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N° 2859

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME VIII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Bernard DEBRÉ,

Député.

___

Voir le numéro : 2857 (annexe n° 33).

INTRODUCTION 5

I. - LES PROGRAMMES « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MIRES) : GARANTIR LES MOYENS DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR 7

A. LE GRAND EMPRUNT ET LES INVESTISSEMENTS D’AVENIR 7

B. LES CRÉDITS « RECHERCHE » ET L’EMPLOI SCIENTIFIQUE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011 10

1. Les crédits, les dépenses fiscales et l’emploi scientifique 10

2. Un indicateur majeur de l’impact de la recherche française : les publications 13

C. LES FINANCEMENTS EUROPÉENS (7E PCRD ET CONSEIL EUROPÉEN DE LA RECHERCHE - ERC) 17

II. - L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR) ET LA RÉORGANISATION DU MODÈLE FRANÇAIS DE RECHERCHE : UN PREMIER BILAN 19

A. L’ANR : UNE AVANCÉE À CONSOLIDER 19

1. Le projet initial, ses financements, ses objectifs 19

2. Quelques aspects du fonctionnement actuel de l’ANR 22

B. LE CNRS, UN AN APRÈS 27

III.- L’ACCÈS À LA SCIENCE, FACTEUR CLÉ DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET CULTUREL, MAIS AUSSI DE LA CITOYENNETÉ 33

A. CRÉER UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION THÉMATIQUE EXCLUSIVEMENT DÉDIÉE À LA SCIENCE 33

B. - LA RECHERCHE FRANÇAISE ET LES NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS DES RELATIONS INTERNATIONALES 35

1. L’Afrique : une ardente obligation 36

2. La Chine et l’Inde, piliers de la nouvelle polarisation mondiale : transferts ou implantation et coproduction ? 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41

INTRODUCTION

Les moyens dont sont dotés les programmes « recherche » de la Mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) en 2011 s’inscrivent, bien sûr, dans le cadre général fixé en 2009 par la stratégie nationale de recherche et d’innovation. Mais ce budget doit également être situé et se lire en tenant compte des investissements d’avenir du grand emprunt, tel qu’il a été programmé dans la loi de finances rectificative du mois de mars 2010 et dont la recherche est la première bénéficiaire. Car ces dépenses exceptionnelles, qu’il convient de présenter, lissent assez largement les imperfections qu’il est possible d’y relever.

Les dotations des grands programmes et des organismes de recherche sont stables, les effectifs des chercheurs et des personnels de la recherche sont maintenus, les revalorisations des carrières renforcées. Mais ces éléments de continuité sont à confronter à un indicateur majeur de la recherche : les publications.

La mise en place, dans le cadre du 7e programme cadre de recherche et de développement (PCRD) européen, du Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) est une initiative intéressante dont les premiers résultats, encourageants, sont à méditer.

La recherche en France est l’objet, depuis cinq ans, d’un vaste mouvement de réorganisation. Il a semblé pertinent d’orienter l’approche thématique du présent avis sur deux de ses aspects. La mise en place de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est une avancée à consolider, qu’il convient d’étudier à la lumière de ses objectifs initiaux comme de son activité et de ses financements actuels. Une réforme significative du rôle et du fonctionnement du CNRS a été adoptée en 2008-2009, il est souhaitable, un an après, et dans le cadre nouveau d’une recherche française recentrée sur l’université, de mieux cerner les objectifs de cet organisme pivot des activités de recherche nationales mais aussi internationales.

En effet, resituer la place de la recherche française dans un cadre mondial est une nécessité. Elle fait apparaître les besoins en terme de présence, de formation, de coopération ou de coproduction, tant en Afrique à laquelle nous lie une histoire partagée que dans les nouveaux piliers de l’économie mondiale que sont la Chine et l’Inde.

Enfin, la science n’a pas la place qui devrait être la sienne dans notre paysage audiovisuel. Les conditions de mise en œuvre d’une chaîne de télévision thématique qui lui soit exclusivement consacrée sont à approfondir. L’accès à la science est en effet un facteur clé du développement économique et culturel, mais aussi de la citoyenneté.

I. - LES PROGRAMMES « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MIRES) : GARANTIR LES MOYENS DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

A. LE GRAND EMPRUNT ET LES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Par la loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010, 35 milliards d’euros de crédits complémentaires ont été ouverts sur le budget de l’État, destinés par le Gouvernement à financer des investissements devant accroître le potentiel de croissance de la France. Ces moyens supplémentaires sont reversés à différents organismes gestionnaires qui doivent permettre le financement des projets économiquement prometteurs, dans les secteurs retenus comme prioritaires de ce point de vue que sont l’enseignement supérieur, la recherche, les filières industrielles et les PME, le développement durable et l’économie numérique.

La seule mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dispose de 21,9 milliards d’euros de ces crédits, soit 62,5 % du total. On distingue pour les financements apportés au titre des programmes créés dans ce cadre les dotations consommables (6,87 milliards d’euros) et les dotations non consommables (15,03 milliards d’euros). Les bénéficiaires finaux ne reçoivent en effet que les produits financiers de ces dernières, à l’exception de l’action « initiatives d’excellence ».

Les dépenses relevant directement du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche représentent, quant à elles, 18,4 milliards d’euros, soit 52,6 % des dépenses totales du grand emprunt. Deux programmes budgétaires ont été créés pour les héberger : le programme « projets thématiques d’excellence », pour 3,05 milliards d’euros et le programme « pôles d’excellence », pour un montant de 15,35 milliards d’euros, dont la responsabilité incombe au directeur des affaires financières et non, comme pour les programmes classiques de la mission, aux directeurs thématiques concernés.

Ces 18,4 milliards d’euros sont ainsi répartis :

– 10 milliards d’euros sont destinés à l’enseignement supérieur et à la formation universitaire. Ces crédits doivent financer des « initiatives d’excellence » pour 7,7 milliards d’euros, permettant le regroupement territorialement cohérent d’universités et d’écoles, en liaison avec des organismes de recherche et des entreprises, afin de constituer des pôles pluridisciplinaires d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial, de poursuivre l’opération Campus pour 1,3 milliard d’euros et d’accélérer la constitution de ce qui devrait être le plus important campus scientifique et technologique européen, sur le plateau de Saclay, pour 1 milliard d’euros.

Ces investissements s’inscrivent donc clairement dans la volonté de renforcer la stratégie visant à faire de l’université le pôle autour duquel s’organisent les activités de recherche. Ils devraient permettre d’articuler, dans de bonnes conditions, les préoccupations des établissements d’enseignement supérieur jouissant de leur autonomie nouvelle avec la vision nationale et internationale dont bénéficient les grands organismes de recherche ;

– 7,9 milliards d’euros sont attribués au secteur de la recherche et financeront la création d’un fonds national de valorisation de la recherche, doté de 1 milliard d’euros, et différents organismes contribuant à cette valorisation pour 3,5 milliards d’euros, le financement de laboratoires et d’équipements d’excellence pour 2 milliards d’euros ainsi que le financement de la recherche dans le secteur de la santé et des biotechnologies pour 2,4 milliards d’euros ;

– 500 millions d’euros sont attribués à la recherche spatiale pour le financement des grands projets spatiaux.

Trois programmes correspondant à 3,5 milliards d’euros de financements sont rattachés à la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur mais relèvent d’autres ministères.

Il s’agit d’abord du programme « instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées », pour un montant de 1 milliard d’euros qui devrait permettre d’accélérer la professionnalisation du dispositif de valorisation de la recherche publique en matière d’énergie. Les financements apportés permettront de créer 5 à 10 campus d’innovation technologique en matière d’énergies renouvelables. La responsabilité de ce programme est confiée au directeur général de l’énergie et du climat.

Un programme « recherche dans le domaine de l’aéronautique » est doté de 1,5 milliard d’euros avec pour objectif de soutenir les démonstrateurs technologiques aéronautiques et le développement de plusieurs nouveaux appareils, sa responsabilité est confiée au directeur général de l’aviation civile.

Le programme « nucléaire de demain », enfin, financera des recherches sur les technologies nucléaires de production d’électricité pour un montant de 1 milliard d’euros. Les missions qu’il finance comprennent le développement des futurs réacteurs nucléaires et des combustibles correspondants, la construction d’outils de recherche permettant d’analyser le vieillissement des réacteurs et des études portant sur la gestion des déchets radioactifs.

Le tableau ci-après présente la répartition par type d’action des financements d’avenir qui seront attribués en 2011.

Financements 2011 apportés au titre du grand emprunt

Programme

Action

Montant estimé pour 2011

Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergie décarbonée

Instituts d’excellence

80,1

Dont dotation consomptible

75

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

5,1

Projets thématiques d’excellence

Équipements d’excellence

306,8

Dont dotation consomptible

300

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

6,8

Santé et biotechnologies

379

Dont dotation consomptible

350

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

29

Espaces

22,5

Dont dotation consomptible

22,5

Pôles d’excellence

Initiatives d’excellence

328,5

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

328,5

Opération Campus

52,4

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

52,4

Opération du plateau de Saclay

100

Dont dotation consomptible

100

* fonds national de valorisation

150

Dont dotation consomptible

150

* instituts Carnot

24,2

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

24,2

* campus d’innovation technologique

271,3

Dont dotation consomptible

250

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

21,3

Laboratoires d’excellence

110,7

Dont dotation consomptible

80

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

30,7

Instituts hospitalo-universitaires

193,2

Dont dotation consomptible

170

Dont produits financiers sur dotations non consomptibles

23,2

Recherche dans le domaine aéronautique

Démonstrateurs technologiques aéronautiques

780

Dont dotation consomptible

780

Aéronefs du futur

520

Dont dotation consomptible

520

Nucléaire de demain

Réacteur Jules Horowitz

119,8

Dont dotation consomptible

119,8

Réacteur de 4e génération

191,8

Dotation consomptible

191,8

Recherche en matière de traitement du stockage des déchets

3

Dotation consomptible

3

Total des financements 2011 au titre des dépenses d’avenir

3 633,3

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Enfin, l’ancrage territorial de ces mesures est renforcé par leur articulation avec les pôles de compétitivité et les actions plus particulièrement destinées aux PME innovantes, comme les plates-formes mutualisées d’innovation.

Une faiblesse des pôles de compétitivité, régulièrement relevée dans les différentes études, nationales ou étrangères, sur leur mise en place, et qui réside dans la dispersion et l’insuffisance de leurs financements, devrait donc se trouver nettement réduite. La création de 4 à 6 instituts de recherche technologique (IRT) au cœur de campus d’innovation technologique de dimension mondiale y contribuera. Ils regrouperont des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés, des moyens de prototypage et de démonstration industrielle et des acteurs industriels, pour l’essentiel sur un même site. Ils piloteront des programmes de recherche et veilleront à leur valorisation.

C’est également le cas des instituts hospitalo–universitaires (IHU), l’appel à projets, globalement doté de 850 millions d’euros, devrait permettre la création de 5 pôles d’excellence en matière de recherche, de soin, de formation et de transfert de technologies dans le domaine de la santé, dans l’objectif de développer et de renforcer la recherche biomédicale.

Le caractère fortement structurant des investissements d’avenir devrait ainsi, au-delà du simple rapprochement public-privé, favoriser un décloisonnement généralisé des relations entre les acteurs de la recherche et de l’innovation et une utilisation plus rationnelle des compétences dans ce domaine.

B. LES CRÉDITS « RECHERCHE » ET L’EMPLOI SCIENTIFIQUE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

1. Les crédits, les dépenses fiscales et l’emploi scientifique

Le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur présente les moyens dont sont dotés les programmes et les actions « recherche » de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) comme une optimisation des crédits à lire en articulation avec les programmes d’investissements d’avenir présentés précédemment. Il est en effet nécessaire d’avoir ces derniers présents à l’esprit lorsque l’on veut honnêtement présenter l’effort public en faveur de la recherche en 2011. Il est alors possible de juger satisfaisant, dans un contexte de grande vigilance budgétaire, le maintien des dotations des grands organismes de recherche, assorti d’efforts ponctuels dignes d’attention. Une réserve, toutefois, doit être émise sur les moyens attribués à l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui seront examinés dans le paragraphe qui lui est consacré.

Cette appréciation trouve sa confirmation dans l’évolution de la part des moyens consacrés à la recherche dans le budget de l’État depuis cinq ans, en structure courante et en crédits de paiement, depuis la création de la MIRES dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, telle qu’elle est présentée dans le tableau ci-après :

 

MIRES (en CP) périmètre recherche (*)
en millions d’euros

 

LF2006

LF 2007

LF 2008

LF 2009

LF 2010

PLF 2011

Dépenses du budget général de l’État

266 605 €

266 850 €

271 285 €

277 063 €

319 144 €

286 405 €

Montant BCRD puis recherche de la MIRES*

11 445,59 €

11 690,62 €

13 588,44 €

13 194,08 €

13 736,91 €

14 098,15 €

Part du BCRD puis recherche de la MIRES sur le budget général de l’État

4,29 %

4,38 %

5,01 %

4,76 %

4,30 %

4,92 %

(*Le périmètre recherche inclut les dépenses des programmes « recherche » : 172, 187, 193, 190, 191 et 186 et la part recherche des programmes 142, 192 et 150 (actions n° 6 à 12)

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

À périmètre égal, cette part s’inscrit parfaitement dans le prolongement de celle qu’occupait le Budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD), traduisant la forte continuité de l’effort public de recherche tel qu’il est défini par les tous les gouvernements depuis trois décennies. Les insuffisances régulièrement relevées semblent donc davantage structurelles que budgétaires. Y remédier est l’objet des politiques suivies depuis cinq ans, résumées dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation de 2009, qui seront développées dans la suite du présent avis.

Le tableau suivant présentant les dépenses consacrées aux seuls programmes et actions « recherche » de la mission interministérielle, montre une augmentation de 2,6 % en crédits de paiement et de 0,9 % en autorisations d’engagements, soit un maintien de capacités de programmation.

Les augmentations les plus nettes des crédits de paiement concernent le programme 193 : « Recherche spatiale », elle est due à la croissance de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA) en application de l’engagement pris par la France d’apurer ses arriérés de contribution d’ici 2015, et les actions « recherche » des programmes 190 : « Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables » qui n’est que la traduction de la budgétisation des charges nucléaires à long terme du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et 192 : « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », liée cette fois à la fin du financement extrabudgétaire d’OSEO.

La progression observée des crédits de paiement n’est, par conséquent, que la simple traduction dans le financement des programmes de diverses régularisations budgétaires.

Présentation des crédits « recherche » de la MIRES, par programme

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Ouverts en LFI pour 2010

Demandés pour 2011

150 / Formations supérieures et recherche universitaire (actions recherche : 6 à 12)

3 731,641

3 824,771

3 731,641

3 824,771

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 198,548

5 132,327

5 169,548

5 132,327

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 238,606

1 245,064

1 238,606

1 245,064

193 / Recherche spatiale

1 302,246

1 393,253

1 302,246

1 393,253

190 / Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables (actions recherche : 10 à 15)

1 409,677

1 335,036

1 296,319

1 374,236

192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions recherche : 2 et 3)

693,841

783,300

636,282

771,400

191 / Recherche duale (civile et militaire)

196,554

196,869

196,869

196,869

186 / Recherche culturelle et culture scientifique(actions recherche : 1 et 3)

125,097

121,833

122,547

121,533

142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles (action recherche : 2)

42,667

38,698

42,852

38,698

Total des crédits recherche

13 938,877

14 071,151

13 736,910

14 098,151

Source : projet annuel de performances recherche et enseignement supérieur pour 2011

Il est cependant important de remarquer que les effectifs des chercheurs et des personnels de la recherche sont maintenus, les revalorisations des carrières renforcées, tous éléments stimulants pour défendre et encourager le choix des professions scientifiques et donc d’études longues et non sans difficultés, mais aussi sources de grandes joies.

En effet, la prime d’excellence scientifique, dispositif dont la mise en place avait suscité des réactions assez vives, d’un montant de 3 500 à 15 000 euros annuels et qui doit concerner 20 % des chercheurs et des enseignants chercheurs en 4 ans a, en fait, été mise en œuvre dans des conditions conformes aux prévisions. 5 % des chercheurs et enseignants chercheurs en ont bénéficié. Les refus ont été marginaux, et les demandes, au CNRS, mais aussi à l’INRA comme à l’INSERM, importantes. Parallèlement des revalorisations indemnitaires sont intervenues pour les ingénieurs de recherche et les personnels administratifs.

En matière d’effectifs de chercheurs, les derniers éléments statistiques connus, pour 2008, étaient de 99 300 chercheurs et ingénieurs de recherche pour les administrations, en hausse de 2000 emplois par rapport à 2007. Remarquons que le nombre des chercheurs en entreprise progresse, quant à lui, très régulièrement, et que sa répartition s’est complètement inversée en trente ans entre la France et le Royaume-Uni : en 1981, 35 000 chercheurs et ingénieurs de recherche en France et 77 000 au Royaume-Uni, devenus respectivement, en 2008, 129 800 et 86 100. C’est là une traduction concrète du bien-fondé de la politique volontariste visant, en particulier par l’outil fiscal qu’est le crédit d’impôt recherche, à stimuler l’effort privé de recherche.

L’examen en séance, le 20 octobre 2010, de l’article 15 du projet de loi de finances pour 2011 qui traite du remboursement immédiat du crédit d’impôt recherche aux PME a permis d’en maintenir les règles telles qu’elles ont été finalement fixées en 2007, après vingt-cinq ans de modifications intervenant dans presque chacune des lois de finances, tout en veillant à ce que cette dépense fiscale majeure atteigne bien son objectif, qui est de soutenir la recherche et donc à en limiter les effets pervers, tels qu’ils ont été relevés dans le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle. Il convient de souligner que ce dispositif a largement fait ses preuves en période de crise, sinon en impulsant des augmentations importantes des activités de recherche, du moins en les maintenant et en les ouvrant à de nouvelles entreprises, grâce à sa bonne adaptation aux besoins des entreprises.

L’évaluation de cette dépense fiscale active et nécessaire par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est de 4,812 milliards d’euros en 2010 et 4,957 milliards d’euros en 2011.

2. Un indicateur majeur de l’impact de la recherche française : les publications

Les données bibliométriques régulièrement mises à jour par l’Observatoire des sciences et des techniques (OST) permettent d’analyser, sur une longue période, les évolutions du positionnement scientifique de la France, mesurées par le nombre d’articles enregistrés dans la base de données de référence de l’Institute of Scientific Information-Thomson Reuters, qui prend en compte, de manière sélective, les publications à visibilité internationale.

Il convient de remarquer que la production scientifique des opérateurs des programmes est, de façon très appropriée, avec leur taux de présence dans les projets financés par le PCRD (programme cadre pour la recherche et le développement de l’Union européenne), l’un des deux indicateurs les plus représentatifs de l’objectif : « Produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international » de la MIRES dans les projets et rapports annuels de performance.

Entre 1995 et 2000, la part mondiale de publications de la France est restée sensiblement constante et comprise entre 5,3 % et 5,4 %, alors que sa part de publications dans l’espace européen (UE 27) passait de 15,1 % à 14,6 %. Mais en 2008, la France ne représentait plus que 4,2 % des publications scientifiques mondiales et 12,9 % de celles de l’Union européenne. En part de publications, la France est le sixième pays au niveau mondial, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne et, plus récemment, la Chine.

La part mondiale représentée par l’Union européenne (UE 27) est quant à elle en faible croissance entre 1995 et 2001 (passant de 34,9 % à 35,9 %) puis baisse pour atteindre 32,5 % en 2008.

Il convient de noter que, dans la plupart des cas, les données bibliométriques associées à une année de publication correspondent à des travaux de recherche menés entre une et deux années auparavant.

L’indice d’impact de la France en référence mondiale (indice d’impact Monde fixé à 1), est de 1,01 pour l’année 2008 (0,92 en 2003). Il est légèrement inférieur à l’indice d’impact moyen de l’UE 27 (1,04).

 

Part mondiale (%)

Indice d’impact (à 2 ans)

France

4,2

1,01

Allemagne

5,7

1,20

Royaume Uni

5,7

1,25

UE 27

32,5

1,04

USA

24,4

1,47

Japon

6,8

0,87

Chine

8,8

0,61

Source : Données Thomson Reuters, traitements OST ; les données 2008 sont issues du Web of Science

Pour la première fois depuis 1995, la visibilité scientifique de la France, toutes disciplines confondues, a donc dépassé la moyenne mondiale, ce qui signifie que les publications scientifiques produites par les laboratoires français (hors sciences humaines et sociales) sont, en moyenne, cités au moins au même niveau que la moyenne des articles publiés dans les revues scientifiques de rang international (1,01 en 2008), cette moyenne internationale étant elle-même fortement influencée par les scores américains. Cependant cet indice, qui atteint presque la moyenne mondiale en biologie, reste plus faible en recherche biomédicale ce qui pèse sur l’indice de la France toutes disciplines confondues.

Cette constatation vient d’être amplement confirmée par l’enquête bibliométrique réalisée par l’Institut Necker, selon une méthodologie adaptée, dans les domaines de la recherche dans les sciences du vivant et dont les résultats ont été publiés au printemps. La méthode retenue pour cette enquête, plus qualitative, se fonde sur la lecture des articles parus dans des revues sélectionnées suivant leur notoriété et leur facteur d’impact. Elle prend en compte la valeur des articles, les auteurs principaux des découvertes présentées, et vise à écarter certains biais, que le Professeur Philippe Even qualifie de façon suggestive de saucissonnage, de perroquetage ou de papillonnage et qui polluent ce genre de mesures.

Les résultats sur l’évolution en pourcentage des articles français dans les 20 plus grands journaux de médecine et de biologie à comité de lecture entre 2003 et 2010 n’en sont pas moins, dans ce cadre, assez éloquents.

Ce pourcentage est en effet passé de 4,0 % en 2003 à 2,4 % en 2010. Cette baisse s’observe aussi bien pour les grandes revues généralistes comme Science ou Nature jusqu’aux journaux plus spécialisés en médecine comme The Lancet ou The New England Journal of Medicine.

Or l’indice d’impact global d’un pays dépend de son profil disciplinaire, les différentes disciplines ayant des caractéristiques bibliométriques très différentes les unes des autres. La base privilégie les disciplines des sciences de la vie et l’indice l’impact à deux ans favorise les sous disciplines et les thèmes de recherche en expansion et/ou très actifs. Pour ces raisons, il est intéressant de reprendre ces données bibliométriques et de les analyser selon les différents champs disciplinaires.

Le tableau suivant illustre leur évolution au cours des cinq dernières années. La France a vu sa part de publications, toutes disciplines confondues, chuter de 13 % entre 2003 et 2008. Cette diminution en affecte de manière sensible (de - 12 à - 19 %) la majeure partie. La France conserve néanmoins une position mondiale relativement stable dans le domaine des sciences pour l’ingénieur, dans laquelle elle a fortement augmenté sa spécialisation.

Le fort engagement relatif de la France en mathématiques, une discipline dont les caractéristiques bibliométriques sont structurellement faibles, la désavantage en termes d’indice d’impact global par rapport au Royaume-Uni, par exemple, tourné traditionnellement vers les sciences de la vie – qui sont, on l’a remarqué, des disciplines à forte production et fort impact. Mais les disciplines des sciences de la vie sont aussi des disciplines dont l’importance socio-économique est considérable, et où la France reste comparativement peu investie, ce qui ne laisse pas d’être très préoccupant.

La véritable explosion des connaissances dans le domaine des sciences du vivant, en moins de vingt ans, et l’apparition de nouveaux pays et de nouvelles équipes participant à ces développements rendent nécessaire une réforme importante des pratiques et des équipements pour maintenir la place de la France dans cette compétition mondiale.

Plus généralement, il convient cependant de préciser que l’érosion de la part mondiale de la France entre 2003 et 2008 n’est pas un phénomène isolé, il est observé de façon identique dans d’autres pays européens et aux États-Unis. Cette baisse tendancielle s’explique largement par l’entrée en concurrence directe de nouveaux acteurs dans l’espace européen et, surtout, dans l’espace mondial de la recherche, par celle des pays émergents d’Asie.

Production de la France et évolutions 2003-2008, par discipline

Part/Monde (%) de publications

Indice de spécialisation mondiale

Discipline

2003

2008

Évolution 2008/2003 (%)

2003

2008

Évolution 2008/2003 (%)

Biologie fondamentale

4,9

4,2

- 16

1,02

0,99

- 3

Recherche médicale

4,7

4,1

- 13

0,98

0,98

0

Biologie appliquée-écologie

3,8

3,2

- 15

0,79

0,77

- 3

Chimie

4,8

3,9

- 19

0,99

0,92

- 7

Physique

5,4

4,7

- 12

1,12

1,13

+ 1

Sciences de l’univers

5,1

4,7

- 8

1,05

1,11

+ 6

Sciences pour l’ingénieur

4,3

4,1

- 3

0,89

0,99

+ 11

Mathématiques

7,7

6,2

- 19

1,58

1,47

- 7

Total

4,8

4,2

- 13

1,00

1,00

-

Source : Données Thomson Reuters, traitements OST ; les données 2003 et 2008 sont issues du Web of Science

On constate cependant, dans le tableau qui suit, que l’indice d’impact global « toutes disciplines » de la France a évolué de manière positive (+ 10 %). Si les disciplines « biologie appliquée-écologie », « physique », « recherche médicale », « sciences de l’univers », « biologie fondamentale » et « chimie » améliorent leur indice d’impact sur la période (qui était, à vrai dire, parfois très bas), l’indice d’impact des mathématiques diminue de 4 %. Ce recul sur 5 ans est largement dû aux résultats enregistrés entre 2003 et 2004. Il faut rappeler que les mathématiques fondamentales et les mathématiques appliquées sont ici mesurées ensemble : le résultat ne met donc pas en valeur le grand prestige international dont jouissent les mathématiques fondamentales françaises…

Indices d’impact de la France, et évolutions 2003-2008, par discipline

Indice d’impact à 2 ans

Discipline

2003

2008

Évolution 2008/2003 (%)

Biologie fondamentale

0,90

0,99

+ 10

Recherche médicale

0,82

0,91

+ 11

Biologie appliquée-écologie

1,08

1,28

+ 18

Chimie

1,02

1,12

+ 9

Physique

0,97

1,10

+ 14

Sciences de l’univers

0,97

1,08

+ 11

Sciences pour l’ingénieur

1,06

1,07

+ 1

Mathématiques

1,07

1,02

- 4

Total

0,92

1,01

+ 10

Source : Données Thomson Reuters, traitements OST ; les données 2003 et 2008 sont issues Web of Science

Enfin, si la part des publications françaises au niveau mondial diminue, il n’est pas sans intérêt de remarquer cependant qu’en 2009, 38 % environ des publications françaises (hors SHS), sont signés avec au moins un pays étranger, principalement les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, mais aussi le Japon et la Russie. Cosigner et co-produire suppose que les deux partenaires y trouvent intérêt ce qui relativise le déclin de l’image de la recherche française à l’étranger, et, au minimum, trace des perspectives qu’il convient d’amplifier.

C. LES FINANCEMENTS EUROPÉENS (7E PCRD ET CONSEIL EUROPÉEN DE LA RECHERCHE - ERC)

Rappelons que le 7e programme cadre pour la recherche et le développement (PCRD) de l’Union européenne a été adopté en 2006. Sa période de programmation est de sept ans (2007-2013). Le budget total du PCRD est de plus de 50 milliards d’euros sur toute la période, auxquels s’ajoutent 2,7 milliards d’euros pour le 7e programme cadre d’Euratom, mais sur une période de cinq ans. Le budget du 7e PCRD est ainsi considérablement plus élevé que celui du programme-cadre précédent (+ 63 %).

Depuis son lancement, 170 appels à propositions ont été menés à terme (et 51 nouveaux appels viennent d’être lancés en juillet 2010). Ces 170 appels ont généré 55 000 propositions et ont conduit à la sélection de plus de 9 000 projets pour une contribution financière de l’Union de près de 15 milliards d’euros.

Mais la véritable avancée de ce programme est la création, dans le cadre du programme spécifique « idées », du Conseil européen de la recherche / European Research Council (ERC). C’est l’innovation la plus importante du programme-cadre (avec la simplification administrative annoncée de sa pratique et de ses contrôles) car il soutient les activités scientifiques menées à l’échelle internationale par des chercheurs ou des équipes, à titre individuel. Il est le premier organisme européen de financement de la recherche exploratoire dans tous les domaines de la connaissance, des sciences sociales et humaines aux sciences de la vie en passant par les sciences physiques et technologiques. Les deux premières années de fonctionnement officiel de l’ERC ont été marquées par la mise en place de ses structures organisationnelles et de gestion et par l’organisation des deux premiers appels à propositions, l’un destiné à soutenir les chercheurs dans les premières étapes de leur carrière (« Starting Grant ») l’autre visait les chercheurs confirmés (« Advanced Grant »). 244 projets ont été retenus en 2009 dans chacune des catégories, pour un montant total de 840 millions d’euros, soit approximativement le budget annuel de l’Agence nationale de la recherche. Le budget prévisionnel pour 2011 du programme « idées » est porté à près de 1,330 milliard d’euros dont l’essentiel – 1,322 milliard d’euros – est consacré à ces deux allocations, chacune pour la moitié.

Or cette « ANR européenne » a rencontré un réel succès en France. En 2009, notre pays se place ainsi en deuxième position, derrière le Royaume-Uni parmi les organismes hôtes, pour les deux types de bourses, en deuxième position ex aequo avec l’Allemagne pour les chercheurs confirmés, derrière l’Italie et l’Allemagne ex aequo pour les jeunes chercheurs.

Ces bons résultats ne se retrouvent pas s’agissant de la participation française globale au 7e PCRD. L’étude de l’évolution des taux de participation aux projets des 6e et 7e programmes cadre montre en effet un certain repli de l’implication des équipes françaises dans les dispositifs européens : 12,1 % dans les propositions retenues contre 13 %. Ce constat doit être relativisé par la prise en compte de l’élargissement de l’Union et, nécessairement, de la diminution consécutive de la part relative de chacun des trois plus grands pays européens. La France connaît la baisse la plus importante mais reste cependant le troisième bénéficiaire du PCRD derrière l’Allemagne (16,6 %) et le Royaume-Uni (14,4 %).

Les mésaventures liées aux contrôles de l’utilisation des dotations du 6e PCRD, s’accompagnant d’un certain déchaînement bureaucratique auquel nos institutions de recherche, comme nos chercheurs, étaient peu préparés, mais aussi, rançon du succès, l’importance des subventions de l’ANR expliquent sans doute ce recul. En effet, la persistance d’un taux de succès conséquent des propositions françaises, quand elles existent, indique clairement que le problème a pour principale origine une moindre mobilisation des équipes françaises, sauf pour les programmes de l’ERC.

On retrouve enfin, sur le plan thématique, les forces et les faiblesses françaises : aéronautique, spatial, nucléaire et, dans une moindre mesure, transports terrestres et intermodalités, sont les domaines d’excellence français en termes de participation et, encore plus, de coordinations des projets.

Il reste, en conclusion, possible de se demander si le fonctionnement de l’Europe à 27, dans la sphère scientifique, n’est pas un peu rigide et si, indépendamment des nécessaires programmes de développement et d’intégration, il ne serait pas nécessaire d’insister sur la mise en place de projets bilatéraux ou multilatéraux mais avec un nombre raisonnable de partenaires, compétents dans des domaines précis, créant des liens particuliers et transversaux entre différents secteurs de la recherche, hors des structures excessivement rigides des grands programmes du PCRD. Un développement ambitieux des dotations allouées par l’ERC pourrait en constituer l’un des supports.

II. - L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE (ANR) ET LA RÉORGANISATION DU MODÈLE FRANÇAIS DE RECHERCHE : UN PREMIER BILAN

En cinq ans, le modèle français de recherche et d’enseignement supérieur s’est assez radicalement transformé. Le système reposant sur de grands organismes faisant de la recherche d’un côté et des universités formant les étudiants de l’autre, se croisant à la seule interface des unités mixtes de recherche, a basculé vers le modèle intégré de l’université de recherche, qui est celui qui structure aujourd’hui la recherche mondiale. Cette réorganisation profonde s’est appuyée sur deux lois fondatrices, la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche et la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU).

En effet, la place nouvelle des universités et des écoles au centre du dispositif national de recherche, la confirmation du rôle de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui conforte les recherches sur projet, la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), qui unifie les procédures d’évaluation des différentes structures de recherche, et la mise en place des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), qui visent à rapprocher les établissements d’enseignement supérieur, conduisent à une véritable refondation du partenariat entre les établissements universitaires et les organismes de recherche et entre les différents organismes de recherche concernés par des domaines scientifiques partagés.

Cette « refondation » de l’organisation de la recherche s’est accompagnée, pour les organismes de recherche, d’importantes modifications structurelles, en particulier au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

A. L’ANR : UNE AVANCÉE À CONSOLIDER

1. Le projet initial, ses financements, ses objectifs

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est, en France, la grande réalisation dans le domaine de la recherche du milieu des années 2000 et sa confirmation, sous forme d’établissement public, l’un des piliers de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, avec l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). L’ensemble se fondait également dans la double volonté de simplifier et de clarifier les financements comme les contrôles et les évaluations de la recherche, parallèlement à la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) et donc à la refonte globale des dispositifs français de finances publiques.

La création de l’Agence s’inscrivait certes dans le prolongement des anciens fonds incitatifs (le Fonds national de la science – FNS –, le Fonds de la recherche technologique – FRT – et le Fonds des priorités de la recherche – FPR –, ce dernier créé en 2004) mais surtout des exemples étrangers, séparant le financement, d’initiative publique, de la mise en œuvre, confiée à des organismes de recherche publics mais aussi privés, nationaux voire internationaux et de l’évaluation indépendante et transparente par les pairs. L’Agence a donc été l’outil de la mise en place, dans notre pays, d’un véritable financement de la recherche sur projets, premier volet de la refonte du modèle français de recherche et d’enseignement supérieur.

En évitant certaines des lourdeurs inhérentes à la gestion des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), l’ANR permet également de répondre de façon plus réactive aux demandes politiques et sociales dans les différents domaines de la recherche. Corollaire important, ses appels à projet offrent en particulier la possibilité à de jeunes équipes et à de jeunes chercheurs de concourir et de disposer de moyens conséquents, y compris en dehors du cadre traditionnel des instituts de recherche.

Pour cela l’Agence a été, dès l’origine, dotée de moyens importants, près de 700 millions d’euros en 2005. La montée en puissance initialement envisagée laissait prévoir un dépassement assez rapide du milliard d’euros : la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 ayant prévu des financements de l’ANR de 1,295 milliard d’euros en 2009 et de 1,5 milliard d’euros en 2010.

Or les autorisations d’engagement accordées par le conseil d’administration de l’ANR, après avoir représenté 834 millions d’euros en 2007 et 850 millions d’euros en 2008, étaient de 830 millions d’euros en 2009 et de 812 millions d’euros en 2010. En 2011, le budget d’engagement de l’Agence, de 771,8 millions d’euros, sera en baisse de 68 millions d’euros par rapport au budget initial de 839,8 millions d’euros de 2010, soit -8,2 %. Ce budget devrait connaître une nouvelle diminution de 10 millions d’euros par an en 2012 et 2013.

Quant à la subvention versée à l’ANR pour honorer les engagements qu’elle a contractés auprès des équipes de recherche, elle s’est élevée à 834 millions d’euros en 2007, 700 millions d’euros en 2008 et 817 millions d’euros en 2009, une partie de la dotation 2008 (à hauteur de 150 millions d’euros) ayant été reportée sur 2009 et un montant équivalent de la dotation 2009 a été reporté sur 2010. La dotation de 825 millions d’euros prévue initialement en 2010 a été réduite de 135 millions d’euros par la loi de finances rectificative de mars 2010 et un décret d’avance et d’annulation de septembre 2010 pour s’établir à 690 millions d’euros.

Bien sûr, les investissements d’avenir du grand emprunt, dont l’essentiel de la gestion dans le domaine de la recherche est confié à l’ANR qui joue là surtout un rôle de banquier, pour 18,9 milliards d’euros, devraient plus que compenser, dans les grands programmes thématiques, cette réorientation et ce rééchelonnement des moyens. Son expertise reconnue trouve là à s’appliquer, même si la décision relève in fine du Commissariat général à l’investissement. Il convient cependant d’être attentif à ne pas décourager les équipes de chercheurs par un taux de sélection des projets trop fort qu’entraînerait un budget trop contraint. Puisque la baisse des crédits devrait être lissée par une reprogrammation pluriannuelle des projets, il serait souhaitable qu’elle soit également l’occasion de développer des projets de durée plus longue, de cinq à sept ans.

Taux de réussite moyen des projets soumis à l’ANR

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010*

Taux de sélection

26,5 %

25,5 %

25,3 %

23,1 %

23,0 %

19,8 %

(*estimation)

Le tableau ci-dessus montre que le taux de réussite moyen des projets soumis, qui était de plus de 26 % en 2005, est estimé, d’ores et déjà, en deçà de 20 % en 2010.

Le risque existerait alors de réduire le vivier des candidats et, paradoxalement, de réintroduire une présélection écartant les idées et les talents neufs au profit de structures très rodées à ce type d’exercice. Ce serait particulièrement dommageable au moment où l’Union européenne, avec les financements du Conseil européen de la recherche / European Research Council, vient d’introduire, on l’a vu, dans ses très lourds et très bureaucratiques PCRD une sorte d’ANR où la France, justement, se positionne parmi les meilleurs.

C’est en particulier vrai pour les programmes non thématiques dont le programme « blanc », ce qui signifie simplement qu’ils sont à l’initiative des chercheurs et des équipes eux-mêmes, mais qui restent souvent des programmes thématiques « masqués »… La part qu’ils occupent au sein des différents programmes de l’agence est en constante augmentation. De 29 % en 2005 elle est estimée à 50 % à partir de 2010. Or sur ces projets « blancs » repose l’émergence de nouveaux concepts ou de nouveaux objets de recherche.

Il semble que l’on pourrait aller beaucoup plus loin dans ce sens en introduisant une part de financements, non plus seulement de projets « blancs », sans impulsion thématique initiale donc, mais directement de chercheurs, par des programmes en quelque sorte « super-blancs », reposant sur la confiance à accorder aux meilleurs scientifiques, sans leur demander quoi que ce soit de leurs projets, ce que leur originalité même rendrait de toute façon difficile à présenter à un jury, ni les contraindre à tricher pour les insérer à toute force dans le cadre rigide d’un projet immédiatement livrable.

Il faut se donner les moyens de repérer les meilleurs chercheurs lorsqu’ils ont entre 20 et 25 ans, ces programmes spécifiques leur donnant alors la liberté nécessaire à leur épanouissement. Ce à quoi ne répondent que très partiellement les « programmes jeunes », dont la démarche est différente.

Le contrôle se ferait alors a posteriori. C’est une vraie prise de risque, mais elle seule peut réellement faire émerger des chercheurs extraordinaires, comme ce fut le cas, par exemple, dans le Cambridge de l’après-guerre. Ce financement prioritaire des meilleurs chercheurs, sans le support d’un projet défini, semble de nouveau retenir l’attention des acteurs de la recherche mondiale puisque dans le domaine biomédical, par exemple, américains du Howard Hughes Medical Institute, anglais du Wellcome Trust vont prendre des initiatives de ce type.

2. Quelques aspects du fonctionnement actuel de l’ANR

L’ANR a fonctionné, jusqu’ici, d’une part avec ses effectifs propres, d’autre part en s’appuyant sur des « unités support » mises en place par des organismes de recherche pour gérer la mise en œuvre de sa programmation. Les principales unités support sont accueillies par les EPST, le CEA, l’université de Saint-Quentin en Yvelines, l’Institut national des sciences de l’univers, l’université de Paris-Sud, l’École normale supérieure (lettres et sciences humaines) et l’université technologique de Troyes.

En 2009, les effectifs propres de l’ANR (hors personnels des unités support) étaient de 65 équivalents temps plein (ETP), personnels contractuels et détachés. L’Agence bénéficie également du concours de personnels mis à disposition ou en détachement, le plus souvent à temps partiel, pour un équivalent de 20 emplois à temps plein. Près des deux tiers des personnels (hors agence comptable) appartiennent aux départements scientifiques opérationnels de l’agence. La masse salariale (y compris personnels mis à disposition) s’est élevée à 5,9 millions d’euros en 2009.

L’ANR voit aussi l’implication des nombreux scientifiques et industriels qui participent à l’élaboration de sa programmation et à la sélection des projets. L’agence utilise les compétences des 200 membres des comités scientifiques, de plus de 600 membres de comités de pilotage, de près de 1 500 membres de comités de sélection et d’environ 16 000 experts.

Au total, les frais de gestion (y compris les frais remboursés aux unités support) représentaient en 2009 environ 3 % des dépenses d’intervention, ce qui situe l’ANR à un niveau très inférieur aux standards internationaux.

L’Agence a obtenu en 2009 l’autorisation de renforcer ses effectifs (+ 30 ETP) pour assurer le suivi scientifique et financier des projets financés. En effet, l’expérience retenue de la gestion des fonds ministériels qui ont précédé l’ANR a montré que le suivi scientifique et administratif des projets tout au long de leur déroulement est une condition indispensable à la bonne utilisation des financements. Enfin, l’agence place au premier rang de ses priorités la réalisation de bilans réguliers des résultats scientifiques des projets financés.

À partir de 2010, l’Agence reprend progressivement en interne la gestion des programmes auparavant confiée aux unités support. Les effectifs des personnels employés par l’ANR augmentent en conséquence en 2010 et 2011 pour atteindre à la fin de l’année 2011 un effectif stabilisé d’environ 200 ETP (ce chiffre comprenant à la fois les personnels détachés et sous contrat et les personnels mis à disposition et en délégation). À cela s’ajoute une équipe spécifiquement recrutée pour la gestion des appels à projets liés aux programmes d’investissements d’avenir confiés à l’Agence, et le suivi des projets associés. Pour ces actions, l’Agence a été autorisée à recruter 25 personnes en équivalent temps plein.

Si la nécessité des programmes « blancs » n’est plus à démontrer, constatons cependant que l’ANR s’efforce, au travers de ses appels à projets thématiques, de concentrer les efforts de recherche sur des attentes économiques ou sociétales, et de promouvoir des thématiques identifiées comme stratégiques. Ces efforts, significatifs, dans le cadre d’appels à projets renouvelés sur trois ou quatre ans ce qui correspond à une durée totale de financement de six à sept ans, permettent de dynamiser des thématiques de recherche ciblées.

Il convient cependant de rappeler que les financements apportés par l’ANR n’ont pas vocation à se substituer aux financements récurrents des établissements de recherche, mais ont pour premier objectif d’apporter de la souplesse au système de recherche.

La programmation des appels à projets thématiques de l’Agence est préparée en concertation avec l’ensemble des acteurs de la recherche, et avec les tutelles de l’ANR. Les avis des entreprises et des pôles de compétitivité sont également recueillis. Cette procédure de consultation vise à faire apparaître les besoins de recherche et les thématiques prioritaires face aux attentes de la société et des entreprises. Elle est aussi un moyen de faire émerger des idées de rupture scientifique ou technologique.

L’Agence s’efforce de mettre l’accent notamment sur les approches pluridisciplinaires – sciences dures /sciences humaines et sociales, par exemple –des problèmes à résoudre car elles jouent souvent un rôle clef dans les processus d’innovation. Elle prend également en compte les problématiques de recherche des entreprises au stade de l’élaboration de sa programmation puis dans le financement des projets de recherche réunissant laboratoires publics et entreprises, et dans le soutien à l’effort de professionnalisation accrue des relations entre les organismes de recherche et le secteur industriel.

Remarquons que la distribution thématique a contribué à structurer nettement certains domaines de recherche. C’est le cas des recherches visant à concilier agriculture intensive et qualité environnementale par exemple, où les programmes ont profondément influencé l’orientation générale de la recherche nationale. De même, les programmes destinés aux industries alimentaires ont contribué à organiser la recherche partenariale avec les PME du secteur. Le programme destiné aux technologies de la santé a permis de faire émerger des technologies nouvelles portées par des entreprises. L’ensemble des programmes de recherche en énergie a favorisé la diversification des thématiques. Il en est de même dans le domaine des matériaux innovants.

Enfin, les projets thématiques associant des industriels renforcent la pratique des partenariats public/privé, en particulier avec les PME qui représentent 50 % des partenaires industriels. On peut en attendre une augmentation de la dépense de recherche des entreprises et de leur confiance dans le potentiel d’innovation associé aux résultats des laboratoires de recherche publics.

La répartition des dotations par axes thématiques varie assez sensiblement d’une année sur l’autre, du fait de la montée en puissance des programmes non thématiques, transversaux et en sciences humaines et sociales de 34,4 à 40,4 % entre 2009 et 2010. En contrepartie, la recherche en biologie-santé qui bénéficiait de 17,7 % des crédits en 2009 n’en dispose plus que de 8,1 % en 2010. Le problème est que ces pourcentages s’appliquent, on l’a vu, à des dotations qui ne progressent pas voire, en 2011, diminuent, ce qui relativise nettement la place croissante accordée aux projets libres.

Les critères de sélection des projets fixés par l’Agence sont les suivants :

– pertinence de la proposition au regard des orientations de l’appel à projets ;

– qualité scientifique et technique : excellence scientifique en termes de progrès des connaissances vis-à-vis de l’état de l’art, caractère innovant en termes d’innovation technologique ou de perspectives d’innovation, levée de verrous technologiques, intégration des champs disciplinaires ;

– méthodologie, qualité de la construction du projet et de la coordination : positionnement par rapport à l’état de l’art ou de l’innovation technologique, faisabilité scientifique et technique, choix des méthodes, structuration du projet, rigueur de définition des résultats finaux ;

– impact global du projet : perspectives d’utilisation ou d’intégration de résultats par la communauté scientifique, les opérateurs productifs ou la société, perspectives d’application technologique, économique et commerciale, plan d’affaire, crédibilité de la valorisation annoncée, approche des questions d’impact sur l’environnement ;

– qualité du consortium : limitation du nombre des partenaires pour limiter les coûts de transaction, niveau d’excellence scientifique ou d’expertise des équipes, adéquation entre ressources humaines proposées et objectifs du projet, adéquation entre partenariat proposé et objectifs scientifiques et techniques, complémentarité du partenariat, ouverture à de nouveaux acteurs, éventuellement, rôle actif du partenariat d’entreprise, caractère formateur pour des doctorants ;

– adéquation entre projet et moyens, faisabilité du projet : calendrier, justification de l’aide demandée.

Le tableau suivant présente en 2009, par grand axe de recherche, l’aide moyenne par projet, le nombre de partenaires et le taux de sélection :

Résultats 2009

Aide moyenne par projet en milliers d’euros

Nombre de partenaires par projet

Taux de sélection

Énergie durable et environnement

855,3

5,3

25,6 %

STIC

825,7

4,5

24 %

Ingénierie, Procédés et Sécurité

796,6

4,2

28,1 %

Biologie et santé

446,6

2,6

21,7 %

Écosystèmes et développement durable

568,4

4

25,1 %

Sciences humaines et sociales

228,9

2.5

23,7 %

Non thématique et transversal

338,7

2

21,9 %

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les établissements publics de recherche et les établissements d’enseignement supérieur continuent d’être bien représentés dans l’ensemble des bénéficiaires, puisqu’ils obtiennent plus de 77,8 % des financements ANR dont 16,8 % pour les universités. La part des principaux organismes de recherche passe de 42 % en 2008 à 53,6 % en 2009. Les universités sont traditionnellement très présentes dans le secteur non thématique, mais aussi en biologie et santé et en sciences humaines et sociales.

La part des TPE/PME est légèrement en baisse (6,8 %) par rapport à 2008 tout comme celle des autres entreprises 5,4 % contre 7,7 % en 2008. Le nombre de projets impliquant au moins une entreprise est de 316, soit 24 % du total des projets retenus. Ainsi, sur les 650,2 millions d’euros consacrés aux appels à projets, 79,6 millions d’euros soit 12,2 %, bénéficient à des entreprises. 287 TPE et PME ont été soutenues en 2009 contre 240 en 2008 et 231 grandes entreprises.

Le tableau ci-après résume la répartition des dotations par type de bénéficiaire (pour les appels à projets 2005 à 2008) :

 

2009

CNRS

32 %

INSERM

7,7 %

INRIA

2,1 %

INRA

4,8 %

IRD

0,5 %

CEA

6,5 %

Universités

16,8 %

Autres établissements d’enseignement supérieur

7,4 %

Hôpitaux

0,6 %

Divers public

3,5 %

Fondations

2,7 %

Associations

1,6 %

TPE

1,5 %

PME

5,3 %

Entreprises autres que TPE et PME

5,4 %

Divers privé

1,5 %

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La répartition des financements attribués au titre des appels à projet 2009 par grands postes de dépenses montre l’importance prise par les rémunérations :

Équipement

8,2 %

Prestations de service

5,8 %

Rémunérations

56,2 %

Autres dépenses de fonctionnement

29,8 %

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Or, pour les organismes publics, les dépenses de personnel éligibles ne peuvent concerner que des personnels recrutés sur contrats temporaires. En outre, les aides accordées aux laboratoires publics sont calculées par rapport aux coûts marginaux engendrés par la réalisation du projet. Ils ne couvrent donc pas les salaires des personnels permanents, ni les frais de structure ou des grands équipements qui sont déjà financés par la dotation récurrente des organismes.

L’impact des programmes ANR sur l’emploi scientifique doit donc être précisé. Une enquête menée à cette fin par l’Agence en septembre 2009, sur 5 programmes de 2005, laisse apparaître que 4 à 5 % des participants, hors SHS, sont à la recherche d’un emploi, mais qu’ils induiraient un effet d’attractivité des carrières de recherche. On peut cependant estimer que ces données, certes incomplètes, ne suffisent pas à caractériser les appels à projet de l’Agence comme un facteur de requalification de l’emploi scientifique en France.

La répartition géographique des financements accordés dans le cadre des appels à projets fait apparaître en 2009 un effet de concentration similaire à celui observé ces dernières années : l’Île-de-France, avec 36,7 % des financements, arrive devant la région Rhône-Alpes, qui en obtient 16,2 %, et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui en recueille 7,7 %.

Enfin, l’année 2009 a été la troisième année de versement du préciput (« overhead ») pour un montant de 54,3 millions d’euros (50,2 millions d’euros en 2008) répartis sur trois exercices. Comme en 2008, le préciput est attribué à l’établissement public ou la fondation reconnue d’utilité publique dans lequel les porteurs de projets financés par l’Agence exercent leur fonction.

Ce sont bien sûr ces mêmes mécanismes qui guident l’action de l’Agence dans la mise en œuvre du grand emprunt. Rappelons en effet que pour les programmes relevant directement du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’ANR met en œuvre plusieurs actions des programmes « Pôles d’excellence » et « Projets thématiques d’excellence », du fait de son expérience en matière d’organisation d’appels à projets et de suivi de projets. Afin de sélectionner les meilleurs projets répondant aux objectifs des actions financées par le programme d’investissements d’avenir, l’Agence organise plusieurs appels à projets compétitifs. Elle effectuera des évaluations et rendra compte de son action dans le cadre conventionnel propre à chaque action. Les premiers bénéficiaires des projets sont en cours de désignation.

En conclusion provisoire, après cinq années d’activités au service du développement de la recherche sur projet dans notre pays, l’Agence est aujourd’hui à la croisée des chemins : soit elle devient, comme peut le laisser supposer sa place dans la mise en œuvre du grand emprunt et de ses investissements d’avenir, une banque spécialisée de la recherche, soit, elle se dote d’un véritable conseil scientifique qui la qualifie alors pour occuper un rôle stratégique dans l’orientation de la politique de la recherche en France.

B. LE CNRS, UN AN APRÈS

Le débat interne a été parfois houleux – est-on chercheur sans contester ou remettre en cause ? – mais le CNRS, un an après l’adoption de la grande réforme de ses structures, s’est maintenant emparé de son nouveau cadre contractuel et structurel, qui s’insère dans celui, plus large, défini par la Stratégie nationale de la recherche et de l’innovation de 2009.

On le sait, la difficulté majeure tenait au rôle attribué au Centre face au basculement radical du système français de recherche vers le modèle intégré de l’université de recherche et cela alors même que le développement de la recherche sur projet, de type ANR, pouvait donner l’impression de mettre fin à la liberté de recherche elle-même. Il n’en est évidemment rien et le CNRS reste l’organisme de recherche français mondialement connu.

Comment, dès lors, utiliser cette notoriété et cette expertise pour faire émerger des universités autonomes, puissantes et attractives, insérées et reconnues dans un contexte national et international ? Il semble en effet nécessaire d’éviter l’éparpillement et la multiplication des centres universitaires, comme on l’a trop fait dans le domaine hospitalier et donc de valoriser la perspective globale dont disposent les grands organismes de recherche et en particulier le CNRS.

Rappelons que le premier acte dans l’évolution du CNRS a été, en 2008, l’adoption par son conseil d’administration du plan stratégique « Horizon 2020 ». Les grands principes de la réforme du CNRS y étaient déjà définis : la réorganisation de l’établissement en instituts, l’accent porté sur l’interdisciplinarité par l’intermédiaire de pôles transversaux et l’évolution des relations entre le CNRS et ses partenaires universitaires pour accompagner le développement de leur autonomie. C’est à travers cette dynamique complexe que se sont déroulées les négociations qui ont abouti à la rédaction du nouveau contrat d’objectifs entre l’État et le CNRS, approuvé par son conseil d’administration le 25 juin et signé le 19 octobre 2009.

La nouvelle organisation du CNRS telle qu’elle est formalisée au sein du contrat d’objectifs répondait à trois grandes priorités :

– se recentrer sur la fonction de pilotage scientifique des unités mixtes de recherche (UMR), qui représentent 90 % de ses laboratoires, en partenariat avec les universités. Le CNRS assurera ainsi les deux missions complémentaires d’agence de moyens et d’opérateur par une clarification de leur périmètre d’action et par une simplification de la tutelle des unités de recherche. La fonction d’agence de moyens permettra d’apporter un concours humain et financier, tout en préservant cette mixité du pilotage scientifique, organisme national-université, qui fait la force du système français de recherche. Le rôle d’opérateur se concentrera sur des laboratoires structurants au niveau national et sur des laboratoires qui nécessitent une gestion partagée. Ce rôle d’opérateur a tout son sens lorsqu’il s’agit de rationaliser et d’optimiser les grands équipements et grandes infrastructures de recherche, il incombe au Centre, en revanche, de trouver sa place dans les UMR aux travaux orientés par les politiques de recherche définies cette fois par les universités. Une convention-cadre est en préparation avec la Conférence des présidents d’université pour préciser ce partenariat ;

– responsabiliser les acteurs par la création d’instituts en charge de la prospective et de la programmation : la mise en place des dix instituts du CNRS a pour finalité d’accroître la lisibilité de l’organisation, de garantir l’efficacité de la fonction de programmation de la recherche et de prendre éventuellement en charge, à la demande de l’État, des missions de coordination nationale. Selon le contrat d’objectifs, les instituts du CNRS animent, dans leur champ disciplinaire, un réseau d’unités de recherche pour lesquels le CNRS est opérateur s’il continue à les gérer, agence de moyens dans le cas contraire ;

– concentrer la direction du CNRS sur la vision stratégique, l’anticipation et l’animation des instituts : la gouvernance du CNRS se recentre sur la promotion de l’excellence scientifique, le dialogue interdisciplinaire et la prospective. Dans cet objectif, des pôles scientifiques transverses sont mis en place. Les trois pôles doivent exercer leur mission d’intégration scientifique à partir des trois thèmes qui sont une déclinaison, adaptée au Centre, des axes retenus pour la stratégie nationale de recherche : « le développement durable au service de l’homme », « origine et maîtrise de la matière, nanosciences et nanotechnologies », « la société en réseau ».

Le conseil d’administration du CNRS du 24 juin 2010 a en conséquence approuvé la nouvelle organisation des services de la direction. Une direction générale déléguée à la science et une direction générale déléguée aux ressources ont été créées. Elles devraient travailler en interaction, en s’appuyant sur leurs propres directions et missions internes ainsi que sur les compétences des instituts et celles des 19 délégations régionales. Les grands principes ayant guidé cette nouvelle organisation de la direction ont été de trois ordres : afficher la primauté de la science, adapter l’existant sans le bouleverser, resserrer les services et les processus, notamment celui du dialogue de gestion avec les instituts et l’ensemble des structures.

Enfin, illustration immédiate et bienvenue de ce rôle de coordination nationale confié au CNRS, l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) du Centre doit prochainement obtenir la possibilité d’exercer des missions nationales d’animation et de coordination. Le conseil d’administration du CNRS du 24 juin 2010 a en effet sollicité en ce sens la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche conformément aux dispositions contenues dans le décret régissant l’établissement. Considéré comme un domaine d’excellence internationalement reconnu, le rôle des mathématiques françaises, déjà fortement structurées, est considéré comme central dans le contexte de profond renouvellement de la recherche française. Les missions nationales confiées à cet institut auraient pour objectifs de garantir les conditions de qualité et de performance des mathématiques françaises et, en particulier, la cohésion, la mobilisation et le fonctionnement en réseau de la communauté des mathématiciens.

Le CNRS est également un membre important du cercle nouveau des Alliances thématiques. Après la création initiale d’une Alliance des sciences de la vie (AVIESAN) demandée par beaucoup, elles sont aujourd’hui au nombre de 5 et correspondent aux principaux domaines de la recherche en France.

En effet, les analyses menées sur le système français de recherche et d’innovation ces dernières années convergeaient toutes sur le même diagnostic et suggéraient les mêmes solutions : clarifier le rôle de ses acteurs et renforcer leur autonomie afin d’accroître la performance, la visibilité, le rayonnement international et la valorisation de la recherche française.

La création d’alliances s’inscrit dans cette perspective en renforçant la fonction de programmation nationale, fonction qui fait le lien entre les orientations définies par le Gouvernement dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation et la recherche réalisée dans les universités, les écoles et les organismes. Les alliances ont donc pour mission de transmettre et de propager les orientations nationales auprès des opérateurs de recherche, de coordonner de façon optimale la mise en œuvre des moyens humains et financiers déployés par l’État, notamment en contribuant fortement à la définition de la programmation de l’ANR.

Faut-il y voir un substitut de conseil scientifique pour l’Agence et le retour, dans sa gestion, des grands organismes, et particulièrement du CNRS mais aussi de l’INSERM, pour les sciences biomédicales ?

Les alliances doivent également, elles aussi, concourir à mettre les universités au cœur du système de recherche. On comprend que ceci ayant des implications importantes sur les établissements de recherche travaillant en forte interaction avec les universités, ils tiennent à en garder le contrôle. L’ensemble des organismes devant en effet, comme le CNRS est en train de le faire, distinguer leur fonction de structuration du potentiel de recherche universitaire (chaires, infrastructures de recherche…) de celle d’opérateur, ils devront également coordonner leur dialogue avec les universités et notamment dans la politique de site.

Les alliances ont en outre vocation à représenter la France dans les instances de programmation européenne et internationale, comme c’est déjà le cas pour la programmation conjointe en matière de santé (Alzheimer) ou d’énergie.

Les quatre premières alliances créées, qui recouvrent, on l’a vu, les trois axes prioritaires de la stratégie nationale de recherche et d’innovation, sont :

– AVIESAN autour de l’axe « santé, bien-être et biotechnologies » ;

– ANCRE et AllEnvi autour de l’axe « urgence environnemental et écotechnologies », la première s’intéressant plus particulièrement à l’énergie ;

– Allistene autour de l’axe « information, communication et nanotechnologies ».

La cinquième Alliance (Athéna) est destinée aux sciences humaines et sociales qui ont été identifiées comme devant jouer un rôle majeur au sein des différents axes prioritaires.

Il semble que ce soit la dernière à être mise en place, on peut en effet souhaiter que les structures de coordination d’instituts mieux identifiés ne soient pas plus nombreuses que les organismes qu’elles ont vocation à coordonner.

Enfin, l’engagement de l’État dans le contrat d’objectifs 2009-2013 issu du plan stratégique « horizon 2020 » du CNRS se matérialise dans un budget que l’on ne peut pas examiner à la seule lumière des crédits inscrits en loi de finances mais également, comme pour l’ensemble de la mission dont le Centre est le principal opérateur, en prenant en compte les investissements d’avenir. Les crédits de paiement sont remarquablement stables : 2,504 milliards d’euros en 2010, 2,523 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011, mais cette stabilité apparente est due aux moyens supplémentaires dévolus aux grandes infrastructures de recherche, les dotations des autres actions connaissant des baisses sensibles. Le plafond d’emploi de l’opérateur, 28 740 ETP en 2010, 28 674 en 2011 est également constant.

III.- L’ACCÈS À LA SCIENCE, FACTEUR CLÉ DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET CULTUREL, MAIS AUSSI DE LA CITOYENNETÉ

A. CRÉER UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION THÉMATIQUE EXCLUSIVEMENT DÉDIÉE À LA SCIENCE

Un sondage international réalisé en ligne parmi les lecteurs de Scientific American et Nature vient d’être publié dans la revue « Pour la science » (édition française de Scientific American), il s’intitule : « Faites-vous confiance à la science ? ». La première question vise à mesurer le degré de confiance accordé à différents groupes de population, dont les scientifiques. Contre beaucoup d’idées reçues, il précède nettement pour ces derniers (3,98 sur 5) celui dont disposent, par ordre décroissant, les amis ou la famille, les organisations non gouvernementales, les associations, les journalistes, les entreprises, les représentants élus et les autorités religieuses (1,55 sur 5). Les scientifiques conservent donc la confiance de leur propre milieu ce qui ne peut que réjouir, mais ce même sondage laisse apparaître une petite majorité (plus nette en Chine et… en France) estimant que les scientifiques devraient prêter attention aux souhaits de la population, même s’ils pensent que les citoyens ont tort ou ne comprennent pas leurs travaux.

Cette nuance traduit un climat et un moment : de nombreux débats aujourd’hui, et c’est évidemment le cas au Parlement, portent sur des sujets scientifiques dont le moins que l’on puisse en dire est qu’ils sont appréciés de façon plutôt imprécise non seulement par les citoyens, mais parfois par le législateur lui-même, comme l’a montré de façon saisissante le débat sur les OGM. Il n’y a à cela rien d’étonnant, les générations du milieu du XXe siècle ont assisté à la naissance ou au développement de nouvelles théories scientifiques et de leurs applications et les ont accompagnées. Pour peu qu’elles l’aient voulu, elles pouvaient se donner les moyens d’en comprendre les grandes lignes. Mais il est aujourd’hui nécessaire de diffuser les notions que la revue « La recherche » présente assez justement dans une rubrique spéciale intitulée « back to basics », comme un retour aux fondamentaux. Un retour pour certains, mais surtout une présentation éclairée pour d’autres.

La question n’est certes pas neuve, comment éclairer le débat public, quel devrait être le rôle de l’école, des médias, etc. La question même des émissions scientifiques sur les chaînes de radio et de télévision tant publiques que privées est régulièrement posée. Force est de constater cependant qu’aucune réponse apportée n’est pour le moment satisfaisante.

S’agissant par exemple de la chaîne de télévision France 5, son cahier des charges la définit comme une chaîne du décryptage, du partage des savoirs et de la transmission des connaissances, ses programmes devant contribuer à la découverte et à la compréhension du monde, en s’attachant tout particulièrement aux registres des sciences et techniques, des sciences humaines, de l’environnement et du développement durable. Le caractère pour le moins exhaustif de cette énumération a-t-il nui à la vision d’ensemble ? Un mieux ennemi du bien ? La chaîne généraliste de la connaissance n’est en tout cas pas la chaîne des connaissances scientifiques et techniques.

La même question se pose en matière d’émissions scientifiques sur les chaînes généralistes. Ou leur caractère scientifique est très affirmé, et il rebute dans le cadre de détente attendu de ce type de média, ou il s’agit de divertissements et ils juxtaposent les thèses scientifiques les plus étayées et les déclarations les plus saugrenues ou les plus provocatrices des animateurs et des invités. L’accès aux connaissances scientifiques suppose un minimum d’attention et d’écoute que seule une chaîne thématique exclusivement consacrée aux sciences peut permettre.

Internet est à la fois trop précis et trop incertain, la transmission par le discours n’a, de plus, pas le même impact et la télévision reste une référence collective et ses émissions un cadre d’échanges. Alors que l’époque est aux bouquets de chaînes, au multimédia, le manque d’une chaîne de référence dans le domaine des sciences et des techniques est donc patent. Si la programmation et la ligne éditoriale restent à définir par des professionnels, cette chaîne devrait être scientifique mais généraliste, au même titre que les revues destinées au grand public dans ce domaine.

Rappelons l’apport et la source de vocations qu’a constitué la création du Palais de la découverte en 1937, pour beaucoup de jeunes, parisiens ou non. Ne peut-on mettre en place un véritable Palais de la découverte télévisé ? C’est à ce projet que commence à répondre « universcience.tv », mis en place au début de l’année, qui est la « webTV » scientifique hebdomadaire de « Universcience », l’établissement qui regroupe la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte, « universcience vod » étant la plate-forme vidéo de Universcience.

Mme Claudie Haigneré présentant en décembre dernier le nouvel établissement à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale soulignait : « J’ai très vite considéré le potentiel extraordinaire de ces deux maisons hors du commun, le Palais de la découverte, dont nous connaissons tous la merveilleuse façon de présenter les fondamentaux de la science, sans parler de la magie du lieu, et la Cité des sciences qui permet une approche plus contextualisée de la science dans la société d’aujourd’hui et qui comprend aussi la Cité des enfants, dès deux ans, et la Cité des métiers, un très beau lieu d’orientation professionnelle. »

Il est bien sûr souhaitable que cette web-tv devienne le canal scientifique de référence en France, mais pour cela il est indispensable de compléter l’offre de diffusion de programmes scientifiques par une chaîne de télévision. Les âges des populations comme les créneaux horaires visés par les deux supports sont différents. L’articulation entre les deux médias étant aujourd’hui bien rodée, il est maintenant nécessaire d’amplifier l’impact d’un site comme universcience.tv. Si l’on veut offrir toutes ses chances à la diffusion de la culture scientifique et technique, il convient de la doter du souffle et de la construction rhétorique d’une chaîne au service exclusif de la connaissance, dont le financement pourrait s’appuyer sur le mécénat.

Faut-il enfin rappeler que les enjeux suscités par la création de cette chaîne, s’insérant dans le cadre plus général d’une très nécessaire resensibilisation aux sciences, sont aujourd’hui fondamentaux : ainsi, entre 2000 et 2008 selon une enquête de l’Institut Necker, le nombre d’étudiants choisissant les filières scientifiques est passé de 185 000 à 150 000 (soit une baisse de 20 %), la filière biologie et géosciences passant quant à elle de 85 000 à 70 000 étudiants (en baisse de 18 %)… Le maintien de l’emploi scientifique dans un tel contexte risque paradoxalement d’être compromis, à terme, dans de nombreuses filières, non pas pour des raisons budgétaires mais par la simple diminution du vivier des candidats.

Il est possible d’y remédier. Il convient d’encourager, pendant la scolarité, l’observation, l’expérimentation, le questionnement et le doute, plutôt que les constructions abstraites, comme le suggère le Professeur Philippe Even, ou de poursuivre l’orientation tracée par l’opération « la main à la pâte » entreprise à l’initiative de Georges Charpak, conduisant à un plan de rénovation de l’enseignement des sciences et des technologies à l’école, puis au renouvellement en 2009 d’une convention cadre quadriennale entre l’Académie des sciences et les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche pour renforcer leur partenariat en faveur de l’éducation à la science et à la technique.

Or, dans ce cadre périscolaire également, le relais d’une chaîne de télévision thématique consacrée à la science est indispensable. Il est donc essentiel de s’y consacrer.

B. - LA RECHERCHE FRANÇAISE ET LES NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS DES RELATIONS INTERNATIONALES

La France tient, dans la coopération scientifique internationale, une place qu’il ne faut pas sous-estimer. Si l’Allemagne est connue, dans le domaine culturel, par ses instituts Goethe, ou l’Espagne par ses instituts Cervantès, et sans revenir sur le débat du début de l’année sur le nom des instituts culturels français à l’étranger, remarquons que notre image internationale, dans le domaine de la recherche, est due au CNRS, on l’a vu, mais aussi et traditionnellement, aux instituts Pasteur, en particulier en Europe orientale, en Afrique, en Asie du Sud-est et en Amérique latine, régions clés du combat économique en cours. N’est-il pas nécessaire, dès lors, de réfléchir aux moyens de la renforcer ?

1. L’Afrique : une ardente obligation

Notre place en Afrique est importante et précieuse, elle est due à l’histoire, à l’affection, à la langue. Dans le domaine des sciences du vivant et de la médecine, il est essentiel de redonner toute son ampleur à notre dispositif de coopération, avec, par et pour les Africains. Les applications sont immédiates. C’est le cas, par exemple, du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF) au Gabon. L’importance de ce centre en matière de recherche en virologie, en parasitologie ou en génétique, son rôle dans la formation de jeunes chercheurs africains mais aussi européens et américains, son soutien aux politiques de santé publique en font un de ces instruments phare d’une coopération exemplaire en Afrique, qu’il faut défendre.

En terme de formation, il est également essentiel que notre politique de visas ne s’oppose pas à l’accueil des étudiants et des chercheurs, et cela n’est pas vrai seulement pour l’Afrique : les nouvelles universités autonomes que nous voulons, nettement identifiées internationalement, doivent pouvoir s’ouvrir largement à l’étranger, mais aussi aux étrangers.

Si la multiplication des alliances thématiques, évoquée plus haut, serait dommageable, il est souhaitable, s’agissant de la coopération scientifique, que nos grands organismes de recherche s’insèrent davantage dans un cadre commun, au-delà des particularités et des cloisonnements liés au passé, et de l’existence d’instituts spécifiques nécessaires comme l’Institut de recherche pour le développement (IRD), issu lui-même de l’ORSTOM.

Ce devrait être le rôle de l’Agence inter-établissements de recherche pour le développement (AIRD), initialement créée en 2006 pour intensifier et coordonner la politique française d’aide, par la recherche, au développement des pays du Sud et adossée à l’IRD. L’article 4 du décret n° 2010-594 du 3 juin 2010 modifiant le décret n° 84-430 du 5 juin 1984 portant organisation et fonctionnement de l'Institut de recherche pour le développement en précise le fonctionnement.

Sa mission est d’amplifier l’effort de recherche national pour le développement en fédérant et mobilisant les équipes de l’ensemble des acteurs de la recherche française dont les universités représentées par la conférence des présidents d’université (CPU), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), le CNRS, l’INSERM, l’Institut Pasteur et bien sûr l’IRD, mutualisant des financements de diverses origines, française, européenne ou internationale. Un directeur général délégué vient d’être nommé.

Le nécessaire décloisonnement des compétences et des champs d’intervention des diverses institutions investies dans la coopération, que l’on peut attendre de l’action de cette nouvelle agence, semble encore discret. Il convient donc de la promouvoir.

2. La Chine et l’Inde, piliers de la nouvelle polarisation mondiale : transferts ou implantation et coproduction ?

La question se pose de façon assez différente avec un pays comme la Chine. En effet, bien plus que de coopération, il s’agit là, pour la France, plutôt de présence et de coproduction. Les moyens et la volonté y sont gigantesques, les enjeux aussi, dans le cadre de la véritable guerre économique qui caractérise la période actuelle des relations internationales.

La Chine effectue actuellement un bond spectaculaire en science et en recherche et connaît d’immenses développements, à la hauteur de la croissance de son PIB. Bientôt sur la Lune, les Chinois veulent être les premiers au niveau technologique en dépassant les Américains. De même, la médecine ne finit pas d’y faire des progrès. En outre, les présidents des universités veulent être en tête du classement académique des universités mondiales, le « classement de Shanghai » justement… On pourrait égrener dans tous les domaines de la connaissance les avances de la Chine.

Le nombre de publications chinoises est ainsi passé de 20 000 environ en 1998 à 112 000 en 2008. Encore située au 3e rang mondial en 2007 avec 7,8 % du total des publications mondiales, la Chine aurait maintenant dépassé le Japon, étant seulement devancée par les États-Unis.

Toutefois, si l’on considère le facteur d’impact des publications chinoises, qui mesure la qualité de la recherche, on constate que celui-ci s’établissait en 2007 à 0,58, la moyenne mondiale de référence étant fixée, rappelons-le, à 1, contre 0,44 en 2001 et 0,56 en 2004. La qualité de la recherche chinoise connaît donc, pour le moment, une progression plus lente que le nombre de ses publications.

La recherche chinoise devient particulièrement remarquable dans les domaines suivants : nanotechnologies, physique, chimie, astronomie, sciences de l’espace, science des matériaux, optique, mathématiques. Elle déploie des efforts importants pour rattraper son retard, en particulier en biotechnologies, en agronomie et en pharmacologie et se renforce également dans les sciences et des technologies de l'information et de la communication.

Face à ce basculement de l’axe du monde vers l’Asie, la Chine, donc mais aussi l’Inde, il est préoccupant d’observer notre bien trop faible présence. Ces pays sont témoins de développements scientifiques extrêmement rapides. Il nous faut absolument y prendre part, par la formation mais surtout par des échanges équilibrés et par la coproduction.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition en commission élargie de Mme Valérie Pécresse (1), ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2011 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » lors de sa séance du mardi 26 octobre 2010.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous devons maintenant nous prononcer, en donnant un avis, sur l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

J’ai retenu que nos rapporteurs pour avis donnent un avis favorable.

Conformément aux conclusions des rapporteurs pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Agence nationale de la recherche (ANR)Mme Jacqueline Lecourtier, directrice générale, et Mme Martine Latare, directrice générale adjointe

Ø Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller auprès du ministre, et M. Jacques Stern, conseiller auprès du ministre

Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) Pr. André Syrota, président-directeur général

Ø M. Philippe Even, professeur émérite, Université de Paris V René Descartes, président de l’Institut Necker

Ø M. Axel Kahn, président de l’Université de Paris V René Descartes et président de la commission recherche de la Conférence des présidents d’université (CPU)

Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Alain Fuchs, président

© Assemblée nationale

1 () Cf. compte-rendu de la commission élargie du 26 octobre 2010 :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2011/commissions_elargies/cr/c005.asp.