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N° 2862

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME II

DÉFENSE

ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

PAR M. Yves FROMION,

Député.

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Voir le numéro : 2857 (annexe n° 10).

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UN PROGRAMME CONTINUANT À FAIRE L’OBJET D’UN EFFORT SOUTENU 7

DEUXIÈME PARTIE : DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ANALYSE STRATÉGIQUE ET AU RENSEIGNEMENT PROGRESSANT FORTEMENT 11

A. L’ANALYSE STRATÉGIQUE : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN NETTE AUGMENTATION 11

B. LA PROSPECTIVE DES SYSTÈMES DE FORCES : UNE DOTATION EN LÉGÈRE DIMINUTION 13

C. LE RENSEIGNEMENT : UNE PRIORITÉ CONFORTÉE 16

TROISIÈME PARTIE : UNE POLITIQUE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE QUI NE CONNAÎT PAS L’AMPLEUR QU’ELLE DEVRAIT AVOIR 23

A. UN EFFORT À CONFIRMER ET À CLARIFIER 23

1. Les crédits du programme 144 en baisse légère 23

2. Un effort global de recherche difficile à apprécier 26

B. DES DÉFIS IMPORTANTS 30

1. Rester compétitif 30

2. La coopération européenne 33

3. Le développement de la recherche duale 36

4. L’accès aux PME 40

QUATRIÈME PARTIE : L’ESPACE, UNE POLITIQUE AMBITIEUSE QUI DOIT ÊTRE POURSUIVIE 43

A. UNE POLITIQUE LARGE ET DIVERSIFIÉE 43

B. UNE BAISSE DES CRÉDITS D’ÉTUDES AMONT COMPENSÉE PAR UNE FORTE HAUSSE DE L’EFFORT CONSACRÉ AUX DÉVELOPPEMENTS ET AUX FABRICATIONS 45

C. DES PRIORITÉS POUR 2011 DANS LE PROLONGEMENT DE CELLES DE 2010 46

D. UN SECTEUR QUI DOIT CONTINUER À FAIRE L’OBJET D’UNE ATTENTION PRIORITAIRE ET CONTINUE 48

1. Des lacunes dans certains domaines 48

2. Une concurrence accrue 48

3. La nécessaire coopération européenne 49

CINQUIÈME PARTIE : UN APPUI AUX EXPORTATIONS TOUJOURS FRUCTUEUX ET UNE DIPLOMATIE DE DÉFENSE CONTINUANT DE SE RÉFORMER 51

A. LE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS : DES RÉSULTATS RECORDS 51

B. LA DIPLOMATIE DE DÉFENSE : LA POURSUITE DE LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU 54

TRAVAUX DE LA COMMISSION 57

I —  AUDITION DE M. MICHEL MIRAILLET, DIRECTEUR CHARGÉ DES AFFAIRES STRATÉGIQUES AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 57

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS 74

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 79

INTRODUCTION

Le programme 144, relatif à l’environnement et à la prospective de la politique de défense, rassemble, selon la définition du projet annuel de performances (PAP), « l’ensemble des actions contribuant à éclairer le ministère de la défense sur son environnement présent et futur, dans le but d’élaborer et de conduire la politique de défense de la France. »

C’est dire son caractère stratégique. Placé justement sous la responsabilité du directeur chargé des affaires stratégiques du ministère, il couvre des domaines divers, aussi essentiels que l’analyse stratégique, la prospective, le renseignement, la recherche, le soutien aux exportations et la diplomatie de défense.

Avec un montant de 1,79 milliard d’euros de crédits de paiement (CP) prévus dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011, il regroupe, comme l’an dernier, 4,8 % des crédits de la mission « Défense ».

Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2010, ce montant traduit une augmentation de 12,2 millions d’euros, soit + 0,68 %, très proche de l’accroissement prévu pour l’ensemble des crédits de la mission (+ 0,74 %).

D’un montant de 1,84 milliard d’euros, les autorisations d’engagement (AE) proposées pour 2011 connaissent une plus forte augmentation, de 87,5 millions d’euros ou + 4,98 %, en cohérence avec l’évolution de l’ensemble des AE de la mission (+ 6,95 %).

Pour les mêmes raisons que l’an dernier, il a été décidé d’adjoindre à l’examen de ces crédits une analyse de ceux consacrés à l’espace. D’abord, du fait que le programme comporte une sous-action touchant aux études amont espace (sous-action 41). Deuxièmement, parce que la politique de l’espace participe largement à la préparation de l’avenir. Enfin, pour offrir une analyse synthétique de cette politique en matière militaire, dont les actions sont réparties entre plusieurs programmes (programmes 144, 146 – relatif à l’équipement des forces – et 191 – concernant la recherche duale).

Le rapporteur a par ailleurs souhaité focaliser plus particulièrement son attention sur la recherche, qui mobilise la majorité des crédits du programme et constitue un enjeu stratégique et économique déterminant pour l’avenir de notre pays.

Dans l’ensemble, l’examen du budget proposé pour 2011 conduit à cinq constats principaux :

– dans un contexte budgétaire contraint, le programme continue de faire l’objet d’un effort soutenu ;

– les crédits relatifs à l’analyse stratégique et au renseignement progressent fortement ;

– la politique en faveur de la recherche ne connaît pas l’ampleur qu’elle devrait avoir ;

– l’action ambitieuse lancée en matière d’espace doit être poursuivie ;

– l’appui aux exportations continue de porter ses fruits et la diplomatie de défense de se réformer.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées avant le 17 septembre 2010 pour lui laisser le temps nécessaire à la préparation de son rapport. À cette date, seules 6 réponses sur 36 avaient été reçues, ce qu’il ne peut, cette année encore, que déplorer.

Au 10 octobre 2010, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l’ensemble des réponses lui était parvenu.

Par ailleurs, 22 réponses sur 36 sont classifiées, soit 61 % de l’ensemble. S’il est effectivement souhaitable, dans l’intérêt de notre défense, que certaines informations restent confidentielles, une telle proportion est excessive et prive la représentation nationale et le public de beaucoup d’informations utiles. Le plus souvent, une réponse n’est classifiée que pour une petite partie des éléments qu’elle contient. Il est donc demandé au ministère de la défense de transmettre à l’avenir le maximum de réponses sous une forme déclassifiée, quitte à communiquer, pour celles qui le justifient, un complément classifié.

PREMIÈRE PARTIE : UN PROGRAMME CONTINUANT À FAIRE L’OBJET D’UN EFFORT SOUTENU

La composition du programme 144 demeure globalement inchangée par rapport à l’an dernier. Il comporte toujours six actions, dont l’importance respective, en volume de crédits de paiement, reste similaire.

L’action 4 (maîtrise des capacités technologiques et industrielles) tient toujours le premier rang avec 56,6 % des crédits, devant l’action 3 (recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France), avec 34,6 %, et l’action 6 (diplomatie de défense) (5,6 %). Puis viennent l’action 2 (prospective des systèmes de forces) (1,8 %), l’action 5 (soutien aux exportations) (1,1 %) et l’action 1 (analyse stratégique) (0,3 %).

Répartition par action des crédits de paiement demandés pour 2011

Source : PLF 2011, projet annuel de performances, mission « Défense ».

L’augmentation de 0,68 % (+ 12,2 millions d’euros) des crédits de paiement témoigne de l’effort fait en la matière, dans un contexte de gel des dépenses de l’État.

Cette augmentation profite pour l’essentiel, comme l’an dernier, à l’action 3 et, en son sein, la sous-action 31 consacrée au renseignement extérieur (+ 32 millions d’euros). Elle est partiellement compensée par la baisse de 14 millions d’euros de l’action 4 (– 1,4 %) et de 2,1 millions de l’action 6 (- 2,05 %). Les actions 1 et 5 donnent lieu à une augmentation faible en valeur (+ 0,4 million chacune), mais sensible en proportion (respectivement + 9,6 % et + 2 %).

Évolution des crédits du programme 144

(en millions d’euros)

Action

AE

CP

Évolution en %

 

LFI 2010

PLF 2011

LFI 2010

PLF 2011

AE

CP

01 Analyse stratégique

5,692

4,532

4,131

4,529

- 20,37 %

9,64 %

02 Prospective des systèmes de forces

34,899

33,623

34,189

33,523

- 3,65 %

- 1,65 %

03 Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

573,137

637,493

624,027

652,054

11,22 %

4,49 %

 

Sous- action 31 DGSE

476,524

543,530

527,414

558,964

14,06 %

5,98 %

Sous- action 32 DPSD

96,613

93,963

96,613

93,090

- 2,74 %

- 3,65 %

04 Maintien des capacités technologiques et industrielles

1 015,949

1 043,437

995,585

981,649

2,70 %

- 1,40 %

 

Sous- action 41 Études amont

24,200

707,872

54,200

646,084

5,40 %

- 0,86 %

Sous- action 42 Études amont nucléaire

100,500

 

94,400

 

 

 

Sous- action 43 Études amont autres

547,373

 

503,109

 

 

 

Sous- action 44 Soutien et autres études

343,876

335,565

343,876

335,565

- 2,42 %

- 2,42 %

05 Soutien aux exportations

19,745

20,141

19,745

20,141

2,00 %

2,00 %

06 Diplomatie de défense

104,988

102,706

102,730

100,617

- 2,17 %

- 2,05 %

Total programme 144

1 754,41

1 841,93

1 780,40

1 792,61

4,98 %

0,68 %

NB : dans le cadre du PLF 2011, les sous-actions 41 (études amont espace), 42 (études amont nucléaire) et 43 (études amont autres) ont été fusionnées en une unique sous-action 41 intitulée « Études amont » ; pour ce qui concerne la sous-action 44, son libellé est désormais « Soutien et subventions ».

Source : documents budgétaires.

L’accroissement des autorisations d’engagement (+ 87,5 millions d’euros) est principalement imputé sur deux actions : la recherche et l’exploitation du renseignement (action 3), qui gagne 64,4 millions d’euros, et la maîtrise des capacités technologiques (action 4), abondée de 27,5 millions d’euros supplémentaires.

L’examen par type de dépense montre que ce sont les dépenses de personnel qui bénéficient essentiellement de l’augmentation des crédits de paiement.

D’un montant prévu de 569,1 millions d’euros, elles s’accroissent en effet de 27,5 millions, soit + 5,1 %. Cet accroissement résulte principalement de mesures catégorielles (14,4 millions) (1) et des créations d’emplois (10,7 millions).

115 créations nettes d’emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) sont prévues pour 2011, résultant de 165 créations et 50 réductions d’emplois.

Le plafond d’emplois autorisés du programme 144 s’élève pour 2011 à 8 673 ETPT (4 221 civils et 4 452 militaires), soit + 12 ETPT par rapport à 2010. Cette évolution tient compte de plusieurs facteurs :

– la création de 157,5 ETPT au titre de la fonction « Connaissance et anticipation » à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dont 75 ETPT au titre des extensions en année pleine des créations de 2010 et 82,5 ETPT au titre des créations d’emploi de 2011 ;

– la réduction de 70 ETPT découlant de l’extension en année pleine de la déflation intervenue en 2010 ainsi que des suppressions d’emplois réalisées dans le cadre du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux pour le personnel civil et de la réforme globale du ministère de la défense ;

– les transferts à destination ou en provenance d’autres programmes de la mission « Défense » pour un solde négatif de 51 ETPT (essentiellement lié à un transfert au profit du programme 146 (équipement des forces) dans le cadre du renforcement des synergies dans les métiers du soutien de la direction générale de l’armement (DGA));

– les transferts de 25 ETPT au profit de programmes extérieurs au ministère de la défense, relevant notamment des services du Premier ministre (transfert de 4 ETP au titre de la création de l’académie du renseignement) ainsi que du ministère des affaires étrangères et européennes (transfert de 20 ETPT au titre de la mise en place des centres communs de gestion dans les ambassades).

Les crédits de fonctionnement (un peu plus d’1 milliard d’euros) augmentent de 5,1 millions d’euros, soit + 0,5 %.

Il en est de même des crédits d’intervention (55,5 millions d’euros), qui s’accroissent de 3,1 millions, soit + 5,9 %.

En revanche, les crédits d’investissement (157,6 millions d’euros) connaissent une forte baisse, de 23,4 millions d’euros, soit – 12,9 %, essentiellement imputée sur l’action 3.

DEUXIÈME PARTIE : DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ANALYSE STRATÉGIQUE ET AU RENSEIGNEMENT
PROGRESSANT FORTEMENT

L’action relative à l’analyse stratégique connaît une nette augmentation des crédits de paiement, compensée par la baisse légère de ceux de l’action touchant à la prospective des systèmes de forces. Le montant dévolu au renseignement (action 3) continue de bénéficier d’un accroissement substantiel.

A. L’ANALYSE STRATÉGIQUE : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN NETTE AUGMENTATION

L’action 1, relative à l’analyse stratégique, dispose de 4,53 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2011, contre 4,13 millions en 2010, soit une augmentation de 9,6 % par rapport à l’an dernier. Les autorisations d’engagement prévues sont d’un montant équivalent.

Cette action a trois objets :

– les études prospectives et stratégiques (EPS). Pilotées par la délégation aux affaires stratégiques (DAS), elles fournissent une analyse des situations géopolitiques pouvant avoir un impact sur les intérêts de la France ou de ses alliés. Confiées à des instituts de recherche ou des consultants français et européens, elles visent aussi à assurer le maintien d’une expertise extérieure de défense « afin d’enrichir la vision politique ou administrative tout en contribuant au rayonnement de la pensée stratégique nationale et européenne ». Avec 4,18 millions d’euros de crédits de paiement pour 2011 (contre 3,53 millions en 2010), elles progressent nettement et absorbent l’essentiel du budget de l’action ;

– les subventions aux publications de recherche stratégique, constituées de projets de recherche élaborés par des instituts français. Ces subventions visent à renforcer le rayonnement de la pensée stratégique nationale (200 000 euros) ;

– le programme « Personnalités d’avenir défense » (PAD), qui tend à sensibiliser les futures élites étrangères aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et à nouer des contacts entre ces jeunes cadres et les correspondants français ayant les mêmes centres d’intérêt (150 000 euros contre 400 000 euros en 2010).

Pour les EPS, un travail préparatoire est réalisé chaque année par le comité de coordination des études prospectives (CCEP), qui réunit l’ensemble des commanditaires du ministère de la défense. Il collationne l’expression des besoins des différents services et s’assure de leur cohérence vis-à-vis des directives et priorités ministérielles, afin d’élaborer le catalogue programmatique de l’année à venir. Les critères de sélection sont fondés sur la qualité technique du projet, la crédibilité de l’équipe de recherche qui le porte et les conditions financières.

Le ministère indique que la réforme de l’évaluation des études entreprises en 2006 est aujourd’hui consolidée dans ses procédures, ses méthodes et ses ambitions. Il constate une meilleure adéquation entre le besoin exprimé par l’administration et les études délivrées, en se fondant notamment sur trois critères :

– l’identification d’axes d’effort annuels, cohérents avec les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ;

– la rationalisation et la hiérarchisation des besoins exprimés par les organismes (202 études proposées en 2006, 72 en 2009 et 81 en 2010) ;

– le renforcement des synergies entre les organismes du ministère lorsque ces derniers explorent des problématiques similaires ou voisines, auxquelles s’ajoute une consultation de la direction de la prospective du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE).

Chaque étude réalisée fait ensuite l’objet d’une évaluation par son pilote, qui porte sur la qualité scientifique et son exploitation potentielle, pouvant entraîner, le cas échéant, un refus ou une réduction du défraiement. La diffusion des travaux réalisés s’effectue en fonction de la nature du sujet et de l’intérêt de l’étude.

Cette action ne donne toujours lieu qu’à un indicateur de performance, qui est le taux de coopération européenne des études prospectives et stratégiques. Cela reste insuffisant, d’autant que ce taux ne permet pas d’apprécier la qualité des études. L’opportunité de la cible retenue est par ailleurs discutable. La prévision pour 2010 est de 33 %, celle de 2011 de 35 %, et la cible visée pour 2013 de 39 %.

Le rapporteur a donc demandé, une nouvelle fois, au ministère un bilan coût/avantages des études menées au cours des trois dernières années. La réponse, la même que l’an dernier, n’est guère satisfaisante : « En matière de recherche stratégique, le retour sur investissement est difficilement quantifiable. Par définition, les résultats des EPS sont des réflexions, des concepts ou des analyses prospectives. Sur 300 études conduites au cours des trois dernières années, la plupart ont bénéficié aux experts de l’administration qui les exploitent dans leur travail quotidien, souvent comme « capteurs » des tendances stratégiques. ».

La même conclusion s’impose : l’apport de ces études reste à évaluer, en particulier leur capacité à atteindre l’objectif demandé, à procurer des informations nouvelles, leur utilité au regard des préconisations du Livre blanc ou de la loi de programmation militaire (LPM), ou bien leur prise en compte dans le processus de décision.

En outre, aucun bilan des actions menées en vue d’assurer une meilleure diffusion des études n’a été communiqué. Il serait souhaitable que le ministère indique au moins la liste des études publiées ainsi que la revue correspondante et la date de publication.

B. LA PROSPECTIVE DES SYSTÈMES DE FORCES : UNE DOTATION EN LÉGÈRE DIMINUTION

L’action 2, consacrée à la prospective des systèmes de forces, dispose pour 2011 d’un montant de 33,5 millions d’euros de crédits de paiement, contre 34,2 millions en 2010, soit une baisse de 0,7 million d’euros ou – 1,65 %, essentiellement due à des mesures de transfert. Les autorisations d’engagement passent de 34,9 millions d’euros en 2010 à 33,6 millions en 2011, soit – 1,3 million ou – 3,65 %.

Cette action finance, outre les crédits de personnel, trois types de prestations :

– le fonctionnement de la DGA (service d’architecture des systèmes de forces (SASF) et centre d’analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD)) (680 000 euros) ;

– des dépenses d’intervention, notamment la subvention à l’agence européenne de défense (AED) (4,2 millions d’euros) ;

– des études à caractère opérationnel et technico-opérationnel (EOTO) pilotées par l’état-major des armées (16,7 millions d’euros) (2). Ces études « éclairent, d’un point de vue opérationnel et technique, les choix en matière d’équipement ou d’emploi ». Elles s’inscrivent dans le cadre du plan prospectif à 30 ans (PP30).

Parmi ces études, 4,9 millions d’euros sont consacrés au commandement et à la maîtrise de l’information, 4,6 millions à l’engagement et au combat, 4,9 millions à la protection et à la sauvegarde et 1,8 million à la projection, à la mobilité et au soutien. Malheureusement, le PAP n’identifie pas clairement la part des EOTO nucléaires, qui donnent lieu à un agrégat global avec les études amont dans ce domaine. Cette lacune devra être comblée dès le prochain PAP.

Deux points méritent d’être soulignés : l’actualisation du PP30 et les travaux conduits sous l’égide de l’AED.

Le PP30, dont la dernière édition date de 2009, sera désormais mis à jour selon un rythme triennal, permettant le développement d’études prospectives plus approfondies avec des ajustements annuels en cas de nécessité.

Le travail sur le PP30 mené entre septembre 2009 et juin 2010 a porté sur les cinq aspects suivants :

– la mise en ligne, fin 2009, de versions « wiki » sur l’intranet de la DGA (TOTEM) et sur le portail Internet de l’armement (IXARM), construites à partir de la version « partenaires » (non classifiée) du PP30 ;

– l’exploitation des commentaires des lecteurs ;

– le lancement d’une étude prospective sur des facteurs identifiés comme critiques pour les équipements de défense : maîtrise de la complexité et de l’innovation, coûts et cycle de vie ;

– le lancement d’une étude d’actualisation de l’analyse de la menace ;

– la réalisation d’une version en anglais à destination des principaux partenaires internationaux.

La mise en ligne du PP30 sur le site Internet www.ixarm.com a inauguré une « nouvelle ère participative » pour sa rédaction et entend traduire son caractère permanent et interactif. La dernière édition prend ainsi en considération les évolutions récentes du « contexte » de la défense. De nouveaux thèmes ont également vu le jour, tels que le développement durable, le combattant et son environnement, la formation-entraînement, les matières premières et l’environnement géophysique.

Le programme de travail de l’année 2011 sera finalisé au cours de l’automne 2010. Les « axes d’effort » envisagés sont les suivants :

– le renforcement de la lisibilité du PP30, en distinguant plus nettement les éléments prospectifs des options stratégiques, ainsi que celui de la vision à moyen terme ;

– les options technologiques et capacitaires pour la France dans le contexte d’évolution de l’OTAN ;

– la poursuite de l’étude complexité – innovation – coûts – cycle de vie ;

– la poursuite des travaux d’analyse de la menace.

Depuis 2009, le PP30 s’adosse, à juste titre, sur la prospective géostratégique et géopolitique du rapport triennal (PGG30), mandaté par le ministre auprès de la délégation aux affaires stratégiques. Ce dernier constitue une analyse pluridisciplinaire à l’horizon de trente ans des tendances globales d’évolution du contexte stratégique, de la nature et de l’intensité des risques et des menaces, et de l’évolution des équilibres géopolitiques mondiaux.

L’objectif de 2011 est de renforcer la cohérence et les synergies entre les prospectives géostratégiques, technologiques et opérationnelles conduites au sein du ministère de la défense.

L’AED a continué ses travaux dans chacune de ses branches d’activité :

– dans le domaine du développement capacitaire, elle a adopté le 8 juillet 2008, dans la droite ligne de la vision à long terme (LTV), un plan de développement des capacités (Capability Development Plan – CDP). Celui-ci identifie les priorités par rapport aux objectifs fixés (Headline Goal 2010), prend en compte le retour d’expérience des opérations en cours et analyse les tendances de coopération pour répondre aux besoins. Plusieurs priorités ont été identifiées : le partage d’informations, les systèmes de lutte contre les missiles à courte portée lancés du sol par un tireur isolé et les moyens de lutte contre les engins explosifs improvisés ;

– au sujet de la coopération européenne en matière d’armement, en application de la stratégie d’armement approuvée par les États membres en 2008, cinq préprogrammes ont été engagés au sein de l’agence : les programmes MMCM (maritime mine counter-measures/contre-mesures en matière de mines marines), FUAS (future unmanned aerial system/futur système aérien automatique), BIO (DIM) EDEP (biological [detection identification monitoring] equipment development & enhancement programme/développement et valorisation de l’équipement biologique), AEJPT (advanced european jet pilot training system/système d’entraînement européen avancé de pilotage d’avion) et FTH (future transport helicopter/futur hélicoptère de transport). En mars 2009, l’AED s’est également vue confier un rôle dans le cadre du programme de futur système d’observation satellitaire MUSIS, pour certains travaux, notamment la recherche de nouveaux partenaires – qui pourrait déboucher sur l’entrée de la Suède et de la Pologne dans le projet ;

– en matière de recherche et technologie (R&T), l’agence gère des contrats de recherche de défense en coopération (environ 100 millions d’euros par an). En 2008, son comité directeur a adopté une stratégie européenne de R&T qui doit servir de référence commune, de guide et d’objectifs de convergence. L’AED a engagé au cours des trois dernières années quatre projets auxquels la France participe : les concepts innovants et technologies innovantes (16 millions d’euros) ; le système d’anti-collision entre aéronefs (61 millions d’euros) ; des études sur des systèmes radars embarqués, multifonctions, compacts et légers (21 millions d’euros) ; une étude sur l’interopérabilité des systèmes dédiés à la protection de camps (8 millions d’euros) ;

– concernant l’industrie et les marchés, l’agence œuvre à la création d’un marché européen des équipements de défense plus compétitif et au renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Elle veille à l’application du code de conduite sur les achats de défense et à la mise en œuvre du code de bonne pratique traitant des chaînes de sous-traitance, en vigueur depuis 2007. Par ailleurs, elle a lancé des travaux dans le domaine de la sécurité d’approvisionnement et du Level Playing Field, initiative promouvant l’ouverture des marchés de défense et la mise en concurrence « non faussée ». Elle élabore en outre des propositions de mesures destinées à favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés d’armement européens.

L’action 2 fait l’objet d’un indicateur de performance : le taux de coopération européenne des études opérationnelles et technico-opérationnelles. Comme le rapporteur l’a déjà souligné dans son précédent avis (3), cet indicateur est à l’évidence insuffisant pour évaluer l’efficacité de l’action conduite en matière de prospective des systèmes de forces. Une réflexion sur la définition de nouveaux indicateurs s’impose. Il convient que le ministère propose de nouveaux indicateurs dès le prochain projet de loi de finances.

Le taux prévu pour 2010 et 2011 est de 10 %, de même que la cible visée en 2013. Le ministère considère en effet que deux tiers des études portent sur des domaines spécifiques ou sensibles qui ne peuvent être traités en coopération, notamment les systèmes de souveraineté nationale (dissuasion, renseignement, sécurité des informations…). Il estime, dans ces conditions, que le taux de 10 % retenu, correspondant à un tiers des études susceptibles d’être ouvertes à la coopération, est à la fois significatif et réaliste.

Pour ce qui est de l’AED, la réalisation d’une évaluation fine de son action et de ses perspectives d’évolution serait souhaitable. Elle pourrait être commandée par les États contributeurs à un organisme extérieur indépendant.

C. LE RENSEIGNEMENT : UNE PRIORITÉ CONFORTÉE

L’effort engagé en faveur du renseignement se poursuit, conformément aux préconisations du Livre blanc et de la LPM, rappelées par le rapporteur dans son précédent avis (4).

En effet, après une augmentation de 23,3 % des autorisations d’engagement et de 8,1 % des crédits de paiement de l’action 3 du programme 144 en 2009, les crédits de paiement autorisés ont progressé de 8,1 % en 2010 et ceux prévus pour 2011 de 28 millions d’euros, soit + 4,49 %.

Évolution des crédits consacrés au renseignement

(en millions d’euros)

Programme 144

AE

CP

LFI 2010

PLF 2011

Évolution (en %)

LFI 2010

PLF 2011

Évolution (en %)

 

Sous-action 31 – Renseignement extérieur

476,524

543,530

14,06 %

527,414

558,964

5,98 %

 

Titre 2 dépenses de personnel

308,819

344,623

11,59 %

308,819

344,623

11,59 %

Titre 3 dépenses de fonctionnement

41,875

61,071

45,86 %

41,875

61,071

45,86 %

Titre 5 dépenses d’investissement

125,830

137,836

9,54 %

176,720

153,270

- 13,27 %

Sous-action 32 – Renseignement
de sécurité de défense

96,614

93,963

- 2,74 %

96,614

93,090

- 3,65 %

 

Titre 2 dépenses de personnel

84,247

81,587

- 3,16 %

84,247

81,587

- 3,16 %

Titre 3 dépenses de fonctionnement

8,067

7,882

- 2,29 %

8,067

7,179

- 11,01 %

Titre 5 dépenses d’investissement

4,300

4,494

4,51 %

4,300

4,324

0,56 %

Total programme 144

573,13

637,49

11,23 %

624,02

652,05

4,49 %

Source : documents budgétaires.

On voit que cette augmentation profite, comme en 2010, exclusivement à la sous-action 31 (renseignement extérieur), c’est-à-dire à la DGSE, qui dispose de près de 559 millions d’euros (+ 6 %). Les crédits consacrés à la sous-action 32 (renseignement de sécurité de défense), finançant la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) – chargée essentiellement de la sécurité du personnel, des informations et des matériels des installations sensibles – baissent légèrement, de 3,5 millions, soit – 3,6 %.

Les autorisations d’engagement augmentent plus fortement, avec 637,5 millions d’euros, soit + 11,2 %. Cet accroissement bénéficie, là encore, uniquement à la DGSE (+ 14 %), alors que la DPSD voit ses crédits un peu diminuer (– 2,7 %).

Mais l’on ne peut apprécier l’effort budgétaire global en faveur du renseignement sans tenir compte des crédits de la sous-action 11 (renseignement d’intérêt militaire) du programme 178 (préparation et emploi des forces) de la mission « Défense », consacrée au financement de la direction du renseignement militaire (DRM). D’un montant de 156,4 millions d’euros, les crédits de paiement de cette direction sont quasiment stables (+ 0,24 million d’euros ou + 0,15 %), tandis que les autorisations d’engagement, d’un montant identique, progressent légèrement, de 2,1 millions, soit + 1,4 %.

Concernant la DGSE, les crédits de paiement supplémentaires dont elle bénéficie résultent pour l’essentiel de l’accroissement des dépenses de personnel (+ 35,7 millions d’euros), qui serviront, cette année encore, à renforcer son potentiel humain (4 759 ETPT, soit + 158 par rapport à 2010). On observe par ailleurs que les dépenses de fonctionnement augmentent de 19,2 millions (+ 45,9 %), en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Cette augmentation s’explique à la fois par la poursuite de la politique d’amélioration de la qualité du système comptable et par la prise en compte de l’accroissement des frais de télécommunications et d’électricité de projets interministériels. Par ailleurs, la DGSE poursuit la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement ; ces efforts sont toutefois atténués par l’augmentation des effectifs, qui engendre mécaniquement une hausse des dépenses de fonctionnement afférentes (surfaces d’accueil, entretien, formation, recrutement).

Les autorisations d’engagement prévues pour les dépenses d’investissement s’accroissent de 12 millions d’euros, soit + 9,5 %, pour permettre la construction, la modernisation et l’adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l’information. En revanche, les crédits de paiement correspondants diminuent de 23,4 millions d’euros, soit – 13,3 %. Mais le ministère précise que cette baisse n’est qu’apparente dans la mesure où elle est compensée par des financements extérieurs de l’ordre de 54,5 millions d’euros dans le cadre de deux grands projets interministériels, dont le contenu ne peut être rendu public.

La DPSD connaît à nouveau une diminution de ses effectifs (1 224 ETPT contre 1 260 en 2010), conformément à l’objectif de réduction à 1 130 ETPT prévu pour 2014 dans le cadre de la rationalisation des services de renseignement.

Les effectifs de la DRM prévus pour 2011 sont de 1 614 ETPT, dont 290 civils, soit une diminution de 19 ETPT, due au transfert de 17 personnes à la DIRISI (direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense) et de 2 personnes à l’académie du renseignement. La direction poursuivra en 2011 la rationalisation de son organisation selon trois orientations principales : l’adaptation du dispositif des détachements avancés des transmissions, la mutualisation des sites de recueil du renseignement et la participation à l’académie du renseignement.

Les quatre indicateurs de performance associés aux actions de renseignement affichent toujours des tendances prévisionnelles plutôt positives.

Ainsi, le taux de « réalisation de la montée en puissance de la fonction connaissance et anticipation » – qui mesure l’accroissement des effectifs de la DGSE par rapport aux objectifs du Livre blanc et de la LPM – s’élèverait, selon les prévisions, à 66 % en 2011, contre 42 % en 2010 et 20 % en 2009.

Cependant, le taux d’avis émis par la DPSD dans les délais prescrits en matière d’habilitations, qui était de 97 % en 2009, redescendrait à 94 % en 2010 puis à 88 % en 2011. Quant au taux des sites du domaine militaire et des sites industriels et économiques liés à la défense inspectés par la DPSD dans les délais prescrits, il passerait de 67 % en 2009 à 59 % en 2010, pour remonter à 72 % en 2011.

Enfin, le taux de satisfaction du besoin de renseignement militaire dans les délais (capacité de la DRM à satisfaire ses « clients » à temps), qui était de 71 % en 2009, resterait à ce niveau en 2010 et 2011, avec une cible visée en 2013 de 90 %. Un tel taux avait déjà été prévu pour 2010 : le fait qu’il n’ait pu être atteint s’explique par l’augmentation sensible du nombre des demandes liées aux opérations, qui appelle une réponse très rapide.

Ces indicateurs sont manifestement trop partiels pour évaluer l’efficacité de la politique des services de renseignement.

Les informations communiquées par le ministère au rapporteur – dont la plupart sont classifiées et ne peuvent être reproduites ici – attestent cependant que la réforme engagée se poursuit dans la bonne direction, conformément aux orientations du Livre blanc et de la LPM.

Ainsi, plusieurs mesures ont été prises en 2010 :

– le projet de plan national d’orientation du renseignement, objet de plusieurs réunions sous la présidence du chef de l’État en 2009, a été finalisé et diffusé en février dernier. Il définit les domaines d’action et les priorités assignés à la communauté française du renseignement, précise les compétences des services concernés ainsi que les services pilotes selon les sujets. Il donne les orientations en matière de ressources humaines, de budget, d’investissement et de partenariats internationaux. Ce document, sans précédent, constitue le cadre stratégique dans lequel opèrent les services de renseignement français. Il fera l’objet d’une actualisation annuelle ;

– le coordonnateur national du renseignement a, au cours de l’année 2010, réuni régulièrement les chefs des services de renseignement pour aborder les questions d’intérêt général et traiter de sujets opérationnels, organisationnels ou fonctionnels. Ainsi, la prise en compte de la menace terroriste, les coopérations internationales (bilatérales ou multilatérales) entre services français et étrangers, la mise en place d’une académie du renseignement (créée par décret du 13 juillet 2010 et mise en œuvre à partir de septembre avec une première session), les stratégies particulières en matière d’investissement (recrutement et formation du personnel, organisation interne), le renforcement de la protection du secret de la défense nationale ainsi que les systèmes d’information des services ont fait l’objet de travaux partagés et coordonnés ;

– la mutualisation des moyens techniques s’est poursuivie. La coopération bilatérale entre services s’est traduite par la tenue régulière de réunions de travail, l’échange d’officiers de liaison entre la DGSE et la DCRI, l’accroissement du partage de renseignements bruts et le montage d’actions conjointes. La recherche d’une meilleure complémentarité entre la DGSE et la DRM sur les théâtres d’opérations extérieures et le développement d’un partenariat entre la DGSE d’une part, et la cellule de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN) et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) d’autre part, méritent aussi d’être soulignés ;

– la coopération avec les alliés européens et l’OTAN s’est aussi poursuivie afin d’intensifier les échanges d’informations et d’évaluations de menaces sur les théâtres d’opérations (Afghanistan, Kosovo, Liban...). Parallèlement, l’ouverture de postes depuis 2009 pour des représentants français, affectés au sein des structures de l’OTAN, a permis d’accroître cette coopération ainsi que les mesures de protection et de sécurité appliquées par la France. Au-delà, les services français (DGSE, DPSD, DCRI) participent aux travaux sur la réforme du renseignement de l’OTAN. Un nouveau comité, le CIC (« civilian intelligence committee ») vient d’être créé pour enrichir les structures de l’Alliance par du renseignement stratégique d’intérêt civil.

Pour 2011, les efforts engagés seront poursuivis selon trois orientations : la mutualisation de tous les moyens et l’utilisation par tous les services des moyens techniques interministériels confiés à la DGSE ; l’élargissement de la coopération entre la DGSE et la DCRI à tous les domaines d’intérêt commun ; et une meilleure coordination et optimisation des relations que les services français entretiennent avec les services étrangers.

Au cours des trois années à venir, le Gouvernement cherchera à accroître l’efficience de la politique du renseignement par deux moyens : un renforcement des capacités de planification et d’analyse stratégique au sein de l’ensemble des services et des réorganisations qui, si nécessaire, toucheront à leur maillage territorial.

Si une évaluation publique de la politique conduite en matière de renseignement paraît difficile, pour ne pas dire utopique, compte tenu du caractère nécessairement confidentiel des informations traitées, il convient de souligner le rôle nouveau joué depuis trois ans par la délégation parlementaire au renseignement, qui opère un suivi régulier de l’action des services et a la faculté, lorsqu’elle le souhaite, d’adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre.

Le rapporteur ne peut cependant conclure le chapitre sur le renseignement sans exprimer la perplexité qu’inspire la prise d’otages sur le site AREVA d’Arlit (Niger), imputée à l’organisation AQMI.

Comment un tel site, bien qu’installé sur un territoire étranger, ne bénéficie-t-il pas de mesures de sûreté plus efficaces ? Pourquoi nos services n’ont-ils pas procédé aux évaluations de menaces sur ce site situé en pleine zone d’instabilité ? Les prises d’otages qui se succèdent pèsent lourdement sur le fonctionnement de nos services : a-t-on développé la politique de prévention et de précaution qui s’impose ?

La recherche des otages implique la disposition de moyens d’observation et d’écoute électromagnétique. Notre dispositif satellitaire, en dépit de ses performances, n’est pas suffisant. Cette situation fait donc apparaître à nouveau l’intérêt pour notre pays de disposer de drones HALE (de haute altitude), permettant de combler par la permanence sur zone les lacunes satellitaires. La situation au Niger se retrouve ou peut se retrouver ailleurs. Il convient d’être attentif à cette problématique.

TROISIÈME PARTIE : UNE POLITIQUE EN FAVEUR
DE LA RECHERCHE QUI NE CONNAÎT PAS L’AMPLEUR
QU’ELLE DEVRAIT AVOIR

Les crédits relatifs à la recherche de défense sont regroupés au sein du programme 144, mais aussi d’autres programmes internes ou non à la mission « Défense ». L’examen du premier comme des seconds conduit au même constat : l’effort en faveur de la recherche doit être à la fois confirmé et clarifié. D’autant que la politique conduite en la matière est confrontée à des défis importants.

A. UN EFFORT À CONFIRMER ET À CLARIFIER

1. Les crédits du programme 144 en baisse légère

Les crédits du programme 144 sont regroupés dans l’action 4 (maîtrise des capacités technologiques et industrielles), qui absorbe plus de la moitié de son budget.

D’un montant de 981,6 millions d’euros prévus pour 2011, les crédits de paiement sont en baisse de 1,4 % par rapport à 2010 (- 14 millions d’euros), après une diminution de 0,4 % l’an dernier. Cette baisse touche en premier lieu la sous-action 41, relative aux études amont, dont le montant (646,1 millions d’euros) traduit une réduction de 5,6 millions, soit – 0,86 %. Le ministère la justifie par la priorité accordée aux études amont « classiques » et « nucléaire », « en l’absence de projet majeur, à proche échéance sur les études amont « espace » ». La baisse affecte également la seconde sous-action (n° 44), concernant le soutien et les subventions, qui est dotée de 335,6 millions d’euros pour 2011, soit une diminution de 8,2 millions ou – 2,4 % par rapport à l’année précédente, liée à la baisse de la subvention aux opérateurs, à la réduction des dépenses de leur fonctionnement courant et au non remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Les autorisations d’engagement de l’action 4, qui s’élèvent à 1 043,4 millions d’euros, progressent au contraire de 27,4 millions d’euros (+ 2,7 %). Celles consacrées aux études amont (sous-action 41) s’accroissent de 36,3 millions d’euros, soit + 5,4 %, pour atteindre 707,9 millions d’euros. Cette augmentation traduit, selon le ministère, la volonté de maintenir la crédibilité de la dissuasion, priorité du Livre blanc. En revanche, celles relatives au soutien et subventions (sous-action 41) sont fixées, comme les crédits de paiement, à 335,6 millions d’euros et baissent dans des proportions identiques par rapport à 2010 (- 2,4 %), pour les mêmes raisons.

La fusion des sous-actions 41 (études amont espace), 42 (études amont nucléaire) et 43 (études amont autres) en une seule sous-action 41 intitulée « études amont » ne permet pas d’identifier la part de chacun des principaux domaines de ces études. Cette mesure est regrettable, car elle limite l’information du Parlement et du public. Le rapporteur demande que les précédentes sous-actions soient rétablies et les crédits correspondants indiqués dès le prochain PAP.

Il ressort néanmoins des divers éléments du PAP et des réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur que les études amont « nucléaire » prévues représentent environ 144 millions d’euros de crédits de paiement (soit presque plus de 50 millions par rapport à 2010), les études amont « espace » 17,1 millions (en diminution de 37,1 millions par rapport à l’an dernier) et les études amont classiques 484,9 millions (- 18,2 millions). Il est clair que le nucléaire a été privilégié au détriment de l’espace dans une proportion qui interpelle.

La répartition des études amont par systèmes de forces au cours des quatre dernières années continue à bénéficier prioritairement à l’engagement et au combat (29 % des études en 2010), à la dissuasion (25 %) et aux études technologiques de base (25 %), devant le commandement et la maîtrise de l’information (16 %), la protection et sauvegarde (5 %) et la projection mobilité soutien (0,3 %).

Répartition de la programmation des études amont
par systèmes de forces pour les années 2006 à 2010

Systèmes de forces

2006

2007

2008

2009

2010

Dissuasion

11 %

16 %

17 %

17 %

25 %

Commandement et maîtrise de l’information

18 %

26 %

19 %

16 %

16 %

Projection mobilité soutien

3 %

1 %

1 %

3 %

0,3 %

Engagement et combat

35 %

22 %

36 %

33 %

29 %

Protection et sauvegarde

10 %

11 %

7 %

9 %

5 %

Études technologiques de base

23 %

24 %

19 %

23 %

25 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : documents budgétaires.

Il convient de noter que la part consacrée à la dissuasion a plus que doublé en cinq ans (25 % contre 11 % en 2006).

Pour 2011, les principales priorités sont de cinq ordres. 

Pour le commandement et la maîtrise de l’information, elles concernent :

– les études des moyens d’analyse et de traitement « COMINT » et « ELINT » (communication et signaux électroniques) et la démonstration technologique d’interception en guerre électronique ;

– les études sur les réseaux radio-tactiques ;

– les études préparatoires pour le futur satellite de communication successeur de SYRACUSE III ;

– les études de la convergence des systèmes d’information opérationnels vers le futur système d’information des armées.

En matière d’engagement et de combat, sont concernés :

– la démonstration « discrétion Rafale » ;

– l’introduction de nouvelles capacités à l’autoprotection Rafale ;

– la levée de risque sur les porteurs SCORPION ;

– le futur système de lutte anti-mines marines ;

– l’amélioration du radar à antenne active ;

– les anti-navires légers ;

– la vision avancée du futur système aérien ;

– le démonstrateur de plateforme d’UCAV (avions de combat non habités) ;

– les études d’évolution sonar.

Concernant la protection et sauvegarde, deux projets retiennent l’attention :

– le démonstrateur de système global de défense NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) ;

– le démonstrateur radar de surveillance à très longue portée.

Au sujet de la projection mobilité soutien, il s’agit de l’étude d’endommagement des autodirecteurs à base infrarouge.

Enfin, pour les études technologiques de base, les priorités sont :

– le régime d’appui aux PME pour l’innovation duale (RAPID) ;

– les études générales de matériaux énergétiques pour la propulsion ;

– pour les études amont espace : le démonstrateur spatial pour l’ELINT (5).

De son côté, la sous-action 44 (soutien et subventions) financera les quatre prestations suivantes :

– une partie du fonctionnement courant de la direction de la stratégie de la DGA ;

– le soutien des postes permanents à l’étranger (PPE), notamment de Berlin, Londres, Madrid, Rome, Washington, Stockholm, ainsi qu’auprès de l’OTAN et de l’Union européenne ;

– les subventions pour charges de service public aux opérateurs de l’État rattachés au programme 144. Elles bénéficient, d’une part, à l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) – qui dispose d’une subvention de 118,5 millions d’euros, en retrait de 1,56 million par rapport à 2010, ce qu’on ne peut que déplorer quel que soit par ailleurs l’effort sur les dépenses de fonctionnement demandé à l’opérateur. Elles sont versées, d’autre part, aux écoles sous tutelle de la DGA – École polytechnique, institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAé), école nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA), école nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA) – qui reçoivent 121,7 millions d’euros au titre des dépenses de fonctionnement et 17,5 millions d’euros pour les dépenses d’investissement ;

– les subventions à l’Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis (17,7 millions d’euros), à des organismes d’études (1 million) ou pour soutenir les PME-PMI (1,2 million).

Les deux indicateurs de performance associés à l’action 4 ne permettent pas, là non plus, d’apprécier l’efficacité globale des services.

L’indicateur de coopération européenne en matière de recherche et de technologie (études amont et subventions aux organismes de recherche) est à peu près stable, passant de 17,2 % en 2009 à 16,9 % selon les prévisions pour 2010, avant une remontée prévue en 2011 à 22 %.

Le taux de progression des technologies spécifiques nécessaires à la défense, qui était de 57 % en 2008 et de 73 % en 2009, passerait à 80 % en 2010 et 2011, ce qui reste à confirmer.

Par ailleurs, l’évolution des crédits du programme ne peut s’apprécier que dans le cadre plus large de l’effort global de recherche.

2. Un effort global de recherche difficile à apprécier

Au-delà du programme 144, le financement de la recherche de défense repose sur le programme 146 (équipement des forces) – s’agissant de la recherche du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et des actions de développement – et le programme 191 (recherche duale civile et militaire) de la mission « Recherche et enseignement supérieur », doté d’un budget de 196,9 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement.

L’effort global de la recherche et développement (R&D) de défense prévu pour 2011 s’élèverait à 3,3 milliards d’euros de crédits de paiement, selon les informations communiquées par le ministère de la défense.

Toutefois, les données composant cet agrégat ne sont que partiellement connues, comme le montre le tableau transmis en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur.

Évolution de l’ensemble des crédits de paiement de R&D
entre 2007 et 2011 (nouveaux agrégats)

(en millions d’euros courants)

 

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

PLF 2011

Budget défense (1)

40 138

40 685

42 541

41 990

41 844

EA (études amont)

637,1

644,6

660,1

653,2

646,1

ERT (effort de recherche technologique)

723,5

731,9

747,4

**

**

MCT (maîtrise des capacités technologiques)

744,8

755,0

770,5

**

**

R&T (recherche et technologie)

795,2

805,4

821,0

814,7

801,3

Études de défense

1 451,4

1 476,7

1 571,3

1 620,1

1 649,0

 

dont recherche CEA

436,2

448,6

527,4

585,5

626,6

dont EPS

3,7

3,7

3,9

3,5

4,2

dont EOTO

18,3

19,0

19,0

18,5

19,6

dont recherche duale

198,0

200,0

200,0

200,0

196,9

Études de défense (% budget)

3,6 %

3,6 %

3,7 %

3,9 %

3,9 %

Développements

2 013,5

2 136,3

2 114,1

1 948,5

**

Total R&D

3 464,9

3 613,0

3 685

3 568,6

**

(1) Crédits regroupant ceux de la mission « Défense », ceux des programmes 167 et 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et ceux du programme 191 de la mission « recherche et enseignement supérieur ». Les crédits du programme 152 « gendarmerie nationale » ne sont plus dans le périmètre du ministère de la défense. En 2009 et 2010, les crédits présentés n’incluent pas le plan de relance de l’économie.

** En raison de la mise en place de Chorus, ces agrégats ne peuvent plus être retracés.

Source : ministère de la défense.

Comme on le voit, certaines données ne figurent plus dans le tableau pour les années 2010 et 2011. C’est le cas notamment des crédits relatifs aux développements, qui représentaient en 2010 près de 2 milliards d’euros, soit presque un tiers de l’effort global de recherche. La mise en place de Chorus ne saurait justifier la disparition de cet agrégat, ni de ne plus porter à la connaissance du Parlement et du public les montants correspondants. Le rapporteur demande donc que ces montants soient publiés et l’agrégat correspondant rétabli au plus vite. De même, il regrette que le contenu des agrégats ERT et MCT n’ait pas été précisé dans les documents budgétaires. Une présentation plus claire et transparente des crédits relatifs à la recherche s’impose.

Si l’on s’en tient au seul chiffre dont on dispose, soit 3,3 milliards d’euros pour l’effort global de recherche et développement, on constate une réduction très nette par rapport à 2010, de 268,6 millions d’euros, soit – 7,5%. Cette baisse s’explique, selon M. Jean-Pierre Devaux, directeur de la stratégie de la DGA, par deux effets combinés. D’une part, la fin de la phase de développement de plusieurs programmes, notamment le Rafale, l’hélicoptère NH90 ou le missile M51. D’autre part, le nombre relativement limité des programmes spatiaux ayant atteint cette phase, lié notamment au décalage de plusieurs projets (essentiellement CERES) dans le cadre de la programmation budgétaire triennale (PBT).

Il a par ailleurs rappelé qu’une ressource extra-budgétaire de 50 millions d’euros, financée par le compte d’affectation spéciale (CAS) relatif aux fréquences, viendrait abonder le budget.

En regard des cinq grandes fonctions stratégiques, les principales priorités en matière de recherche identifiées par le ministère sont les suivantes.

Pour la dissuasion, elles portent sur :

– le maintien de la crédibilité (études d’adaptation des vecteurs balistiques et aérobies à l’évolution de la menace) ;

– le début des études technologiques pour le futur moyen océanique de dissuasion ;

– les premiers travaux sur le successeur de la composante nucléaire aéroportée.

S’agissant de la connaissance et de l’anticipation, elles concernent :

– la maîtrise des technologies pour le renseignement spatial (capteurs pour l’écoute et l’imagerie) ;

– la surveillance du champ de bataille, notamment à partir de drones ;

– l’exploitation du renseignement ;

– les études nécessaires à la conception de systèmes de télécommunication, par satellites notamment ;

– la maîtrise des technologies de souveraineté relatives au positionnement par satellite.

En matière de protection, elles recouvrent :

– les technologies de surveillance des espaces nationaux (aériens, terrestres et maritimes) ainsi que la surveillance de l’espace ;

– l’interception de cibles furtives ;

– la défense NRBC ;

– le soutien santé du militaire en opération ;

– la protection des systèmes informatiques ;

– les études sur l’alerte avancée (détection des lancements de missiles balistiques).

Pour l’intervention, elles concernent :

– la poursuite de l’effort pour la protection des forces (lutte contre les pièges et mines) et l’adaptation des équipements aux menaces asymétriques (protection en réseau) en vue d’applications rapides aux systèmes en service ;

– les technologies des missiles et des munitions de précision permettant le développement de notre capacité à frapper en profondeur dans le dispositif ennemi ;

– les technologies de lutte sous-marine et de déminage maritime ;

– l’évolution des systèmes de combat des bâtiments de surface ;

– la capacité des systèmes aéronautiques à opérer en milieu hostile dense et fortement brouillé (radar de combat, systèmes de guerre électronique) ;

– la réduction des coûts d’opération (consommation, adaptation à de nouveaux carburants) et de maintenance (fiabilité et durée de vie des moteurs).

Concernant la prévention, il s’agit :

– des technologies de substitution palliant l’interdiction prévisible de substances nocives ;

– des technologies de surveillance de la prolifération.

Par ailleurs, un plan stratégique de recherche et technologie de défense et de sécurité a été largement diffusé en 2010. Ce plan constitue un cadrage global de l’action de la DGA destinée à anticiper et à maîtriser l’évolution des technologies nécessaires aux futurs systèmes de défense et sécurité. Sa diffusion vise à mieux faire connaître les domaines prioritaires de recherche et technologie, afin de faciliter le dialogue avec les partenaires industriels et internationaux, en particulier européens.

Cependant, il apparaît que l’effort consenti pour les études amont (646,1 millions d’euros) demeure insuffisant. Et ce, même s’il est vrai qu’une partie des crédits de la recherche duale (200 millions d’euros) et des subventions à des organismes de recherche tels que l’ONERA, dans le cadre de la R&T, contribue aussi au financement d’études amont. Le rapporteur réaffirme, une fois encore, qu’un objectif d’un milliard d’euros pour ce poste serait souhaitable, au regard de l’ampleur prise par la course à la supériorité technologique. Cet avis a d’ailleurs été partagé, cette année encore, par le directeur chargé des affaires stratégiques, M. Michel Miraillet, lors de son audition par la commission.

Il convient de rappeler à cet égard que, selon le Conseil des industries de défense françaises (CIDEF), les études amont contractualisées seraient passées de 1 350 millions d’euros en 1988 à 730 millions en 2009, soit quasiment une division par deux en vingt ans. Le ministère de la défense a d’ailleurs confirmé cette évolution au rapporteur.

De manière générale, l’effort global de recherche n’est pas assez soutenu. Rappelons, en effet, que les États-Unis dépensent sept fois plus que la France en R&T et quatorze fois plus en R&D. D’ailleurs, la réponse apportée par le directeur de la stratégie de la DGA sur la question du niveau des crédits de recherche, lors de son audition par le rapporteur, est sans ambiguïté : « Les ressources disponibles ne permettent pas de soutenir l’ensemble des projets d’intérêt. En particulier, tout effort sur la défense antimissile balistique a dû être abandonné. Cet abandon, et la réduction significative des crédits de recherche et de développement consacrés au domaine des missiles aérobies, s’ils devaient se prolonger, ne permettront alors plus de maintenir en France une capacité de conception de missile. Les études sur les véhicules terrestres (rénovation du char Leclerc, préparation du successeur de l’AMX10RC) ont dû être significativement limitées. Les travaux sur les hélicoptères de combat sont également insuffisants et ne permettent pas de préparer les évolutions du Tigre au-delà du HAD. Les études d’un radar aéroporté de surveillance de surface nécessaire pour la rénovation des avions de patrouille maritime Atlantic 2 ont dû être reportées. ».

De fait, la recherche en matière de défense est confrontée à de larges défis.

B. DES DÉFIS IMPORTANTS

Ces défis sont de quatre ordres : rester compétitif dans un contexte de contrainte budgétaire et de concurrence accrue ; renforcer la coopération européenne ; développer la recherche duale ; améliorer l’accès des marchés aux PME.

1. Rester compétitif

Demeurer compétitif est plus difficile en période de crise économique. Et ce, d’autant plus, lorsque des retards ont déjà été constatés dans certains secteurs.

Il convient de rappeler à cet égard les résultats de l’évaluation établie par la DGA sur le niveau technologique atteint par la France par rapport à ses partenaires internationaux.

Fondée sur une échelle objective d’évaluation (TRL : Technology readiness level), cette étude, qui est en cours d’actualisation, décrit les neuf étapes clés de la maîtrise d’une technologie, depuis la recherche en laboratoire jusqu’à son exploitation opérationnelle. (6)

La DGA considère que sur 600 technologies-clés :

– 31 % d’entre elles à l’étude dans les laboratoires français sont déjà disponibles en environnement opérationnel aux États-Unis. Ce taux atteint 13 % au niveau européen. Ces écarts français et européens peuvent être considérés comme un « gap capacitaire » vis-à-vis des États-Unis. La France et l’Europe cherchent, pour le réduire, à développer, comme ce pays, des démonstrateurs afin d’étudier dans un « environnement représentatif » des technologies-clés ;

– 15 % environ des technologies américaines disponibles au niveau opérationnel sont au stade d’études en France et en Europe, en environnement proche du niveau opérationnel. Il s’agit d’un retard relatif dans la mesure où ces technologies sont suffisamment matures au niveau français et européen pour lancer un éventuel programme avec un niveau de risque acceptable ;

– 24 % des technologies sont à un même stade de maturité en France et aux États-Unis. Il en est ainsi pour 45 % d’entre elles pour l’Europe.

Les domaines technologiques où la France a, a priori, le plus de retard par rapport au niveau de maturité atteint aux États-Unis sont pour l’essentiel :

– les architectures et techniques de systèmes C3R (commandement, communication, conduite et renseignement) ;

– les architectures et techniques de systèmes aéronautiques ;

– les systèmes de systèmes ;

– les missiles et techniques nucléaires.

Les États-Unis ont acquis une avance substantielle sur l’Europe dans plusieurs domaines :

– les composants ;

– les systèmes électromagnétiques intégrés et multifonctions ;

– les armes à énergie dirigée (laser ou micro-onde de forte puissance) ;

– les moyens dédiés à la défense anti-missiles balistiques (alerte et neutralisation) ;

– la furtivité ;

– les opérations en réseaux (fusions multi-senseurs et multi-plateformes).

On pourrait également évoquer la course technologique engagée avec des puissances dites émergentes, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, sur lesquels nous disposons de données partielles, pas toujours fiables, ni communicables.

Cette situation amène à se poser plusieurs questions.

En premier lieu, la question générale de l’amélioration des conditions de la compétitivité globale de l’économie française. Si elle dépasse le cadre du présent rapport, elle n’est pas sans effet sur la capacité de notre pays et de nos entreprises à investir dans la recherche et les technologies d’avenir. Des progrès restent à faire en la matière, comme le montrent divers organismes internationaux, tel le Forum économique mondial, qui classe notre pays au 15e rang dans le monde en termes de compétitivité globale (7).

À cet égard, le crédit d’impôt recherche (CIR) est – de l’avis de tous les chefs d’entreprise auditionnés par le rapporteur – considéré comme un levier efficace d’innovation, même si les services gestionnaires doivent veiller à ce qu’il soit utilisé à bon escient. Il convient néanmoins d’adapter sa réglementation pour permettre aux sous-traitants des grands maîtres d’œuvre de mieux l’utiliser à leur profit, comme l’a rappelé M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, lors de son audition par la commission.

La deuxième question est celle du niveau de notre effort global de recherche, en particulier du montant consacré aux études amont, dont on a vu qu’il était d’environ 300 millions d’euros inférieur au besoin estimé, soit globalement un tiers de moins que les crédits disponibles. Ne faut-il pas, dans le contexte budgétaire actuel, réfléchir à une meilleure allocation des ressources de l’État, davantage axée sur la recherche et la préparation de l’avenir ?

Troisièmement, au sein des crédits dévolus à la recherche de défense, une part croissante est, on l’a vu, consacrée au nucléaire, aux dépens, nécessairement, d’autres secteurs essentiels, tels que les cybersystèmes, les drones, la surveillance de l’espace ou la défense anti-missiles, pour ne citer que quelques exemples. Ne faut-il pas envisager une nouvelle répartition de l’effort entre les différents domaines de la recherche de défense ? Autrement dit, sans baisser la garde en matière nucléaire, ne faut-il pas trouver un meilleur équilibre entre la dissuasion nucléaire et la dissuasion technologique, comme le font d’ailleurs depuis longtemps les États-Unis ?

2. La coopération européenne

Le rapporteur a souligné dans son dernier avis la nécessité de développer la coopération européenne, que ce soit au travers des institutions européennes (AED, Commission européenne, agence spatiale européenne (ESA)…) ou de façon bilatérale ou multilatérale entre certains États volontaires selon les projets.

En effet, l’effort global de recherche des États-Unis en matière de défense est de l’ordre de 60 milliards d’euros, contre environ 10 milliards d’euros pour l’Europe, soit un rapport de 1 à 6. Pourtant, l’Europe parvient à contenir l’écart avec ce pays, voire à l’égaler pour près de la moitié des technologies-clés et à le dépasser pour environ 8 % d’entre elles. C’est dire les perspectives qu’offrirait une coopération européenne plus poussée.

Le ministère de la défense rappelle à cet égard qu’entre 2007 et 2008 (dernières données connues), la coopération entre pays européens a augmenté de 23 %, à 409 millions d’euros.

Concernant les technologies-clés, la DGA met en œuvre un plan d’action incluant dans sa stratégie une dimension internationale et européenne, visant à déterminer le niveau de maîtrise nécessaire (national ou européen) et les interdépendances acceptables en Europe, afin de ne pas dépendre des États-Unis.

La France maintient des relations bilatérales de R&T avec ses habituels partenaires européens (Royaume-Uni, Allemagne, Suède, Norvège, Pays-Bas), mais transfère de plus en plus de projets dans le cadre de l’AED dans le but d’attirer de nouveaux pays et d’améliorer son « effet de levier ». C’est particulièrement le cas avec l’Allemagne ou les Pays-Bas. Le Royaume-Uni, en revanche, reste très réticent à s’engager dans l’AED et préfère la relation bilatérale.

Concernant le programme européen de recherche sur la sécurité (PERS), la DGA s’implique fortement dans le processus de sélection des projets. Pour ce qui est de la mise en place d’un volet défense au sein du programme-cadre de recherche et de développement (PCRD), nombre de nos partenaires sont réticents, craignant un phénomène de vases communicants entre les budgets de R&T de défense et ceux du PCRD.

En 2010, la France aura consacré près de 17 % de son effort de R&T à des coopérations internationales, essentiellement avec ses partenaires européens, en premier lieu le Royaume-Uni dans un cadre bilatéral et à travers l’AED pour les coopérations multilatérales. Son effort de R&T représente environ un tiers de l’effort européen.

Alors que 2009 fut une année exceptionnelle (44 arrangements techniques signés pour une contribution française de 127 millions d’euros), le niveau d’engagement a, en 2010, diminué de façon notable en raison des disponibilités financières moindres de nos partenaires (environ 35 arrangements techniques signés pour une contribution financière française estimée à 55 millions d’euros). Ainsi des projets initiés en 2009-2010, fortement contributeurs, ont été reportés en 2011-2012 par nos partenaires.

Le montant cumulé des différents marchés en cours et objets de coopération s’élève à 1,495 milliard d’euros, dont 650 millions financés par la France.

Les principales coopérations actuelles sont :

– le démonstrateur d’un leurre actif décalé naval (ACCOLADE) (phase 3) – avec le Royaume-Uni (participation française de 11 millions d’euros) ;

– la poursuite de l’étude relative aux ouvertures discrètes pour les aéronefs futurs [LOANA] avec la Suède (participation française de 4,7 millions d’euros) ;

– le soutien étatique franco-britannique auprès de la société française Photonis pour le développement de la troisième génération de tubes intensificateurs de lumière (participation française de 3 millions d’euros) ;

– l’étude d’inter-comparaison des systèmes personnels de protection NRBC, avec la Royaume-Uni (participation française de 2,3 millions d’euros).

S’agissant des travaux de l’AED, parmi les avancées récentes concernant la R&T, il convient de signaler :

– la mise en application des nouvelles conditions générales des programmes et projets de R&T de l’agence, qui permettent de favoriser l’implication des industriels ; le Royaume-Uni a néanmoins fait savoir qu’il ne souhaitait pas les appliquer mais ne s’est pas opposé à leur adoption par les autres membres ;

– la poursuite du premier programme d’investissement conjoint concernant la protection des forces en milieu urbain (Force Protection), avec un total de 18 contrats notifiés par l’agence pour un montant proche de 55 millions d’euros, et un retour industriel pour la France proche de 100 % (participation française de 12 millions d’euros) ;

– la poursuite du deuxième programme d’investissement conjoint concernant les concepts innovants et les technologies émergentes (ICET) (montant total du programme : 16 millions d’euros, dont 5 millions d’euros de participation française) ;

– la mise en place du programme d’investissement conjoint concernant les systèmes autonomes de guerre des mines (UMS, Unmanned Maritime System), qui doit être notifié fin 2010 (montant total du programme de l’ordre de 20 à 25 millions d’euros, dont 9 millions de participation française (contribution globale couvrant des études nouvelles (1,3 million d’euros), des participations industrielles (3,8 millions d’euros) et une valorisation de moyens étatiques déjà financés (4,7 millions d’euros)) ; ce programme précurseur a permis de mettre en place un nouveau mode de gestion, tirant profit des meilleures pratiques des projets ;

– le nombre de nouveaux projets développés par les États membres sur une base volontaire (catégorie B), qui devrait être d’une dizaine pour la France (comme en 2008 et 2009), la crise limitant les investissements de nos partenaires ; le volet financier est marqué par quelques projets « exceptionnels », tels que MIDCAS en 2009 (MID-air Collision Avoidance System – système anti-collision aérienne –, d’un montant de 49,3 millions d’euros, dont 15 de participation française) ou SOC-PLATEFORME (System on Chip – système sur puce) en 2010, d’un montant de 25 millions d’euros, dont 10 de participation française, à part égale étatique et industrielle.

Au-delà de ces efforts, plusieurs voies permettraient de renforcer la coopération européenne.

D’abord, on sait combien la forte redondance des axes d’efforts de R&T européens laisse apparaître des marges de progrès. Il serait donc souhaitable d’optimiser les efforts de recherche en Europe, autrement dit que certains États membres renoncent à la maîtrise strictement nationale de certaines technologies au profit d’autres États proposant des solutions plus matures et plus compétitives. Quitte à en bénéficier ensuite, à un coût moindre.

Deuxièmement, il est nécessaire de fédérer les programmes de R&T dans les domaines où l’Europe est en retard. À cet égard, l’AED, qui conduit de nombreux projets dans des domaines importants, mais dispose d’un budget limité à 30 millions d’euros, pourrait, à cette fin et sous le contrôle des États, bénéficier de moyens plus larges.

Troisièmement, la gouvernance de la politique de recherche européenne pourrait être améliorée, comme l’ont rappelé, notamment, les représentants d’EADS et d’Eurocopter auditionnés par le rapporteur. La coordination entre les différents acteurs (Conseil, Commission, AED, ESA…) pourrait sans doute être mieux définie et plus cohérente. L’élaboration d’un Livre blanc européen sur la défense et la sécurité pourrait y contribuer.

En quatrième lieu, une place plus large pourrait être faite aux projets de défense et de sécurité au sein du programme cadre de recherche et de développement de l’Union européenne (PCRD), comme l’a rappelé M. Christian Bréant, directeur recherche et technologie de l’AED, lors de son audition par le rapporteur. Quant au programme européen de recherche et de sécurité (PERS), qui permet de financer des travaux de recherche à vocation duale (civile et militaire), il est utile, mais ses moyens restent encore limités (200 millions d’euros en moyenne par an).

Enfin, il conviendrait de mieux tirer parti des nouvelles dispositions du traité de Lisbonne en matière de défense, notamment dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP), comme le rapporteur l’a montré dans un rapport remis au Premier ministre en juillet dernier (8).

L’ensemble de ces éléments, qui pourraient fonder une véritable politique volontariste au sein de l’Union européenne, n’excluent pas naturellement toutes les coopérations bilatérales ou multilatérales entre États, qui sont complémentaires et participent également à l’Europe de la défense. C’est ainsi, notamment, que doit être considéré le renforcement de la coopération franco-britannique : un complément souhaitable, non un substitut.

3. Le développement de la recherche duale

Comme le rapporteur l’a montré dans ses précédents avis budgétaires (9), la recherche duale pourrait être davantage encouragée.

Le programme 191 (recherche duale civile et militaire) consacré à cet effet, dispose d’une dotation stable de 196,9 millions d’euros, en baisse de 3,1 millions d’euros par rapport à 2010, répartie sur l’ensemble des actions le composant. Au regard des perspectives offertes par la dualité, ce montant global paraît peu élevé : il représente, par exemple, seulement 6 % de l’effort global de recherche de défense.

Cette enveloppe finance deux subventions : l’une au Centre national d’études spatiales (CNES), d’un montant de 162,4 millions d’euros, l’autre au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), pour 34,5 millions d’euros.

Le programme soutient des recherches dans quatre domaines :

– les sciences du vivant (action 1 ; 12,1 millions d’euros) ;

– les sciences et techniques de l’information et de la communication (action 2 ; 3,9 millions d’euros) ;

– le domaine aérospatial (action 3 ; 162,4 millions d’euros) ;

– les autres recherches et développements technologiques duaux (action 4 ; 18,4 millions d’euros).

Un programme annuel de recherche duale est défini en association avec les ministères de la défense et de la recherche et les organismes concernés. Les projets et les objectifs technologiques qui y sont associés sont précisés et l’avancement des travaux est suivi trimestriellement.

La subvention du CNES donne lieu à un contrat pluriannuel État-CNES 2005-2010, qui inclut un secteur « Sécurité et défense », dont les orientations stratégiques et leur déclinaison dans le plan budgétaire à moyen terme (PMT) constituent le cadre de référence. Ce contrat est en cours de mise à jour en vue de fixer les orientations pour la période 2011-2016, ainsi que les objectifs et indicateurs pour en assurer le suivi et l’exécution. Rappelons que l’action du CNES s’appuie notamment sur l’équipe « défense » mise en place auprès de son président, constituée de membres de la DGA et de l’état-major des armées (EMA).

Les priorités de recherche duale du CNES pour 2011 portent, pour la plupart, sur les mêmes principaux projets que ceux de 2010.

Principaux projets du CNES prévus en 2011

PLEIADES : Ce programme est constitué de deux satellites d’observation optique de la terre. Initié en 2001, il constitue la contribution française à l’accord franco-italien ORFEO. Il est prévu de valoriser commercialement les images produites, sous réserve du droit de programmation prioritaire des satellites dont dispose la défense. Le lancement du premier satellite est prévu en 2011.

MUSIS/CSO : le programme Multinational Space-based Imaging System for Surveillance (« MUSIS ») est un programme de défense en coopération européenne, destiné à fournir une capacité multicapteur d’observation de la terre (optique, radar). Dans le cadre d’une convention CNES-DGA, le CNES est en charge de la composante spatiale optique (CSO). La conception et la réalisation (phases C/D) sont prévues de 2010 à 2014, avec pour objectif de lancer un premier satellite CSO en 2016.

ATHENA : ce projet offrira à la défense une capacité de télécommunications haut débit par satellite, complémentaire des systèmes militaires hautement sécurisés. Il est issu de savoir-faire antérieur du CNES dans le domaine civil de l’accès Internet par satellite. Le projet fait l’objet de coopération avec l’Italie, entre les ministères de la défense et entre le CNES et l’ASI (Agence spatiale italienne). La phase B (définition) devrait s’achever au premier semestre 2011, avec un objectif de lancement en 2013.

ALTIKA : ce satellite est destiné à fournir des données d’océanographie altimétrique, susceptibles d’être utilisées dans des modèles océaniques, en surface et sous-marins. Ces données intéressent civils et militaires pour la validation et la calibration de leurs modèles. Le projet fait l’objet d’une coopération avec l’Agence spatiale indienne (ISRO). Si la fin du développement de la charge utile altimétrique, incombant au CNES, se poursuit comme prévu, la définition de la plate-forme satellite, du ressort de l’ISRO, a pris du retard, reportant le lancement à 2011.

ELISA : il s’agit d’un démonstrateur de constellation de satellites, pour une mission de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), orienté vers les fréquences radar. Le lancement des satellites est prévu en 2011.

CERES : CERES est une mission de ROEM opérationnel, dont la réalisation doit bénéficier du démonstrateur ELISA. Des coopérations européennes sont recherchées. Le projet est actuellement en phase A (analyse/faisabilité).

Sécurité maritime : des études de phase A sont en cours, afin d’étudier une capacité spatiale permettant de mettre en place un service opérationnel réactif pour l’établissement des situations maritimes globales et régionales).

Le lancement de nouveaux projets est par ailleurs en cours d’étude entre le ministère de la défense et le CNES, dans le cadre des priorités du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, en faveur de capacités d’alerte avancée et d’écoute.

Source : documents budgétaires.

La subvention du CEA permet de financer des recherches de nature très diverse. Elle sert, d’abord, dans le cadre du programme NRBC (lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique), piloté par un comité interministériel, à conduire des projets dans des domaines tels que la détection nucléaire ou d’agents chimiques ou biologiques, ou bien les thérapies contre les effets d’origine biologique (toxines, bactéries, virus). Elle soutient, par ailleurs, au travers d’un accord-cadre de collaboration avec la DGA et d’un comité de coordination, des recherches sur des sujets aussi variés que les systèmes embarqués, les nouvelles sources d’énergie, les biopuces, la bioinformatique, la modélisation du vivant ou l’imagerie médicale.

Malheureusement, ni le projet annuel de performances, ni les réponses apportées au questionnaire budgétaire du rapporteur – qui se bornent une nouvelle fois à y renvoyer – ne permettent d’évaluer précisément l’efficacité de l’emploi de ces crédits.

Toutefois, les entretiens que le rapporteur a eus avec les représentants du CNES et du CEA attestent que les actions de recherche duale financées dans le cadre du programme 191 sont utiles et ouvrent de multiples perspectives pour la défense et la sécurité nationale, comme dans le domaine civil.

Les bénéfices peuvent également être économiques, comme le rappelle M. Yannick d’Escatha, président du CNES, qui estime que pour 1 euro investi dans les infrastructures spatiales, 19 euros en moyenne sont injectés dans l’économie.

Au-delà, le ministère de la défense participe à l’action du Gouvernement en faveur de la recherche et de l’innovation dans le cadre du financement de projets des pôles de compétitivité (13 millions d’euros par an) et de six programmes conjoints avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour 9 millions d’euros par an (concepts systèmes et outils pour la sécurité globale, nanotechnologies, contenus numériques…).

Il ressort des diverses auditions du rapporteur que trois orientations principales permettraient de renforcer la recherche duale :

– l’accroissement des crédits qui lui sont dévolus, dans le cadre d’un redéploiement optimisé des dépenses publiques et de l’élaboration d’une politique industrielle ambitieuse. Il convient de rappeler, par exemple, que, selon le CNES, non seulement les États-Unis investissent six fois plus que l’Europe en matière spatiale, mais que 70 % de l’effort est financé par des institutions publiques, contre 30 % en Europe ;

– une meilleure gouvernance de l’ensemble de la politique menée dans ce domaine. À cet effet, on pourrait réfléchir à une meilleure coordination – et coopération – entre les principaux acteurs susceptibles de participer au développement de la recherche duale (DGA, agence nationale de la recherche (ANR), agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), direction générale de l’aviation civile (DGAC)…). Ainsi, la DGA gagnerait-elle, par exemple, à être mieux représentée dans les instances d’orientation et de pilotage de l’ANR ;

– un accès plus facile aux PME, qui sont un immense réservoir d’innovations, aux marchés de la recherche duale.

4. L’accès aux PME

L’accès des PME au marché de la recherche de défense est, de fait, relativement limité. Ainsi, selon l’un des indicateurs de performance du programme 191, la part des projets contractualisés par le CEA et le CNES avec des PME-PMI serait actuellement de l’ordre de 5,5 %. De même, selon le Comité Richelieu (association française des PME de haute technologie), dont les représentants ont été entendus par le rapporteur, la part des programmes d’étude amont (PEA) attribuée directement aux PME représenterait 4 % de l’ensemble, soit 33 millions d’euros. Autre indicateur : les PME représenteraient moins de 1 % de l’ensemble des commandes de la DGA (88 millions d’euros).

C’est la raison pour laquelle le ministère de la défense a mis en œuvre depuis 2008 un « plan PME défense », tendant à améliorer l’accès des PME aux marchés d’armement. Ce plan permet, notamment, de mieux informer les PME sur les orientations technologiques du ministère, au travers de l’organisation, chaque année, des « Ateliers R&T PME » et de rencontres entre PME et grands maîtres d’œuvre.

Il a amplifié son soutien en mettant en place, en mai 2009, le régime d’appui aux PME pour l’innovation duale (RAPID). Ce dispositif accorde des aides aux projets technologiques innovants portés par des PME et présentant des applications sur les marchés militaires et civils. Les projets retenus bénéficient de subventions dans un délai inférieur à 4 mois à compter de leur dépôt.

RAPID est mis en œuvre par le ministère de la défense (DGA) en partenariat avec le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (DGCIS (10)) pour ce qui concerne l’instruction des projets et le conventionnement avec les entreprises. En 2009, plus de 200 intentions de dépôts de projet ont été signalées et plus de 50 dossiers officiellement déposés et instruits par les experts de la DGA et de la DGCIS. 19 d’entre eux ont été sélectionnés, couvrant la totalité du budget de 10 millions d’euros alloué.

Pour sa première année de plein exercice, en 2010, le dispositif devrait sélectionner une soixantaine de projets pour un budget de 30 millions d’euros.

Ce dispositif est, de l’avis des chefs de PME rencontrés par le rapporteur, efficace et rapide, mais il pourrait être amélioré sur plusieurs points.

D’abord, en augmentant l’enveloppe qui lui est consacrée, qui est relativement modique par rapport à l’ensemble des crédits consacrés à la recherche. Son montant pourrait être déterminé au vu d’une évaluation précise du dispositif en cours et des demandes potentielles.

En outre, il pourrait être envisagé un financement complet du projet de recherche lorsque cela le justifie (au lieu des 35 à 80 % généralement accordés, selon les informations communiquées au rapporteur).

De même, la nature duale du projet, au lieu d’être une obligation, pourrait plutôt faire l’objet d’une incitation financière : certains projets à vocation purement militaire pourraient ainsi en bénéficier et être directement utiles à la recherche de défense.

La DGA tend, par ailleurs, à renforcer son partenariat avec l’ANR, au travers d’un nouveau dispositif d’accompagnement spécifique de travaux de recherche et d’innovation de défense (ASTRID). Ce dispositif, à caractère dual, fait l’objet d’un programme délégué à l’ANR, financé par le ministère de la défense pour un montant de 8 millions d’euros par an. Il tend à favoriser l’ouverture de voies nouvelles de recherche et le développement de compétences des équipes de recherche académique et des PME.

Au-delà de ces dispositifs, il conviendrait de réfléchir plus largement aux moyens d’améliorer les conditions générales d’accès au marché des PME. Ainsi, les règles de la propriété intellectuelle, qui les placent souvent en position de faiblesse par rapport aux grands groupes, pourraient être adaptées pour éviter cet effet pervers. De même, la DGA, qui est le principal financeur de commandes, pourrait, chaque fois que c’est possible et souhaitable – en vue d’obtenir la meilleure prestation au meilleur coût – proposer des PEA plus petits, accessibles aux PME.

QUATRIÈME PARTIE : L’ESPACE, UNE POLITIQUE AMBITIEUSE
QUI DOIT ÊTRE POURSUIVIE

Les crédits touchant à l’espace sont regroupés dans trois programmes principaux : le programme 144 pour la partie études amont (sous-action 41) ; le programme 146 (équipement des forces) pour les équipements (action 7 - commandement et maîtrise de l’information) ; et le programme 191 (recherche duale civile et militaire) pour la recherche duale dans le domaine aérospatial (action 3). Ils concernent essentiellement la composante spatiale.

Il s’agit d’un secteur essentiel pour l’avenir de notre défense et de notre souveraineté. Si le projet de loi de finances permet, dans le droit fil du Livre blanc et de la LPM, de poursuivre la politique ambitieuse engagée dans ce domaine, celle-ci devra continuer à faire l’objet d’une attention soutenue.

A. UNE POLITIQUE LARGE ET DIVERSIFIÉE

La France tend à acquérir la maturité technique et opérationnelle sur les capacités qu’elle estime nécessaires pour assurer son autonomie d’appréciation tant en matière de situation, de décision que d’intervention. À ce titre, durant les années 2009 et 2010, elle a continué à consolider ses outils de défense dans le milieu spatial, s’agissant aussi bien de l’imagerie optique, du renseignement d’origine électromagnétique, de l’alerte avancée, des télécommunications, que de la surveillance de l’espace.

Dans le domaine de l’imagerie optique, elle a renforcé sa capacité en procédant au lancement du satellite HELIOS IIB le 18 décembre 2009. L’ajout de ce satellite a permis d’enrichir la capacité autonome en renseignement image (augmentation du nombre d’images et baisse du temps de revisite) et d’accroître le taux de satisfaction de nos partenaires européens impliqués dans le programme.

La poursuite du programme SSO (segment sol observation) permet par ailleurs de renforcer une capacité d’imagerie tout temps en ayant accès aux images radar italiennes COSMO-Skymed en plus des images radar allemandes SAR-Lupe, et d’être prêt à la réception des premières images du satellite dual PLEIADES dès sa mise en orbite, prévue en 2011. La réception de PHAROS (Portail hôte d’accès au renseignement de l’observation spatiale), système de fédération des capteurs d’imagerie, qui devrait être opérationnel en 2011, permettra une utilisation aisée et optimisée de l’ensemble de ces capteurs mis à la disposition de la France.

Dans le cadre du programme multinational MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System), la France a la responsabilité de la réalisation de la composante spatiale optique (CSO). En l’absence d’accord de coopération finalisé à ce jour et afin d’éviter tout risque de rupture capacitaire opérationnelle à la fin de la vie d’HELIOS II, il a été décidé de lancer, avant la fin de l’année 2010, la réalisation de la composante spatiale optique au plan national, soit deux satellites optiques et l’acquisition des composants à longs délais d’approvisionnement du troisième satellite.

Concernant le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), l’année 2010 a vu la fin de l’expérimentation technique ESSAIM (Expérimentation d’un système de suivi et d’acquisition d’informations par microsatellites) et la préparation du démonstrateur ELISA (ELINT par satellite), dont le lancement est prévu en 2011.

En matière d’alerte avancée et de surveillance de la prolifération, une capacité est toujours en cours d’étude avec le démonstrateur SPIRALE, actuellement en orbite, et doit être poursuivie par le lancement d’études d’architectures et des travaux technologiques d’ici fin de 2010.

Dans le domaine des télécommunications sécurisées, la France a fait l’acquisition de stations sol SYRACUSE et s’est attachée à multiplier les coopérations en contribuant, notamment, au financement et à la réalisation du satellite militaire italien SICRAL 2, complétant le système SYRACUSE III. Pour les applications qui ne requièrent pas de fortes exigences en terme de sécurité, la défense française s’est attachée à acquérir des capacités pouvant reposer sur des technologies civiles. C’est le cas pour la marine, qui voit ses capacités s’accroître en termes de débit et de couverture au travers des opérations TELCOMARSAT ou COMCEPT. Cette dernière se traduit par l’acquisition du satellite dual ATHENA-FIDUS, réalisé en coopération avec l’Italie, qui permettra de délester les moyens militaires SYRACUSE et SICRAL des communications hors « noyau dur ».

Parallèlement, le ministère de la défense continue d’étudier l’externalisation de ses télécommunications relevant du noyau dur, notamment la cession de l’usufruit de ses moyens spatiaux et terrestres.

La France utilise toujours davantage la location de services, en particulier auprès des opérateurs commerciaux de télécommunication au travers des contrats ASTEL et de l’imagerie produite par la société SPOTIMAGE, principalement à des fins de cartographie ou de surveillance maritime.

Concernant la surveillance de l’espace, les armées se sont attachées à développer des échanges de données entre le radar de veille GRAVES et le radar de poursuite et d’imagerie allemand TIRA. La pérennisation de ce dispositif fait l’objet d’une première phase d’étude au sein d’un marché conclu entre la DGA et l’ONERA le 1er septembre dernier.

Par ailleurs, le ministère entend bénéficier dans ce domaine des opportunités que représentent les initiatives européennes GALILEO (11), GMES (12) et le programme préparatoire de l’agence spatiale européenne (ESA). Après l’acquisition de récepteurs GPS compatibles avec les modes militaires, il envisage le développement et l’acquisition de récepteurs dits « bi-modes », qui permettront de bénéficier des services des systèmes GALILEO et GPS en améliorant les performances et en profitant de leur redondance.

B. UNE BAISSE DES CRÉDITS D’ÉTUDES AMONT COMPENSÉE PAR UNE FORTE HAUSSE DE L’EFFORT CONSACRÉ AUX DÉVELOPPEMENTS ET AUX FABRICATIONS

Les crédits d’études amont, qui font l’objet de la sous-action 41 du programme 144, baissent nettement, passant de 54,2 millions à 17,1 millions d’euros en crédits de paiement, soit – 37,1 millions d’euros ou – 68,5 %.

Les crédits relatifs à l’espace prévus pour 2011

(en millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Études amont
(dont ETO)

AE

24,2

19,4

CP

54,2

17,1

Développements

AE

3,0

50,5

CP

2,2

3,4

Fabrications

AE

109,5

1 643,4

CP

88,3

133,6

EPM (1)

AE

139,0

104,8

CP

74,2

42,1

TOTAL

AE

275,7

1 818,1

CP

218,9

196,3

(1) Entretien programmé des matériels.

Source : ministère de la défense.

On ne peut que regretter, là encore, la fusion des sous-actions 41, 42 et 43 en une unique sous-action 41 « Études amont », qui ne permet plus de distinguer clairement les études ayant trait respectivement à l’espace, au nucléaire et aux autres secteurs.

Cette baisse est justifiée par la fin du programme d’étude amont du démonstrateur ELISA, qui sera lancé l’année prochaine, en même temps que le satellite PLEIADES.

Les autorisations d’engagement baissent de manière moindre, passant de 24,2 à 19,4 millions d’euros, soit – 19,8 %.

En revanche, les autres crédits relatifs à l’espace, regroupés à l’action 7 (commandement et maîtrise de l’information) du programme 146 (équipement des forces), connaissent un net accroissement.

Ainsi, les crédits de développement passent, en autorisations d’engagement, de 3 à 50,5 millions d’euros. Cette augmentation correspond aux travaux relatifs aux programmes CERES (ROEM) et COMCEPT (communications d’élongations de projection et de théâtre, en complément de SYRACUSE hors noyau dur).

De même, le montant consacré aux fabrications passe, en crédits de paiement, de 88,3 à 133,6 millions d’euros et, en autorisations d’engagement, de 109,5 à 1 643,4 millions d’euros. Cette augmentation tend essentiellement à financer la réalisation de la CSO du programme MUSIS. Elle permettrait également de financer la location des moyens de communication de SYRACUSE dans le cadre du contrat d’externalisation de SYRACUSE III – dont la notification est prévue en 2011 –, consistant à céder à un opérateur commercial l’usufruit des moyens des satellites correspondants.

Le rapporteur avait demandé, dans son précédent avis, que le contour de cette opération soit précisé, tant en termes de calendrier, de recettes et de coût pour l’État dans la durée, que du point de vue des conséquences techniques et de l’affectation des recettes. Il souhaite que le Gouvernement apporte rapidement ces éléments, afin d’apprécier le bien-fondé de cette opération.

On note par ailleurs une baisse des crédits concernant l’entretien programmé des matériels (EPM), qui passent, pour les crédits de paiement, de 74,2 à 42,1 millions et sont liés au cycle d’entretien des dispositifs spatiaux.

Dans l’ensemble, les crédits relatifs à l’espace, hors recherche duale, passent de 218,9 à 196,3 millions d’euros en crédits de paiement et de 257,7 à 1 818,1 millions d’euros en autorisations d’engagement. Ils permettent de respecter les engagements du Livre blanc et de la LPM, ainsi que l’a d’ailleurs rappelé le général Yves Arnaud, commandant du commandement interarmées de l’espace (CIE) lors de son audition par le rapporteur.

C. DES PRIORITÉS POUR 2011 DANS LE PROLONGEMENT DE CELLES DE 2010

En 2011 et au cours des années futures, les priorités porteront principalement sur les projets suivants :

– la livraison des stations sol SYRACUSE ;

– le programme militaire SICRAL 2 et le programme dual ATHENA-FIDUS, en coopération avec l’Italie, pour des lancements prévus en 2013 ;

– la commande et la livraison de stations navales et de téléports TELCOMARSAT ;

– la mise en service opérationnel du produit PHAROS et du segment sol PLEIADES ;

– la poursuite du programme SEVI (système d’exploitation et de valorisation des images) ;

– le lancement d’ELISA ;

– la poursuite du programme MUSIS. Il convient de rappeler à cet égard que MUSIS doit être composé de plusieurs constellations réalisées par l’Allemagne et l’Italie pour les composantes radars et l’Espagne pour le système optique champ large. Les dépenses de 2010 sont consacrées au financement de la fin du stade de conception et du lancement du stade de réalisation de la CSO, l’essentiel de l’effort financier se situant de 2011 à 2014 lors du stade de la réalisation proprement dite. La mise en service d’une première capacité CSO est prévue à la fin de 2016 ;

– l’opération CERES, qui devrait constituer le premier système opérationnel de ROEM spatial. Le calendrier initial prévoyait un début d’élaboration en 2010 pour une mise en service en 2016. Cependant, un nouveau calendrier, étudié dans le cadre des mesures d’économies budgétaires, pourrait reporter la mise en service opérationnel de CERES à 2020. Le rapporteur souhaite que le ministère précise le calendrier de réalisation de ce programme et les mesures prévues pour éviter un « trou » capacitaire en la matière ;

– la poursuite des analyses et des études d’architecture dans le domaine de l’alerte avancée (détection des lancements de missiles balistiques). Elles doivent permettre d’accéder à une première capacité opérationnelle en 2020.

La mise en place, en juillet dernier, du commandement interarmées de l’espace (CIE) sous l’autorité du chef d’état-major des armées (CEMA), conformément aux préconisations du Livre blanc, devrait favoriser la poursuite de ces priorités. L’action du CIE porte en effet sur l’ensemble des capacités spatiales nationales de défense, qu’elles soient patrimoniales, duales ou commerciales. Le CIE élabore pour le CEMA la contribution des armées à la politique spatiale nationale et participe à la mise en œuvre de cette politique.

Il devrait en outre permettre d’améliorer la coordination de l’utilisation de l’espace par les forces armées, de mieux répondre aux besoins militaires et de maîtriser davantage les coûts de développement et d’acquisition par la recherche d’emplois duaux et de coopérations.

D. UN SECTEUR QUI DOIT CONTINUER À FAIRE L’OBJET D’UNE ATTENTION PRIORITAIRE ET CONTINUE

Plusieurs facteurs incitent à poursuivre l’effort engagé. D’abord, des lacunes demeurent. Par ailleurs, la concurrence internationale s’intensifie. Enfin, la coopération européenne reste encore limitée.

1. Des lacunes dans certains domaines

Aujourd’hui, nos moyens propres ou partagés avec nos partenaires européens nous permettent de couvrir une très large étendue du spectre de capacités spatiales. Nous détenons aujourd’hui en effet un accès privilégié à la plupart de ces capacités : reconnaissance optique infrarouge et radar, détection orbitographique, télécommunication, observations météorologique et océanographique et accès au système de navigation GPS. Seule la partie écoute, en sommeil avec la fin de l’expérimentation d’ESSAIM, retrouvera un caractère actif en 2011 avec le lancement d’ELISA.

En matière de système de géopositionnement, la France continue de dépendre du GPS militaire américain, en attendant la mise en service opérationnelle du système européen GALILEO, dont la date reste encore incertaine.

De même, en matière de surveillance de l’espace, la France a acquis une relative autonomie grâce au système GRAVES, mais reste dépendante du système américain. La mise en œuvre d’un projet européen pourrait permettre d’y remédier.

2. Une concurrence accrue

Si les deux grandes puissances spatiales historiques que sont les États-Unis et la Russie continuent à investir massivement dans ce domaine, d’autres nations consentent des efforts toujours plus significatifs. Ainsi, la Chine et l’Inde accroissent-elles leurs budgets spatiaux de 10 % par an.

Le tableau ci-après, retraçant les capacités des principaux acteurs, montre que la plupart d’entre eux se sont dotés de capacités comparables, voire parfois supérieures à la France, et que les États-Unis, la Russie et la Chine ont un dispositif de neutralisation dans l’espace de satellite ou de débris qu’elle n’a pas.

Comparaisons internationales sur les capacités spatiales

 

France

États-Unis

Russie

Chine

Inde

Japon

Lanceurs

Lanceurs commerciaux de la société Arianespace (Ariane et à terme, Soyouz et VEGA depuis le site guyanais de Kourou.)

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Observation Optique

HELIOS I et II

MUSIS (2016)

dual français PLEIADES (2011)

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Observation Radar (échange de capacité avec Allemagne et Italie

Droits de programmation sur les systèmes allemands SAR-Lupe et italien COSMO-Skymed
(2009-2010)

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Écoute

Démonstrateur technologique ELISA (2011)

Programme opérationnel CERES

OUI

OUI

     

Localisation, Navigation, Synchronisation

Utilisation du système GPS de l’USAF et du système européen GALILEO (2016)

OUI

OUI

En cours de dévelop-pement

   

Alerte

Programme d’alerte avancée (2020)

OUI

OUI

2015

   

Surveillance de l’espace

Radar GRAVES

Projet européen

OUI

OUI

OUI

   

Télécommunications

Programme militaire national SYRACUSE

Système militaire franco-italien SICRAL 2 (2013)

Système dual en coopération (France, Belgique Italie) ATHENA FIDUS (2013)

Contrats de services auprès d’opérateurs commerciaux (Fin 2011)

OUI

OUI

OUI

OUI

OUI

Capacité de neutralisation dans l’espace de satellite ou de débris

/

OUI

OUI

OUI

   

Source : ministère de la défense.

La course engagée par tous ces pays constitue pour la France et l’Europe un véritable défi.

3. La nécessaire coopération européenne

Au-delà des accords entre États, la coopération européenne en matière spatiale est pour l’instant essentiellement civile. À ce titre, la commission européenne contribue de manière significative au programme de navigation GALILEO (environ 4 milliards d’euros) et de manière moindre au programme GMES (environ 1,2 milliard d’euros).

Mais elle souhaite également s’investir dans la surveillance de l’espace. L’agence spatiale européenne (ESA) conduit dans ce domaine un programme préparatoire Space Situational Awareness (SSA), auquel la France contribue à hauteur de 7 millions d’euros (sur 50 millions). Il s’agit du seul programme de l’ESA de nature duale. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont décidé d’y impliquer leur ministère de la défense. Le commandement interarmées de l’espace assure un soutien du CNES en la matière et est présent au comité de programme en tant que conseiller militaire du représentant français.

Par ailleurs, l’AED joue un rôle moteur dans les phases amont des programmes et des coopérations. Les six pays participant à MUSIS (France, Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, et Grèce) ont ainsi décidé en novembre 2008 de confier la partie commune du programme à l’AED.

En matière de communication spatiale, les travaux de l’agence regroupent une étude d’opportunité d’acquisition groupée de capacités commerciales de télécommunications, une démarche de défense des intérêts militaires auprès de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et une concertation concernant la R&T relative aux futurs systèmes militaires de télécommunications à l’horizon 2020.

Cela étant, le coût de développement des capacités, la rapidité de l’évolution technologique et la concurrence accrue s’exerçant dans ce domaine rendent indispensable un renforcement de la coopération européenne. Outre les projets bilatéraux entre États, celle-ci passe par une volonté politique forte au plus haut niveau.

CINQUIÈME PARTIE : UN APPUI AUX EXPORTATIONS
TOUJOURS FRUCTUEUX ET UNE DIPLOMATIE DE DÉFENSE CONTINUANT DE SE RÉFORMER

A. LE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS : DES RÉSULTATS RECORDS

D’un montant de 20,1 millions d’euros prévus pour 2011, les crédits de paiement concernant l’action 5 (soutien aux exportations) s’accroissent légèrement, de 0,4 million d’euros, soit + 2 % par rapport à 2010.

Ces crédits ont quatre objets :

– le financement du Pavillon Défense aux salons d’armement français ;

– le soutien d’industriels français, en particulier des PME/PMI, sur des pays ciblés, en vue de la prospection de marchés, de la démonstration ou de la commercialisation de matériels ;

– les dépenses de fonctionnement « relations internationales » des postes permanents à l’étranger (hors pays membres de l’OTAN) ;

– les dépenses de fonctionnement courant de la direction du développement international (DI), chargée de toutes les actions, en France et à l’étranger, propres à soutenir les exportations des matériels d’armement, hors dépenses mutualisées prises en charge par le service parisien d’administration centrale (SPAC).

Un indicateur de performance est associé à l’action 5, mesurant le délai de traitement des dossiers d’exportation des matériels de guerre. Cet indicateur comporte deux sous-indicateurs, dont le résultat est stable. Ainsi, le délai de traitement des dossiers d’exportations de matériels de guerre en procédure continue (matériels peu sensibles, pour des projets peu sensibles), de 20 jours en 2009, devrait, selon les prévisions, être de la même durée en 2010 et 2011. La cible pour 2013 est d’ailleurs identique. Le délai de traitement de ces dossiers en procédure normale devrait passer de 42 jours en 2009 à 43 jours en 2010 et demeurer à ce niveau en 2011 et selon la cible retenue pour 2013.

Ces mesures ne permettent que très partiellement d’apprécier l’efficacité des services. Elles gagneraient, là encore, à être complétées et enrichies.

On peut en revanche noter – même si ce fait ne dépend que partiellement des services – la poursuite des performances à l’exportation. En 2009, les prises de commandes de la France se sont élevées à 8,16 milliards d’euros, soit 22 % de plus qu’en 2008 et 40 % de plus qu’en 2007 (13). La France a ainsi conforté sa place de quatrième exportateur mondial avec 7,2 % de parts de marché, derrière les États-Unis (52,4 %), le Royaume-Uni (13,4 %) et la Russie (8,4 %). Les contrats les plus importants de 2009 ont concerné le Brésil (sous-marins Scorpène), l’Arabie saoudite (missiles Scalp Storm Shadow, système de surveillance des frontières avec l’Irak), le Mexique (hélicoptères EC 725), l’Irak (hélicoptères EC 635), la Finlande (radars de surveillance) et le Qatar (missiles Exocet MM 40).

Le ministère de la défense estime que, malgré un contexte économique défavorable, la France peut compter en 2010 sur un « socle » de plus de 4 milliards d’euros de prises de commande, auxquels devraient s’ajouter plusieurs contrats majeurs (concernant le Rafale et le bâtiment de projection et de commandement (BPC) notamment) dans les prochains mois.

Ces performances ont été facilitées par la stratégie de relance des exportations conduite par le Gouvernement. Celle-ci repose sur deux volets principaux :

– la dynamisation des mécanismes de soutien, avec la création de la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI), l’élaboration du plan national stratégique de soutien aux exportations de défense (PNSED) et le lancement du « plan PME-PMI ». Ces actions, qui ont permis une meilleure coordination des acteurs étatiques, se poursuivent : la CIACI se réunit tous les deux mois sur des sujets liés à l’export tandis que le PNSED a été réactualisé en 2010 pour tenir compte des évolutions du marché mondial de l’armement ;

– la simplification et la fluidification des mesures de contrôle, grâce à la réduction des délais de traitement des dossiers soumis à la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et à la dématérialisation des demandes. Les résultats sont, selon le ministère, globalement positifs, comme en témoigne l’alignement de nos délais de traitement administratifs sur ceux de nos concurrents européens, en particulier le Royaume-Uni.

Le ministère entend également, dans le droit fil des propositions émises par le rapporteur dans son rapport remis au Premier ministre en juillet dernier (14), faciliter les exportations par trois moyens principaux :

– le recours accru à la procédure continu et l’extension de la durée de validité des autorisations d’exportation de matériels de guerre (AEMG) ;

– la redéfinition des matériels à usage militaire, afin de prendre en compte le recours croissant aux technologies civiles ;

– une réflexion interministérielle sur l’introduction de licences générales d’exportation et la mise en œuvre, à terme, d’une procédure de licence unique.

Il précise que la licence générale d’exportation pourrait reprendre les principes de la licence européenne en autorisant des sociétés respectant certaines conditions à exporter certaines catégories de produits à certains pays hors de l’Union européenne.

Inspirée du dispositif britannique, la licence unique repose sur le principe que toute entreprise souhaitant exporter ou transférer des matériels de guerre et matériels assimilés disposera d’une seule autorisation pour à la fois transmettre des informations soumises à contrôle dans le cadre d’une négociation, conclure un contrat, et exporter ou transférer des biens. Cette licence, comme la licence de transfert, pourrait être accordée par le Premier ministre et notifiée par le ministre en charge de la direction générale des douanes et des droits indirects. Sa mise en œuvre devrait, selon le ministère de la défense, permettre de réduire progressivement de 50 % le nombre des autorisations délivrées aujourd’hui (de 12 600 à 5 000), ainsi que les délais d’instruction.

Le Gouvernement s’attelle par ailleurs, depuis le printemps 2009, à la transposition de la directive 2009/43 du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, dite TIC. Cette transposition, qui doit s’achever au plus tard le 30 juin 2011 (pour une entrée en vigueur le 30 juin 2012), s’articule autour des orientations suivantes : une grande fiabilité du contrôle interne des entreprises certifiées, des licences générales de transfert établies en concertation avec nos partenaires principaux pour éviter une distorsion de concurrence, et une simplification importante des procédures de contrôle a priori en contrepartie de la mise en place d’un contrôle a posteriori rénové.

Enfin, le Gouvernement poursuit ses travaux pour renforcer l’indépendance de la France vis-à-vis de la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations), mise en œuvre par le département d’État américain. Cette réglementation prescrit, à tout moment, un droit de regard et de contrôle des États-Unis sur les technologies américaines jugées sensibles. Par exemple, les États-Unis se sont opposés à la vente d’avions de transport espagnols au Venezuela pour des raisons de « sécurité nationale ». De ce fait, des exportations non américaines sont soumises à un veto potentiel en raison de la présence de matériels et/ou de composants sensibles fabriqués aux États-Unis.

Les contraintes générées par la réglementation ITAR font déjà l’objet de nombreuses mesures de la part des grands maîtres d’œuvre industriels français et européens. Ceux-ci limitent l’emploi de composants militaires classés ITAR dans leurs produits (notamment civils), et mettent en place des procédures de précaution vis-à-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants, afin de garantir les approvisionnements. En outre, l’affectation des crédits d’études amont tient compte de cette réglementation.

Dès 2009, dans le cadre du plan de relance de l’économie, des études ont été lancées afin de créer une filière industrielle européenne dans des secteurs fortement contraints par ITAR (la vision infrarouge et les intensificateurs de lumière en particulier). De plus, une étude sur les conséquences de la réglementation ITAR sur la politique d’exportation de la France a été commandée par la DGA à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), en vue d’améliorer la stratégie conduite en la matière.

B. LA DIPLOMATIE DE DÉFENSE : LA POURSUITE DE LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU

Les crédits de paiement prévus pour l’action 6, concernant la diplomatie de défense, enregistrent, avec un montant de 100,6 millions d’euros, une diminution de 2,1 millions d’euros, soit – 2,05 % par rapport à 2010. Cette réduction est liée à la réforme en cours de la diplomatie de défense et à une mesure de transfert d’une partie du soutien des postes permanents à l’étranger (PPE) du réseau diplomatique au ministère des affaires étrangères et européennes (énergie, loyer, frais d’entretien, de maintenance et de travaux immobiliers).

Cette enveloppe couvre trois prestations distinctes :

– les crédits de fonctionnement nécessaires aux PPE, implantés dans 87 pays (69,5 millions d’euros) ;

– l’aide versée au gouvernement de la République de Djibouti, en compensation de l’implantation des forces françaises sur son territoire, conformément à la convention bilatérale du 3 août 2003 (25,4 millions d’euros contre 22,3 millions en 2010) ;

– la part des crédits alloués au programme « Partenariat mondial du G8 » de lutte contre la prolifération (5,7 millions).

Le plan triennal de rationalisation du réseau de diplomatie de défense arrêté en 2008 se poursuit. Il a trois objectifs :

– la fusion des réseaux (attachés de défense et attachés d’armement), pour donner plus de cohérence et d’efficacité à l’action menée dans les pays concernés et optimiser les coûts de fonctionnement ;

– la régionalisation, autant que possible, des missions militaires de défense ;

– l’adaptation du format de ces missions, notamment au sein des grandes ambassades, en fonction des enjeux et de la charge de travail.

Cette évolution résulte aussi de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui conduisent à réduire le volume des PPE hors organisations internationales de 20 % sur trois ans (soit 58 postes pour le seul programme 144).

Plusieurs postes ont ainsi été supprimés en 2010 :

– une mission militaire en Macédoine (1 officier et 1 sous-officier) ;

– une mission militaire au Nicaragua (1 officier et 1 sous-officier) ;

– 4 postes d’attachés de défense et d’armement (Allemagne, Espagne, Canada, Maroc) ;

– 8 postes d’assistants militaires (Hongrie, Allemagne, Grèce, Royaume-Uni, États-Unis, Colombie, Égypte et Israël) ;

– 1 poste d’assistant civil au Royaume-Uni.

Parallèlement, une mission militaire a été ouverte au Rwanda, constituée d’un officier et un sous-officier.

Mais, comme le rapporteur a déjà eu l’occasion de le souligner dans son précédent avis, ni le PAP, ni les réponses apportées au questionnaire budgétaire ne permettent d’évaluer l’efficacité précise de cette réforme ni, plus globalement, ses effets sur notre diplomatie.

L’indicateur associé à l’action 6, mesurant l’atteinte des objectifs fixés par les accords de coopération en matière de défense, n’offre qu’une information partielle. Ce taux, non renseigné en 2008 et de 85 % en 2009, baisserait, selon les prévisions, à 80 % en 2010 et en 2011. La cible visée pour 2013, fixée au même taux, n’est guère plus ambitieuse…

Cette lacune montre une nouvelle fois combien une réflexion sur l’amélioration des indicateurs de performance du programme serait souhaitable.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I —  AUDITION DE M. MICHEL MIRAILLET, DIRECTEUR CHARGÉ DES AFFAIRES STRATÉGIQUES AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2010.

M. Michel Voisin, président. Nous nous retrouvons pour entendre M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense.

Je vous prie d’excuser l’absence du Président Guy Teissier, qui est en ce moment reçu par le Premier ministre sur l’affaire des otages.

Vous allez, monsieur le directeur, nous exposer les grandes lignes du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », dont vous êtes responsable.

Vous aviez, l’année dernière, présenté de façon tout à fait précise et complète l’action de la délégation aux affaires stratégiques. Je voudrais, s’agissant des actions du programme 144, que vous mettiez surtout l’accent sur celle qui concerne la recherche et l’exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France, car les événements récents au Sahel, comme les inquiétudes actuelles sur une résurgence des attentats terroristes, nous montrent l’importance de ce volet.

Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous fassiez un point précis sur le soutien aux exportations. La France a conforté en 2009 son rang de quatrième exportateur mondial d’armement avec 8,16 milliards d’euros de prises de commandes.

Vous aviez évoqué, l’année dernière, la mise en place des nouvelles procédures pour se mettre en conformité avec les réglementations européennes sur les transferts intracommunautaires en 2011. Où en est le dossier ?

Enfin, vous espériez beaucoup de la mise en œuvre de Chorus qui s’avère pour le moment problématique. Là aussi, un point précis sur le sujet nous serait utile.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. Aujourd’hui, c’est pour moi la quatrième occasion de rendre compte des progrès accomplis par le programme 144, qui porte l’essentiel de la « jeune » fonction stratégique « connaissance et d’anticipation » ; cet élément clé de la politique publique qu’il soutient explique pour une large part la préservation de son périmètre financier.

Ce programme a bénéficié sur une période de quatorze mois des conclusions de trois audits lourds et exigeants – deux de la Cour des Comptes et un du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) –, qui ont tous souligné la qualité des travaux réalisés par les différents partenaires du programme.

En qualité de responsable de programme, deux objectifs me sont assignés par la loi de programmation : animer et soutenir la prospective de défense en appui direct de la réflexion stratégique et du processus décisionnel ; fonder la cohérence d’une politique publique regroupant la compréhension de l’environnement stratégique, les relations internationales, la prospective technologique, le contrôle et le soutien des exportations d’armement et la lutte contre la prolifération.

Le programme 144 oriente la politique du ministère, son action se situant en amont, en accompagnement de celles menées au titre de la « préparation et à l’emploi des forces » (programme 178), de l’« équipement » (programme 146) et du « soutien de la politique de défense » (programme 212).

Dans ce cadre général, cinq principes doivent être mis en œuvre : disposer d’une vision stratégique, décliner une planification collégiale, orchestrer un pilotage coordonné, conduire une gestion réactive et encourager un rayonnement actif.

Cette posture active dans ces cinq directions se fait au bénéfice d’un programme qui se met en œuvre avec près de 8 600 personnes en moyenne réparties dans l’ensemble du ministère (état-major des armées (EMA), direction générale de l’armement (DGA), services de renseignement, réseau des postes permanents à l’étranger). Il représente environ 1 793 millions d’euros, soit de l’ordre de 5 % des crédits de paiements du projet de loi de finances (PLF) pour 2011, et une part notable des efforts consentis au profit de la recherche de défense.

J’aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2010 et les grands choix opérés pour le PLF 2011. En dernier lieu, j’évoquerai la façon dont nous entendons poursuivre nos travaux dans les mois qui viennent.

La fin de la gestion de 2010 se caractérise sur le titre 2 par un déficit d’environ 0,76 % de la dotation prévue par la loi de finances initiale. Cette situation s’accorde avec les objectifs de ressources humaines fixés au programme pour l’actuelle gestion : d’une part, le plafond des emplois autorisés (8 661 ETP) sera respecté au regard des emplois occupés en moyenne sur l’année (8 533) ; d’autre part, le nombre d’emplois effectivement pourvus en fin d’année (8 636) sera conforme avec la cible en effectif terminal accordée pour la gestion de 2010 (8 677).

S’agissant des autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 240 millions d’euros et payer 1 247 millions d’euros – dont 70 millions au titre du plan de relance de l’économie –, hors consommation de la réserve qui représente à ce jour un peu plus de 51,3 millions d’euros – 49,7 millions en autorisations d’engagement (AE) et 51,3 millions environ en crédits de paiement (CP).

Dans ces conditions, en raisonnant sur un périmètre excluant le plan de relance, le montant des engagements pour 2010 devrait être en augmentation de 8 % environ par rapport à 2009.

Pour les crédits de paiement, une levée de la réserve complète donnerait une capacité de paiement jusqu’à 1 298 millions d’euros, soit un niveau de paiement équivalent à celui de 2009. Le programme vise également à limiter, autant que faire se peut, le montant des factures impayées à la fin de l’année 2010 du fait des difficultés rencontrées par le ministère de la défense avec le système d’information Chorus déployé en début d’année 2010.

Le solde de gestion devrait être bénéficiaire de 52 millions d’euros environ en AE et déficitaire de l’ordre de 37 millions d’euros en CP si la levée de la réserve de précaution intervient avant la fin de gestion, à condition que le programme soit autorisé à consommer l’intégralité de sa ressource et que Chorus permette de consommer les crédits.

Les mesures sont d’ailleurs prises et la totalité des acteurs mobilisée afin de consommer la totalité de la ressource. Nous cherchons ainsi à maintenir dans les limites autorisées par la loi organique le montant des reports de crédits de 2010 sur 2011.

Sur le volet effectif et masse salariale, le programme 144 pourrait apparaître comme relativement épargné par la rigueur affectant l’ensemble des administrations de l’État.

En effet, il devrait bénéficier globalement d’une augmentation importante de sa masse salariale (+ 5,07 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2010), afin d’accompagner la progression de ses effectifs et de son plafond ministériel des emplois autorisés (qui passe de 8 661 emplois équivalents temps plein (ETP) en 2010 à 8 673 ETP en 2011).

Cet éclairage général ne doit cependant pas masquer, si l’on examine la situation propre à trois des quatre entités composant le programme – DGA, EMA et direction de la protection et de la sécurité et de la défense (DPSD) –, des réalités plus conformes avec les recherches d’économie et de rationalisation des moyens demandés aux administrations. Les trois budgets opérationnels de programme correspondants perdent en effet 3 % de leurs emplois.

Il résulte de ces constats que la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) restera, en 2011, un service à part au sein du programme 144 comme de la mission « Défense ». Elle accentuera la montée en puissance de ses capacités techniques et opérationnelles, dans le cadre de la fonction « connaissance et anticipation ». Ces objectifs seront poursuivis à l’aide de ressources budgétaires fortement accrues (+ 11,59 %) et adaptées aux nécessités du développement de ses programmes technologiques.

Le budget prévisionnel accordé à la DGSE permettra également de résoudre diverses difficultés rencontrées au cours de la gestion de 2010 comme le paiement des dépenses d’IRE (indemnités de résidence à l’étranger) ou le financement de diverses mesures catégorielles au profit des corps d’agents de catégorie C du service.

C’est donc à la seule dynamique de ce secteur du programme que sera due la situation privilégiée de l’ensemble.

Dans ce contexte général, les effectifs mis en œuvre par les quatre budgets opérationnels seront affectés par deux grandes tendances.

Premièrement, au sein des deux services de renseignements (DGSE et DPSD), mais à des échelles différentes, la priorité est désormais clairement donnée au recrutement de personnels d’encadrement de haut niveau et d’experts techniques. Cette voie, déjà entamée par la DGSE depuis trois ans, sera également recherchée par le biais de la politique de recrutement de la DPSD, malgré des moyens budgétaires plus comptés. L’efficacité supplémentaire attendue de ce renforcement de compétences nouvelles se nourrira par ailleurs de la mutualisation entre les deux services de renseignements des expériences acquises, des actions de formation et de l’exploitation des informations dans le cadre de la création de l’académie du renseignement.

La deuxième tendance est l’examen systématique de tous les emplois de soutien méritant d’être regroupés ou mis en extinction. Cette mesure sera formalisée concrètement l’année prochaine par le transfert de 50 emplois de soutien des éléments de la DGA vers le programme 146. L’idée est ici de diminuer les emplois indirectement concernés par les missions fondamentales soutenues par le programme 144.

L’équilibre budgétaire est enfin atteint. À la lumière des résultats prévisionnels de la gestion 2010 et des précisions assez affinées qui peuvent être tirées à cette époque de l’année, on peut dire que le PLF 2011 s’inscrit dans une bonne cohérence par rapport à la LFI pour 2010.

La hausse des crédits traduit directement l’accroissement du périmètre physique attendu en 2011, que concrétise très précisément le schéma prévisionnel d’emplois qui sera piloté tout au long de la gestion.

Elle marque également la fin – que l’on espère définitive – de la sous-budgétisation chronique qui affectait le titre 2 de certains secteurs du programme depuis sa création. Cela est particulièrement vrai pour la DGSE qui dispose dès aujourd’hui, en construction budgétaire, des moyens nécessaires pour recruter les effectifs prévus dans la tranche 2011, sans spéculer sur des abondements en fin de gestion.

Pour les prochaines gestions, la variation du périmètre financier du titre 2 ne devrait plus dépendre que de paramètres annuels bien programmés (réformes catégorielles, schéma annuel d’emploi, etc.) et non plus de la contrainte de corriger d’anciennes anomalies (sous-budgétisation de dépenses catégorielles et endettement auprès des caisses sociales pour certaines catégories d’agents notamment).

Hors titre 2, les crédits du programme connaissent une augmentation de 5,27 % en autorisations d’engagement et une augmentation de 3,11 % en crédits de paiement à périmètre identique.

Le périmètre du programme 144 va connaître quelques évolutions par rapport à la gestion précédente, dues principalement à quatre mesures : le transfert vers le ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105) de crédits relatifs au financement de la quote-part pour charges communes des ambassades et consulats généraux ; le transfert vers le programme 178 dans le cadre du financement de la réalisation du projet d’optimisation des procédures d’habilitation de la DPSD intitulé SOPHIA ; le transfert vers le programme 146 de crédits de fonctionnement pour accompagner les réorganisations du soutien au sein de la DGA ; la poursuite du financement bilatéral du programme du partenariat mondial du G8 – dit « PMG8 » –, soit 2,9 millions d’euros de crédits de paiement, à comparer avec les douze milliards d’euros que les États-Unis s’engagent à investir dans ce domaine.

Au total, l’ensemble de ces évolutions conduit à diminuer le budget du programme de 3,8 millions d’euros sans modifier en profondeur la répartition et le volume des crédits par action.

Pour 2011, le programme a porté ses efforts financiers sur les domaines jugés prioritaires, en cohérence avec les orientations du Livre blanc.

Le budget en crédits de paiement du titre 3 augmente de 5 millions d’euros environ, soit 0,51 % pour 2011. Les augmentations de crédits enregistrées bénéficient essentiellement au fonctionnement de la DGSE.

Cette hausse des crédits ne doit cependant pas masquer l’effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement demandé à l’ensemble des services, ni le recul des crédits consacrés aux études amont (- 5,6 millions d’euros), aux subventions (- 8,2 millions d’euros) et à la diplomatie de défense (- 1,3 million d’euros).

Le budget du titre 5 est revu à la baisse pour un montant de 23,4 millions d’euros. Cette baisse est localisée en totalité au niveau de la DGSE et s’explique pour partie par le changement de méthode de l’imputation des dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO). Les dépenses d’infrastructure de la DGSE feront néanmoins l’objet d’abondements interministériels au cours de la gestion de 2011.

Les subventions du titre 6 sont en augmentation de 3 millions d’euros ; cette hausse correspond en totalité à l’augmentation de l’aide versée au gouvernement de la République de Djibouti, le montant de la subvention versée à l’agence européenne de défense (AED) demeurant constant à 4,2 millions d’euros.

Dans ces conditions, avec une hausse globale des crédits de paiements de 38,5 millions d’euros environ à périmètre constant, les ressources du programme inscrites dans le PLF 2011 permettront d’atteindre les objectifs prévus en application des orientations du Livre blanc.

L’action 1 (analyse stratégique) voit son budget augmenter de 10 % à périmètre équivalent à 2010 ou de 9,65 % à périmètre courant.

Le budget consacré aux études prospectives et stratégiques sera de 4,2 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 0,7 million d’euros par rapport à 2010. La priorité donnée à la fonction stratégique « connaissance et anticipation » trouve ainsi une traduction concrète et permet à la communauté de défense de se doter d’outils de réflexions partagés, d’études, d’observatoires et de séminaires à la hauteur des enjeux actuels. Le souci d’une saine gestion se traduit par une stricte égalité entre le volume des autorisations d’engagement et celui des crédits de paiement.

Les subventions aux publications stratégiques sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques assure, avec la reconduction de la dotation budgétaire de 2010 d’un montant de 0,2 million d’euros, la diffusion des études prospectives et stratégiques (conventions de publication avec des éditeurs européens pour des publications anglophones ou francophones) ou le soutien des positions françaises (organisation d’événements informels d’échanges de vues et de construction de positions, animation de réseaux, sélection des rencontres où la présence de représentants français est souhaitable, etc.).

Le programme 144 assure également le financement des programmes « personnalités d’avenir défense », mais aussi le rayonnement « post-doctorats » pour un montant de 0,15 million d’euros.

Le programme « personnalités d’avenir » permet de sensibiliser de futures élites étrangères aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et de créer des contacts entre ces jeunes cadres et les correspondants français partageant les mêmes centres d’intérêt dans une vraie dynamique d’influence. Ces personnalités d’avenir sont accueillies en petites délégations (quatre personnes maximum) ou individuellement pour un séjour d’étude d’une durée d’une semaine. Le programme prend en charge toutes les dépenses afférentes au séjour.

Les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qu’il est prévu d’engager en 2011 au titre de l’action 2 (prospective des systèmes de forces) correspondent aux orientations qui ressortent du plan prospectif à 30 ans remis à jour régulièrement par la communauté de défense.

Le budget pour 2011 des EOTO, d’un montant de 19,64 millions d’euros, progresse de 1,13 million par rapport à celui voté en LFI pour 2010, qui intégrait le remboursement des avances consenties en 2009 dans le cadre du plan de relance. Si l’on ne tient pas compte de ce facteur, le budget de 2011 des EOTO augmente de 0,42 million d’euros, soit 2,2 % par rapport à 2010.

L’action 3 (recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France) voit ses moyens en crédits de paiement, hors titre 2, diminuer de 5,1 millions d’euros, soit - 2,21 %, après trois années de hausses consécutives. Par rapport à 2010, cette réduction des moyens concerne essentiellement la DPSD (- 7 % ou - 0,87 million d’euros) puis la DGSE (- 1,94 % soit - 4,2 millions d’euros).

En ce qui concerne la sous-action 31 intéressant la DGSE, les 153,3 millions d’euros de crédits du titre 5 visent, d’une part, à permettre l’acquisition de matériels opérationnels dédiés au traitement et à l’exploitation du renseignement obtenu, ainsi qu’au soutien, au support et à la logistique des opérations et, d’autre part, à la construction, la modernisation et l’adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l’information. Des crédits interministériels d’un montant de 54,5 millions d’euros viendront abonder, en cours de gestion, ces opérations d’investissement.

Conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE a poursuivi la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement, ce qui se traduit par la baisse des dotations des opérations budgétaires concernées. Cette diminution est toutefois atténuée par l’augmentation des effectifs qui, mécaniquement, entraîne une augmentation des dépenses de fonctionnement (surfaces d’accueil, entretien, formation, recrutement).

Les moyens alloués à la DPSD, qui sont retracés dans la sous-action 32, diminuent de 0,87 million d’euros, soit - 7 %. Ce recul des crédits de fonctionnement alloués à la DPSD traduit également la volonté de procéder à des économies de fonctionnement. Le transfert en construction budgétaire de 0,2 million d’euros vers le programme 178 dans le cadre du financement du système d’information SOPHIA, relatif à la dématérialisation des procédures d’habilitation et de protection, ampute la dotation prévisionnelle d’autant.

La dotation en crédits d’investissement de la DPSD reste constante par rapport à 2010 : elle traduit notamment la volonté de maintenir la performance du système d’information et de sécurité à un haut niveau et de former spécifiquement le personnel aux métiers de la DPSD.

L’action 4 (maîtrise des capacités technologiques et industrielles) – qui représente 76 % du programme hors titre 2 – dispose de 988,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement, en augmentation de 2,9 % ; parallèlement, ses crédits de paiement (926,4 millions d’euros) reculent de 1,5 %. Le quasi-maintien du montant des crédits de paiement traduit non seulement la volonté de détecter en amont les technologies émergentes, de consolider le socle technologique existant, de sanctuariser les études amont, mais également la détermination à honorer les contrats ministériels d’objectifs et de moyens (COM) des grandes écoles d’ingénieurs de la DGA.

Le montant des crédits alloués aux études amont (707,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 646,1 millions d’euros en crédits de paiement) est en augmentation de 5,3 % en autorisations d’engagement et en diminution de 1,5 % en crédits de paiement et vise à réaliser l’objectif d’engagement fixé par le ministre de la défense en notifiant de nouveaux axes sur 250 à 300 programmes d’études amont (PEA) nouveaux. Le budget reflète la stricte application de la loi de programmation militaire pour 2009-2014 et inclut notamment 13 millions d’euros destinés aux pôles de compétitivité, transférés vers le programme 191 (Recherche duale).

L’action 5, relative au soutien aux exportations, enregistre une augmentation de 0,31 million d’euros de son budget hors titre 2 (soit + 5,4 %), pour s’établir à un montant total de 7,1 millions d’euros environ pour 2011. Cette augmentation est essentiellement due à la tenue du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget – plus onéreux que les salons Eurosatory et Euronaval –, qui tend à accroître les ventes d’armement. Des économies sont également attendues sur les dépenses de fonctionnement relevant de cette action.

Comme je l’ai déjà annoncé, l’action 6 (diplomatie de défense) connaît une augmentation de 1,8 million d’euros par rapport à 2010, essentiellement attribuable, à hauteur de 3 millions d’euros, à la subvention versée au gouvernement de la République de Djibouti par le ministère de la défense en application de la convention bilatérale conclue entre les deux États.

En ce qui concerne les budgets alloués aux postes permanents à l’étranger (PPE), l’année 2011 est marquée par le transfert en construction budgétaire d’une partie du soutien des PPE du réseau diplomatique au ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105, « action de la France en Europe et dans le monde »), pour un montant de 1,51 million d’euros. En conséquence, le montant de leur dotation s’établit à 4 millions d’euros.

Le financement des 8,6 millions d’euros du programme PMG8 est totalement assuré par le programme 144, à la suite du transfert complet de sa gestion budgétaire du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’aménagement du territoire au ministère de la défense.

Par ailleurs, l’un des deux contrôles menés par la Cour des comptes et l’audit du CIAP ont essentiellement porté sur le dispositif de performance du programme.

Dans l’un comme dans l’autre cas, les autorités de contrôle ont souligné la difficulté pour ce programme, dont les productions sont essentiellement intellectuelles, d’organiser un dispositif de mesure des résultats.

Les recommandations qui visaient abandon (ainsi l’indicateur PME/PMI des études amont), reformulations, meilleures précisions, réaménagements voire élargissement du champ d’application de certains indicateurs ont été sans délai insérées dans le document soumis à votre examen.

Le programme 144 est partie prenante de tous les travaux actuellement menés sur le renforcement de la fonction financière, qui constituent une des recommandations du Livre blanc.

Ces travaux et ces réflexions serviront à la refonte de la charte du programme, rendue nécessaire par la mise en œuvre du système d’information Chorus et le développement du contrôle interne budgétaire et comptable.

À l’instar des autres programmes, son pilotage devrait en être amélioré et j’ai confié une étude sur le sujet à la cellule qui m’assiste pour l’exercice de ces responsabilités.

M. Yves Fromion. Je sais que la présentation du programme 144 n’est pas une affaire aisée ; la matière est un peu disparate à première lecture mais il existe finalement une certaine logique dans l’ensemble des actions de ce programme.

J’ai noté avec satisfaction que le budget du programme est en hausse de 12 millions d’euros en crédits de paiement et de près de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Comme vous l’avez souligné, il y a dans ce programme deux actions majeures, par la masse des crédits mobilisés : la recherche et l’exploitation du renseignement, la DGSE pour l’essentiel, et la recherche, autrement dit la maîtrise des capacités technologiques et industrielles.

Concernant le renseignement, on est en ligne avec le Livre blanc. Le budget de l’action 3 sur le renseignement augmente de 4,5 % en crédits de paiement, ce qui est effectivement conforme avec les engagements pris. C’est moins brillant pour le maintien des capacités technologiques puisque les crédits de paiement diminuent de 14 millions d’euros ; même si cela n’est pas considérable au regard d’une masse de 980 millions d’euros, cela marque néanmoins une tendance et c’est un peu dommage car il y a un vrai besoin de préparer l’avenir.

Globalement, on peut dire que l’essentiel est préservé pour la préparation de l’avenir, même si certains domaines sont en repli. Cela tient en particulier à ce qui n’apparaît pas dans votre présentation : la part croissante du nucléaire dans la recherche, qui est de l’ordre de 25 %. Cette part importante est destinée à la future rénovation de l’ASMP-A – qui pourtant vient seulement d’entrer en service et est à peine intégré sur le Rafale et le Mirage –, mais aussi à la définition de ce que pourrait être le successeur du M51, qui n’est pas lui-même encore en service sur le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), puisque le premier tir est intervenu récemment à partir d’un site du centre d’essais des Landes, ce qui n’équivaut pas à un tir in situ. On est donc encore loin de la mise en service opérationnelle et, néanmoins, il faut déjà prévoir l’avenir - le missile M6. Cela entraîne une ponction très forte des crédits de R&D au détriment d’autres secteurs de la recherche qui en ont bien besoin. Cela pose une question de fond, dont je n’ai pas la solution : celle de la place croissante du nucléaire dans la recherche ; elle mérite que l’on s’interroge sur l’équilibre trouvé, qui rend difficile le maintien de compétences dans d’autres domaines pourtant essentiels.

Je souhaiterais par ailleurs vous interroger sur quatre points.

Dans le projet annuel de performances (PAP), les sous-actions 41 (études amont espace), 42 (études amont nucléaire) et 43 (études amont autres) sont fusionnées en une seule, sous le libellé « études amont ». Je ne peux que déplorer cette fusion, qui nous prive de visibilité sur les différentes composantes. J’aimerais donc que vous nous expliquiez les raisons de cette fusion.

Le montant des crédits de paiement des études amont est en baisse. Or, l’objectif à long terme d’atteindre le milliard d’euros dans ce domaine est reporté d’année en année. À ce propos, je ne comprends pas ce que veulent dire certains industriels, lorsqu’ils prétendent que depuis vingt ans les crédits de recherche ont été divisés par deux. Je ne saisis pas leurs calculs mais il est vrai que nous sommes sur une tendance qui n’est pas spécialement favorable.

Pourrions-nous avoir des éléments sur l’agrégat relatif aux développements, qui n’est pas renseigné, du fait, nous dit-on, de la mise en place du système Chorus ?

Enfin, j’ai une question plus technique concernant la surveillance de l’espace. On sait qu’elle repose aujourd’hui sur des compétences américaines mais aussi françaises et allemandes, le radar GRAVES chez nous et le radar TIRA en Allemagne. J’ai cru comprendre qu’il est envisagé de la confier à l’agence spatiale européenne (ESA). L’idée d’européaniser la surveillance de l’espace ne paraît pas forcément saugrenue mais a-t-on bien réfléchi aux conséquences – pour notre sécurité et celle de nos alliés – de la mise sur la place publique des informations qui seraient alors détenues par l’ESA ? Les moyens de détection actuels, autant GRAVES que TIRA, et encore plus la combinaison des deux, nous permettent de connaître avec précision les caractéristiques des satellites qui nous survolent. Nous entretenons d’excellentes relations avec les États-Unis et l’Allemagne, mais si la surveillance est transférée à l’ESA, la règle communautaire veut que les informations soient partagées avec les États participants. Comment peut-on imaginer que les informations les plus confidentielles sur le système satellitaire américain ou autre puissent être mises ainsi sur la place publique ?

M. Michel Miraillet. Sur Chorus, il ne faut pas nier que sa mise en place pose des difficultés importantes au ministère de la défense et à la DAS en particulier. Le problème majeur réside dans la difficulté de payer à temps les instituts de recherche qui travaillent pour nous ; cela représente plus de 4 millions d’euros par an et une part importante de la ressource de ces instituts. En outre, il y a un problème de fond, qui est d’avoir dû passer d’objectifs budgétaires individualisés à une programmation par activité. Jusqu’à maintenant, notre priorité absolue a été les paiements pour les études amont. Tout est fait pour que l’État soit en mesure de tenir ses engagements budgétaires. Mais il est clair que l’affaire Chorus est une croix lourde à porter pour tous les gestionnaires de crédits.

Sur la DGSE, il a deux données à considérer. En 2010, le Livre Blanc avait mis en avant la nécessité d’accroître les effectifs pour les services techniques, plutôt en qualité qu’en quantité. Malgré la surprise stratégique qu’a constituée pour nous la crise financière, les objectifs ont été tenus. 150 postes ont été créés, en 2010, et 165 le seront en 2011. Il s’agit d’emplois de catégorie A, dont certains, très spécialisés, entraînent le versement de rémunérations qui ne sont pas toujours du niveau habituel de celles de la fonction publique. C’est la marque d’un volontarisme certain.

D’un autre côté, il y a eu une baisse des crédits d’équipement, qui s’explique par la volonté de la DGSE de prendre sa part dans la recherche générale d’économies. Nous ne sommes plus dans une culture d’abondance mais dans une époque de ressources limitées, à dépenser au mieux. C’est une véritable mutation psychologique qui s’est opérée.

Malgré la réduction des investissements, il faut se souvenir que des efforts considérables ont été consentis ces quatre dernières années, notamment pour les calculateurs. Je pense que le directeur général de la sécurité extérieure doit être relativement satisfait du tableau actuel.

Vous avez évoqué les études amont : il convient de préciser que les crédits concernant les études amont nucléaire sont de 144 millions d’euros et bénéficient de la majeure partie de l’augmentation budgétaire pour 2011. Le Président de la République nous rappelait qu’il s’agit de notre assurance-vie. Il est en effet indispensable que l’outil de dissuasion soit en bon état d’entretien : ce n’est pas toujours le cas dans d’autres pays. Le Royaume–Uni, notamment, se trouve contraint, dans une période budgétaire difficile, de faire des choix et de réinvestir alors même que son potentiel classique est dans un état délicat.

M. Yves Fromion. Est-ce pour cela que les Britanniques s’adressent à nous ?

M. Michel Miraillet. Ils s’adressent à nous car ils partagent la perception, qu’avec la crise financière, les deux principaux acteurs du domaine de la défense en Europe ne peuvent plus s’ignorer. Si nous voulons échapper au déclassement stratégique – c’est bien de cela dont il s’agit au moment où la plupart des pays d’Asie augmentent très sensiblement leurs budgets de défense –, nous devons regarder de près ce que nous pouvons faire en commun. La chose n’est pas forcément aisée : il y a encore beaucoup de réticences et de contraintes, mais nous ne pouvons plus nous passer de ce rapprochement pour trouver des sources d’économies et de mutualisation. Si nous voulons rester une nation-cadre et garder notre capacité d’entrer en premier sur un territoire, nous devons travailler ensemble.

Pour revenir aux investissements nucléaires, il s’agit vraiment de la crédibilité de la dissuasion. Vous avez parlé de l’ASMP–A, mais il faut aussi tenir compte de la performance de nos missiles et de leur avenir eu égard aux systèmes de défense dans vingt ou trente ans. Il faut aussi prendre en considération l’importante question de l’invulnérabilité et du suivi des études en cours sur les moyens de détection de nos sous-marins stratégiques, sans oublier les transmissions.

Je partage votre sentiment sur la réduction des crédits amont, qui est totalement imputable à la décision de favoriser les études nucléaires. Mais comme la rareté nous a contraints à des choix, c’est le maintien de notre police d’assurance principale qui l’a emporté, en tout cas pour l’année à venir.

Au sujet de la fusion des études amont, je vous renvoie à la page 54 du PAP : vous y trouverez la décomposition des différents programmes, à la fois en AE et CP.

Je partage votre sentiment : dans le domaine de la surveillance de l’espace, il n’est pas pertinent de placer notre relation avec l’Allemagne sur le même plan que celle avec les États-Unis. On observe d’ailleurs depuis deux ans un resserrement des liens avec ceux-ci.

Il s’agit d’un club très fermé que nous avons pu intégrer grâce au radar de veille GRAVES. Les Américains ont constaté notre capacité et ont mis en avant des propositions de coopération qui nous sont bénéfiques.

Certains autres programmes jouent des rôles similaires, tels que le démonstrateur SPIRALE, dotant notre pays d’une capacité d’alerte avancée qui pourrait se révéler particulièrement intéressante dans le cadre du programme de défense antimissile.

S’agissant de l’idée consistant à confier un programme commun de surveillance de l’espace à l’ESA, je partage votre circonspection. Certaines des capacités de GRAVES n’ont pas nécessairement vocation à être partagées, comme par exemple l’identification de satellites.

M. Yves Fromion. Pourtant, le projet semble bien avancé. Certains pays européens ont déjà fait connaître leur intérêt pour participer à cette action commune.

M. Michel Miraillet. Cela ne leur coûte pas cher.

M. Christian Ménard. L’opération Atalante menée actuellement dans l’océan indien peut être considérée comme un grand succès. Pour autant, il semble difficile d’escompter de nouveaux progrès sécuritaires dans la région et l’opération risque de durer pendant encore des années. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de passer à une phase plus globale, civilo-militaire, fondée en particulier sur le code de conduite de Djibouti en lui donnant une forme vertueuse ?

M. Philippe Folliot. En ce qui concerne la mise en place du programme Chorus et plus particulièrement l’engagement de dépenses de la DAS au titre d’études et de recherches, il me semble nécessaire de souligner que ce sont les PME qui ont été les plus gravement touchées par les retards de paiement. Et elles en souffrent encore à cette heure.

Dans le domaine du renseignement, la concentration de moyens nouveaux au profit de la DGSE ne risque-t-elle pas d’entraîner un déséquilibre par rapport à la DPSD ? Celle-ci pourra-t-elle faire face à ses missions ? Par ailleurs, pourriez-vous expliciter en quoi consiste l’académie du renseignement ?

M. Michel Miraillet. L’opération Atalante n’est pas terminée, mais j’observe un épuisement de certains de nos partenaires qui la trouvent coûteuse.

Il faut la poursuivre car, si elle a permis une stabilisation des actes de piraterie, ce phénomène s’étend désormais vers le sud, se rapprochant des Seychelles, et vers l’est, en direction des côtes indiennes.

Au-delà de ses aspects opérationnels, l’opération Atalante est réussie sur le plan politique : elle a ouvert l’Europe sur l’extérieur. Celle-ci s’est fait connaître du Yémen, de l’Arabie saoudite ou encore de l’Inde, dont la marine coopère avec nous.

L’opération menée par l’OTAN demeure plus limitée et il importe de veiller à sa bonne coordination avec Atalante.

Au-delà de ces opérations militaires, il faut bien évidemment traiter le problème à la source. Vous avez évoqué le code de Djibouti, qui va dans le bon sens. On peut également se réjouir du renforcement des capacités de gardes-côtes du Yémen.

En outre, la question du traitement judiciaire des pirates est devenue cruciale. Les accords locaux avec le Kenya ou les Seychelles ont montré leurs limites, y compris pour les armateurs, la justice de ces pays exigeant la présence sur place des commandants des navires.

Il faut aujourd’hui envisager la création d’un tribunal somalien en Somalie même, au Puntland par exemple, sous réserve de la situation réelle sur place.

Plus généralement, on observe aujourd’hui le positionnement d’acteurs nouveaux, et notamment de sociétés militaires privées. Cela soulève des difficultés que la France ne peut gérer seule et ce problème doit être abordé dans une optique européenne. Ainsi, plus que jamais, la priorité est bien de convaincre nos partenaires de ne pas se désinvestir de la région.

En ce qui concerne Chorus, je tiens à témoigner que le ministère fait preuve d’un soin tout particulier à préserver les PME des aléas du nouveau système. Mais je dois reconnaître que beaucoup d’entre elles ont souffert et souffrent encore. Ni moi ni le cabinet ne ménageons nos efforts pour les soutenir en cas de difficulté grave et le déblocage de leurs crédits est une priorité absolue. Pour mémoire, je rappellerai que sur les 4,5 millions d’euros que nous dépensons en études et recherches, la quasi-totalité bénéficie à des PME.

La création de l’académie du renseignement résulte du Livre blanc. Il s’agit de réunir pour leur formation les trois grands services que sont la DGSE, la DRM et la DPSD, afin de créer une sorte de communauté. Il s’agit d’un point de départ dont les résultats ne pourront être identifiés que sur le long terme.

S’agissant de la DPSD en particulier, je ne crois pas que l’on puisse la considérer comme le parent pauvre du renseignement. Au contraire, ce service a entamé une réorganisation de son activité, dans le sens d’une plus haute qualification. Selon sa direction, la légère baisse des crédits dont il est affecté pour 2011 ne devrait pas nuire à son activité.

Mme Françoise Hostalier. La contrainte budgétaire va se traduire par une diminution des crédits dédiés au maintien des capacités technologiques. Nous risquons de commettre une erreur stratégique en sacrifiant les lignes budgétaires réservées à la recherche : or les efforts que nous faisons aujourd’hui garantissent notre sécurité dans 25 ou 30 ans. Le nucléaire est sanctuarisé mais le resserrement des crédits va-t-il modifier notre stratégie à long terme en matière de recherche dans le domaine de la défense et, si oui, dans quels domaines ?

Vous avez évoqué les programmes d’accueil des personnalités d’avenir. Quels sont les critères de sélection de ces personnes ? Y a-t-il une volonté de rechercher un retour sur investissement ?

M. Christophe Guilloteau. Nos capacités d’anticipation semblent avoir été prises en défaut au Sahel. Je n’exclus pas l’erreur possible de certains. Une zone aussi vaste présente des difficultés, en particulier si Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) étendait ses activités au sud du Sahara. Une mutualisation de nos actions n’est-elle pas envisageable ? Qu’en est-il de la coopération avec l’Algérie ?

M. Michel Miraillet. Cette question est très délicate. En traçant l’axe Dakar-Kandahar, le Livre blanc pointait un élément qui va influer notre politique étrangère et de défense pour les années à venir. Il imposera une inflexion de l’évolution des crédits de la coopération de défense. Il est toujours nécessaire d’aider certains pays africains comme la Mauritanie, le Mali ou le Niger. Dans le même temps, il nous faut accompagner nos ventes d’armes et poursuivre nos actions de prospection dans d’autres régions du monde. AQMI, c’est le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), groupe qui a montré sa capacité à porter des coups importants. En matière de terrorisme ou d’action, la présence géographique des États n’est pas un rempart suffisant.

S’agissant des crédits dédiés aux études amont, le Livre blanc fixait un objectif d’un milliard d’euros. La contrainte financière a conduit à ramener cet objectif à 700 millions d’euros. Des efforts considérables sont nécessaires, en particulier de la part de la DGA, pour garantir ce plancher de dépense.

Le programme concernant les personnalités d’avenir consiste à faire venir tous frais payés pour une durée de huit à quinze jours des personnes d’une quarantaine d’années identifiées par les ambassades. Un cycle d’entretiens avec des personnalités de très haut niveau leur est organisé. Le budget consacré à la réception d’une vingtaine d’invités par an est limité : la moyenne de la dépense par candidat s’établit à environ 10 000 euros. Ces investissements permettent la création d’un réseau de liens qu’il convient d’entretenir. Les ambassades proposent les personnalités et justifient leur sélection ; la DAS choisit les invités parmi ces candidatures. Initié il y a deux ans, le projet, peu onéreux, fonctionne bien, mais il s’inscrit sur le long terme. Il a bénéficié, par exemple, à des collaborateurs de sénateurs américains ou des parlementaires néerlandais, dont un est devenu vice-président de la commission de la défense de son assemblée.

Mme Françoise Hostalier. Quelle stratégie est menée au travers de ces invitations ? Quel est le rapport entre les différents horizons d’où sont originaires ces personnalités ?

M. Michel Miraillet. Tous les invités relèvent du monde de la défense et manifestent un intérêt pour l’Europe. Nos ambitions pour l’Europe de la défense leur sont présentées. Nous nous efforçons de faire comprendre nos orientations en matière de défense et d’interventions à l’extérieur. Les invités sont sélectionnés à la fois dans des milieux proches du nôtre et dans des pays où nous n’allons pas habituellement mais qui sont de vrais acteurs de la sécurité internationale. L’Asie du Nord-Est peut être ciblée. Notre démarche s’inscrit dans une logique d’influence et vise à mieux nous faire connaître ; c’est un pari sur l’avenir.

M. Patrick Beaudouin. En tant que président du groupe d’amitié France-Corée du Sud, je me réjouis de votre intérêt pour ce pays d’avenir. Dans une zone dominée par la Chine et le Japon, nous pouvons utilement nous appuyer sur la Corée du Sud, qui me semble être très favorable à l’Europe. Nous avons en outre une histoire commune importante et des relations diplomatiques anciennes qu’il nous faut entretenir. La Corée s’investit de plus en plus sur la scène internationale, participant même à des opérations de maintien de la paix, comme au Liban, et accueillera le prochain sommet du G 20 ainsi que la prochaine conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2012. Les Américains vont rendre à la Corée le commandement militaire de la péninsule en 2015, montrant que le pays accède totalement à l’autonomie malgré des tensions fortes liées à la proximité de la dictature nord-coréenne et au risque permanent de prolifération. Ces événements peuvent être l’occasion de renforcer notre présence et notre coopération ; il y a véritablement un gisement pour augmenter le rayonnement de la France.

En matière d’armement, je veux souligner les liens de la Corée avec Eurocopter sur l’hélicoptère lourd et peut-être demain sur un hélicoptère d’attaque. Pourtant, j’ai le sentiment que nous nous sommes quelque peu désengagés. La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) a d’ailleurs supprimé les crédits affectés à l’enseignement du français, ce qui très regrettable, car cela nous empêche d’accueillir des Coréens dans les grandes écoles militaires. Le réseau que nous pourrions tisser est pourtant fondamental pour l’avenir de nos exportations d’armement ; il me semble que nous ne nous appuyons pas assez sur nos relais locaux et que nous ne faisons pas vivre notre réseau comme il le faudrait.

Je pense que votre direction peut jouer un rôle important en la matière ; j’essaie de constituer des synergies entre tous les réseaux pour la Corée et je serais heureux que nous puissions travailler ensemble sur ce projet.

M. Michel Voisin, président. Vous avez évoqué la lutte contre la prolifération ; je veux indiquer que la commission a récemment adopté le projet de loi de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. En 2001, les services de police ont arrêté trois personnes en possession d’uranium enrichi. Ils ont été depuis condamnés à des peines de prison ferme. Depuis cette date, y a-t-il eu des événements similaires ?

M. Michel Miraillet. Je suis intimement convaincu de l’importance et de l’intérêt de notre coopération avec la Corée du Sud depuis 1986, lorsque j’y ai effectué mon stage en ambassade. Je veux souligner la vivacité du dialogue stratégique entre nos deux ministères de la défense ; à ce titre, je m’y rends deux à trois fois par an.

L’enseignement du français est effectivement une préoccupation mais je crois que la DCSD, soutenue par le ministre de la défense, a avancé sur le sujet, même s’il est difficile de dégager des crédits dans le contexte budgétaire actuel.

Nos relations sont donc excellentes et vont en s’améliorant ; le sommet du G 20 à Séoul devrait d’ailleurs consacrer la reconnaissance internationale de la Corée, ce qui est primordial vu le contexte très difficile de la zone.

Durant plusieurs années, j’ai été en charge de la lutte contre la prolifération et je me heurtais régulièrement à la faiblesse de notre arsenal juridique, qui se limitait souvent à des infractions relevant de la législation des douanes et donc sanctionnées par de simples amendes et, quelquefois, par des peines de prison avec sursis. Dès 2004, le secrétaire général pour la défense nationale et moi avons engagé des travaux pour pénaliser la prolifération. Je me réjouis donc de l’adoption du projet de loi, qui a fait l’objet de longues consultations en interne : la France est entrée dans la modernité de la lutte contre la prolifération avec un dispositif juridique cohérent et efficace qui lui permet de répondre avec pertinence à cette menace quotidienne. Nous avons d’ailleurs mis ce texte en avant lors de la dernière conférence d’examen du TNP, ce qui montre l’importance que nous lui portons.

Les services de renseignement et la justice ont désormais une base fondamentale d’action et devraient pouvoir travailler dans de meilleures conditions.

Concernant les interceptions de matières, je n’ai pas connaissance d’événements depuis 2001, mais je vous invite à vous rapprocher de la direction centrale du renseignement intérieur à ce sujet. Le trafic de matières est toutefois moins préoccupant que la communication de plans ou de pièces à des pays proliférants, qui constitue une menace plus diffuse et plus difficile à traiter.

Je crois que nous devons nous féliciter du travail accompli par les services de renseignement en la matière : ils veillent à la préservation des compétences et surtout luttent au quotidien contre les risques de diffusion d’informations sensibles.

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Fromion, les crédits de la Mission « Défense » : « Environnement et prospective de la politique de défense » pour 2011, au cours de sa réunion du mercredi 27 octobre 2010.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Philippe Vitel. Je souhaite vous interroger sur l’accès des PME/PMI aux marchés de la recherche de défense. Il existe des clusters dont le rôle est de favoriser cet accès et la participation des PME aux pôles de compétitivité. Ne faudrait-il pas lancer une étude sur l’évaluation de leur action ?

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. La question de la participation du ministère de la défense aux pôles de compétitivité est évoquée dans le rapport. La DGA intervient dans certains clusters tel Eden, qui a pris naissance à Lyon et s’est développé en Allemagne ; elle a avec eux des contacts étroits au travers de représentants dans les régions et conduit une politique volontariste. Une étude sur ce sujet me paraîtrait en effet intéressante.

M. Christophe Guilloteau. J’aurais aussi beaucoup à dire sur la question du site d’Arlit. Mais je voudrais vous interroger sur la défense anti-missile, à la suite des propos tenus sur ce sujet par le Président de la République et à la veille du sommet de Lisbonne : la France se dote-t-elle des moyens en la matière ?

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Je vous ai dit ce que je pensais de la répartition des crédits consacrés à la recherche : nous n’accordons pas une part suffisante à la dissuasion technologique, dont la portée est parfois supérieure à la dissuasion nucléaire. La suprématie américaine en la matière au cours de la guerre froide, et jusqu’à aujourd’hui, nous le montre. Il faut trouver un meilleur équilibre entre la dissuasion nucléaire, qui est indispensable, et les autres technologies, dont la défense anti-missile, actuellement confrontée aux contraintes budgétaires.

M. Bernard Cazeneuve. Quel bilan faites-vous de la réorganisation des services de renseignement à la suite de la réforme mise en place à la suite du Livre blanc et de la création du coordonnateur national du renseignement ?

Concernant vos propos sur l’action de prévention et de dissuasion des services au Niger, je pense que l’efficacité de ceux-ci se mesure précisément à leur capacité à prévenir, sinon on peut se demander à quoi ils servent. C’était d’ailleurs l’objet de la réforme. Pensez-vous que nous avons perdu en efficacité dans ce domaine ?

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. La création d’un coordonnateur national du renseignement est extrêmement utile. Je puis en attester car je le rencontre régulièrement en tant que président de la commission de vérification des fonds spéciaux. Son rôle devra néanmoins se développer.

Je pense que nos services sont parfaitement adaptés à conduire les actions de prévention, notamment en matière terroriste. Encore faut-il qu’ils reçoivent des missions à cet effet. Pour les sites se trouvant à l’étranger, il faut aussi obtenir un accord avec les autorités locales. On ne peut donc pas parler de lacune, mais d’un manque d’instruction. Il faudra désormais lancer ces actions de prévention dans tous les sites où nos intérêts sont exposés.

M. Jean Michel. Je voudrais faire deux observations. D’une part, je constate qu’on va perdre près de 4 milliards d’euros dans la période couverte par la LPM par rapport à ce qui était prévu, avec l’hypothèse de recettes tout à fait exceptionnelles. Or, sur les cessions de fréquences et immobilières, les recettes effectives n’ont cessé d’être inférieures à celles escomptées : en 2009, 300 millions d’euros au lieu de près d’un milliard ; en 2010, 100 millions au lieu de 700. Quant à 2011, on nous promet 1 milliard, mais je doute qu’on parvienne à ce niveau. Cela ne veut pas dire pour autant que d’autres feraient beaucoup mieux.

D’autre part, j’observe que vous continuez à vouloir réduire la part du nucléaire. Mais sans l’effort que nous avons consenti dans ce domaine depuis la IVRépublique, je ne sais pas où nous en serions. J’ai été rapporteur de l’espace et des communications : je suis donc moi aussi attaché à ce que les crédits qui leur sont consacrés soient suffisants, mais cela ne doit pas se faire aux dépens de la dissuasion nucléaire.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Vous m’avez mal compris ou je me suis mal fait comprendre : je considère également que la dissuasion nucléaire est indispensable, mais je répète qu’il faut trouver un meilleur équilibre avec les autres secteurs de la recherche, notamment l’espace, qui n’est pas assez doté.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».

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La commission est ensuite passée à l’examen des amendements.

Elle a d’abord été saisie de l’amendement II-DF 1 de MM. Guy Teissier et Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il s’agit de modifier les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) pour mettre un terme définitif à la différence de traitement entre les sapeurs-pompiers professionnels civils et les marins-pompiers de Marseille. En effet, ces derniers ne bénéficient pas des dispositions de la loi du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale qui intègre l’indemnité de feu dans le calcul des pensions des sapeurs pompiers civils.

M. François Cornut-Gentille. Je suis favorable à cet amendement, mais il me semble que nous avons déjà abordé cette question l’année dernière.

M. Philippe Vitel. Cet amendement avait effectivement été adopté l’année dernière par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais ce changement ne s’est pas traduit dans les textes réglementaires.

M. Yves Fromion. Je ne conteste pas l’intérêt de cette proposition mais il me semble qu’il serait également utile de comparer le statut des marins-pompiers de Marseille avec celui des sapeurs-pompiers de Paris.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas l’objet de cet amendement, mais la question devra bien évidemment être étudiée.

M. Jean-Pierre Soisson. Si je comprends bien, notre vote de l’année dernière n’a abouti à rien. Tout cela donne l’impression que nous nous exprimons dans le vide.

La commission a adopté l’amendement n°II-DF1.

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La commission a ensuite examiné l’amendement II-DF 2 de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet.

M. François Cornut-Gentille. Jean-Claude Viollet et moi considérons que la France est parvenue à un seuil critique dans le domaine du transport tactique et des ravitailleurs. Cela pose le problème de l’étiolement des compétences de l’armée de l’air et menace la crédibilité de notre dissuasion.

Cet amendement propose donc d’acquérir en leasing une première capacité d’avions mutlirôles (MRT) de type A 330. Notre objectif est de pousser le Gouvernement à faire un choix pour engager le renouvellement de notre flotte de ravitailleurs.

Nous proposons de financer cette mesure en mobilisant 20 millions d’euros sur les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » qui est doté de près de 22 milliards d’euros de crédits de paiement.

Je précise que le recours à ces appareils permettra de réaliser des économies de MCO, puisque celui des premiers MRT s’élèvera à 5 000 euros par heure de vol, alors que le coût du seul MCO des C-135 atteint actuellement plus de 13 000 euros.

M. Yves Vandewalle. Je soutiens ce projet mais m’interroge simplement sur sa compatibilité avec les décisions de mutualisation des moyens qui pourraient être prises avec les Britanniques.

M. François Cornut-Gentille. Les deux projets ne s’opposent pas. Si la coopération franco-britannique permettrait d’affréter des heures de vol complémentaires, les données dont nous disposons indiquent que cette option devrait être très coûteuse.

La commission a adopté l’amendement II-DF 2.

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Puis la commission a examiné l’amendement II-DF 3 de M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. La rénovation des Mirage 2000D devait leur permettre d’intégrer une capacité de renseignement image mais également de renseignement électronique que possèdent aujourd’hui les Mirage F1CR avec leur pod ASTAC. Ces appareils leur permettent à la fois d’identifier les dispositifs de l’adversaire et de programmer nos systèmes de contre-mesure électronique.

La procédure de retrait accéléré du Mirage F1CR qui doit s’achever en 2014 et le report de la rénovation du Mirage 2000D renvoyée à l’après 2013 risquent de nous faire perdre, pendant cinq ans au moins, cette capacité indispensable pour entrer en premier sur un théâtre. C’est également une capacité indispensable au travail de la direction du renseignement militaire qui doit alimenter en continu ses bases de données.

Cet amendement vise donc à engager une rénovation a minima pour éviter toute rupture capacitaire, en laissant au ministère de la défense le temps de réfléchir plus largement à l’avenir de cette flotte. Une somme de 10 millions d’euros devrait suffire à intégrer les pod de renseignement électronique ASTAC sur l’ensemble des avions.

La commission a adopté l’amendement II-DF 3.

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M. Jean-Jacques Candelier. L’examen de ce budget donne le sentiment de naviguer à vue. Je déplore qu’il sacrifie l’homme au profit de l’équipement. L’arme nucléaire occupe une bonne place et coûte entre 10 et 11 millions d’euros par jour. Je m’interroge aussi sur l’utilité de la défense anti-missiles balistiques. L’intégration au commandement militaire de l’OTAN me semble une mauvaise décision. Enfin, nous nous enlisons en Afghanistan. Pour toutes ces raisons je voterai contre ce projet de budget.

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La commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » ainsi modifiés.

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ANNEXE : LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– Général Yves Arnaud, commandant du commandement interarmées de l’espace (CIE) ;

– M. Philippe Bottrie, directeur des relations institutionnelles France d’Eurocopter ;

– M. Christian Bréant, directeur recherche et technologie de l’Agence européenne de défense (AED) ;

– M. Joël Chenet, directeur des relations institutionnelles et du business development de Thales Alenia Space ;

– M. Jean-Pierre Devaux, directeur de la stratégie à la DGA ;

– M. Yves Favennec, directeur de la recherche d’Eurocopter ;

– M. Thierry Gaiffe, président de la commission de la défense du Comité Richelieu ;

– M. Benoît Hancart, directeur commercial de Thales Alenia Space ;

– M. Arnaud Hibon, directeur des relations institutionnelles au Parlement européen d’Eurocopter ;

– M. Bastien Hillen, président directeur général de Scan & Target et membre du Comité Richelieu ;

– M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président directeur général de l’ONERA ;

– M. Denis Maugars, président directeur général de l’ONERA ;

– Mme Annick Perrimond-du Breuil, directeur des relations institutionnelles France d’EADS

– M. Jean Perrot, directeur des relations institutionnelles recherche d’EADS

– M. Emmanuel Rosencher, directeur scientifique général de l’ONERA ;

– M. Christian Val, président directeur général de 3 D Plus ;

– M. Philippe Waquet, président directeur général d’Automatic sea vision (ASV) et membre du Comité Richelieu.

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Le rapporteur a également visité le centre du CEA de Valduc, où il s’est notamment entretenu avec M. Régis Baudrillart, directeur du centre de Valduc, M. François Bugaut, directeur matières et environnement à la direction des applications militaires, M. François Géleznikoff, directeur des armes nucléaires à la direction des applications militaires et M. Yves Juguet, directeur-adjoint du centre de Valduc.

Il tient à remercier l’ensemble des personnes rencontrées pour leur coopération.

© Assemblée nationale

1 () 3,2 millions d’euros de mesures statutaires et 11,2 millions de mesures indemnitaires pour le personnel civil et le personnel militaire.

2 () À ces crédits s’ajoute une part de ceux relatifs à la dissuasion, qui intègrent les EOTO nucléaires et les études amont «  nucléaire », relevant de la sous-action 41 – soit 2,9 millions d’euros pour 2011.

3 () Avis n° 1972, tome 2, sur le projet de loi de finances pour 2010, novembre 2009.

4 () Ibidem.

5 () Electronic intelligence – renseignement électronique.

6 () Cf. rapport de la DGA, Etude comparé des technologies – Comparaison du niveau de maturité des technologies des futurs systèmes de défense en France et en Europe par rapport aux États-Unis en 2007.

7 () Forum économique mondial (WEF), Rapport sur la compétitivité globale 2010-2011, septembre 2010.

8 () Cf. Transposition de la directive européenne simplifiant les transferts intracommunautaires d’équipement de défense. Conséquences du traité de Lisbonne sur les capacités militaires et les programmes d’armement de l’Union européenne, juin 2010.

9 () Cf., notamment, n° 1972, tome 2, novembre 2009.

10 () Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.

11 () Projet européen de système de positionnement par satellites.

12 () Global Monitoring for Environment and Security (système d’observation de la terre axé sur l’environnement et la sécurité).

13 () Cf. ministère de la défense, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2009, août 2010.

14 () Cf. Transposition de la directive européenne simplifiant les transferts intracommunautaires d’équipement de défense. Conséquences du traité de Lisbonne sur les capacités militaires et les programmes d’armement de l’Union européenne, juin 2010.