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N° 2862

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME VI

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOIS DES FORCES

AIR

PAR M. Jean-Claude VIOLLET,

Député.

——

Voir le numéro : 2857 (annexe n° 11)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LES MOYENS POUR LA PRÉPARATION ET L’EMPLOI DES FORCES 7

A. GRANDES ORIENTATIONS POUR 2011 7

1. Présentation globale des crédits 8

2. Évolution des effectifs 11

3. Évolution des structures 14

B. LE FONCTIONNEMENT COURANT ET L’ACTIVITÉ DES FORCES 17

1. Les crédits de fonctionnement et le carburant 17

2. Des heures d’entraînement toujours rationnées 18

C. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS 20

1. Les crédits d’entretien programmé des matériels 20

2. La SIMMAD et le SIAé 23

a) La structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) 23

b) Le SIAé 24

3. Des taux de disponibilité disparates 28

II. —  LES OBJECTIFS DU LIVRE BLANC MENACÉS ? 37

A. L’AVIATION DE COMBAT 37

1. La gestion dynamique du programme Rafale 37

2. L’avenir de la flotte Mirage en question 39

B. L’AÉROMOBILITÉ 41

1. L’A400M : un programme prometteur qui semble sorti de l’ornière 41

2. Dans l’attente, le risque de rupture capacitaire est là et les pertes de compétences se précisent 42

3. Le renouvellement de la flotte des ravitailleurs : des choix s’imposent. 43

C. LA FILIÈRE MISSILE FACE À UN TOURNANT 44

D. LES MOYENS DE LA SURVEILLANCE ET DU RENSEIGNEMENT 46

E. LES DRONES : LA PERSPECTIVE D’UN CHOIX RAPIDE 48

F. LE PROGRAMME DE DRONE DE COMBAT NEURON 54

G. LA FLOTTE GOUVERNEMENTALE ET PRÉSIDENTIELLE 55

CONCLUSION 61

TRAVAUX DE LA COMMISSION 63

I. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PAUL PALOMÉROS, CHEF D’ÉTAT–MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR 63

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS 79

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 85

INTRODUCTION

La maîtrise de la troisième dimension est aujourd’hui indispensable aux grandes nations pour conquérir comme pour maintenir leur rang. Or, on peut le dire sans fausse modestie, notre armée de l’air compte parmi les meilleures au monde, grâce à des technologies le plus souvent françaises ou européennes, ainsi qu’à des personnels particulièrement compétents et motivés pour les mettre en œuvre. Disposer de cet outil constitue un atout majeur et il convient de l’entretenir avec constance, notamment dans les périodes de crise, qui accentuent la dangerosité du monde.

Si le budget pour 2010 suscitait à la fois des espoirs et des interrogations, le projet de loi de finances pour 2011 alimente un sentiment d’inquiétude relativement lourd et largement répandu. Deux années seulement après l’adoption du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à peine plus d’un an après celle de la loi de programmation militaire couvrant la période 2009-2020, l’ambition que la Nation avait fixée pour son armée en général et pour l’armée de l’air en particulier semble remise en cause, qu’il s’agisse des drones, de l’aéromobilité, de l’aviation de combat, ou encore des moyens dévolus au fonctionnement quotidien.

Cela suscite des interrogations alors que l’armée de l’air va de réforme en réforme depuis une dizaine d’années. À la suite de la professionnalisation des armées, du plan Air 2010, le Livre blanc combiné à la révision générale des politiques publiques (RGPP) lui ont demandé comme aux autres forces armées de fournir un effort considérable afin de réduire ses coûts de fonctionnement, en particulier sur le plan des ressources humaines et du nombre de ses emprises, pour parvenir à un format plus resserré, concentré sur le cœur de métier. La contrepartie de ces efforts était de disposer d’une armée mieux équipée, plus performante, à même de remplir pleinement le contrat opérationnel fixé par le Livre blanc. Or, c’est cet équilibre qui semble aujourd’hui menacé, comme si, in fine, la France devrait se résigner à disparaître doucement de la scène.

Car, conséquence de la crise économique et financière, la crise budgétaire touche pleinement la mission défense. Le Gouvernement a en effet annoncé que sa contribution au plan de réduction du déficit s’élèverait à près de 3,6 milliards d’euros sur trois ans. Pour 2011, c’est l’armée de l’air qui est la plus touchée, avec la remise en cause de projets importants prévus pour la décennie 2010 : le report de trois ans de la rénovation des Mirage 2000D éloigne sinon annule la perspective de disposer à l’horizon 2017 d’une flotte homogène de Rafale et de Mirage 2000D polyvalents ; le report de la modernisation de nos radars, en bout de course, fait courir un risque grave de rupture capacitaire, tandis que les moyens d’aéromobilité continuent de souffrir, ce qui grève notre capacité de projection tout en menaçant la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Quant aux drones, l’indécision des dernières années pourrait conduire à l’achat sur étagère, pour un montant conséquent, de technologies américaines, disqualifiant la France et l’Europe dans un marché pourtant prometteur.

Qui s’étonnerait que le moral des troupes s’en trouve dégradé ? Il existe certes des éléments positifs, qu’il ne faut pas occulter : le plan de revalorisation des carrières militaires constitue une avancée heureuse et la réforme de la carte militaire progressant, les personnels ont désormais une vision claire de leur avenir géographique. Mais, sur le fond, cela ne parvient pas à apaiser les angoisses : l’armée de l’air dispose d’équipements insuffisants pour remplir son contrat opérationnel et ses perspectives au cours de la prochaine décennie sont peu encourageantes. Enfin, s’y est ajoutée la réforme des retraites en cours d’examen par le Parlement, qui concerne les militaires et dont il semble que toutes les conséquences n’aient pas encore été mesurées.

L’inquiétude semble partagée par le tissu industriel de défense, qui s’interroge sur son devenir, face à des difficultés à l’exportation et à des annulations ou des reports de programmes, parfois à la seule vue du résultat comptable immédiat.

Cette situation impose au politique de tenir un discours clair et courageux. En particulier, il faudra dire à l’armée de l’air si les objectifs du Livre blanc ont vocation à être tenus, indiquer à notre industrie si nous avons ou non une ambition technologique à long terme et dans quels domaines, voire également si oui ou non la France consentira les efforts nécessaires au maintien de la composante aéroportée de sa dissuasion nucléaire, ce qui passe par l’acquisition patrimoniale d’une capacité de ravitailleurs.

Pour l’examen de ce projet de loi de finances, le rapporteur estime indispensable la mise en perspective avec la programmation triennale qu’il ouvre, mais également, bien entendu, avec le Livre blanc, afin d’effectuer un premier bilan de sa mise en œuvre. Car, au-delà des gymnastiques comptables, il faut être conscient que nous sommes confrontés à des choix graves, qui détermineront le rang de notre armée de l’air dans un très proche avenir et, par là, celui de la France dans le monde.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 17 septembre 2010. À cette date, seules 10 réponses étaient parvenues, soit un taux de 23 %.

Au 10 octobre 2010, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 41 réponses étaient parvenues, soit un taux de 95 %.

Le rapporteur, conscient de la forte mobilisation des personnels de l’armée de l’air et des services du ministère de la défense, tient à saluer la qualité de leur travail et leur diligence pour répondre à son questionnaire, malgré des arbitrages très tardifs.

I. —  LES MOYENS POUR LA PRÉPARATION ET L’EMPLOI DES FORCES

Le rapporteur se réjouit de la bonne exécution des crédits pour 2009 et 2010. Globalement, les crédits ouverts en loi de finances ont été consommés.

Ces deux exercices s’inscrivaient dans le contexte du plan de relance de l’économie, dont les effets positifs ont toutefois occulté quelque peu la fragilité des crédits de la défense.

Confronté à une grave crise budgétaire, le Gouvernement a choisi de mettre la défense à contribution, et notamment l’armée de l’air. L’exercice budgétaire s’annonce donc difficile, exigeant d’autant plus d’efforts qu’elle est en réforme permanente depuis dix ans.

Les crédits inscrits pour 2011 au titre de la préparation et l’emploi des forces en témoignent dans leur équilibre général comme dans les difficultés qu’ils traduisent, s’agissant notamment du fonctionnement et de la mise en œuvre des moyens aériens.

A. GRANDES ORIENTATIONS POUR 2011

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 traduisent une pression accrue sur l’armée de l’air, qui se concrétise par une forte baisse des crédits de paiement en investissement. Le processus de mutualisation interarmées permet le transfert de la charge d’entretien des bases vers les structures interarmées, démarche qui ne peut être que soutenue, mais la contraction des moyens affectés à cette tâche suscite des inquiétudes.

1. Présentation globale des crédits

En 2009, l’armée a globalement pu dépenser les enveloppes ouvertes en loi de finances initiale, comme l’indique le tableau ci-après.

Consommation des crédits de l’armée de l’air pour l’Année 2009

(en millions d’euros)

Nature
Agrégat

Dotation initiale (LFI)

Reports de crédits

Autres mouvements (FDC, transferts)

Crédits ouverts

Dépenses réelles

Taux d’exécution

Reports de crédits (Année N+1)

Titre 2

3 133,55

/

- 7,24

3 126,31

3 110,04

99,5 %

/

Titre 3 HLPM

610,24

33,36

17,41

661,01

637,38

96,4 %

23,63

Titre 3 LPM

1 265,15

6,75

121,26

1 393,16

1 382,25

99,2 %

10,92

Titre 5 LPM

76,17

1,25

1,21

78,62

75,36

95,9 %

3,26

Total HT2

1 951,56

41,36

139,88

2 132,79

2 095

98,2 %

37,81

Source : état-major de l’armée de l’air.

En ce qui concerne l’année 2010, les éléments fournis au rapporteur révèlent également un taux d’exécution satisfaisant, comme en atteste le tableau suivant.

Consommation des crédits de l’armée de l’air pour l’Année 2010

(situation arrêtée au 30 août)

(en millions d’euros)

Nature

Dotation initiale (LFI)

Reports de crédits

Autres mouvements (FDC, transferts)

Crédits ouverts
au

Dépenses réelles au

Taux d’exécution
au

Reports de crédits (Année N+1)

       

30 juin

30/08

30 juin

30/08

30 juin

30/08

 

Titre 2

2 989,84

/

- 6,75

2 967,29

2 990,05

1 615,79

2 154,93

54,45 %

72 %

/

Hors titre 2*

1 824,82

/

- 4,39

1 718,03

1 717,80

796,72

1 220,29

46,4 %

71 %

/

* tous agrégats confondus.

Source : état-major de l’armée de l’air.

L’analyse de ces deux tableaux appelle plusieurs remarques. En premier lieu, on peut se réjouir de ces bons taux d’exécution : les crédits ouverts par le vote du Parlement ont été dépensés, respectant ainsi les grandes orientations des lois de finances pour 2009 et 2010. Cela n’avait pourtant rien d’évident compte tenu des difficultés de mise en paiements induites par la mise en place du système de gestion CHORUS. Il faudra examiner les conditions dans lesquelles les intérêts moratoires seront pris en charge et, plus largement, analyser les difficultés liées à la mise en place de ce système. De ce point de vue, le rapporteur serait favorable à la mise en place d’une mission d’évaluation et de contrôle sur ce sujet.

Le titre 2 connaît une nette décroissance, les autorisations d’engagement (AE) diminuant de 3 126,31 millions d’euros ouverts en LFI pour 2009 à 2 989,85 millions d’euros en 2010 et 2 874,7 millions d’euros pour 2011. Cette évolution résulte de deux facteurs issus de la réforme du ministère : la mutualisation des moyens à travers des transferts aux structures interarmées ainsi que la déflation des effectifs décidées dans le cadre de la RGPP. Il est à noter que, dans le tableau, la consommation des crédits intègre les dépenses de personnels du service industriel de l’aéronautique de défense (SIAé) qui sont remboursées par son compte de commerce (pour un montant annuel de 215 millions d’euros).

La réduction de format de l’armée de l’air, telle que préconisée par le Livre blanc, conduit mécaniquement à une diminution des effectifs nécessaires à la tenue du contrat opérationnel. Au-delà, la RGPP a identifié des possibilités d’économies supplémentaires. Pour autant, l’impression générale se dégageant de ce mouvement est celle d’une approche comptable, relativement rigide. Les calculs semblent parfois résulter d’objectifs préalables d’économies à atteindre, plus que d’une prise en compte réelle des perspectives de chaque service. Le cas du SIAé, évoqué plus loin, illustre bien la situation d’un service auquel une norme générale de déflation a été appliquée sans tenir compte de la forte croissance de son activité et de sa contribution positive à la réforme en cours de notre outil de défense.

À mi-parcours de la programmation actuelle, le rapporteur appelle donc à un premier bilan, afin d’indiquer quelles économies ont réellement été réalisées à ce stade, dans quelles mesures celles-ci ont pu être reventilées vers l’effort d’équipement des armées et, enfin, d’analyser quels objectifs réalistes peuvent être assignés aux différents services, compte tenu notamment de l’évolution de leur activité et de leurs moyens depuis 2009.

L’étude des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement, le titre III, est plus complexe. Celui-ci regroupe en effet des agrégats dont les évolutions sont très hétérogènes. En premier lieu, les ressources permettant l’activité et le fonctionnement des forces incluent les crédits finançant le soutien quotidien des personnels, directement liés à leur entraînement (alimentation, formation, instruction, etc.). Ces crédits décroissent, compte tenu de la déflation des effectifs. Les sommes allouées au soutien, dont la gestion est mutualisée au niveau des bases de défense (BdD) sont quant à elles progressivement transférées vers la sous-action « soutien des forces par les bases de défense » du même programme. Dans le même temps, le fonctionnement de l’armée de l’air comprend également les crédits destinés au carburant. La ressource consacrée à l’ensemble des besoins en carburant s’élève à 278,6 millions d’euros pour 2011. Ce montant doit couvrir un besoin estimé à 466 200 mètres cubes de carburéacteur. Malgré la diminution du format de l’armée de l’air, ces crédits sont en hausse, puisqu’ils s’élevaient à 243,95 millions d’euros l’année dernière. Le second sous-ensemble du titre fonctionnement regroupe essentiellement les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM). S’élevant à 1 497,88 millions d’euros d’AE pour 2011, ils financent essentiellement l’EPM des flottes aéronautiques (1 339,10 millions d’euros) et, de façon résiduelle, celui des munitions et missiles, ainsi que, depuis cette année, la formation des pilotes à Cognac, dont la gestion a été externalisée avec succès. L’achat du matériel nécessaire au quotidien du personnel est permis grâce aux crédits d’entretien programmé, abondés à hauteur de 22,1 millions d’euros. Cela inclut notamment l’achat d’habillement ou le financement d’infrastructures de restauration collective. Enfin, le dernier sous ensemble regroupe les crédits dits « d’accompagnement et de cohérence ». Ils permettent l’achat d’armements et de munitions, aéronautiques (telles que des fusées pour bombes ou encore des leurres infrarouges), ou non (munitions sols, y compris pour les forces spéciales).

Enfin, les montants consacrés à l’investissement, qui ne regroupent pas les crédits consacrés aux programmes d’armement (analysés dans la seconde partie du présent avis) décroissent de 5,6 % en 2011. Cette réduction affecte un ensemble de crédits concernant le démantèlement des matériels (aéronautique, munitions et missiles), ainsi que les acquisitions d’équipements dits « d’environnement », notion qui désigne les achats concourant directement au fonctionnement matériel des bases –groupes électrogènes, informatique de gestion et de communication, matériels terrestres ou encore protections NRBC.

Le tableau ci-après illustre l’évolution des ressources du budget opérationnel de programme (BOP) Air entre 2010 et 2011.

Évolution des crédits de l’action 4 du programme 178
entre la LFI 2010 et le PLF 2011

(en millions d’euros courants)

 

AE
LFI 2010

CP
LFI 2010

AE
PLF 2011

CP
PLF 2011

Titre 2 (1)

2 989,85

2 989,85

2 874,72

2 874,72

Titre 3

1 789,69 (2)

1 742,24

2 036,42 (3)

1 643,00

Titre 5

87,06

81,08

82,22

79,68

Total

4 868,05

4 814,62

4 993,36

4 597,4

(1) Civils inclus, pensions incluses.

(2) Dont 116,5 millions d’euros pour des contrats pluriannuels.

(3) Dont 410 millions d’euros pour des contrats pluriannuels.

Source : ministère de la défense.

Dans l’ensemble, les crédits de l’armée de l’air sont donc très contraints pour 2011, notamment si l’on tient compte de l’inflation du poste carburant et des transferts de charge vers les structures interarmées. Dans un contexte de réforme, par définition coûteuse au départ – même si on peut en espérer des économies à terme –, l’exercice 2011 risque d’être difficile, et il ne faudra pas sacrifier les dépenses d’investissement nécessaires au bon fonctionnement des bases. Les repousser à court terme risquerait de créer des besoins d’infrastructure lourds à moyen terme, tout en affectant dès à présent le moral de troupes.

2. Évolution des effectifs

Pour mémoire, l’armée de l’air s’est vu assigner un objectif de déflation de 15 900 personnels civils et militaires entre 2008 et 2015, date à laquelle ses effectifs devront être stabilisés à 50 000 personnels, dont 44 000 militaires. Cette réduction doit s’opérer grâce à des gains de productivité ainsi qu’au recentrage de l’armée de l’air sur son cœur de métier.

Les effectifs de l’armée de l’air, exprimés par le plafond d’emplois autorisés, ont fortement décru entre 2009 et 2010. Au vu des éléments communiqués au rapporteur, on peut relever principalement une baisse de 2 221 ETPT au titre de la réduction de son format (RGPP et Livre blanc) ainsi que le transfert de 1 665 ETPT, principalement vers le commandement interarmées du soutien (COMIAS) qui rassemble l’ensemble des personnels affectés au soutien des bases de défense. S’y sont ajoutés d’autres transferts, en particulier au profit de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI).

Les effectifs du BOP vont connaître une évolution similaire sur la période 2010-2011. Dams le détail, la déflation RGPP-Livre blanc prévue est de 1 852 ETPT pour les effectifs militaires et 297,5 ETPT pour les personnels civils, soit un total de 2 149,5 ETPT. En outre, les transferts de moyens vers les structures interarmées se poursuivent, avec notamment celui de 1 667 ETPT transférés vers les BdD.

En synthèse, le tableau ci-après présente la répartition des plafonds d’emplois ouverts pour 2009, 2010 et 2011 au titre du budget opérationnel de programme (BOP) Air.

Évolution du plafond d’emplois du BOP Air entre 2009 et 2011

(en emplois temps plein)

 

PEA 2009

PEA 2010

EMR-P 2010 (1)

PEA 2011

Officiers

6 504,0

6 323,5

6 262,0

6 016,0

Sous-officiers

28 466,0

26 636,5

26 183,0

24 651,0

MDRE

15 318,0

14 030,0

13 881,0

13 231,0

Volontaires

774,0

723,5

634,0

695,5

Total militaires

51 062,0

47 713,5

46 960,0

44 593,5

Civils Cat A

461,0

507,0

556,0

472,0

Civils Cat B

1 008,0

951,5

902,0

813,5

Civils Cat C

2 057,0

1 801,0

1 908,0

1 384,0

Ouvriers d’état

4 582,0

4 225,5

4 132,0

3 830,0

Total civils

8 108,0

7 485,0

7 498,0

6 499,5

Total

59 170,0

55 198,5

54 458,0

51 093,0

(1) Effectif moyen réalisé prévisionnel - valeur 31 mai 2010.

Source : ministère de la défense.

Au total, sur la présente programmation, les efforts consentis par les personnels ont permis de réaliser des économies substantielles, ce qu’indique le tableau ci-après.

Évolution du coût des dépenses de personnel entre 2009 et 2011

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

LFI 2010

PLF 2011

Total

Économie d’effectifs (transferts inclus)

- 117,96

- 223,38

- 349,22

- 690,56

Mesures catégorielles

+ 14,70

+ 33,01

+ 46,29

+ 94,00

Plan d’accompagnement des restructurations

+ 26,32

+ 24,71

+ 40,93

+ 91,96

Solde des mesures d’ajustement

- 4,97

- 12,60

- 0,89

- 18,46

Bilan des économies titre 2 (hors CAS)

- 81,91

- 178,26

- 262,89

- 523,06

Bilan des économies titre 2 (avec CAS)

- 92,49

- 199,28

- 320,28

- 612,05

Source : ministère de la défense.

Reste à identifier les gains que cette déflation a permis. On retiendra que globalement, sur la période 2009-2011, une économie brute de 690,56 millions d’euros (hors pensions) a été générée. Pour obtenir l’économie nette (523,06 millions d’euros), l’armée de l’air retranche le coût de la revalorisation de la grille indiciaire (94 millions d’euros) ainsi que le coût des mesures d’incitation au départ (91,96 millions d’euros). Il faut noter cependant que cette économie s’appuie en partie sur des mesures de transfert de charge, vers des structures interarmées ou en externalisation.

Le gain en RCS est partiellement atténué par l’augmentation des soldes, engendrée par le plan de revalorisation de la carrière militaire, débuté en 2009. L’année 2011 verra la mise en œuvre de la troisième et dernière tranche de ce plan, cette mesure accroissant les dépenses en ressources humaines de 5,04 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter 0,675 million d’euros au titre de l’accélération des mesures du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées.

Ce plan de revalorisation complète la politique de gestion des ressources humaines menée depuis 2003 qui se caractérise notamment par un effort de « repyramidage ». Concrètement, il s’agit de diminuer le nombre des sous-officiers afin de les recentrer sur leur rôle d’encadrement intermédiaire et de haute technicité, pour confier aux militaires techniciens de l’air l’ensemble des tâches d’exécution. Les gains en masse salariale sont en partie réaffectés vers le corps des officiers supérieurs, l’armée de l’air faisant face à un besoin croissant dans ce domaine à destination des structures interarmées et interalliées.

L’impact du projet de réforme des retraites

La loi portant réforme des retraites comporte un certain nombre de dispositions qui concernent directement les militaires, s’agissant notamment de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite (art. 8 et suivants) ou de la limite d’âge et de la durée de services des militaires (art. 16 et suivants).

Ces dispositions toucheront l’armée de l’air. En particulier, elles auront un impact sur la situation individuelle des personnels, tout d’abord, dans la mesure où elles constituent une remise en cause de certaines dispositions du statut général des militaires, tel qu’établi par la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, et pourraient, au-delà, avoir également des conséquences sur le fonctionnement de la réserve opérationnelle, tel que défini par la loi n° 2006 du 18 avril 2006, modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999.

Elles toucheront également la structure des effectifs des armées, altérant durablement l’équilibre fragile du pyramidage des différents corps, alors même que, dans le mouvement de réforme engagé, il faut redoubler de vigilance sur ce point, afin de maintenir la pleine opérationnalité de notre dispositif de défense, en valorisant au mieux la ressource humaine, et veiller à la réussite des reconversions.

Enfin, elles ne manqueront pas de peser sur le budget défense, dans la mesure où le report de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, comme de la limite d’âge et l’allongement, en conséquence, de la durée des services militaires, va immanquablement conduire à une augmentation des rémunérations et charges sociales, sauf à réduire encore, au-delà des chiffres déjà annoncés, le volume global des effectifs, ce qui ne serait pas sans conséquence sur notre modèle d’armée.

Le rapporteur estime que ces dispositions pourraient modifier notablement le cadre jusque-là fixé par le Livre blanc et dont la LPM pour les années 2009 à 2014 est la première traduction. À ce stade, il semble bien que le ministère n’ait pas procédé à une évaluation précise de cet impact. L’armée de l’air estime simplement que le vieillissement de la population employée qu’elle entraînera pourrait compromettre une grande part des avancements envisagés jusqu’à présent sans même aborder les questions de motivation des jeunes recrues ou de l’adaptation au poste des militaires dont la carrière sera allongée.

Aussi, le rapporteur demande l’information rapide du Parlement sur les conséquences exactes qu’aura cette réforme pour les armées, y compris sur les objectifs de déflation initiés par la RGPP.

3. Évolution des structures

La réorganisation issue de la RGPP et du Livre blanc se poursuit. Ainsi, depuis l’été 2008, l’armée de l’air a dissous les bases aériennes plates-formes de Colmar et, progressivement, de Toulouse, ce dernier site devant être repris par la direction générale de l’aviation civile le 1er janvier 2011.

En 2011, les bases de Reims et Taverny doivent être fermées, avant celles de Metz, Nice, Brétigny et Cambrai dont la fermeture reste prévue en 2012.

Le schéma directeur des implantations de l’armée de l’air, tout en répondant notamment aux contraintes imposées par la posture permanente de sûreté, tente d’atteindre deux objectifs précis. Il s’agit en premier lieu d’adapter le maillage de notre territoire aux menaces, qui ont décliné à l’est. Il s’agit également de traduire la baisse de format de l’armée de l’air décidée dans le Livre blanc.

Le tableau ci-après expose la liste actualisée des implantations de l’armée de l’air, en distinguant parmi celles-ci les bases en tant que telles, les écoles de l’air ainsi que les simples détachements air intégrés à des ensembles interarmées plus vastes.

Liste des implantations de l’armée de l’air en métropole

Type

Numéro

Ville voisine

Dpt

Bases de stationnement chasse
ou transport

102

103

105

112

113

115

116

118

123

125

133

702

Dijon

Cambrai

Evreux

Reims

Saint-Dizier

Orange

Luxeuil

Mont-de-Marsan

Orléans-Bricy

Istres

Nancy

Bourges-Avord

21

59

27

51

52

84

70

40

45

13

54

18

Bases écoles, à vocation interarmées, état-major, centres d’opérations

106

107

110

120

126

128

279

701

705

709

Bordeaux-Mérignac

Villacoublay

Creil

Cazaux

Solenzara

Metz

Chateaudun

Salon-de-Provence

Tours

Cognac

33

78

60

33

2B

57

28

13

37

16

Bases radar, entrepôts, ateliers,
bases diverses

117

217

921

721

901

942

278

943

Paris

Brétigny

Taverny

Rochefort

Drachenbronn

Lyon Mont-Verdun

Ambérieu

Nice

75

91

95

17

67

69

01

06

École d’enseignement technique
de l’armée de l’air (EETAA)

722

Saintes

17

École des pupilles de l’air (EPA)

749

Grenoble

38

Détachements Air

90.204

90.273

90.277

Bordeaux-Beauséjour

Romorantin

Varennes-sur-Allier

33

41

03

Source : ministère de la défense.

Elle dispose également d’implantations hors métropole, dont le nombre n’a pas évolué.

Liste des implantations de l’armée de l’air hors métropole

Numéro Base aérienne, détachement
ou élément air

Ville voisine

DOM-COM ou Pays

104

160

181

188

190

365

367

376

Al Dhafra

Dakar

Saint-Denis

Djibouti

Papeete

Fort-de-France et Pointe-à-Pitre

Cayenne

Nouméa

Émirats Arabes Unis

Sénégal

Réunion

République de Djibouti

Polynésie française

Martinique et Guadeloupe

Guyane

Nouvelle-Calédonie

Source : ministère de la défense.

La restructuration de l’armée de l’air est poursuivie avec courage. On regrettera cependant de ne pas disposer d’un chiffrage précis de son coût, c’est-à-dire des dépenses engagées et des économies réalisées ou escomptées. Faute d’en disposer rapidement, en dehors d’une estimation moyenne de trois millions d’euros pour la fermeture d’une base, l’ardeur à la réforme pourrait laisser place à une certaine lassitude chez les personnels. Car, même lointains, les gains d’une réforme doivent être identifiés et leur utilisation clairement explicitée.

Parallèlement, l’armée de l’air poursuit son intégration aux structures interarmées. Sur le terrain, cela se concrétise essentiellement par l’intégration de ses implantations dans le réseau des BdD et le transfert des moyens de soutien vers les structures interarmées. Ces circonscriptions du soutien visent à mettre en commun les fonctions de support de l’activité militaire afin de permettre des synergies et de conduire le recentrage de l’activité des forces sur leur cœur de métier. Le Gouvernement ayant décidé la généralisation de ces bases au 1er janvier 2011, toutes les implantations de l’armée de l’air vont relever soit d’une BdD à dominante air, soit d’une BdD dominée par une autre armée.

Dans son rapport pour avis relatif au projet de loi de finances pour 2010, le rapporteur s’était interrogé sur l’opportunité d’accélérer le déploiement des BdD alors même qu’aucun retour d’expérience chiffré n’était disponible. À ce jour, le Parlement n’a toujours pas eu à examiner de bilan de leur mise en œuvre. Cela est regrettable, car au-delà des simples bénéfices intuitifs, ce sont surtout des gains fonctionnels qui sont mis en avant.

La lecture budgétaire est elle-même rendue plus délicate par le transfert vers le commandement interarmées du soutien (COMIAS) des personnels et des crédits attachés au soutien des forces. Pour 2011, ses effectifs seront bien évidemment soumis aux objectifs de déflation d’effectifs de type RGPP, mais surtout les crédits de fonctionnement dont il a la charge seront également concernés par le rabot. Une diminution de près de 5 % de ses crédits de fonctionnement a ainsi été décidée. À périmètre égal, elle s’ajoute à une baisse de près de 20 % observée ces dernières années. Or, même sorties du périmètre de cet avis, ces activités de soutien sont des éléments fondamentaux pour l’activité des bases aériennes. On doit donc s’inquiéter de dotations relativement faibles pour le fonctionnement de bases aériennes en pleine restructuration. Négliger aujourd’hui l’effort d’entretien des bâtiments ou encore les moyens de gestion des ressources humaines, c’est risquer demain des blocages dans le fonctionnement quotidien ou l’activité des forces.

B. LE FONCTIONNEMENT COURANT ET L’ACTIVITÉ DES FORCES

1. Les crédits de fonctionnement et le carburant

Les crédits de fonctionnement courant sont en diminution de 17 % par rapport à la LFI pour 2010. Le tableau ci-après illustre leur évolution entre 2010 et 2011.

Crédits de fonctionnement de l’armée de l’air pour 2009 et 2010

en millions d’euros

 

LFI

2010 AE

LFI

2010 CP (1)

PLF 2011 AE

PLF 2011 CP

Fonctionnement hors carburants opérationnels

310,78

327,79

194,60

194,60

Carburants opérationnels

243,95

243,95

278,60

278,60

Total « Activité et fonctionnement des armées » (AFA) pour l’action 4

554,73

571,74

473,20

473,20

(1) En 2010, la dotation en fonctionnement comprend le contrat d’externalisation de la base aérienne de Cognac à hauteur de 15 millions d’euros en crédits de paiement. Cette externalisation consiste à confier totalement (à l’exception des carburants opérationnels) la maintenance des aéronefs (Epsilon et Grob 120) et des entraîneurs de vol de l’école de pilotage de Cognac. En revanche, la formation des pilotes continue d’être assurée par des moniteurs et un encadrement militaires.

Source : ministère de la défense.

Hors carburants, la diminution est de 41 %. Cela s’explique principalement par le transfert d’une grande partie de ces crédits vers la sous-action 82 de l’action 5 « Soutien des forces par les bases de défense », sous la responsabilité du COMIAS, pour un montant de 111,8 millions d’euros. À périmètre constant donc, le fonctionnement est doté de 313,4 millions d’euros, montant en baisse par rapport à 2010 (327,79 millions d’euros).

Cette réduction s’explique en partie par la baisse de format de l’armée de l’air, mais aussi par une pression accrue sur les dépenses de fonctionnement, dans un souci d’économie. Comme l’a régulièrement indiqué le rapporteur, il s’agit de postes budgétaires importants qui, quoique moins visibles, sont déterminants pour la capacité de l’armée de l’air à mettre en œuvre son potentiel. Les négliger pourrait conduire à une véritable paupérisation de l’armée de l’air.

En ce qui concerne le carburant opérationnel, on observe une hausse des dotations, croissant de 243 ,95 millions d’euros en LFI pour 2010 à 278,6 millions d’euros dans le PLF pour 2011. Elle s’explique d’abord par une hausse du prix du baril estimé à 55,56 euros contre 42,86 euros en 2010, pondérée par une baisse de l’activité planifiée, puisque le volume de carburéacteur que l’armée de l’air envisage de consommer passe ainsi de 477 031 mètres cubes à 466 200 mètres cubes.

L’évolution de cette enveloppe demeure évidemment soumise aux cours du pétrole et de l’euro.

2. Des heures d’entraînement toujours rationnées

Le tableau ci-après présente l’évolution des heures d’entraînement moyennes des pilotes des différentes flottes, réalisées ou prévues entre 2008 et 2011. Il mentionne, pour mémoire, les objectifs inscrits en programmation 2009-2014.

Évolution des heures d’entraînement moyennes des pilotes

 

2008
réalisé

Objectif LPM 2009-2014

2009
réalisé

2010

inscrit
(PAP 2010)

2010
prévision actualisée

2011
prévision
(PAP 2011)

Pilote de chasse

177

180

176

180

176

180

Pilote de transport

304

400

250

400

270

300

Pilote d’hélicoptère

151

200

182

200

185

200

Pilote de drone

21

/

125 (1)

/

126

140

(1) Réalisée en totalité en OPEX.

Source : ministère de la défense.

Pour l’aviation de combat, l’objectif des 180 heures par an et par pilote, qui correspond au standard minimal fixé au niveau de l’OTAN, devrait être approché sans toutefois être atteint. Au-delà, il y a de fortes disparités entre les pilotes opérationnels, engagés en OPEX, et les pilotes à l’instruction dont l’entraînement pâtit d’un encadrement en diminution et d’une disponibilité technique parfois insuffisante des flottes.

En ce qui concerne les pilotes de transport, il convient de souligner l’évolution des objectifs inscrits dans le projet annuel de performance (PAP). Pour 2011, ils diminuent de 25 %, passant d’une cible de 400 heures par pilote et par an à 300 heures (1). Clairement, dans le domaine du transport, l’armée de l’air souffre de sous capacités, liées en particulier au retard de l’A400M et à l’usure des C130 et C160, au point de ne plus tendre vers les objectifs du Livre blanc. Pour autant, l’objectif retenu demeure ambitieux, puisqu’il se situe 10 % au-dessus des performances attendues pour l’année en cours. Hors opérations extérieures, le volume d’heures disponibles est consacré au maintien du socle de compétences nécessaires pour assurer l’activité logistique.

Dans le domaine des hélicoptères, il existe une sous-réalisation récurrente des objectifs fixés en programmation, malgré une amélioration progressive des objectifs réalisés, que l’on peut mettre au crédit d’une croissance des taux de disponibilité.

Coopération européenne et internationale
dans le domaine de la formation

Au titre de l’entraînement des pilotes de combat, le rapporteur a eu plusieurs fois l’occasion de saluer la création et le fonctionnement de l’école AJeTS (Advanced Jet Tarining School), lancée officiellement le 6 novembre 2003, qui réunit des moyens français et belges pour former les pilotes des deux pays sur Alphajet.

En 2009, outre les stagiaires français, l’école a accueilli 26 pilotes belges, ainsi que deux pilotes espagnols et six navigateurs officiers système d’armes singapouriens. Pour 2010 et 2011, huit stagiaires qataris et cinq élèves koweïtiens devraient s’ajouter aux huit pilotes belges et huit officiers système d’armes singapouriens.

Dans ce dispositif, la Belgique met à disposition des Alphajet modernisés, tandis que la France s’engage à former les pilotes belges de combat mais également de transport et d’hélicoptère. C’est à cette aune qu’a été créée l’école d’aviation de transport (EAT), où les forces françaises forment selon les normes européennes des pilotes venus d’États membres comme d’autres pays avec lesquels il existe une coopération. En 2010, l’EAT a ainsi formé huit pilotes africains.

La future entrée en service de l’A400M devrait élargir les possibilités de formation commune.

Le rapporteur salue ces démarches qui permettent de sortir par le haut des difficultés liées au manque de moyens.

C. L’ENTRETIEN DES ÉQUIPEMENTS

1. Les crédits d’entretien programmé des matériels

Les crédits budgétaires de l’armée de l’air inscrits pour 2011 sur l’action « Préparation des forces aériennes » au titre de l’entretien programmé des matériels (EPM) et de la dissuasion s’élèvent à 1 179,484 millions d’euros en AE et à 1 100,8 millions d’euros en CP.

Le tableau ci-après décrit la ventilation des crédits d’EPM de l’armée de l’air, en incluant ceux des missiles et satellites.

Ventilation des crédits d’EPM de l’armée de l’air

(en millions d’euros)

Programme
Action
Sous-action
Titre

Rubrique

AE LFI 2009

AE LFI 2010

AE PLF 2011

AE 2011/2009

AE 2011/2010

CP LFI 2009

CP LFI 2010

CP PLF 2011

CP 2011/2009

CP 2011/2010

146 -7 – 35 – 3

MCO
Syracuse III

0

72,92

51,8

ns

- 29 %

0,50

37,61

62,6

ns

+ 66 %

MCO
Matilde

0

28,33

9,4

ns

- 67 %

0,10

10,21

8,6

ns

- 15 %

MCO
MTBA

10,70

9,50

20,8

+94 %

+ 119 %

20,70 (1)

14,79

19,0

- 8 %

+ 28 %

Sous-total P146

10,70

110,75

82,0

ns

- 26 %

21,30

62,61

90,2

ns

+ 44 %

178 – 4 – 70 – 3

EPM.
des flottes aéronautiques
dissuasion

120,20

120,78

104,57

- 13,0 %

- 13,4 %

100,42

98,10

99,99

- 0,4 %

1,9 %

EPM.
des flottes aéronautiques
hors dissuasion

1 051,71 (2)

915,12 (3)

1 017,81 (4)

- 3,2 %

11,2 %

1 043,54

960,30

947,08

- 9,2 %

- 1,4 %

EPM.
des munitions et missiles

51,16

61,67

57,11

11,6 %

- 7,4 %

43,89

45,69

53,77

22,5 %

17,7 %

178 – 4 – 73 – 3

EPM.
des SIC

7,51

0

0

   

8,52

0

0

   

Rechanges électroniques

0

0

0

   

4,33

0

0

   

Sous-total P178

1 230,582

1 097,53

1 179,484

- 4,2 %

7,5 %

1 200,70

1 104,09

1 100,8

- 8,3 %

- 0,3 %

TOTAL

1 241,282

1 208,323

1 261,484

+ 19 %

+ 4,6 %

1 222,00

1 166,70

1 191,0

- 2,5 %

+ 2,1 %

(1) Dont 19,9 millions d’euros de ressources extrabudgétaires.

(2) Hors provision de 346 millions d’euros pour contrats pluriannuels - (soit 1 397,71 millions d’euros au total).

(3) Hors provision de 116,5 millions d’euros pour contrats pluriannuels et remboursement d’une partie des contrats pluriannuels 2009 soit -91 millions d’euros - (940,62 millions d’euros au total).

(4) Hors provision de 410 millions d’euros pour contrats pluriannuels et remboursement d’une partie des contrats pluriannuels 2009 et 2010 soit -91,6 millions d’euros - (1 336,21 millions d’euros au total).

Source : ministère de la défense.

Les domaines couverts sont vastes. On peut cependant identifier certains ensembles dont l’examen se révèle éclairant.

En ce qui concerne la dissuasion, on notera une baisse mécanique des AE consacrées à l’EPM des Mirage 2000N, de 13,4 %, entraînée par le plan de déflation de cette flotte.

En dehors de la dissuasion, on observe une hausse attendue de certains coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). Les avions de combat absorbent 707 millions d’euros, dont 193 millions d’euros pour la flotte Rafale (+ 13 %). 410 millions d’euros sont ouverts en AE pour des engagements prévus au cours des années à venir. Il s’agit d’une dépense en forte croissance, puisque 394 millions d’euros y étaient consacrés l’année dernière.

Le retard de l’A400M a un impact fort sur les coûts de MCO de la flotte logistique. Il a été décidé de prolonger la durée de vie des C160 Transall. Le nombre de grandes visites prévues pour cette flotte a été augmenté de dix entre 2011 et 2013 et un marché d’entretien des moteurs a été notifié, avec une tranche ferme de 153,9 millions d’euros de AE pour trois ans pour la seule part de l’armée de l’air.

On notera que le soutien des Casa CN235, dont l’achat a été décidé pour atténuer le déficit capacitaire provoqué par le retard de l’A400M, sera basculé sur le programme 178 à compter de 2013.

Le coût du MCO des avions ravitailleurs va croissant (+ 5 %), avec un flux annuel s’établissant à 55 millions d’euros. Cette valeur est supérieure à l’augmentation moyenne des coûts constatés dans le milieu aéronautique, ce qui s’explique principalement par l’ancienneté de la flotte.

À titre d’illustration, le coût à l’heure de vol des avions C130 s’élève à 11 600 euros, pour un MCO estimé à 6 900 euros. Un ratio comparable peut également être identifié s’agissant des C135 avec un coût à l’heure de vol estimé à 22 300 euros, incluant une part du MCO de 13 100 euros.

Le MCO des drones Harfang fait l’objet d’un contrat notifié en octobre 2009 et le flux de financement actuel s’établit à 25 millions d’euros. Compte tenu du faible nombre d’heures de vol, le MCO de ce drone est donc relativement coûteux (plus de 12 000 euros par heure), les coûts fixes étant insuffisamment amortis.

2. La SIMMAD et le SIAé

a) La structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD)

Cette structure, créée en 2000, traduit la volonté de rationalisation des acteurs assurant la maîtrise d’œuvre des matériels militaires, en l’occurrence aériens.

Outre une mise en œuvre méritoire de CHORUS, l’année 2010 a vu un élargissement de son périmètre à certaines activités de l’aéronavale, avec le rattachement des directions de projets informatiques AMASIS Défense et MAGELLAN et la création d’une équipe technique interarmées NH90 sur la base aéronautique navale de Hyères. En outre, la SIMMAD a vu sa responsabilité étendue à la maîtrise d’ouvrage déléguée du MCO des systèmes de drones et des systèmes d’exploitation des segments sol d’observation spatiale (leur maîtrise d’ouvrage demeurant assurée par la DGA). Enfin, la SIMMAD a vu le rattachement des structures spécialisées d’achat et de mandatement de Bordeaux Mérignac et Bordeaux Beauséjour le 1er janvier 2010.

De fait, elle gère aujourd’hui des commandes pour les trois armées, pour un volume croissant, comme l’illustre le tableau ci-après.

Crédits gérés par la SIMMAD

(en millions d’euros)

 

Terre

Marine

Air

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI pour 2010
(y compris réserve)

253

243

376

300

1 223

1 104

PLF 2011

233

217

421

344

1 498

1 101

Évolution

- 7,91 %

- 10,70 %

+ 11,97 %

+ 14,67 %

+ 22,49 %

- 0,27 %

Source : ministère de la défense.

En termes d’activité, l’année 2010 a connu de nombreux retraits de service (flotte des SA 321 Super Frelon, d’un Atlantique 2, déflation des flottes de Mirage F1 et Mirage 2000 C et N, etc.), compensés par la livraison de nouveaux matériels (11 Rafale, 5 hélicoptères Tigre, deux EC225, etc.).

L’essentiel de l’activité de la SIMMAD consiste à passer des contrats de MCO pour les différentes flottes sous sa responsabilité. Sans qu’il faille en dresser une liste exhaustive, on notera ainsi en 2010 la notification d’un marché de maintenance pour 15 ans des moteurs TYNE des C160 et des Atlantique 2, le lancement de la procédure contractuelle d’externalisation du soutien des flottes « Xingu » air et marine, ou encore la mise en place d’un nouveau contrat de soutien des hélicoptères EC 145 de la gendarmerie et de la direction de la sécurité civile.

Au-delà, l’activité de la SIMMAD est également largement consacrée à l’avenir, à travers un travail important d’anticipation des plans de charges futures. Il s’agit notamment de préparer le MCO à venir des A400M, d’envisager le soutien en service des pod DAMOCLES MP ou encore de préparer le soutien en service des systèmes d’armes de la famille Sol Air Futur (FSAF), des missiles ASTER 15 et 30.

Pour ce faire, la SIMMAD emploie 1 149 personnels dont 267 civils. Le volume de personnels croît à la seule faveur des évolutions de périmètre (intégration des structures spécialisées d’achat et de mandatement, des directions issues de l’Établissement technique de l’aéronautique navale).

Elle est cependant confrontée à des difficultés de recrutement. Sa géographie en mutation semble expliquer le problème de fidélisation des personnels, civils comme militaires.

b) Le SIAé

Le SIAé est actuellement composé d’une direction centrale et de quatre ateliers industriels de l’aéronautique.

L’année 2009 et le premier semestre de l’année 2010 ont confirmé la forte croissance de son activité. Celle-ci s’explique par sa plus grande autonomie, notamment pour l’achat des pièces de rechange, mais aussi par les transferts d’activités NTI2 (2) en provenance des forces, après décision des états-majors. De fait, le chiffre d’affaire du SIAé a crû régulièrement depuis sa création en 2007 (3). En 2009, le nombre d’heures d’activité a connu une augmentation légère, passant de trois millions d’heures en 2008 à 3,1 millions, ce qui illustre l’accroissement de l’activité dans les ateliers industriels. De fait, la création de cette structure constitue une réussite incontestable pour la défense nationale tant sur le plan de la disponibilité que sur celui des coûts.

On notera également la forte amélioration de ses délais d’intervention. Si l’objectif d’un taux de réalisation de 90 % des livraisons dans les délais contractuels n’a pas été atteint, on constate une progression remarquable au cours des dernières années (52 % en 2007, année précédant la création du SIAé, contre 83 % en 2009).

Quelques exemples d’économies permises par le SIAé

Il paraît difficile de calculer ce gain par comparaison avec le secteur civil : le SIAé est parfois le seul acteur capable d’effectuer le MCO, et il agit tantôt en industriel, tantôt en conseil. Pour autant, certains exemples peuvent être relevés.

En ce qui concerne les Mirage 2000, la mise en œuvre de la proposition du SIAé d’augmenter l’intervalle entre les deux premières grandes visites de 6 ans et 8 mois à 10 ans ainsi que celle d’un nouveau cycle de maintenance devrait permettre un gain de 2,3 millions d’euros par an à compter de 2013.

Le service a participé à la conception d’un nouveau cycle de maintenance de l’Alphajet, laissant augurer des économies comparables.

Cela touche également les moteurs, qu’il s’agisse du Rafale, des Mirage, ou de l’Alphajet.

Au final, le ministère de la défense estime que ce service a permis de réaliser un gain pour l’État de 472 millions d’euros en 10 ans, soit un gain moyen de plus de 47 millions d’euros, représentant 8 % du chiffre d’affaires annuel du SIAé.

Les perspectives de croissance sont prometteuses. Le SIAé doit intégrer les activités de MCO aéronautique de deuxième niveau de la marine le 1er janvier 2011. Cela devrait accroître son chiffre d’affaire de 63 millions d’euros et augmenter ses effectifs de 950 ETPT (aux deux tiers militaires) (4), ce qui conduira à la création d’un cinquième atelier industriel de l’aéronautique en Bretagne.

Si le SIAé a naturellement vocation à intégrer les activités de maintenance lourde des matériels aéronautiques de l’armée de terre, il semble aujourd’hui difficile de définir un calendrier. Seules les premières approches sont aujourd’hui en cours. Cette perspective est pourtant souhaitable car l’intérêt des armées est de bénéficier d’effets d’échelle dans le MCO afin de diminuer les coûts et de mutualiser les capacités.

Le SIAé fait preuve de grandes capacités d’adaptation qu’il convient de maintenir. Ainsi, il a su s’adapter aux reports réguliers de la date d’entrée en service de l’A400M, en renforçant ses capacités de maintenance des flottes de Transall notamment. Il doit aujourd’hui tenir compte du nouveau report, si ce n’est de l’abandon, du programme de rénovation à mi-vie des Mirage 2000D. À chaque fois, il convient de gérer les moyens humains et techniques au plus fin, afin de s’adapter à l’urgence tout en anticipant l’avenir.

Gérer l’urgence tout en préparant l’avenir :
le cas des drones MALE

La mobilisation du SIAé sur la gestion du parc de drones SIDM est assez révélatrice de sa valeur ajoutée. L’une des trois plateformes que possède l’armée de l’air a connu une grave avarie lors d’un vol en Afghanistan, nécessitant son rapatriement puis une opération de maintenance lourde de l’industriel IAI. L’intervention du SIAé, seul expert industriel dont disposent les armées, a apporté un éclairage indispensable aux autorités, permettant des prises de décision optimales. On peut estimer qu’il a contribué à limiter sensiblement le temps de réparation : il s’agissait d’une première pour les autorités françaises et la décision n’était certainement pas aisée. De fait, le vecteur est entré en réparation en mars pour retourner sur le théâtre afghan dès juillet. Si le service a vocation, à terme, à intervenir sur le parc de drones MALE et de drones à voilures tournantes des armées, il a su développer des compétences certes précieuses pour le futur mais également utiles dès aujourd’hui dans sa fonction d’expert au service des états-majors.

Le SIAé développe également son activité au profit de clients étrangers. Outre le Maroc, client de longue date, on notera que le Brésil a récemment conclu des contrats avec le service, tandis que des perspectives semblent envisageables au Moyen Orient.

Toutefois, des difficultés viennent nuancer ce tableau. En particulier, en ce qui concerne la gestion de ses effectifs, on constate une déconnexion préoccupante entre les besoins réels d’une industrie en croissance et les objectifs de déflation issus du Livre blanc et de la RGPP. Ses effectifs ont progressé de 182 ETPT en 2010, pour s’établir à 4 054 personnels. Cette progression ne reflète toutefois que des évolutions de périmètre. Dans les faits, le SIAé, considéré comme un service administratif, doit contribuer aux déflations d’effectifs décidées dans le cadre de la RGPP.

Or, son plan de charge est en croissance. Le tableau ci-après détaille les prises de commande pour 2011, armée par armée.

prises de commande pour 2011

en millions d’euros

Bénéficiaires

SIMMAD

DGA

Total

Air

360,0

30,0

390,0

Marine

154,0

5,0

159,0

Terre

40,2

5,0

45,2

Autres services

1,7

 

1,7

Total clients budgétaires

556,0

40,0

596,0

Commandes clients non budgétaires *

 

10,0

Total des prises de commandes

 

606,0

Source : ministère de la défense.

Le cumul de ces commandes (606 millions d’euros), dépasse celui attendu pour 2010 (569 millions d’euros).

Compte tenu de son carnet de commande à l’horizon 2013, le SIAé aurait besoin de 500 ETPT productifs de plus par rapport à la cible fixée en 2007, et ce malgré un respect de la trajectoire de déflation s’agissant des effectifs du soutien (le service a notamment su externaliser les activités ne relevant pas de son cœur de métier). De fait, il serait anormal, voire incohérent, de maintenir l’exigence d’une déflation de ses effectifs alors même que la croissance de son activité, pour autant qu’on lui en donne les moyens, permet de réaliser des économies. De ce point de vue, le SIAé contribue pleinement à la réforme en concentrant et rationalisant les moyens techniques et humains. Ces économies, rappelons-le, sont multiples : le SIAé permet d’intervenir à moindre coût sur de nombreux matériels, il permet également d’entretenir des flottes anciennes encore opérationnelles, mais devenues non rentables pour le secteur privé. Il permet également à l’État de disposer d’une expertise solide pour la négociation de contrats de maintenance, tout en alimentant la concurrence sur le marché du MCO. En outre, même si cela est difficile à mesurer, des gains importants sont réalisés grâce à l’augmentation du taux de disponibilité des flottes qu’il gère. L’empêcher d’ajuster ses effectifs aux commandes qui lui sont passées ne répond pas à la logique industrielle qui est la sienne.

Cette pression sur les ressources humaines se trouve compliquée par le moratoire décidé sur le recrutement d’ouvriers de l’État. En nombre limité, les recrutements opérés par le SIAé en sont rendus plus difficiles : ils ne peuvent intervenir que sous contrat, c’est-à-dire en proposant un statut précaire, alors même que les spécialités souhaitées sont relativement demandées sur le marché. Or, il est crucial pour l’avenir de recruter dès à présent des personnels dans certaines nouvelles spécialités, tels les matériaux composites, et de conserver ces viviers de compétences.

Pour l’avenir, la question de l’évolution de son statut est également posée. À ce stade, le SIAé est un organisme administratif du ministère de la défense exerçant une activité industrielle, retracée dans un compte de commerce. La croissance de son activité, ainsi que la nécessité d’optimiser encore les coûts plaident aujourd’hui pour l’adoption d’un statut lui conférant une personnalité juridique. C’est une condition indispensable pour établir des partenariats industriels, mais également pour l’affranchir du code des marchés publics, peu adapté à son activité. Parmi les pistes envisageables, le modèle d’une société anonyme à capital d’État pourrait être étudié afin de répondre à la nécessité d’une plus grande réactivité dans son activité industrielle, pour faire face aux urgences opérationnelles, notamment.

De même, les coopérations européennes doivent être renforcées. Si la mutualisation des moyens techniques et humains prend du temps et doit être envisagée au cas par cas, de façon prudente, un véritable enjeu réside dans la mutualisation des commandes de pièces détachées, pour lesquelles de fortes économies d’échelle sont envisageables.

Enfin, l’optimisation des moyens de MCO aéronautique de l’État impose d’étudier de près la possibilité de mutualiser les moyens au niveau interministériel. En particulier, pourquoi le SIAé n’intégrerait-il pas les activités de MCO des appareils de la sécurité civile ? Cela soulèverait certainement des défis en termes d’organisation et de dialogue des cultures, mais il pourrait s’agir d’une piste forte d’optimisation des moyens de l’État, et donc d’économies.

Au final, le rapporteur suggère :

– de définir un calendrier plus volontariste pour la création de synergies avec les activités de MCO aéronautique de l’armée de terre ;

– de réexaminer les objectifs de déflation d’effectifs de cette structure au regard de l’accroissement de son activité ainsi que des économies qu’elle permet, dans un esprit de « stricte suffisance » ;

– d’engager une réflexion, assortie d’un calendrier de décision resserré, pour faire évoluer le statut juridique du SIAé ;

– d’envisager des mutualisations avec nos partenaires européens ainsi que, sur le long terme, l’élargissement des activités du SIAé aux flottes d’autres ministères.

3. Des taux de disponibilité disparates

Depuis 2009, l’indicateur traditionnel du taux de disponibilité des flottes est complété par un autre : l’indicateur de disponibilité technique opérationnelle (DTO). Il indique si l’armée de l’air dispose de suffisamment de moyens pour assurer le contrat et la préparation opérationnels (y compris la posture permanente de sûreté). Un taux de 100 % est bon, un taux supérieur indique qu’il existe des marges disponibles, et inférieur, des insuffisances. Globalement, il s’est établi à 93 % pour 2009 et 92 % pour le premier semestre 2010, ce qui est globalement satisfaisant, mais cache des disparités : 101 % pour l’aviation de combat, mais seulement 83 % pour l’aviation de support.

Au-delà, il convient d’examiner le taux de disponibilité des matériels, indicateur traditionnel, qui révèle la proportion d’une flotte qui vole effectivement. Cela traduit l’état réel des matériels à disposition des aviateurs et, par suite, les problèmes de MCO ou encore d’attrition.

Le tableau ci-après synthétise les taux de disponibilité techniques et les DTO des différentes flottes.

Disponibilité globale dont OPEX (hors drones)

Type

d’aéronef

Aéronefs

Taux de disponibilité

DTO

Dates d’entrée en service

Nombre d’aéronefs mis en service en 2011

2007

2008

2009

1er sem. 2010

2009

1er

sem. 2010

Prévision 2011

Le plus ancien

Le plus récent

Avions de combat

Rafale

50 %

61 %

52 %

57 %

97 %

102 %

ì

oct-99

Juin-10

8 Raf C

Mirage 2000 B

60 %

44 %

48 %

51 %

129 %

120 %

è

nov-83

déc-94

0

Mirage 2000 C RDI

50 %

54 %

59 %

69 %

99 %

101 %

è

déc-82

juil-95

0

Mirage 2000-5F

48 %

52 %

53 %

57 %

89 %

93 %

ì

juil-87

juil-90

0

Mirage 2000 D

44 %

43 %

41 %

43 %

83 %

90 %

è

mars-93

févr-02

0

Mirage 2000 N

61 %

58 %

62 %

65 %

106 %

111 %

è

mars-86

mai-93

0

Mirage F1 B

50 %

49 %

62 %

54 %

99 %

114 %

è

nov-80

févr-83

0

Mirage F1CR

50 %

47 %

45 %

55 %

94 %

104 %

è

déc-82

mai-87

0

Mirage F1 CT

57 %

56 %

58 %

43 %

81 %

68 %

ì

déc-77

déc-83

0

TOTAL

52 %

51 %

52 %

56 %

96 %

101 %

     

0

Avions École

Alphajet

71 %

70 %

66 %

60 %

97 %

92 %

è

déc-78

mai-85

0

Xingu

73 %

61 %

58 %

50 %

90 %

80 %

è

mai-82

nov-83

0

Tucano

78 %

78 %

-

-

-

-

 

mai-93

oct-96

0

TOTAL

73 %

70 %

66 %

59 %

96 %

90 %

     

0

Avions de support

TBM 700

69 %

69 %

69 %

67 %

86 %

75 %

ì

mai-92

févr-98

0

DHC6

85 %

78 %

64 %

75 %

82 %

92 %

ì

avril-70

juin-82

0

Falcon 900

95 %

93 %

96 %

100 %

113 %

85 %

è

mars-86

janv-87

0

Falcon 50

95 %

91 %

98 %

100 %

98 %

106 %

è

janv-80

mars-81

0

Falcon 7X

-

-

-

100 %

-

70 %

è

juil-09

mai-10

0

E3F

84 %

87 %

84 %

83 %

105 %

91 %

ì

sept-90

mars-91

0

A 319

99 %

100 %

98 %

100 %

112 %

105 %

vendu

oct-01

avril-02

0

A 310

72 %

87 %

92 %

98 %

102 %

95 %

î

mars-87

janv-88

0

A 340

97 %

98 %

98 %

100 %

94 %

103 %

è

Juin-06

avril-07

0

KC 135 - C135-FR

62 %

65 %

65 %

61 %

71 %

69 %

î

mars-62

déc-63

0

TOTAL

77 %

77 %

76 %

77 %

88 %

83 %

     

0

Avions de transport

C 130

52 %

50 %

58 %

63 %

69 %

72 %

è

juin-65

sept-89

0

C 160 AG-NG

51 %

55 %

52 %

55 %

79 %

84 %

è

juin-65

nov-84

0

C 160 G

69 %

66 %

63 %

42 %

88 %

73 %

è

janv-89

juin-89

0

Casa

73 %

75 %

75 %

77 %

108 %

97 %

è

déc-90

mars-08

0

TOTAL

56 %

59 %

59 %

60 %

84 %

85 %

     

0

Hélicoptères

Fennec

64 %

69 %

69 %

63 %

98 %

87 %

î

févr-88

mars-94

0

Puma

57 %

55 %

57 %

48 %

89 %

82 %

è

nov-74

déc-82

0

Super Puma

63 %

63 %

67 %

98 %

95 %

è

juil-84

mai-93

0

Cougar

88 %

76 %

79 %

46 %

84 %

105 %

î

nov-91

mai-92

0

Caracal

65 %

55 %

59 %

50 %

89 %

75 %

è

juil-05

déc-05

0

TOTAL

62 %

63 %

65 %

57 %

94 %

86 %

     

0

TOTAL ARMÉE DE L’AIR

60 %

60 %

60 %

59 %

93 %

92 %

       

Source : ministère de la défense.

Pour le 1er semestre 2010, le taux de disponibilité technique global des aéronefs de l’armée de l’air s’est établi à 59 %. Il s’agit d’une performance très moyenne, comparable aux années précédentes (taux de 60 % en 2009). Dans les faits, ce taux agrège des situations très hétérogènes, selon que l’on examine les flottes ou les théâtres.

En premier lieu, il convient de relever l’amélioration de la disponibilité de la flotte d’avions de combat.

Celle des Rafale progresse de 5 % pour atteindre 57 %. Ce progrès est heureux, mais il ne saurait cacher une situation malheureuse, encore trop souvent caractérisée par un manque de pièces de rechange, lesquelles font généralement défaut pour n’avoir pas été commandées assez tôt. Les pièces nécessaires sont encore immobilisées dans le circuit industriel. La SIMMAD travaille à l’optimisation du MCO des Rafale : il s’agit notamment de mettre en place des marchés dits engageants avec les industriels pour atteindre un objectif de 70 % de disponibilité en 2012. C’est dans cet esprit qu’après le contrat de MCO conclu avec Dassault en 2008, celui du moteur M88 a été notifié en juin de cette année avec Safran, tandis qu’un contrat de MCO Thalès devrait l’être en 2011.

La disponibilité des différentes flottes de Mirage, a globalement progressé. On relèvera cependant les fortes difficultés des Mirage F1, flotte en cours de retrait de service mais particulièrement sollicitée (5), et celles, moins lourdes, de la flotte de Mirage 2000, affectés par des travaux de MCO urgents, décidés à la suite d’une difficulté moteur, désormais résolue. On notera également la forte sollicitation des Mirage 2000D, qui sont aujourd’hui encore le cœur de notre aviation de combat.

La flotte de transport traverse une situation de tension bien connue. Plus encore que pour les autres flottes, le MCO est ici vital pour notre armée de l’air, car il faut gérer le retard de l’A400M avec une flotte globalement âgée.

Dans le détail, la disponibilité de la flotte de C130 Hercules progresse légèrement, pour atteindre 63 %. Il pourrait être meilleur si le contrat de MCO donnait les résultats escomptés : l’industriel peine à remplir l’objectif de modernisation des appareils, opération qui immobilise un avion dans ses ateliers pour études. Un nouveau contrat de MCO a été passé (6).

La flotte des C160 Transall, vieillissante, a vu sa disponibilité s’améliorer, grâce aux efforts remarquables des équipes de l’armée de l’air, et notamment du SIAé. Chaque jour, ces personnels accomplissent un travail de l’ombre difficile pour les maintenir en ligne et le rapporteur tient à saluer leur motivation ainsi que leur ingéniosité.

Les avions ravitailleurs (KC 135 et C135 FR) voient leur disponibilité diminuer (de 65 % en 2009 à 61 %). Il s’agit d’un mouvement semble-t-il inexorable, compte tenu de l’âge avancé de la flotte (l’appareil le plus ancien est entré en service en mars 1962 et le plus récent en décembre 1963). Cela rend d’autant plus inquiétant le report continu de la décision de commander les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport MRTT (7).

Les flottes d’hélicoptères connaissant toujours une situation préoccupante. Les Puma sont en phase de grande visite, ce qui mécaniquement immobilise de nombreux appareils. S’agissant des Caracal, le MCO n’a pas encore donné tous les résultats escomptés, en raison notamment de faits techniques (corrosion et phénomènes vibratoires) et des difficultés de mise en œuvre de la chaîne de travail par l’industriel. La montée en puissance du MCO des Fennec est plus lente que prévue, l’organisation industrielle semblant perfectible.

Les drones sont d’apparition récente dans l’armée de l’air et leur MCO se met en place progressivement. Notre parc d’un système de trois vecteurs de type Harfang et d’une station sol a été complété cette année par un système supplémentaire composé d’un vecteur et d’une station sol, en cours d’intégration dans les forces. Les trois vecteurs sont déployés depuis février 2009 en Afghanistan, à Bagram. L’industriel y assurait le MCO au quotidien, aux côtés des spécialistes de l’armé de l’air. Depuis cet automne, il n’assure plus le MCO sur le théâtre. Le taux de disponibilité des drones Harfang s’est établi à 59 % au 1er semestre de cette année, contre 55 % en 2009. Ces chiffres sont à analyser avec précaution, car la flotte est très peu nombreuse, et l’indisponibilité d’un seul appareil fait gravement chuter le taux d’ensemble de la flotte. Globalement, on peut se réjouir de la capacité de l’équipe Harfang à répondre aux sollicitations en Afghanistan.

En ce qui concerne la géographie de ces performances, on constate, comme chaque année, un clivage entre les taux de disponibilité constatés en opérations extérieures et ceux en territoire métropolitain.

En opération, le taux de disponibilité des aéronefs est globalement très bon : proche de 93 % pour l’aviation de combat, de 88 % pour les hélicoptères et de 82 % pour les avions de transport.

Le tableau ci-après après met en lumière l’évolution des taux de disponibilité en opérations extérieures depuis 2007.

Disponibilité OPEX (hors Drones)

Type d’aéronefs

Aéronefs

2007

2008

2009

1er semestre 2010

Nombre moyen

Taux de
disponibilité

Nombre moyen

Taux de
disponibilité

Nombre moyen

Taux de
disponibilité

Nombre moyen

Taux de
disponibilité

Avions de

combat

Rafale

2,0

86 %

0,9

98 %

2,6

98 %

   

Mirage 2000C

6,2

71 %

           

Mirage 2000D

5,0

77 %

3,4

92 %

2,7

91 %

2,9

96 %

Mirage F1 CR

3,7

87 %

3,1

93 %

5,6

89 %

6,1

91 %

Mirage F1 CT

2,4

82 %

2,7

90 %

2,4

84 %

1,7

97 %

TOTAL

19,3

78 %

10,2

92 %

13,2

90 %

10,7

93 %

Avions de

support

KC 135-C135-FR

2,2

81 %

           

DHC6

0,8

93 %

           

TBM700

0,9

90 %

0,6

94 %

       

TOTAL

3,8

85 %

0,6

94 %

       

Avions de

transport

C130

1,3

65 %

1,1

78 %

0,5

67 %

0,05

Non
significatif

C160

5,7

65 %

5,2

74 %

4,9

63 %

3,4

76 %

Casa

   

1,9

95 %

1,7

87 %

1,8

94 %

TOTAL

7,0

65 %

8,2

78 %

7,1

68 %

5,3

82 %

Hélicoptères

PUMA

1,9

71 %

           

Fennec

3,5

86 %

1,8

89 %

1,7

87 %

0,9

85 %

Caracal

1,7

90 %

1,7

89 %

0,9

89 %

0,9

90 %

TOTAL

7,0

82 %

3,5

89 %

2,6

88 %

1,8

88 %

TOTAL ARMÉE DE L’AIR

37,2

77 %

22,4

86 %

22,9

81 %

17,8

89 %

Source : ministère de la défense.

Le tableau ci-après décrit la situation spécifique des drones (flotte récente, pour le moment uniquement déployée en opération extérieure).

Disponibilité des drones (OPEX)

 

Taux de disponibilité

Dates d’entrée en service

Nombre d’aéronefs mis en service en 2011

Type d’aéronef

2009

1er semestre 2010

Prévision 2011

Le plus ancien

Le plus récent

Harfang

55 %

59 %

ì

Nov-08

Sept-10

0

Source : ministère de la défense.

Contrepartie d’une disponibilité exemplaire en OPEX, le taux de disponibilité sur le territoire national est mécaniquement plus faible. Cela s’explique par le manque de rechanges, par le vieillissement de certaines flottes, et par la priorité accordée aux opérations extérieures, et ce, d’une certaine façon, au détriment des forces stationnées en métropole. Le tableau ci-après détaille des taux de disponibilité en métropole, que l’on voit nettement plus faibles (58 % en moyenne) qu’en opérations extérieures (89 % hors drones).

Taux de disponibilité (hors OPEX)

Type

d’aéronef

Aéronefs

Taux de disponibilité

2007

2008

2009

1er semestre 2010

Avions de combat

Rafale

48 %

59 %

48 %

57 %

Mirage 2000 B

60 %

44 %

48 %

51 %

Mirage 2000 C RDI

46 %

54 %

59 %

69 %

Mirage 2000-5F

48 %

52 %

53 %

57 %

Mirage 2000 D

40 %

40 %

39 %

41 %

Mirage 2000 N

61 %

58 %

62 %

65 %

Mirage F1 B

50 %

49 %

62 %

54 %

Mirage F1CR

46 %

42 %

36 %

44 %

Mirage F1 CT

54 %

51 %

49 %

22 %

TOTAL

50 %

50 %

50 %

54 %

Avions École

Alphajet

71 %

70 %

66 %

60 %

Xingu

73 %

61 %

58 %

50 %

Tucano

78 %

78 %

-

-

TOTAL

73 %

70 %

66 %

59 %

Avions de support

TBM 700

69 %

67 %

69 %

67 %

DHC6

84 %

78 %

64 %

75 %

Falcon 900

95 %

93 %

96 %

100 %

Falcon 50

95 %

91 %

98 %

100 %

Falcon 7X

-

-

-

100 %

E3F

84 %

87 %

84 %

83 %

A 319

99 %

100 %

98 %

100 %

A 310

72 %

87 %

92 %

98 %

A 340

97 %

98 %

98 %

100 %

KC 135 - C135-FR

54 %

65 %

65 %

61 %

TOTAL

76 %

77 %

76 %

77 %

Avions de transport

C 130

50 %

46 %

58 %

63 %

C 160 AG-NG

48 %

51 %

50 %

52 %

C 160 G

69 %

66 %

63 %

42 %

Casa

73 %

72 %

73 %

75 %

TOTAL

55 %

55 %

57 %

58 %

Hélicoptères

Fennec

61 %

67 %

68 %

62 %

Puma

57 %

55 %

57 %

41 %

Super Puma

63 %

63 %

54 %

Cougar

88 %

76 %

79 %

39 %

Caracal

49 %

39 %

53 %

41 %

TOTAL

60 %

62 %

64 %

57 %

TOTAL ARMÉE DE L’AIR

59 %

59 %

58 %

58 %

Source : ministère de la défense.

Cette situation est inquiétante, s’agissant notamment des avions de combat (taux de 41 % pour le Mirage 2000D), des hélicoptères (57 %) ou de l’aviation de transport (42% pour les C 160 G).

Dans les faits, cela induit notamment des difficultés marquées pour les jeunes pilotes. Ceux-ci, encore inexpérimentés, ne peuvent être envoyés en opération et manquent d’appareils disponibles pour s’entraîner.

Que nos Mirage ou hélicoptères remplissent le contrat opérationnel, et notamment sur les théâtres extérieurs, est une bonne chose, mais cela ne doit pas masquer le fait que nous peinons aujourd’hui à bien former les jeunes pilotes, et cela pour des raisons matérielles. Sans compter qu’à ce jour, nous ne disposons pas de système de drones dédié à la formation et à l’entraînement.

II. —  LES OBJECTIFS DU LIVRE BLANC MENACÉS ?

Il faut analyser le projet de loi de finances à l’aune des objectifs fixés par le Livre blanc selon chacun des grands ensembles que sont l’aviation de combat, l’aéromobilité, les missiles, les moyens de surveillance et de renseignement, les drones, le projet de drone de combat et, enfin, les moyens des flottes gouvernementales.

A. L’AVIATION DE COMBAT

1. La gestion dynamique du programme Rafale

Le programme Rafale compte certainement parmi les programmes emblématiques développés par l’industrie de défense française.

À ce stade, trois versions existent : B (biplace), C (monoplace) et M (destinée à la marine). Sa modernisation a conduit au développement de standards différents, le dernier d’entre eux étant le standard F3. Il s’agit du standard le plus abouti avec, outre les capacités air/air et air/sol déjà présentes dans les standards précédents, la capacité nucléaire (avec le missile ASMPA mis en service cette année), de reconnaissance (la mise en service opérationnelle du pod RECO NG est prévue le 1er novembre 2010), de désignation laser (mise en service opérationnelle du pod Damoclès le 1er avril 2011).

Selon ses versions, un appareil coûte entre 60 et 70 millions d’euros environ (hors taxes).

La cible de commande finale est toujours de 286 appareils, dont 228 pour l’armée de l’air. En raison des nombreux décalages dus aux régulations financières récurrentes, 42 avions seulement ont été livrés à l’armée de l’air sur la période 2003-2008 au lieu des 57 prévus en LPM. Les huit appareils conditionnels de la commande globale n° 3 ont été commandés en décembre 2008. La commande suivante, dite commande globale n° 4, a été notifiée en décembre 2009. Restera ensuite une cinquième commande qui devra être passée sur la loi de programmation suivante.

L’État s’est engagé à maintenir une cadence minimale de livraison de 11 appareils par an, qui correspond au seuil en dessous duquel la viabilité même de la chaîne de production serait mise en cause. Dès lors que des contrats d’exportation se concrétiseraient, il avait été convenu que l’État pourrait moduler cette cadence à hauteur de la moitié des commandes étrangères. On le voit, le contrat Rafale a été conçu dès le départ pour être géré de façon dynamique.

C’est précisément la situation à laquelle nous sommes confrontés pour 2011. En effet, la loi de programmation militaire pour la période 2009-2014 tablait sur la conclusion rapide de contrats d’exportation, permettant à la France de diminuer les livraisons prévues à partir de 2012.

Or, contrairement aux annonces officielles, les contrats d’exportation n’ont pas encore été signés par les partenaires potentiels, au premier rang desquels le Brésil.

Les Rafale produits en 2011 ne devant pas être exportés, on en revient donc au calendrier de livraison initial.

Le tableau ci-après détaille le calendrier de livraison tel qu’il était prévu en programmation.

Calendrier de livraison prévu – Rafale air

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Livraison RAF B

4

0

0

0

0

0

2

4

5

6

8

7

Livraison RAF C

8

8

8

5

3

4

5

5

5

7

7

7

Total annuel

12

8

8

5

3

4

7

9

10

13

15

14

Cumul

12

20

28

33

36

40

47

56

66

79

94

108

Source : armée de l’air.

Compte tenu des difficultés à l’exportation, le calendrier actualisé est le suivant.

Calendrier de livraison actualisé – Rafale air

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Livraison RAF B

4

0

0

0

4

8

0

0

6

7

1

0

Livraison RAF C

8

8

9

7

5

1

0

0

0

1

9

11

Total annuel

12

8

9

7

8

9

0

0

6

8

10

11

Cumul

12

20

29

36

44

53

53

53

59

67

87

98

Source : armée de l’air.

Il ne s’agit donc pas d’une commande supplémentaire de nouveaux appareils, mais bien d’une gestion dynamique des livraisons, les 11 appareils (air et marine) faisant partie de la commande globale passée par l’État.

Pour autant, en construction, il n’y avait pas de provision constituée pour le financement des livraisons susceptibles d’intervenir en avance de phase, les gains escomptés sur l’étalement des livraisons prévu initialement ayant été réaffectés à des programmes d’équipement des trois armées.

Il faudra donc procéder aux rééquilibrages qui s’imposent de façon globale sur les trois armées dans le cadre de la LPM 2009-2014 pour éviter de ponctionner les seuls grands programmes aéronautiques. Cette responsabilité relève de l’état-major des armées et le rapporteur sera particulièrement vigilant sur ce point.

Enfin, la poursuite du programme Rafale exige de compléter, dans les années qui viennent, les achats nationaux par des contrats à l’export afin de garantir le seuil de viabilité de l’outil industriel et de retrouver les marges de manœuvre indispensables pour la réussite de la réforme engagée de notre outil de défense. En un mot, il faut conserver une gestion dynamique de ce programme majeur, pour être en mesure de retrouver demain les économies que nous n’aurons pas pu réaliser, en sachant qu’il est, pour l’heure, parfaitement maîtrisé, avec un coût total restant de l’ordre de 39 milliards d’euros (développement et production), une variation entre le coût de référence initial et le coût actuel de seulement un plus de 5 %, et une participation de l’industrie aux dépenses de développement à hauteur de 25 %. Il est une source de fierté pour la France, son industrie aéronautique, ses militaires, ses ingénieurs de l’armement, et tous ceux qui ont apporté leur concours à la construction de cet avion polyvalent, au moment où l’un de ses concurrents annoncés, mais toujours en développement, le JSF a un coût avoisinant les 40 milliards d’euros.

Eu égard à la non-réalisation des recettes exceptionnelles, à l’absence, pour l’heure, des succès attendus à l’export et aux restrictions budgétaires auxquelles n’échappe pas la Défense, sans parler des effets induits, en termes de masse salariale, par la réforme des retraites militaires, c’est la validité même de la LPM 2009-2014, et au-delà même, du modèle du Livre blanc, qui est en jeu. Il faudra donc engager rapidement une réflexion large pour réévaluer les objectifs de ce dernier, avant même que d’initier les travaux préparatoires à la prochaine LPM 2015-2020.

2. L’avenir de la flotte Mirage en question

La France dispose actuellement d’une flotte de 77 Mirage 2000D, dont 66 en ligne. Cet appareil est actuellement mono-mission : il a été conçu au moment de la guerre du Golfe, pour des confrontations de haute intensité, avec de solides capacités air-sol, mais des capacités relativement inadaptées pour assurer certaines missions, telles que la police du ciel dans le cadre de la posture permanente de sûreté. Il semble également mal équipé pour les conditions qui caractérisent aujourd’hui le théâtre afghan, où il s’agit notamment d’appuyer au mieux les troupes au sol lorsqu’elles sont au contact, mais aussi de réduire les risques de tir fratricide, dans un cadre de confrontation « asymétrique ».

Ces différentes missions peuvent être assurées aujourd’hui par d’autres versions de l’avion Mirage. Leur sortie de flotte est cependant déjà engagée et doit se poursuivre progressivement, à mesure que les livraisons de Rafale interviennent.

En effet, le Livre blanc avait entériné le fait que l’armée de l’air dispose à l’horizon 2020 d’une flotte de 225 avions de combat polyvalents composés de Rafale et de Mirage 2000D. La polyvalence permettait de réduire le nombre d’avions nécessaires au contrat opérationnel, ces avions pouvant assurer des missions aujourd’hui dévolues à des flottes spécifiques. Ce mouvement va donc dans le sens d’une rationalisation de la flotte.

De ce point de vue, la livraison des Rafale et leur mise au standard F3 étant progressives, la flotte des Mirage 2000D rénovés peut être considérée comme l’ « assurance-vie » de notre flotte de combat pour les années 2010 à 2020, époque à laquelle la flotte Rafale arrivera à pleine maturité.

Dans ce contexte, la rénovation des Mirage 2000D qui, déjà repoussée, devait être engagée en 2011, semblait cruciale. Elle devait traiter des obsolescences, afin notamment de bénéficier des dispositifs de protection en vol nécessaires au déploiement futur en OPEX, en combat de basse intensité ou de « contre-insurrection », et lui permettre de devenir pleinement multi-rôles. Elle prévoyait ainsi l’intégration de capacités de renseignement électronique avec l’emport du pod ASTAC présent sur les Mirage F1CR. Ce pod permet à la fois de déterminer où l’adversaire a placé ses différents systèmes de défense et de programmer nos propres systèmes de contre-mesures électroniques. Mais elle comprenait également l’acquisition de nouvelles capacités air-air, avec le remplacement de l’actuel missile d’autoprotection Magic II par le MICA, plus performant et l’adjonction d’un nouveau radar de pointe. Cet ensemble radar-missiles devrait permettre à l’avion d’opérer seul, sans protection aérienne dans un conflit de basse intensité, et aussi d’assurer la posture permanente de sécurité aérienne.

Pour des raisons budgétaires, il a été décidé de reporter de trois ans cette rénovation. Un tel report rend caduc l’objectif de disposer des premiers Mirage polyvalents à l’horizon 2018. Le parc d’avions de combat multimissions de l’armée de l’air restera donc bien en deçà des 225 appareils et pourrait même, en cas de renoncement définitif à cette rénovation des Mirage 2000D – qui sortiraient alors du service à partir de 2018 –, tomber à 150, soit seulement 66 % de l’objectif fixé par le Livre blanc. Le fleuron de notre flotte, le Rafale, sera alors cantonné à des missions de protection du territoire national et de prépositionnement.

On ne peut que regretter cette décision. La rénovation prévue visait à accroître la durée de vie et la qualité des Mirage 2000D, pour un coût d’environ 10 millions d’euros par unité. Ce coût est peu élevé, l’essentiel de l’investissement dans cette flotte ayant déjà été réalisé.

L’économie estimée d’environ 740 millions d’euros pour 77 appareils doit en outre être diminuée du coût qu’engendrera le traitement inévitable des obsolescences, que l’on évalue à 300 millions d’euros. C’est donc, au mieux, une économie de 400 millions d’euros qui peut être espérée. Il s’agit bien entendu d’une somme considérable, dans l’absolu. Mais elle doit être rapportée au coût d’une flotte d’avions de combat neufs : un Rafale coûte entre 60 et 70 millions d’euros, lorsque le gain net sur la non-rénovation des Mirage serait d’environ 5 à 7 millions d’euros par appareil, déduction faite des levées d’obsolescences incontournables.

Le rapporteur espère que cette décision n’est pas irréversible et que le Gouvernement décidera d’engager un processus de rénovation a minima dès 2011.

L’heure semble en tout cas venue de réexaminer ce que sont désormais nos objectifs, puisque nous renonçons sans le dire à ceux fixés par le Livre blanc.

B. L’AÉROMOBILITÉ

1. L’A400M : un programme prometteur qui semble sorti de l’ornière

L’année 2010 a vu le programme A400M progresser fortement. À la mi-juillet, trois prototypes volaient, cumulant près de 400 heures de vol. Une bonne partie des inquiétudes qu’il suscitait l’année dernière, lorsque l’industriel menaçait d’abandonner le programme pour lequel il s’était bien légèrement engagé, a été levée. Il faut mettre au crédit de la France le fait d’avoir « sauvé » ce programme en organisant et en guidant les négociations relatives, notamment, à la prise en charge du surcoût.

En effet, les sept États partenaires se sont accordés avec EADS en mars 2010 sur de nouvelles conditions pour la poursuite du programme. Le travail continue afin de finaliser l’avenant au contrat d’ici fin 2010.

Le coût unitaire de chaque avion augmentera d’environ 11 millions d’euros hors taxes, ce qui représente deux milliards d’euros pour l’ensemble des pays. Ils ont également accepté de renoncer aux pénalités de retard. En outre, en dehors du cadre du contrat, ils ont accepté de participer à hauteur de 1,5 milliard d’euros supplémentaires, selon un mécanisme rappelant les avances remboursables ; les États amortiront leur mise grâce aux ventes à l’exportation.

Les spécifications techniques sont conservées et le prix unitaire inclut la mise à niveau des avions qui seront livrés dans les premiers standards.

Le rapporteur se réjouit de ces avancées : il s’agira, en effet, d’un avion remarquable, qui connaîtra certainement le succès à l’exportation.

Au final, la livraison du premier avion à la France devrait intervenir en 2013, huit avions sont attendus au total à la fin 2014, 35 fin 2020, le dernier des 50 prévus devant être livré en 2024.

D’après les informations communiquées au rapporteur, différents standards devraient se succéder. En particulier, les premiers A400M seront des appareils de transport logistique et leur système d’autoprotection sera progressivement mis en place. À compter de l’hiver 2014-2015, de nouvelles fonctions devraient être intégrées, qui amélioreront les capacités de largage et permettront leur ravitaillement en vol. À la fin 2017, les A400M disposeront de l’essentiel de leurs capacités. Les discussions se poursuivent pour la réduction du nombre des standards, qui sont toujours sources de difficultés.

Le surcoût unitaire pour la France sera amorti par étalement des paiements au-delà de 2020, tandis que la prise en charge de la quote-part au titre des avances remboursables, qui représente près de 400 millions d’euros, fera l’objet d’un financement interministériel qui reste à préciser. Il convient d’ajouter à cela des coûts implicites liés au déficit capacitaire creusé par le retard de l’A400M. L’armée de l’air doit ainsi consacrer d’importantes ressources pour compenser le retard de livraison (cf. ci-après).

Des incertitudes demeurent cependant. En premier lieu l’accord politique conclu entre les États et EADS n’est pas encore signé. L’interprétation de certains points de détail fait encore débat, notamment la façon dont les paiements pourraient être reprofilés d’ici à 2014. Surtout, la crise fait peser le risque d’une réduction de commandes de certains États, induisant une hausse du coût de production moyen. Il importe que la France soutienne l’aboutissement du projet A400M en rappelant leurs responsabilités à ses partenaires. Certains d’entre eux, tels l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont d’ores et déjà négocié une diminution de leur commande. Sauf à rompre l’équilibre du projet, chacun doit assumer au mieux l’effort auquel il s’était engagé. À défaut, c’est la confiance dans les programmes européens qui pourrait s’en trouver atteinte, chacun soupçonnant l’autre d’afficher un enthousiasme provisoire, à la seule fin de capter des débouchés industriels et technologiques.

Parallèlement, les industriels doivent poursuivre leurs travaux pour résoudre les quelques difficultés demeurant dans le développement du programme. Se pose en particulier la question du système de vol (FMS (8)). Ce type de difficulté est inévitable dans le développement d’un produit d’une telle complexité. Le rapporteur encourage les industriels à maintenir un niveau maximal d’effort et de coopération pour développer ces technologies de calcul, dont le marché est aujourd’hui essentiellement dominé par les États-Unis et qui constituent de vrais enjeux pour le secteur aéronautique, tant de défense que civil.

2. Dans l’attente, le risque de rupture capacitaire est là et les pertes de compétences se précisent

Les moyens dont dispose l’armée de l’air sont aujourd’hui clairement insuffisants pour honorer le contrat opérationnel, ou espérer le faire au cours des prochaines années. Comme le rapporteur l’a régulièrement souligné, la situation est de plus en plus grave. On ne peut que déplorer le vieillissement des flottes, accéléré par des sollicitations soutenues sur les théâtres extérieurs, ainsi que le recul des perspectives de renouvellement, imputable en particulier au retard du programme A400M.

Dans l’attente de cet avion, l’armée de l’air est contrainte de maintenir le potentiel de ses Transall, dont le retrait de service a été repoussé au moins jusqu’en 2018 au lieu de 2015. Cette flotte est en outre réorganisée pour optimiser son potentiel en métropole. Faute de capacités, l’armée de l’air doit recourir à des contrats de fret aérien, de type Salis sur Antonov 124 (9), afin notamment de répondre aux besoins de projection en opérations extérieures. Par ailleurs, le Gouvernement a dû décider l’achat de huit avions de transport logistique Casa 235-300, ce qui s’est traduit par un contrat d’acquisition notifié le 25 mars 2010 portant sur la livraison de six avions en 2012 et de deux autres en 2013. Cet achat est une bonne nouvelle, qui répond en partie aux suggestions du rapporteur.

Une armée de l’air qui manque de moyens d’entraînement
et doit abandonner des compétences

Lorsqu’il a présenté son rapport pour avis relatif au projet de budget de l’armée de l’air pour 2010, le rapporteur avait manifesté son inquiétude sur le risque de perte de compétences dû à l’impossibilité de s’entraîner suffisamment. Ce phénomène touche les pilotes de transport et devient de plus en plus préoccupant.

On relèvera ainsi, depuis l’an dernier, outre l’abandon de la capacité de largage à très faible hauteur déjà acté, celui du vol de nuit sous jumelles de vision nocturne, qui avait pourtant servi à la prise de terrain en Afghanistan en 2001.

Certes, l’acquisition de huit Casa 235-300 permettra d’assurer un entraînement tactique élémentaire en dehors des zones de menaces (vol en basse altitude, largage ou posé d’assaut), mais la déflation des C160, conjuguée à la très faible disponibilité des C130, prive l’armée de l’air de capacités d’entraînement tactique avancé et d’intervention en zone hostile dans le cadre des missions de base, telles que l’aéroportage ou l’aérolargage de troupes ou de matériels.

Ces perspectives de perte de compétences suscitent également des craintes en ce qui concerne le largage en haute altitude sous oxygène (mis en œuvre pour le ravitaillement de troupes au sol en Afghanistan en 2008), ou la direction de dispositifs aériens complexes en zone hostile (tels que les évacuations de ressortissants menées au Rwanda en 1994, ou encore le pont humanitaire organisé au Kosovo en 1999).

On notera, néanmoins, l’effort consenti pour maintenir des compétences au sein de l’escadron « opérations spéciales » à un haut niveau, cette unité devant conserver l’ensemble des savoir-faire.

3. Le renouvellement de la flotte des ravitailleurs : des choix s’imposent.

Au terme de la programmation, était prévue l’acquisition de 14 appareils A330 MRTT. Ces appareils, polyvalents, permettraient le retrait de service des 14 avions Boeing ravitailleurs (11 C135 et 3 KC 135), dont l’âge moyen atteint aujourd’hui 46 ans, ainsi que des cinq avions de transport stratégique (trois A310 et, en location-vente, deux A340). Cette opération permettrait également une rationalisation de la flotte, les quatre types d’appareils actuels se trouvant remplacés par des A330.

Les livraisons étaient initialement prévues à partir de 2010. Elles sont finalement repoussées à 2017, à la suite des orientations arrêtées au plan budgétaire triennal 2011-2013. Dans ce schéma, 2017 verrait la première des livraisons de MRTT, qui se poursuivraient au rythme de deux appareils par an, jusqu’à la dernière prévue en 2024. Là encore, les objectifs du Livre blanc ne pourront donc pas être tenus.

Toutefois, cela suppose de passer une commande, et le Gouvernement n’a pas encore rendu ses arbitrages sur le mode d’acquisition retenu. La LPM prévoyait le recours à un partenariat public-privé, mais il semble que cette option ne soit plus aujourd’hui qu’une hypothèse parmi d’autres, compte tenu notamment du coût important du programme engagé sur ce mode au Royaume-Uni, dans le cadre du contrat FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) qui porte sur le leasing de 14 appareils en plus d’un recours optionnel à des capacités civiles.

Une décision est pourtant urgente. Le coût de MCO des ravitailleurs devient déraisonnable, et l’armée de l’air court le risque d’une rupture capacitaire dans ce domaine, compte tenu de l’âge de la flotte. En outre, l’achat des MRTT, qui sont des avions civils A330 militarisés présente l’avantage de perspectives d’un MCO plus rationnel, l’abondance des parcs civils créant des effets d’échelle.

Cet appareil aura également l’attrait d’une certaine standardisation, puisque l’Australie et le Royaume-Uni s’en dotent, que d’autres pays européens ou du Moyen-Orient l’envisagent. Surtout, les États-Unis ont retenu cet appareil pour renouveler leur flotte de ravitailleurs avant que, sous l’influence de groupes de pressions, les appels d’offres ne soient remis en cause. Un nouvel appel d’offres est en cours et devrait aboutir au cours des prochaines semaines. De son côté, lorsqu’il prendra sa décision, le Gouvernement français ne devra pas exclure la commande des ravitailleurs étrangers, y compris américains.

Dans l’attente, le recours aux moyens britanniques, qui dépassent leurs besoins réels, est à l’étude. Les premières analyses révèlent toutefois un coût de l’heure de vol nettement supérieur à celui escompté avec les MRTT. En outre, cela ne remplace pas l’acquisition patrimoniale : les équipages doivent pouvoir s’entraîner pour maintenir leurs compétences et, surtout, les ravitailleurs sont une composante essentielle du dispositif de dissuasion nucléaire qui ne saurait être « sous-traitée ».

C. LA FILIÈRE MISSILE FACE À UN TOURNANT

L’armée est équipée de missiles de très haut niveau, généralement produits par des industriels français ou européens. Il s’agit d’un acquis dont on peut légitimement se réjouir.

En 2010, l’armée de l’air a vu se poursuivre la livraison des MICA, dont la version IR se combine particulièrement bien avec le Rafale. La totalité de la commande sera honorée au début de l’année 2012, et les cent derniers missiles concernés intégreront notamment un autodirecteur infrarouge particulièrement robuste. Parallèlement, pour le stock déjà accumulé, l’armée de l’air relève les résultats concluants des essais de vieillissement

Le programme européen de missiles d’interception à domaine élargi (MIDE), issu du programme METEOR, progresse lui aussi, la production devant débuter en 2015. À la suite notamment du Royaume-Uni, de l’Espagne et de la Suède, la France, qui s’est engagée à hauteur de 11 % dans son développement, doit commander cette année 200 missiles opérationnels à livrer entre 2018 et 2020. Ce contrat doit être finalisé avant la fin de l’année. Le METEOR équipera les Rafale auxquels il donnera une nette supériorité en termes de capacités. Il sera donc un atout pour l’exportation de ce système d’armes.

Les armements air-sol modulaires (AASM) sont également livrés pour équiper les avions de combat français. Une nouvelle commande, avec 680 kits en tranche ferme a été notifiée à Sagem DS le 31 décembre 2009, en intégrant le développement et la production de la nouvelle version laser. Une commande de 168 kits supplémentaires est prévue en 2010. Ce système d’arme, reconnu parmi les meilleurs, ne parvient pas à s’exporter faute d’autorisation officielle. Les autorités considèrent en effet qu’il ne saurait compléter les offres des concurrents de nos avions de combat. Cette politique se comprend mais peut-être pourrait-elle être amendée, à destination notamment des pays pour lesquels nos avions de combat ne connaissent pas de prospect particulièrement crédible. Cela permettrait de contester le monopole américain de facto, de soutenir les chaînes de production et de préparer l’avenir en entretenant les bureaux d’étude.

Les missiles air-sol moyenne portée améliorée (ASMP-A) sont quant à eux des missiles de dissuasion aéroportés. Ils ont été qualifiés en juillet 2008 sous Mirage 2000N-K3 et en mai 2009 sous Rafale F3. Pour mémoire, les escadrons de Rafale montent en charge à mesure que les escadrons de Mirage 2000N seront retirés du service (jusqu’en 2018).

Si les programmes en cours se déroulent de façon satisfaisante, on notera que la plupart de ceux prévus pour après 2012 n’ont pas encore été confirmés. Par exemple, il conviendra d’envisager les rénovations à mi-vie des missiles SCALP et MICA NG. La réflexion devra tenir compte des possibilités de coopération dans la durée avec les Britanniques, dont les besoins opérationnels sont les plus comparables aux nôtres, par exemple dans le domaine de la frappe en profondeur. Il est vrai que, compte tenu du contexte budgétaire, il peut sembler difficile de lancer le développement d’un nouveau programme à court terme. Dès lors, l’essentiel est bien de maintenir les bureaux d’études. Cela demande un effort partagé de l’État et des industriels, consolider l’industrie européenne du missile, notamment autour de l’axe franco-britannique, imposant de maintenir une vision à long terme.

L’avenir de la filière missile est un enjeu important pour notre défense. Pour la conforter, deux orientations pourraient être retenues dans l’action de la France au cours des mois à venir.

En premier lieu, il faut choisir avec précision les programmes méritant d’être financés en priorité, au moins par des études amonts, afin d’être dans la meilleure position possible au moment de définir les besoins communs avec nos principaux partenaires et surtout de déterminer la part de chacun dans leur développement.

Ensuite, le rapporteur estime nécessaire de définir une stratégie française claire sur la défense antimissile. La position du Gouvernement semble trop fragile : contester l’intérêt même d’un projet en interne, tout en le validant auprès de nos alliés risque de nous placer dans une position de suivi au sein de l’OTAN. Les États-Unis vont certainement s’impliquer de tout leur poids politique pour imposer ce projet. S’il devait se concrétiser, la France devra y contribuer. Il est crucial de faire admettre la possibilité de contribuer au projet en nature, et donc de transformer la quote-part française en développement d’un programme confié à notre industrie.

La défense antimissile au sein de l’OTAN

Les projets de l’Alliance dans le domaine des missiles évoluent rapidement.

Jusqu’à présent, la France s’était impliquée dans le projet ALT BMD de défense antimissile de théâtre, lancé en 2004 et devant s’étaler jusqu’à la fin de la décennie 2020. Sa gouvernance permettait à chacun de contribuer en nature, du fait notamment de la part relativement minoritaire des financements américains (21,6 %). Sur les 800 millions initialement prévus, seuls 150 millions ont pour le moment été dépensés.

Or, les États-Unis défendent aujourd’hui un projet de bouclier anti-missiles balistiques qui étendrait le projet ALT BMD d’une façon bien plus large à la défense de territoire et dont les implications géopolitiques comme industrielles sont plus lourdes. À cette occasion, les États-Unis souhaitent fusionner les deux projets avec un mode de gouvernance laissant beaucoup moins de marge aux Européens. En particulier, la faculté de contribuer en nature méritera d’être clairement confirmée.

Cette question sera débattue lors du sommet de Lisbonne les 19 et 20 novembre prochains et il appartient à la France de chercher une expression commune et aussi forte que possible de l’Union européenne et en particulier de ses membres qui dans l’Alliance accomplissent le plus d’efforts en matière de défense.

D. LES MOYENS DE LA SURVEILLANCE ET DU RENSEIGNEMENT

Le Livre blanc a mis l’accent sur la fonction « connaissance et anticipation » en souhaitant qu’un effort particulier soit consenti en ce domaine.

L’armée de l’air y participe en premier lieu, en déployant et en coordonnant les principaux moyens de renseignement.

Au sol, elle assure la surveillance permanente du territoire grâce à un réseau de radars. Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) est au cœur de ce dispositif. Les capacités développées par le programme SCCOA étape III permettent à la France de fournir des moyens de conduite et de commandement des opérations aériennes d’un haut niveau d’interopérabilité. Cette étape a permis le déploiement de centres de détection et de contrôle, d’un réseau d’informatisation opérationnelle de ses bases et centres de commandement, des centres de préparation et de formation opérationnelle. L’armée de l’air a également réceptionné les premiers radars d’atterrissage de première génération.

L’étape suivante, dite SCCOA IV, devait débuter en 2011. Elle se fonde sur le constat de l’obsolescence des radars de défense actuels, datant des années 1960. Le programme SCCOA IV devait permettre d’y remédier tout en réduisant le personnel de maintenance.

L’abaissement de la couverture radar, le remplacement à court terme des radars obsolescents, en particulier les PALMIER de Nice et de Lyon (10), et l’amélioration de la détection en Ile-de-France (11) font partie des priorités fixées par l’armée de l’air dans SCCOA IV afin de garantir en permanence notre souveraineté sur l’espace aérien.

Le report de cette modernisation fait peser un risque sur les moyens de détection primaire, qui sont confrontés à une menace de rupture capacitaire. Dans ce contexte, l’armée de l’air a demandé à maintenir une commande minimale en 2010 de quatre radars, permettant ainsi de minimiser les risques évoqués. Ce besoin, dit noyau dur de radars PPS (12), correspond aux premières livraisons de la LPM et réintroduirait environ 80 millions d’euros de besoins de crédits de paiement sur 2011-2013.

Conscient du double enjeu de maintien des capacités de l’armée de l’air et d’un potentiel industriel dans le domaine, le ministère de la défense étudie actuellement la possibilité de découper ce programme en deux phases.

Il faut rappeler que les Mirage F1 CR participent également de la fonction « connaissance et anticipation », étant notamment les seuls aéronefs équipés du pod de renseignement électronique ASTAC. Cela permet d’établir un diagnostic précis d’un théâtre à un moment donné, et de façon particulièrement rapide. Comme on l’a dit, ce dispositif permet d’établir l’ordre de bataille adverse et de programmer nos propres contre-mesures électroniques. Leur retrait du service opérationnel, couplé au report de la rénovation des Mirage 2000D qui devait leur permettre d’intégrer cette capacité fait peser, là aussi, un risque de trou capacitaire dans le domaine du renseignement. Sauf à renoncer à notre capacité d’entrer en premier sur un théâtre, il paraît urgent d’intégrer dans les études de « sauvetage » de la rénovation mi-vie des Mirage 2000D la possibilité d’y intégrer les pod ASTAC. Cette possibilité n’a pas été envisagée pour le moment, ce qui est regrettable.

Au–delà, la situation de certains moyens de renseignement est problématique : les C160 Gabriel, appareils anciens et particulièrement sollicités, connaissent des problèmes de disponibilité.

Dans ce contexte, l’avion E3F-SDCA (système de détection et de commandement aéroporté), connu sous le nom d’Awacs chez nos alliés, constitue un maillon essentiel de la chaîne de renseignement, mais aussi de commandement puisqu’il peut servir de plateforme de commandement pour des opérations. Le SDCA est notamment équipé d’un radar lui permettant de détecter des cibles à très basse altitude ainsi que des cibles maritimes, ou encore de moyens de détection passifs.

Ce système doit voler jusqu’en 2035. Trois phases de rénovation de nos quatre appareils sont prévues : celle des communications (2008-2012), celle du système de mission (2009-2015) et celle de l’avionique (2013-2017). Mais, compte tenu de son caractère éminemment stratégique, son renouvellement devra être anticipé bien en amont.

Enfin, le rapporteur préconise de transformer l’A319 CJ en cours de sortie de la flotte gouvernementale en avion de guerre électronique. Cela supposerait de renoncer à sa vente prévue avant la fin de l’année (pour diminuer le coût d’achat de l’A300 présidentiel) et permettrait le remplacement à moindre frais de la capacité perdue lors de la sortie de service du DC8 Sarigue, décidée pour de simples raisons budgétaires.

E. LES DRONES : LA PERSPECTIVE D’UN CHOIX RAPIDE

La France compte parmi les rares nations disposant d’une flotte de drones MALE qu’elle utilise en totale souveraineté. Le système intérimaire de drones MALE (SIDM), a été livré à l’armée de l’air en 2008 sous le nom de Harfang. Le système de trois vecteurs de l’époque a rapidement été déployé en Afghanistan, y conduisant ses premières missions dès février 2009.

Un an et demi plus tard, le retour d’expérience est riche. La France a intégré avec succès le club des puissances mettant elles-mêmes en œuvre des drones sur ce théâtre difficile. L’armée de l’air, en coopération avec l’industriel, y a prouvé sa capacité à maintenir sa flotte en condition opérationnelle et, plus généralement, un cap d’ordre culturel semble avoir été franchi, chacun reconnaissant désormais le caractère indispensable et prometteur de cette technologie.

Le drone Harfang a franchi les 3 000 heures de vol cet automne et son utilité est largement reconnue par nos alliés.

Très sollicités, ces matériels intérimaires y ont connu une usure rapide. La direction générale pour l’armement a procédé en 2009 à l’achat d’un nouveau système, doté d’une station sol et d’un vecteur, concrétisant ainsi la proposition que le rapporteur avait formulée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Cet équipement devrait être pleinement opérationnel cet automne.

Au vu de cette expérience, on peut relever à grands traits ce que notre armée de l’air attend de ses drones. Ils doivent assurer la permanence et la continuité de l’observation qui permet la détection de cibles fugaces, la désignation d’objectifs vers les systèmes d’armes les plus appropriés, l’investigation sur toute la zone indépendamment des contingences météorologiques ou géographiques, la capacité d’opérer à grande distance, la capacité d’être réorienté sous de faibles préavis et délais pour faire face aux situations opérationnelles prioritaires en tout point d’un théâtre, l’utilisation en simultané de capteurs qui couvrent tout le spectre (électro-optique, infrarouge et radar) et enfin un traitement et une diffusion rapide de cette information par des liaisons de données adaptées.

Compte tenu de la richesse de ces potentialités, on ne peut que regretter la faible croissance de notre parc lorsque l’on songe à l’utilité que cette technologie aurait, par exemple, dans la lutte contre la piraterie maritime. Quant au Sahel, à l’heure où ce rapport est rédigé, nous déployons d’importants moyens de surveillance pour tenter de retrouver nos compatriotes et leurs collègues africains que le groupe Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) retient en otage dans le désert.

L’endurance des drones MALE est sans comparaison et se prête parfaitement à la surveillance de ces grandes surfaces, à l’aide de capteurs optiques, radars ou encore électromagnétiques. Ils en font le complément idéal de moyens héliportés, à la réserve près et d’importance qu’il leur faut un relais satellite pour opérer, ce qui ne semble pas acquis dans cette région.

Mais cela pose aussi le problème plus large de nos moyens de renseignement et de surveillance dans le Sahel, région d’intérêt stratégique pour la France, et dont l’instabilité pourrait croître fortement au cours des prochaines années.

Au-delà de ces regrets, largement partagés, il faut aujourd’hui se concentrer sur l’avenir.

Depuis un certain nombre d’années maintenant, des voix appellent à la définition d’une stratégie claire et cohérente en matière de drones (13).

La situation est relativement simple : avec des moyens limités, la France doit faire face à un besoin pressant sur le court terme tout en ménageant l’avenir.

Pour mémoire, les crédits adoptés en programmation sont décrits dans le tableau ci-après.

Ressources allouées en programmation pour les segments MALE et tactique (SDT)

(en millions d’euros 2009)

MALE

2009

2010

2011

2012

2013

2014

LPM
2009-2014

2015

AE

41

36

7

6

6

0

96

458

CP

39

32

29

9

17

13

139

95

 

SDT

2009

2010

2011

2012

2013

2014

LPM
2009-2014

2015

AE

10

24

94

0

14

286

428

116

CP

0

20

26

25

27

43

141

60

Source : rapport d’information n° 2127 sur les drones (Assemblée nationale, décembre 2009).

Une révision de la LPM a eu lieu en 2009 par l’ajout sur le programme 146 de 60 millions d’euros d’AE et de CP sur la période 2011-2016 portant ainsi à 70 millions d’euros l’allocation destinée au maintien de la capacité. De même un flux annuel de 30 millions d’euros sur le programme 178 a été abondé afin d’en assurer le soutien. Cette révision s’est faite sur l’hypothèse d’une location de services de la fin 2012 à la fin 2016, permettant de couvrir l’utilisation d’un système déployé en OPEX (une station sol et trois véhicules aériens) sur la base d’une activité de 1 900 heures de vol par an. Cette perspective est donc sérieusement envisagée, même si elle paraît peu optimale. Le retour d’expérience de l’Afghanistan montre en effet que nos appareils sont sous-utilisés, par crainte d’une attrition qui conduirait rapidement à une rupture capacitaire.

Les crédits de paiement permettant de financer le développement et l’acquisition des systèmes du futur sont quant à eux repoussés à la future programmation.

Les options en présence sont l’acquisition de vecteurs Harfang supplémentaires et l’acquisition de systèmes américains ou israéliens sur étagères.

Le tableau ci-après résume les avantages et les inconvénients des principales options en présence, dans une hypothèse d’acquisition patrimoniale.

Comparaison des hypothèses de succession du Harfang

Option /
Délais des premières livraisons

Atouts

Inconvénients

Respect de la souveraineté nationale

Coût annoncé

Cohérence

Harfang
2 ans

Flotte éprouvée, MCO en place, participation forte de l’industrie française

Capacités du système en dessous des standards actuels

Correct : plateforme israélienne, liaison satellite française, intégration en France

20 millions d’euros par plateforme,
10 millions d’euros par station sol

Prolongement de la flotte actuelle, économies d’échelle

Predator
3 ans

Modèle le plus répandu dans le monde, robuste, qui peut être facilement armé

Manque d’ergonomie

Plus qu’incertain : devoir d’information des États-Unis pour tout déploiement ? Transit des informations par les réseaux américains ?

525 millions d’euros pour 3 systèmes de 3 vecteurs

Chaîne logistique différente du Harfang

Heron TP
2 à 3 ans

Modèle performant et polyvalent qui commence à équiper l’armée israélienne

Liaison satellite non encore disponible

Non garantie dans le cadre d’un achat pur et simple sur étagère. Possibilité toutefois d’intégrer des éléments nationaux et d’assembler en France mais qui allongerait les délais de production

Difficile à estimer avec une liaison satellite

Stations sol interopérables avec le Harfang

Source : ministère de la défense.

On peut également noter que la société Sagem a remis en mai 2010 une proposition pour la vente de drones Patroller. La configuration actuellement disponible n’incluant pas de radar et de liaison satellite, ce produit ne paraît pas répondre aux besoins de l’armée de l’air. Il pourrait néanmoins intéresser d’autres clients interministériels.

Il faut donc examiner ces trois grandes hypothèses pour déterminer comment éviter la rupture capacitaire en 2012-2013, tout en préparant un programme du futur pour l’horizon 2020.

À maints égards, le rapporteur considère que la meilleure option serait de prolonger la durée de vie de la flotte Harfang, en constituant un parc minimal de deux systèmes composés chacun d’une station sol et de trois vecteurs, voire d’un système supplémentaire doté d’une station sol et d’un vecteur. Cet ensemble devrait être modernisé, s’agissant de ses capteurs, mais aussi, le cas échéant, de son calculateur. Les deux premiers systèmes pourraient être utilisés sur deux opérations simultanées, dans le contexte décrit par le Livre blanc, et le troisième permettrait un travail en métropole de formation, d’entraînement, et d’exploration des possibilités de mutualisation en interministériel. Cela préserverait des compétences chez l’industriel et laisserait le temps suffisant pour envisager une coopération européenne sur le moyen terme pour développer les drones MALE du futur. En outre, une extension de la flotte aurait le mérite de diminuer un coût d’usage aujourd’hui particulièrement élevé (près de 13 000 euros par heure de vol) du fait, notamment, de coûts fixes élevés au regard de son utilisation.

C’est toutefois la rumeur d’un achat sur étagère de drones Predator qui a récemment alimenté la chronique. Des personnes autorisées ont laissé entendre tout l’intérêt qu’il y aurait à disposer rapidement de ce matériel robuste et éprouvé. Produit en grand nombre, il serait très certainement disponible sous deux ou trois ans.

Mais, il existe aussi des arguments en défaveur d’un tel achat. Tout d’abord, on peut regretter que l’ergonomie de la station sol soit bien moindre que celle des Harfang. Surtout, sans préjuger des conditions de vente qu’obtiendrait la France, il faut observer que certaines nations européennes qui en disposent ont eu à souffrir de restrictions d’emploi en devant non seulement préalablement informer les autorités américaines de toute mission mais également accepter que le transit des informations se fasse via les satellites américains. Sans compter, enfin, que la France serait alors contrainte d’entretenir deux chaînes logistiques MALE, sauf à abandonner le Harfang quelques années seulement après son entrée en service, ce qui apparaîtrait bien comme un gâchis pour la défense comme pour l’industrie qui a beaucoup investi dans le développement de ce programme.

Plus grave peut-être, un tel achat, coûteux, mobiliserait dès à présent des ressources trop importantes pour permettre d’investir dans le développement d’un projet de drone MALE européen. Le risque serait grand dès lors de voir l’industrie européenne sortir de la course, alors même que l’on sait aujourd’hui l’avenir prometteur de cette technologie, les très grands pays de demain, Inde, Chine, Brésil, Russie et autres envisageant de s’y lancer.

D’une certaine façon, l’achat de Predator conclurait une suite d’échecs pour l’Europe de la défense. Après avoir mis fin au projet de drones EUROMALE, l’Allemagne a poliment décliné la proposition française de constituer un parc Harfang commun. En outre, il faut constater que le Predator est d’ores et déjà le drone le plus répandu dans les armées européennes. Enfin, la France, qui disposait d’une avance certaine dans ce domaine, a elle-même laissé dériver les choses, parfois déçue, il est vrai, par les atermoiements, voire les luttes d’influence stériles entre les industriels.

Sans esprit partisan, le rapporteur espère que la décision de renouveler notre parc de drones sera prise avec une vision de long terme. Nous avons su prendre les décisions qu’il fallait, et mobiliser les ressources nécessaires pour faire de la France et de l’Europe des acteurs majeurs de secteurs tels que l’aéronautique ou le spatial. Les drones sont une technologie clef pour demain, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois. Cela mérite de donner une chance aux options les plus porteuses d’avenir.

D’autant que les programmes européens de plus long terme existent (14). À ce jour, deux grandes options paraissent se dessiner. Les Britanniques développent le démonstrateur de drone MALE dit MANTIS. Ce programme a avancé et le démonstrateur a effectué son premier vol l’année dernière en Australie. Dans un contexte de difficultés budgétaires et parce qu’ils souhaitent disposer d’une technologie leur garantissant davantage de souveraineté que les Predator, les Britanniques semblent ouverts à une coopération bilatérale avec la France ou l’Italie pour développer un drone MALE du futur en commun. Du point de vue du rapporteur, cela paraît aujourd’hui être de loin la meilleure option : elle rapprocherait les deux principales industries aéronautiques de défense en Europe, avec, ce qui n’est pas à exclure, la possibilité de coopérations ultérieures pour concevoir un avion de combat européen à l’horizon 2030.

L’autre option, le projet Talarion, est portée par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Plus ambitieux, il est également relativement coûteux (plus d’un milliard par pays, pour le développement et l’acquisition de trois systèmes). Des doutes existent sur la détermination des différents partenaires à mener ce projet à son terme et, à ce stade, seule une étude de levée de risque a été conduite. L’industriel propose de lancer une étude financée à hauteur de 25 millions d’euros par État afin de faire fonctionner les bureaux d’études. Compte tenu de son coût, cette option semble toutefois susciter moins d’adhésion aujourd’hui chez nos partenaires.

Dans tous les cas, le temps joue contre une approche européenne. Il faut maintenant que la France dise clairement quel est son besoin, quels sont ses moyens et surtout quelles sont ses ambitions. Il est donc à espérer que notre stratégie drone s’éclaircisse au cours des toutes prochaines semaines, à l’occasion notamment du prochain sommet franco-britannique, qui porte beaucoup d’espoirs pour le futur de l’Europe de la défense.

F. LE PROGRAMME DE DRONE DE COMBAT NEURON

Le NEURON est un démonstrateur technologique d’avion de combat piloté à distance (dit drone de combat). Ce développement prépare les conflits du futur en adaptant la technologie des avions de combat, y compris en termes de capacité d’emport et de furtivité, à l’absence d’équipage à bord pour le piloter à vue. Il s’agit d’un défi industriel majeur, pour une technologie prometteuse. La France a donc mené une initiative de développement d’un démonstrateur en association avec différents pays européens. Les clefs de financement sont les suivantes : 46 % pour la France, 21,5 % pour l’Italie, 18,5 % pour la Suède, l’Espagne, la Grèce et la Suisse complétant le partenariat. Ces États ont encouragé les industriels à établir par eux-mêmes des partenariats pour franchir ensemble les différentes étapes technologiques. La DGA joue le rôle d’agence exécutive et Dassault Aviation celui de maître d’œuvre.

Ce drone pèsera 7 tonnes et pourra emporter, outre des bombes guidées laser, divers capteurs permettant la détection de cibles et le vol dans le haut subsonique (mach 0,8+).

Pour mémoire, la phase de faisabilité a été lancée en février 2006 et celle de développement et de réalisation en avril 2008.

En août 2010, la DGA a notifié la troisième tranche conditionnelle du contrat relative à la phase d’essai. Janvier 2011 doit donc voir le début de l’assemblage final du segment aérien, suivi, en septembre, du début des essais en vol. Le premier vol est attendu pour mai 2012. Ensuite, la campagne d’essais, qui comprendra un tir de bombe, se déroulera en France, en Suède et en Italie, pour s’achever début 2014.

Le coût du programme est, à ce jour, parfaitement tenu, à 405 millions d’euros hors taxes, dont 186,3 millions d’euros pour la France. En 2011, le NEURON absorbera 1,7 million d’euros en AE et 22 millions d’euros en CP.

Il doit être conduit à son terme car il est une assurance du maintien en Europe d’une capacité de production d’avions et de drones de combat. L’investissement consenti aujourd’hui limite l’écart technologique qui se creuse avec les États-Unis dans le domaine de la furtivité et des drones de combat.

Au-delà, la réussite du programme aidant, va se poser la question d’un possible élargissement des partenariats. La logique de construction d’une Europe de la défense peut y inciter, mais il ne faudrait pas réitérer les erreurs de programmes trop inclusifs, où la pertinence industrielle passerait après l’intérêt politico-industriel de chaque État. Cette question devra donc être examinée avec attention, non pour créer de nouvelles bases industrielles, mais dans la perspective de préserver le tissu existant.

Cette démarche doit être pensée de façon globale et cohérente, compte tenu notamment des possibilités de concevoir un drone MALE européen et, surtout, de la nécessité stratégique pour l’Europe de préparer l’aviation de combat du futur, qui ne pourra être développée qu’en conjuguant dès à présent les capacités existantes chez les uns et les autres.

G. LA FLOTTE GOUVERNEMENTALE ET PRÉSIDENTIELLE

L’escadron de transport et de calibration (ETEC) assure des missions de transport pour les plus hautes autorités civiles et militaires de l’État. Son emploi relève directement de l’état-major particulier du Président de la République et du cabinet du Premier ministre qui arbitre les concours au profit des ministères.

L’escadron de transport ESTEREL, basé à Creil, est quant à lui spécialisé dans le transport de passagers, grâce à une flotte d’avions disposant d’un long rayon d’action (A340 et A310). Ils effectuent de manière beaucoup plus ponctuelle des missions au profit des plus hautes autorités de l’État.

Pour ce faire, ces escadrons disposent de flottes, dont le taux de disponibilité est particulièrement satisfaisant, comme l’illustre le tableau ci-après.

Descriptif de la flotte gouvernementale

 

Type d’appareil

Nombre

Entrée en service

Retrait envisagé de l’ETEC/ESTEREL

Dispo 2009

ETEC

A319 CJ

2

2002

2010

97 %

Falcon 7X

2

2009

Non déterminé

99 %

Falcon 900

2

1987

Non déterminé

95 %

Falcon 50

2

1980

2012

98 %

Super Puma VIP

3

1974

2023

71 %

TBM 700

7

1992

Non déterminé

85 %

A330 AUG

1

Prévue en septembre 2010

Non déterminé

Sans objet

ESTEREL

A310-300

3

1993 et 2001

Selon MRTT (1)

92 %

A340

2

2006 et 2007

2015

99 %

(1)Multi-Role Transport and Tanker : avion multi-rôle de transport et de ravitaillement.

Source : ministère de la défense.

Au titre des nouvelles positives pour l’armée de l’air, on notera que l’ETEC parvient à renouveler ses flottes. Tout d’abord, un nouveau Falcon 7X a été livré cette année. À cette occasion, deux des quatre F50 ont quitté cette unité, pour être transférés, à titre gracieux, à la marine nationale à l’issue d’un chantier de transformation. Ils seront utilisés pour des missions de surveillance maritime. En outre, un avion à usage gouvernemental (AUG) A330 doit être livré pour le prochain sommet du G20.

L’A330 présidentiel

L’acquisition d’un A330 d’occasion a été décidée par le Président de la République afin de disposer d’un avion capable de parcourir de longues distances sans escale.

Cette acquisition est financée en puisant sur les crédits de l’armée de l’air. Le rapporteur a donc souhaité voir cet appareil dans le cadre de la préparation du présent rapport, afin d’éclairer le Parlement sur la réalité concrète de ce chantier. Malheureusement, il n’a pas été possible d’organiser cette visite, les autorités n’étant pas parvenues à trouver de créneau la permettant.

Cela est d’autant plus regrettable que le rapporteur a toujours reconnu l’utilité d’un tel projet. Celui-ci suscite des interrogations, parfois sans fondement. Il aurait donc été dans l’intérêt de tous de permettre le bon déroulement du travail parlementaire.

D’autant que ce refus s’ajoute à une communication malheureuse, laissant l’impression d’une opération que l’on voudrait confidentielle.

Le financement de l’A330, qui s’appuie sur les crédits d’équipement de l’ETEC, sera en partie compensé par la vente des deux A319CJ, pour un montant non communiqué, mais estimé au « prix du marché ».

Ces appareils, entrés en service en 2002, quitteraient bien vite l’armée de l’air. Le rapporteur regrette cette décision, prise semble-t-il sans que l’on se soit interrogé sur leur utilité potentielle pour l’armée de l’air. Le premier A319 a d’ores et déjà été vendu, et la vente du second devrait intervenir d’ici la fin de l’année. S’il n’est pas trop tard, le rapporteur suggère de repousser cette cession afin d’étudier la possibilité d’en faire un avion spécialisé dans le renseignement. On répondrait ainsi à une faiblesse criante dans le domaine de la guerre électronique offensive, et, quelque part, cela compenserait pour l’armée de l’air le financement sur ses fonds de l’A330AUG.

Au demeurant, le coût de l’opération est globalement identifié. L’acquisition s’élève à 176 millions d’euros, dont notamment 60 millions d’euros au titre de l’achat de l’avion d’occasion et 91,5 millions d’euros pour les modifications de la cabine. L’entretien coûterait 49 millions d’euros pour les trois premières années et 10 millions d’euros par an au-delà, pour une moyenne de 700 heures de vol. Des montants à comparer au coût de la flotte des deux A319CJ, soit 4,1 millions d’euros pour 1 400 heures de vol par an, avec il est vrai des performances très différentes.

Le coût global des missions est quant à lui en diminution, du fait notamment d’une baisse du titre III, en ce qui concerne le fonctionnement, y compris l’EPM. Le tableau ci-dessous illustre cette décroissance.

Moyens alloués à l’ETEC et à l’Esterel

(en millions d’euros)

 

Programme

Action

Titre

Constaté
2007

Constaté
2008

Constaté
2009

Prévision
2010

prévision 2011

ETEC

178

4

titre 2 HP (1)

6,7

6,3

6,7

6,8

6,8

titre III hors EPM (2)

39,8

29,1

35,8

35,8

35,8

titre III EPM

22,8

18,52

21,2

23,64

19,67

TOTAL coût de fonctionnement ETEC

69,3

53,92

57,0

59,54

55,57

ESTEREL

178

4

titre 2 HP

6,9

7,3

7,5

7,5

7,5

titre III hors EPM

88,1

64,8

46,6

46,6

46,6

titre III EPM (A310)

19,8

12,6

11,2

10,8

10,15

146

8

titre III (A340)

23,1

28,1

28,9

31,0

30,0

TOTAL coût de fonctionnement ESTEREL

137,9

112,8

94,2

95,9

94,2

(1) HP : Hors Pension (n’inclut pas la contribution au CAS pension).

(2) EPM : Entretien programmé des matériels (MCO).

Source : ministère de la défense.

Ces crédits financent des prestations de service au profit de la présidence de la République et du Gouvernement. Celles-ci sont donc refacturées aux utilisateurs. À cet égard, le rapporteur ne peut que regretter que, comme chaque année, ces différents clients renâclent à honorer rapidement leurs dettes. Ainsi, au 1er juillet 2010, selon les données qui lui ont été communiquées dans les réponses au questionnaire budgétaire, un arriéré de plus de 5 millions d’euros restait à percevoir au titre de l’année 2009. Il se répartissait comme indiqué dans le tableau ci-après.

Vols réalisés en 2009 rétablis en 2010
État arrêté au 1er juillet 2010

(en euros)

Débiteurs (1)

Paiement intervenu

Reste à percevoir

Présidence de la République - Élysée

-

3 408 404,76

Presse présidentielle

-

462 600,00

Ministère chargé de la mise en œuvre du plan de relance

-

23 495,41

Ministère de la justice D.A.G.E.

25 691,17

26 894,17

Ministère de l’agriculture et de la pêche

-

43 319,99

Ministère de l’écologie du développement et de l’aménagement durable

-

178 487,18

Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi

-

30 346,00

Ministère de l’intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales

-

108 452,49

Ministère des affaires étrangères et européennes

-

398 481,91

Ministère des affaires étrangères et européennes (service du protocole)

-

72 751,83

Secrétaire d’état chargé de la coopération et de la francophonie

-

372 763,00

Secrétariat d’état à l’intérieur et aux collectivités territoriales

-

33 091,67

Secrétariat d’état chargé de l’industrie

-

11 431,67

Secrétariat d’état chargé des affaires européennes

-

17 242,18

Secrétariat d’état chargé des sports

-

6 016,67

Secrétariat d’état chargé du commerce extérieur

-

70 996,67

Secrétariat d’état chargé du logement

-

9 399,00

TOTAL

25 691,17

5 274 174,60

(1) Les vols au profit des services du Premier ministre n’ont commencé à être facturés qu’en 2010.

Source : ministère de la défense.

Un montant équivalent était attendu au titre des prestations du premier semestre 2010.

Vols réalisés en 2010 rétablis en 2010

(en euros)

Débiteurs

Paiement intervenu

Reste à percevoir

Présidence de la République Élysée

 

4 043 814,05

Services du Premier ministre

 

962 605,76

Ministère chargé de la mise en œuvre du plan de relance

 

6 016,67

Ministère de la justice

 

59 070,00

Ministère de la santé et des sports

 

6 016,67

Ministère de l’agriculture et de la pêche

 

58 060,83

Ministère de l’écologie du développement et de l’aménagement durable

 

15 643,33

Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi

 

12 635,00

Ministère de l’éducation nationale

 

12 033,33

Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

 

9 626,67

Ministère de l’intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales

 

78 317,66

Ministère des affaires étrangères et européennes

 

163 893,34

Ministère des affaires étrangères et européennes (service du protocole)

 

21 357,67

Ministère du travail, des relations sociales, de la famille…

 

7 220,00

Secrétaire d’état chargé de la coopération et de la francophonie

 

57 459,17

Secrétariat d’état chargé de la famille et de la solidarité

 

9 325,83

Secrétariat d’état chargé des affaires européennes

 

13 236,67

Secrétariat d’état chargé des aînés

 

17 448,33

Secrétariat d’état chargé du commerce extérieur

 

40 913,34

TOTAL

-

5 594 694,32

Source : ministère de la défense.

Il est donc attendu de l’armée de l’air qu’elle avance les frais de transport des différents ministères, de Matignon et de l’Élysée. Au moment où des efforts considérables lui sont demandés pour combler les déficits de l’État, le rapporteur souhaite qu’elle puisse être déchargée de cette fonction de banque, dont il n’est pas certain qu’elle entre dans son cœur de métier.

CONCLUSION

L’inquiétude qui transparaît dans le présent avis budgétaire est due à l’impression que de nombreux décrochages sont en cours. En effet, dans beaucoup de domaines stratégiques, l’armée de l’air paraît s’éloigner des objectifs que lui avait assignés le Livre blanc.

Malgré un contexte difficile, il n’en existe pas moins des raisons d’espérer. Les personnels de l’armée de l’air continuent de conduire la réforme, de s’adapter et d’assurer toutes les missions qui leur sont assignées, avec une compétence, un savoir-faire et un engagement de chaque instant, tirant le meilleur parti des équipements dont ils disposent, avec les moyens de fonctionnement qui leur sont attribués. Les grands programmes, tels que le Rafale, avancent, l’A400M a été sauvé, tandis que, paradoxalement, les difficultés dans le domaine des drones nous ouvrent des perspectives de coopération.

Il importe au premier chef d’être au clair sur ce que nous voulons pour notre armée de l’air, et sur les efforts que nous nous sentons capables de fournir pour y arriver. C’est à cette condition que la France pourra aborder au mieux les rendez-vous cruciaux des prochains mois, avec nos partenaires de l’OTAN comme de l’Union européenne.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PAUL PALOMÉROS, CHEF D’ÉTAT–MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2010.

M. le président Guy Teissier. Je tenais tout d’abord à vous remercier une nouvelle fois, général, pour la façon dont vous nous avez reçus aux universités d’été les 13 et 14 septembre derniers. La présentation statique nous a beaucoup intéressés – avec, notamment, celle de l’A400M – mais la démonstration dynamique a remporté tous les suffrages. Vous avez également su vous adapter aux circonstances locales et à ce fort mistral qui a empêché la patrouille de France de voler. Sachez que la présentation du film et les interventions orales de ces pilotes d’élite nous ont totalement satisfaits.

L’examen des crédits de la mission défense pour 2011 aboutit à un sentiment mitigé concernant l’armée de l’air. Certes, les Rafale vont arriver plus rapidement que prévu – du fait d’ailleurs des retards actuels pour son exportation – mais le report de la rénovation des Mirage 2000D ou celui de la commande d’avions ravitailleurs MRTT nous inquiètent.

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le président Guy Teissier, d’avoir organisé les récentes universités d’été de la défense, où j’ai été particulièrement heureux de vous accueillir au sein de l’armée de l’air.

Je puis témoigner que les personnels ont beaucoup apprécié vos marques d’intérêt. Il est très important pour eux de savoir que les élus sont à leurs côtés et les comprennent. C’est également le sens des stages d’immersion dont certains d’entre vous ont souhaité bénéficier.

Vous l’avez vu, la variété de nos missions et de nos engagements souligne la cohérence capacitaire et le niveau d’adaptation de l’armée de l’air pour l’ensemble des missions auxquelles elle est confrontée, que ce soit dans le ciel métropolitain, dans les DOM-COM, en Haïti, en Afghanistan ou encore en Afrique.

Ces missions, ces engagements, reposent d’abord sur des compétences, des expertises rares, de femmes et d’hommes dont plus d’un millier sont en alerte permanente en métropole, de jour ou de nuit, tous les jours de l’année. Plus de 3 500 personnels sont déployés à travers le monde, avec 80 avions et hélicoptères, dont 30 chasseurs.

Je vous remercie de l’honneur que vous leur avez fait et qu’ils méritent. Ils y ont été très sensibles.

L’an passé, à l’occasion de ma première audition devant cette commission, je vous avais présenté dans le détail nos différentes missions. Celles-ci n’ont pas changé et l’armée de l’air reste impliquée dans toutes les fonctions stratégiques définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Cette année, j’aimerais vous brosser un état synthétique de la réforme au sein de l’armée de l’air, sur le plan des effectifs, d’un point de vue quantitatif comme qualitatif, du soutien et de sa réforme, ainsi que du maintien en condition opérationnelle (MCO), avant d’aborder en contrepoint l’état de sa modernisation.

Depuis notre dernière rencontre, l’armée de l’air a poursuivi, sans faiblir, sur la voie d’une réforme difficile. Tout comme en 2009, du point de vue des effectifs, des soutiens communs et de la fermeture de nos bases aériennes, les objectifs qui nous avaient été assignés pour 2010 seront atteints.

Je débuterai avec les femmes et les hommes de l’armée de l’air qui constituent ma priorité. Ce sont eux qui vivent, animent, subissent parfois la réforme. Dans leur grande majorité, ils la comprennent mais en attendent des résultats concrets en matière de modernisation et d’amélioration de leur outil ainsi que de leurs conditions de travail.

En termes quantitatifs, la conjugaison des efforts de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des choix du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a abouti pour la période de la loi de programmation militaire (LPM) à un objectif de réduction de 15 900 emplois pour l’armée de l’air, dont 75 % dans le domaine du soutien, tout en créant, par ailleurs, des postes extérieurs à l’armée de l’air, au sein de structures interarmées ou de l’OTAN. Nous y avons déjà inséré 150 officiers et sous-officiers et ils seront 44 de plus en 2011. En somme, nous conduisons une réforme lourde qui pèse sur nos effectifs, tout en répondant aux demandes légitimes qui nous sont adressées.

La réduction de 25 % en six ans du format de l’armée de l’air est un mouvement complexe, notamment pour la gestion des compétences. En 2009, 2 210 postes ont été supprimés, 2 235 l’auront été en 2010. Nous terminerons cette année avec une masse salariale à l’équilibre et conforme aux prévisions.

Le projet de loi de finances prévoit 2 139 réductions de postes, et le budget prévu sur le titre II semble cohérent avec la politique que nous souhaitons mener : un savant équilibre entre cette réduction rapide de nos effectifs, les mesures d’incitation et d’accompagnement à la reconversion, mais aussi et surtout un flux de recrutement qui reste nécessaire pour ne pas obérer l’avenir et que je situe aux alentours de 1 900 personnels.

Dans une logique de maintien des compétences, c’est ainsi près de 4 000 départs et quelque 5 000 mutations géographiques qu’il nous faut gérer annuellement.

L’effort consenti par l’armée de l’air est considérable. En termes comptables, le cumul des économies réalisées depuis deux ans et demi grâce à cette déflation est d’environ 210 millions d’euros. Les gains sont donc là. Mais, en contrepartie, les personnels attendent une amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Je soulignais à l’instant que 75 % de nos réductions d’emploi portent sur le soutien. Elles s’articulent principalement autour de la fermeture de bases aériennes, mais aussi de la mutualisation interarmées ou de l’externalisation.

La fermeture de huit bases aériennes majeures d’ici à 2012 constitue en effet une des composantes les plus emblématiques du plan de restructuration de l’armée de l’air. Elle est pour l’heure respectée : Toulouse en 2009, Colmar cette année avec un transfert réussi de structures au profit de l’armée de terre, Reims et Taverny l’an prochain, puis Metz, Nice, Brétigny et Cambrai en 2012. Il reste beaucoup à faire, et nous devons veiller à ce que personne ne reste au bord de la route.

Au-delà de la difficulté à rompre les liens économiques et historiques évidents qui unissaient ces emprises aux collectivités territoriales, les fermetures de sites sont des opérations délicates, techniquement, réglementairement et humainement. Il faut le reconnaître, avant de générer des économies, la mise en œuvre de la réforme se caractérise d’abord par des surcoûts.

Ainsi, les dépenses supplémentaires occasionnées par la fermeture d’une base aérienne sont évaluées à trois millions d’euros ; elles sont liées au transfert d’unités pérennes vers d’autres sites, ou aux aides à la mobilité et à la reconversion. Le projet de loi finances pour 2011 devrait nous permettre de poursuivre cette politique.

Par ailleurs, les opérations d’infrastructure indispensables aux restructurations ainsi que les travaux liés à la modernisation des forces obèrent fortement les ressources globales disponibles, notamment celles consacrées au maintien en condition des infrastructures.

Si ces crédits sont transférés du budget opérationnel de programme (BOP) de l’armée de l’air vers le programme 212, leur compression n’en aura pas moins d’impact pour l’armée de l’air, notamment sur les conditions de vie et de travail du personnel.

À cet égard, je ne peux que souligner cette année encore le déficit de financement, préjudiciable à la maintenance des installations opérationnelles et de vie courante, telles que le chauffage ou l’étanchéité, qui accélère le sentiment de paupérisation des bases aériennes.

Alors que ces besoins annuels sont estimés à 175 millions d’euros, la ressource financière attendue sera de 141 millions d’euros en 2011 et 84 millions d’euros en 2012. Cette dégradation n’est pas conforme aux attendus de la réforme et contribue à fragiliser le moral du personnel.

Enfin, au titre des soutiens communs, les externalisations en cours de validation sur les bases aériennes de Saintes et de Grenoble serviront de modèle à l’élargissement de ces expérimentations aux domaines du gardiennage et de la fonction restauration-hôtellerie. À Creil, c’est un programme plus ambitieux d’externalisation multiservices qui est mené.

Les premières analyses des résultats nous montrent que nous devrons être vigilants, quant aux gains réels et à l’impact sur les capacités opérationnelles. Il faut étudier les premiers retours d’expérience sans parti pris et tenir un discours clair vis-à-vis des personnels sur leurs perspectives.

Les moyens alloués pour 2011 au titre des réductions opérées sur les fonctions support intègrent la première annuité de la programmation budgétaire triennale pour la période 2011-2013, ainsi qu’une pression accentuée sur le fonctionnement courant, conséquence directe de la mise en œuvre de la nouvelle politique de soutien des bases de défense.

Cela se traduira concrètement, pour la fonction support en 2011, par une diminution supplémentaire de 2 %, se cumulant aux 18 % de réduction depuis 2007.

Bien qu’indirecte, car transférée vers le BOP soutien, cette contrainte fait naître des risques sur la préparation opérationnelle, les conditions de vie et, finalement, le moral des aviateurs. Nos marges de manœuvre sont d’autant plus ténues que notre plan de restructuration n’a pas encore produit ses effets et que son financement nécessite des moyens financiers. Il s’agit bien d’un transfert de charges, effectué vers un commandement interarmées encore en devenir.

J’en arrive au maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos équipements, qui constitue une priorité au cœur de la transformation.

Une priorité, d’abord, pour assurer toutes les missions qui nous sont confiées, telles que la défense aérienne de notre territoire, la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion, permanentes toutes les deux depuis 1964, ou les opérations dans lesquelles notre pays est engagé.

Une priorité, ensuite, pour garantir la préparation opérationnelle des forces aériennes, afin de remplir ces missions, en pérennisant nos expertises et notre savoir-faire, pour viser la meilleure disponibilité possible.

Une priorité, enfin, pour assurer la bonne gestion de nos flottes tout au long de leur vie. Et ce n’est pas une tâche aisée à planifier. Nos avions ravitailleurs approchent ainsi la cinquantaine, nos Transall suivent de près ; quel âge auront nos Airbus A310 ou, demain, nos Rafale lorsque nous aurons à les remplacer ?

Les résultats ne sont pas tout à fait au rendez-vous : on ne peut pas se satisfaire d’un taux de disponibilité oscillant selon les flottes entre 50 et 60 %. Vous le savez, notre priorité aujourd’hui est de maintenir celle de nos Transall, C130 et avions ravitailleurs.

Le MCO est un combat de tous les instants. Cependant, malgré la contraction du format des flottes de l’armée de l’air liée aux fermetures d’escadrons (deux cette année, cinq depuis 2008) et l’optimisation des processus de contractualisation pluriannuelle, la disponibilité des aéronefs stagne autour de 60 %, et ne devrait pas s’améliorer significativement en 2011. Et, je le souligne, les résultats que nous obtenons le sont déjà au prix d’un investissement hors norme de nos personnels.

Nous avons déploré cette année pour l’aviation de chasse une conjoncture particulièrement défavorable, liée principalement à la mise au standard de notre flotte Rafale, ainsi qu’aux problèmes sérieux rencontrés sur les moteurs de nos Mirage 2000, en bonne voie de résolution aujourd’hui.

La situation est très contrastée en termes d’activité, mais particulièrement pénalisante pour les plus jeunes pilotes qui, du fait de leur faible qualification, ne peuvent pas prendre part aux opérations extérieures.

Pour nos équipages de transport, la situation nous a obligés à réduire les objectifs inscrits dans le projet annuel de performance de 400 à 270 heures annuelles. Nous espérons les revoir progressivement à la hausse, en nous appuyant sur l’arrivée des CASA, à compter de septembre prochain, et des A400M à partir de 2013.

Par ailleurs, pour enrayer ce phénomène, nous avons pris des mesures afin d’optimiser notre organisation. Depuis les années 2000, nous avons ainsi réorganisé nos structures de maintenance de manière approfondie. Le service industriel de l’aéronautique (SIAé) intègre dorénavant l’ensemble des composantes Air, Terre et Marine, tandis que la structure intégrée de maintenance des matériels aéronautique de défense (SIMMAD) a vu son rôle d’acteur central de la maintenance aéronautique renforcé.

Le recentrage en région Aquitaine de ce pôle en 2012 nous permettra de calquer le regroupement mené par nos partenaires des industries aéronautiques et spatiales de défense, au sein du groupe Bordeaux Aquitaine Aéronautique & Spatial.

Le rapprochement des acteurs militaires et civils, sous forme de plateaux techniques, a permis, quant à lui, des gains significatifs.

La direction de la SIMMAD, resserrée, trouvera naturellement sa place au sein du nouveau ministère à Balard, auprès des états-majors et de la DGA. Elle pourra inspirer une politique de soutien ambitieuse, notamment pour les nouveaux équipements.

J’ajouterai qu’au titre de la gestion et de la mise en place délicate du système CHORUS, la SIMMAD ainsi que l’armée de l’air dans son ensemble ont su rattraper leur retard, et termineront l’année dans de bonnes conditions, en ayant liquidé la quasi-totalité des crédits provisionnés. Ce résultat est le fruit des efforts consentis par notre personnel pendant l’été.

La bataille quotidienne du MCO requiert d’autant plus mon attention qu’elle est indissociable de notre modernisation, processus qui est assurément la concrétisation de la réforme. Pour conclure ce chapitre relatif au MCO sur une note positive, je tiens à souligner que nous commençons à toucher les dividendes de nos efforts, mais que nous sommes au milieu du gué : nous ne pouvons, nous ne devons pas relâcher nos efforts dans ce domaine crucial.

Je souhaiterais aborder maintenant quelques points qu’il me paraît nécessaire de mettre en valeur.

Tout d’abord, la modernisation qui suit une direction maîtresse : la polyvalence de nos équipements. Avec l’objectif d’optimiser les investissements, les compétences et de tirer en permanence le meilleur parti des avions.

La polyvalence est le deuxième axe qui doit conduire le mouvement de rationalisation de la flotte et nous permettre de répondre aux différents types de menaces.

Il en va ainsi du Rafale, dans son standard F3, qui participe aujourd’hui à la permanence de notre dissuasion nucléaire à partir de Saint-Dizier, grâce au missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), Rafale que nous déployons en ce moment aux Émirats arabes unis, et qui devrait être envoyé pour la seconde fois en opération, sur le théâtre afghan, dans les mois qui viennent.

L’A400M, les futurs ravitailleurs ou encore les drones illustrent également tout l’intérêt des systèmes d’armes polyvalents. Cette qualité leur confère à la fois une souplesse qui garantit de pouvoir répondre à un scénario d’engagement pour lequel ils n’avaient pas été conçus initialement, ainsi qu’une longévité accrue.

Le troisième point concerne la rénovation Mirage 2000D, dont le seul but est d’optimiser notre flotte. Ainsi, aux côtés des Rafale Air et Marine, le Livre blanc prévoit la rénovation de nos Mirage 2000D, afin de permettre aux flottes d’avion de combat françaises de respecter, à l’horizon 2020, un format cohérent avec nos objectifs stratégiques.

Le contribuable a déjà consenti l’essentiel de l’effort pour cette flotte. Pour un coût unitaire modeste, de l’ordre de 10 millions d’euros par appareil, et alors que nous avons débuté le retrait de nos Mirage FI et 2000C, cette remise à niveau permettra au Mirage 2000D d’assurer aussi bien les missions de police du ciel, de guerre électronique, de frappes à longue distance que d’appui feu au profit des troupes au sol jusqu’en 2025.

Ainsi rénové, cet appareil aurait des performances en accord avec ses quinze années de potentiel, et serait le complément indispensable de notre aviation de combat, dont la montée en puissance doit s’étaler jusqu’en 2019.

Je voudrais enfin dire quelques mots sur l’A400M et les drones.

Des crises comme celle pour laquelle nous sommes intervenus à Haïti, et aujourd’hui au Sahel, si elles montrent tout l’intérêt du prépositionnement de nos forces, soulignent aussi ce que nous savions déjà : l’extrême fragilité de notre composante de transport tactique.

La capacité de l’armée de l’air à projeter hommes et équipements dans des délais brefs à très longue distance ou au cœur même des opérations, où nos troupes sont engagées, souffre de faiblesses qu’accentue le retard du programme A400M, pour lequel je renouvelle la confiance que j’avais exprimée devant vous il y a un an. Il s’agit cependant de ne plus perdre de temps.

La seule mesure palliative concrète est l’acquisition de huit CN 235. Elle permettra de limiter le suremploi, coûteux techniquement et humainement, de nos flottes actuelles que nos techniciens portent à bout de bras, sans parvenir malheureusement à répondre complètement à la demande.

Des mesures supplémentaires seraient indispensables pour répondre aux besoins de nos armées, en attendant cet avion prometteur et sans concurrent, qui sera demain l’outil de choix sur lequel s’appuiera le commandement européen de transport militaire, créé le 1er septembre dernier à Eindhoven, et sur lequel nous fondons beaucoup d’espoirs. La volonté opérationnelle existe et je ne doute pas que la volonté politique soit également au rendez-vous.

J’achèverai ce chapitre par un sujet qui me tient à cœur, celui des aéronefs pilotés à distance, les drones. Depuis un peu plus de 18 mois, nos trois appareils moyenne altitude longue endurance (MALE) ont effectué près de 3 000 heures de vol, au profit des troupes au sol, françaises et alliées.

Avec ces avions pilotés à distance, nos équipages sont désormais capables de veiller pendant 24 heures d’affilée au-dessus du théâtre. Cette durée symbolique montre, s’il en était besoin, combien ces appareils sont parfaitement adaptés à des missions de surveillance de vastes étendues, sur les théâtres d’opérations mais aussi, au niveau interministériel, de recherche de personnes disparues, de protection de l’environnement, de prévention, pour peu que nous en possédions suffisamment.

Malgré l’arrivée d’un quatrième appareil à Cognac, il faut être conscient des limites du système intérimaire, dont les obsolescences, d’ores et déjà visibles, doivent nous conduire à prendre des décisions cette année, si nous voulons pérenniser cette capacité précieuse, incontournable aujourd’hui en termes de renseignement et d’anticipation. De mon point de vue, il serait coupable de ne pas disposer de cette capacité à l’avenir.

Au terme de cette intervention, je souhaite rappeler que l’armée de l’air est totalement investie dans la réforme. Les personnels y croient, convaincus qu’ils disposeront demain d’un outil plus adapté. Mon objectif majeur est d’entretenir cette motivation qui n’a pas de prix.

M. Jean-Claude Viollet. Sur la question des avions ravitailleurs, il est urgent de prendre une décision et s’il le faut nous déposerons un amendement en séance. Nous reviendrons également sur la question des drones.

En ce qui concerne l’aviation de combat, on a décidé non pas d’accroître la commande de Rafale, mais de revenir à son calendrier initial de livraison. C’est ce que j’appelle une gestion dynamique de programme, tout cela pour un avion qui marche très bien contrairement à ce qu’on peut entendre sur certaines ondes.

Le programme de livraisons prévoit onze avions par an. Cela signifie que l’équilibre de notre flotte aérienne repose sur la rénovation des Mirage 2000D, laquelle a été repoussée. Parallèlement, la flotte de Mirage F1, spécialisée dans le renseignement, poursuit sa sortie de service. En conséquence, nous sommes face au risque de trou capacitaire dans le domaine du renseignement électromagnétique, pour une durée de cinq années, ce que la direction du renseignement militaire pourrait ressentir durement. Dans ce contexte, ne doit-on pas envisager de rénovation a minima, ne serait-ce que pour intégrer les pod ASTAC, permettant aux Mirage d’effectuer des missions de renseignement ?

Faute d’avoir rénové les Mirage 2000D et si la cinquième tranche du Rafale n’était pas commandée comme prévu, nous ferions face demain à une réelle lacune capacitaire dans le domaine de l’aviation de combat.

De mon point de vue, il est nécessaire de travailler dès à présent sur la loi de programmation militaire à venir, car de trop nombreuses décisions sont repoussées à demain. Or, un président chinois a déclaré que la guerre du futur se gagnera dans les airs, et j’en suis personnellement convaincu !

Général Jean-Paul Paloméros. Il est bien certain que ce n’est pas en reportant chaque année les décisions qu’on améliore les choses ! Je rappelle que la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D ne résulte pas d’une décision de l’armée de l’air mais a été débattue dans le cadre du Livre blanc et dans divers forums. Elle serait d’ailleurs conforme aux orientations adoptées par nos partenaires britanniques ou italiens par exemple.

En partant d’une logique d’optimisation des flottes, l’aviation de combat devrait reposer sur deux pieds : une flotte ancienne modernisée et une flotte moderne en pleine croissance. C’est une « assurance-vie » d’un coût modéré permettant le maintien de compétences dans notre industrie. Nous aurons une période délicate à gérer si les compétences ne sont pas prises en compte avec la rénovation des Mirage 2000D.

Concrètement, nous disposons de deux escadrons de Rafale contre sept prévus initialement, et nous allons nous séparer des flottes de Mirage les plus anciennes. L’horizon du Rafale est contrasté : nous espérons que la commande d’une cinquième tranche sur 2016-2017 interviendra, mais cela n’est pas acquis.

Le Livre blanc prévoit de maintenir notre capacité de renseignement électromagnétique. Malgré cela, le DC8 Sarigue n’a pas été remplacé et les Mirage F1, seuls équipés aujourd’hui des pod ASTAC, doivent bientôt sortir du service opérationnel.

M. Bernard Cazeneuve. L’armée de l’air est impliquée dans la réforme du ministère de la défense, notamment avec la mutualisation des bases aériennes. Or, il semble que nous atteignons les limites de cette mutualisation. Disposez-vous des éléments précis relatifs aux économies engendrées par les bases de défense ? Les dispositifs informatiques fonctionnent-ils comme ils le devraient ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Est-ce que les bases de défense vont générer des économies ? Pas à court terme. S’agissant de l’armée de l’air, les économies ont été générées avant la mise en place des bases. Il faut naturellement poursuivre la rationalisation des systèmes d’informations et la simplification des procédures. La simplification est d’ailleurs, je pense, le maître mot de la réforme et la condition de la réussite des bases de défense. Quant au nombre de bases de défense, je pense que la mise en place d’une cinquantaine de bases au début de l’année 2011 est un bon objectif. Peut-être pourra-t-on encore en réduire le nombre à plus long terme ?

Il faudra selon moi donner aux commandants des bases de défense de vraies responsabilités afin qu’ils puissent mettre en œuvre une politique qui leur soit propre. Les bases de défense sont finalement à la fois l’objectif et l’outil de la réforme.

Dans le domaine informatique, CHORUS a, il est vrai, connu des débuts difficiles. Mais il n’en demeure pas moins un outil d’optimisation de nos ressources très intéressant, qui porte de nombreux espoirs en matière de gestion des paies et du personnel, par exemple. Il reste des efforts à accomplir dans le domaine des ressources humaines et il ne faut pas non plus en attendre d’économies d’échelle à court terme.

M. Christophe Guilloteau. J’aimerais connaître votre position sur les C160 qui ont 45 ans et sont, je crois, en bout de course.

M. Francis Hillmeyer. Dans quelle mesure l’externalisation de la restauration est vraiment utile ?

Général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air. Les C160 restent, aujourd’hui, le cœur de notre flotte de transport. Mais malgré les efforts considérables que nous accomplissons, en particulier le service industriel de l’aéronautique, c’est une flotte qui est effectivement à bout de souffle. Notre souci est qu’elle puisse voler dans les meilleures conditions. Nous étudions toutes les pistes car il est important de soulager nos troupes de ce poids.

Sur l’externalisation, nous avons lancé des expérimentations et je pense qu’il faut qu’elles aillent jusqu’au bout, même s’il n’est pas simple de définir les coûts initiaux. Le ministre a précisé que l’on ne procéderait à des externalisations que si leur rentabilité était démontrée de manière significative. Cela dit, compte tenu des cibles ambitieuses que nous nous sommes fixées en termes de réduction des effectifs, je dirai que nous y sommes presque condamnés !

M. Gilbert Le Bris. J’aimerais avoir votre avis sur le projet de défense anti-missiles balistiques (DAMB). Pourriez-vous dresser un état des lieux et indiquer les perspectives de réflexion qui sont les nôtres avant le prochain sommet de Lisbonne ?

M. Jean Michel. Je crois qu’il est important de savoir d’où l’on vient pour savoir où on va. L’effort accompli pendant la seconde guerre mondiale a été poursuivi par nos armées lors des guerres de décolonisation. Celui consenti après 1958 était également très important. Si ensuite le budget de la défense a décliné au cours des années 1970 et 1980, notre effort de défense représentait en 1989 encore plus de 3,3 % de notre PIB, contre moins de 1,7 % aujourd’hui !

Si la France fait partie des nations qui consacrent le plus de ressources à leur défense, nous sommes très loin des États-Unis ou même d’Israël, pays qui possède plus de 450 avions de combat là où nous en aurons bientôt moins de 200. Cela est d’autant plus regrettable que toutes les fois où la France a fait un effort de défense, elle en a récolté les fruits dans le domaine industriel et son économie y a toujours gagné.

Je m’interroge donc aujourd’hui sur ce qu’est notre ambition, au moment où nos efforts sont insuffisants dans tous les domaines. Que devons-nous faire ? Devons-nous revoir notre ambition ?

Général Jean-Paul Paloméros. Cette deuxième question relève plus de la compétence du chef d’état-major des armées que de la mienne. Notre effort est naturellement insuffisant mais nous devons également, nous, responsables de la défense, avoir conscience de l’effort considérable consenti par notre pays pour sa défense. Notre rôle est donc de faire des choix et de faire en sorte de les respecter.

La programmation prévue par la LPM et le Livre blanc a pris du retard et je le regrette car nous avons engagé un effort de grande ampleur de réduction de nos effectifs et de nos moyens dont la contrepartie était la modernisation de nos équipements. Cette modernisation est aujourd’hui trop lente. Mais, dans le même temps, le déploiement du standard F3 du Rafale est un exemple de réussite et nous sommes le seul pays européen à le posséder.

Il est important de savoir investir au bon moment car cela conditionne les capacités pour l’avenir, comme on le voit aujourd’hui pour les MRTT. Vous avez raison de souligner, monsieur le député, que la défense a tiré le progrès technologique vers ce que la France sait faire de mieux.

J’en viens à la DAMB. Alors responsable de ce programme, j’avais présenté un plan d’action aux ministres Alain Richard et Michèle Alliot-Marie. Au vu de l’expérience de la guerre du Golfe, il était évident que nos forces en opération ne pouvaient plus se passer d’un système de protection contre les missiles tactiques c’est-à-dire les missiles ayant une portée de 500 à 800 kilomètres. La LPM 2003-2008 a retenu ce besoin en développant le système sol-air de moyenne portée terrestre (SAMP/T) qui vient d’entrer en service dans les forces. Il protège les forces déployées contre les menaces traditionnelles et les missiles tactiques à condition d’y associer les moyens d’alerte adéquats ; je pense notamment aux radars. Selon le Livre blanc, ce programme, techniquement assez complexe, doit être achevé à l’horizon de 2020. Cette échéance me semble lointaine et je pense que nous pouvons faire mieux et plus vite.

La DAMB s’inscrit toutefois dans un cadre plus large et plus complexe. Pour avoir accès au débat d’ensemble, la France doit disposer a minima d’un système de protection contre les missiles tactiques. Sans lui, le débat sera confisqué par nos partenaires américains et nous n’aurons pas voix au chapitre. Nous disposons de compétences fortes en matière de systèmes de commandement et de contrôle, avec des experts de haut niveau reconnus par l’ensemble de nos alliés ; elles nous permettent d’avoir accès à l’information et, partant, à la décision. Pour autant, cela ne sera possible que si nous conservons une crédibilité technologique en matière de protection des forces déployées.

M. Damien Meslot. Vous avez évoqué la réduction du nombre de bases aériennes. Il est parfois fait état de nouvelles fermetures, au-delà du schéma prévu. Pouvez-vous me le confirmer ? Est-ce que cela ne fragiliserait nos capacités aériennes ?

M. Jean-Jacques Candelier. Je voudrais revenir sur la situation de l’A400M. Depuis 2003, ce programme a connu beaucoup d’aléas, avec des surcoûts, des retards et des changements de cibles. Les arbitrages sont actuellement en voie de finalisation. Pouvez-vous nous les détailler ou nous en présenter les grandes lignes ? Par ailleurs, confirmez-vous que le premier appareil sera livré en 2013 ? Enfin, disposez-vous d’une estimation du coût total du programme ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. S’agissant de la fermeture des bases aériennes, je me conforme strictement au plan arrêté et présenté par le ministre de la défense à l’été 2008. Il ne faut bien évidemment pas exclure de façon définitive que d’autres sites soient fermés : au cours des 50 dernières années l’armée de l’air a supprimé 50 bases, ce qui montre bien que le processus de rationalisation est ancien et s’inscrit sur une longue durée. Pour autant, nous n’envisageons pas aujourd’hui de nouvelle concentration. La révision de la carte militaire nous a conduits à engager des investissements assez lourds et elle a des conséquences importantes pour les personnels. Envisager un nouveau schéma me semblerait donc peu responsable et ne pourrait que semer inutilement le doute. Il nous faut absorber la réforme en cours avant de procéder à un autre ajustement. L’expérience montre que l’accumulation de réformes est contre-productive.

J’ajoute que la dégradation du contexte économique a accentué les conséquences locales de la fermeture d’une base ; il n’est sans doute pas pertinent de déséquilibrer plus encore les territoires.

Je tiens à vous faire partager mon optimisme sur l’avenir du programme A400M. J’ai récemment visité les installations de Toulouse et j’ai toutes les raisons d’être confiant. Je garde cependant à l’esprit qu’il s’agit d’un projet difficile. La première livraison est prévue pour 2013 avec un premier standard permettant d’assurer les missions essentielles que sont les transports de fret et de troupes.

Nous serons intraitables sur la dimension collective du programme : il a été conçu par sept États, il doit être géré par sept États. On ne peut reproduire la situation du Transall : les appareils français et allemands ne sont aujourd’hui communs qu’à hauteur de 40 % faute d’une unité de maintenance. Nous avons donc engagé des discussions sur la mutualisation du soutien avec les Britanniques et j’espère que nous serons rejoints par l’Allemagne. Au-delà du soutien, je pense que le commandement européen facilitera l’harmonisation, ouvrant peut-être la voie, à long terme, à des unités multinationales.

Je veux souligner l’engagement fort du ministre de la défense en faveur de ce programme. Les négociations sont entrées dans leur phase finale et devraient aboutir à condition que les réductions de cibles ne soient pas trop conséquentes. La France maintient pour sa part sa cible à 50 appareils, avec 30 à 35 avions d’ici 2020.

Sur le plan financier, tout n’est pas stabilisé. En outre, en l’absence de périmètre précis, il est difficile de fournir un coût individuel.

M. Georges Mothron. Vous vous êtes félicité des conditions dans lesquelles les sites de Toulouse et de Colmar avaient récemment fermé. Élu du Val d’Oise, je voudrais attirer votre attention sur l’avenir de Taverny. La transformation a commencé depuis longtemps avec le transfert du centre national des opérations aériennes sur la base de Lyon-Mont Verdun. Quelles sont les échéances pour les unités qui restent à Taverny ? Ce départ va par ailleurs libérer un nombre important de logements alors même que le bassin en manque cruellement. Au vu de ces éléments comment envisagez-vous la reconversion du site ? Les élus locaux peuvent-ils vous aider à la fois pour les emprises immobilières mais aussi pour faciliter le reclassement des personnels ?

M. Patrice Calméjane. Je tiens à remercier l’ensemble des personnels de l’armée de l’air qui ont bien voulu m’accueillir dans le cadre d’un stage d’immersion. J’ai pu mesurer leur implication et leur professionnalisme et je veux ici les en féliciter.

Quelle est la situation des radars passifs assurant la protection du territoire ? Confirmez-vous que nous allons commander un système RIS pour compléter notre système SATAM et le système TIRA que les Allemands nous prêtent parfois ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Monsieur Mothron, merci de votre soutien et de votre proposition pour nous aider dans la fermeture de la base de Taverny. C’est un travail de longue haleine, notamment parce qu’une partie importante des installations est enterrée. Le transfert à Lyon s’est fait dans d’excellentes conditions et nous disposons désormais d’une structure modernisée et sécurisée où les personnels sont heureux de travailler. La fermeture de Taverny se fera sur le long terme, le commandant des forces aériennes stratégiques demeurant sur place pour le moment.

Il nous faut désormais travailler au reclassement des personnels qui ne souhaiteront pas changer d’implantation géographique et toute proposition d’aide sera bienvenue. Nous devons également envisager la remise à disposition de ce site très spécifique, ce qui sera certainement assez compliqué à réaliser.

Dans tous les cas, nous veillons à la qualité du dialogue local pour avancer sur ces projets, à l’exemple de ce que nous avons fait avec l’aéroport de Blagnac pour la base de Toulouse.

L’achat de radars passifs est une innovation extrêmement utile : ils sont beaucoup plus performants que des radars qui émettent des ondes et surtout beaucoup moins coûteux. Nous avons déjà expérimenté le dispositif lors du dernier 14 juillet avec de belles promesses. D’autres pays, qui n’ont pas les moyens de se doter d’un système plus complet, l’ont déjà adopté et nous pourrons utilement nous appuyer sur leur expérience.

Cet achat ne nous exonère cependant pas de la rénovation des radars datant des années 1960. Même s’ils sont entretenus par des personnels très qualifiés, ils doivent être remplacés, notamment pour les radars tournés vers le Sud du territoire métropolitain. C’est l’objet du programme SCCOA 4 qui vise à garantir la surveillance de notre espace aérien. Cette mission est du ressort exclusif des militaires, les radars civils étant limités à des échanges coopératifs. Les armées sont donc les seules à pouvoir assurer la détection primaire et générale de tout appareil entrant dans notre espace aérien.

M. Philippe Vitel. Le redéploiement territorial des armées et la généralisation des bases de défense conduisent-ils à une amélioration de l’articulation entre l’armée de l’air et les composantes aériennes des autres armées ?

M. Bernard Deflesselles. Vous évoquiez, dans votre propos liminaire, la restructuration dont faisait l’objet l’armée de l’air. La coopération franco-britannique redevient un autre sujet d’actualité : comment va-t-elle se traduire pour l’armée de l’air, à la fois en termes de missions et de calendrier ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. La création des bases de défense induit en effet des transformations profondes dans notre fonctionnement, dont beaucoup d’effets restent encore à venir. On a ainsi réuni l’ensemble des moyens de formation des pilotes d’hélicoptères à Dax, les marins de l’aéronavale viennent s’entraîner à Istres et des personnels techniciens aéronautiques des trois armées sont formés à Rochefort. La rationalisation résulte largement de la colocalisation des forces et de la proximité qu’elle engendre.

La coopération franco-britannique est intense et permanente. J’entretiens des contacts étroits avec mon homologue de la Royal Air Force et nous avons signé voilà un peu plus d’un an une directive commune de progrès. Nous avons mis en commun des moyens de commandement des opérations aériennes dans le cadre de la force de réaction rapide de l’OTAN et travaillons à des opérations communes de surveillance de nos espaces aériens ainsi qu’à l’organisation des Jeux olympiques de 2012.

Au-delà, trois axes de coopération nous paraissent prioritaires. D’abord et avant tout, l’A400M. Le Royaume-Uni y est très attaché, ce qui est positif. Il faut donc amplifier la coopération, qu’il s’agisse du soutien ou de l’emploi de l’appareil. La France a un rôle important à jouer entre le commandement du transport européen et l’axe franco-britannique. Deuxième axe : les drones. Le Royaume-Uni y porte un grand intérêt : il a récemment acheté des Predator américains, qu’il utilise en Afghanistan. Nous avons notre système intérimaire. C’est donc peut-être le moment de rapprocher nos industries, ce qui pourrait nous ouvrir des perspectives à long terme. Troisième axe : le rapprochement des activités de combat, comme entre le Rafale et le Typhoon. Des synergies sont possibles, permettant de mieux répondre aux besoins, d’intervenir de concert et de préparer l’avenir.

M. Alain Rousset. On voit bien les difficultés que constituent, d’une part, les contraintes budgétaires et, d’autre part, la construction de l’Europe de la défense. Je voudrais vous interroger sur les investissements d’avenir et le grand emprunt. Certaines technologies ont une importance capitale, comme l’ont montré, par exemple, les difficultés de fabrication de l’A400M. Il faut donc investir sur des briques technologiques, qui deviennent de plus en plus duales. Si le grand emprunt a une dimension plus civile que militaire, avez-vous réfléchi au sein du ministère de la défense à des projets qui pourraient porter cette dualité, à l’exemple des radars ou des drones, également utiles en matière de détection ou de sécurité civile ? Pourra-t-on financer certains de ces projets avec le grand emprunt ?

M. Philippe Folliot. L’armée de l’air agit seule ou en support d’autres composantes militaires, notamment l’armée de terre. Quels moyens est-il prévu de mettre à disposition des unités parachutistes dans le cadre de leur entraînement ? Qu’en est-il plus particulièrement du premier régiment parachutiste de Toulouse en ce qui concerne le largage en haute altitude, pour lequel on craint un manque de préparation et d’entraînement, pouvant se traduire à terme par une perte de savoir-faire ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Monsieur Rousset, je partage la façon dont vous avez résumé la problématique du grand emprunt. Cette question ne ressort pas directement de ma responsabilité, mais de celle de la direction générale pour l’armement. Ma conviction est que ce qui est bon pour la technologie française est bon pour la défense et pour l’armée de l’air et que ce qui est bon pour l’aviation civile est bon pour l’aviation militaire. À condition de définir des objectifs capacitaires clairs. Les technologies de l’information sont au cœur de nos systèmes de défense : tout ce qui pourra améliorer notre performance et notre résilience en matière de cyberespace nous aidera. Rares sont les technologies à vocation purement militaire aujourd’hui. Nous avons des pistes pour le grand emprunt mais la question de la base industrielle et technologique de défense pose surtout celle de la compétence humaine dont on dispose. Il faudra faire des choix, de manière à motiver nos ingénieurs et nos techniciens – qui devront être suffisamment nombreux et de qualité – pour participer au développement des technologies innovantes.

Monsieur Folliot, en effet, l’entraînement de nos unités parachutistes n’est pas extrêmement satisfaisant. C’est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un comité interarmées en la matière et accru de 20 à 30 % cet entraînement. L’arrivée des CASA constitue la seule mesure palliative en l’absence de l’A400M. Nous nous efforçons d’entraîner les troupes aéroportées et nos équipages, et de le faire ensemble. Je reste vigilant, afin que nous disposions d’unités bien entraînées et des capacités de haut niveau.

M. le président Guy Teissier. Cela signifie-t-il que vous avez augmenté le nombre de sauts de l’ordre de 20 %, sachant qu’il existe des contingents de sauts pour l’obtention de certains diplômes ?

M. le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Cela signifie que nous avons réduit notre déficit en conséquence. Nous avons optimisé les moyens et travaillé avec l’armée de terre pour identifier les points de blocage et construire un nouveau dispositif. Mais la mobilisation d’appareils sur des théâtres extérieurs, dans le Sahel ou en Afghanistan, constitue évidemment une contrainte pour nos entraînements.

II. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Viollet, les crédits du programme « Préparation et emploi des forces (air) » pour 2011, au cours de sa réunion du mercredi 27 octobre 2010.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Philippe Vitel. Vous n’avez pas évoqué le rôle des ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) et les interrogations des personnels sur leur avenir et les missions qui leur sont confiées, suite à la réforme du soutien à l’aéronautique. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur ce point ?

M. Michel Grall. Je m’interroge sur nos difficultés à exporter nos matériels aéronautiques. En particulier, quel est votre avis sur l’intérêt pour la France de procéder à des exportations de matériel de deuxième main ?

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis. Mon rapport consacre une large part au soutien, notamment à cet outil particulièrement performant qu’est le SIAé. Il ne peut pas être traité comme les autres services de l’État dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Fonctionnant avec un compte de commerce, il permet à la défense d’économiser environ 47 millions d’euros par an. Sa capacité d’expertise est également très forte. Il convient donc de le renforcer, ainsi que ses AIA, et de favoriser son évolution statutaire pour qu’il puisse être demain encore plus performant, au service de l’ensemble des armées et, à plus long terme, d’autres services de l’État, du ministère de l’intérieur par exemple.

M. Philippe Vitel. Est-ce que les moyens prévus par le budget 2011 pour le SIAé répondent aux attentes que vous venez de souligner ?

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis. L’équilibre du SIAé dépend de ses commandes et nous constatons effectivement des perspectives suffisantes à moyen terme. Au-delà de cette question budgétaire se pose l’enjeu des ouvriers de l’État : l’embauche de contractuels ne suffira pas à maintenir sur une longue période les compétences indispensables au développement de ce service. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une véritable réflexion en ce domaine.

Concernant la vente de nos flottes à mi-vie, je suis convaincu de l’intérêt d’une gestion dynamique de nos parcs. Quand nos équipements atteignent l’âge de 46 ou 50 ans, les coûts de MCO augmentent très fortement et leur disponibilité chute. Les maintenir indéfiniment en service n’est pas raisonnable. Il faut donc fluidifier la gestion, afin d’optimiser la ressource comme le fait tout bon transporteur.

M. Yves Fromion. Je partage votre sentiment sur la question des drones et la nécessité de privilégier des solutions industrielles qui correspondent à nos besoins. Ce serait la pire des solutions que d’importer ce que nous pourrions faire nous-mêmes. L’affaire d’Arlit montre combien nous manquons de moyens de couverture de cette zone, pour laquelle nous disposons de peu d’images satellites.

Vous avez démontré, dans votre exposé, l’ampleur des ruptures capacitaires à venir. À quel montant évaluez-vous, pour 2011, le budget nécessaire à l’armée de l’air pour les combler ?

M. Bernard Cazeneuve. La décision du Gouvernement de mettre 800 millions d’euros sur la table pour compenser l’absence d’exportation des Rafale ne me choque pas car il s’agit là d’une industrie stratégique. J’aimerais néanmoins savoir à quels programmes l’armée de l’air va devoir renoncer pour dégager ces 800 millions.

Pourriez-vous également revenir sur les gages des deux amendements que vous proposez ?

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis. Pour répondre à M. Fromion, je crois qu’il faut raisonner en flux et non sur la seule annualité budgétaire. Le coût de la rénovation du parc de Mirage 2000-D est ainsi évalué à 700 millions d’euros, répartis sur plusieurs années. Pour le moment, nous ne les avons pas. Dès lors, que devons-nous faire pour maintenir a minima notre capacité ? Selon moi, une somme de 10 millions d’euros permettrait d’adapter ces avions aux missions de renseignement électronique. Au-delà, d’autres rénovations s’imposent, de l’ordre de 300 à 400 millions, montant qui, là encore, serait lissé dans le temps. Mais, pour conclure sur ce sujet, je tiens à rappeler que la rénovation des Mirage 2000D est inscrite dans le Livre blanc afin que notre flotte de combat s’appuie sur deux modèles comme c’est le cas pour la plupart des grandes puissances.

Le prix d’un MRTT avoisine les 130 millions d’euros. Si nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour passer l’ensemble de la commande, je propose d’acquérir des A330 en version cargo pour soulager notre capacité de transport, quitte à les transformer en ravitailleurs au moment de l’arrivée de l’A400M.

Cela me semble d’autant plus urgent que le processus de perte des capacités est à l’œuvre, hormis pour le commandement des opérations spéciales qui s’efforce de les conserver a minima.

Pour les drones, je pense qu’il faut compléter le parc de Harfang. Un vecteur coûte 20 millions d’euros et une station sol, 10 millions. On peut donc acheter deux ou trois vecteurs en respectant l’enveloppe de 130 millions d’euros prévue par la loi de programmation militaire.

Enfin, et pour répondre à M. Cazeneuve, je tiens à rappeler que le fait d’avancer les commandes de Rafale ne fait finalement que revenir à la commande initiale. Les économies anticipées lors de la construction de la LPM avaient profité à l’ensemble des armées et, aujourd’hui, seule armée de l’air doit en supporter les coûts supplémentaires. J’appelle donc le chef d’état-major des armées à les répartir le plus équitablement possible.

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Le rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a donné un avis favorable aux crédits du programme « Préparation et emploi des forces (air) ».

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La commission est ensuite passée à l’examen des amendements.

Elle a d’abord été saisie de l’amendement II-DF 1 de MM. Guy Teissier et Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il s’agit de modifier les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) pour mettre un terme définitif à la différence de traitement entre les sapeurs-pompiers professionnels civils et les marins-pompiers de Marseille. En effet, ces derniers ne bénéficient pas des dispositions de la loi du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale qui intègre l’indemnité de feu dans le calcul des pensions des sapeurs pompiers civils.

M. François Cornut-Gentille. Je suis favorable à cet amendement, mais il me semble que nous avons déjà abordé cette question l’année dernière.

M. Philippe Vitel. Cet amendement avait effectivement été adopté l’année dernière par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais ce changement ne s’est pas traduit dans les textes réglementaires.

M. Yves Fromion. Je ne conteste pas l’intérêt de cette proposition mais il me semble qu’il serait également utile de comparer le statut des marins-pompiers de Marseille avec celui des sapeurs-pompiers de Paris.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas l’objet de cet amendement, mais la question devra bien évidemment être étudiée.

M. Jean-Pierre Soisson. Si je comprends bien, notre vote de l’année dernière n’a abouti à rien. Tout cela donne l’impression que nous nous exprimons dans le vide.

La commission a adopté l’amendement n°II-DF1.

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La commission a ensuite examiné l’amendement II-DF 2 de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet.

M. François Cornut-Gentille. Jean-Claude Viollet et moi considérons que la France est parvenue à un seuil critique dans le domaine du transport tactique et des ravitailleurs. Cela pose le problème de l’étiolement des compétences de l’armée de l’air et menace la crédibilité de notre dissuasion.

Cet amendement propose donc d’acquérir en leasing une première capacité d’avions mutlirôles (MRT) de type A 330. Notre objectif est de pousser le Gouvernement à faire un choix pour engager le renouvellement de notre flotte de ravitailleurs.

Nous proposons de financer cette mesure en mobilisant 20 millions d’euros sur les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » qui est doté de près de 22 milliards d’euros de crédits de paiement.

Je précise que le recours à ces appareils permettra de réaliser des économies de MCO, puisque celui des premiers MRT s’élèvera à 5 000 euros par heure de vol, alors que le coût du seul MCO des C-135 atteint actuellement plus de 13 000 euros.

M. Yves Vandewalle. Je soutiens ce projet mais m’interroge simplement sur sa compatibilité avec les décisions de mutualisation des moyens qui pourraient être prises avec les Britanniques.

M. François Cornut-Gentille. Les deux projets ne s’opposent pas. Si la coopération franco-britannique permettrait d’affréter des heures de vol complémentaires, les données dont nous disposons indiquent que cette option devrait être très coûteuse.

La commission a adopté l’amendement II-DF 2.

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Puis la commission a examiné l’amendement II-DF 3 de M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. La rénovation des Mirage 2000D devait leur permettre d’intégrer une capacité de renseignement image mais également de renseignement électronique que possèdent aujourd’hui les Mirage F1CR avec leur pod ASTAC. Ces appareils leur permettent à la fois d’identifier les dispositifs de l’adversaire et de programmer nos systèmes de contre-mesure électronique.

La procédure de retrait accéléré du Mirage F1CR qui doit s’achever en 2014 et le report de la rénovation du Mirage 2000D renvoyée à l’après 2013 risquent de nous faire perdre, pendant cinq ans au moins, cette capacité indispensable pour entrer en premier sur un théâtre. C’est également une capacité indispensable au travail de la direction du renseignement militaire qui doit alimenter en continu ses bases de données.

Cet amendement vise donc à engager une rénovation a minima pour éviter toute rupture capacitaire, en laissant au ministère de la défense le temps de réfléchir plus largement à l’avenir de cette flotte. Une somme de 10 millions d’euros devrait suffire à intégrer les pod de renseignement électronique ASTAC sur l’ensemble des avions.

La commission a adopté l’amendement II-DF 3.

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M. Jean-Jacques Candelier. L’examen de ce budget donne le sentiment de naviguer à vue. Je déplore qu’il sacrifie l’homme au profit de l’équipement. L’arme nucléaire occupe une bonne place et coûte entre 10 et 11 millions d’euros par jour. Je m’interroge aussi sur l’utilité de la défense anti-missiles balistiques. L’intégration au commandement militaire de l’OTAN me semble une mauvaise décision. Enfin, nous nous enlisons en Afghanistan. Pour toutes ces raisons je voterai contre ce projet de budget.

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La commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » ainsi modifiés.

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ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Outre M. Hervé Morin, ministre de la défense, le rapporteur a entendu les personnes suivantes :

Armée de l’air :

— le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, accompagné du général de brigade aérienne Guy Girier, sous-chef Plans-Programmes, du colonel Philippe Danieau, chef du bureau budget, du colonel Jean-Christophe Boéri, conseiller stratégique du chef d’état-major et du colonel Cyril Carcy, assistant militaire du chef d’état-major ;

— l’ingénieur général Christian Chabbert, directeur du Service industriel de l’aéronautique (SIAé) ;

— le général Jean-Jacques Verhaeghe, directeur de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD), accompagné du colonel Philippe Ollier, chargé de mission, du colonel Bruno Maurice, sous-directeur de la technique et de la logistique, du colonel Marc Mantel, adjoint au sous-directeur de la technique et de la logistique, du colonel Georges Leclercq, adjoint au sous-directeur de la planification et de la gestion, du colonel Pierre-André Parsi, coordinateur de la flotte Mirage-Alphajet, du colonel Étienne Schwartz, coordinateur de la flotte Rafale, de l’ingénieur en chef de l’armement Olivier Dugast, coordinateur de la flotte AVSO, et de l’ingénieur en chef des études et techniques de l’armement Jean-Jacques Hordesseaux, rencontrés dans le cadre d’une visite sur place le 13 juillet 2010.

Direction générale pour l’armement :

— l’ingénieur général de l’armement Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, accompagné de l’ingénieur général Philippe Jost, directeur des plans, programmes et du budget de la DGA, l’ingénieur en chef de l’armement Richard Priou, conseiller technique au cabinet du délégué général pour l’armement.

Industries

— M. Antoine Bouvier, président-directeur général de MBDA, accompagné de M. Pierre Muller, directeur commercial France, de l’amiral Jean-Pierre Tiffou, conseiller défense du président, et de Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement ;

— M. Pierre-Éric Pommelet, directeur général adjoint du groupe Thales, en charge des activités aéronautiques, accompagné du général Bernard Libat, conseiller militaire ;

— M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation, accompagné de M. Bruno Giorgianni, conseiller pour les affaires politiques et institutionnelles ;

— M. François Desprairies, directeur des affaires publiques France du groupe EADS, accompagné du général (CR) Philippe Tilly, conseiller défense du président, de M. Nicolas Chamussy vice-président d’EADS défense et sécurité (Cassidian) et de Mme Annick Perrimond du Breuil, directrice des affaires institutionnelles d’EADS ;

— M. Jean-Paul Herteman président du directoire de Safran, accompagné du général (CR) Baudouin Albanel, conseiller militaire.

© Assemblée nationale

1 () À titre de comparaison, un pilote de transport britannique effectue en moyenne 450 heures de vol par an.

2 () Niveau Technique d’Intervention n° 2. On distingue trois niveaux techniques d’intervention (NTI), le premier niveau (NTI 1) mettant en jeu des compétences et outillages simples, le deuxième niveau (NTI 2) requérant des ressources spécialisées dans le domaine de la maintenance et le troisième niveau (NTI 3) regroupant les opérations de grande technicité requérant des moyens lourds de nature industrielle.

3 () De 340 millions d’euros en 2007, il est passé à 416 millions d’euros en 2008, 462 millions d’euros en 2009 et il est à 570 millions d’euros en 2010.

4 () Au terme de ce rapprochement, la marine conservera encore les trois quarts de ses moyens de MCO aéronautique.

5 () De fait, les avions retirés du service opérationnel servent de volant de gestion.

6 () Le programme de rénovation prévoyait la mise aux normes OACI de l’avionique ainsi que l’intégration de fonctions tactiques. Trop ambitieux au regard des capacités industrielles, le contrat se limite désormais à la seule mise aux normes de l’appareil afin d’éviter des restrictions de vol trop pénalisantes.

7 () De l’anglais multi-role transport tanker.

8 () Flight Managing System.

9 () Dont le coût s’élève à près de 25 millions d’euros par an.

10 () L’indisponibilité globale de ces radars atteint environ 30% en moyenne sur les 3 dernières années, révélant un risque élevé de dégradation de la PPS (la disponibilité tout particulièrement faible en 2010 pour le radar de Lyon : de l’ordre d’1/3 seulement). Le report de 3 ans de la commande engendre une livraison à l’armée de l’air au plus tôt en fin d’année 2016.

11 () Cf. rapport du préfet DUSSOURD demandant à la Défense française d’assurer une meilleure couverture radar sur la capitale, jugée insuffisante.

12 () Posture Permanente de Sûreté.

13 () Voir le rapport pour informations « Drones : la France à la croisée des chemins » de M. Yves Vandewalle et du rapporteur.

14 () On trouvera plus de détails sur les différentes options dans le rapport pour information précité.