :

Fréquentation enregistrée par Ville d’art et d’histoire

 

2009

2008

2007

2006

2005

2004

2003

2002

Visites – Adultes en individuels

7 355

6 453

5 765

3 990

1 701

1 005

704

806

Visites – Adultes en groupes

3 038

3 769

5 346

3 791

904

850

428

1 190

Visites pédagogiques

8 289

7 547

5 668

4 388

2 097

1 271

940

460

Événement – Journées du Patrimoine (JDP)

4 494

4 554

4 042

3 576

3 551

1 431

1 842

962

Événement – hors JDP *

3 000

690

490

872

388

740

82

Inex.

Exposition salle d’interprétation – estimation basse

900

900

600

600

450

Inex.

Inex.

Inex.

Total visiteurs

27 076

23 913

21 911

17 217

9 091

5 297

4 051

3 418

Source : Le Havre –Ville d’art et d’histoire

Provenance géographique des visiteurs du Havre

Année 2009 **

Individuels

Groupes

Total

Nombre

En  %

Nombre

En  %

Nombre

En  %

Le Havre

738

20,9 %

3 316

49,6 %

4 054

39,7 %

Seine-Maritime

872

24,7 %

1 470

22 %

2 342

22,9 %

Calvados et Eure

236

6,7 %

67

1 %

303

3 %

Île-de-France

797

22,6 %

1 037

15,5 %

1 834

18 %

Autres régions

679

19,3 %

673

10,1 %

1 352

13,2 %

Étrangers

205

5,8 %

127

1,9 %

332

3,2 %

Total (personnes interrogées)

3 527

100 %

6 690

100 %

10 217

100 %

Source : Le Havre –Ville d’art et d’histoire

De même, à Bordeaux, les visites de la ville auraient augmenté de 76 % depuis l’inscription en 2007. À Albi, la presse s’est fait l’écho d’une hausse de 39 % des visiteurs durant la première quinzaine d’août de cette année (22). À La Réunion, de la même façon, « la fréquentation des vacanciers, en baisse de 50 % en 2005, pour cause de chikungunya, a presque retrouvé le niveau de 2004 avec 420 000 visiteurs » (23).

c) L’importance de la dynamique territoriale dans le succès d’une inscription

Les divergences de conclusion entre l’étude économétrique précitée, nationale, et les cas particuliers ensuite évoqués, tiennent peut-être en réalité à une raison simple : si l’inscription au Patrimoine mondial n’est pas un élément déterminant pour le développement local et économique des sites déjà connus, cette inscription comporte des effets très intéressants pour des territoires a priori moins attractifs, en leur conférant une notoriété spécifique qui participe ensuite à une nouvelle forme d’attractivité. Ces éléments, qui sont plus d’ordre socioculturels qu’économiques, contribuent à une dynamisation souvent remarquable du milieu local. Ils sont donc difficiles à extraire d’une étude qui, par essence, se focalise sur la situation française dans sa globalité.

Les cas du Havre et du dossier en cours pour le bassin minier sont à cet égard exemplaires. De même, à Albi, l’inscription est vécue comme une « occasion de définir une stratégie de territoire au service de tous les secteurs » (24) et, à l’initiative du maire, des états généraux devraient réunir l’ensemble des acteurs locaux, tous secteurs d’activité confondus, pour réfléchir ensemble à l’avenir et construire une dynamique territoriale cohérente.

Comme l’a expliqué Mme Claire Étienne, conservateur général du patrimoine de la région Haute-Normandie au service de l’Inventaire, en charge du dossier du Havre, lors de son audition par la rapporteure pour avis, la démarche a très rapidement été créatrice de liens communs. En effet, l’effort collectif qu’imposait la constitution du dossier justifiant la « valeur universelle exceptionnelle » du bien ou du patrimoine puis l’élaboration des mesures de gestion, ont permis la mobilisation de tous les acteurs locaux. L’ensemble du processus a par ailleurs contribué à la réappropriation de leur histoire patrimoniale par les habitants.

L’inscription, comme ce fut le cas au Havre en 2005, permet ensuite une reconnaissance de la valeur du patrimoine local et un regard nouveau des habitants sur un patrimoine auparavant plutôt rejeté comme porteur d’un passé difficile. Ce changement a « permis de faire le deuil du Havre de l’avant-guerre ». Mme Claire Étienne a clairement expliqué qu’il s’était ici agi autant de réconcilier les habitants avec leur ville, de les sensibiliser à la particularité et à l’identité de cette architecture, que de préserver l’œuvre d’Auguste Perret. Cette démarche devait à la fois permettre de préserver l’œuvre de Perret tout en continuant à faire vivre la ville. L’UNESCO porte d’ailleurs une attention toute particulière à ce point : comment la collectivité compte-t-elle se servir de cette inscription comme levier de valorisation du territoire ? Comment la collectivité travaille-t-elle à l’appropriation et au partage avec la population, notamment les plus jeunes ? Comment la collectivité réinvestit-elle l’inscription pour créer du lien social et dynamiser l’activité économique du territoire ? Le succès d’une inscription est lié à la prise en compte de l’ensemble de ces problématiques.

M. Yves Dauge l’a rappelé, seul le souci de la cohérence globale du projet permet d’aboutir à ce résultat très positif. Il convient à la fois de réfléchir à un modèle de développement cohérent avec le territoire et avec le mode de vie des habitants et ne surtout pas enfermer les cœurs de villes anciennes ou les zones protégées dans leur protection, mais plutôt diffuser sur l’ensemble du territoire. Dans le Val de Loire, la société d’économie mixte mise en œuvre pour gérer l’inscription réfléchit ainsi à des projets de développement économique tout en maîtrisant ce développement, en le gérant en cohérence avec le concept de « valeur universelle exceptionnelle ». Si l’inscription a créé dans le Val de Loire un flux ininterrompu de personnes en toute saison, la mise en place de cette structure de coordination a permis de les attirer vers les plus petits villages et de dynamiser l’ensemble des activités locales, en concertation avec tous les acteurs locaux, publics ou privés.

De même, à Limoges, si la démarche en vue de l’inscription de la porcelaine est une initiative municipale, elle a permis de fédérer l’ensemble des acteurs locaux dans un même objectif : aujourd’hui, les écoles, les acteurs privés et les collectivités ont tous ensemble pris conscience de cette nécessité de transmettre.

En effet, devant la rapporteure pour avis, M. Jean Musitelli a souligné un autre aspect fondamental et bien plus qualitatif que la seule hausse de la fréquentation touristique : l’importance de l’inscription comme outil de valorisation du savoir-faire patrimonial français, tant pour le patrimoine matériel que pour le patrimoine immatériel. Dans un monde où le patrimoine est devenu un marché – à l’exemple du marché de la restauration des œuvres d’art – et où l’expertise française est reconnue, l’inscription de notre patrimoine au Patrimoine mondial doit permettre à nos entreprises de mieux valoriser leurs savoir-faire et de mieux les exporter à l’international.

CONCLUSION

« Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » (Maréchal Ferdinand Foch)

En guise de conclusion, la rapporteure pour avis insistera sur l’importance de la transmission. Toutes les études montrent clairement que notre patrimoine est une richesse, qu’il soit inscrit ou non au Patrimoine mondial. Or cette richesse doit être préservée, entretenue, restaurée et mise en valeur pour pouvoir être transmise. La restauration du patrimoine monumental implique elle-même la transmission de savoir-faire dont sont dépositaires les maîtres d’art dans notre pays. S’agissant de notre patrimoine immatériel, les enjeux sont encore plus importants : le concept de transmission est fondamental pour éviter la disparition même de ce patrimoine.

Le ministère de la culture doit intervenir plus activement dans le pilotage de la politique du patrimoine sous tous ses aspects et jouer au mieux son rôle d’impulsion et de coordonnateur des politiques publiques dans ce domaine, en coopération avec les collectivités locales.

Dans ce cadre, il convient que le ministre de la culture pèse auprès du ministre de l’éducation nationale en faveur de la création de nouveaux diplômes dans le secteur des métiers d’art, allant du CAP au BTS, voire au cursus LMD. Nombre de ces métiers – tapisserie, reliure, émaillage – disparaissent faute d’élèves à qui les transmettre. L’organisation de leur transmission est indispensable et les candidats potentiels fort nombreux : aujourd’hui, 700 000 élèves, représentant 40 % des lycéens, s’orientent chaque année vers un baccalauréat professionnel. Il faut s’appuyer sur cette richesse et mettre en place des passerelles plus nombreuses permettant des « corrections de trajectoire » et, surtout, une plus grande fluidité des parcours entre les CAP et les BTS, voire le cursus LMD.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la mission « Culture » pour 2011, au cours de sa séance du mardi 2 novembre 2010.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui va nous présenter les crédits de la mission « Culture » pour 2011.

En raison d’un calendrier très contraint, nous avons dû organiser cette réunion très peu de temps avant l’examen des crédits en séance publique, qui aura lieu jeudi matin. Je pense qu’il était important que nous ayons un premier échange dans le cadre de notre Commission.

Nous nous reverrons dans le cadre d’une commission élargie avec nos collègues de la Commission des finances, jeudi après-midi, pour examiner les crédits de la mission « Médias ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente de la Commission, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil.

« La culture, c’est l’art de transformer une journée de travail en une journée de vie ». Ainsi s’exprimait Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973. Cette maxime me semble plus que jamais d’actualité à l’heure où la culture est accessible à travers les objets de notre quotidien – ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes –, à l’heure où par ailleurs le quotidien, la rue, influencent profondément les productions culturelles.

Chacun ici sait combien notre environnement budgétaire est particulièrement tendu, chacun mesure combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l’État. Néanmoins, je me suis engagé et battu pour maintenir notre ambition culturelle et pour préserver cet « État culturel » parfois décrié ici, souvent admiré en Europe et dans le monde.

C’est pourquoi je suis très heureux de pouvoir exposer devant vous les lignes principales du budget pour 2011. C’est un budget consolidé, c’est un budget préservé, c’est aussi un budget qui nous permet d’afficher notre ambition culturelle et de donner corps aux nouvelles priorités d’action de mon ministère. Les crédits de la mission « Culture » sont en effet en légère augmentation, de 1,1 %, s’établissant à 2,7 milliards d’euros – hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C’est un budget conforté, cela mérite d’être souligné, si l’on songe par exemple à d’autres États membres de l’Union européenne qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans leur budget de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques. Nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés et de mettre en valeur des priorités nouvelles.

Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les champs culturels.

Le programme « Patrimoines », tout d’abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s’établir à 868 millions d’euros. L’accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région, parce qu’ils permettent de mettre en valeur les territoires et de créer des emplois.

Conformément à l’engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l’année prochaine de moyens reconduits par rapport à 2010, avec un budget de 375 millions d’euros, si l’on compte les 10 millions issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux (CMN). Entretenir aujourd’hui, c’est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain.

Je tiens à souligner que, sur cette enveloppe reconduite, la part destinée aux régions est en augmentation de 3 %. Par ailleurs, l’effort réalisé en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État se poursuivra en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Ce sont les preuves d’un engagement fort et d’une ambition économique et touristique à l’attention des collectivités locales. Dans le même esprit, les crédits de l’archéologie, en forte hausse, vont permettre la mise en place de centres de conservations et d’études sur le territoire dans le cadre d’une politique durable de conservation.

Cet accent mis sur le développement des territoires, vous le retrouvez pour les musées, dont le budget augmente de 26 millions pour atteindre 372 millions d’euros. Le plan « Musées en région » proprement dit pourra s’appuyer en 2011 sur 25 millions d’euros, sur les 70 millions prévus jusqu’en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d’extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente et répartis sur l’ensemble du territoire. Dans ce dispositif, l’État joue pleinement son rôle d’incitateur : il s’agit de créer un effet levier favorable au développement de l’attractivité de nos régions.

Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques (RGPP) nous a conduits à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, la Réunion des musées nationaux (RMN), le Louvre, le Musée d’Orsay, le Centre Pompidou, le Musée du Quai Branly, le Centre des monuments nationaux et la Bibliothèque nationale de France (BnF) restent et doivent rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale. Leurs ressources propres sont dynamiques, leur capacité d’investissement pluriannuel est maintenue, leur rayonnement international conforté.

Parmi les grands chantiers emblématiques que ce budget 2011 permet de porter, je citerai bien sûr le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (MUCEM). 30 millions d’euros seront ainsi consacrés l’année prochaine à l’aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et à la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti. Nous sommes sur la bonne voie pour permettre au MUCEM d’ouvrir ses portes à l’horizon 2013, lorsque Marseille sera capitale européenne de la culture. À Paris, parallèlement, le programme de rénovation du Musée Picasso sera lancé en 2011. Ces deux projets immobiliers sont emblématiques de la politique de grands projets du ministère que je poursuis : ils apportent leur contribution à l’excellence architecturale de notre pays, ils sont une vitrine et un vecteur de rayonnement pour notre culture.

À Paris également, la Maison de l’histoire de France figure parmi les grands projets culturels qui vont bénéficier de crédits mis à disposition par ce budget, notamment pour l’ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l’exposition de préfiguration à la fin de 2011. C’est un grand projet voulu par le Président de la République. Il permet d’apporter un nouveau souffle à neuf musées nationaux dont les collections sont exceptionnelles. Plus qu’un musée, il s’agira d’une Maison, c’est-à-dire d’un réseau ouvert à la communauté des chercheurs, à la communauté des historiens, ouvert aux nombreux musées d’histoire présents en régions, mais aussi aux musées européens, à ceux de Berlin, de Londres ou de Turin, par exemple. Cette Maison de l’histoire de France sera aussi un lieu de diffusion des recherches et du savoir, en d’autres termes un pont entre l’histoire et le grand public.

Parallèlement, le budget des archives, de 66 millions d’euros, nous permettra de respecter le calendrier de construction du Centre des archives de Pierrefitte : la livraison du bâtiment de Massimiliano Fuksas est prévue pour la fin de l’année, avec une ouverture au public en 2012. Ce sera le centre d’archives le plus vaste et le plus moderne d’Europe. Je tiens à souligner qu’un effort particulier a également été fait en faveur des centres d’archives en régions, qui bénéficient d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros.

Ce budget traduit donc une grande ambition pour nos archives, ces lieux qui sont la mémoire de la nation, ces lieux qui sont aussi la traduction d’une continuité de l’État et du droit, ces lieux enfin qui sont au cœur du lien subtil entre le passé et le présent dans notre pacte républicain.

Le budget consacré au patrimoine linguistique est, pour sa part, plus que préservé, puisqu’il connaît une augmentation de 2 %, à hauteur de 2,5 millions d’euros, afin de donner à l’action de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France la visibilité et la continuité dont elle a besoin. La notion de « patrimoines » – au pluriel – est à cet égard significative : le patrimoine n’est pas figé, il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et se construit dans le présent. Du patrimoine rural – fontaines, halles, lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines sont une richesse vivante.

Le programme « Création » entend préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Le budget consacré à la création est en hausse de 13 millions, pour s’élever désormais à 736 millions d’euros, soit une augmentation de 1,8 %. Sur cette enveloppe, le spectacle vivant, qui compte pour 90 % de ce montant global, voit ses crédits pratiquement stabilisés. L’effort important sur le budget des arts plastiques vise, quant à lui, à mettre en œuvre les travaux de rénovation du Palais de Tokyo.

En ce qui concerne le spectacle vivant, la reconduction des crédits de fonctionnement à hauteur de 276 millions d’euros représente, je tiens à le rappeler, un succès – si l’on veut bien se rappeler qu’il y a quelques mois encore il était question de diminuer ces crédits d’intervention de 10 %. C’est la marque d’un engagement maintenu de l’État en faveur de la création et de l’émergence de jeunes créateurs. Les dotations destinées aux grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion de la danse, de la musique, du théâtre, des arts de la rue et du cirque sont, dans l’ensemble, reconduites, car les structures financières de ces établissements restent souvent fragiles.

L’année 2011 sera par ailleurs essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des « Entretiens de Valois » ont été tirées, et mon ministère va procéder à la redéfinition du périmètre et des modalités d’intervention de l’État. Qu’il s’agisse des labels ou du fonctionnement des comités d’experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l’État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d’un dialogue véritablement responsable. Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer le panorama de la création aujourd’hui mettrait en péril les formes d’expression dont nous aurons besoin demain.

L’enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 à 74 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l’art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012. La création artistique bénéficiera ainsi d’un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l’ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, en particulier ceux issus de la scène française. Ce sera un élément important au service de l’attractivité de Paris dans un marché de l’art de plus en plus globalisé.

Le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d’institutions en région. À Marseille, à Besançon, à Bordeaux, à Rennes ou encore à Orléans, plusieurs fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) vont en effet s’installer dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en investissements. Or j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’artistes forts sans un monde de l’art fort. On ne pourra pas encourager la promotion de nos artistes, notamment à l’étranger – dimension essentielle dans un monde ouvert et connecté par de multiples réseaux – si l’on ne promeut pas, dans le même temps, le travail de tous les acteurs qui contribuent à leur vitalité en France.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont au cœur de mes priorités : c’est l’ambition que je porte de la « culture pour chacun ».

Développer l’accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c’est à mon sens conforter le rôle de l’éducation dans toutes ses dimensions ; c’est aussi participer à la refondation du « pacte républicain » ; c’est, enfin, redonner un sens à notre projet « vivre ensemble ». C’est toute l’ambition du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les crédits pour 2011 s’élèveront à 433 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 635 millions d’euros pour les crédits de personnels. Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l’offre culturelle : les quartiers, les personnes handicapées, ou encore les territoires ruraux qui, pour leur part, feront l’objet d’un plan « Culture en milieu rural ».

La légère baisse de 2 %, hors réserve parlementaire, que connaît le programme est pour l’essentiel due au fait qu’une partie de l’action internationale et de l’éducation culturelle et artistique jusque-là prise en charge par le programme lui-même le sera désormais directement par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Par ailleurs, des économies de fonctionnement du ministère seront réalisées à hauteur de 5 millions d’euros en misant sur la rationalisation des politiques d’achat, du parc de véhicules, des frais de missions. Face à ces efforts nécessaires, les crédits d’action culturelle, eux, sont stabilisés ou en hausse.

J’en veux pour preuve le budget de l’action « Enseignement supérieur », qui sera très largement préservé. Qu’il s’agisse des écoles d’architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d’investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation pourront par ailleurs être poursuivis – je pense notamment aux écoles d’architecture de Strasbourg et de Clermont ou encore à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Je tiens également à rappeler que les emplois d’enseignants sont, pour leur part, sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne s’appliquera pas dans ce secteur.

Pour finir, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l’éducation culturelle et artistique et l’action en faveur de l’accès à la culture. Je suis en effet convaincu de leur importance dans la formation de la sensibilité de l’individu, mais aussi dans la construction du citoyen. Car il ne saurait y avoir d’accès à la culture sans une appropriation des œuvres par le public : il faut sans cesse le former et susciter sa curiosité, son désir. C’est un travail de Sisyphe, mais c’est un travail indispensable et qui pourra être couronné de succès.

J’ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national sur la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d’euros qui sont consacrés à cette dernière, des redéploiements internes vont nous permettre en 2011 de dégager 3 millions d’euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.

Ce budget pour 2011 nous permettra donc de préserver pleinement l’ambition de la politique culturelle de l’État, avec un effort particulier en ce qui concerne son action territoriale, ce qui représente un signal important à l’attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d’envergure auxquels je suis attaché, et d’ouvrir de nouvelles priorités, notamment dans le domaine de l’accès à la culture. Toute mon ambition consiste à préserver le périmètre d’action du ministère de la culture, mais aussi à tenir compte des profondes évolutions dans l’accès aux œuvres et à la création – l’individualisation, la numérisation – et à favoriser l’ouverture de nouveaux « territoires » pour nos artistes et nos créateurs.

En d’autres termes, je souhaite gérer au mieux le legs transmis par les ministres de la culture qui se sont succédé rue de Valois, mais aussi anticiper ce que seront notre patrimoine et notre création à l’horizon de vingt ou trente ans. En effet, le bon gouvernement, c’est être gestionnaire, mais c’est aussi se projeter dans l’avenir.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Monsieur le ministre, je ferai d’abord une remarque de forme : les programmes et actions de la mission « Culture » ont subi cette année des changements majeurs, changements qui rendent la lecture des documents budgétaires très peu aisée, certains découpages laissant perplexe, notamment le regroupement des crédits « livres » et « industries culturelles » au sein du programme « Presse ». Je regrette vivement l’absence de lisibilité des documents budgétaires et déplore ces changements incessants de maquette qui nuisent à l’efficacité du contrôle parlementaire sur les finances de l’État.

S’agissant du budget de la culture pour 2011 proprement dit, on note une stagnation pour la création et la démocratisation culturelle.

La mission « Culture » sera dotée en 2011 de 2 708,01 millions d’euros en autorisations d’engagement (plus 4,04 % par rapport à 2010) et de 2 672,81 millions d’euros en crédits de paiement (moins 0,15 % par rapport à 2010).

Notons, tout d’abord, une programmation pluriannuelle 2011-2013 plutôt alarmante, plus particulièrement en ce qui concerne le programme « Création ». Cela est d’autant plus inquiétant que la question de la répartition des financements État-collectivités n’est pas réglée, loin s’en faut. Les Entretiens de Valois sont au point mort et la réforme des collectivités territoriales fait peser de très lourdes incertitudes sur le budget de ces dernières.

Le budget du programme « Création » est relativement stable, la hausse de 4,24 % des autorisations d’engagement s’expliquant principalement par les moyens supplémentaires en faveur des arts plastiques et la programmation de travaux pour la Comédie Française, le Théâtre national de Chaillot, l’Opéra comique, le Centre national de la danse et la Cité de la céramique à Sèvres.

Plus inquiétant : les crédits de paiement stagnent à + 1,84 %, pour une inflation de 1,5 %.

Le spectacle vivant est en difficulté. Son budget est en régression, avec 3,13 millions d’euros de crédits supprimés.

Les crédits des opérateurs nationaux stagnent (+ 0,72 %) en 2011, mais les crédits de fonctionnement en région sont en baisse significative, ce qui est dramatique. Ainsi, un nombre important d’équipes artistiques, de scènes conventionnées, de festivals ne sera plus soutenu par le ministère, de même que des salles de musiques actuelles (SMAC), qui verront leur label supprimé.

Dans le domaine des arts plastiques, la priorité est le Palais de Tokyo et les manifestations d’art contemporain au Grand-Palais. Pourtant, l’image de la France n’est pas seulement Paris.

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le désengagement du ministère est là aussi réel.

Le tableau est sombre : les crédits de paiement sont en forte baisse (- 7,57 %), alors que le programme est déjà mis à mal depuis plusieurs années. Cette baisse s’explique, selon le ministère, par le transfert de crédits vers le CNC. La situation est en réalité plus complexe : il ne s’agit pas d’un transfert, mais d’un désengagement du ministère, le CNC finançant désormais ces actions sur ses fonds propres. Je suis extrêmement inquiète de cette « débudgétisation » déguisée de l’action culturelle : que se passera-t-il demain si le budget du CNC devient moins dynamique ? Devra-t-il choisir entre action culturelle et financement de la création ? Là encore, il est inadmissible que la culture seule finance la culture.

L’examen du projet annuel de performances permet malheureusement de mieux comprendre comment se répartissent les coupes budgétaires : les pratiques amateurs sont, cette année encore, très touchées. Comment parler de démocratisation de la culture et développer une véritable politique d’aménagement culturel du territoire sans les structures d’animation que constituent les réseaux amateurs ?

L’éducation artistique et culturelle voit ses crédits stagner si l’on prend en compte les actions financées par le CNC, ce qui équivaut à un budget en baisse en valeur réelle.

Par ailleurs, que dire du Conseil pour la création artistique, voulu par le Président de la République ? Je m’interroge sur cet « ovni » qui, pour moi, n’a rien à faire dans le paysage culturel français. Nous sommes nombreux à souhaiter sa suppression afin que ses crédits soient réaffectés à votre ministère, monsieur le ministre.

En ce qui concerne l’éducation artistique et culturelle, le Président de la République soulignait, dans la lettre de mission envoyée à Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture, que l’éducation artistique et culturelle devait devenir une priorité commune du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale afin de « faire tomber la barrière qui s’est progressivement dressée entre le monde éducatif et le monde de la culture du fait de la séparation des deux ministères. »

J’ai donc souhaité mesurer les progrès accomplis depuis 2005 par ces deux ministères et vérifier l’adéquation entre les ambitions affichées et les moyens disponibles sur le terrain.

Parmi les nombreux plans mis en œuvre, je me suis penchée plus particulièrement sur le dernier en date, celui du 24 avril 2008, qui prévoit la multiplication par quatre du nombre de classes à horaires aménagés et leur extension au domaine des arts plastiques et du théâtre ; le développement, dans et hors l’école, des pratiques artistiques ; l’évolution des concours de recrutement, de la formation initiale et continue des enseignants ; la création d’un grand portail interministériel de l’éducation artistique et culturelle ; la création d’un nouvel enseignement d’« histoire des arts ».

Hélas, les intentions sont largement contredites par les faits.

L’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, tant du corps enseignant que des institutions culturelles, nous ont fait part d’une très forte inquiétude sur quatre points : le désengagement croissant du ministère de l’éducation nationale sur cette thématique ; le manque de lisibilité des actions en régions et dans les établissements scolaires ; la formation des enseignants ; l’enseignement de l’histoire des arts ; le portail numérique.

En ce qui concerne le budget du ministère de la culture, la priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle peut être évaluée du fait de l’existence d’une action spécifiquement dédiée. Toutefois, il n’est pas possible d’évaluer les sommes engagées par les institutions subventionnées par le ministère : je le déplore, d’autant qu’elle a déjà été dénoncée en 2005 par Mme Muriel Marland-Militello au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En effet, certaines institutions culturelles ont de véritables actions en direction de la démocratisation de la culture, tandis que d’autres se contentent d’une politique d’affichage.

Concernant le ministère de l’éducation nationale, l’évaluation du budget consacrée à l’éducation artistique est très délicate : le ministère est dans l’incapacité de fournir des données chiffrées précises sur les budgets alloués aux différents dispositifs d’éducation artistique. À cette opacité la plus totale s’ajoute un fait plus alarmant encore : plusieurs enseignants et des intervenants ont confirmé lors de leur audition l’évolution à la baisse dramatique du financement des dispositifs. De plus, le Gouvernement a mis fin à des mises à disposition d’enseignants dans les structures culturelles en raison de la création du portail numérique. Je déplore cette décision, qui a contribué à désorganiser les services éducatifs des institutions culturelles, d’autant qu’un outil numérique ne remplacera jamais la présence continue et de longue durée d’enseignants dans les structures.

Par ailleurs, bien que le ministère de la culture ait mis en place des conventions avec les établissements culturels pour faire de l’éducation artistique une vraie mission éducative, trop de disparités subsistent entre les établissements. Il conviendrait de leur allouer des budgets permettant de mener de front actions culturelles et projets artistiques sans avoir constamment à choisir les uns au détriment des autres.

En ce qui concerne les établissements scolaires, le plan de 2008 a renforcé l’exigence d’inclure un volet culturel au sein du projet d’établissement. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale est aujourd’hui incapable de fournir des informations sur la présence, ou l’absence, d’un tel volet dans les projets d’établissement. Cette situation est inacceptable car une obligation non contrôlée relève de l’incantation.

Il n’existe pas non plus d’évaluation des plans mis en œuvre ni d’analyse géographique et sociale fine des enfants concernés par les dispositifs. C’est regrettable. En effet, seule une politique cohérente, généralisée et réfléchie sur un territoire donné, visant à offrir à l’ensemble des élèves une pratique artistique au cours de la scolarité, permettra la généralisation effective de l’éducation artistique que chacun semble appeler de ses vœux.

Je souhaite également insister sur la formation artistique et culturelle des enseignants et des responsables d’établissement. Les auditions ont largement montré que la réforme des IUFM et la mastérisation ont rendu aléatoire la formation artistique des enseignants. De plus, la diminution des budgets ne permettra pas d’assurer la formation continue des professionnels et des futurs professionnels.

Le plan de 2008 prévoit également la création d’un enseignement obligatoire de l’histoire des arts. Or toutes les personnes que nous avons auditionnées ont évoqué leurs difficultés à saisir le périmètre exact de cet enseignement et les modalités de sa mise en œuvre, d’autant que les enseignants n’y ont absolument pas été formés. Il est vrai que l’annonce de cette mesure n’a pas été suivie d’un plan de formation des enseignants, ce qui est une erreur. Il est par ailleurs à craindre que la mise en œuvre de cet enseignement n’ait pour conséquence la diminution de la place accordée aux pratiques artistiques sur le temps scolaire et leur relégation en dehors des heures scolaires, en particulier dans le cadre de l’accompagnement éducatif.

Je finirai par le portail numérique : toute ressource, numérique ou non, n’est qu’un support qui doit susciter l’envie chez l’enfant – vous l’avez du reste rappelé, monsieur le ministre, vous qui êtes très attaché à la culture pour chacun. Le développement de ces outils ne doit pas empêcher les élèves de sortir de leur établissement, sous le prétexte que les ressources seraient disponibles sur écran. En ces temps de disette budgétaire, très marquée à l’éducation nationale, la tentation risque d’être grande. Il convient de l’éviter à tout prix, au risque de ruiner des années de travail partenarial entre les institutions culturelles et les établissements.

Mme Monique Boulestin, rapporteure pour avis pour le programme « Patrimoines ». « Une fois ou deux elle avait jeté un œil sur le livre que sa sœur lisait, mais il ne contenait ni image ni conversation, et, se disait Alice, à quoi peut bien servir un livre où il n’y a ni image ni conversation ? ». Pour paraphraser Alice, monsieur le ministre, nous pourrions nous demander à quoi bon examiner un budget dédié aux patrimoines réservés ? Et pourtant, territoire de secrets, de rêves et d’imaginaires collectifs, espace protégé, parfois, réservé aux coulisses de la mémoire, ce que nous appelons notre patrimoine mérite toute notre attention.

C’est pourquoi, sans reprendre l’intégralité de mon rapport, je concentrerai mon propos sur trois des points les plus importants.

Ma première remarque portera, comme celle de Mme Marie-Odile Bouillé, sur la forme : la maquette du budget en rend difficile la lecture et la comparaison rétrospective est malaisée. C’est pourquoi nous vous demandons avec insistance de bien vouloir revenir à une présentation du budget qui distingue, avec clarté, les moyens mis en œuvre pour les médias et ceux relatifs à la culture, en y incluant livres, industries culturelles et enrichissement des collections publiques. En effet, dans ce nouveau périmètre, que devient la réflexion sur la numérisation du patrimoine écrit contemporain : manuscrits, carnets de notes, livres uniques ou œuvres orphelines, sur lesquels nous vous avons déjà longuement interrogé ? Comment en négocier la diffusion après numérisation ? Dans le même ordre d’idée, comment faire évoluer notre patrimoine cinématographique, qui n’a rien à faire au sein des crédits de la mission « Médias » ? Enfin, comment évaluer le coût de la gratuité dans les collections permanentes des musées nationaux, étendue à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-six ans, alors que, selon les informations fournies par votre ministère, « la compensation de la gratuité n’a jamais été intégrée au projet de loi de finances sur aucune action. […] La compensation est prise sur le dégel du programme “ Patrimoines ” donc au détriment de tout le programme ». Quel aveu ! C’est la raison pour laquelle nous demandons la création d’une mission d’information au sein de notre Commission, pour mesurer l’utilité de cette gratuité en termes de démocratisation culturelle. Comme vous, nous sommes en effet très attachés à l’accès à la culture pour tous et pour chacun.

Ma deuxième remarque découlera de la première : si nous observons avec attention les chiffres remis par le ministère de la culture, le désengagement de l’État est clairement acté, notamment dans les secteurs des patrimoines, ce qui est en totale contradiction avec les propos que le chef de l’État a prononcés en 2007 lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine : « La sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». Aujourd’hui, il y a loin de la parole aux actes !

En effet, comment atteindre chaque année les 400 millions d’euros promis pour les monuments historiques avec des crédits en baisse de 0,9 % sur trois ans ? Je vous renvoie, monsieur le ministre, aux rapports alarmants de MM. Christian Kert et Patrick Bloche, qui s’inquiétaient déjà des dangers que représentaient les désengagements budgétaires dans le secteur du patrimoine monumental.

Enfin, au lieu de songer à se séparer de son patrimoine au détour d’un article de projet de loi de finances – je fais référence à cet article 52 du projet de loi de finances pour 2010 heureusement censuré l’an dernier par le Conseil Constitutionnel –, le Gouvernement devrait avoir à cœur de le restaurer dans les meilleures conditions. Or que dire des conditions financières drastiques imposées aux collectivités territoriales, qui devront financer leurs projets à hauteur de 80 % dans le cadre du plan « Musées en région » présenté le 9 septembre dernier ? Que penser des ventes spectaculaires de nos bâtiments patrimoniaux à des pays étrangers ?

Ces restaurations et restructurations nous engagent collectivement, et c’est pourquoi vous voudrez bien me pardonner cette formule que j’emprunte à Isaac Newton : « Si j’ai vu loin, c’est en montant sur les épaules de géants ».

En effet, compte tenu de la situation, comment imaginer la création de la Maison de l’histoire de France ? Je m’interroge, à l’instar de nombreux historiens, sur les modalités de création de cette institution et sur ses conséquences budgétaires sur les structures déjà existantes dans la mesure où rien n’est prévu en 2011 pour développer le projet.

Tels sont les points que je souhaitais évoquer avant d’aborder les conséquences pour les sites et les collectivités d’une inscription au patrimoine mondial. Je le ferai autour de trois axes principaux : le cadre général dans lequel nous nous inscrivons, les procédures avant inscription et les obligations après inscription.

Je ne reviendrai pas sur les conditions d’élaboration de la Convention du 16 novembre 1972, parfaitement explicitées dans le rapport pour avis, qui rappelle également la définition donnée par l’UNESCO du concept de patrimoine matériel. Or, comme on s’est aperçu, avec le temps, que certaines traditions ou pratiques des communautés humaines, constitutives de leur identité – traditions orales, contes ou musique –, n’étaient que très marginalement prises en compte alors même que, dans certains pays, ce patrimoine pouvait être plus important que le patrimoine matériel, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003 vise à prendre en considération ces éléments exclus de la Convention de 1972.

Les dossiers d’inscription sont, quant à eux, élaborés soit par l’État, soit – c’est le cas le plus fréquent aujourd’hui – par les collectivités territoriales, ou encore par des associations, selon un modèle précisé par les « Orientations » issues des débats du Comité du patrimoine mondial composé de vingt et un États. Or le montage de ces dossiers étant devenu très lourd, aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier, il nécessite très souvent le concours d’organismes extérieurs spécialisés ou de personnels dédiés. En effet, selon le ministère de la culture, il faut en moyenne de cinq à sept ans pour monter un dossier. Il est donc impératif de former ces personnels dédiés, qui deviendraient ainsi de véritables référents en vue d’assurer une plus grande efficacité et une meilleure coordination dans le montage du projet. C’était du reste une idée de M. Donnedieu de Vabres lorsqu’il était ministre de la culture.

Depuis une dizaine d’années, les candidatures au patrimoine mondial sont portées et financées quasi exclusivement par les collectivités territoriales. L’État est passé d’un rôle opérationnel à un rôle d’accompagnement dans le processus d’élaboration des candidatures et dans le suivi des obligations liées à l’inscription. Rappelons en effet qu’un label n’est pas uniquement une récompense : il crée également de nombreuses obligations.

Rappelons par ailleurs que c’est à l’État et non aux collectivités responsables des biens et patrimoines inscrits que l’UNESCO demande des comptes. De plus, en matière de patrimoine, l’État est le seul référent, alors que les véritables responsables des biens et patrimoines inscrits sont les collectivités, et ce depuis leur implication dans les années quatre-vingt-dix. La position de l’État est, de ce fait, devenue délicate car, s’il contractualise avec l’UNESCO, il n’est que très rarement responsable des sites et patrimoines inscrits. Dès lors se pose la question de la gestion des sites en France.

Cette situation crée un vrai problème de visibilité et d’efficacité puisque l’État n’a pas de ligne budgétaire spécifiquement dédiée aux biens du patrimoine mondial.

Par ailleurs, si l’outil budgétaire est d’un maniement délicat – nous venons de le voir –, l’outil juridique n’est pas plus facile à utiliser. En effet, la gestion des biens inscrits est devenue singulièrement complexe, sous l’effet de plusieurs facteurs énumérés dans le rapport : aussi convient-il de réfléchir à la mise en place d’un partage des responsabilités entre 1’État et les collectivités. Un système de coordination État-collectivités reste donc à inventer, en dépit de la signature de la Charte d’engagement des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, en septembre 2010, laquelle prévoit le partage des responsabilités entre l’État et les collectivités.

Il n’en reste pas moins que les impacts socio-économiques, réels ou supposés, d’une inscription au patrimoine mondial sont l’un des principaux arguments des élus locaux porteurs des projets et dossiers. Au regard des avis contrastés sur ces impacts pour les collectivités, le ministère de la culture pourrait réaliser une étude indépendante ayant pour objet une observation plus systématique et mieux coordonnée des effets de l’inscription. Cette étude pourrait être confiée au département des études, de la prospective et des statistiques du ministère.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, le groupe UMP partage les ambitions que vous avez exprimées pour les archives, les musées, le patrimoine linguistique et la création, alors même que le contexte budgétaire est très tendu. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le budget du ministère de la culture soit préservé, voire augmente très légèrement. En revanche, la réforme de la maquette budgétaire nous laisse perplexes car elle ne facilite pas les comparaisons, bien légitimes, entre les années – je rejoins sur ce point les deux rapporteures pour avis.

Le fait que le livre ait été rattaché à la mission « Médias et industries culturelles » est un sujet principal de préoccupation – il était auparavant rattaché à la mission « Culture ». Il s’agit donc d’une restructuration en profondeur d’un sujet phare de la politique culturelle. Qu’est-ce qui a motivé le choix d’un tel rattachement ?

La TVA réduite sur le livre numérique est un sujet cher au cœur de plusieurs membres de la Commission des affaires culturelles. Christian Kert, Franck Riester, Muriel Marland-Militello, Hervé Gaymard et moi-même avons porté au sein de l’hémicycle le débat sur le sujet. La France a toujours été aux avant-postes en matière de politique du livre, notamment avec le prix unique du livre. Elle doit y rester pour mener le combat de la TVA réduite sur le livre numérique. Le ministre du budget s’est engagé à écrire au président de la Commission européenne sur ce point. Je souhaiterais obtenir votre soutien sur ce sujet important car il s’agit d’un marché émergent appelé à se développer. Or les pays de l’Union européenne mènent en la matière des politiques hétérogènes et floues. Le Luxembourg, notamment, applique un taux réduit qui ne favorise pas l’édition de livres numériques sur le territoire français.

Nous faisons de vos priorités les nôtres, puisque le thème central des différentes missions de votre ministère est de rendre la culture accessible. Vous avez cité une très belle phrase du ministre de la culture Jacques Duhamel. Je tiens pour ma part à citer André Malraux, qui a déclaré, il y a un demi-siècle : « Rendre le plus grand nombre d’œuvres accessibles au plus grand nombre d’hommes ». C’est le fil rouge de votre budget et de nos préoccupations.

En ce qui concerne les musées, les crédits de paiement et les autorisations d’engagement sont en hausse. S’agissant du plan « Musées en région », qui devra être réalisé en partenariat avec les collectivités locales, il sera doté en 2011 de quelque 26 millions d’euros en autorisations d’engagement – de 2011 à 2013, l’État mobilisera 70 millions d’euros – pour soixante-dix-neuf projets. Quelles seront les modalités d’attributions des aides octroyées par l’État ? Des champs culturels seront-ils privilégiés ? Sur quels critères seront retenus les projets financés ? J’insiste sur le rôle majeur que les musées jouent dans l’aménagement du territoire et sur la part centrale qu’ils occupent dans la démocratisation culturelle et l’accès de tous à la culture.

S’agissant des grands projets muséaux, vous avez évoqué le MUCEM. Je n’y reviens pas puisque, si j’ai bien compris, l’établissement ouvrira à la date convenue. Mais où en est le projet de fusion envisagé entre la Réunion des musées nationaux (RMN) et le Grand-Palais, fusion qui créerait des synergies entre ces deux établissements complémentaires et permettrait l’émergence d’un grand opérateur culturel de rang international ? Je rappelle que le plan présenté par M. Jean-Paul Cluzel s’élève à 236 millions d’euros.

Nous sommes heureux du succès du Centre Pompidou-Metz, qui est une magnifique réalisation. Toutefois, indépendamment du projet touchant le Palais de Tokyo, se pose la question d’un deuxième site pour le Centre Pompidou de Paris. Le Centre Pompidou de Paris est le seul musée au monde de cette taille à n’être que sur un seul site. Il existe un MoMA II à New York, et la Tate Modern, à Londres, est aussi dans ce cas. Quant au musée Reina Sofia de Madrid, il a vu sa surface doubler. Le Président Pompidou s’était posé la question du musée du XXe siècle. Quel sera le musée pour le XXIe siècle, d’autant qu’un grand nombre d’œuvres ne sont pas présentées au musée Pompidou ? Le Palais de Tokyo est insuffisant pour résoudre le problème.

En ce qui concerne le patrimoine monumental, je me réjouis que les autorisations d’engagement soient en hausse. Si les crédits sont stabilisés pour cette année, il conviendra, les prochaines années, de conserver l’accent mis sur les crédits d’entretien et de restauration des monuments qui n’appartiennent pas à l’État.

Nous nous félicitons, en matière de création, que l’offre artistique ait une meilleure lisibilité. La mise en place de labels me paraît une bonne chose. Quelles initiatives entendez-vous prendre pour redynamiser le marché de l’art en France ? Il convient en effet de refaire de Paris une des grandes places internationales.

Je sais, monsieur le ministre, que vous soutenez le projet de Philharmonie de Paris : toutefois, en l’absence de crédits, doit-on considérer qu’il est abandonné ? S’il ne l’est pas, quelles modalités et quel calendrier sont retenus pour mener à bien ce projet évoqué depuis plusieurs années ?

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », quel bilan pouvez-vous déjà tirer du plan triennal engagé en faveur des quartiers prioritaires – l’opération se termine en 2011 ? Qu’en est-il de l’articulation de ce plan d’action avec les fonds alloués aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), lesquels ont baissé au titre du programme « Transmission des savoirs » alors même que les DRAC jouent un rôle très important pour faire vivre le tissu culturel local ?

Comment s’articule le Conseil pour la création artistique avec l’action de votre ministère ? Je tiens à rappeler que quelque 2 millions d’euros sont en jeu.

Quel sera l’investissement du ministère de la culture dans le projet du Grand Paris, par-delà les crédits alloués à l’architecture ? Comment le ministère de la culture peut-il adjoindre une forte dimension culturelle à ce projet, dimension qui semble encore lui faire défaut ?

Je tiens, pour finir, monsieur le ministre, à vous confirmer le soutien du groupe UMP à votre projet de budget.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, je ne saurais vous donner immédiatement la position du groupe SRC sur votre projet de budget car nous attendons de ce débat des éclaircissements qui pourraient infléchir nos premières conclusions.

L’an passé – est-ce par mégarde ? –, vous aviez évoqué la « culture pour chacun », sans nous en dire plus. Vous avez apporté aujourd’hui quelques précisions supplémentaires. Il y aurait lieu toutefois de nous en dire beaucoup plus puisque, si l’on en croit la lecture du document de votre ministère intitulé « Culture pour chacun », il conviendrait d’opposer une culture dite « élitaire pour tous » à la culture populaire.

À titre d’exemple, pourriez-vous nous dire comment le projet de Philharmonie, création centrale, parisienne, élitaire, qui s’ajoute à la reprise de la salle Pleyel dans l’espace public, s’inscrit dans la « culture pour chacun » ? Comment l’ouverture du Palais de Tokyo, qui est également un équipement central, parisien, élitaire, qui récupère à son seul profit l’essentiel des crédits supplémentaires des arts plastiques, s’inscrit-elle dans la « culture pour chacun », alors que, dans le même temps, les autorisations d’engagement pour les investissements des FRAC en régions baissent de 40 % ? Est-ce en adéquation avec les principes de la culture pour chacun ?

Comment s’ouvrir à des pratiques pour les jeunes lorsque les salles de musiques actuelles représentent, par le nombre de leurs labels, plus de 45 % des bénéficiaires et que les crédits baissent de 26 % ?

Comment pouvez-vous mettre en avant la démocratisation culturelle qui, je le suppose, participe de la culture pour chacun, et réduire en même temps les crédits « Transmission des savoirs », de 7,57 %, comme notre rapporteur l’a indiqué ? Dans l’avis budgétaire de notre rapporteure, on lit qu’entre 2001 et 2011 les crédits de l’éducation artistique et culturelle ont progressé de 4,27 % tandis que l’inflation augmentait de plus de 21 %, soit une diminution en volume de 17 % en dix ans.

Ainsi, ce qui a pour objet de rapprocher la culture du plus grand nombre fait l’objet d’une cure d’amaigrissement dans les crédits, mais pas dans les propos.

J’aimerais savoir quelle place occupera le Conseil pour la création artistique dans le déploiement de votre ministère et dans votre politique. Nous avions compris que les crédits de cet organisme seraient gérés par le Premier ministre. Or il semblerait qu’ils le soient finalement par votre ministère, ce qui ne signifie pas forcément que son financement sera pris sur votre budget, mais ce qui risque de grever les reports de crédits, parfois importants en 2010 comme, par exemple, ceux portant sur la « Transmission des savoirs ». De ce fait, certains projets ont dû être freinés. Lesquels ?

M. Michel Herbillon s’est lui-même interrogé sur le rôle du Conseil pour la création artistique, susceptible de porter atteinte à votre propre légitimité d’acteur de la politique culturelle…

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Marcel Rogemont. Mais moi, je le dis ! À titre d’exemple, créer un orchestre de 450 jeunes dans un quartier populaire constitue certes une très bonne initiative, menée en outre avec qualité par des gens de qualité. Mais le coût de l’opération approche les 2 millions d’euros : avec une telle somme, on pouvait, en région, faire au moins aussi bien et autrement.

Je ressens donc cet organisme comme une petite danseuse placée auprès de vous. En ferez-vous bon usage ?

Les Entretiens de Valois devaient déboucher sur la définition d’une autre architecture des rapports avec les collectivités territoriales. Vous êtes opposé aux financements croisés et vous l’avez fait inscrire dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Mais c’est à l’action du monde sportif et culturel que nous devons la suppression de la clause de compétence générale. Comment envisagez-vous désormais ces rapports ? Comment établirez-vous des partenariats avec les communes, les départements et les régions, lorsque l’État ne tient sa parole ni sur le plan financier ni sur le plan institutionnel, et sans concertation avec les collectivités territoriales qui, pourtant, financent largement la culture ?

Alors que vous parlez d’un budget satisfaisant, se posent donc de nombreuses questions. Le Président de la République s’était engagé à ce que les crédits de la culture ne souffrent jamais de gel. Confirmez-vous ces propos ?

La culture est une invitation à penser. Mais savez-vous que, pour penser, il faut dépenser ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Si l’on peut afficher une progression des crédits de la mission « Medias, livre et industries culturelles », notamment grâce à des transferts de dotations vers votre ministère, il en va différemment des crédits que vous nous présentez aujourd’hui. L’ensemble de la mission « Culture » passe, en autorisations d’engagement, de 2,090 milliards en 2010 à 2,071 milliards pour 2011, soit une baisse d’environ 6 %, et, en crédits de paiement, de 2,092 milliards à 2,067 milliards, soit une diminution de près de 9 %. À cette chute, s’ajoute la prévision d’inflation d’environ 1,5 % pour 2011.

Le programme 175, « Patrimoines », accuse une réduction de 30 %, avec une redéfinition de son périmètre comportant des transferts de personnels au programme 224, rendant malaisée la comparaison d’une année à l’autre. Pouvez-vous préciser quelle est la diminution réelle du programme 175 ?

Ce sont 375 millions qui sont alloués aux monuments historiques, dont 10 millions d’euros sont censés provenir du produit de la taxe sur les jeux en ligne. Or celui-ci demeure inconnu à ce jour. Les 10 millions d’euros ne sont donc pas garantis mais néanmoins plafonnés en application de la loi du 12 mai 2010. Au 4 octobre dernier, l’évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances estimait le produit de la taxe à 26 millions en 2010 et à 62 millions en 2011. Le Gouvernement dispose-t-il de prévisions actualisées ? En effet, il ne serait pas admissible que la taxe supportée par les petits parieurs ne serve pas intégralement l’intérêt général. Si besoin était, nous proposerions de déplafonner le versement.

La Commission de la culture du Sénat a adopté à l’unanimité un rapport préconisant la création d’une nouvelle commission du patrimoine monumental, chargée « de rendre impossible le dépeçage du patrimoine ». Qu’allez-vous faire de cette proposition ?

Le budget d’acquisitions au profit des collections nationales accuse un repli de 12 %. Les grands opérateurs, tels que le Louvre, Orsay, Versailles, verront leurs crédits diminuer de 5 % dès 2012. Ils restent la cible de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Comment la réduction drastique des crédits de l’État sera-t-elle compensée ? Des intellectuels, comme Stéphane Hessel, se sont inquiétés, en lançant un appel, de « la menace d’une défaite devant l’invasion délétère de l’esprit marchand ».

Je voudrais aussi connaître votre analyse de la stagnation, autour de 36 millions d’entrées annuelles, de la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales, et particulièrement de la baisse, selon nous révélatrice, entre 2008 et 2009, de celle des moins de dix-huit ans.

Les grands projets dont les chantiers sont déjà engagés ou en voie d’achèvement bénéficieront seuls d’enveloppes de financement. Si le MUCEM de Marseille reçoit 27 millions d’euros, la Philharmonie de Paris, soutenue par le Président de la République lors de ses vœux au monde culturel en janvier dernier, semble oubliée. Peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point ?

Considérez-vous que les informations sur les personnes, conservées par les services d’archives, aient vocation à être privatisées en vue d’une réutilisation à des fins commerciales ? Sinon, nous proposerez-vous bientôt de légiférer afin d’imposer un cadre plus strict dans ce domaine ?

J’en viens aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Dans le premier, les arts plastiques semblent être préservés, en raison notamment de la confirmation du projet du palais de Tokyo, qui bénéficie de 13 millions d’euros. Vous signalez, dans le document budgétaire, que le programme soulève un enjeu démocratique « car la richesse et la diversité de la création et la capacité de chacun à y accéder constituent une des clés de la cohésion sociale et de l’épanouissement individuel. » Pensez-vous que la nouvelle structure répondra à cet objectif et, dans l’affirmative, de quelle manière ?

Qu’en est-il de la mise en place d’un véritable statut et de la reconnaissance des artistes plasticiens ?

Le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant se révèle stable.

Le texte portant réforme des collectivités territoriales est encore en discussion au Parlement, la commission mixte paritaire devant se réunir demain. Grâce à de nombreuses mobilisations, le texte préserve pour l’instant certaines possibilités de cofinancement en matière culturelle. Mais, en application de son article 35 ter, rétabli par l’Assemblée nationale après sa suppression par le Sénat, toute commune maîtresse d’ouvrage d’un projet culturel devra financer au moins 30 % de l’investissement correspondant : une façon draconienne, selon nous, de limiter les projets. Aussi bien le gel des dotations aux collectivités territoriales aura-t-il un impact particulièrement lourd en matière culturelle et patrimoniale, plus spécialement dans les communes ne disposant que de faibles ressources. L’Association des maires Ville et banlieue de France s’en est d’ailleurs émue.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », bien que regroupant désormais l’ensemble des dépenses de personnel du ministère intervenant en ce domaine, enregistre une perte de 30 millions d’euros de ses crédits de paiement, soit de 3 %, après avoir déjà subi une compression de 12 millions d’euros en 2010. Comment, dans ces conditions, prétendre que la transmission des savoirs demeure une priorité ?

L’éducation artistique et culturelle devrait bénéficier de 31 millions d’euros de crédits de paiement, contre 34 en 2010, soit une baisse de 10 %. Avez-vous répondu à la demande des professionnels et des usagers concernés que soient organisées des assises nationales des enseignements artistiques ?

Les actions en faveur de l’accès à la culture bénéficient de 49 millions en 2010, mais seulement de 45 millions d’euros pour 2011.

Pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant les territoires prioritaires, alors que le plan Espoir banlieues ne répond qu’insuffisamment aux besoins de lutte contre la fracture sociale et culturelle ?

Le rabotage des niches fiscales a épargné le secteur culturel. La niche « Malraux », permettant de défiscaliser les travaux effectués sur les immeubles situés dans des centres anciens et sur des objets mobiliers classés, sera toutefois amputée de 10 %, dégageant une économie de seulement 1 million d’euros. Les réductions d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat sont maintenues, mais leur impact sur les finances publiques ne semble pas avoir été mesuré.

Je rappelle enfin qu’une étude de votre ministère avait relevé, en 2009, qu’un quart des Français ne fréquentait jamais un équipement culturel, ce qui signifie ne jamais aller ni au cinéma ni dans une médiathèque, n’assister à aucun spectacle vivant, ne visiter aucun lieu d’exposition ou de patrimoine.

Les députés du groupe GDR considèrent donc que ce projet de budget manque d’ambitions et qu’il ne répond pas à l’idée que nous nous faisons d’une culture vivante et accessible à tous. Ils ne le voteront donc pas.

M. Christian Kert. Je veux d’abord remercier Mme Monique Boulestin d’avoir rappelé que M. Patrick Bloche et moi-même avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur l’absence de crédits suffisants pour assurer la sauvegarde du patrimoine. À cette époque, il ne manquait pas 25 millions d’euros, comme aujourd’hui, mais 140 millions, que nous avons obtenus. L’essentiel du patrimoine peut désormais être restauré et réhabilité, ce qui n’était pas le cas du temps où l’on ne pouvait pérenniser les chantiers de restauration de certaines cathédrales.

On dit beaucoup qu’en ce moment le mécénat culturel souffre. Faites-vous cette analyse ? Peut-on mieux le soutenir ? Nous avons assisté ensemble, monsieur le ministre, à l’assemblée générale de la Fondation du patrimoine, où nous nous sommes rendu compte que le mécénat des particuliers se portait plutôt bien. Peut-on espérer que sa bonne santé se propage au mécénat des entreprises ?

(M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission, remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la séance.)

M. Christian Kert. Le chantier du MUCEM, à Marseille, se réalise dans de bonnes conditions. Mais notre collègue exprime certaines craintes dans son rapport pour avis. L’élu d’Aix-en-Provence que je suis, soucieux du bon déroulement de « Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture », entend donc que le MUCEM ouvre ses portes au bon moment. Peut-on lever les inquiétudes à cet égard ?

M. Patrick Bloche. La surprise de cette audition provient, monsieur le ministre, du fait que vous ayez adopté un profil bas pour présenter votre projet de budget, ce qui est honnête de votre part, mais ce qui contraste avec l’exposé un peu triomphaliste que vous aviez fait lors de votre conférence de presse de septembre, annonçant fièrement une hausse de 2 % des crédits de la culture et de la communication.

Vous dites que les crédits de la mission « Culture » augmentent de 1,1 %. Je voudrais que vous nous expliquiez comment. Car, ainsi que Mme Marie-Odile Bouillé nous l’a indiqué, leur montant atteint 2,672 milliards d’euros pour 2011, contre 2,676 milliards d’euros en 2010. Ne s’agissant que d’une baisse infime, mieux vaut parler de stagnation. Mais les fonds de concours, non comptabilisés dans ces sommes, s’élèvent à 50 millions d’euros en 2010 alors que vous en prévoyez seulement 40 millions pour 2011. Le projet de budget traduit donc la consolidation de la stagnation.

Ce que vient de dire M. Christian Kert sur le patrimoine est révélateur. Il y eut, en effet, un plan de rattrapage, de 100 millions d’euros supplémentaires, en 2009 et 2010, puis, tout d’un coup, cette année, 13 millions de crédits de paiement sont enlevés au patrimoine monumental, dont la dotation passe de 391 à 378 millions d’euros.

Du fait de cette stagnation, tout se trouve nivelé par le bas, sans qu’apparaisse de priorité majeure.

Je voudrais vous poser trois questions.

La première, déjà évoqué par M. Marcel Rogemont, porte sur la Philharmonie de Paris. Nous comptons sur vous pour faire ici une réponse différente de celle que vous aviez faite en octobre 2010, déclarant alors que vous souhaitiez profondément que l’on puisse effectivement mettre en place cette Philharmonie. Nous ne doutons pas de votre volonté en l’espèce. Mais nous voulons savoir si le projet va bénéficier des crédits de l’État, tels qu’ils étaient prévus, soit une participation de 45 %, un même montant étant apporté par la Ville de Paris et le solde par la région. Le chantier devait se terminer en 2012. On annonce aujourd’hui fin 2013. Quelle est la vérité ?

J’ai lu votre tribune, parue ce soir dans Le Monde, concernant la Maison de l’histoire de France. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui nous oppose dans ce projet, notamment en ce qui concerne son fondement politique et même idéologique. Mais j’ai été frappé que vous n’évoquiez presque pas sa localisation. Or nous éprouvons fortement le sentiment que le service public des Archives nationales, témoignage de notre histoire, se trouve sacrifié. Le choix du lieu a fait l’objet de nombreuses éventualités, et pas seulement à Fontainebleau. Finalement, Paris a été retenu : curieuse conception de l’histoire de France, sans doute héritée de notre passé jacobin.

Il était prévu que les espaces libérés par le déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine soient occupés par la conservation des minutes de notaires de la période 1885-1935, par celle des registres du Parlement de Paris et pour la mise à plat des chartes scellées, aujourd’hui pliées faute de place.

Nous voudrions également savoir quelles seront les conséquences de cette opération sur le plan financier. Car le coût de la seule réhabilitation du site des Archives nationales était déjà estimé, en 1999, à 76 millions d’euros, sans bien sûr prendre en compte la construction d’un auditorium, l’aménagement d’espaces d’accueil du public, l’installation d’un centre de recherches et de conférences, toutes choses prévues pour la Maison de l’histoire de France.

Il faut enfin évoquer ce qui fait le plus de mal à votre ministère et plus de mal qu’à d’autres : la RGPP, c’est-à-dire le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Comment réagissez-vous à ce qu’a dit M. Henri Loyrette, le président directeur général de l’établissement public du Musée du Louvre, dans un entretien accordé au journal Les Échos, le 11 octobre dernier, exprimant son inquiétude et même son angoisse ? Je cite ses propos : « Prenons le département des antiquités orientales : comment ferons-nous lorsque deux tiers des conservateurs vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années ? Ce sont d’éminents spécialistes qui ont voué leur vie à ce département. Les décisions prises aujourd’hui engagent l’avenir, comment en mesurer les répercussions à terme ? Cela est angoissant. »

Les conséquences de la RGPP sont désastreuses, meurtrières, dans votre ministère !

Mme Muriel Marland-Militello. A-t-on évalué le coût, ainsi que l’incidence sur la fréquentation des jeunes publics, de la disposition datant du 4 avril 2009 permettant aux personnes âgées de moins de vingt-six ans d’accéder gratuitement aux musées et aux monuments nationaux ?

Les arts plastiques ne bénéficient que de 10 % des crédits de la création, 90 % de ceux-ci allant au spectacle vivant : c’est une situation récurrente et triste dont vous héritez. Or les arts plastiques et la création contemporaine sont notre patrimoine de demain. L’insuffisance de leurs dotations représente donc un handicap pour notre rayonnement culturel et pour l’avenir de notre patrimoine.

Je me réjouis en revanche de la hausse de 27 % des crédits au profit du Palais de Tokyo et des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).

Il est satisfaisant que le premier voit ses moyens accrus afin d’aménager des espaces qui seront notamment dévolus aux artistes émergents. La structure de gestion de ce nouvel équipement aura un statut juridique de société par actions simplifiée. Est-ce le meilleur qu’on puisse lui donner ? L’ancien statut, associatif, était certes déjà privé. Mais un statut public ne serait-il pas mieux adapté à la prise de risque que suppose la programmation d’artistes émergents. Avez-vous bien l’intention de mener une politique en faveur de la diversité artistique ?

Je suis heureuse du soutien apporté par l’État aux FRAC, qui possèdent une double vocation : de mécénat pour la création et les artistes contemporains, et d’externalisation des œuvres acquises en les présentant au public. Or une inquiétude pèse sur la deuxième génération des FRAC : il ne faudrait pas que les crédits accordés pour l’installation dans de nouveaux locaux rompent avec la tradition et en fassent de nouveaux lieux muséaux, plus coûteux et moins dévolus à la démocratisation culturelle.

Vous désirez une culture pour chacun. Mais, dans sa mise en œuvre, le soutien à l’éducation artistique et culturelle ne représente que 2,8 % du budget : à comparer aux 67,2 % alloués aux fonctions de soutien du ministère. Dans ces conditions, comment pensez-vous mener à bien votre mission ?

Dans l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts, vous accordez une juste importance à la formation des enseignants. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les crédits qui lui sont consacrés ?

Je suis également heureuse de constater l’absence de rupture dans l’éducation artistique et culturelle au niveau de l’université, comme de relever que vous avez des projets de modules de pratiques artistiques dans les cursus, le projet d’implanter dans les campus des équipements artistiques et culturels, et celui de développer des projets communs. Là encore, pourriez-vous nous fournir quelques exemples de réalisations concrètes ?

À titre personnel, j’apprécie le fait que vous orientiez votre politique artistique et culturelle en direction des jeunes publics et en faveur de la démocratisation culturelle, donc vers une société plus civilisée.

M. Daniel Spagnou. Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, c’est un bon budget que vous nous présentez, avec détermination et talent, et non en faisant « profil bas », comme l’un de nos collègues l’a dit tout à l’heure.

J’observe que le ministère consacre 12 millions d’euros à la HADOPI, alors qu’on ignore l’efficacité de cette structure sur le long terme et que les montants consacrés aux acquisitions et à l’enrichissement des collections publiques vont passer de 19,49 à 16,63 millions d’euros. Pourquoi réduire autant ces crédits qui permettent d’assurer l’accès du plus grand nombre aux œuvres d’art sur l’ensemble du territoire et de favoriser la circulation des œuvres dans un contexte de hausse constante du marché ?

Mme Valérie Fourneyron. Ce budget est sans doute moins mauvais que d’autres, mais la présentation très positive que vous en faites ne résiste pas à l’analyse. Je pense en particulier aux 40 millions d’euros de crédits de paiement prévus au titre des fonds de concours.

Je voudrais vous interroger sur ce parent pauvre qu’est la création, pour laquelle une enveloppe de 362 millions d’euros est prévue. Les crédits d’intervention en faveur des lieux labellisés et des équipes artistiques devraient rester constants, mais j’observe que les scènes nationales auront un peu plus, et les opéras un peu moins. Selon quels critères avez-vous arrêté vos choix ?

Ma seconde question portera sur le fonds de professionnalisation, institué à la suite du protocole d’accord de 2006 et aujourd’hui reconduit à hauteur de 5 millions d’euros. Pouvez-vous faire le point sur la situation de l’intermittence et sur l’utilisation de ce fonds ? Bon nombre de compagnies ont dû arrêter leur action en régions à cause de la situation économique actuelle.

Dans le domaine des arts plastiques, on peut se réjouir que des moyens supplémentaires soient attribués aux FRAC. Cependant, j’aimerais savoir comment interpréter la réduction de 9 millions d’euros des crédits attribués aux centres d’art contemporain : est-ce la conséquence de la mission de l’inspection générale du ministère diligentée sur ce sujet ? Quels critères avez-vous retenus ?

En dernier lieu, je regrette la suppression de 83 postes en 2011. Ce sont encore des moyens qui manqueront dans nos territoires. D’ici à 2013, il est prévu de supprimer 300 postes supplémentaires dans le cadre de la RGPP, ce qui est beaucoup trop compte tenu de l’importance des moyens humains dans ce domaine.

M. Alain Marc. Une précision sémantique, tout d’abord. Vous avez évoqué les « langues de France », expression qui me paraît un peu trop générale et qui renvoie aussi bien à des langues parlées sur le territoire national, et bien vivantes, qu’à des langues régionales menacées d’extinction, pour lesquelles une action et des crédits supplémentaires seraient souhaitables.

Il a été question des hauts lieux culturels à Paris, mais il ne faudrait pas oublier qu’il en existe aussi en province, et que les collectivités territoriales font des efforts pour que le public scolaire puisse les fréquenter. Pourquoi ne pas imaginer un partenariat avec la SCNF, dont les trains ne sont pas toujours pleins en journée, tendant à ce que les élèves de province puissent se rendre à Paris à moindre coût ? Les transports sont souvent le poste de dépenses le plus important des déplacements scolaires.

Mme Martine Martinel. Il serait certainement utile que nos élèves puissent fréquenter les lieux culturels parisiens et remplir par la même occasion des compartiments de train vides, mais il y a aussi tout un travail à réaliser sur la fréquentation des hauts lieux culturels en province, lesquels présentent un grand intérêt.

Ma première question porte sur la baisse des crédits dévolus à l’action culturelle internationale, qui peut sans doute s’expliquer par le fait qu’une part importante des crédits a été transférée à la mission « Médias ». Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires, monsieur le ministre ?

En dernier lieu, comment envisagez-vous de mener la politique patrimoniale de notre pays compte tenu de l’érosion prévisible des budgets des collectivités territoriales ?

M. Jean-Luc Pérat. Vous avez évoqué l’accès à la culture pour tous et partout : la démocratisation culturelle et la sensibilisation à la culture doivent aussi concerner les territoires les plus éloignés des grands centres de culture et de création. Les collectivités territoriales s’impliquent dans ce domaine grâce au développement d’un certain nombre d’activités dans le temps périscolaire et extrascolaire, telles que les arts plastiques, la musique, la danse ou le théâtre, mais elles se heurtent à des difficultés de recrutement de personnes qualifiées et agrées. Pourrait-on assouplir les exigences requises ? Il ne s’agirait pas, bien entendu, de faire de la culture à deux niveaux, mais de faciliter l’action des collectivités et de les encourager car elles se posent aujourd’hui de nombreuses questions sur la possibilité de continuer à mener leur action. J’ai cru comprendre, en vous écoutant, que l’on pourrait envisager une mobilisation intercommunale autour de certains projets et de certaines actions. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’aimerais, par ailleurs, en savoir davantage sur la place réservée à la lecture publique dans votre stratégie. C’est un enjeu important dans les territoires ruraux éloignés de tout. Quelles évolutions peut-on envisager dans ce domaine ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Même si je n’ai pas eu le temps de lire votre tribune sur la Maison de l’histoire de France, je tiens à dire que c’est un très beau projet qui a tout mon soutien. Compte tenu des inquiétudes sur le coût de la réhabilitation du site actuel des Archives, estimé à 76 millions d’euros, je tiens à rappeler que j’ai proposé le plus beau, le plus intéressant et le moins cher de tous les projets avec l’île Seguin. Nous restons candidats si la Ville de Paris et la CGT ne veulent pas de cette Maison.

Je m’interroge sur la réduction des crédits alloués aux conservatoires, en particulier ceux des conservatoires à rayonnement régional. Il faut rester dans le cadre d’un partenariat équitable avec les collectivités locales – même si l’on ne peut pas dire qu’il le soit tout à fait aujourd’hui, puisque les collectivités apportent 80 % des crédits. 

Je suis d’accord avec notre rapporteure pour avis Monique Boulestin quant à la procédure de candidature à l’inscription au patrimoine mondial : celle-ci est aujourd’hui relativement complexe. Dans le cadre du projet concernant l’œuvre de Le Corbusier, porté par une fondation présidée par Jean-Pierre Duport, ancien préfet, que je voudrais remercier pour son travail, et par une association de villes que nous avons créée, nous avons le sentiment d’œuvrer seuls, même si nous allons prochainement être reçus au ministère. Pouvez-vous nous dire où est en ce projet lancé depuis novembre 2006 ?

Mme Colette Langlade. La crise ne doit pas jouer contre le développement de la culture, qui est porteuse d’immenses ressources dans le domaine économique, notamment grâce à l’attractivité exceptionnelle qu’elle confère à notre pays et à ses territoires. Nous devons franchir une nouvelle étape dans le partenariat culturel entre l’État et les collectivités territoriales – une mission de réflexion sur ce sujet a été confiée à Jérôme Bouët, ancien directeur régional des affaires culturelles. Des propositions devaient vous être remises au mois de septembre. Qu’en est-il ? Je pense en particulier au sort des régions, qui seront les collectivités les plus dépendantes des dotations de l’État à cause de la déconnexion totale entre la fiscalité dont elles disposent et les compétences qu’elles exercent.

J’aimerais également que vous nous en disiez plus sur les moyens alloués au Musée de la préhistoire des Eyzies, qui figurent à l’action 3 du programme « Patrimoines ».

M. Michel Ménard. De nombreux acteurs de terrain s’inquiètent de l’avenir de la culture dans notre pays. L’action des collectivités territoriales est, en effet, de plus en plus contrainte. À cause de l’explosion des dépenses, les conseils généraux maintiennent leur engagement dans le meilleur des cas, mais ils sont souvent contraints de revoir leurs aides à la baisse. Puisqu’ils ne maîtrisent quasiment plus leurs recettes, ils n’ont d’autre choix que d’adapter leurs dépenses pour respecter leur obligation d’équilibre. Alors que le budget de la culture est en réalité en baisse, comme la plupart des autres budgets, comment rassurer les acteurs de culture ? Comment passeront-ils cette année 2011 pour laquelle tous les voyants sont au rouge ?

M. Bruno Bourg-Broc. L’intervention de Pierre-Christophe Baguet m’incite à revenir sur la question de la Maison de l’histoire de France. J’avais adressé à votre prédécesseur une proposition qui me paraît toujours intéressante et d’actualité, monsieur le ministre. Puisqu’il a été question de décliner ce nouveau musée sous la forme d’un réseau, pourquoi le moulin de Valmy  n’y participerait-il pas ? Ce lieu hautement symbolique de l’histoire de France ne demande qu’à en faire partie.

M. Michel Herbillon, président. On pourrait également inclure le château de Vincennes, mais je ne sais pas si nous avons intérêt à nous lancer dans un tour de France.

Nous allons maintenant écouter le ministre, qui pourra répondre par écrit à certaines questions s’il le souhaite.

M. le ministre. Je vous en remercie, car je ne voudrais pas m’enferrer dans une longue querelle de chiffres. Tout dépend, en effet, de la façon dont on les regarde. Je m’efforcerai de vous démontrer par écrit la justesse de notre approche.

Je suis frappé par la qualité de nos échanges – et ce n’est pas une flatterie. J’ai pu constater, depuis seize mois, à quel point les questions évoquées aujourd’hui par les uns et par les autres, avec leur sensibilité propre, ce qui est bien légitime, coïncident avec les sujets auxquels je réfléchis, pour ma part, et auxquels j’essaie d’apporter des réponses.

Une première interrogation concerne le rapport entre Paris et les régions.

En ce qui concerne le Palais de Tokyo, je rappelle que nous pâtissons d’une très forte érosion de la place de Paris sur le marché de l’art. Une des raisons est que nous ne défendons pas suffisamment nos artistes contemporains : il faut trouver un lieu et des moyens pour mieux le faire. Michel Herbillon a évoqué à juste titre le projet d’extension en volume et en périmètre du Centre Pompidou, dont la mission était initialement de défendre l’art contemporain, et en particulier l’art émergent. C’est ce qu’il fait, mais pas suffisamment, à cause de sa surface et de son mode de fonctionnement. Je précise que mes propos ne traduisent pas une critique : l’action menée par le Centre Pompidou est, en effet, remarquable. La question qui se pose aujourd’hui est celle de son extension.

Le Palais de Tokyo, qui sera doté d’une structure autonome, pourra se consacrer aux artistes émergents et aux artistes de renom qui ne trouveraient pas leur place au Centre Pompidou. En matière de statut, je crois que nous sommes parvenus à une solution permettant de concilier la politique menée par l’État et l’ouverture aux acteurs du marché de l’art, sans prise d’otages par ces derniers. J’ajoute que le Palais de Tokyo permettra aux FRAC de rendre compte du travail accompli en régions : la vision retenue n’a rien de « pariso-parisienne ».

Je ne pourrai pas apporter les précisions demandées par Patrick Bloche à propos de la Philharmonie. Je souhaite que ce projet aboutisse mais, pour le moment, ni le montant exact de son budget ni son mode de financement n’ont été validés. Il n’existe aujourd’hui qu’un simple budget de préfiguration. Je peux vous dire, en revanche, que la Philharmonie ne devra pas être une entreprise élitaire, réservée à quelque happy few venant écouter de la musique symphonique comme on peut avoir la chance d’aller à l’opéra. Ce sera la clé de voûte de la transmission de la musique en France : la Philharmonie permettra d’accueillir des étudiants venus de tous les conservatoires, et de mettre à disposition des lieux de travail qui n’existent pas aujourd’hui. Je rappelle, en effet, qu’on ne peut pas accueillir d’orchestre symphonique international à la salle Pleyel, faute de salle de répétition, alors qu’il existe une Philharmonie à Londres, à Berlin et même à Rome, ville qui ne compte pourtant que 2,5 millions d’habitants. D’où l’action entreprise par le Conseil pour la création artistique avec l’orchestre des jeunes. Vous vous interrogez sur le coût de ce dispositif, mais il faut reconnaître qu’il est admirablement géré par Laurent Bayle. Et je le répète : l’équipement dont nous disposerons grâce à la Philarmonie ne sera ni élitaire, ni parisien ; il sera destiné à la France entière, et son but sera de favoriser la transmission de la musique dans notre pays.

Nous ne construisons pas la Maison de l’histoire de France, encore dans les limbes au moment où je vous parle, en suivant une tradition jacobine. Je rappelle, en outre, que seuls huit historiens participent au mouvement évoqué par Mme Boulestin. Depuis le début, il est entendu que cette Maison réunira tous les établissements qui traitent de l’histoire en France – et il ne sont pas au nombre de huit seulement. C’est une confédération large et souple qui est prévue, avec un centre destiné à accueillir les colloques. Je rappelle aussi que l’État investit des sommes considérables à Pierrefitte-sur-Seine pour construire de nouvelles archives, dotées de 350 kilomètres de rayonnage normalisé et moderne et de 66 000 mètres carrés – contre 36 000 mètres carrés aujourd’hui. Nous conserverons à Paris les archives antérieures à 1790 et nous y installerons les minutes des notaires, sans que cela nous empêche d’accueillir la Maison de l’histoire de France. Si l’on veille à ne pas trop s’étaler, il y aura de la place pour la Maison de l’histoire de France et pour les missions traditionnelles des Archives, qui seront maintenues.

La question des critères, évoquée tout à l’heure à juste titre, me taraude. J’essaie d’être sage en ne prenant pas de décision, lorsqu’elle m’appartient, pour des raisons de copinage – il paraît que ce fut le cas dans certains domaines, il y a très longtemps… J’essaie d’écouter ce qu’on me dit et de trouver les solutions les plus favorables au bien public. Que n’a-t-on pas entendu sur le festival d’Avignon ! On a prétendu que je ne m’y intéressais pas et que je n’y connaissais rien, mais j’observe que la décision prise a fait l’objet d’un consensus. Avec mon cabinet – auquel je veux rendre hommage pour la qualité de son travail et pour la cohésion qu’il permet d’assurer au ministère de la culture –, j’essaie toujours de peser le pour et le contre, dans le seul intérêt du bien public. Voilà dans quel esprit nous infléchissons l’attribution des crédits.

S’agissant plus particulièrement du spectacle vivant, nous essayons de prendre en compte la gestion de chaque organisme. Il faut reconnaître qu’il n’y aura pas d’augmentation des crédits dans ce domaine, mais une stabilisation. Compte tenu de l’augmentation des charges et de l’inflation, cela signifie une légère régression des moyens, mais nous avons su éviter, non sans combat, le tir croisé de ceux qui souhaitaient une évolution plus drastique. Je rappelle, en outre, que les Entretiens de Valois ont permis d’aboutir à un consensus sur la nécessité d’une réorganisation et d’une mutualisation d’un certain nombre de dépenses, sans porter atteinte à une forme d’expression culturelle à laquelle je tiens beaucoup : certaines fonctions se recoupant parfois dans certains lieux, il y a moyen de réduire un peu les coûts.

Après les Entretiens de Valois, des réunions se tiennent dans chaque région en vue d’étudier les budgets et d’envisager les mutualisations possibles. Je suis certain que nous parviendrons dans tous les cas à poursuivre le travail du spectacle vivant dans de bonnes conditions.

J’ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées à propos du patrimoine, dont les crédits sont pourtant en hausse. Si les monuments nationaux bénéficient cette année d’une enveloppe de 375 millions d’euros contre 400 millions l’an dernier, c’est que le plan de relance est terminé, et l’on ne constate aucune diminution par rapport à l’ensemble. Soyons lucides, cependant : nous bénéficions d’un patrimoine considérable, dont la gestion est extrêmement lourde. Tous les week-ends, je me rends dans des régions où l’on ne va pas assez souvent, pour voir des lieux de notre patrimoine qui attirent trop peu de visiteurs. Voulez-vous un exemple parmi des centaines ? C’est à peine si le château de Villers-Cotterêts, bâtiment magnifique qui remonte à François Ier, est hors d’eau : il a fallu disposer des bâches et des taules pour éviter qu’il ne tombe en ruine.

Pour ma part, je m’attache à trouver des solutions, sans manifester aucune intention d’abandonner le service public. Je considère au contraire qu’il faut conserver le maillage de l’État sur tout le territoire. Cependant, quand une dévolution est possible, par exemple quand le ministère a la garantie que les collectivités locales assureront une bonne gestion d’un élément patrimonial, j’y suis favorable. Au château de Fontainebleau, tout le quartier Henri IV a été mis hors d’eau, sans qu’on sache à quoi l’employer. Pourquoi ne pas lui chercher une utilisation qui apporte des fonds ? Si j’accepte de travailler sur le sujet, il n’y a de ma part aucun abandon du patrimoine, au contraire : je veux simplement le rendre vivant, ce qu’il doit être avant tout.

Monsieur Kert, je suis favorable à l’extension des avantages du mécénat aux petites et aux moyennes entreprises, qui ne sont pas favorisées à cet égard. Sur ce dossier complexe, qui suscite toujours l’effroi de Bercy, je pense que nous pourrons obtenir des résultats, que j’appelle de mes vœux car ils pourraient réactiver le marché de l’art en France.

Madame Marland-Militello, la gratuité des musées représenterait environ 20 millions d’euros, somme compensée par le dégel, mais on ne peut pas solliciter de dégel chaque année. Ce serait d’ailleurs une contradiction dans les termes. L’an dernier, j’ai eu gain de cause en présentant au Président de la République des arguments précis. Je ne désespère pas d’obtenir un autre accord cette année, grâce à des arguments que mon expérience ministérielle m’aura permis d’affiner.

Les FRAC sont des institutions formidables, dont la dotation a augmenté. À présent, chacun d’eux semble avoir vocation à se transformer en musée, mais il n’est pas facile de définir une ligne stricte. À Clermont-Ferrand, le FRAC a permis d’ouvrir un formidable musée d’art contemporain, au lieu de conserver les œuvres dans des réserves, en les prêtant à droite ou à gauche sans grande cohésion. Comment aurait-on pu refuser la création d’un tel projet, qui a créé un équipement culturel, qui attire du monde et qui donne l’impression que la vie culturelle en régions est vivante et dynamique ? Mais il faut, une fois encore, être sage, et examiner les projets les uns après les autres. Quand l’un d’eux n’est pas viable ou coûterait trop cher, on doit y renoncer. En revanche, s’il est justifié et que les collectivités locales veulent y participer, on doit lui apporter de l’aide.

Dans le cadre du plan « Musées en région », nous avons réussi à déployer quelque 70 millions d’euros sur nos crédits pour l’entretien, la restauration, voire certaines constructions complémentaires. Le premier critère que nous avons défini était l’engagement des collectivités pour améliorer un musée local. Le second était l’implication des professeurs et des associations visant notamment à la « culture pour chacun », que je réunirai en janvier dans un forum. Parfois, il est également possible de faire un geste envers les architectes locaux, qui réalisent fort bien nombre d’équipements. C’est le cas de ce lieu magnifique qu’est la fonderie de Mulhouse. Au vu de ces critères, et de la qualité du projet, nous sommes heureux de bâtir, quand nous le pouvons, un plan avec une collectivité locale.

Les crédits que nous avons réussi à redéployer font office de levier : ce sont en réalité 300 millions d’euros qui seront mis au service du plan « Musées en région », grâce aux accords que nous avons signés avec les collectivités. C’était un travail de consensus, ainsi que de construction, en fonction de ce qu’il était possible de faire et de ce qui valait la peine d’être fait. C’était enfin un travail en direction des régions. À cet égard, je regrette l’absence, dans notre conversation, de toute référence à l’outre-mer : celui-ci ne doit pas être le parent pauvre de notre politique culturelle. Je visite systématiquement les territoires. J’ai un plan pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. À Cayenne, il existe un très bel hôpital en ruine, au centre de la ville. Un projet est en cours d’élaboration avec les collectivités locales en vue de réaliser un véritable centre culturel. Nous le construirons en additionnant différents crédits de toute provenance, sans désorganiser nos finances.

Quand je suis arrivé au ministère, on m’a dit que Jack Lang réunissait ses directeurs tous les quinze jours pour un déjeuner. J’ai pensé qu’il avait raison, une fois encore. Mais, très vite, je me suis aperçu que je voyais les miens quasiment tous les jours. Dans ces conditions, il m’a paru inutile de prévoir de tels déjeuners, auxquels je prendrais cependant beaucoup de plaisir.

Le ministère réalisera en 2011 5 millions d’euros d’économie en frais de fonctionnement.

De même, je suis très proche des DRAC, qui rapportent, qui informent et qui assurent à ce titre le premier arbitrage pour l’affectation des crédits dont je dispose. On ne peut donc pas prétendre que ce soit la vision parisienne qui l’emporte. C’est l’inverse, à mon sens : la structuration générale du budget opère un glissement relatif mais réel des implications du ministère vers les régions, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Un billet de train entre Paris et Lyon en seconde classe pour un week-end coûte quasiment 160 euros à un jeune de trente ans. Quand on dispose de 1 200 euros par mois ou qu’on est étudiant, comment irait-on à Paris voir l’exposition Monet, à laquelle on ne peut accéder qu’après trois heures de queue ? C’est un problème dont je suis conscient et auquel je cherche constamment des solutions. C’est pourquoi je suis heureux de réfléchir et de parler avec vous.

Avant la fin du mois, je recevrai de mon administration un plan d’intervention sur la ruralité, sur le modèle de celui qu’on m’a remis sur l’outre-mer. Il fera l’inventaire des mesures qu’il est possible de prendre tout de suite. Vous avez voté récemment, grâce au président Michel Herbillon, une proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma, qui évitera, grâce à l’appui du Centre national du cinéma et de l’image animée, la fermeture de bien des salles. De la même manière, j’apporterai mon appui au Centre Pompidou mobile, qui se déplacera à travers la France, même s’il reste quelques réglages à opérer pour diminuer les coûts d’installation.

En ce qui concerne le rayonnement de la France à l’étranger, je me félicite du dynamisme de nos grands établissements culturels, qu’illustre à merveille l’ouverture du Louvre à Abou Dabi. Cette opération extraordinaire va faire des petits. De même, le Centre Pompidou a engagé avec Singapour une conversation qui s’avérera certainement fructueuse.

À force de batailler, le ministère de la culture a obtenu une représentation importante au conseil d’administration de l’Institut français, ainsi que des garanties importantes en ce qui concerne les nominations. Il a d’ailleurs validé celle de sa directrice générale. C’est dire qu’il sera présent dans le réseau destiné à assurer le rayonnement de la culture française à l’étranger.

Par ailleurs, je soutiens les établissements publics dans leur action. Je me suis d’ailleurs rendu au Louvre à Abou Dabi. Même si le travail accompli rencontre un grand succès, il faut composer avec l’éloignement et la différence de mentalité, qui, en matière d’achat, ont produit un court-circuit. Sur place, nous avons déployé une grande attention, et constaté que tout le monde n’est pas prêt à accepter notre image de la culture française.

En ce qui concerne le patrimoine mondial de l’humanité, je suis conscient de la complexité des dossiers et du travail qu’il faut pour les instruire. Peut-être devrait-on prévoir une cellule dédiée. Cependant, la France n’est pas en reste. Depuis qu’Albi est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, cette ville enregistre une augmentation de 20  % de la fréquentation touristique. J’espère que nous obtiendrons le même résultat avec les Cévennes et les Causses, l’opération Le Corbusier, particulièrement justifiée, et l’opération sur le carreau de la mine et les paysages miniers du Nord de la France. J’ai également engagé une conversation avec Mme Filippetti en vue de monter un projet sur la mémoire de la Lorraine. Une dernière expérience peut être menée avec la Suisse afin de mettre en valeur les vestiges néolithiques du lac Léman.

Une candidature auprès de l’UNESCO est une procédure longue et difficile. Ceux qui prennent la décision finale n’ont pas tous la même connaissance des éléments du dossier, ce qui justifie qu’ils prennent leur temps. La cellule dédiée pourrait non seulement faire avancer la candidature, mais également réfléchir aux moyens de gérer les lieux par la suite afin de conserver le label.

Pour la lecture publique, nous avons mis en place un plan en quatorze points, notamment à l’adresse des librairies, qui s’est révélé efficace et s’applique toujours. Je vous y renvoie.

En ce qui concerne l’éducation artistique à l’école, je souscris aux déclarations de Mme Bouillé. Mais je ne suis pas le seul ministre concerné, même si le ministère de l’éducation nationale est un excellent interlocuteur. Les parties prenantes sont nombreuses et ne partagent pas toutes la même vision de l’action ni de son urgence. Reste que le Louvre est en train d’éditer un manuel et de peaufiner un portail qui sera remarquable. Malgré certaines insuffisances, j’ai l’impression que nous avons franchi une étape déterminante. À présent, il faut éviter que l’enseignement artistique à l’école ne suive la même évolution que l’éducation civique, promue il y a quarante ans, et devenue ensuite une matière enseignée une demi-heure par trimestre, quand le professeur de français en avait assez de sa propre discipline. Voilà le trou noir dans lequel il faut éviter de tomber, mais j’ai confiance, car nous avons franchi un cap psychologique.

J’ai constaté le succès de l’opération Ciné-lycée, que je suis allé promouvoir deux fois avec Luc Chatel, dont une avec le Président de la République. Le corps enseignant nous a suivis quand nous avons établi la liste des films du cinéma mondial sélectionnés pour la plateforme. Dans les conversations que nous avons eues avec eux depuis le ministère de la culture, qui n’était pas nécessairement habilité à intervenir, j’ai eu l’impression que quelque chose s’était cristallisé. Continuons le combat en gardant vos observations à l’esprit. Nous progresserons encore : la forte adhésion des élèves au principe de l’enseignement de l’histoire des arts est un levier que nous devons utiliser.

Le décret actant la fusion de la RMN et du Grand-Palais, actuellement au Conseil d’État, devrait prendre effet le 1er janvier 2011. Le président Jean-Paul Cluzel plaide pour une refonte architecturale du Grand-Palais. C’est un lieu kafkaïen : chaque fois que je m’y rends, je découvre de nouveaux espaces immenses tant dans les galeries supérieures qu’au sous-sol. Au fil des années, ce gruyère a été envahi, abritant aussi bien un commissariat de police que des salles de répétition de la Comédie française ou l’Université de Paris. Que M. Cluzel veuille récupérer les lieux pour assurer la cohésion du monstre me semble louable. Quant à savoir comment l’opération sera mise en œuvre, attendons déjà la fusion pour y réfléchir et pour établir la shopping list du ministère de la culture. Il est certain que, si le Grand-Palais retrouve sa cohésion, il sera l’équipement dont Paris a besoin pour réactiver le marché de l’art et assurer son rayonnement culturel. Car vous avez raison, monsieur le président Herbillon, la place de Paris s’est érodée dans le marché de l’art – pour ne pas dire qu’elle s’est effondrée !

M. Patrick Bloche. J’ai été frappé – mais, en tant qu’élu parisien, je parle à contre-emploi – par le fait que les grands équipements que vous avez évoqués, le Palais de Tokyo, la Philharmonie de Paris, la Maison de l’histoire de France et le Grand-Palais, sont tous parisiens. À la place de mes collègues de province, je me roulerais par terre ! Dans ces conditions, comment nier que la création de la Maison de l’histoire de France s’inscrive dans une tradition jacobine ?

M. le ministre. Si je ne vous connaissais pas, monsieur Bloche, je serais tenté de dire que vous êtes de mauvaise foi ! J’ai aussi évoqué l’hôpital de Cayenne, le MUCEM, les FRAC et le plan « Musées en région », qui concerne principalement des musées non parisiens. J’attribue à un moment d’émotion le fait que votre analyse, d’ordinaire très pertinente, ait été pour une fois trop rapide.

M. Patrick Bloche. Je n’ai fait que vous écouter, monsieur le ministre. J’aurais dû me boucher les oreilles ! Pouvez-vous répondre sur les personnels ?

M. le ministre. Les chiffres vous seront communiqués par écrit.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2011 de la mission « Culture » sur le rapport de Mme Marie-Odile Bouillé (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) et de Mme Monique Boulestin (Patrimoines).

Contrairement aux conclusions des rapporteures pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) – Mme Karine Gloanec Maurin, présidente, et M. Philippe Laurent, vice-président délégué au développement territorial

Ø Service de l’Inventaire de la région Haute-Normandie – Mme Claire Étienne, conservateur général du patrimoine

Ø Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) – M. Jean-Robert Pitte, géographe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, président, et M. Jean Musitelli, conseiller d’État, ancien ambassadeur et délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO de 1997 à 2002, membre de la mission

Ø Association des biens français du patrimoine mondial – M. Yves Dauge, sénateur, président

Ø Direction générale des patrimoines du ministère de la culture – Mme Isabelle Maréchal, chef du service, M. Laurent Weil, chef du bureau des affaires internationales et multilatérales, M. Christian Hottin, chargé de mission pour le patrimoine immatériel, Mme Véronique Charlot, chargée de mission, Mme Isabelle Longuet, chargée de mission pour l’UNESCO au sein du département des affaires européennes et internationales, et M. Olivier Poisson, inspecteur général du patrimoine

Ø Association Vocations patrimoine – l’héritage du futur – Mme Béatrice de Foucauld, secrétaire générale

Ø Centre des monuments nationaux (CMN) – Mme Isabelle Lemesle, présidente, et Mme Maxence Demerle, directrice des relations extérieures et de la communication

Ø Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) – Mme Michèle Prats, vice-présidente d’ICOMOS France

Ø Institut de recherche et d’études supérieures du tourisme (IREST) – Mme Maria Gravari-Barbas, directrice de la chaire UNESCO « culture, tourisme, développement »

ANNEXE 2

LISTE DES MEMBRES DU COMITÉ NATIONAL
DES BIENS FRANÇAIS DU PATRIMOINE MONDIAL

Coprésidents :

Ø M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ø M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’économie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Membres de droit :

Ø M. Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines à la direction générale des patrimoines du ministère de la culture et de la communication

Ø Mme Isabelle Maréchal, chef du service du patrimoine à la direction générale des patrimoines du ministère de la culture et de la communication

Ø M. Étienne Crépon, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature du ministère de l’économie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Ø Mme Catherine Bergeal, sous-directrice pour l’urbanisme et les paysages à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages du ministère de l’économie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Ø Mme Catherine Colonna, ambassadrice de France auprès de l’UNESCO

Ø M. Olivier Poisson, inspecteur général des monuments historiques au ministère de la culture et de la communication

Ø Mme Brigitte Maziere, inspectrice générale de la construction au ministère de l’économie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Ø M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques et internationales, secrétariat général du ministère de la culture et de la communication

Membres nommés :

Ø M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des comptes

Ø M. Nicolas Faucherre, professeur d’art médiéval à l’Université de Nantes et à l’École de Chaillot

Ø M. Yann Gaillard, sénateur de l’Aube

Ø M. Yves Dauge, sénateur d’Indre-et-Loire

Ø M. Jean Guéguinou, ambassadeur de France

Ø M. Chérif Khaznadar, vice-président de la Commission nationale française auprès de l’UNESCO

Ø M. Pierre-Antoine Gatier, président de la section française du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS)

Ø M. François Letourneux, président du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN-France)

Ø M. François Aynard, propriétaire de l’Abbaye de Fontenay

Ø M. Francis Rambert, président de l’Institut français d’architecture

Ø Mme Alice Thomine-Berrada, conservateur du patrimoine, Institut national d’histoire de l’art

Ø Alain Corbin, historien, professeur d’université

Ø Mme Pascale Hannetel, paysagiste-conseil de l’État

Ø M. Yves Luginbühl, géographe, Centre national de la recherche scientifique

ANNEXE 3

BIENS SITUÉS EN FRANCE INSCRITS SUR
LES LISTES DU PATRIMOINE MONDIAL ET
DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

 

Date d'inscription

Responsable du bien

Biens culturels

Abbatiale de Saint-Savin sur Gartempe

1983

Établissement public de coopération culturelle

Abbaye cistercienne de Fontenay

1981

Propriété privée

Arles, monuments romains et romans

1981

Ville

Basilique et colline de Vézelay

1979

Association + ville

Beffrois de Belgique et de France

1999

Association de villes

Bordeaux, Port de la Lune

2007

Ville

Canal du Midi

1996

Établissement public Voies navigables de France

Cathédrale d’Amiens

1981

État, Centre des monuments nationaux

Cathédrale de Bourges

1992

État, Centre des monuments nationaux

Cathédrale de Chartres

1979

État, Centre des monuments nationaux

Cathédrale d’Albi

2010

État, Centre des monuments nationaux

Cathédrale Notre-Dame, ancienne abbaye Saint-Remi et palais du Tau, Reims

1991

État, Centre des monuments nationaux, Ville

Centre historique d’Avignon : Palais des papes, ensemble épiscopal et Pont d’Avignon

1995

Ville

Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France

1998

Multiple

De la grande saline de Salins-les-Bains à la saline royale d’Arc-et-Senans, la production du sel ignigène

1982

Association + Ville

Fortifications de Vauban

2008

Association de villes

Juridiction de Saint-Émilion

1999

Communauté de communes

Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret

2005

Ville

Mont-Saint-Michel et sa baie

1979

Centre des monuments nationaux

Palais et parc de Fontainebleau

1981

Établissement public

Palais et parc de Versailles

1979

Établissement public

Paris, rives de la Seine

1991

Ville

Places Stanislas, de la Carrière et d’Alliance à Nancy

1983

Ville

Pont du Gard

1985

Établissement public de coopération culturelle

Provins, ville de foire médiévale

2001

Ville

Site historique de Lyon

1998

Ville

Sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère

1979

Multiple (État – propriétaires privés)

Strasbourg – Grande île

1988

Ville

Théâtre antique et ses abords et Arc de Triomphe d’Orange

1981

Ville + structure de gestion privée (Culturespaces)

Val de Loire entre Sully-sur-loire et Chalonnes

2000

Association portée par les deux régions

Ville fortifiée historique de Carcassonne

1997

Centre des monuments nationaux

Golfe de Porto : calanche de Piana, golfe de Girolata, réserve de Scandola

1983

Réserve naturelle

Lagons de Nouvelle-Calédonie : diversité récifale et écosystèmes associés

2008

TOM

Python, cirque de la fournaise de l’île de la Réunion

2010

Conseil général et régional

Biens mixtes

Pyrénées – Mont Perdu

1997

 

Patrimoine culturel immatériel – Liste représentative

Les géants et dragons processionnels de France et de Belgique

2005 (chef-d’œuvre du patrimoine immatériel) – 2008 (inscription sur la liste représentative)

 

Le Maloya

2008

Conseil régional de la Réunion – Pôle régional des musiques actuelles de la Réunion – Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise

La tradition du tracé dans la charpente française

2008

Centre régional de formation du bâtiment de Bourgtheroulde (Eure)

La tapisserie d’Aubusson

2008

Préfecture de la Creuse – Conseil général de la Creuse – Syndicat des lissiers d’Aubusson

Patrimoine culturel immatériel – Liste de sauvegarde

Le cantu in paghjella corse de tradition sacrée et profane

2008

Association Cantu in paghejlla – Collectivité territoriale de Corse

Source : ministère de la culture.

ANNEXE 4

LE LABEL « PATRIMOINE CULTUREL EUROPÉEN »

Source : ministère de la culture

I. Historique du label

Le label est né d’une initiative européenne intergouvernementale et n’est pas lié à l’UNESCO. Suite aux résultats négatifs du référendum sur l’adoption du nouveau traité de l’Union Européenne et aux rencontres pour l’Europe de la culture de Paris en mai 2005, une série de mesures pour développer davantage l’Europe de la culture et du patrimoine a été prise. Il s’agissait de renforcer le sentiment d’appartenance des citoyens européens à un espace culturel commun. À l’initiative de la France, différents États membres de l’Union européenne (25) ont décidé de la création d’un label du Patrimoine européen.

II. Caractéristiques du Label « Patrimoine culturel européen »

Le label du Patrimoine européen vise à mettre en valeur la dimension européenne des biens culturels, monuments, sites naturels ou urbains et lieux de mémoire, témoins de l’histoire et de l’héritage européen. Son ambition est de renforcer le sentiment d’appartenance des Européens à un espace culturel commun. Il s’agit d’inciter au respect, à la connaissance et à l’attachement des peuples à leurs patrimoines. Le label constitue un instrument de mise en valeur de l’héritage culturel européen à des fins d’identification et de transmission aux générations futures et doit permettre la constitution d’un réseau dynamique de biens culturels, de sites naturels ou urbains, de monuments et de lieux de mémoire bénéficiant d’une forte visibilité européenne.

Les sites sélectionnés s’engagent à mettre en place un programme de valorisation européenne du site, comprenant : une signalétique et un accueil multilingue, des outils de médiation qui mettent en valeur l’identité européenne du site, des actions envers les jeunes publics et les publics handicapés, des actions reliant le patrimoine à la création.

III. Les sites labellisés

Ce sont maintenant plus de 65 sites répartis dans 18 pays qui ont été inscrits sur cette liste d’honneur, chaque pays adhérant au projet ayant été invité à proposer au maximum 4 sites.

Le 19 mars 2007, à l’occasion du cinquantième anniversaire du Traité de Rome, en présence de ses homologues grec et portugais, le ministre français de la culture et de la communication a attribué officiellement les premiers Labels du Patrimoine européen à :

a) La maison de Robert Schuman à Scy-Chazelles (Moselle) :

Robert Schuman, homme des frontières, est né en 1886 d’une mère luxembourgeoise et d’un père lorrain, à Clausen, faubourg de Luxembourg ville installé au Grand-duché suite à l’annexion allemande de sa province suite à la défaite de 1870. Conscient qu’une paix durable ne peut reposer que sur des liens renforcés entre les pays, Robert Schuman a été l’un des promoteurs de la construction de l’Europe. En 1950, il pose les bases de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), aux côtés de Jean Monnet et des représentants de cinq pays : Belgique, Luxembourg, Italie, Allemagne et Pays-Bas. Outre une zone de développement économique, l’Europe qu’il imagine est aussi un espace de culture et de partage devant favoriser l’épanouissement de la création artistique européenne et de l’éducation.

La Maison historique de Robert Schuman à Scy-Chazelles est devenue un lieu de mémoire dédié au « Père de l’Europe » et un site culturel au service de l’idée européenne.

b) La Cour d’Honneur du Palais des Papes en Avignon :

Avignon fut le siège de la chrétienté durant le XIVe siècle, de 1309 à 1376 et vit se succéder neuf papes dont deux papes schismatiques. Depuis cette ville, les souverains pontifes développèrent leur pouvoir, leur diplomatie et leur administration, étendant leur influence sur l’ensemble de l’Europe. Le spectaculaire palais qu’ils y firent édifier en est la manifestation architecturale. La bibliothèque pontificale était la plus importante de l’Europe médiévale, véritable foyer intellectuel dont est issu Pétrarque, fondateur de l’humanisme.

C’est avec la création, en 1947, du festival d’Avignon par le grand comédien, metteur en scène et directeur de théâtre Jean Vilar que ces lieux retrouvèrent un rayonnement culturel européen. Cette manifestation est devenue la plus importante en Europe pour le théâtre, la danse et l’art vivant. Chaque année la cour d’honneur du palais offre un décor monumental aux créations théâtrales les plus ambitieuses du festival. Nombre de grands acteurs et metteurs en scène européens s’y sont produits.

c) L’Abbaye de Cluny :

L’abbaye de Cluny illustre l’Europe de l’esprit et du sacré.

Lorsque des moines bénédictins s’implantent à Cluny au début du Xe siècle, personne n’imagine alors que cette abbaye, chef-d'œuvre de l’architecture romane européenne, va devenir un centre spirituel et intellectuel de tout premier ordre dans l’Europe du Moyen Âge. Centre du monachisme occidental, Cluny propose l’un des modèles les plus aboutis de la civilisation romane, favorisant paix et humanisme.

Le site de Cluny est géré par le Centre des monuments nationaux (CMN) qui y mène une importante action de valorisation et de médiation culturelle. La célébration en 2010 de la création de l’Abbaye de Cluny a été l’occasion de mettre en œuvre un projet innovant comprenant deux volets auxquels on a donné les noms des architectes de l’édifice : « Hézelon » pour le programme de restauration des vestiges médiévaux et « Gunzo » pour la restitution numérique des parties détruites.

d) Le centre historique de la ville de Troyes :

Labellisé en janvier 2010 et située depuis l’Antiquité sur un axe qui relie la Méditerranée aux Flandres, Troyes a été un pôle d’activités économique, industriel et artistique de premier ordre et un important un foyer de la pensée judéo-chrétienne en occident aux XIe et XIIe siècles grâce à trois penseurs emblématiques, Rachi de Troyes, Saint Bernard de Clairvaux et Chrétien de Troyes.

Ville commerçante dont les foires ont assuré sa prospérité au Moyen Âge, Troyes fut une ville industrielle dont l’activité textile, notamment, s’est imposée sur le plan national, puis européen, aux XIXe et XXe siècles. Elle axe aujourd’hui encore son développement économique sur cet héritage historique et patrimonial. L’héritage industriel troyen fait ainsi l’objet, comme le secteur sauvegardé ancien, d’une constante réhabilitation et ce, depuis plusieurs années.

IV. Enjeux actuels

Le label fut l’un des sujets importants de la présidence française du conseil de l’Union Européenne au second semestre 2008. Les ministres de la culture et de l’audiovisuel de l’Union Européenne ont adopté à l’unanimité les Conclusions du Conseil relatives à la création par l’Union européenne d’un « Label du Patrimoine européen ». Ces Conclusions invitaient la Commission européenne à rédiger une proposition portant sur la création du label. Le 10 mars 2010, elle a présenté une proposition de décision établissant une action de l’Union européenne pour le label du Patrimoine européen. Ce texte pourrait aboutir fin 2010, dans le cadre de la présidence de l’Union européenne par la Belgique, dont il constitue l’un des principaux thèmes de travail.

L’initiative intergouvernementale à l’origine du Label du Patrimoine européen perdure jusqu’à la promulgation de la décision du Conseil et du Parlement européen. Dans l’attente de cette promulgation, les 27 États membres sont libres de proposer jusqu’à 4 sites maximum sur la liste d’honneur.

V. Gestion du Label « Patrimoine culturel européen »

Dans le cadre de l’initiative intergouvernementale, chaque État est responsable de la sélection nationale des sites et attribue à un service désigné la mise en œuvre de cette procédure. Pour le ministère de la culture et de la communication, la procédure est co-gérée par la direction générale des patrimoines et le Secrétariat général. Ce choix des premiers sites a répondu à des critères scientifiques, politiques et symboliques. Il n’y a pas de budget spécifique alloué depuis 2004 à ce label.

© Assemblée nationale

1 () Les comparaisons sont effectuées avec les données 2010 « retraitées », telles que présentées dans le projet annuel de performance pour 2011.

2 () Évaluation des voies et moyens – tome 1 – Recettes, PLF 2011.

3 () Rapport d’information n° 3530 sur la conservation et l’entretien du patrimoine monumental, 19 décembre 2006.

4 () Avis n° 277 présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi n° 189 de finances pour 2008, Tome III, Culture, 11 octobre 2007.

5 () Cette taxe a été créée par l’article 47 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, aujourd’hui codifié à l’article 302 bis ZI du code général des impôts.

(6 ) Le musée national de Préhistoire des Eyzies de Tayac, le musée des Antiquités nationales du château de Saint Germain-en-Laye, le musée national du Moyen-Age de l’hôtel de Cluny à Paris, le musée national de la Renaissance du château d’Écouen, le musée national du château de Pau, le musée national du château de Fontainebleau, le musée national de la Malmaison, le musée national du château de Compiègne et le musée des plans-reliefs aux Invalides.

7 () Voir notamment le dossier publié dans Libération le 15 octobre dernier (« Le douteux intérêt du musée de l’Histoire de France ») ou la tribune publiée le 2i octobre dernier dans Le Monde : « La Maison de l’Histoire de France est un projet dangereux ».

8 () Rémy Prud’homme, professeur émérite, Université Paris XII, Maria Gravari-Barbas, professeur, Université Paris I, Sébastien Jacquot, chercheur, Université d’Angers, Magali Talandier, chercheuse, Université Paris XII, Bernard-Henri Nicot, chercheur, Université Paris XII, et Burçu Ozdirlik, chercheuse, Université Paris VIII, juillet 2008, Les impacts socio-économiques de l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial : trois études.

9 () http://whc.unesco.org/archive/opguide08-fr.pdf.

10 () http://whc.unesco.org/archive/opguide08-fr.pdf.

11 () Composition de ce comité en annexe.

12 () Liste des biens avec leur propriétaire en annexe.

13 () Cf. http://whc.unesco.org/fr/orientations/.

14 () Cf. http://whc.unesco.org/fr/list/1256/documents/.

15 () (http://whc.unesco.org/fr/rapportperiodique/).

16 () Florence Évin et Olivier Faye, Quel impact du classement au Patrimoine mondial de l’Unesco, Le Monde, 27 août 2010.

17 () Voir bibliographie en annexe.

18 () Rémy Prud’homme, Maria Gravari-Barbas, Sébastien Jacquot, Magali Talandier, Bernard-Henri Nicot et Burçu Ozdirlik, juillet 2008, Les impacts socio-économiques de l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial : trois études.

(19 ) Rémy Prud’homme, Maria Gravari-Barbas, Sébastien Jacquot, Magali Talandier, Bernard-Henri Nicot et Burçu Ozdirlik, juillet 2008, Les impacts socio-économiques de l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial : trois études.

20 () Voir notamment Xavier Greffe, La valorisation économique du patrimoine, La Documentation française, 2003. Rappelons que cette étude ne porte pas spécifiquement sur le patrimoine inscrit par l’UNESCO.

21 () Magali Talandier, Communication présentée au Colloque Unesco (Centre du Patrimoine Mondial) en septembre 2008, Le classement UNESCO favorise-t-il l’activité touristique et le développement économique local ? Une étude économétrique du cas de la France.

22 () Florence Évin et Olivier Faye, Quel impact du classement au Patrimoine mondial de l’Unesco, Le Monde, 27 août 2010.

23 () Florence Évin et Olivier Faye, Quel impact du classement au Patrimoine mondial de l’Unesco, Le Monde, 27 août 2010.

24 () Florence Évin et Olivier Faye, Quel impact du classement au Patrimoine mondial de l’Unesco, Le Monde, 27 août 2010.

25 () Espagne, Hongrie, Grèce, Italie, Pologne et Belgique.