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N° 2863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME IV

JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. Sébastien HUYGHE,

Député.

Voir le numéro : 2857 (annexe 28).

En application de l’article   49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2010 pour le présent projet de loi.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 5

I. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 9

A. UN BUDGET EN AUGMENTATION POUR LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DU PARC IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE 9

1. Des crédits en augmentation de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2010 9

2. La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places et le lancement d’un nouveau programme de construction 10

a) La poursuite de l’effort financier pour la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places 10

b) Une année 2011 marquée par le lancement d’un nouveau programme immobilier 13

3. L’exercice de nouvelles missions à l’extérieur des établissements pénitentiaires 17

4. De nouveaux recrutements pour l’ouverture des nouveaux établissements et la poursuite du développement des aménagement de peines 19

a) Un plafond d’autorisations d’emplois dont l’augmentation se poursuit 19

b) Des recrutements qui restent importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements et de l’intensification du développement des aménagements de peine 20

c) Une modernisation statutaire des emplois de l’administration pénitentiaire qui se poursuit 21

B. LA MISE EN œUVRE DES RÈGLES PÉNITENTIAIRES EUROPÉENNES 26

1. Des recommandations à valeur d’engagement pour les États membres 28

2. Un engagement fort et déterminé de l’administration pénitentiaire pour la mise en œuvre des RPE 29

a) Les modifications législatives et les évolutions de pratiques réalisées pour appliquer les RPE dans les prisons françaises 30

b) Le référentiel de mise en œuvre des RPE 32

c) La démarche de labellisation des établissements pénitentiaires 33

3. La nécessité d’achever la politique de mise en œuvre des RPE dans le cadre de l’application de la loi pénitentiaire 36

C. L’INTÉGRATION DE LA PRISON DANS SON ENVIRONNEMENT LOCAL 39

1. La situation souvent excentrée des nouveaux établissements rend nécessaire une politique dynamique en vue d’assurer l’intégration dans le milieu local 40

2. Un travail d’information et d’association des acteurs locaux à la vie des établissements pénitentiaires s’impose 41

a) Dissiper les craintes autour des établissements pénitentiaires 42

b) Informer et associer les différents élus intéressés à l’implantation et à la vie des établissements pénitentiaires 43

c) Informer les populations 43

d) Développer, resserrer et pérenniser les partenariats économiques et associatifs 45

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 49

A. UN BUDGET DE PERFORMANCE ET DE CONSOLIDATION DU RECENTRAGE DE L’ACTION DE LA PJJ SUR LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS 49

1. Une reconcentration presque achevée des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants 49

2. Un nombre d’ETPT en légère diminution pour un renforcement de la performance de la PJJ 52

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en légère diminution par rapport à 2010 52

b) La poursuite de la revalorisation des cadres d’emploi des personnels de la PJJ par de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires 52

B. LE CONTRÔLE ET L’ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ DE LA PJJ 59

C. LA MISE EN œUVRE DES MESURES DE RÉPARATION PÉNALE 60

1. Qu’est-ce que la réparation pénale ? 60

2. La réparation pénale : une réponse adaptée et efficace à un certain type de délinquance des mineurs 61

EXAMEN EN COMMISSION 65

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 87

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 89

MESDAMES, MESSIEURS,

L’action de la justice ne s’arrête pas lorsqu’un jugement est rendu : les décisions judiciaires doivent, pour être efficaces et crédibles, être effectivement et correctement exécutées. Cet impératif démocratique fait de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, les deux administrations relevant de la mission « Justice » en charge de l’exécution des décisions de justice, des institutions essentielles dans le bon fonctionnement de la justice.

L’année 2010 restera pour l’administration pénitentiaire comme une année déterminante, marquée par l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire (1) mais aussi par l’annonce du lancement d’un nouveau programme immobilier de 5 000 places devant permettre à notre pays de disposer, à la fin de l’année 2017, de 68 000 places de détention. L’année 2011 verra l’exécution du programme « 13 200 » se poursuivre et le nouveau programme annoncé commencer à se concrétiser.

Le budget de l’administration pénitentiaire pour 2011 sera un budget destiné à permettre la poursuite de la rénovation du parc immobilier et la mise en œuvre de la loi pénitentiaire. Cela se traduit, d’une part, par des crédits en augmentation de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2010, et, d’autre part, par un plafond d’autorisations d’emplois dont l’augmentation se poursuit, avec 34 857 ETPT, contre 33 860 en 2010 et 33 020 en 2009, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 en deux ans.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, l’année 2010 a été celle de l’ancrage de la profonde mutation amorcée depuis 2008 tendant à recentrer ses missions sur son cœur de métier, à savoir la prise en charge des mineurs délinquants. L’année 2011 devra permettre d’achever cette réforme.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2011 sera un budget de performance et de consolidation du recentrage de l’action de la PJJ sur la lutte contre la délinquance des mineurs. S’il est globalement en légère diminution (- 1,5 % en AE et - 2 % en CP), ce budget est surtout marqué par la poursuite de la hausse des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants (+ 2 % en AE et + 1,6 % en CP pour l’action n° 01 « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants »). L’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci de la performance dans l’intervention publique, avec une légère diminution des effectifs (- 117 ETPT pour un plafond d’autorisations d’emploi fixé à 8 501 en 2011, soit une baisse de 2,4 % par rapport à 2010), conforme aux engagements pris par le Gouvernement d’améliorer l’efficacité des services publics.

Outre la présentation des crédits de chacun des deux programmes dont il a la charge, votre rapporteur présentera, dans la continuité de la démarche engagée dans les avis établis au nom de la commission des Lois lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, deux thèmes liés à l’actualité de chacune des deux administrations.

Pour l’administration pénitentiaire, votre rapporteur a souhaité s’intéresser en premier lieu à la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE). Ces recommandations du Conseil de l’Europe, rénovées en 2006, ont constitué à la fois la source de profondes évolutions dans l’action de l’administration pénitentiaire mais aussi une inspiration pour le législateur dans la formulation de nombre de dispositions de la loi pénitentiaire. Votre rapporteur a souhaité évaluer concrètement comment ces règles sont mises en œuvre dans les établissements pénitentiaires français. Pour cela, il a rencontré lors d’un déplacement à Strasbourg les instances du Conseil de l’Europe compétentes en matière pénitentiaire, et organisé des discussions sur ce thème à l’occasion de chacune des trois visites dans des établissements pénitentiaires qu’il a effectuées dans le cadre de la préparation du présent avis (maisons d’arrêt de Strasbourg, du Mans-Les Croisettes et de Fleury-Mérogis).

Le second thème retenu par votre rapporteur pour l’administration pénitentiaire est celui de l’intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local. Alors que la mission de réinsertion de l’administration pénitentiaire a été confortée par la loi pénitentiaire, une intégration réussie des établissements pénitentiaires dans leur environnement local apparaît comme une condition indispensable au succès des actions d’insertion sociale, économique et professionnelle qu’elle mène en faveur des personnes détenues. Ici encore, les déplacements de votre rapporteur lui ont permis de mesurer à quel point cette intégration locale réussie des établissements était, tout à la fois, délicate et essentielle.

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, le présent avis présentera tout d’abord l’action menée en matière de contrôle et d’évaluation de l’activité de la PJJ : à l’heure où l’action publique doit rechercher l’efficacité et la performance, votre rapporteur a souhaité s’intéresser à cette question essentielle sur le plan de la qualité et de l’efficacité de l’exécution des décisions de justice. Enfin, votre rapporteur a souhaité s’intéresser à la question de l’exécution des mesures de réparation pénale, mesure en forte progression depuis plusieurs années. La visite qu’il a effectuée à l’unité éducative de milieu ouvert de Créteil lui a permis de mesurer, par des échanges avec les acteurs de terrain qui mettent quotidiennement en œuvre ces mesures, l’intérêt de cette démarche réparatrice pour certains mineurs délinquants.

*

* *

I. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. UN BUDGET EN AUGMENTATION POUR LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DU PARC IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

1. Des crédits en augmentation de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2010

Les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2011 s’élèvent à 3,27 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit des augmentations de 6,7 % en AE et de 4,5 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2010. Cette hausse conjointe des AE et des CP traduit le fait que le budget de l’administration pénitentiaire pour 2011 est un budget permettant non seulement la poursuite de l’exécution du programme immobilier « 13 200 », mais aussi la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et particulièrement de son volet relatif aux aménagements de peine.

Le périmètre des actions du programme « Administration pénitentiaire » est resté inchangé depuis la modification intervenue lors du PLF pour 2007. Votre rapporteur ne peut, à nouveau, que saluer cette stabilité de la structure du programme.

Les actions composant le programme « Administration pénitentiaire » sont au nombre de trois :

• l’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les dépenses de personnel pour la garde des détenus et les dépenses d’équipement, représente 68,5 % des autorisations d’engagement du programme, avec un montant de 2,242 milliards d’euros.

• l’action n° 02, intitulée « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les moyens nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion). Cette action représente 20 % des autorisations d’engagement du programme, soit 653 millions d’euros (17,26 % et 531 millions d’euros en 2010). Cette augmentation de l’importance de l’action n° 02 traduit l’investissement fort du budget de l’administration pénitentiaire pour la mise en œuvre des dispositions de la loi pénitentiaire relatives aux aménagements de peine, qui nécessitent une intensification des moyens consacrés à la préparation de la sortie ainsi qu’au contrôle et au suivi des condamnés en milieu libre.

• l’action n° 04, « Soutien et formation » vise trois axes prioritaires : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. Elle représente 11,5 % des autorisations d’engagement du programme, soit 375 millions d’euros.

Les tableaux ci-après présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits consommés en 2009

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits demandés pour 2011

Évolution 2010-2011

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 438

1 487

2 138

2 242

+ 4,86 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

2 177

2 508

531

653

+ 22,98 %

Soutien et formation (Action 04)

401

387

394

375

- 4,82 %

Total

4 016

4 382

3 063

3 270

+ 6,76 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits consommés en 2009

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits demandés pour 2011

Évolution 2010-2011

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 411

1 435

1 563

1 638

+ 4,80 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

682

696

771

819

+ 6,23 %

Soutien et formation (Action 04)

366

370

357

354

- 0,84 %

Total

2 459

2 501

2 691

2 811

+ 4,46 %

En millions d’euros

2. La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places et le lancement d’un nouveau programme de construction

a) La poursuite de l’effort financier pour la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places

Notre pays a connu, au cours des 25 dernières années, trois grands programmes de construction de places de prison. Aux 13 000 places décidées en 1986 par M. Albin Chalandon et aux 4 000 nouvelles places lancées en 1995 par M. Pierre Méhaignerie, a succédé le programme de 13 200 places de la LOPJ de 2002, initiée par M. Dominique Perben. Ces trois programmes et, particulièrement, la pérennité de l’effort financier en faveur de la mise en œuvre du dernier de ces programmes, démontrent clairement la détermination des gouvernements successifs d’agir résolument pour résoudre deux des maux dont ont trop longtemps souffert les établissements pénitentiaires français : la vétusté du parc pénitentiaire et la surpopulation carcérale.

Le programme 13 200 comprenait plusieurs lots. Le premier, réalisé en maîtrise d’ouvrage publique selon la procédure de conception-réalisation, comprenait trois centres pénitentiaires de 690 places. Le premier, situé à Mont-de-Marsan, a été mis en service en décembre 2008. Les deux autres, implantés à Bourg-en-Bresse et à Rennes, ont ouvert en février et mars 2010. Cette partie du programme, dont le coût total a été de 210,8 millions d’euros, est donc désormais achevée. Également réalisée en maîtrise d’ouvrage publique mais selon une procédure sensiblement différente (2), une maison d’arrêt de 100 places doit également ouvrir à Rodez en 2012.

Les trois lots suivants étaient réalisés en maîtrise d’ouvrage privée. Le premier de ces trois lots, réalisé selon la procédure AOT-LOA, qui prévoyait des établissements à Béziers (810 places) et Nancy (693 places), Roanne (602 places) et Lyon-Corbas (690 places), est arrivé à terme, tous les établissements ayant été livrés entre janvier et novembre 2009. Le deuxième lot, qui avait fait l’objet d’un dialogue compétitif ayant conduit à la signature en 2006 d’un contrat avec la société Theia (groupe Bouygues), a permis la réalisation des centres pénitentiaires de Poitiers (562 places) et du Havre (690 places) et de la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes (401 places). Ces trois établissements ont été livrés entre octobre 2009 et avril 2010. Seul le troisième lot, réalisé en partenariat public privé, est encore en cours d’exécution : il prévoit la construction d’un centre pénitentiaire à Annœullin (688 places à proximité de Lille), une maison d’arrêt à Nantes (570 places) et un centre de détention à Réau (798 places). Les travaux ont commencé pour les établissements d’Annœullin et de Réau respectivement en janvier 2009 et en avril 2009. Les travaux de l’établissement de Nantes avaient été suspendus dans l’attente de la dépollution pyrotechnique du terrain par le ministère de la défense et ont repris en décembre 2009. Les ouvertures sont prévues en juin 2011 pour Annœullin, octobre 2011 pour Réau et mai 2012 pour Nantes.

Sont également prévues dans le programme 13 200 deux nouvelles maisons centrales, implantées à Vendin-le-Vieil (238 places) et Condé-sur-Sarthe (249 places). Les travaux pour ces deux établissements sont en cours de démarrage, pour des livraisons prévues en 2012.

Dans les départements et collectivités d’outre-mer, est prévue la création de 1 600 places. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion, d’une capacité de 574 places, a été mis en service en décembre 2008. Les autres projets en cours pour l’outre-mer sont les suivants :

—  la réhabilitation et l’extension de l’établissement de Majicavo à Mayotte, qui permettra de porter à terme la capacité d’hébergement à 264 places. Le lauréat du marché sera connu début 2011. Le démarrage des travaux est prévu en 2012 pour une livraison courant 2014 ;

—  en Guadeloupe, la démolition et la reconstruction sur le même site de la maison d’arrêt de Basse-Terre pour une capacité d’environ 180 places, ainsi que l’extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault dont la capacité théorique sera augmentée de 150  à 250 places (dans le cas où l’établissement envisagé sur l’île de Saint-Martin ne serait finalement pas construit). Ces projets sont au stade des études de faisabilité dont les conclusions sont attendues pour le dernier trimestre 2010, Mme Michèle Alliot-Marie ayant lors de son audition indiqué que les livraisons pour ces deux chantiers étaient prévues pour 2014 ;

—  la réhabilitation du centre pénitentiaire de Faa’a en Polynésie pour une capacité de 135 places ;

—  l’extension du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly en Guyane pour un gain de 220 places supplémentaires. S’agissant de la première phase visant à réaliser 75 places, l’entreprise lauréate a été retenue en août 2010 pour une livraison prévue début 2012. La seconde tranche de 145 places fait actuellement l’objet d’études de programmation fonctionnelle et technique.

Sur cette question de la réalisation des programmes immobiliers outre-mer, qu’il s’agisse de réhabilitations, d’extensions ou de constructions nouvelles, votre rapporteur souhaite insister tout particulièrement sur l’urgence à agir, face à des situations de surpopulation et de délabrement connues de longue date et qui n’ont cessé de se dégrader, au détriment de la dignité des personnes détenues et des conditions de travail des personnels.

Outre la construction de ces établissements nouveaux – auxquels il faut ajouter les places des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), tous livrés en 2007 et 2008 – le programme 13 200 comporte également la création de places spécialisées. Parmi celles-ci, deux quartiers courtes peines de 60 places (QCP) étaient prévus : l’un à Toulouse-Seysses, livré en 2009, l’autre à Nantes au sein du nouveau centre pénitentiaire, dont la mise en service est prévue au 2ème trimestre 2012. Afin de mettre ces nouvelles constructions en accord avec les prescriptions de la loi pénitentiaire, l’administration pénitentiaire a fait évoluer le concept d’établissements courtes peines pour le rattacher à l’objectif général de préparation à la sortie des détenus. Ces nouvelles structures, dites « quartiers nouveau concept » (QNC) d’une capacité de 90 places, seront désormais destinées à la prise en charge de deux types de détenus : les condamnés à de courtes peines et les condamnés en fin d’exécution de peine. La programmation fonctionnelle de ces nouvelles structures prévoit la coexistence de trois régimes de détention en leur sein. Ainsi les QNC comprendront-ils des places de semi-liberté, des places courtes peines et des places pour peines aménagées. 18 sites de 90 places (soit un total de 1 620 places) sont prévus, répartis en 3 vagues de livraison :

—  Vague 1 (7 sites) : Valence, Longuenesse, Varennes le Grand, Lorient Ploemeur, Brest, Laon et Toulon ;

—  Vague 2 (6 sites) : Dijon, Fleury-Mérogis, Bonneville (lieu sous réserve), Béziers, Perpignan et Maubeuge ;

—  Vague 3 (5 sites) : Grasse, Gagny, Mulhouse, Strasbourg et un dans l’ouest parisien.

Afin de respecter la limite des ressources allouées dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013, le calendrier de réalisation a été décalé d’un an pour la vague 1 et de deux ans pour les vagues 2 et 3. Les échéances de livraison sont donc les suivantes : pour la vague 1, entre le 1er trimestre 2014 et le 1er trimestre 2015 ; pour la vague 2, entre le 1er trimestre 2016 et le 4ème trimestre 2016 ; pour la vague 3, entre le 1er trimestre 2017 et le 4ème trimestre 2017.

Enfin, 3 centres de semi-liberté (CSL), en phase terminale de construction actuellement, doivent ouvrir au 4ème trimestre 2010 : Gradignan (82 places), Aix-en-Provence (82 places) et Avignon (51 places).

Le tableau ci-dessous retrace le nombre de places prévues dans le cadre de l’exécution du programme 13 200.

BILAN DE L’EXÉCUTION DU PROGRAMME 13 200

 

Année de mise en service

Total

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Après 2013

Nombre de places prévues

1 437

3 562

2 471

1 776

1 157

450

2 419

13 272

b) Une année 2011 marquée par le lancement d’un nouveau programme immobilier

Conformément aux engagements publics pris par M. le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès en juin 2009 et confirmés par Mme la garde des Sceaux, un nouveau programme de construction et de réhabilitation de places de détention va être engagé dès 2011, avec l’objectif d’un parc de 68 000 places à la fin de l’année 2017. Le plan de restructuration du parc immobilier pénitentiaire, annoncé par Mme Michèle Alliot-Marie le 28 juillet dernier prévoit ainsi la création de 14 000 nouvelles places de détention – réparties dans 22 nouveaux établissements – et la fermeture de 9 000 places vétustes, soit une création nette de 5 000 places. Les ouvertures et les fermetures concomitantes interviendront, pour la plupart, entre 2015 et 2017. En conséquence, les AE prévues au présent budget permettent, outre la poursuite du programme lancé en 2002, le lancement des premiers projets du nouveau programme.

Cet effort est d’ores et déjà traduit, au plan budgétaire, par une prise en compte de ce programme dans la programmation pluriannuelle des finances publiques. Ainsi, le projet annuel de performances détaille-t-il l’évolution prévisionnelle des crédits de l’administration pénitentiaire de 2011 à 2013, qui continueront d’augmenter de manière significative pour permettre le financement du programme immobilier annoncé.

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES CRÉDITS
DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE DE 2011 À 2013

 

PLF 2011

PLF 2012

PLF 2013

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme
Administration pénitentiaire

3,270

2,811

4,743

3,004

5,669

3,031

En millions d’euros

Sont ainsi prévues la construction de 22 nouveaux établissements (dont 2 en outre-mer), la réhabilitation de la maison d’arrêt de Paris la Santé, du centre pénitentiaire de Nouméa ainsi que l’extension de celui de Ducos. La fermeture de 45 sites a été annoncée (3). 7 établissements (950 places) sont pour l’instant maintenus, soit sous condition d’un plan de rénovation à négocier avec les collectivités locales (Clairvaux, Bar le Duc, Poissy), soit dans l’attente d’une expertise complémentaire sur le coût de la mise aux normes (Versailles, Château-Thierry, Laval et Vesoul). La fermeture de la plupart de ces établissements interviendra entre 2015 et 2017 (4).

Si l’allotissement et la planification de la livraison des nouveaux établissements ne sont à ce stade pas encore arbitrés, la plupart des villes d’implantation sont en revanche déjà retenues. Pour la décision relative au lieu précis d’implantation, votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur les remarques qu’il formule dans le présent avis au sujet de l’intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local, et invite solennellement le ministère de la justice à instaurer dès les premiers stades de l’élaboration des projets un dialogue constructif avec les populations locales et leurs élus.

SITES PRÉVUS POUR L’IMPLANTATION DES ÉTABLISSEMENTS
PÉNITENTIAIRES DU NOUVEAU PROGRAMME

Direction interrégionale des services pénitentiaires d’implantation

Lieu prévu pour la nouvelle construction (5)

DIJON

Orléans-Saran

LYON

Valence

LYON

Riom

STRASBOURG

Lutterbach

BORDEAUX

Bordeaux

BORDEAUX

Limousin

LILLE

Loos-lez-Lille

LILLE

Beauvais

LILLE

Dunkerque (lieu sous réserve)

DIJON

Dijon

DIJON

Aube

PARIS

Est Parisien

BORDEAUX

La Rochelle

BORDEAUX

Pau

LILLE

Rouen

RENNES

Angers

RENNES

Manche

STRASBOURG

Oermingen/Bas-Rhin

Outre mer

Ducos (Martinique)

Outre mer

Saint-Pierre (La Réunion)

Outre mer

Nouméa (Nouvelle Calédonie)

Outre mer

Papeari (Polynésie)

PARIS

Construction d’un établissement Nord Parisien

PARIS

Réhabilitation de la MA Paris la Santé

PARIS

Construction d’un 3ème établissement Parisien :
Nord Est Parisien

MARSEILLE

Construction d’un établissement à Marseille (Baumettes III)

Afin de répondre aux prescriptions de la loi pénitentiaire adoptée en novembre 2009, la réalisation du nouveau programme immobilier s’appuiera sur le concept d’établissement à réinsertion active (ERA), élaboré sur la base des retours d’expérience du fonctionnement des établissements des deux derniers programmes de construction et de missions effectuées à l’étranger (Suède, Espagne, Angleterre). Ce concept s’articule autour des points majeurs suivants :

—  Le taux d’encellulement individuel devra être de 95% de la population hébergée. La superficie des cellules, dont l’agencement garantira leur fonctionnalité et prévoira la présence de douches, sera fixée à 8,5 m², ce qui aura pour effet de rendre quasiment impossible leur doublement.

—  La mise en œuvre des régimes différenciés conduira à prévoir un mode de détention adaptée à la dangerosité et à la personnalité de chaque détenu qui fera l’objet, à son arrivée au sein de l’établissement, d’une évaluation préalable (6). Deux régimes de détention, l’un dit « ouvert » et l’autre dit « fermé », sont prévus. Ces nouvelles modalités de prise en charge garantiront une gestion plus homogène et cohérente des profils au sein des mêmes secteurs d’hébergement et une réduction des incidents en détention ; elles permettront aussi la mise en œuvre de programmes d’insertion individualisés. Le régime de détention mode « ouvert » est fondé sur l’autonomie et la libre circulation du détenu au sein du quartier dont l’organisation reproduit le plus possible les conditions de vie à l’extérieur afin de faciliter sa resocialisation. Le mode « fermé » prévoit à l’inverse un encadrement renforcé de la population pénale qui est accompagnée par les personnels lors de ses mouvements.

—  Des activités devront être proposées à tous les détenus, qu’ils soient affectés en mode ouvert ou fermé, sur la base d’un volume de 5 heures par jour. En conséquence, le nombre de locaux dédiés à l’insertion sera augmenté de 40 % par rapport au programme 13 200. La fonctionnalité des locaux sera davantage adaptée à leur destination. Ces espaces seront aussi dimensionnés sur la base du volume horaire estimé pour chaque type d’activité. Est en outre prévue la création d’un pôle commun aux quartiers qui comprendront des espaces d’enseignement et d’activités sportives et socioculturelles, une cyberbase, une bibliothèque/médiathèque, une salle de spectacle, un lieu multiculturel et des locaux dévolus aux dispositifs d’accès aux droits.

—  La programmation fonctionnelle de ces nouveaux établissements intégrera des dispositions relatives à la conception des secteurs, qui seront davantage à taille humaine que dans les programmes précédents. Les quartiers auront une capacité maximale de 160 places et seront divisés en unités de 40 places.

—  Une attention particulière sera apportée au traitement paysager des espaces extérieurs accessibles aux détenus, qu’il s’agisse des zones de circulation ou des cours de promenade qui feront l’objet d’aménagements d’agrément.

—  Conformément aux prescriptions de la loi pénitentiaire relatives au maintien des liens familiaux, sera prévue à l’intérieur de chaque établissement la construction d’un nombre suffisant d’unités de vie familiale et de parloirs familiaux, afin de permettre aux détenus de rencontrer leur entourage sur des périodes plus longues que lors des parloirs simples.

—  La prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux sera améliorée par la création systématique, en accord avec le ministère de la santé, de locaux destinés aux services de psychiatrie au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA).

—  Enfin, est prévue l’installation systématique des dispositifs de vidéosurveillance dans les coursives des unités d’hébergement et les cours de promenades, afin de limiter les phénomènes de violence.

Votre rapporteur ne peut que saluer et approuver l’effort financier poursuivi avec constance depuis 2002 et maintenu en 2011 pour mettre notre parc pénitentiaire en conformité avec les exigences de notre temps, tant en termes de nombre de places que de qualité de ces places. Pour autant, si la construction et la réhabilitation de places de détention doivent demeurer une priorité pour le budget de la justice pour plusieurs années encore, votre rapporteur tient également à souligner que cet effort ne doit pas se faire au détriment du fonctionnement d’établissements plus anciens. Ainsi, lors de ses visites des maisons d’arrêt de Strasbourg et de Fleury-Mérogis, les échanges que votre rapporteur a eus avec les responsables de ces établissements lui ont semblé mettre en évidence une certaine inadaptation des critères de calcul des dotations attribuées à certains établissements, pouvant déboucher sur des situations de déficit budgétaire chronique. S’il importe naturellement que chaque établissement fasse preuve de la plus grande responsabilité dans sa gestion financière pour maintenir son équilibre budgétaire, votre rapporteur estime néanmoins que devrait être mené par l’administration pénitentiaire, dans certains cas, un travail de révision des critères de répartition des dotations entre les établissements, afin que le fonctionnement de certains établissements – et les relations que ceux-ci entretiennent avec leurs partenaires ou prestataires de services dont les factures ne peuvent être convenablement honorées – ne se trouve pas obéré par des difficultés financières dues à une insuffisance objective de leurs dotations.

3. L’exercice de nouvelles missions à l’extérieur des établissements pénitentiaires

Depuis plusieurs années, la question de l’administration compétente pour exécuter les missions d’extractions judiciaires ainsi que les missions de garde statique des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) a fait l’objet de discussions – et, parfois, de tensions – entre les ministères de la justice et de l’intérieur. En effet, le ministère de l’intérieur considérait ces missions comme des « charges indues », tandis que celui de la justice estimait que ces missions de sécurité en milieu ouvert ne correspondaient pas au « cœur de métier » de l’administration pénitentiaire.

À la suite d’un arbitrage interministériel rendu à la fin du mois de septembre 2010, le principe du transfert de la charge de ces extractions – ainsi que, de façon plus anecdotique mais néanmoins symbolique, celui de la sécurité du ministère de la Justice place Vendôme, jusqu’ici assurée par la gendarmerie nationale – de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice » a été arrêté. Selon les informations transmises à votre rapporteur par M. Jean-Amédée Lathoud, directeur de l’administration pénitentiaire, le calendrier prévu pour ce transfert est le suivant : en janvier 2011, transfert de la sécurité de la place Vendôme ; dans le courant du premier semestre 2011, transfert de la garde statique de deux UHSI qui, selon les indications données par Mme Michèle Alliot-Marie lors de son audition par la Commission, « seront choisies entre Bordeaux, Lille et Nancy » ; à partir du second semestre 2011, expérimentation du transfert de la charge des extractions judiciaires dans deux régions.

Votre rapporteur soutient le principe de ce transfert de charge, qui pourra permettre de valoriser le rôle de troisième force de sécurité publique de l’administration pénitentiaire en confiant à ses agents des missions de sécurité sur la voie publique. À l’exception du représentant du SNEPAP/FSU, les représentants des syndicats de l’administration pénitentiaire – CGT, FO et UFAP – ne se sont pas déclarés hostiles au principe de ce transfert de compétence, mais l’ont subordonné à deux préalables : d’une part, un transfert des emplois correspondants afin de ne pas alourdir la charge de travail – déjà lourde – des personnels pénitentiaires ; d’autre part, garantir la formation des agents qui exerceront ces missions, qui ne correspondent pas au métier aujourd’hui exercé par les surveillants pénitentiaires.

Votre rapporteur partage ces préoccupations et considère que ce transfert de mission ne pourra s’opérer dans des conditions satisfaisantes que si les emplois permettant l’exercice de cette mission sont créés au sein de l’administration pénitentiaire et si les agents concernés sont effectivement, préalablement et correctement formés. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, 800 emplois seraient transférés en trois ans de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice » pour l’exercice de ces nouvelles missions, à raison de 200 en 2011, 250 en 2012 et 350 en 2013. Cet arbitrage du transfert de 800 emplois, alors que le coût actuel en emplois est estimé pour la mission « Sécurité » à 1 200, a été réalisé en prenant en compte les perspectives de réduction significative du nombre d’extractions ouvertes par le développement de la visioconférence et de la télémédecine. Votre rapporteur estime indispensable que soient poursuivis les efforts entrepris pour développer l’usage des nouvelles technologies de la communication, afin d’éviter le recours à des extractions non indispensables et de limiter la charge nouvelle supportée par l’administration pénitentiaire. Lors de son audition par la Commission, Mme Michèle Alliot-Marie a confirmé que « 200 ETP vont être transférés de l’intérieur vers la justice » et qu’« il est bien entendu indispensable que ce transfert soit inscrit dans le PLF pour 2011 ».

En outre, votre rapporteur estime également nécessaire d’insister sur deux points : la question des moyens matériels mis à disposition de l’administration pénitentiaire pour l’exercice de ces nouvelles missions et l’organisation des extractions judiciaires. S’agissant tout d’abord des moyens matériels, votre rapporteur souligne la nécessité que les équipes de l’administration pénitentiaire qui seront chargées des missions d’extractions soient suffisamment dotées des équipements (véhicules, armes, équipements de protection…) indispensables à l’exercice de ces missions.

S’agissant de l’organisation des extractions judiciaires, votre rapporteur estime que ces missions devront, autant que faire se peut, être exécutées par des unités dédiées, afin de ne pas désorganiser le fonctionnement des établissements pénitentiaires. En effet, M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense pour les crédits de la gendarmerie nationale, a souligné que les extractions judiciaires sont non seulement extrêmement consommatrices du temps des forces de la police et de la gendarmerie nationales, mais qu’elles ont également un redoutable effet de désorganisation du service : « Il est (…) impossible de tenir compte de la durée de ces missions pour l’organisation du service : parfois longue, lorsqu’il s’agit d’une comparution immédiate, elle peut être limitée à 5 ou 6 heures pour une présentation mais reste très variable. De fait, les gendarmes affectés à cette tâche sont considérés comme non disponibles pour d’autres missions le même jour. Le non-respect de leurs horaires de convocation par les magistrats entraîne un allongement indu de la durée de nombreuses extractions ». Il avait également mis en évidence que, ni la police ni la gendarmerie ne disposant d’unités dédiées aux missions d’extractions judiciaires, celles-ci « constituent une des missions, parmi d’autres, de nombreuses unités et leur imputation directe sur les missions de sécurité publique se fait au détriment de la présence sur le terrain » (7). Votre rapporteur appelle donc l’administration pénitentiaire, dans le cadre de l’organisation de ces missions, à s’efforcer d’éviter ce risque, en constituant des équipes spécialement affectées aux missions d’extractions judiciaires.

4. De nouveaux recrutements pour l’ouverture des nouveaux établissements et la poursuite du développement des aménagement de peines

a) Un plafond d’autorisations d’emplois dont l’augmentation se poursuit

Le plafond d’autorisation d’emplois de l’administration pénitentiaire prévu par le projet de loi de finances pour 2011 est de 34 857 ETPT, contre 33 860 en 2010 et 33 020 en 2009, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 en deux ans. Ce plafond se décline de la manière suivante :

Par action

Action 01 : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

24 918

Action 02 : accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

6 580

Action 04 : Soutien et formation

3 359

Total du programme

34 857

Par catégorie d’emploi

 

Plafond autorisé
pour 2010

Demandés
pour 2011

Variation 2010/2011

Magistrats

17

17

0

Personnel d’encadrement

1 345

1 392

+ 47

Métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif (catégorie B)

3 976

4 090

+ 114

Administratifs et techniques (catégorie B)

997

1 028

+ 31

Personnels de surveillance (catégorie C)

24 596

25 325

+ 729

Administratifs et techniques (catégorie C)

2 929

3 005

+ 76

Total

33 860

34 857

+ 997

Compte tenu des ouvertures de nouveaux établissements à venir, tant dans le cadre de la fin de la mise en œuvre du programme 13 200 que dans celui du nouveau programme de construction, les effectifs de l’administration pénitentiaire continueront à augmenter dans les années à venir. Ainsi, le rapport annexé à l’article 2 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 confirme que le nombre d’ETPT de la mission justice continuera de croître, en indiquant que le ministère de la justice sera, avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le seul à ne pas voir ses effectifs réduits sur les années 2011 à 2013 (8).

Comme l’a annoncé Mme Michèle Alliot-Marie lors de son audition par la Commission, ce nombre d’ETPT devrait être complété par un amendement présenté lors de la discussion en séance des crédits de la mission « Justice », afin de tenir compte du transfert au ministère de la justice des missions d’extractions judiciaires et de garde statique des UHSI.

b) Des recrutements qui restent importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements et de l’intensification du développement des aménagements de peine

La poursuite des ouvertures de nouveaux établissements et les créations de places dans le cadre du programme d’accroissement des capacités ont nécessité la création de plus de 10 000 emplois entre 2003 et 2010.

Comme en 2010, les deux catégories d’emploi dont les effectifs augmenteront de façon significative en 2011 seront les catégories des surveillants pénitentiaires et des métiers du greffe et de l’insertion. S’agissant de la catégorie des surveillants pénitentiaires, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit 729 ETPT supplémentaires. Ces postes permettront la mise en service des nouveaux établissements dont le calendrier d’ouverture a été détaillé précédemment. Venant après des hausses de 775 ETPT en 2009 et de 665 ETPT en 2010, cette hausse de 729 ETPT en 2011 marque la poursuite de l’engagement déterminé du Gouvernement à achever le programme d’ouvertures de nouvelles places de détention en garantissant dans chaque établissement un niveau d’encadrement permettant aux personnels pénitentiaires d’exercer leurs missions dans des conditions aussi favorables que possible.

La catégorie des métiers du greffe et de l’insertion est la seconde catégorie dont les effectifs connaissent une évolution importante. Comme l’augmentation des personnels de surveillance, l’augmentation des effectifs de greffe est largement liée aux ouvertures de nouveaux établissements. Quant à l’augmentation des personnels d’insertion, elle a pour objet de permettre l’application effective des dispositions de la loi pénitentiaire relatives aux aménagements de peine, tant au niveau de la mise en place des mesures que concernant le contrôle et le suivi des condamnés. Le relèvement d’un an à deux ans du seuil de peine en deçà duquel les peines d’emprisonnement doivent en principe être exécutées dans le cadre d’un aménagement (articles 132-24 du code pénal et 723-15 du code de procédure pénale) ainsi que la nouvelle règle selon laquelle les quatre derniers mois de toute peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans doivent en principe être exécutés sous le régime du placement sous surveillance électronique (article 723-28 du code de procédure pénale) rendaient en effet indispensables la poursuite de l’effort de recrutement pour cette catégorie de personnels.

c) Une modernisation statutaire des emplois de l’administration pénitentiaire qui se poursuit

La poursuite de l’évolution des métiers pénitentiaires a conduit l’administration pénitentiaire à mener plusieurs réformes statutaires et indemnitaires en 2010. Une nouvelle réforme indemnitaire – conséquence de la réforme statutaire engagée – est en projet pour les personnels d’insertion et de probation.

●  Les réformes statutaires et indemnitaires intervenues en 2010

—  Les modifications statutaires des personnels d’insertion et de probation

Une large réforme du statut des personnels d’insertion et de probation doit entrer en vigueur au dernier trimestre 2010. D’un coût global estimé à 5,5 millions d’euros sur 5 ans, hors charges sociales et cotisations, elle se décompose en plusieurs volets.

▪  L’administration pénitentiaire travaille actuellement, en partenariat avec les services de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et du ministère du budget, à la finalisation d’un statut d’emploi type des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui serait fonctionnellement et géographiquement applicable aux SPIP les plus importants et aux postes à fortes responsabilités. Les postes de responsabilités moins lourdes resteraient dans l’échelonnement indiciaire du statut d’emploi actuel.

Ainsi, le statut d’emploi des directeurs fonctionnels d’insertion et de probation serait organisé en trois groupes. Cette réforme statutaire s’accompagnera d’un volet indemnitaire qui aboutira à la suppression de l’indemnité de responsabilité et étendra le régime de l’indemnité de fonctions et d’objectifs aux agents placés dans ce statut d’emploi.

▪  Est également prévue une réforme du statut du corps des directeurs d’insertion et de probation (DIP). Ce corps de catégorie A comprend actuellement 202 fonctionnaires (détachements dans le statut d’emploi de DSPIP compris). Le projet prévoit une répartition nouvelle du nombre d’emplois entre les concours externe et interne à hauteur de 50 % pour chacun d’entre eux contre 60 % et 40 % dans le statut actuel. Cette modification serait complétée par une disposition permettant aux conseillers d’insertion et de probation de bénéficier d’une voie d’accès professionnelle réservée au corps des directeurs d’insertion et de probation. De plus, l’accès au grade d’avancement reposerait, outre la voie du choix, sur un examen professionnel fondé sur la reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle.

▪  En troisième lieu, est prévue la mise en extinction du corps des chefs des services d’insertion et de probation (CSIP), qui comprend actuellement 156 fonctionnaires. La mise en extinction de ce corps devrait se réaliser par le biais de deux dispositifs statutaires complémentaires.

D’une part, un examen professionnel exceptionnel basé sur la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle sera mis en place, afin de permettre en trois ans l’intégration au corps des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation notamment des CSIP qui exercent déjà des fonctions d’encadrement (chef d’antenne, adjoint DSPIP, DSPIP, cadre au sein de gros SPIP).

D’autre part, sera prévue à titre transitoire (pour une durée de cinq ans) et pour 50 % des nominations prononcées dans le corps au titre des deux concours, de réserver la voie de la nomination au choix aux seuls CSIP. La proportion des nominations au choix ne pourrait être inférieure aux deux tiers des nominations prononcées.

▪  Enfin, est prévu un nouveau statut pour le corps des conseillers d’insertion et de probation (CIP). Aujourd’hui, le corps des CIP est exactement aligné sur celui des assistants de service social. Cette quasi-assimilation fonctionnelle et indiciaire, outre qu’elle interdit toute modification de la grille indiciaire des seuls CIP, ne correspond plus à la logique fonctionnelle actuelle et future de ces professionnels.

La réforme prévue a pour objectif de promouvoir la spécificité des métiers de l’insertion et de la probation, de plus en plus résolument orientés vers le champ pénal et la criminologie et tendant à la prévention de la récidive. Ainsi, la distinction avec la filière sociale apparaîtra plus clairement. De ce fait, l’inscription des personnels dans la filière de sécurité pourra être associée à un dispositif de surindiciarisation, à l’instar des officiers pénitentiaires.

—  La revalorisation du régime indemnitaire des personnels d’insertion et de probation

Les discussions engagées à la suite du mouvement social du printemps 2008 ont abouti à un protocole signé avec les organisations syndicales le 9 juillet 2009 portant notamment sur une refonte de leur situation statutaire et indemnitaire afin de tenir compte de l’évolution de leurs missions depuis 1999. A ainsi été prévue une augmentation du régime indemnitaire de 50 euros mensuels (soit 600 euros annuels) pour chaque grade dès la signature du protocole.

Pour les conseillers d’insertion et de probation (CIP) et chefs de service d’insertion et de probation (CSIP), cette augmentation a pris la forme d’une revalorisation de l’indemnité forfaitaire des personnels d’insertion et de probation (IFPIP). La revalorisation, qui concerne 2 615 agents (2 459 CIP et 156 CSIP), représentera une dépense annuelle de 1 569 000 euros. Dans cette perspective, l’arrêté du 15 mars 2007 fixant le montant annuel de l’indemnité forfaitaire allouée au personnel d’insertion et de probation est en cours de modification.

Pour les personnels d’encadrement de la filière (directeurs de service pénitentiaire d’insertion et de probation et directeurs d’insertion – DSPIP – et de probation – DIP), cette revalorisation s’est traduite par une augmentation de l’indemnité de responsabilité (IR), dans l’attente de leur passage à l’indemnité de fonctions et d’objectifs (IFO, voir infra). Pour les 221 agents (85 DSPIP et 136 DIP) percevant cette indemnité forfaitaire, la revalorisation représente une dépense annuelle de 132 600 euros. Dans cette perspective, l’arrêté du 19 juillet 2005 fixant les montants annuels de référence de l’indemnité de responsabilité allouée aux personnels de direction et à certains personnels de l’administration pénitentiaire est en cours de modification.

—  La revalorisation du régime indemnitaire lié au travail de nuit et des dimanches et jours féries des personnels de surveillance

À la suite de la signature d’un protocole d’accord négocié avec les représentants du personnel de surveillance, le décret revalorisant en trois phases annuelles l’indemnité de surveillance de nuit et l’indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés est entré en vigueur le 1er août 2008. L’année 2010 constitue la dernière tranche de mise en œuvre de ce dispositif. Ainsi, l’indemnité de surveillance de nuit (exercice des fonctions entre 21 heures et 6 heures et pendant une durée au moins égale à six heures consécutives), lorsque le service de nuit précède ou suit un dimanche ou un jour férié est portée à 20 euros. Le montant reste fixé à 17 euros pour les nuits en semaine. L’indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés (exercice des fonctions au moins six heures de travail consécutif) fixée pour 2008 à 23 euros a été revalorisée à compter du 1er août 2009 à 24 euros et portée en 2010 à 26 euros. Cette indemnité est majorée d’un montant de 2,64 euros par heure, au-delà de la huitième heure.

●  Les réformes statutaires et indemnitaires envisagées en 2011

—  Des modifications statutaires pour le corps des surveillants pénitentiaires de l’État pour l’administration de Mayotte

Le corps des surveillants pénitentiaires de l’État pour l’administration de Mayotte a été créé par le décret n°2005-139 du 17 février 2005. Il comprend deux grades : le grade de surveillant pénitentiaire qui comporte dix échelons et le grade de premier surveillant qui comporte 7 échelons. Ainsi, les surveillants pénitentiaires de Mayotte ont vocation à intégrer le corps d’encadrement et d’application créé par le nouveau statut du 14 avril 2006 (décret n° 2006-441) après avoir effectué soit 13 ans en qualité de surveillant de Mayotte, soit 8 ans en qualité de 1er surveillant de Mayotte. L’intégration du corps transitoire au corps d’État des surveillants pénitentiaires actuellement en service à la collectivité départementale de Mayotte doit s’échelonner de février 2011 à février 2012 pour les 5 premiers surveillants et de janvier 2012 à avril 2019 pour les 31 surveillants.

Pour les corps des agents techniques et agents administratifs, un protocole d’accord a été signé le 8 avril 2009 entre le préfet de Mayotte et plusieurs organisations syndicales et d’employeurs visant à une revalorisation de leurs conditions statutaires. Les termes de cet accord ont été transcrits dans le décret n°2009-1363 du 5 novembre 2009 modifiant les décrets n° 2005-138 et 2005-139 du 17 février 2005 relatifs aux statuts particuliers des corps des agents techniques et des corps des agents administratifs de Mayotte. Ce texte a modifié les dispositions relatives à l’intégration des agents techniques et administratifs de Mayotte dans les corps des agents administratifs ou techniques des administrations de l’État à Mayotte, avec une phase transitoire prévue jusqu’en 2014.

En vue de permettre une revalorisation statutaire des personnels de surveillance mahorais, l’administration pénitentiaire prévoit de mettre en place un réaménagement de carrière pour les surveillants pénitentiaires de Mayotte, sur la base de ce qui a été réalisé pour les agents administratifs et les agents techniques de Mayotte, ainsi que pour les agents des douanes de Mayotte par le décret n° 2009-1699 du 30 décembre 2009. Deux objectifs seront poursuivis : d’une part, mettre fin à la disparité de traitement entre le corps des surveillants mahorais et celui des agents administratifs et les agents techniques de Mayotte issu du décret du 5 novembre 2009 précité ; d’autre part, réduire la durée de la période d’intégration dans la grille État, afin de répondre à la revendication des organisations syndicales tendant à voir leur traitement indiciaire revalorisé.

—  La déconcentration du recrutement des membres du corps d’encadrement et d’application des personnels de surveillance dans les collectivités d’outre-mer

Actuellement, les postes du corps d’encadrement et d’application des personnels de surveillance dans les collectivités d’outre-mer sont pourvus par les admissions au concours national, ce qui crée de sérieuses difficultés pratiques (déroulement commun des épreuves avec les difficultés liées au décalage horaire). Une déconcentration de ce recrutement permettrait de délier les phases nationales et locales de recrutement des personnels de ce corps afin de pouvoir faire coïncider ces dernières aux besoins des établissements de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Saint-Pierre-et-Miquelon. De plus, le comité interministériel de l’outre-mer, institué en 2009, a jugé nécessaire de chercher à améliorer l’accès des ultramarins aux concours de la fonction publique.

Aujourd’hui, seule l’organisation matérielle des concours en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon est déléguée au directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer. Par ailleurs, compte tenu des coûts budgétaires de l’organisation du concours national (entre 15 000 et 20 000 inscrits à chaque session), la direction de l’administration pénitentiaire a recours à la liste complémentaire avant de procéder à une nouvelle phase de recrutement qui éteindrait cette liste complémentaire. Dans l’intervalle, il n’est donc pas possible d’ouvrir un nouveau concours, quand bien même il serait limité aux établissements ultramarins confrontés à d’importantes vacances de postes.

La direction de l’administration pénitentiaire prépare donc pour 2011 un projet de décret ayant pour objet d’améliorer la gestion des recrutements de personnels du corps d’encadrement et d’application en améliorant l’adéquation entre la localisation géographique des postes à pourvoir et les vœux d’affectation géographique des agents recrutés. Les concours déconcentrés seront ainsi organisés pour pourvoir aux besoins de recrutement des établissements situés en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des gains sont attendus en termes de souplesse de gestion des ressources humaines et de meilleure adéquation des phases de recrutement à la survenance des besoins en personnel.

—  L’extension de l’indemnité de fonction et d’objectifs (IFO) aux personnels d’encadrement de la filière insertion et probation

La direction de l’administration pénitentiaire projette en 2011 d’étendre l’indemnité de fonction et d’objectifs (IFO) aux personnels d’encadrement de la filière insertion et probation. Au-delà de la nécessité d’introduire une culture d’objectifs et de résultats parmi les personnels d’encadrement de la filière insertion et probation, ce projet vise aussi à mieux différencier les niveaux de responsabilité et d’emploi ainsi que les écarts dans la manière de servir des personnels.

Ainsi, l’IFO permettra de doter les personnels d’encadrement de la filière insertion et probation d’un régime indemnitaire à la fois plus moderne et plus juste. Le passage d’une logique statutaire vers une logique fonctionnelle basée sur l’exercice des responsabilités sera recherché. La modulation la plus souple possible sera poursuivie, afin de disposer d’une marge de manœuvre en fin de gestion et d’un élément juridique de gratification et de motivation dans l’exercice des fonctions.

Le montant de l’IFO prendra en compte le niveau de l’emploi, des responsabilités, le niveau d’expertise et les sujétions particulières liées aux fonctions exercées. Les résultats des procédures d’évaluation (décret du 29 avril 2002) et de notation (article 82 du décret du 21 novembre 1966) ainsi que la manière de servir seront également intégrés dans la fixation du nouveau régime indemnitaire.

L’IFO comprendra deux parts : la part fonctionnelle, tenant compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées, et la part individuelle, liée aux résultats de la procédure d’évaluation de l’agent et de sa manière de servir. Par grade, le montant individuel annuel sera déterminé par addition des deux parts auxquelles sera appliqué un coefficient multiplicateur (coefficient de gestion décidé par l’administration chaque année) dans la limite d’un plafond par grade. Une négociation sur la fixation des montants individuels sera engagée en 2011 avec les organisations syndicales.

B. LA MISE EN œUVRE DES RÈGLES PÉNITENTIAIRES EUROPÉENNES

Le droit européen a incontestablement constitué l’un des moteurs essentiels des progrès accomplis ces dernières années par l’administration pénitentiaire française dans la réforme et l’humanisation des prisons. Comme l’écrit M. Xavier Ronsin, procureur de la République de Nantes et membre du Comité européen de prévention de la torture (CPT), « de même qu’il existe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et depuis 1948, c’est-à-dire depuis plus de soixante ans, une universalité des instruments juridiques relatifs à la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants, de même depuis vingt ans on peut affirmer qu’il existe une dynamique européenne particulièrement fructueuse de prévention des mêmes dérives, grâce à l’influence conjuguée de la Cour européenne des droits de l’Homme, d’une recommandation du Conseil de l’Europe appelée "règles pénitentiaires européennes" et du CPT » (9).

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, fondée sur une interprétation toujours plus exigeante des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, en sanctionnant la France à plusieurs reprises pour des violations des droits des personnes détenues, a incité la France à faire évoluer sa pratique et sa législation pénitentiaires. Moins connues et sans doute moins visibles qu’une condamnation d’un État par la cour de Strasbourg, les règles pénitentiaires européennes (RPE) jouent depuis quelques années un rôle tout aussi décisif dans l’évolution du droit et des pratiques pénitentiaires français.

Adoptées en 1973 sous l’égide du Conseil de l’Europe, puis révisées en 1987 et en 2006, les règles pénitentiaires européennes (RPE) visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres du Conseil de l’Europe et à faire émerger des normes et des pratiques communes. La dernière version des RPE a été rédigée par le Comité européen de coopération pénologique, qui avait reçu le 18 septembre 2002 un mandat du Comité des ministres du Conseil de l’Europe pour procéder à leur réécriture en lien avec des représentants des États membres. La France y a pris une part active.

Ces règles tiennent compte des règles pénitentiaires antérieures, des normes de traitement des détenus établies par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Elles s’appuient également sur l’évolution et le développement du droit et des pratiques pénitentiaires en Europe. Elles ont été adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui rassemble les ministres des Affaires étrangères de l’ensemble des États membres (10).

Ces cent huit règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de détention, la santé, l’ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l’administration pénitentiaire, l’inspection et le contrôle des prisons.

La mise en œuvre de ces RPE, qui – sans avoir la valeur juridique contraignante d’un traité – engagent les États membres du Conseil de l’Europe (1), fait l’objet d’un engagement fort et déterminé de la part de l’administration pénitentiaire française qui a conduit à de considérables évolutions dans le droit et la pratique pénitentiaires (2). Pour autant, la poursuite de l’évolution de l’administration pénitentiaire implique d’achever la politique de mise en œuvre des RPE, ce qui sera réalisé par l’application de la loi pénitentiaire (3).

1. Des recommandations à valeur d’engagement pour les États membres

En stricte rigueur juridique, les RPE ne sont pas un traité ou une convention internationale, puisqu’elles ne sont que des « recommandations » (11), à valeur a priori non contraignante à la différence des traités ou accords régulièrement ratifiés dont l’article 55 de notre Constitution prévoit qu’ils ont une « valeur supérieure à celle des lois ».

Lors de sa rencontre à Strasbourg avec les responsables du service des réformes législatives du Conseil de l’Europe, ceux-ci ont rappelé le caractère juridiquement non contraignant des RPE. L’initiative prise par le Gouvernement turc en vue de la prochaine Conférence des ministres de la justice du Conseil de l’Europe prévue à la fin du mois de novembre, qui vise notamment à « réfléchir, à la lumière des résultats de l’évaluation [de la mise en œuvre des RPE par les États], à la nécessité de renforcer le cadre légal dans ce domaine, y compris la faisabilité et l’opportunité d’un instrument juridiquement contraignant régissant certains aspects des conditions de détention, de la gestion des établissements pénitentiaires et du traitement des détenus » (12), vient rappeler le défaut de caractère contraignant des RPE actuelles.

Pour autant, M. Xavier Ronsin estime que les RPE ont eu, « contre toute attente, une influence décisive sur la situation pénitentiaire européenne et française ». En effet, « certains commentateurs sceptiques qui avaient dénoncé le caractère non obligatoire des RPE, avaient oublié cette règle de bon sens que si un État adopte une recommandation, c’est qu’il ne conteste pas le bien-fondé des prescriptions qu’elle contient, et qu’il s’engage implicitement à les mettre en œuvre à plus ou moins courte échéance, selon l’état de son droit positif au moment où celui-ci fait l’objet d’une révision complète. C’est ainsi que sur décision clairvoyante de l’ancien directeur de l’administration pénitentiaire française (Claude d’Harcourt), les RPE furent proclamées dès 2006 "outil de référence sur lequel l’administration pénitentiaire entendait fonder son action» (13). Comme le notait M. Jean-Paul Garraud, rapporteur du projet de loi pénitentiaire, les RPE « constituent un aiguillon, une incitation au changement pour faire évoluer la prison dans les pays européens » (14).

En outre, un facteur nouveau va contribuer à accroître, dans les années à venir, la force obligatoire des RPE : en effet, la Cour européenne des droits de l’Homme commence à prendre « l’habitude d’examiner la norme pertinente applicable à l’espèce en cause, au regard de la législation nationale incriminée et de sa propre jurisprudence, mais aussi des règles pénitentiaires européennes, puisque l’État visé par le litige en cours les avait lui-même en 2006 reconnues pertinentes » (15). Par exemple, dans sa décision Ramirez Sanchez contre France, la Cour de Strasbourg a ainsi jugé, s’agissant du placement à l’isolement d’un détenu, qu’« il conviendrait (…) de ne recourir à cette mesure, qui représente une sorte d’"emprisonnement dans la prison", qu’exceptionnellement et avec beaucoup de précautions, comme cela a été précisé au point 53.1 des règles pénitentiaires adoptées par la Comité des Ministres le 11 janvier 2006 » (16).

Si elles ne sont pas contraignantes, les RPE constituent donc indéniablement un « engagement » de la France, dont la force s’est traduit par un engagement fort et déterminé de l’administration pénitentiaire pour les mettre en œuvre.

2. Un engagement fort et déterminé de l’administration pénitentiaire pour la mise en œuvre des RPE

Avant de souligner en quoi les RPE, qui constituent un standard européen pour le fonctionnement des établissements pénitentiaires et les droits des personnes détenues, peuvent favoriser l’évolution des établissements pénitentiaires français, il importe de préciser que de nombreux pans du droit et de la pratique pénitentiaires français sont, d’ores et déjà et dans certains cas de longue date, pleinement conformes à ces règles. Par exemple, le respect de la règle n° 14, selon laquelle « aucune personne ne peut être admise ou retenue dans une prison en qualité de détenu sans une ordonnance d’incarcération valable, conformément au droit interne », est-il une évidence dans le droit et la pratique pénitentiaires français. De même, l’organisation de la santé en prison relève, depuis 1994, du service public hospitalier de droit commun et n’est plus sous tutelle de l’administration pénitentiaire, conformément – par anticipation – à la règle pénitentiaire européenne n° 40-1, qui prévoit que « les services médicaux administrés en prison doivent être organisés en relation étroite avec l’administration générale du service de santé de la collectivité locale ou de l’État ».

Pour autant, il est indéniable que, par certains aspects, les règles et la pratique pénitentiaires français demeurent encore relativement éloignés des objectifs fixés par les RPE. Afin de remédier à cette situation, l’administration pénitentiaire française s’est résolument engagée dans une démarche de mise en œuvre des RPE, comme le relève M. Jean-Paul Céré : « La recherche d’une conformité du droit pénitentiaire français avec les règles pénitentiaires européennes relève d’une aspiration profonde. Elle est résolument recherchée par l’administration pénitentiaire et elle est traduite dans la réalité. (…) Dès 2006, l’administration pénitentiaire a engagé une réflexion multipartite (toutes les directions régionales, y compris l’outre-mer et l’École nationale d’administration pénitentiaire) en poursuivant un objectif d’élévation des exigences professionnelle, sur le fondement des nouvelles recommandations européennes » (17).

Cet engagement fort se traduit par des modifications réglementaires et législatives ainsi que par des évolutions de pratiques réalisées pour mettre le droit et la vie pénitentiaires en conformité avec les RPE, ainsi que par la mise en place d’un référentiel de mise en œuvre des RPE et une démarche de labellisation des établissements.

a) Les modifications législatives et les évolutions de pratiques réalisées pour appliquer les RPE dans les prisons françaises

Si, chronologiquement, la mise en œuvre des RPE s’est d’abord traduite par des évolutions des pratiques impulsées par la direction de l’administration pénitentiaire, votre rapporteur présentera en premier lieu – brièvement et de manière non exhaustive – les modifications de nature législative intervenues pour mettre la loi française en conformité avec les RPE.

Comme le note M. Xavier Ronsin, les RPE ont guidé le législateur dans la discussion de la loi pénitentiaire : « tant devant les deux commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale que lors des débats eux-mêmes devant les assemblées parlementaires, le projet de loi pénitentiaire (devenu depuis la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009) fut considérablement enrichi et amélioré grâce à l’attention que portèrent de nombreux parlementaires et observateurs à la non-concordance du projet avec certaines dispositions des RPE » (18). Ainsi, la rédaction de nombre d’articles de la loi pénitentiaire est-elle largement inspirée tant de la lettre que de l’esprit des RPE. C’est le cas, notamment, des articles relatifs à l’objectif de la peine (article 1er, inspiré de la RPE n° 102), aux fouilles (article 57, inspiré de la RPE n° 54), à la définition du régime de détention et du parcours d’exécution de peine (article 89, inspiré des RPE nos 103 à 106) ou encore au régime disciplinaire (article 91, inspiré des RPE nos 56 à 62).

En outre, antérieurement à la loi pénitentiaire, la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007 avait permis à la France de respecter la règle n° 93-1, qui prévoit que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques ».

Sur le plan de l’évolution des pratiques pénitentiaires, auxquelles votre rapporteur consacrera ses plus longs développements, l’administration pénitentiaire a, compte tenu de la « difficulté à partir sur une confrontation de toutes les règles pénitentiaires, qui sont au nombre de 108 » (19), fait le choix de se concentrer sur huit règles qui constituent un « réel enjeu pour l’évolution des établissements pénitentiaires et plus particulièrement pour l’amélioration de la prise en charge des détenus condamnés exécutant leur peine en maison d’arrêt, dans l’attente soit d’une affectation en établissement pour peine, soit d’une libération dans le cadre d’un aménagement de peine » (20).

Les huit règles qualifiées par la direction de l’administration pénitentiaire de règles à « enjeux forts » et dont elle a fait le choix, dès 2007, de cibler prioritairement la mise en application, sont les suivantes : l’organisation de l’accueil des détenus entrants (règles nos 15 et 16) ; le repérage et l’orientation de la population pénale (règle n° 17-2) ; le maintien des liens familiaux (règle n° 24-4) ; la possibilité pour le détenu de contacter à tout moment un personnel, y compris la nuit (règle n° 52-4) ; le traitement des requêtes des détenus (règle n° 70-3) ; le respect d’un cadre éthique pour les personnels (règle n° 72-1) ; la nécessaire information du public (règle n° 90-1) ; l’élaboration d’un parcours d’exécution des peines et d’une stratégie de préparation à la sortie (règle n° 103-2).

Lors de son audition par votre rapporteur, M. le préfet Jean Charbonniaud – auquel Mme Rachida Dati, alors garde des Sceaux, avait confié en 2009 une mission d’évaluation sur la mise en œuvre des RPE – a souligné que le choix de la mise en œuvre de ces huit règles avait constitué un choix stratégique éclairé, permettant de mobiliser et de fédérer les équipes des établissements autour d’un projet commun, porteur d’aspects véritablement révolutionnaires dans la culture et les méthodes de travail pénitentiaires. De même, M. Xavier Ronsin, procureur de la République de Nantes et membre français du Comité de prévention contre la torture, a salué au cours de son audition un programme de mise en œuvre des RPE à la fois « progressif et ambitieux », l’appropriation des RPE par la direction de l’administration pénitentiaire et le choix fait de la transparence sur l’écart entre le droit et la pratique pénitentiaires français et les RPE. Lors de la visite que votre rapporteur a effectuée à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, M. Paul Louchouarn, directeur de l’établissement, a quant à lui souligné que la mise en œuvre des RPE avait créé une dynamique permettant d’accompagner le mouvement de rénovation des pratiques professionnelles.

Afin de généraliser le respect de ces huit règles, la direction de l’administration pénitentiaire a créé un référentiel de mise en œuvre des RPE et initié une démarche de labellisation des établissements.

b) Le référentiel de mise en œuvre des RPE

Comme le souligne M. Xavier Ronsin, l’administration pénitentiaire a décidé « de faire du respect des règles pénitentiaires un objectif prioritaire tant en ce qui concerne l’orientation de sa politique de modernisation que la modernisation de ses pratiques professionnelles. Elle allait donc s’engager, à partir de 2007, et sans attendre la modification de la législation ou de la réglementation française, dans un vaste chantier d’application immédiate de certaines dispositions des RPE. Fut ainsi élaboré un référentiel d’application des RPE et furent labellisées des mises en œuvre » (21).

La mise en place de ce référentiel s’est déroulée en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’administration pénitentiaire a travaillé à la rédaction collective d’un recueil de principes et de pratiques répondant aux orientations des huit règles issues des RPE ciblées. Réalisé grâce à la nomination dans chacune des neuf directions interrégionales de plusieurs « référents RPE », le référentiel devait collecter à la fois les bonnes pratiques professionnelles nées spontanément dans les établissements dans l’intérêt des personnes détenues et des personnels, ainsi que les méthodes d’organisation en vigueur dans les établissements dont l’efficacité et la conformité aux orientations des RPE justifierait la diffusion à l’ensemble des personnels et établissements.

Une fois centralisées les informations recueillies par les référents RPE, le référentiel est présenté sous forme de tableaux et de fiches techniques détaillées, précisant pour chaque règle les obligations minimales et principes de fonctionnement, mais aussi les marges d’amélioration possible.

À compter de 2009, la direction de l’administration pénitentiaire a généralisé à l’ensemble des établissements pénitentiaires la démarche d’abord expérimentale de mise en œuvre des RPE, sur la base du référentiel dont le processus d’élaboration a été décrit ci-dessus. Les résultats communiqués par la direction de l’administration pénitentiaire témoignent de l’importante dynamique et de l’impact sur les conditions de détention qu’a eus la démarche de mise en œuvre des RPE. Ainsi, à la date du 1er mars 2010 :

—  112 établissements pénitentiaires mettent en œuvre la séparation prévenus/condamnés (soit 85 % des sites concernés), contre 7 début 2007 (5 % des sites) (22) ;

—  136 établissements pénitentiaires ont des secteurs d’accueil des détenus arrivants conformes aux RPE (soit 77 % des sites), contre 73 début 2007 (42 % des sites) ;

—  171 établissements pénitentiaires ont créé des commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) (soit 99 % des sites), composées de l’ensemble des acteurs de la vie en détention (administration pénitentiaire, enseignement, unités de consultations des soins ambulatoires –UCSA-, prestataire privé, etc.). Celles-ci n’existaient début 2007 que dans 30 % des sites. Lors des visites de votre rapporteur dans les maisons d’arrêt de Strasbourg, du Mans-Les Croisettes et de Fleury-Mérogis, l’ensemble des personnels qu’il a entendus a témoigné du rôle extrêmement important joué par le quartier arrivants pour « amortir le choc de l’incarcération », ainsi que par la phase d’évaluation pour orienter au mieux chaque personne détenue selon ses besoins en termes de formation professionnelle, d’enseignement, de prise en charge au titre d’un programme de prévention de la récidive ou encore de soins ;

—  79 établissements pénitentiaires ont mis en œuvre une procédure formalisée de traitement des requêtes des personnes détenues (45 % des sites), garantie d’une meilleure traçabilité des requêtes et de la prise en compte, pour la personne détenue, de la demande formulée ;

—  76 établissements disposent d’un système d’interphonie complet, permettant aux personnes détenues d’entrer en contact de jour comme de nuit avec un personnel pénitentiaire, en cas de nécessité (contre 51 en 2007) et 82 disposent d’un système d’interphonie partiel ;

—  121 maisons d’arrêt sont équipées de la téléphonie (soit 91 % des sites concernés) alors que ce droit n’était ouvert à aucune personne détenue en maison d’arrêt – qu’elle soit condamnée ou prévenue – en 2006 ;

—  depuis 2007, 24 établissements (14 % des sites) ont procédé à l’augmentation de la durée des parloirs et 33 établissements (19 % des sites) ont procédé à la rénovation des lieux d’accueil réservés aux familles et/ou aux parloirs.

Comme l’a souligné M. Paul Louchouarn, directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis au cours de la visite effectuée par votre rapporteur, la mise en œuvre des RPE a permis de sortir le débat pénitentiaire des seules questions de la surpopulation et de la vétusté pour mettre en avant la question de la qualité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice. En cela, la mise en œuvre des RPE peut donc être considérée comme une décision stratégique très opportune, de par la dynamique de modernisation des pratiques professionnelles qu’elle a engendrée.

c) La démarche de labellisation des établissements pénitentiaires

L’ultime étape de la mise en œuvre du référentiel réside dans la démarche de labellisation des établissements dans laquelle s’est engagée l’administration pénitentiaire. L’objectif de la labellisation est de certifier le respect par l’établissement labellisé des procédures et règles contrôlées. Comme le relève M. Jean-Paul Céré, « l’octroi du label vient reconnaître la qualité du travail mené par les différentes équipes, ainsi reconnues dans leurs compétences et leur savoir-faire » (23). Le « label RPE », délivré par AFNOR Certification, certifie ainsi le respect de 36 règles pénitentiaires européennes déterminantes pour la personne détenue dans la phase de l’accueil en établissement pénitentiaire.

Le cahier des charges de la labellisation détermine les critères que doit respecter l’établissement, sur trois aspects liés à l’accueil du détenu :

—  L’établissement pénitentiaire s’engage à assurer la mise en œuvre d’un dispositif particulier d’accueil des personnes détenues de jour comme de nuit. Le dispositif garantit la régularité de la procédure d’écrou, la prise en compte des besoins urgents du détenu arrivant (accès à un local de douche, repas chaud, dotation de sous-vêtements propres, accès gratuit au téléphone…), l’affectation du détenu dans des locaux spécifiques d’accueil gérés par des surveillants formés à cette mission, l’ouverture d’un livret de suivi individuel de la personne détenue et la remise de documents d’accueil permettant à la personne détenue d’être informée de ses droits et de ses devoirs (guide arrivant, programme d’accueil…) ;

—  L’établissement pénitentiaire doit, durant la phase d’accueil dont la durée minimale est fixée à une semaine, assurer un accompagnement individualisé de chaque personne détenue. Ce dispositif implique trois éléments. Premièrement, chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire (personnels pénitentiaires, partenaires médicaux, responsables des secteurs de la formation, du travail et de l’enseignement) doit rencontrer dans les premiers jours de l’incarcération le détenu arrivant afin d’évaluer sa situation personnelle et de permettre sa prise en charge rapide. Deuxièmement, les résultats de ces entretiens doivent être mutualisés, dans le respect des prérogatives et obligations de chacun, entre les différents services afin que chacun ait le même niveau de connaissance sur la personne détenue. Troisièmement, la personne détenue doit pouvoir bénéficier d’activités (promenades, accès à la bibliothèque…).

—  À l’issue de la période d’accueil, un examen de la situation de chaque nouveau détenu est réalisé par les membres de l’équipe pluridisciplinaire réunie en « commission pluridisciplinaire ». Ce dispositif garantit la réunion périodique des professionnels qui interviennent dans la prise en charge globale de la personne détenue, l’établissement d’un bilan individualisé de chaque personne détenue et la définition d’un parcours en détention adapté à son profil (encellulement individuel ou collectif, formation, travail…), l’information de la personne détenue des éléments relatifs à son bilan individualisé, la mise à la disposition du bilan individualisé auprès des autorités judiciaires et le réexamen de la situation de chaque personne détenue au cours de sa détention.

Le coût moyen de la labellisation, par an et par établissement, est de 2 175 euros, soit un coût moyen de labellisation pour un établissement sur un cycle de 3 ans de 6 525 euros.

Au 30 juillet 2010, 48 établissements pénitentiaires avaient obtenu le label RPE. Un programme pluriannuel de labellisation 2008-2012 a été défini au niveau régional en fonction des priorités et selon les avancées des sites. 78 établissements étaient candidats à la labellisation pour 2010 et 45 le sont pour 2011. Tel est par exemple le cas de la maison d’arrêt de Strasbourg, que votre rapporteur a visitée. Dans cet établissement comme dans l’ensemble des établissements pénitentiaires français, des efforts significatifs ont été réalisés par l’encadrement et le personnel de l’établissement afin de respecter les différents critères permettant de prétendre au label RPE. Pour autant, en dépit de ces efforts, l’obtention du label pourrait être rendue délicate du fait d’un nombre hebdomadaire moyen d’entrées (50) supérieur à la capacité d’accueil du quartier arrivants (16 cellules doubles, soit 32 places au plus). Votre rapporteur souligne l’importance que soit réalisée, dans chaque établissement, une adaptation aussi fine que possible du nombre de places du quartier arrivants et des personnels qui y sont affectés aux besoins locaux.

Nonobstant le caractère récent de cette action de modernisation du service public pénitentiaire, l’impact de la labellisation est mesurable non seulement en termes d’atténuation du choc carcéral mais également en matière d’amélioration des conditions de travail des agents. En effet, une comparaison effectuée sur la période d’août 2009 à mars 2010 à partir de plusieurs indicateurs entre les sites entrés dans la démarche en 2008 et ceux engagés en 2009-2010 confirme l’impression des agents des « établissements pénitentiaires RPE » qui font état du caractère bénéfique des actions mises en œuvre. Ainsi, selon les données communiquées à votre rapporteur par la direction de l’administration pénitentiaire, au regard des premiers éléments statistiques, il apparaît qu’au sein des sites labellisés dès 2008, le nombre d’incidents est quasiment divisé par 2 au quartier arrivants et inférieur de près d’un quart en détention, le coût des dépenses liées aux dégradations est divisé par 3 au quartier arrivants, tandis que le taux d’absentéisme des agents du quartier arrivants est divisé par 3. L’apport, non seulement de la mise en œuvre des RPE, mais aussi de l’évaluation de cette mise en œuvre, est donc bien réel.

Votre rapporteur considère que la volonté de l’administration pénitentiaire de garantir un haut niveau de qualité de la prise en charge des personnes détenues lors de leur arrivée est une stratégie particulièrement pertinente. À cet égard, il salue la création, dans le projet annuel de performance du programme « Administration pénitentiaire », d’un nouvel indicateur (4.3) portant sur le taux d’établissements pénitentiaires labellisés dans le cadre du processus de « prise en charge et accompagnement des personnes détenues ».

L’ensemble de ces développements montre que « aujourd’hui, ces efforts et cette volonté de l’administration pénitentiaire française de se conformer aux règles pénitentiaires européennes vont bien au-delà de la déclaration d’intention et du simple affichage » (24). Pour autant, les travaux de votre rapporteur montrent également que l’évolution de l’administration pénitentiaire implique désormais d’achever la politique de mise en œuvre des RPE, mais que cet achèvement passera en fait principalement par l’application de la loi pénitentiaire.

3. La nécessité d’achever la politique de mise en œuvre des RPE dans le cadre de l’application de la loi pénitentiaire

La question de la mise en œuvre des RPE avait constitué, lors du mouvement social des personnels pénitentiaires du printemps 2009, un point important de crispation. En effet, certains personnels avaient exprimé le sentiment que la mise en œuvre des RPE avait été menée avec une certaine précipitation et sans que les moyens humains qu’elle nécessitait ne soient alloués aux établissements. Pour cette raison, le protocole d’accord signé entre le ministère de la justice et les organisations syndicales prévoyait que soit réalisé un bilan d’étape de la mise en œuvre des RPE.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean Charbonniaud, qui a réalisé ce bilan d’étape dans le cadre d’une mission d’évaluation confiée par la garde des Sceaux, a estimé que la crispation autour de la question des RPE n’était pas due à un rejet de ces règles en elles-mêmes, mais au rythme de leur mise en œuvre et aux conséquences qu’elle a pu avoir sur le fonctionnement de certains établissements. En effet, la concentration de moyens sur les quartiers arrivants, avec des cellules et des personnels dédiés, réalisée à effectifs constants, a eu pour effet de rendre plus tendues les rotations d’effectifs pénitentiaires dans les autres parties de la détention. Les conditions de travail des agents non affectés au quartier arrivants ont ainsi pu paraître se dégrader, leur donnant un sentiment d’injustice par comparaison avec la situation des agents affectés en quartier arrivants, dont les tâches tournées vers l’évaluation et l’orientation des détenus sont apparues plus gratifiantes.

Les représentants des syndicats entendus par votre rapporteur ont confirmé cette analyse, soulignant que le principe de la mise en œuvre des RPE n’était pas remis en cause, mais que les modalités et la rapidité de cette mise en œuvre avaient cristallisé des mécontentements autour des conditions de travail des agents. Ayant entendu ces critiques, votre rapporteur considère qu’une plus grande concertation dans la mise en œuvre des RPE pourrait faciliter l’évolution de l’administration pénitentiaire vers la recherche d’une amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes détenues, mais que la démarche même de mise en œuvre des RPE ne saurait être remise en cause. Cette démarche, telle qu’elle a été engagée par la direction de l’administration pénitentiaire, a indéniablement et de l’avis général permis une modernisation des méthodes de travail dans les établissements pénitentiaires et une amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes détenues. Elle doit donc aller jusqu’à son terme, avec la généralisation de la procédure d’accueil des nouveaux détenus validée par une labellisation de l’ensemble des établissements de notre pays.

Ceci étant souligné, il n’en demeure pas moins que l’application des RPE reste partielle et qu’elle « doit, à terme, être amplifiée et étendue au respect des autres règles pénitentiaires européennes » (25), compte tenu de leur valeur d’engagement de la France sur le plan européen et, surtout, de l’influence grandissante qu’elles jouent dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Pour autant, votre rapporteur considère que cette nécessité de poursuivre et d’amplifier la mise en œuvre des RPE ne signifie aujourd’hui pas autre chose, un an après le vote d’une loi pénitentiaire dont l’un des objectifs était de traduire en droit interne les principes des RPE, que de garantir l’application pleine et entière de la loi pénitentiaire.

Parmi les RPE, il en est deux pour lesquelles le droit et les pratiques pénitentiaires français apparaissent encore relativement en retrait par rapport aux exigences des recommandations : celle relative à l’incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux et celle relative à l’encellulement individuel. Cependant, sur ces deux points, la mise en œuvre de la loi pénitentiaire devrait permettre de traduire en droit interne ces principes européens.

Ainsi et en premier lieu, la règle n° 12.1, qui prévoit que « les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet », a été consacrée par le quatrième alinéa de l’article 46 de la loi pénitentiaire, qui dispose que « l’état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention. L’administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l’éducation sanitaires ». Or, aujourd’hui, comme le relève M. Jean-Paul Céré, « il est largement reconnu que le nombre de détenus atteints de troubles psychiatriques est extrêmement élevé et que la détention ne permet pas d’apporter une solution médicale idoine » (26).

Comme l’a souligné le récent rapport d’information du Sénat sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, « il serait illusoire de vouloir établir une séparation étanche parmi les auteurs d’infractions entre ceux qui relèveraient exclusivement des soins et ceux qui ne relèveraient que de l’exécution d’une peine » (27). La réponse à cette situation ne saurait donc consister en un renoncement au prononcé de sanctions à l’encontre des personnes atteintes de troubles mentaux et à leur incarcération, mais dans la diversification des outils de prise en charge permettant de faire face aux différentes situations. En vue d’assurer la mise en œuvre de la RPE n° 12-1 et de l’article 46 de la loi pénitentiaire, votre rapporteur estime que devrait être menée sans délai entre l’administration pénitentiaire et le ministère de la santé une réflexion sur le nombre et les capacités d’accueil des différentes structures de prise en charge psychiatrique des personnes détenues que sont les services médico-psychologiques régionaux (SMPR), les unités pour malades difficiles (UMD) ou encore les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

En second lieu, les RPE nos 18.5, 18.6 et 18.7 prévoient que « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus », qu’« Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter » et que « Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit ». Comme le relevait M. Jean-Paul Garraud dans son rapport sur le projet de loi pénitentiaire, « Si ces règles sont respectées dans les établissements pour peines, elles apparaissent en revanche très éloignées de la réalité des maisons d’arrêt françaises, dans lesquelles l’encellulement collectif, non choisi et dans des cellules inadaptées au nombre de personnes qui y sont hébergées, est encore la règle » (28).

Traduisant en droit interne ces règles européennes, l’article 87 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a réaffirmé le principe de l’encellulement individuel et soumis l’encellulement collectif à des conditions strictes : « Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées » (article 716 du code de procédure pénale). Cependant, l’article 100 de la même loi a prévu la possibilité de déroger à cette règle dans les maisons d’arrêt dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la loi, « au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ».

L’effectivité des règles européennes prévoyant l’encellulement individuel est donc reportée de cinq ans après la publication de la loi, c’est-à-dire au 25 novembre 2014. Il incombera au Parlement, dans le cadre de ses prérogatives de vote du budget, de veiller à ce que les crédits alloués à l’administration pénitentiaire pour la construction et la réhabilitation de places de prison permettent d’atteindre cet objectif.

En conclusion, votre rapporteur ne peut que saluer la politique de mise en œuvre des RPE menée depuis plusieurs années par l’administration pénitentiaire, qui a constitué un vecteur non seulement d’évolution des pratiques professionnelles mais aussi de révolution culturelle. Aujourd’hui, comme l’a souligné le directeur de l’administration pénitentiaire, si les RPE ne sauraient être mises de côté dans la mesure où la politique engagée concernant les huit règles ciblées doit être achevée, il n’en demeure pas moins que la nouvelle « charte d’action » de l’administration pénitentiaire est la loi pénitentiaire. Il importera que, dans la phase de mise en œuvre pleine et entière de cette loi, les leçons de la mise en œuvre des RPE soient tirées, en prenant le temps de la concertation et de la réflexion avec les acteurs de terrain sur le rythme et les modalités des changements professionnels et culturels qu’elle induira.

C. L’INTÉGRATION DE LA PRISON DANS SON ENVIRONNEMENT LOCAL

La mission de la prison a été récemment redéfinie par l’article 1er de la loi pénitentiaire, qui dispose que « Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».

La prison doit donc protéger la société et sanctionner le condamné, certes, mais elle doit aussi réinsérer. Or, pour remplir sa mission de réinsertion, la prison doit permettre aux personnes détenues de préparer leur sortie. Pour ce faire, elle doit être tournée vers l’extérieur, ou, plus précisément, être intégrée dans son environnement local. Comme l’écrit Mme Anne Héricher, « Un établissement pénitentiaire est un établissement public créé par les pouvoirs publics. Il appartient à ceux qui génèrent ce type de structure de l’intégrer dans l’espace public » (29).

Or, dans bien des endroits, les élus de la Nation que nous sommes et les élus locaux ne peuvent que constater que les établissements pénitentiaires implantés sur les territoires dont ils sont les élus souffrent d’une intégration insuffisante dans l’environnement local. Généralement excentrés pour les établissements récents, ou situés en centre ville pour les établissements plus anciens mais rejetés ou ignorés par les habitants du quartier, ne nouant avec les partenaires économiques et associatifs mais aussi avec des élus locaux que des relations distantes, les établissements pénitentiaires sont bien souvent dans la ville sans lui appartenir pleinement. Ce défaut n’est pas nouveau et résulte, pour une large part, d’une relation ambivalente de la société avec la prison : « depuis des siècles, au rythme d’un balancier, la société a oscillé entre une volonté "d’intégrer" la prison et celle de la rejeter en totalité » (30).

La conséquence de ce défaut d’intégration n’est que trop évidente : sans liens forts avec les collectivités territoriales, avec les entreprises, avec le tissu associatif, l’exercice de la mission de réinsertion des personnes détenues ne saurait qu’être compromis. Notre ancien collègue Gilbert Bonnemaison, député de Seine-Saint-Denis, dans son rapport remis en 1989 au Garde des Sceaux sur la modernisation du service public pénitentiaire, plaidait déjà pour une meilleure « insertion de la prison dans la cité » : « Un développement de plus en plus accentué des relations entre l’institution pénitentiaire et les partenaires locaux et régionaux (élus, administrations, associations…) apparaît à cet égard de nature à promouvoir le service public pénitentiaire et à lui permettre de mieux assurer son rôle d’insertion des détenus. (…) Le service public pénitentiaire doit prendre toute sa place dans la politique de développement social urbain » (31).

Ce sont ces raisons qui ont conduit votre rapporteur à traiter cette question, avec une préoccupation essentielle : que faire pour favoriser une meilleure intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local ?

1. La situation souvent excentrée des nouveaux établissements rend nécessaire une politique dynamique en vue d’assurer l’intégration dans le milieu local

Dans une thèse de géographie parue en 2009, M. Olivier Milhaud a montré que les établissements récents étaient le plus souvent construits en périphérie des villes ou dans des zones isolées. Pourtant, même si la question du coût des terrains dans les centres des agglomérations ne doit pas être sous-estimée, des choix d’implantation plus centraux pourraient parfois être possibles, notamment pour les EPM dont le dimensionnement nécessite des terrains moins étendus que les établissements pénitentiaires pour majeurs : « On aurait tout à fait pu construire les établissements pénitentiaires pour mineurs sur le site des maisons d’arrêt fermées. C’est d’ailleurs ce qui se fait parfois pour certains centres de semi-liberté ». La raison en est que « la plupart du temps, les élus comme les riverains préfèrent un remplacement de l’établissement fermé par une implantation judiciaire non pénitentiaire, voire par des logements ou des activités » (32).

L’existence de nuisances spécifiques liée à la présence d’un établissement pénitentiaire ne doit pas être niée. Les « parloirs sauvages » depuis la rue et les cris de cellule à cellule, très fréquents dans un grand nombre d’établissements, sont une indéniable nuisance sonore pour les riverains. Les projections d’objets constituent également une nuisance : de l’extérieur de l’établissement vers celui-ci, les projections entraînent la présence dans le quartier de personnes porteuses notamment de produits stupéfiants destinés à des détenus et des interventions des forces de police, engendrant bruit et agitation ; de l’intérieur de l’établissement vers l’extérieur, ces projections (cailloux, morceaux de verre…) constituent un danger pour la sécurité des personnes et des biens. Pour remédier à ces incontestables inconvénients de voisinage, un dialogue régulier et constructif de la direction de l’établissement et des riverains, d’ailleurs parfois réunis en association, s’avère nécessaire. Ainsi, la direction de la maison d’arrêt de Strasbourg a-t-elle indiqué à votre rapporteur que sa participation à l’assemblée générale annuelle de l’association de riverains qui s’est constituée permettait d’apaiser les tensions liées au voisinage de la prison et de rechercher, de façon constructive, des réponses adaptées aux différentes difficultés rencontrées.

Pour autant, même si les établissements pénitentiaires sont, lors de leur ouverture, fréquemment situés en zone périurbaine ou isolée, il importe de souligner qu’il existe également une dynamique « d’insertion progressive des prisons dans le tissu urbain, comme si l’urbanisation rattrapait les établissements » (33). Ce phénomène d’urbanisation autour des établissements révèle que les nuisances craintes par les populations locales lors de l’implantation d’un nouvel établissement sont parfois surévaluées, puisque, lorsque l’établissement a ouvert et que le niveau réel de nuisances qu’il engendre est connu, les populations ne craignent pas nécessairement de s’y installer.

On peut s’interroger sur la question de savoir si le choix d’implantations excentrées n’alimente pas les phantasmes et les craintes autour de la prison. Il pourrait être souhaitable que l’administration pénitentiaire, sous réserve de la recherche du meilleur équilibre entre coût et centralité de l’implantation, privilégie à chaque fois que cela est possible des implantations centrales, afin de faciliter l’intégration des nouveaux établissements dans leur environnement dès leur ouverture. Tels étaient déjà, du reste, le constat et les recommandations formulés par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale en 2000, qui avait relevé que « sans la proximité de la ville, c’est toute la politique de réinsertion, d’emploi, de maintien des liens familiaux qui est réduite à néant » (34).

S’agissant des établissements pénitentiaires déjà implantés et ouverts dans des zones rurales ou périurbaines éloignées des zones d’activité, il importe surtout que l’administration pénitentiaire et ses partenaires compensent ce handicap de départ par une politique particulièrement dynamique d’intégration et de partenariat. Le succès de cette recherche d’intégration suppose également que soit mené le plus en amont possible un travail de communication en direction de l’ensemble des acteurs locaux concernés.

2. Un travail d’information et d’association des acteurs locaux à la vie des établissements pénitentiaires s’impose

Si l’on souhaite que les établissements pénitentiaires soient pleinement intégrés dans la vie de la cité et du territoire sur lesquels ils sont implantés, il faut impérativement que les acteurs locaux soient informés de leur fonctionnement et, à chaque fois que cela est nécessaire et possible, associés à ce fonctionnement. Ceci vaut naturellement pour les établissements pénitentiaires existants, mais s’avère également particulièrement décisif pour les nouveaux établissements, dont il importe que l’ouverture se place dès le départ sous de bons auspices, c’est-à-dire sans incompréhension ni rejet.

a) Dissiper les craintes autour des établissements pénitentiaires

Les détenus et, par conséquence, la prison, restent encore trop souvent, au mieux mal connus, au pire stigmatisés et craints. Comme le souligne Mme Martine Herzog-Evans en introduction du récent ouvrage collectif La prison dans la ville, « l’existence d’établissements pénitentiaires dans son propre environnement ne donne pas aux habitants d’une ville une bien meilleure connaissance de ceux-ci ». Lorsqu’il est implanté dans une ville, a fortiori lorsque cette implantation est ancienne, un établissement pénitentiaire suscite le plus souvent l’indifférence parmi la population locale. Dans le périmètre immédiat d’un établissement existant, celui-ci a un « effet anesthésiant » : « Les habitants ne le voient plus, passent devant sans plus avoir de pensée pour ses détenus ou ses personnels, sauf les soirs de match de football où toute la prison vibre et scande ou en cas de grève de surveillants ou autre mouvement attirant les médias »  (35).

Mais lorsqu’il est question d’ouvrir un nouvel établissement, la première réaction des populations locales, lorsqu’elles ont connaissance du projet d’implantation d’un établissement pénitentiaire sur ou à proximité du territoire sur lequel elles vivent, est généralement un réflexe de rejet. Comme l’écrit M. Philippe Combessie, un effet de stigmatisation « affecte, comme par contagion, l’ensemble du processus d’administration des sanctions pénales et entraîne une grande défiance vis-à-vis des institutions et des agents concernés. Les sociétés les plus démocratiques manifestent de façon régulière leur manque de confiance à l’égard du système pénitentiaire, renforçant le caractère insoluble de ce problème de la visibilité de la sanction qui associe "détenu" à "infraction» (36).

C’est également ce que souligne M. Olivier Milhaud, en relevant que l’imaginaire collectif associe encore trop souvent des éléments très négatifs à la prison, ce qui aboutit à une recherche de la plus grande distance possible entre soi et l’établissement pénitentiaire : « Dans bien des cas, le site pénitentiaire apparaît comme une pollution, visuelle, sonore, matérielle (déchets jetés aux abords), morale, source de déclin des valeurs foncières ou paysagères. Des stratégies de distanciation sont alors réclamées : maquillage visuel, pare-vue servant de dispositif anti-bruit, demandes de délocalisation de la prison ou refus d’une implantation à proximité des habitations » (37).

Pour prévenir ces réactions et faciliter l’implantation des établissements pénitentiaires, un travail d’information et d’association des acteurs locaux en amont de l’ouverture d’un nouvel établissement pénitentiaire est indispensable.

b) Informer et associer les différents élus intéressés à l’implantation et à la vie des établissements pénitentiaires

Comme le souligne Mme Anne Héricher, « une meilleure connaissance de l’institution pénitentiaire, des enjeux urbanistiques, des avantages, des inconvénients inhérents à ce type d’implantation, et des exemples concrets présentés aux divers élus permettraient : d’éviter toute dérive liée à la méconnaissance ; d’optimiser les relations économiques, politiques et/ou sociales entre les différents acteurs ; de faciliter les négociations ; de prendre en compte, dans la politique de la ville, des institutions comme la prison, victime d’évitement » (38).

Pour que l’implantation d’un établissement puisse se réaliser dans de bonnes conditions, en permettant sa pleine intégration dans l’environnement local, une association précoce et loyale de l’ensemble des élus intéressés s’avère indispensable. Ainsi, les maires, qui connaissent leurs populations et sont les mieux placés pour assurer la liaison entre l’État et les habitants, doivent être associés dès les premières phases des projets de construction et lors du choix du lieu précis d’implantation.

Les départements et les régions, qui ont vocation à être les partenaires de l’administration pénitentiaire dans le champ de leurs compétences – d’action sociale pour les départements et de formation professionnelle pour les régions –, doivent également être associés au plus près de la phase de démarrage de tout projet d’implantation d’établissement pénitentiaire, afin de pouvoir, le cas échéant, anticiper les éventuelles adaptations de leurs budgets et de leur action.

Enfin, les parlementaires, en tant que représentants de la Nation mais aussi d’élus rattachés à une circonscription et amenés de ce fait à défendre les intérêts de ses habitants, doivent tout autant être liés au processus des choix d’implantation et de l’ouverture des établissements pénitentiaires.

Votre rapporteur considère donc comme indispensable que, dans le cadre du nouveau programme immobilier à venir, l’administration pénitentiaire fasse preuve d’une plus grande ouverture vis-à-vis des élus des territoires sur lesquels sont susceptibles d’être implantés des établissements pénitentiaires, en les considérant comme des partenaires des choix devant être effectués, en vue d’une intégration locale réussie de ces établissements.

c) Informer les populations

Sur la question de l’information des populations locales, on ne peut pas dire que rien n’existe aujourd’hui. Comme le relève M. Olivier Milhaud, « en plus de faire visiter des établissements aux maires des sites pressentis et de leur faire rencontrer les élus ayant déjà des prisons sur leur territoire, l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice organise des réunions avec les élus et les riverains des futurs sites pénitentiaires, pour rassurer les populations locales sur la sécurité, mais aussi pour évoquer la question de l’insertion urbaine du nouvel établissement » (39). Pour autant, certaines maladresses ou certains retards dans la communication mise en place préalablement à l’implantation d’un nouvel établissement pénitentiaire pourraient être évités.

Les exemples du projet d’implantation d’un établissement pénitentiaire à proximité d’Orléans, cité par M. Olivier Milhaud, ou de l’établissement d’Annœullin près de Lille, sont révélateurs des effets désastreux que peut avoir pour l’intégration d’un établissement dans son environnement local le choix d’un site semblant « tomber du ciel », sans information préalable ni de certains élus ni a fortiori des habitants. Le défaut d’information des populations sur les retombées socio-économiques positives et les nuisances réelles d’un établissement pénitentiaire ont notamment abouti à ce que des référendums d’initiative locale organisés par les communes de Saran et d’Annœullin donnent des résultats très défavorables à l’implantation des établissements. Sachant que ce sont ces sites qui ont finalement été retenus, un tel rejet a priori de la part des populations des communes d’implantation est regrettable en vue de la future intégration des établissements dans leur environnement local.

De telles situations seraient pourtant aisément évitables, comme en est convenu M. Jean-Amédée Lathoud, directeur de l’administration pénitentiaire, lors de son audition par votre rapporteur. Ce n’est qu’en informant le plus en amont possible les populations dont les communes sont susceptibles d’accueillir un établissement, en mettant en avant les retombées positives et en exposant sincèrement la réalité des risques que comporte en termes de sécurité publique et de nuisances l’ouverture d’un établissement pénitentiaire, que ces situations de rejet pourront être évitées et que les établissements pénitentiaires pourront, dès leur ouverture, bénéficier d’une bonne intégration locale. Sur le plan des retombées positives, l’ouverture d’un établissement peut avoir pour effet d’améliorer la desserte en transports en commun et les services publics offerts aux riverains des établissements pénitentiaires : l’ouverture de la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes a ainsi permis, à la suite de discussions entre la direction de l’établissement et la société exploitant les transports publics de l’agglomération mancelle, l’extension d’une ligne de bus desservant directement le centre ville.

En conséquence, votre rapporteur invite les autorités préfectorales et pénitentiaires, dans le cadre du futur programme immobilier de 45 nouveaux établissements, à ne plus négliger comme par le passé la phase d’information des populations locales, en organisant aux différentes phases du projet des réunions publiques qui permettront d’informer les riverains d’une future prison et d’apaiser leurs craintes.

d) Développer, resserrer et pérenniser les partenariats économiques et associatifs

S’agissant de l’intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local et de leur ouverture sur le monde extérieur, l’importance des contacts avec des personnes extérieures au monde pénitentiaire sur le plan psychologique ne saurait être négligée. Comme le souligne M. Loup Noali, ancien détenu et docteur en sciences criminelles, « est particulièrement décisive l’ouverture aux visiteurs, aux enseignants, génépistes, aumôniers et autres imams. C’est en effet la (ré)insertion qui est ici en jeu, laquelle veut d’abord que le détenu ne se sente pas psychiquement exclu de la communauté libre, en pénitence de façon durable à tout le moins. À peine que l’épreuve n’en fasse un révolté – ou, pis encore – un désespéré à vie. Est donc cruciale la relation avec l’extérieur, le lien avec la ville » (40).

Outre cet aspect psychologique de la sauvegarde ou de la restauration du sentiment d’appartenance à la société, l’ouverture sur le monde extérieur apparaît décisive dans la perspective de la réinsertion socio-économique de la personne détenue. Pour cette raison, le tissage de partenariats économiques et associatifs forts et durables est une condition indispensable à l’accomplissement par la prison de sa mission de réinsertion des personnes détenues.

M. Olivier Milhaud considère que l’on retrouve « la rupture avec l’espace environnant (…) du côté des faibles liens économiques entre la prison et les entreprises locales – autre nuance de la porosité des prisons à leur environnement local. La proximité physique ne s’accompagne pas d’une proximité organisée entre la prison et les acteurs économiques locaux. S’il existe une proximité avec les fournisseurs divers de la prison, il s’agit d’une proximité socio-économique de travail qui s’inscrit rarement dans une proximité spatiale de voisinage » (41).

La recherche de partenariats économiques locaux pérennes apparaît particulièrement nécessaire pour le développement de l’offre de travail dans les ateliers des établissements pénitentiaires. Dans un contexte économique difficile marqué par la crise, le service de l’emploi pénitentiaire (pour les établissements dans lesquels la fonction travail n’est pas déléguée) ou le partenaire privé en charge de la fonction travail doivent s’efforcer de tisser des liens durables avec les fournisseurs de travail, en communiquant largement sur l’intérêt du travail pénitentiaire pour les entreprises, tant en termes de coût que de qualité des prestations. À ce titre, l’organisation au sein de la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes d’un « forum des métiers » est une initiative qui mérite d’être saluée, favorisant les échanges à double sens entre la prison et le monde économique – en amenant des entreprises vers la prison mais aussi des détenus libérés vers l’emploi. Dans le même ordre d’idées, la convention récemment signée entre le SPIP de l’Essonne et la CGPME 91 afin d’inciter les entreprises du département à embaucher des personnes placées sous main de justice témoigne des efforts effectués par les établissements afin de favoriser leur implantation locale, condition de la réinsertion des détenus qu’ils hébergent.

L’importance de cette démarche partenariale et de l’enracinement local des établissements pénitentiaires a été soulignée par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2010 sur le service public pénitentiaire. Ayant relevé que « l’administration pénitentiaire s’efforce de faire entrer des acteurs emblématiques de l’emploi dans le monde de la détention » et que « le bilan tiré du partenariat avec l’ANPE (42) apparaît globalement positif », la Cour a, à l’inverse, estimé que « la coopération entre l’administration pénitentiaire et les missions locales présente encore des marges de progrès significatives » (43).

Lors de sa visite de la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes, a été présenté à votre rapporteur un projet expérimental intitulé « Un pas dehors », mené entre la mission locale de la Sarthe et le SPIP. Ayant pour objectif d’accompagner les jeunes de moins de 26 ans placés sous main de justice à leur sortie de détention et de favoriser leur retour à l’emploi ou à la formation, ce projet permet de créer pendant la durée de la détention un lien entre le jeune détenu, la mission locale et les acteurs économiques ou de la formation locaux. Au 24 septembre 2010, 49 jeunes détenus ont bénéficié de ce dispositif d’accompagnement, dont 23 ont été libérés. Parmi ces 23 jeunes libérés, 3 sont en formation, 3 sont en emploi et la moitié (12) bénéficient à l’extérieur d’un accompagnement par la mission locale. Si les responsables du projet n’ont pas d’information sur la situation de 5 jeunes qui avaient été suivis, en revanche, pour 80 % des jeunes détenus accompagnés, ce programme a atteint son objectif de permettre l’insertion dans les dispositifs de droit commun de l’insertion économique et professionnelle.

Partageant cet objectif d’insertion dans la vie professionnelle via les dispositifs de droit commun, le SPIP de l’Essonne a mis en place au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, en partenariat avec les missions locales des départements de l’Essonne et de Paris et avec des interventions plus ponctuelles des missions locales de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val d’Oise (44), un projet d’accompagnement vers l’emploi grâce aux contrats CIVIS. Le "contrat d’insertion dans la vie sociale" (CIVIS), qui s’adresse à des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle, a pour objectif d’organiser les actions nécessaires à la réalisation de leur projet d’insertion dans un emploi durable. A également été créé par le SPIP de l’Essonne un pôle hébergement qui, grâce à un partenariat avec l’ARAPEJ (45), vise à éviter les sorties de personnes détenues sans solution d’hébergement.

Votre rapporteur ne peut que saluer ces initiatives partenariales et souhaiter que l’administration pénitentiaire, après une évaluation précise de l’efficacité de ces programmes portant sur une plus longue durée, s’efforce de diffuser ces démarches pertinentes.

Toujours dans cette logique de création de liens avec les acteurs locaux, le monde culturel et sportif ne doit pas être négligé. Ainsi, le partenariat mis en place entre la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes et l’équipe professionnelle de basket-ball « Le Mans Sarthe Basket », qui a notamment permis à deux équipes composées de détenus de la maison d’arrêt de participer à un tournoi organisé au palais omnisports de Paris-Bercy en étant accompagnées par les joueurs professionnels, apparaît comme une heureuse initiative, de nature à favoriser l’insertion de la prison et des détenus dans la société. Enfin, l’expérience de « médiation animale » au sein de la maison d’arrêt de Strasbourg visitée par votre rapporteur, réalisée en lien avec une association locale, qui permet de confier aux détenus le soin d’un animal et dont l’effet apaisant sur la vie en détention a été unanimement souligné par les personnels de l’établissement, mérite également d’être citée en exemple de l’intérêt du tissage de liens forts avec le tissu associatif local.

En conclusion, votre rapporteur souligne que l’intégration des établissements pénitentiaires dans leurs environnement local apparaît encore très perfectible par bien des aspects. S’il importe de ne pas méconnaître les efforts déjà réalisés pour « ouvrir » les établissements pénitentiaires sur le monde extérieur, force est de reconnaître que tout n’est pas toujours mis en œuvre pour rendre possible cette intégration. Votre rapporteur invite donc l’administration pénitentiaire à poursuivre et intensifier ses efforts d’ouverture et d’intégration locales, dans l’intérêt de la réinsertion des personnes détenues et, in fine, de la protection de la société contre le risque de récidive.

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la justice concourt à la préparation et à l’exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs. Alors que, jusqu’à la mise en place du projet stratégique national de la PJJ 2008-2011, cette mission était exercée indistinctement en matière pénale (le public pris en charge étant les mineurs délinquants) et en matière civile (le public pris en charge étant celui des mineurs en danger), la PJJ a depuis lors recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants.

A. UN BUDGET DE PERFORMANCE ET DE CONSOLIDATION DU RECENTRAGE DE L’ACTION DE LA PJJ SUR LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

1. Une reconcentration presque achevée des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants

La structure du projet de budget pour 2011 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » a été modifiée pour tenir compte du recentrage des missions de la PJJ et de l’achèvement désormais quasi complet de l’abandon de la prise en charge des mineurs en danger. Pour autant, la PJJ n’a pas entièrement délaissé le champ civil des mineurs en danger, mais se concentre dans ce domaine sur l’aide à la décision des magistrats, l’exécution des décisions de justice civile de prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs relevant du secteur associatif habilité.

Ce recentrage des établissements et services de la direction de la protection judicaire de la jeunesse sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance, dans un contexte marqué par l’application des deux lois du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et relative à la prévention de la délinquance, s’accompagne d’une confirmation de la compétence de la PJJ sur l’ensemble des questions intéressant la justice des mineurs. En revanche, la prise en charge de la protection des jeunes majeurs, qui constitue une action relevant du champ social et donc de la compétence des départements, n’a plus vocation à être assurée par la PJJ, conformément à la répartition des compétences entre l’État et les départements telle qu’elle résulte des lois de décentralisation de 1982.

Ainsi, le programme comporte désormais deux actions opérationnelles (action n° 01, « Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants » et action n° 05, « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger ») et deux actions d’appui (action n° 03, « Soutien » et action n° 04, « Formation »). En raison du quasi-achèvement du recentrage au pénal de la PJJ, hors investigation, l’action n°02 (« Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs ») des projets annuels de performance des années précédentes a été supprimée (46). L’action n° 05, nouvelle dans l’architecture du programme en 2011, regroupe désormais les investigations, qu’elles relèvent du civil (ex-action n° 02) ou du pénal, jusque là imputées sur l’action n° 01.

Les crédits ouverts dans le projet de budget pour 2011 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » sont marqués, d’une part, par la consolidation du recentrage de l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, et, d’autre part, par un souci de maîtrise de la dépense et de performance de l’intervention publiques. Ainsi, les moyens sur l’action n° 01 « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » augmentent-ils légèrement, tant en AE (+2 %) qu’en CP (+ 1,6 %). Comme indiqué précédemment, l’action n° 02 « Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » s’éteint, tandis que les actions n° 05 « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » et n° 03 « Soutien » reculent respectivement, en AE, de 7,25 % et 15,5 %, et en CP, de 7,25 % et 17 %, traduisant l’effort de performance réalisé dans ces domaines. L’action n° 03 « Formation », reste stable en AE et en CP, marquant la continuité de l’effort financier dans le domaine de la formation des personnels de la PJJ.

La ventilation des crédits détaillés dans les tableaux ci-dessous illustre ces orientations.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits consommés en 2009

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits demandés pour 2011

Évolution 2010-2011

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

488

424

551

562

+ 2,00 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

146

134

 

 

 

Soutien (Action 03)

109

165

116

98

- 15,52 %

Formation (École nationale de Protection judiciaire de la jeunesse) (Action 04)

39

35

34

34

0,00 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

 

 

69

64

- 7,25 %

Total

782

758

770

758

- 1,56 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits consommés en 2009

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits demandés pour 2011

Évolution 2010-2011

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

488

426

553

562

+ 1,63 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

146

138

 

 

 

Soutien (Action 03)

111

166

118

98

- 16,95 %

Formation (École nationale de Protection judiciaire de la jeunesse) (Action 04)

39

35

34

34

0,00 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

 

 

69

64

- 7,25 %

Total

784

765

774

758

- 2,07 %

En millions d’euros

Sur le plan de l’activité quotidienne des services de la PJJ, cette évolution budgétaire se traduit par le fait que, à la fin du mois de juin 2010, dans le secteur public de la PJJ qui est l’opérateur de 87 % des mesures pénales, 91 % des mesures de placement suivies le sont à titre pénal, contre 81 % en juin 2009 et 71 % en juin 2008). L’objectif est, pour le secteur public, d’atteindre presque 100 % à l’échéance de 2011. Pour ce faire, la PJJ a renforcé son activité en recherchant :

—  la réduction des délais de mise en œuvre des décisions judiciaires pénales. La généralisation, dans les tribunaux, des bureaux d’exécution des peines (BEX) et de la mise en place des protocoles d’accueil sans délai y contribue par une prise en charge immédiate par les services de la PJJ ;

—  le renforcement du taux d’encadrement des mineurs dans les établissements de placement éducatif en passant de 10 à 14 éducateurs par structure de 12 places. Ceci implique de restructurer les établissements qui ne seraient pas aux normes tout en maintenant, voire en augmentant à 12, le nombre de places d’hébergement ;

—  la recherche d’une complémentarité plus efficiente entre l’État et les conseils généraux, particulièrement pour l’évaluation de la qualité du service rendu (47) mais aussi pour la formation des agents des départements.

2. Un nombre d’ETPT en légère diminution pour un renforcement de la performance de la PJJ

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en légère diminution par rapport à 2010

Le plafond d’autorisation d’emplois pour le programme PJJ en 2011 s’élève à 8 501 ETPT, contre 8 618 en 2009, soit une baisse de 2,4 % des effectifs. Le tableau ci-après décrit l’évolution de la répartition par action de ce plafond global.

Action

Plafond d’ETPT ouverts en LFI pour 2010

Plafond d’ETPT demandé pour 2011

Évolution 2010/2011

Action 01 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

5 890

5 825

- 65

Action 02 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs

655

 

- 655

Action 03 : Soutien

1 503

1 399

- 104

Action 04 : Formation

570

557

- 13

Action 05 : Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger

 

720

+ 720

TOTAL

8 618

8 501

- 117

Comme en 2010, l’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci de la performance dans l’intervention publique. Sans être extrêmement forte, la réduction des effectifs est néanmoins significative (- 117 ETPT, intervenant après une précédente diminution en 2010 de 333 ETPT). Pour autant, cette réduction des effectifs ne remet pas en cause le recentrage de l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, qui constitue son cœur de métier.

S’agissant de l’évolution des effectifs de la PJJ après 2011, votre rapporteur estime souhaitable, compte tenu des efforts réalisés au cours des années passées par la PJJ en termes de réorganisation administrative, mais aussi de la nécessité de maintenir un haut niveau de qualité de la prise en charge des mineurs délinquants pour prévenir leur récidive aussi efficacement que possible, que toute nouvelle baisse d’effectifs ne soit réalisée qu’après une évaluation sincère, réaliste et précise des besoins en termes de prise en charge des mineurs délinquants.

b) La poursuite de la revalorisation des cadres d’emploi des personnels de la PJJ par de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires

Tant les réformes statutaires et indemnitaires menées au cours de l’année 2010 que celles envisagées pour l’année 2011 visent à poursuivre la revalorisation des cadres d’emploi de la PJJ et à assurer une prise en compte mieux individualisée des contraintes propres liées aux différents emplois.

—  Les réformes statutaires et indemnitaires menées en 2010

● La poursuite de la nomination des conseillers d’administration

Le statut d’emploi de conseiller d’administration permet d’offrir des débouchés aux fonctionnaires détenant un grade d’avancement de corps de catégorie A occupant des emplois à haut niveau de responsabilité ou d’expertise. Depuis le 1er janvier 2009, la PJJ dispose de 15 emplois supplémentaires de cette nature qui ont vocation à accompagner la déconcentration mise en œuvre à la PJJ ainsi que la mise en place de la nouvelle carte territoriale. La nomination de ces emplois, débutée au second semestre 2009, s’est poursuivie en 2010 pour un coût de 18 186 euros.

● La poursuite de l’intégration des agents techniques d’éducation (ATE) dans le corps des éducateurs

La mise en extinction du corps des ATE a été décidée en 2007, dans le cadre de la diminution du nombre de corps de fonctionnaires et de la réflexion engagée au sein de la PJJ pour identifier la nuit comme un véritable temps éducatif devant être confié à des éducateurs.

Le décret n° 2008-1267 du 3 décembre 2008 portant mise en extinction du corps des ATE de la PJJ a réduit à sept ans la durée de services publics nécessaires à l’inscription sur la liste d’aptitude d’accès au corps des éducateurs. 155 ATE ont ainsi été intégrés après une formation dans le corps des éducateurs, et 48 sont actuellement en formation. Le coût de cette mesure en 2010 est de 47 000 euros.

● La réforme statutaire du corps des éducateurs

La spécialisation de l’institution dans la prise en charge des mineurs au pénal a des impacts importants sur les caractéristiques d’exercice du métier d’éducateur et sur les compétences mises en œuvre pour l’exercer. À ce changement de métier vient s’ajouter un renforcement de l’intensité et de la qualité de la prise en charge. La mesure d’activité de jour, tant en milieu ouvert qu’en hébergement, a été mise en œuvre à cet effet.

Ces changements en profondeur du métier nécessitent de renforcer l’encadrement. L’objectif poursuivi est que 30 % du corps des éducateurs accède au corps des chefs de service éducatif (CSE), contre 20 % actuellement. Dans ce cadre, 56 emplois d’éducateurs ont été transformés en emplois de CSE en 2010. Le coût de cette réforme, qui a fait l’objet d’un financement à hauteur de 45 000 euros en 2010, sera de 108 000 euros en année pleine.

● La création d’une indemnité d’hébergement éducatif

Le décret n° 2010-75 du 20 janvier 2010 portant attribution d’une indemnité d’hébergement éducatif (IHE) à certains personnels de la protection judiciaire de la jeunesse a pour objet de simplifier le dispositif indemnitaire des personnels exerçant leur activité en hébergement, en substituant à deux indemnités une indemnité unique. Par ailleurs, il permet de disposer d’une base réglementaire permettant de mieux asseoir la réforme du 6 novembre 2007 qui regroupe les foyers d’action éducative (FAE) et les centres de placement immédiat (CPI) en établissements de placement éducatif (EPE).

Cette réforme a permis une revalorisation indemnitaire à hauteur de 189 euros annuels pour 48 ETPT en unités d’hébergement diversifié. Elle a également permis d’étendre aux adjoints techniques et aux ATE, la revalorisation indemnitaire en hébergement effectuée en 2008 dont ils n’avaient pu bénéficier du fait de l’atteinte des plafonds réglementaires (soit un gain de 987 euros annuels pour 183 ETPT d’adjoints techniques et 416 euros annuels pour 25 ETPT d’ATE).

Cette réforme, mise en œuvre à compter de janvier 2010, a fait l’objet d’un financement à hauteur de 215 000 euros.

● La mise en conformité de l’indemnité de risques et sujétions spéciales avec le « protocole Jacob »

Le décret n° 2009-1611 du 18 décembre 2009 vise à assurer la conformité du décret du 3 novembre 2006, portant attribution d’une indemnité de risques et de sujétions spéciales à certains personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, avec les modifications statutaires induites par les accords du 25 janvier 2006 dits « protocole Jacob », qui prévoient la fusion des corps de catégorie C en deux filières :

—  la filière technique avec le corps interministériel des adjoints techniques, qui regroupe les ouvriers professionnels, les maîtres ouvriers, les conducteurs automobiles, les chefs de garage et agents spécialistes ;

—  la filière administrative avec le corps interministériel des adjoints administratifs, qui regroupe les adjoints et agents administratifs et les agents spécialistes.

Le décret du 18 décembre 2009 traduit en matière indemnitaire les conséquences de cette fusion des corps. Cette réforme a fait l’objet d’un financement à hauteur de 261 000 euros. Les gains pour les adjoints administratifs s’échelonnent de 111 à 587 euros annuels. Par ailleurs, les adjoints techniques qui n’exercent pas les fonctions de conducteur automobile ont vu leur régime indemnitaire revalorisé à hauteur de 201 euros annuels.

● Le régime indemnitaire des responsables d’unité éducative

Dans le prolongement de la réorganisation territoriale de la PJJ, les services chargés de l’action éducative territorialisée comporteront plusieurs unités, à l’exception des services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT), des centres éducatifs fermés (CEF) et des services éducatifs en établissement pénitentiaire pour mineurs (SE-EPM). La mise en place de responsables d’unités éducatives (RUE) constitue une étape importante de la nouvelle architecture des services déconcentrés de la PJJ au service des missions. Le RUE, sous l’autorité du directeur de service, garant du cadre de la mission, est placé dans la ligne hiérarchique et encadre à ce titre l’équipe de l’unité éducative qu’il dirige. Ces fonctions de cadre intermédiaire étaient jusqu’alors occupées par les chefs de service éducatif fonctionnels (CSEF), qui sont donc naturellement appelés à devenir RUE.

Le nombre total de RUE à recruter est estimé à environ 380. 154 chefs de service éducatif fonctionnels ont choisi de devenir RUE au 1er mars 2010, tandis que 99 postes de RUE ont été pourvus aux commissions administratives paritaires (CAP) du printemps 2010, soit 253 RUE en fonctions au 1er septembre 2010. 52 postes vacants seront proposés aux CAP de l’automne 2010. En janvier puis en septembre 2011, 40 nouveaux postes de RUE devraient être offerts aux personnels.

Le coût de cette réforme en 2010 est de :

—  142 829 euros pour la transformation de 160 CSEF ayant fait le choix de devenir RUE dès mars 2010 (coût en année pleine : 190 430 euros). Les gains mensuels pour ces agents sont de 50 euros en CEF et EPM, 90 euros en milieu ouvert et 172 euros en EPE ;

—  100 240 euros pour l’ouverture de 95 nouveaux postes de RUE à compter de septembre 2010 (coût en année pleine : 300 721 euros).

● La revalorisation indemnitaire des éducateurs, chefs de service éducatif (CSE) et professeurs techniques exerçant leurs fonctions en milieu ouvert et en insertion

Dans le cadre du renforcement de l’intervention de la DPJJ en direction des jeunes confiés au pénal, a été signée le 25 février 2009 une circulaire d’orientation relative à l’action éducative structurée par les activités de jour. La mise en œuvre progressive de cette circulaire sur les territoires induit une rénovation des méthodes de l’action éducative et de nouvelles pratiques, notamment en milieu ouvert et en insertion. Par ailleurs, les personnels exerçant leurs fonctions en insertion et en milieu ouvert n’ont pas bénéficié de revalorisation indemnitaire depuis 2006 contrairement aux agents exerçant en hébergement et en établissement pénitentiaire qui ont été revalorisés en 2008.

Pour ces raisons, une revalorisation du régime indemnitaire des agents appartenant au corps des éducateurs, chefs de service éducatif et professeurs techniques exerçant leurs fonctions dans les services de milieu ouvert, d’insertion et les services supports de la PJJ a été accordée à compter du 1er juin 2010, à hauteur de 700 euros annuels. Le coût de cette réforme en 2010 est de 1,386 million d’euros (coût en année pleine : 2,376 millions d’euros).

● La détermination de la part fonctionnelle de la prime de fonction et de résultats

Depuis septembre 2010, la prime de fonctions et de résultats (PFR) est versée aux attachés, attachés principaux, conseillers d’administration du ministère de la justice (CAMJ) et administrateurs civils, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010. Elle est composée :

—  d’une part fonctionnelle liée aux fonctions exercées qui a vocation à rester stable pendant toute la durée d’occupation du poste. S’agissant des attachés d’administration et des attachés principaux, une cotation des postes a été effectuée en 6 niveaux auxquels sont appliqués des coefficients multiplicateurs permettant de calculer le montant de la part fonctionnelle de la PFR ;

—  d’une part liée aux résultats, corrélée au compte-rendu de l’entretien professionnel.

Pour 2010, seule la part fonctionnelle a été déterminée. La part individuelle pour 2010 sera égale au régime indemnitaire actuel, duquel sera soustraite la part fonctionnelle. La circulaire relative aux modalités de mise en œuvre de la PFR au ministère de la Justice en 2010 a été publiée le 22 décembre 2009. La concertation avec les organisations syndicales a été menée par les services du Secrétariat général. Les coefficients de part fonctionnelle qui ont été arrêtés par le Secrétariat général, s’échelonnent de 2,5 pour le niveau 1 à 4,5 pour le niveau 6, avec une amplitude de 0,5 entre chaque niveau.

La PJJ souhaite procéder dès 2010 à un versement exceptionnel pour les agents s’étant vu gratifier d’un niveau excellent à leur dernier compte rendu d’entretien professionnel et pour les agents dont la part « résultats » est inférieure à 40 % de leur régime indemnitaire total (pourcentage préconisé par la Fonction publique). Une enveloppe budgétaire de 67 000 euros est prévue à cet effet pour une mise en œuvre rétroactive à compter de janvier 2010.

● Le remplacement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) par de la modulation indemnitaire

Les deux NBI, « Justice » qui relève du ministère de la justice et des libertés, et « Politique de la ville » qui relève des préfectures, concernent près de 2 400 emplois. À ce jour, seuls 52 % de ces emplois sont consommés du fait de l’inadaptation du cadre réglementaire aux effectifs et à la configuration actuels de la PJJ. Un état des lieux réalisé au 1er semestre 2009 a mis en évidence le caractère rigide et inégalitaire de ce dispositif. Aussi, la DPJJ envisage de transformer les deux enveloppes budgétaires destinées au paiement de la NBI en crédits indemnitaires, afin de disposer d’un outil plus souple et mieux adapté à la reconnaissance des sujétions particulières.

Cette démarche s’effectue progressivement pour aboutir à la suppression complète du dispositif NBI à l’horizon 2011. Elle est déjà mise en œuvre, pour le corps des directeurs depuis fin 2008 (leur nouveau régime indemnitaire exclut la NBI, 180 emplois étant concernés), ainsi que pour les formateurs depuis début 2009 (56 emplois concernés). Cette mesure s’est poursuivie en 2010 avec le remplacement du versement des points de la NBI « Justice » par une modulation indemnitaire pour les éducateurs remplaçants percevant 30 points de NBI, les adjoints administratifs exerçant les fonctions de régisseurs percevant 30 points de NBI, et les chefs de service éducatif, éducateurs, professeurs techniques et secrétaires administratifs exerçant les fonctions de correspondants informatiques régionaux percevant 20 points de NBI. Cette dernière mesure, mise en œuvre depuis juillet 2010 pour un montant de 26 000 euros, aura un coût en année pleine de 52 000 euros.

—  Les réformes statutaires et indemnitaires envisagées en 2011

● La réforme des statuts d’emplois de la filière de direction

La réforme de l’administration territoriale de la PJJ a considérablement élargi le champ d’intervention des cadres territoriaux sous statut d’emploi et complexifié leurs missions. Pour en tenir compte, il est envisagé de redéfinir le cadre réglementaire et de simplifier la classification actuelle des statuts d’emploi pour l’adapter aux évolutions de l’organisation territoriale des services déconcentrés de la PJJ en directions interrégionales et directions territoriales, en abaissant le nombre de grilles indiciaires applicables de 5 à 3.

Outre la répartition des emplois de directeur fonctionnel en 3 groupes, le projet de nouveau statut réduirait la période de détachement dans un emploi fonctionnel à 3 ans maximum (renouvelable une fois dans les mêmes fonctions et sur le même emploi). Par ailleurs, afin de prendre en compte l’allongement des carrières, un véritable parcours de carrière serait établi pour les directeurs sous statut d’emploi. Parallèlement, les échelons de fin de grille seraient revalorisés afin de mettre en place des fins de carrière plus attractives.

Les deux projets de décret relatifs aux statuts d’emploi de directeur fonctionnel et à l’échelonnement indiciaire devraient être présentés aux différentes instances paritaires d’ici à la fin de l’année 2010. L’entrée en vigueur est prévue pour le début d’année 2011.

● La fusion du corps des infirmiers de la PJJ avec le corps interministériel des infirmiers de l’État

Dans l’objectif de rendre les carrières plus attractives, est envisagée l’intégration du corps des infirmiers de la protection judiciaire de la jeunesse dans le corps interministériel des infirmiers de l’État régi par le décret du 23 novembre 1994. Les infirmiers de la PJJ passeraient d’une grille indiciaire structurée en trois grades à une grille indiciaire structurée en deux grades. Cette intégration présenterait également l’intérêt de s’inscrire dans la politique interministérielle de rapprochement des corps qui remplissent des missions voisines et de résorption des petits corps.

Ce projet a été présenté aux organisations syndicales représentatives de ce corps, qui ont donné leur accord de principe sur ce projet. Deux groupes de travail réunissant des représentants de la PJJ et des représentants de la sous-direction du droit des personnels et des relations du ministère de la santé ont commencé à examiner les modalités de fusion des corps ; un projet de décret a été rédigé. La publication de ce décret est prévue pour le premier semestre 2011.

● La mise en place du nouvel espace statutaire de la catégorie B

En application du troisième volet du relevé de conclusion du 21 février 2008 relatif aux carrières et aux politiques indemnitaires dans la fonction publique, un nouvel espace statutaire a été créé pour les agents relevant du la catégorie B. La nouvelle grille proposée concernerait, au ministère de la justice, les secrétaires administratifs et les greffiers. La fusion de ces deux corps serait un préalable à l’entrée dans ce nouveau cadre, l’ensemble des personnels de catégorie B ayant alors vocation à dérouler sa carrière dans un espace indiciaire unique. Structurée en trois grades, cette nouvelle grille serait directement accessible par la voie du concours au niveau des premier et deuxième grades. S’agissant plus particulièrement des secrétaires administratifs, les indices de début et de fin de grade seraient revalorisés.

● La revalorisation indemnitaire des psychologues

Une revalorisation du régime indemnitaire des psychologues est envisagée pour 2011, afin de compenser l’augmentation de leur temps de présence dans les structures, dans le cadre du passage à l’aménagement et réduction du temps de travail (48).

● La revalorisation du régime indemnitaire des assistants de service social (ASS) et des conseillers techniques de service social (CTSS)

La dernière revalorisation des ASS et CTSS remonte à l’année 2007. Afin de réduire l’écart entre le régime indemnitaire des ASS et CTSS de la PJJ et celui des autres directions du ministère de la justice, une revalorisation de 500 euros annuels est envisagée.

B. LE CONTRÔLE ET L’ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ DE LA PJJ

Chargée de garantir à l’autorité judiciaire – par le contrôle, l’audit et l’évaluation – la qualité de la prise en charge et de l’aide aux décisions, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) a fait de l’audit des établissements et des actions qui y sont menées l’une des priorités de son projet stratégique national 2008-2011. Les mineurs relevant d’une mesure judiciaire de prise en charge pouvant être suivis et/ou hébergés soit par une structure publique relevant directement de la PJJ soit par une structure associative habilitée par la PJJ, le contrôle mis en place doit porter également sur ces deux types de structures.

Depuis septembre 2008, la DPJJ s’est progressivement dotée d’une force d’audit : au 1er septembre 2010, la PJJ comptait 72 auditeurs territoriaux recrutés et formés. Organisées au niveau interrégional, ces équipes d’audit interviennent dans les quelques 1 600 établissements et services d’investigation, de milieu ouvert, de placement et d’insertion de la PJJ, tant du secteur public que du secteur associatif habilité. L’objectif annoncé et poursuivi par la PJJ est de les auditer au moins une fois tous les cinq ans, ce qui représentera une amélioration considérable par rapport à la situation antérieure dans laquelle les établissements et services étaient contrôlés – en moyenne – tous les trente ans.

En 2009, 110 audits ont été effectués, soit de façon exclusive par les auditeurs territoriaux de la PJJ, soit conjointement avec les services de l’aide sociale à l’enfance des départements sur la base de conventions. À ce jour, 23 conventions ont été signées avec des conseils généraux, tandis que 20 nouvelles conventions sont en cours de négociation. En 2010, environ 200 audits auront été réalisés à la fin de l’année.

La création du service d’audit central national (SACN), en avril 2010, complète le dispositif d’audit de la PJJ. Ce service, en cours d’installation, sera à terme composé de 8 agents. Sa mission sera double : d’une part, auditer les directions interrégionales et l’école nationale de protection judiciaire de la jeunesse ; d’autre part, coordonner les audits territoriaux des établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité.

Par ailleurs, lors de son audition par votre rapporteur, M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ, a indiqué qu’un audit de l’organisation du tribunal pour enfants d’Evry avait été réalisé par la PJJ à la demande du président de cette juridiction, et que le président du tribunal pour enfants de Créteil avait formulé une demande similaire. Votre rapporteur salue cette amorce d’une participation de la PJJ à l’évaluation de l’organisation de la justice des mineurs, qui devra contribuer à développer parmi les magistrats de la jeunesse une culture de la responsabilité et du résultat.

De façon plus générale, votre rapporteur ne peut que soutenir pleinement cette démarche d’évaluation, qui, si elle s’accompagne d’une démarche de recensement et de diffusion des bonnes pratiques et méthodes éducatives, favorisera une amélioration générale du service rendu par la PJJ.

C. LA MISE EN œUVRE DES MESURES DE RÉPARATION PÉNALE

1. Qu’est-ce que la réparation pénale ?

La justice des mineurs, depuis sa réforme en 1945, est caractérisée par le principe de la primauté de la réponse éducative aux actes délinquants des mineurs. Poursuivant dans cette logique de primauté de la réponse éducative, le législateur a, en 1993 (49), souhaité compléter la panoplie des mesures éducatives à la disposition des acteurs judiciaires de l’enfance par une nouvelle mesure : la « mesure ou activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité », inscrite dans un nouvel article 12-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, désormais connue dans le langage (judiciaire) courant sous le nom de « réparation pénale ».

La mesure de réparation pénale venait, en fait, consacrer légalement des pratiques judiciaires qui avaient développé ce type de réponse à la délinquance des mineurs. L’objectif de cette mesure est de favoriser une responsabilisation du mineur, en l’amenant à prendre conscience des conséquences de l’acte qu’il a commis et à le réparer. Comme le relevait à l’époque Mme Christine Lazerges, « la portée pédagogique de la réparation prend le pas sur la portée pédagogique de la sanction » (50).

Aux termes de l’article 12-1 de l’ordonnance de 1945 précitée, la mesure de réparation pénale peut être prononcée à tous les stades de la procédure : « Le procureur de la République, la juridiction chargée de l’instruction de l’affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité ». Afin de respecter les droits et, le cas échéant, la souffrance de la victime, ce même article prévoit que « Toute mesure ou activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ne peut être ordonnée qu’avec l’accord de celle-ci ».

Les parents ou responsables légaux du mineur sont toujours associés au prononcé de la mesure. Lorsqu’elle est proposée avant l’engagement des poursuites par le procureur de la République, leur accord préalable ainsi que celui du mineur doivent être recueillis. Lorsqu’elle est prononcée par jugement, les « observations préalables du mineur et des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale » doivent être recueillies par la juridiction.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 12-1 de l’ordonnance de 1945 permet à l’autorité judiciaire qui décide la mesure d’en confier la mise en œuvre au « secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ou à une personne physique, à un établissement ou service dépendant d’une personne morale habilités à cet effet ». À l’issue du délai fixé par la décision, le texte prévoit que « le service ou la personne chargé de cette mise en œuvre adresse un rapport au magistrat qui a ordonné la mesure ou l’activité d’aide ou de réparation ».

En cas de succès de la mesure, si elle a été proposée par le parquet avant engagement de poursuites, le procureur de la République pourra classer l’affaire. Si elle avait été décidée par le juge des enfants au stade de l’instruction de l’affaire ou par le tribunal pour enfants dans le cadre d’un ajournement du prononcé de la décision, le juge ou le tribunal pourra choisir de prononcer une dispense de peine.

Si la mesure échoue – que le mineur n’ait pas du tout exécuté la mesure ou qu’il l’ait exécutée de façon incomplète ou avec des incidents – et selon les cas, le procureur de la République qui l’avait proposée pourra être amené à exercer des poursuites à l’encontre du mineur, ou la juridiction – juge des enfants ou tribunal pour enfants – prendra en compte cet élément dans la décision qu’elle rendra. En revanche, les textes actuels ne prévoient pas de sanction en cas d’inexécution de la mesure de réparation pénale lorsqu’elle avait été prise par jugement. Il serait sans doute souhaitable d’envisager, par exemple dans le cadre de la réforme à venir de la justice des mineurs, la création d’une sanction si le mineur astreint par jugement à une mesure de réparation ne l’exécute pas.

2. La réparation pénale : une réponse adaptée et efficace à un certain type de délinquance des mineurs

Depuis sa création, le succès de la réparation pénale ne se dément pas. Instrument important de la politique de réponse systématique à tous les actes de délinquance commis par des mineurs, la réparation pénale est une mesure de plus en plus utilisée par les parquets des mineurs. Le nombre de ces mesures est ainsi passé de près de 29 000 en 2006 à 38 000 en 2009, soit une augmentation de 30 % en trois ans.

ÉVOLUTION DES MESURES DE RÉPARATION PÉNALE ENTRE 2006 ET 2009

Autorité de décision

2006

2009

Évolution 2006/2009

Parquet

13  865

19 318

+ 39 %

Siège…

15 443

18 908

+ 22 %

…dont par jugement

6 126

7 076

+ 16 %

…dont par ordonnance

9 317

11 832

+ 27 %

Total

29 308

38 226

+ 30 %

Source : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Au-delà de cet aspect statistique et du sentiment général exprimé par les acteurs de la justice des mineurs, qui témoignent d’une réelle utilité et efficacité de la mesure, votre rapporteur a souhaité rencontrer sur le terrain des acteurs qui mettent en œuvre quotidiennement cette mesure. Il a ainsi pu, au cours d’une visite à Créteil (Val-de-Marne), échanger avec des personnels de deux structures – l’une relevant du secteur public, l’autre du secteur associatif – mettant en œuvre des mesures de réparation pénale : l’unité éducative de milieu ouvert (UEMO) de Créteil, d’une part, et le service de réparation Olga Spitzer, d’autre part.

La première structure, l’UEMO, organise dans le cadre des mesures de réparation pénale qui lui sont confiées deux types d’activités : d’une part, en partenariat avec la Ligue de l’enseignement, des stages de mise en situation suivis de débats ; d’autre part, en lien avec la communauté d’agglomération Plaine centrale, des stages de découverte des institutions, de leurs missions et de leurs contraintes. Les objectifs principaux sont de faire réfléchir et travailler les jeunes sur les valeurs de tolérance et de respect de l’autre, sur la portée de leurs actes à l’égard des victimes, ainsi que sur leurs droits et leurs devoirs.

L’UEMO organise au moins un stage par an. Par le biais des mesures de réparation, l’UEMO noue de nombreux partenariats avec des associations du secteur et des services municipaux. Elle exécute actuellement 187 mesures de réparation.

Outre l’étroite collaboration avec les services de la PJJ ainsi qu’avec les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), l’UEMO est en liens réguliers avec les dispositifs de droit commun, notamment avec les intervenants du secteur santé et du champ de l’insertion scolaire et professionnelle. Ainsi, au-delà du travail réalisé avec les professionnels de l’éducation nationale dans le cadre de la scolarité des jeunes suivis, le partenariat prend diverses formes : intervention d’une conseillère d’orientation psychologue du CIO spécialisé de Créteil, qui tient une permanence bimensuelle au service ; travail en lien avec l’inspection académique autour des situations de jeunes déscolarisés ou en voie de décrochage scolaire ; formation assurée par le service auprès des écoles et des collèges de la communauté d’agglomération plaine centrale du Val-de-Marne et de la commune de Bonneuil-sur-Marne autour de l’exposition « Moi, jeune citoyen ».

La seconde structure, l’association Olga Spitzer, a été fondée en 1923 par le cercle de réformateurs de la justice des mineurs et reconnue d’utilité publique en 1928. L’objectif des fondateurs était de chercher, face aux problèmes des enfants en difficulté ou délinquants, des réponses autres que la seule réponse pénale, ainsi que d’éviter que des parents soient déchus de ce qui à l’époque se nommait la « puissance paternelle ». Le service social de l’enfance sur le Val-de-Marne, rattaché à la direction générale de l’association Olga Spitzer, ouvert depuis novembre 1969, est habilité conjointement par la PJJ et le conseil général.

Le service de réparation installé à Créteil a pour mission la prise en charge de mineurs de 13 à 18 ans dans le cadre de mesures de réparation pénale, uniquement sur propositions des substituts du procureur la République au parquet des mineurs. Dans le cadre des mesures qui lui sont confiées, le service de réparation poursuit les cinq objectifs suivants : favoriser un processus de responsabilisation ; aider le mineur à comprendre la portée de son acte et lui faire prendre conscience de l’existence de la loi pénale ; prendre en compte la victime et réparer le préjudice commis ; donner l’occasion au mineur de se réinscrire dans le corps social par l’exécution d’une activité réparatrice et ainsi retrouver l’estime de soi ; restaurer des liens positifs avec la collectivité.

Les échanges qu’a eus votre rapporteur, lors de sa visite à l’UEMO de Créteil, avec les professionnels de la PJJ et de l’association Olga Spitzer, ont confirmé l’intérêt et l’efficacité de la démarche de la réparation pénale pour la prise en charge de mineurs primo-délinquants. La rapidité avec laquelle elle peut être mise en place – particulièrement lorsqu’elle est proposée par le parquet comme alternative aux poursuites – et la souplesse qu’elle permet pour définir le contenu et la durée de la mesure font de la réparation pénale un outil extrêmement performant pour apporter une réponse prompte et ciblée à un acte de délinquance du mineur. En outre, la nécessité de recueillir l’adhésion du mineur et de ses parents et l’implication que la mise en place de la mesure nécessite de leur part en font un levier performant de remobilisation du jeune et de sa famille pouvant permettre d’arrêter précocement une évolution négative.

Enfin, bien qu’elle soit proposée ou décidée par une autorité judiciaire et soit donc, à ce titre, une réponse judiciaire, elle présente l’intérêt, du fait de son exécution en lien avec un partenaire institutionnel, associatif ou du monde de l’entreprise, de replacer la société civile au cœur du dispositif et donc de montrer au mineur que la commission d’un acte de délinquance et sa réparation ne sont pas uniquement l’affaire de la justice mais l’affaire de tous. Comme l’ont souligné Mme Caroline Lapene, directrice du service territorial éducatif de milieu ouvert du Val-de-Marne, ainsi que M. Denis Vernadat et Mme Jeanne Kanje, responsables de l’association Olga Spitzer dans le Val-de-Marne, en plaçant le mineur dans une institution ou une association, même pour une durée brève, la mesure de réparation pénale permet de sortir le jeune de son univers parfois très restreint, dans lequel il se considère souvent comme seule victime de l’injustice du monde dans lequel il vit, de lui ouvrir des horizons nouveaux et de lui montrer qu’il peut accomplir des choses positives. Cet « élargissement du champ du possible », pour reprendre une expression utilisée par M. Alain Robin, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse du Val-de-Marne, favorise l’ouverture du jeune sur le monde extérieur et lui permet d’entrevoir que des relations positives avec autrui sont possibles.

La mesure de réparation pénale apparaît donc comme une mesure très positive, dont le développement ne saurait qu’être encouragé pour apporter une réponse rapide et adaptée à des faits commis par des primo-délinquants.

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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 19 octobre 2010, la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice ».

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous avons le plaisir de vous accueillir une nouvelle fois, Madame la ministre, aujourd’hui pour nous présenter les crédits de la mission Justice pour 2011. Dans le contexte de rigueur que chacun connaît, ce budget augmente de plus de 4% pour atteindre 7 milliards 128 millions d’euros. Il est vrai que les attentes sont considérables, qu’il s’agisse des juridictions, de la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ou de la réforme de la garde à vue – sur laquelle nous vous entendrons prochainement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. Aux élus que vous êtes, je n’apprendrai pas que la fixation d’un budget est un acte éminemment politique, puisqu’il s’agit de définir les moyens nécessaires aux missions que l’on entend mettre en œuvre.

Trois objectifs guident mon action pour l’exercice 2011.

Il s’agit tout d’abord de traduire en réalités concrètes les engagements législatifs et gouvernementaux qui ont été pris. Je pense en particulier à la loi pénitentiaire et à la nouvelle carte judiciaire. La réforme de la garde à vue va créer aussi des besoins nouveaux.

Il s’agit, ensuite, de moderniser la justice. J’ai insisté dès mon arrivée au ministère sur cet objectif, condition d’une justice efficace et en phase avec les évolutions de notre société. De réels progrès ont été accomplis mais le sujet va demeurer à l’ordre du jour encore plusieurs années.

Il s’agit, enfin, de valoriser les personnels. Mon ambition est de donner à chacun les moyens de remplir son rôle, de renforcer l’intérêt des tâches à accomplir et de permettre une réelle promotion sociale.

Ces missions sont essentielles au respect de la loi, à l’autorité de l’Etat – dont nous savons qu’elle peut être menacée – ainsi qu’à l’unité de la Nation, laquelle suppose que la loi soit la même pour tous et que la justice soit égale pour tous.

Pour tirer toutes les conséquences de ces objectifs, le budget de la justice bénéficie, cette année encore, d’un traitement favorable. Je ne m’en vante pas car dans le contexte actuel, il faut impérativement veiller à la meilleure utilisation possible de chaque euro mis à notre disposition par nos concitoyens. Il reste qu’il convient de combler le retard accumulé, tant il est vrai que pendant fort longtemps, la justice n’a pas bénéficié des moyens dont elle aurait eu besoin.

La progression continue du budget alloué à la justice depuis 2007 traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement de replacer les missions de la justice au cœur de notre société. Dans un contexte financier tendu, j’ai obtenu que l’effort soit maintenu en 2011. Plus de 7,1 milliards d’euros seront affectés à la mission Justice, soit une hausse de 4,15 %.

J’ai par ailleurs souhaité que ce budget soit rééquilibré entre les différentes fonctions, notamment en faveur des juridictions.

Ayant mesuré à l’occasion de mes déplacements sur le terrain et de mes échanges avec les syndicats les difficultés rencontrées, j’ai souhaité allouer davantage de moyens au programme « justice judiciaire ».

Les magistrats m’avaient ainsi fait part de leur souhait que davantage de fonctionnaires les assistent. J’ai donc décidé de créer 399 emplois de greffier, soit – il faut le souligner – l’équivalent des créations de postes au cours des quatre dernières années. Nous allons arriver ainsi à ce qui était attendu depuis longtemps : la quasi-parité des effectifs de magistrats et de greffiers.

Par ailleurs, ce budget vise à mieux traiter la question des frais de justice. Un nouveau calcul de ces frais nous permettra de mieux appréhender les besoins sur le terrain. Les frais de justice progressent de 17 %, pour atteindre 460 millions d’euros.

Un effort en matière pénitentiaire accompagne, logiquement, celui consenti au profit des juridictions.

Les moyens supplémentaires affectés au programme pénitentiaire s’élèvent à 550 emplois, 590 millions d’euros pour le fonctionnement et 330 millions d’euros pour l’immobilier.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse poursuivra sa restructuration, en termes de missions comme d’organisation territoriale. La réforme a déjà porté des fruits, notamment avec le transfert de certaines fonctions aux collectivités territoriales.

Au total, donc, la justice est relativement bien lotie dans ce projet de loi de finances. Les questions relatives au fonctionnement du ministère sont cependant loin d’être toutes réglées.

C’est la raison pour laquelle, pour accompagner la mise en œuvre de ce budget, la modernisation des méthodes de travail doit se poursuivre au sein du ministère.

En vous présentant le projet de loi de finances pour 2010, j’avais insisté sur la nécessité de cette modernisation, au service d’une exécution plus efficace de nos missions : l’objectif demeure d’actualité. Les efforts doivent être poursuivis, même si les marges de manœuvre sont plus grandes.

En premier lieu, il faut moderniser les méthodes de gestion.

Disons-le franchement, la culture de gestion n’est pas encore très développée. Nous avons essayé de faire prendre conscience des enjeux et d’engager les chefs de juridiction à « optimiser » les dépenses ; j’ai organisé des réunions à ce sujet. Le contrôle des dépenses liées aux frais de justice et au fonctionnement des juridictions doit, de toute évidence, être amélioré. Il faut adopter des politiques d’achat plus efficaces : la globalisation des achats, simple à mettre en œuvre, peut permettre de réduire significativement les dépenses. Aussi ai-je demandé au secrétaire général du ministère de mettre en place une véritable politique ministérielle d’achats. Le ministère doit aussi se mettre au contrôle de gestion – car on a constaté quelques « dérapages » l’an dernier : quand en fin d’année, au moment de payer les traitements et les primes, on s’aperçoit qu’on a oublié de mettre de côté l’argent nécessaire, voire qu’on l’a rendu, c’est qu’il y a des progrès à faire… Le savoir-faire qu’ont déjà certains services dans le domaine du contrôle de gestion doit s’élargir à l’ensemble du ministère.

En deuxième lieu, il faut développer le recours aux nouvelles technologies.

Nous partons de loin – j’ai mesuré la différence avec d’autres ministères –, mais des progrès réels ont été accomplis et il convient de poursuivre l’effort.

S’agissant de la mise en œuvre de l’application Cassiopée, nous avons pris le problème à bras-le-corps : nous avons changé d’opérateur ; un travail de professionnalisation et de réorganisation des services a été conduit. En 2011, l’application achèvera ainsi son déploiement dans des délais et des conditions qui paraissent raisonnables.

Les nouvelles technologies doivent également être mises au service de la sécurité des juridictions. Des logiciels d’alerte silencieuse seront mis en place sur les postes informatiques. Des dispositifs de vidéosurveillance et anti-intrusion seront installés dans toutes les juridictions.

Enfin, la mise en œuvre d’une plateforme nationale d’interceptions judiciaires permettra d’améliorer les capacités d’investigation. Il en résultera une plus grande efficacité de l’intervention de la justice, notamment sur Internet, en même temps qu’une réduction très appréciable des coûts.

Moderniser les méthodes, c’est, en troisième lieu, valoriser les personnels, d’abord en clarifiant le rôle de chacun.

Chacun doit en effet pouvoir se recentrer sur son cœur de métier. Pour améliorer la rapidité et l’efficacité de la justice, il faut ainsi que les magistrats puissent s’appuyer sur une aide qualifiée, adaptée à leurs besoins. J’ai déjà parlé du recrutement de greffiers ; la création de la réserve judiciaire, pour les magistrats et pour les greffiers, permettra également d’apporter aux juridictions une aide très précieuse.

Il convient aussi de clarifier le partage des tâches entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. Hors les assises et les procès « sensibles », la police des audiences sera désormais assurée par la Chancellerie, de même que la gestion des scellés. La Chancellerie assumera également la responsabilité des transfèrements de personnes sous main de justice. Bien entendu, cette nouvelle organisation suppose un transfert d’emplois et de masse salariale du ministère de l’intérieur vers l’administration pénitentiaire. Sa mise en œuvre débutera dès 2011 dans deux régions et sera achevée dans les trois ans.

Enfin, moderniser signifie valoriser les personnels. Pour mener à bien les réformes, il est évidemment indispensable de les associer, de leur expliquer où nous voulons les conduire. La charte sociale signée cette année au sein du ministère par toutes les organisations syndicales marque une première étape. Les réflexions sur l’avenir des métiers en sont la prolongation logique – nous devons raisonner à l’horizon de cinq, dix, quinze ans.

Des engagements ont été pris en faveur des surveillants de l’administration pénitentiaire : ils seront tenus.

La réforme des services d’insertion et de probation sera poursuivie. Les éducateurs verront leurs perspectives professionnelles améliorées.

Les personnels des juridictions bénéficieront de nouvelles mesures. Elles concerneront aussi bien les greffiers, dans le cadre d’une politique interministérielle, que les greffiers en chef.

S’agissant des magistrats, j’ai rencontré les syndicats pour organiser la réflexion sur des questions trop longtemps repoussées. D’abord, quel est le juste niveau de rémunération ? Une revalorisation indemnitaire va être engagée dès 2011, pour un montant de près de 3,5 millions d’euros ; elle sera appliquée aux postes et fonctions considérés comme les plus délicats. Ensuite, quels sont les besoins en effectifs pour les cinq, dix, quinze ans à venir, compte tenu des réformes de la procédure pénale ? L’étendue des responsabilités des magistrats en termes d’encadrement, d’organisation et de gestion doit être mieux définie ; la charge de travail requise pour telle ou telle activité doit être mieux appréhendée. Enfin, comment adapter la formation aux besoins, en particulier pour les hauts potentiels ? J’entends mettre en place une formation d’excellence et un cursus diversifié pour les magistrats amenés à exercer de hautes responsabilités au sein du corps.

Un nouvel effort est donc consenti en faveur de la mission Justice en 2011. C’est un honneur, et surtout une incitation à poursuivre l’œuvre de modernisation et de rationalisation entreprise. Soyez assurés de la détermination de toutes les catégories de personnels. Nous serons au rendez-vous de la modernisation de la justice, au service des Français et au service de la France.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l’accès au droit. Les crédits que j’ai l’honneur de rapporter depuis plusieurs années sont en très nette augmentation : ceux du programme « justice judiciaire » progressent de 4,4 % et ceux du programme « accès au droit et à la justice » de 12,3 %.

J’ai effectué des déplacements pour m’entretenir sur place avec les magistrats, les responsables de greffe et l’ensemble des personnels. J’ai noté comme vous l’amélioration prévue du ratio entre le nombre des fonctionnaires et celui des magistrats. Cet élément est très important car un magistrat ne peut quasiment rien sans une équipe autour de lui. Le ratio de un greffier pour un magistrat sera presque atteint ; et si l’on tient compte de l’ensemble des fonctionnaires, on va arriver à un ratio de 2,5 pour un l’an prochain – nous sommes actuellement à 2,45 –, ce dont je me réjouis. J’ai bien noté l’annonce du recrutement de 399 greffiers supplémentaires, effort sans précédent consenti dans un contexte budgétaire difficile.

J’aurais néanmoins, Madame le ministre d’État, quelques questions à vous poser.

La première concerne les primes modulables, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler les années précédentes. Perçues par les magistrats mais également par les fonctionnaires, elles sont très sensiblement inférieures pour les seconds. Si cette différence est justifiée – les responsabilités des uns et des autres ne sont évidemment pas les mêmes –, elle paraît tout de même très importante. Ne pourrait-on faire bénéficier les fonctionnaires d’une revalorisation ? Bien entendu dans le respect des responsabilités de chacun, il s’agirait d’éviter un sujet de division au sein de l’équipe.

Mon attention a également été attirée sur le prix des repas dans les restaurants judiciaires. Celui-ci dépend de l’indice de rémunération des agents. Des fonctionnaires de catégorie C m’ont dit peiner à assumer ce coût, notamment dans les grandes villes où il est leur est déjà difficile de se loger. Peut-être faut-il revoir cela.

Je souhaite également vous parler des assistants de justice et de la rémunération des juges de proximité.

Un certain nombre de cours d’appel réduisent le nombre de leurs assistants de justice. Or même s’ils ne sont pas pris en compte dans le calcul du ratio dont j’ai parlé, ils jouent un rôle important dans le fonctionnement des juridictions. Que comptez-vous faire ?

Quant aux juges de proximité, j’ai été il y a quelques années le rapporteur du texte étendant leurs compétences. Il s’agissait notamment de leur ouvrir la possibilité de composer les audiences correctionnelles, ce qui a suscité quelques remous, mais s’est finalement révélé fort utile. Les crédits de vacation qui servent à les rémunérer seraient en diminution, si bien qu’on ne pourrait plus faire appel à eux autant que de besoin. Qu’en est-il ?

Je m’inquiète également – ce n’est pas la première fois – des recrutements dans la magistrature. Leur nombre est en effet en baisse, alors que celui des départs à la retraite devrait être important dans les années à venir et que les réformes prévues, notamment de la procédure pénale, entraîneront des besoins supplémentaires. Je souhaiterais donc que nous fassions un point sur cette question.

Vous avez parlé des frais de justice, qui sont désormais mieux maîtrisés. Il reste que la résorption du passé et la réforme de la médecine légale vont contribuer à les maintenir à un haut niveau.

Les crédits affectés à l’aide juridictionnelle, fixés à 312,3 millions d’euros, sont en forte hausse. Celle-ci est-elle liée à la prise en compte de la TVA à taux normal ? Le recouvrement de l’aide juridictionnelle est un sujet très important, de même que le mode d’attribution de cette aide, qui peut donner lieu à certains abus. Une réflexion sur l’aide juridictionnelle est en cours dans le cadre de la mission d’information sur l’accès au droit et à la justice que la Commission des lois a créée et dont je fais partie.

Je souhaite enfin vous faire part de mes interrogations sur l’article 75 rattaché au budget de la justice, qui reporte à nouveau, et cette fois au 1er janvier 2014, la mise en place de la collégialité de l’instruction décidée par la loi du 5 mars 2007. Je conçois que la réforme de la procédure pénale puisse expliquer pour partie ce report. J’avais pour ma part proposé l’année dernière une version « allégée » de cette collégialité, consistant à la limiter à certains actes d’information.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. L’année 2010 restera marquée pour l’administration pénitentiaire par l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, mais aussi par l’annonce d’un nouveau programme immobilier de 5 000 places qui devrait permettre à notre pays de disposer de 68 000 places de détention fin 2017. L’année 2011 verra l’exécution du programme « 13 200 » se poursuivre et le nouveau programme immobilier annoncé commencer à se concrétiser.

Le budget 2011 de l’administration pénitentiaire doit permettre de poursuivre la rénovation du parc immobilier et de mettre en œuvre la loi pénitentiaire. Cela se traduit, d’une part, par une hausse des crédits de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement et, d’autre part, par une nouvelle augmentation du plafond d’autorisations d’emplois, avec 34 857 ETPT, contre 33 860 en 2010 et 33 020 en 2009, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 en deux ans.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, l’année 2010 a marqué l’ancrage de la profonde mutation amorcée en 2008, tendant à recentrer ses missions sur son cœur de métier – la prise en charge des mineurs délinquants. L’année 2011 devra permettre d’achever cette réforme.

Le budget de la PJJ sera donc un budget de performance et de consolidation du recentrage de son action sur la lutte contre la délinquance des mineurs. S’il est globalement en légère diminution – de 1,5 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement –, il est surtout marqué par la poursuite de la hausse des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants – de 2 % en autorisations d’engagement et de 1,6 % en crédits de paiement.

L’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci de la performance dans l’intervention publique, leur légère diminution – de 117 ETPT pour un plafond d’autorisations d’emploi fixé à 8 501 en 2011, soit une baisse de 2,4 % par rapport à 2010 – étant conforme à l’engagement du Gouvernement d’améliorer l’efficacité des services publics.

Les crédits de ces deux programmes sont à mes yeux satisfaisants et conformes aux besoins de notre pays ; j’invite donc la Commission à exprimer un avis favorable. Je voudrais néanmoins, madame la ministre d’État, vous poser quelques questions.

La situation difficile et l’état de délabrement des établissements pénitentiaires outre-mer appellent, selon les cas, des réhabilitations ou de nouvelles constructions. Le cas de la Guadeloupe semble particulièrement problématique : alors même que les établissements y sont très délabrés et surpeuplés, la direction de l’administration pénitentiaire m’a indiqué que la réhabilitation et l’extension de la maison d’arrêt de Basse-Terre et l’extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault en étaient encore « au stade des études de faisabilité ». Compte tenu de l’urgence de la situation, je souhaiterais connaître le calendrier prévu pour la réalisation effective des travaux.

S’agissant du transfert de la charge des extractions judiciaires et des gardes statiques au sein de nouvelles unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), je souhaiterais connaître le calendrier et les créations ou redéploiements de postes envisagés pour faire face à ces nouvelles missions de l’administration pénitentiaire. Ces mesures trouveront-elles une traduction budgétaire dès 2011, en matière de transferts d’emplois, de moyens matériels et de formation des personnels ?

Comme chaque année, j’aimerais à présent vous interroger sur quelques thèmes précis.

Il s’agit tout d’abord de la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE) dans les établissements pénitentiaires français. L’administration pénitentiaire a engagé, dès 2006, une dynamique de mise en œuvre des RPE concernant l’accueil et l’évaluation des détenus et l’individualisation des parcours.

Il en est cependant une dont l’application en France est plus qu’incertaine : la règle n° 12.1, qui prévoit que « les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet ». Un récent rapport d’information du Sénat sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions a préconisé la « diversification des outils de prise en charge permettant de faire face aux différentes situations », ce qui apparaît comme une réponse de bon sens.

Pouvez-vous nous dire où en sont les réflexions sur le nombre et les capacités d’accueil des différentes structures de prise en charge psychiatrique des personnes détenues – services médico-psychologiques régionaux (SMPR), unités pour malades difficiles (UMD), unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ?

J’aimerais également vous interroger sur l’intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local. Si la prison doit punir, elle doit aussi réinsérer. Pour remplir sa mission de réinsertion, elle doit permettre aux personnes détenues de préparer leur sortie et donc être tournée vers l’extérieur, ou plus précisément intégrée dans son environnement local. Or on constate trop souvent des relations difficiles avec les populations des communes d’implantation. Le choix d’une implantation nouvelle est souvent vécu par ces populations comme un oukase. Dans certains cas, même les élus – élus locaux et parlementaires – ne sont informés qu’après la prise de décision.

Dans le cadre du programme de construction qui va démarrer, pensez-vous mieux préparer les choix d’implantation et y associer davantage les populations locales et leurs élus ?

S’agissant de la PJJ, je me suis intéressé à la mise en œuvre des mesures de réparation pénale. Elles sont très efficaces pour remettre dans le droit chemin un jeune primo-délinquant, en lui faisant prendre conscience des règles de la vie en société. Cependant, comme pour la peine de travail d’intérêt général, il est parfois difficile à la PJJ de trouver des collectivités territoriales, des services publics ou des entreprises partenaires pour l’exécution de ces mesures. Comment le ministère entend-il remédier à cette difficulté chronique et inciter davantage les collectivités, services publics ou entreprises à accueillir des mineurs dans le cadre de mesures de réparation ?

Enfin, la PJJ a mis en place en 2009 des équipes d’auditeurs des structures éducatives accueillant des mineurs, qu’elles relèvent du secteur public ou du secteur associatif. Ces audits ont notamment pour objet de mettre en évidence les bonnes pratiques éducatives et de favoriser leur diffusion. Quelles conclusions tirez-vous des 200 audits déjà réalisés ? Comment envisagez-vous la diffusion des bonnes pratiques ?

M. Dominique Raimbourg. Dans un discours du 5 octobre 2010, le ministre de l’intérieur estimait le gain consécutif au transfert de la charge du transfèrement des prisonniers à près de 1 000 équivalents temps plein de policiers. On peut en déduire que 1 000 ETP de surveillants seront affectés aux transfèrements. L’augmentation des effectifs prévue dans le PLF compensera-t-elle cette charge supplémentaire ? Les crédits afférents seront-ils réorientés du ministère de l’intérieur vers celui de la justice ?

Si nous nous félicitons de l’augmentation du nombre des greffiers – tout en notant que vous partagez le diagnostic selon lequel la justice a été délaissée pendant de très nombreuses années –, nous constatons que le nombre de magistrats diminuera parallèlement de 76. Or chaque procureur ou substitut traite déjà, en moyenne, 1 100 dossiers par an. Existe-t-il, en prévision de la réforme de la procédure pénale, un plan de recrutement de magistrats ?

Comme l’a souligné M. Garraud, le paiement des juges de proximité s’est trouvé menacé et parfois suspendu. Le ministère prend-il des mesures pour remédier à cette situation ?

Depuis les lois de 2007, on différencie le traitement de l’enfance en danger, confié aux conseils généraux et à leurs services d’aide sociale à l’enfance, et la prise en charge des mineurs délinquants, confiée à la protection judiciaire de la jeunesse. Cette séparation, rationnelle sur le papier, devrait dans les faits s’accompagner d’une meilleure articulation, les mineurs en danger étant parfois des mineurs délinquants et les mineurs délinquants étant parfois des mineurs en danger. Le travail d’audit confié à la PJJ est-il suffisant pour assurer cette articulation ?

Enfin, il avait été prévu pour la réforme de la carte judiciaire et la création des pôles de l’instruction un budget de l’ordre de 900 millions d’euros. D’après mes informations, environ 250 millions auraient été dépensés. Où en est-on de la réalisation de cette réforme ? Quelles sont les prochaines échéances ?

M. Michel Hunault. J’aurai l’occasion de dire en séance publique, le 2 novembre prochain, tout le bien que mon groupe pense de l’augmentation des crédits de la justice et des annonces que vous venez de nous confirmer, madame le ministre d’État. Permettez-moi seulement de suggérer que, sur les 399 postes de greffier qui seront créés en 2011, votre ministère veille à l’embauche, à compétences égales, de personnes souffrant de handicap. Le secrétaire d'État chargé de la fonction publique a fréquemment rappelé cette exigence gouvernementale devant notre commission.

De même, alors que la loi Handicap demande d’assurer l’accessibilité de tous les tribunaux pour la fin 2012, un certain nombre de bâtiments ne sont pas encore mis aux normes.

M. Didier Quentin. La réforme de la garde à vue conduira sans doute à multiplier le recours aux avocats. Quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour renforcer l’aide juridictionnelle gérée par les barreaux, afin que nos concitoyens les plus modestes, qui n’ont pas forcément les moyens de faire appel à un conseil pour les assister, puissent faire valoir leurs droits ?

Par ailleurs, en tant que rapporteur pour avis des crédits de l’Outre-mer, je me permets d’interroger à nouveau le Gouvernement sur l’état de la prison surpeuplée de Majicavo, à Mayotte.

M. Dominique Perben. Au vu du débat que j’avais eu à l’époque avec mon collègue de l’intérieur, l’extension des compétences de l’administration pénitentiaire en matière de transfèrements me paraît une occasion intéressante de diversifier les fonctions des personnels pénitentiaires. À l’instar des ERIS
– équipes régionales d’intervention et de sécurité –, dont la création avait constitué un facteur de mobilisation, le développement de cette nouvelle mission peut être très positif.

S’agissant du marché des empreintes génétiques, la manière dont votre administration lance les appels d’offres fait que l’on doit se limiter à un laboratoire, parfois à deux, mais pas plus. Pour obtenir des prix plus bas, il serait préférable d’allotir davantage. Cela permettrait de faire jouer la concurrence sur ce marché en développement.

Enfin, aujourd'hui même, la Cour de cassation a déclaré non conformes à la Convention européenne des droits de l’Homme les règles applicables à la garde à vue en matière de terrorisme et de grande criminalité. Elle donne au législateur – ce qui est une innovation de la part d’une autorité judiciaire – un délai pour apporter des modifications. Votre projet de réforme de la garde à vue étant déjà rédigé et ayant été adopté en Conseil des ministres, comment envisagez-vous la prise en compte de ce nouvel élément ? Décalera-t-on l’examen par le Parlement ?

M. Philippe Goujon. Ce budget permettra la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et la poursuite de l’amélioration qualitative et quantitative du parc. Vous prévoyez, d’ici à 2017, la fermeture d’environ 9 000 places vétustes et l’ouverture de 14 000 places dans une vingtaine d’établissements. Pourriez-vous apporter des précisions sur les ERA – établissements à réinsertion active – et sur les régimes différenciés que l’on y pratiquera ?

Pourriez-vous également nous indiquer ce qu’il en sera de la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé ?

Quel est l’avancement du projet de tribunal de grande instance des Batignolles ? Envisage-t-on de regrouper les tribunaux d’instance parisiens dans ce site ?

Enfin, où en est le développement de la visioconférence, qui permet de limiter les extractions de détenus ?

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, permettez-moi de regretter de n’avoir pu trouver avant la séance sur le site de l’Assemblée nationale l’avis de notre rapporteur. Cela aurait facilité notre travail.

L’augmentation de 4,15 % du budget de la mission doit être mise en regard de l’évolution du coût de la vie. Sur les 125 millions d’euros supplémentaires, 60 à 70 millions représentent un simple ajustement à l’augmentation des prix.

D’autre part, peut-on considérer que la création de 203 postes administratifs
– puisque le rapport annuel de performance montre que, sur les 399 postes annoncés, 196 sont en réalité des passages de personnels de la catégorie C à la catégorie B – compense la suppression de 76 postes de magistrats ? Comment justifier cette baisse du nombre de magistrats à un moment où la charge de travail augmente, en particulier pour les dossiers de tutelle ?

Les crédits du programme 182, « protection judiciaire de la jeunesse », diminuent de 2,1 %. Cela traduit-il l’abandon des mesures en direction des jeunes adultes de 18 à 21 ans en grande difficulté d’insertion ?

Enfin, la Cour des comptes s’est inquiétée du recours au partenariat public-privé. Quelle est votre estimation du coût total des partenariats existants dans les programmes 166, « justice judiciaire », et 107, « administration pénitentiaire » ? Les PPP diminuent les charges d’investissement mais ils feront augmenter les charges de fonctionnement, sans que l’on sache dans quelles proportions.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nos rapporteurs ont travaillé comme ils le devaient. Un avis ne peut être publié avant la séance puisqu’il résulte des débats de la Commission.

M. André Vallini. Après le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation a conclu aujourd'hui que la garde à vue « à la française » n’était pas conforme à nos engagements internationaux...

Mme le ministre d’État. Ce n’est pas tout à fait exact. La Cour de cassation s’est prononcée sur trois cas. Elle a validé la garde à vue de droit commun. S’agissant de la garde à vue en matière de terrorisme et de grande criminalité, elle a exprimé un point de vue nuancé.

M. André Vallini. Les régimes dérogatoires visés concernent le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et le terrorisme.

Quoi qu’il en soit, nul ne disconvient que la réforme de la garde à vue est aujourd'hui impérative. Le texte adopté en Conseil des ministres, qui me semble insuffisant au regard des exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme – et tout simplement de la démocratie –, aura un coût en matière d’aide juridictionnelle. Comment en avez-vous évalué l’impact financier ? Où en sont vos discussions avec les barreaux et les compagnies d’assurance pour une éventuelle taxation des contrats d’assurance juridique ?

M. Éric Ciotti. Lors de la première lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure – LOPPSI –, l’Assemblée a adopté un amendement visant à faire du recours à la visioconférence un principe général. Cette disposition ayant été atténuée par le Sénat, nous y reviendrons sans doute en deuxième lecture. Cela dit, votre ministère a beaucoup avancé sur ce point dont le président Warsmann, dans son rapport sur la simplification du droit, avait souligné l’importance.

Pourriez-vous apporter quelques précisions sur l’accord passé en matière de transfèrements et sur les effectifs que l’on pourrait faire passer au ministère de la justice afin de supprimer les charges indues pesant sur le ministère de l’intérieur ?

En ce qui concerne les enquêtes, on constate sur le terrain que le manque de moyens – en particulier pour les investigations de police scientifique et technique – conduit au blocage. La gendarmerie m’a indiqué qu’elle devait parfois renoncer à recueillir des empreintes génétiques en raison de l’épuisement des crédits permettant de faire appel à des laboratoires privés. Ce retard très dommageable sera-t-il comblé ?

J’aimerais également connaître le nombre de places susceptibles d’être ouvertes en 2011 et les années suivantes dans les centres éducatifs fermés, structures particulièrement adaptées pour répondre à la délinquance des mineurs. Plus précisément, comment faire avancer – je vous confirme le soutien du conseil général – le projet de centre éducatif fermé de Cagnes-sur-Mer ?

Enfin, la question de l’exécution des peines demeurant l’un des principaux points noirs de la justice, que peut-on faire pour améliorer la situation ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Madame le ministre d’État, je tiens à vous remercier d’avoir décidé, au titre de l’aménagement du territoire, de ne pas fermer certaines prisons. Qu’est-il prévu pour mettre ces prisons aux normes communautaires ?

Que pensez-vous du concept de prison sans barreaux ? Notre pays n’en compte qu’une, en Corse ; au niveau européen, ces structures accueillent 8 % des délinquants, contre 0,5 à 1 % en France.

Quelles sont vos orientations au sujet des UHSA ?

M. Alain Vidalies. À la lecture de l’arrêt rendu aujourd'hui sur le pourvoi du procureur général d’Agen, il m’avait semblé, madame la ministre, que l’avis de la Cour de cassation mettait en cause la garde à vue de droit commun.

Je ne partage pas l’appréciation du rapporteur quant aux réactions des populations à l’implantation de nouveaux centres pénitentiaires. À Mont-de-Marsan, les élus locaux de tous bords ont apporté leur concours à la création du centre. Loin d’être hostile, la population a manifesté son intérêt, allant jusqu’à poser des questions sur le fonctionnement de l’établissement.

Les chiffres des suicides dans ces nouveaux centres sont préoccupants, malgré le progrès que représente l’encellulement individuel. Comment comptez-vous y remédier ?

La Cour des comptes observe que l’administration pénitentiaire est mal armée pour contrôler la qualité des prestations privées auxquelles elle a recours. Quelle est votre réponse à ce problème ?

La formation professionnelle au sein des établissements doit normalement relever des régions. Une expérimentation est en cours, semble-t-il. Où en est-on ?

Enfin, est-il possible d’avoir un calendrier pour le projet de reconstruction du palais de justice de Mont-de-Marsan, qui est l’un des plus vilains de France ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question de la garde à vue. La Commission désignera très prochainement un rapporteur sur le projet gouvernemental mais, d’ores et déjà, nous prévoyons une réunion de travail et des auditions consacrées aux conséquences des décisions du Conseil constitutionnel, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de celle de la Cour de cassation. Ce travail en amont de l’examen du texte proprement dit nous permettra, je crois, de gagner en efficacité.

M. Étienne Blanc. La dématérialisation est au cœur du processus de modernisation des procédures : mise en œuvre du système Cassiopée, dématérialisation de l’ensemble de la chaîne pénale et, plus généralement, de la transmission des pièces et des expertises, également en matière civile.

La mise eu œuvre de Cassiopée s’est considérablement accélérée depuis le changement d’opérateur. La peur qu’elle inspirait à certains tribunaux est aujourd'hui levée.

La Chancellerie a-t-elle estimé les gains de temps engendrés par les procédures dématérialisées, ainsi que les réaffectations de moyens qui pourront en résulter ?

M. Philippe Gosselin. Quel pourrait être l’impact des arrêts de la Cour de cassation sur le contenu et le calendrier de la réforme de la garde à vue ? En matière d’aide juridictionnelle, quelles seront les conséquences budgétaires de la réforme non seulement en 2011, mais aussi en 2012 et 2013 ?

J’aimerais également savoir ce qu’il en est des difficultés rencontrées pour payer les juges de proximité.

S’agissant des centres pénitentiaires, soyez assurée, madame le ministre d’État, que les élus locaux, en particulier ceux de la Manche, sont prêts à accompagner les projets du ministère, dans le cadre d’un aménagement du territoire bien compris.

Mme George Pau-Langevin. Nous nous réjouissons que le budget de la justice soit en augmentation, mais la croissance des tâches justifierait une hausse plus importante.

Pour ce qui est du recrutement de greffiers, comment fléchera-t-on les emplois réservés aux personnels des études d’avoués ?

J’aimerais également que vous fassiez le point sur la réforme de la carte judiciaire. On parle de la réouverture de certains tribunaux, à Vitré ou à Fougères notamment.

Nous nous félicitons de l’augmentation du budget alloué à l’aide juridictionnelle, mais il faut souligner qu’à hauteur de 20 %, il s’agit de l’incidence de la TVA. Dans ces conditions, sera-t-il possible de faire face aux conséquences du renforcement de la présence des avocats pendant la garde à vue ? Les montants prévus ne semblent pas à la hauteur de l’augmentation de la charge de travail des avocats. De la même façon, la loi Besson sur l’immigration devrait entraîner un accroissement des recours directs devant les tribunaux administratifs, ce que le budget de l’aide juridictionnelle ne semble pas prendre en compte. Bien que ce budget comporte des éléments positifs, il est à craindre que les avocats des barreaux les plus modestes aient à assumer la solidarité à l’égard des populations défavorisées.

Mme le ministre d’État. Je vous remercie, monsieur Garraud, pour votre présentation.

Vous semblez favorable à une certaine harmonisation des primes modulables, quelles que soient les responsabilités exercées. Je ne peux être d’accord avec cette idée, c’est une question de principe. Je suis prête à revaloriser les primes mais celles-ci doivent être fonction des postes occupés et des résultats obtenus.

Les tarifs de restauration relèvent du budget de l’action sociale des tribunaux, donc du dialogue social. Ils feront l’objet d’une discussion globale dans les prochaines semaines, mais je rappelle que le système de calcul du prix en fonction de l’indice de l’agent est pratiqué dans tous les ministères. C’est le niveau de la subvention qui peut varier. Quoi qu’il en soit, nous avons prévu de réformer la restauration en 2011. Le système plus global que nous mettrons en place devrait nous permettre d’obtenir de meilleurs prix.

En ce qui concerne les assistants de justice et les juges de proximité, depuis 2010 nous déléguons une enveloppe globale aux chefs de juridiction, afin de les responsabiliser. Ce sont donc eux qui déterminent les priorités – entre assistants, juges de proximité et vacataires. J’ai néanmoins attiré leur attention sur le problème des assistants de justice, la motivation principale du recrutement de ces derniers n’ayant pas toujours été le meilleur fonctionnement du service, et j’ai « remis dans le circuit » une centaine d’emplois pour répondre à des besoins particuliers. Cela dit, je crois beaucoup à la mise en place de la réserve judiciaire, qui permettra de faire appel à des personnes qui connaissent le système de l’intérieur.

Pour ce qui est du nombre de magistrats, il n’y a pas aujourd'hui de déséquilibre entre les départs à la retraite et les recrutements. Il est vrai cependant que la réforme de la procédure pénale va entraîner des transformations profondes et d’importants besoins de recrutement, estimés à près de 1 000 emplois de magistrat et près de 2 000 emplois de greffier.

Concernant les frais de justice, je conviens que les crédits ne correspondent pas toujours aux besoins réels. C’est d’ailleurs ce qui m’a amenée au cours de l’actuelle gestion, et alors que nous étions dans le cadre d’un plan triennal, à obtenir de Bercy et Matignon 90 millions d’euros de plus que la dotation initiale, faute de quoi nous nous serions retrouvés quasiment en situation de cessation de paiement. J’ai bien conscience que tout n’est pas encore réglé ; c’est pourquoi les crédits progressent de 17 % dans ce budget. En ce qui concerne les juges de proximité, j’ai donné des instructions à la direction des services judiciaires pour qu’il n’y ait plus de dettes à plus de 60 jours. Parallèlement, on devrait obtenir certaines économies, par exemple grâce à la réforme de la médecine légale, dont la mise en œuvre devrait intervenir dans les prochaines semaines.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, il est exact qu’il y a un effet de périmètre lié à la TVA.

Pour ce qui est du rétablissement des crédits, j’ai demandé à Bercy de faire diligence pour améliorer le recouvrement, qui ne représente aujourd'hui que 50 % des montants arrêtés par les juridictions et transmis aux services du ministère du budget. Cette situation anormale nous prive de la marge dont nous avons besoin.

S’agissant des conséquences de la réforme de la garde à vue, j’ai d’ores et déjà décidé un effort important. Les crédits destinés à la garde à vue pénale sont multipliés par cinq, passant de 15 à 80 millions d’euros. Les critiques qui mettent en avant la hausse de la TVA ne me semblent guère pertinentes car la somme en jeu est minime.

En outre, d’après les chiffres des barreaux, l’aide juridictionnelle intervient dans 125 000 gardes à vue sur 820 000. La réforme du dispositif devant permettre d’abaisser le chiffre global des gardes à vue à 500 000, voire à 300 000 par an, on peut prévoir que le recours à l’aide juridictionnelle connaîtra également une diminution. S’il concerne environ 100 000 gardes à vue, avec une enveloppe de 80 millions d’euros on aboutira, pour les avocats pénalistes s’occupant de garde à vue – qui sont souvent des avocats stagiaires –, à plusieurs milliers d’euros supplémentaires.

Au-delà de son montant, l’aide juridictionnelle connaîtra, dans le cadre de la nouvelle garde à vue, une évolution de sa gestion. J’ai décidé de faire confiance aux barreaux et de déléguer la gestion de la moitié du montant global aux bâtonniers. Il faut que la présence de l’avocat lors de la garde à vue soit réelle et que la mesure soit appliquée équitablement sur tout le territoire national : la réforme concerne aussi les gardes à vue pratiquées dans les petites gendarmeries de campagne, de jour comme de nuit. Il faudra donc s’assurer de la réalité de la réponse faite par les barreaux à ce droit nouveau que nous donnons à nos concitoyens ; notre objectif concerne les libertés individuelles plus que la rémunération des avocats, même si nous en tirons les conséquences sur ce point.

Pour ce qui est de la collégialité de l’instruction, je demande en effet un report puisque nous sommes en train de réformer la procédure pénale. Le livre I vous sera soumis avant la fin de l’année, les livres II, III et IV seront transmis dans les prochaines semaines au Conseil d’État. Ce qui se passe aujourd'hui nous conforte dans notre volonté d’une réforme qui garantisse des procès équitables et qui assure une justice plus claire et plus compréhensible pour nos concitoyens.

Monsieur Huyghe, je vous remercie de ce que vous avez dit sur l’augmentation des crédits de l’administration pénitentiaire et le recentrage de la PJJ.

Outre-mer, nous avons en effet des problèmes importants. En Guadeloupe, la maison d’arrêt de Basse-Terre sera démolie et reconstruite sur place ; la livraison est prévue fin 2014. Nous souhaitons par ailleurs augmenter de 50 % la capacité du centre de Baie-Mahault en mettant à profit la réserve foncière existante. Le nombre de places passerait ainsi de 500 à 780. Cela suppose la collaboration des collectivités territoriales, notamment de la municipalité. Si celle-ci joue le jeu, le projet pourrait lui aussi aboutir en 2014.

Quant au dossier des transferts de charges, j’y travaille avec le ministère de l’intérieur depuis mon arrivée place Vendôme – à vrai dire, j’avais déjà commencé à y travailler place Beauvau !

Nous avons déjà réalisé des progrès grâce à la visioconférence. L’objectif de 5 % fixé l’année dernière a été dépassé, puisque nous avons atteint 6,9 %. Le nouvel objectif de 5 % fixé pour cette année sera certainement au moins atteint.

La nouvelle répartition des missions entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice devrait se réaliser en trois ans à partir de 2011. L’année prochaine, nous allons appliquer le dispositif dans deux régions ; à cet effet, 200 ETP vont être transférés de l’intérieur vers la justice. Il est bien entendu indispensable que ce transfert soit inscrit dans le PLF pour 2011. Au total, l’arbitrage porte sur 800 emplois, et nous avons demandé l’ajout de 100 emplois. Mais le recentrage du ministère de l’intérieur sur ses missions concerne également d’autres ministères que celui de la justice.

En ce qui concerne les UHSI, j’ai décidé d’appliquer l’arbitrage de 2006 dès l’année prochaine sur deux sites qui seront choisis entre Bordeaux, Lille et Nancy.

La question des soins psychiatriques relève d’abord du ministère de la santé. Les 26 services médico-psychologiques existants sont rattachés à des établissements de santé publics ou privés. Les unités pour malades difficiles, implantées dans des centres hospitaliers spécialisés, accueillent des détenus – mais aussi d’autres malades – qui peuvent présenter un danger pour autrui. Il en existe cinq actuellement. S’agissant enfin des UHSA, créées en 2002 pour permettre aux SMPR de se recentrer sur les soins ambulatoires, nous prévoyons avec la ministre de la santé un programme de 700 lits qui comportera deux tranches. La première, qui représente 440 places, sera mise en œuvre dans la période 2010-2012. Alors qu’il était question de tout reporter, nous avons réussi à maintenir 9 UHSA sans attendre le retour d’expérience.

Comme certains de vos collègues, je suis un peu étonnée de ce que vous dites des problèmes d’intégration des établissements pénitentiaires à leur environnement. Pour ma part, je constate plutôt un afflux de candidatures pour les constructions prévues. Les élus locaux et les parlementaires sont très demandeurs et protestent avec les populations lorsque l’on décide de supprimer un établissement. Bien entendu, nous associons les élus nationaux et locaux à la réflexion sur le choix des sites.

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, nous nous efforçons d’inciter les collectivités locales à participer aux mesures de réparation pénale. Je ne nie pas les difficultés, d’autant que je sens parfois mon administration réticente. La progression a néanmoins été de 7,5 % l’année dernière. Des progrès demeurent souhaitables ; il est donc important que les services territoriaux de la PJJ puissent discuter avec les responsables locaux dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Par ailleurs, la PJJ dispose aujourd'hui de 72 auditeurs formés qui ont pour mission d’auditer 1 600 établissements et services d’investigation, l’objectif étant de réaliser au moins un audit tous les cinq ans pour chaque structure. Ces audits – 110 en 2009 et 110 en 2010 – peuvent être menés avec les départements dans le cadre de conventions – 27 accords ont été passés, d’autres sont en cours de rédaction. On a d’ores et déjà constaté des insuffisances dans la traçabilité et la formalisation des pratiques éducatives. Je vous présenterai une synthèse de ces questions à la fin de l’année.

Monsieur Raimbourg, j’ai déjà répondu sur les transferts de charges du ministère de l’intérieur vers celui de la justice. Pour ce qui est de la charge de travail des magistrats, il n’y a pas, à ma connaissance, de problème global, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de difficultés ponctuelles. Un examen cour d’appel par cour d’appel sera nécessaire, afin de procéder aux réajustements qu’impose l’évolution de l’activité.

Comme vous, je pense que la continuité de l’action en direction des jeunes est nécessaire. Le sujet est complexe et ne se réduit pas à des questions budgétaires. J’attends de connaître les conclusions du rapport sur la prévention de la délinquance que le Président de la République a commandé à Jean-Marie Bockel, mais je suis à l’écoute de toutes les suggestions.

La réforme de la carte judiciaire ne sera achevée qu’en 2011. J’ai demandé au secrétaire d'État à la justice de se rendre dans les juridictions concernées pour voir comment les choses se passent. Il semble qu’il n’y ait pas de difficulté particulière.

À l’intention de Mme Pau-Langevin, je précise que l’unique remise en cause de suppression d’un tribunal est due à un redécoupage administratif réalisé sous la responsabilité d’un autre ministère.

À M. Hunault, je veux répondre que je m’efforce de rattraper le retard pris par le ministère de la justice dans l’embauche des personnes souffrant de handicap. Nous nous attachons également à assurer l’accessibilité des tribunaux, mais ce n’est pas toujours possible dans les immeubles anciens.

Monsieur Quentin, j’ai déjà répondu sur la réforme de la garde à vue. Par ailleurs, une délégation de mon cabinet se rend à Mayotte en novembre pour faire le point sur les conséquences de la départementalisation.

J’ai déjà répondu à M. Perben sur les transferts de missions. En ce qui concerne le marché des empreintes génétiques, nous essayons d’allotir le plus possible. Comme ministre de l’intérieur, j’avais déjà travaillé à la généralisation des investigations de la police scientifique et technique. Bien que nous ayons réussi à les faire baisser un peu, les prix des laboratoires restent élevés ; il est donc, en effet, nécessaire de mieux négocier.

J’en viens aux trois arrêts que la Cour de cassation a rendus aujourd'hui.

L’un d’entre eux conforte le nouveau dispositif de garde à vue de droit commun qui va vous être présenté.

Les deux autres visent les dispositifs dérogatoires. Le plus simple sera de compléter le texte actuel en déposant des amendements au projet. Cela reviendra à étendre aux gardes à vue d’exception des dispositions déjà prévues pour la garde à vue de droit commun, comme le droit au silence. Je pense aussi à la nécessité de motiver au cas par cas le report de la présence d’un avocat. La Cour de cassation se place donc dans la logique que nous avons retenue pour la garde à vue de droit commun.

M. Goujon m’a interrogée sur le programme pénitentiaire. Il est prévu de fermer une quarantaine d’établissements et d’en ouvrir une vingtaine. Le programme de rénovation de la prison de la Santé se déroule comme prévu, pour une livraison début 2017. Pour ce qui est du site des Batignolles, je ne prendrai pas de décision quant au regroupement éventuel de tout ou partie des tribunaux d’instance situés dans les arrondissements sans en discuter avec les élus. J’ai déjà rencontré le maire de Paris à ce sujet.

En matière de visioconférence, je compte doter avant la fin 2011 tous les tribunaux et établissements concernés – c’est-à-dire tous ceux où cela peut être utile.

Madame Karamanli, il est heureux que le coût de la vie n’augmente pas, comme les crédits de la justice, de 4 % ! Que diriez-vous si, comme celui de bon nombre de ministères, le budget de la justice était simplement reconduit en euros courants ?

L’évolution du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est liée à celle des missions et de l’organisation territoriale. La diminution des crédits est cependant moins rapide.

L’analyse que la Cour des comptes fait des PPP est beaucoup plus nuancée que certains ne le laissent entendre. Pour ma part, je décide un PPP non pas sur une base idéologique, mais à partir d’une analyse précise des prévisions de coûts et d’avantages. Je veille également à l’amélioration qualitative de certains PPP : il faut éviter que les partenaires privés abaissent la qualité des prestations.

J’ai déjà largement répondu aux questions de M. Vallini sur la garde à vue et l’aide juridictionnelle. Nous avons travaillé à l’extension des risques civils couverts par les contrats d’assurance, ce qui permettra de dégager des crédits.

Monsieur Ciotti, j’ai répondu au sujet des transfèrements et des frais de justice. Le projet d’ouverture de places en centres éducatifs fermés se heurte à de fortes réticences locales. Je souhaite que l’on arrive à répondre aux besoins dans un cadre aussi consensuel que possible. Mais le projet n’est en rien abandonné.

La non-exécution définitive de 32 000 peines chaque année est intolérable tant pour l’image de la justice que pour le respect de la volonté du législateur. Les instructions que j’ai données commencent à donner des résultats, me dit-on, mais je n’aurai de chiffres qu’à la fin de l’année. Seule la mise en place complète du système Cassiopée nous permettra d’exercer un réel suivi afin de parvenir à une réduction sensible dans les trois prochaines années.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, la rénovation des prisons anciennes est une condition du respect de la loi pénitentiaire. J’applique les décisions du législateur. Je ne peux pas entendre les demandes des élus de conserver des prisons qui ne sont pas aux normes. Je peux en revanche accepter, si la mise aux normes est possible, un certain étalement des travaux. S’agissant des UHSA, j’ai déjà répondu au rapporteur.

Monsieur Vidalies, j’ai déjà parlé des arrêts de la Cour de cassation.

J’aurais beaucoup à dire sur les nouveaux centres pénitentiaires et sur leur aspect déshumanisé. Cela étant, le taux de suicide n’y est pas plus élevé que dans les prisons anciennes. Il faut également relever que le taux global de suicide en prison est en diminution sensible pour la première fois depuis de nombreuses années. Bien entendu, il reste trop élevé. Sans doute faut-il prendre en considération le fait, insuffisamment étudié, que plus de 50 % de la population carcérale a de gros problèmes psychiatriques. Quel serait le taux de suicide d’une population équivalente en milieu ouvert ? Quoi qu’il en soit, chaque suicide est un drame et nous devons poursuivre notre action.

J’ai répondu à votre question sur le recours aux prestataires privés.

S’agissant du transfert de la formation professionnelle, je viens de saisir le conseil régional d’Aquitaine, qui s’est porté candidat à une expérimentation.

Enfin, la livraison du tribunal de Mont-de-Marsan est prévue pour 2016.

Monsieur Gosselin, j’ai répondu à vos questions concernant l’impact de la réforme de la garde à vue sur l’aide juridictionnelle et les difficultés rencontrées pour payer les juges de proximité. Je vous remercie de rappeler que les élus locaux sont très souvent prêts à accompagner les projets d’établissement pénitentiaire.

Monsieur Blanc, je ne peux vous indiquer aujourd'hui les économies de personnel qui résulteront de la mise en œuvre de Cassiopée. Au départ, je doute qu’il y en ait : dans nombre de juridictions que j’ai visitées, on me fait une démonstration de la dématérialisation tout en m’indiquant que, pour plus de sécurité, on double cette procédure d’une procédure manuelle ! Lorsque le système se transformera réellement, je pense que nous constaterons des économies sérieuses.

Madame Pau-Langevin, le budget de 2010 a effectivement ouvert 380 postes pour les avoués. Dans la mesure où le texte relatif à cette profession a été adopté en deuxième lecture il y a seulement quelques jours, j’ai obtenu que ces postes non pourvus en 2010 soient reconduits en 2011. Pour les 130 emplois de catégorie C réservés en 2010 aux salariés des cabinets d’avoués, 90 candidats se sont manifestés. Il restera donc 290 postes répartis entre les catégories A, B et C.

Je crois avoir déjà répondu à vos questions relatives à la carte judiciaire et à l’aide juridictionnelle.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il me reste à vous remercier, madame le ministre d’État.

*

* *

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Justice ». Conformément aux conclusions de M. Jean-Paul Garraud pour la justice et l’accès au droit et de votre rapporteur pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, elle donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2011.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
POUR AVIS

Directeurs d’administration centrale

—  M. Jean-Amédée Lathoud, directeur de l’administration pénitentiaire

—  M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse

Représentants syndicaux

Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP)

—  M. Jean-François Forget, secrétaire général

—  M. Claude Tournel, secrétaire général adjoint

—  M. Stéphane Barraut, secrétaire général adjoint

Syndicat National Pénitentiaire Force ouvrière (FO)

—  M. René Sanchez, secrétaire général adjoint (personnels de Surveillance)

—  M. Adérald Hournon, secrétaire général adjoint (personnels techniques)

Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP/FSU)

—  M. Sylvain Roussilloux, secrétaire national

Confédération générale du travail (CGT)

—  M. Samuel Azé, secrétaire national de l’Union générale des syndicats pénitentiaires CGT

—  Mme Céline Verzeletti, secrétaire générale

—  M. Alain Dru, secrétaire général de la CGT – Protection judiciaire de la jeunesse

Personnalités qualifiées

—  M. Jean Charbonniaud, préfet, auteur d’un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes

—  M. Xavier Ronsin, procureur de la République de Nantes, membre du Comité européen pour la prévention de la torture

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Lundi 4 octobre 2010

Conseil de l’Europe, Strasbourg

●  Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme

—  M. Nikolaos Sitaropoulos, adjoint à la Directrice du Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme

—  M. Julien Attuil-Kayser, conseiller du Commissaire aux Droits de l’Homme

●  Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

—  M. Andrew Drzemczewski, chef du département des questions juridiques et des droits d’homme

●  Service des réformes législatives

—  M. Jorg Polakiewicz, chef du Service des réformes législatives

—  M. Carlo Chiaromonte, chef de la division du droit pénal

—  Mme Ilina Taneva, responsable des questions pénitentiaires

Maison d’arrêt de Strasbourg

—  M. Alain Reymond, directeur de la maison d’arrêt de Strasbourg

—  Mme Bénedicte Brunelle, adjointe au directeur interrégional

—  Mme Elise Chappuy, directrice adjointe

—  Mme Céline Tripiana, directrice adjointe

—  Mme Marion Vernadat, directrice adjointe

—  M.  Philippe Bruniau, chef de détention

—  M. François Pfalzgraf, attaché d’administration et d’intendance

Lundi 18 octobre 2010

Maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes

—  M. Olivier Reillon, directeur de la maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes

—  Mme Audrey Marcoux, directrice adjointe

—  M. Raphaël Laurec, chef de service d’insertion et de probation du SPIP de la Sarthe

—  M. Laurent Deniau, officier, responsable du quartier arrivants ;

—  Mme Pascale Drelon, première surveillante, responsable adjointe du quartier arrivants

—  M. Olivier Froger, responsable unité privée GEPSA

—  Mme Amandine Bouteloup, chargée de mission auprès de la mission locale de la Sarthe

Vendredi 22 octobre 2010

Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis

—  M. Paul Louchouarn, directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis

—  Mme Sandrine Rossi, directrice du SPIP de l’Essonne

—  Mme Stéphanie Héry, directrice adjointe de la maison d’arrêt

—  M. Nourredine Brahimi, membre de la mission d’appui RPE de la maison d’arrêt

Unité éducative de milieu ouvert de Créteil

—  M. Alain Robin, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse du Val-de-Marne

—  Mme Caroline Lapene, directrice du service territorial éducatif de milieu ouvert du Val-de-Marne

—  M. Denis Vernadat, directeur du service social de l’enfance de l’association Olga Spitzer du Val-de-Marne

—  Mme Jeanne Kanje, chef du service de réparation pénale du service social de l’enfance de l’association Olga Spitzer du Val-de-Marne

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

2 () La maîtrise d’ouvrage est assurée par la communauté d’agglomération du Grand Rodez. Le financement est principalement assuré par une subvention de l’État, la communauté d’agglomération ayant apporté le terrain et une participation financière à certains postes de dépenses.

3 () Fermeture de 23 établissements : MA Compiègne, MA Nevers, MA Rochefort, MA Saintes, MA Fontenay-le-Comte, MA Caen, MA Lure, MA Sarreguemines, MA Cahors, CD Ecrouves, MA Montluçon, MA Agen, MC Ensisheim, MA Niort, MA Vannes, MA Aurillac, MA Saint-Malo, MA Digne, MA Privas, MA Châlons-en-Champagne, MA Guéret, MA Béthune, MA Chartres.

Fermeture de 22 établissements avec création d’établissements à proximité : MA Colmar, MA Mulhouse, MA Orléans, MA Beauvais, Quartier CD Liancourt (correspondant à l’ancien centre de détention), MA Valence, MA Dunkerque, MA Dijon, MA et CD Riom, MA Clermont-Ferrand, MA Limoges, MA et CD Loos, CD Melun, MA Pau, MA Angers, MA Cherbourg, MA Coutances, CD Oermingen, MA Bordeaux-Gradignan, MC Saint-Martin de Ré, MA Rouen, MA Troyes. Par ailleurs, il est prévu la fermeture de la MA Saint-Pierre avec la reconstruction d’un établissement à proximité.

4 () Quelques fermetures anticipées sont prévues pour la MA de Cahors en 2011, les MA de Chartres et d’Orléans en 2013 (liées à l’ouverture du futur établissement d’Orléans-Saran), ainsi que la MA et le CD de Lille-Loos mi-2011 (liée à l’ouverture du CP d’Annœullin).

5 () Dans les cas où la localisation foncière n’est pas encore précisément ciblée, le lieu indique la future zone de recherche.

6 () Sur ce point, voir infra, les développements sur la mise en œuvre des RPE.

7 () Avis (n° 1202, tome VIII, sécurité – gendarmerie nationale) de M. Alain Moyne-Bressand au nom de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127), pages 9 et 21.

8 () Alinéa 298 du rapport annexé à l’article 2 du projet de loi (n° 2823) de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

9 () Xavier Ronsin, Pourquoi un regard international et européen sur les prisons, Cahiers de la sécurité, n° 12, avril-juin 2010, page 52.

10 () Les membres du Conseil de l’Europe sont, aujourdhui, au nombre de quarante-sept : Albanie, Allemagne, Andorre, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, ex-République yougoslave de Macédoine, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldavie, Monaco, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie et Ukraine.

11 () Le préambule des RPE « recommande aux gouvernements des États membres de suivre dans l’élaboration de leurs législations ainsi que de leurs politiques et pratiques les règles contenues dans l’annexe à la présente recommandation ».

12 () Projet de résolution n° 2 sur les établissements pénitentiaires dans l’Europe d’aujourd’hui, proposé à la 30ème conférence des ministres de la justice du Conseil de l’Europe, Istanbul 24-26 novembre 2010, MJU-30 (2010) RESOL. 2 F, point 17.

13 () Xavier Ronsin, Pourquoi un regard international et européen sur les prisons, Cahiers de la sécurité, n° 12, avril-juin 2010, page 58.

14 () Rapport (n° 1899, XIIIe législature) de M. Jean-Paul Garraud, au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi pénitentiaire, page 20.

15 () Xavier Ronsin, Pourquoi un regard international et européen sur les prisons, Cahiers de la sécurité, n° 12, avril-juin 2010, page 59.

16 () Cour européenne des droits de l’Homme, Ramirez Sanchez contre France, 4 juillet 2006, Requête n° 59450/00.

17 () Jean-Paul Céré, La mise en conformité du droit pénitentiaire français avec les règles pénitentiaires européennes : réalité ou illusion ?, Revue pénitentiaire et de droit pénal, page 111.

18 () Xavier Ronsin, Pourquoi un regard international et européen sur les prisons, op. cit., page 59.

19 () Jean-Paul Céré, La mise en conformité du droit pénitentiaire français avec les règles pénitentiaires européennes : réalité ou illusion ?, op. cit., page 112.

20 () Les règles pénitentiaires européennes, une charte d’action pour l’administration pénitentiaire, Direction de l’administration pénitentiaire, 2007, page 5.

21 () Xavier Ronsin, Pourquoi un regard international et européen sur les prisons, Cahiers de la sécurité, n° 12, avril-juin 2010, page 58.

22 () Les établissements pour peines – dans lesquels les prévenus ne peuvent être détenus – ne sont, par définition, pas concernés.

23 () Jean-Paul Céré, La mise en conformité du droit pénitentiaire français avec les règles pénitentiaires européennes : réalité ou illusion ?, op. cit., page 113.

24 () Jean-Paul Céré, La mise en conformité du droit pénitentiaire français avec les règles pénitentiaires européennes : réalité ou illusion ?, op. cit., page 114.

25 () Jean-Paul Céré, L’éveil des prisons françaises au droit international et européen pénitentiaire, Cahiers de la sécurité, n° 12, avril-juin 2010, page 67.

26 () Jean-Paul Céré, L’éveil des prisons françaises au droit international et européen pénitentiaire, op. cit., page 67.

27 () Rapport d’information (n° 434, session 2009-2010) fait au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, par le groupe de travail sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, par M. Gilbert Barbier, Mme Christiane Demontès et MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel, page 88.

28 () Rapport (n° 1899, XIIIe législature) de M. Jean-Paul Garraud, au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi pénitentiaire, page 22.

29 () Anne Héricher, La ville et l’établissement pénitentiaire : intégration d’un équipement singulier dans les politiques urbaines, in La prison dans la ville, Erès, 2009, page 47.

30 () Anne Héricher, op. cit., page 47.

31 () Gilbert Bonnemaison, rapport au Garde des Sceaux sur la modernisation du service public pénitentiaire, ministère de la justice, Paris, 1989.

32 () Olivier Milhaud, Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par l’espace, Bordeaux, Université de Bordeaux, Thèse de doctorat de géographie, 2009, disponible sur http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00441473_v1/, page 202.

33 () Olivier Milhaud, op. cit., page 203.

34 () Rapport (n° 2521, XIe législature) de M. Jacques Floch au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises, page 129.

35 () Martine Herzog-Evans, Introduction, La prison dans la ville, Erès, 2009, pages 10 et 11.

36 () Philippe Combessie, La prison dans son environnement : symptômes de l’ambivalence des relations entre les démocraties et l’enfermement carcéral, Cahiers de la sécurité intérieure, n° 12, avril-juin 2010, page 29.

37 () Olivier Milhaud, op. cit., page 221.

38 () Anne Héricher, op. cit., page 49.

39 () Olivier Milhaud, op. cit., page 203.

40 () Loup Noali, Une prison dans la ville : un regard du dedans, in La prison dans la ville, Erès, 2009, page 103.

41 () Olivier Milhaud, op. cit., page 204.

42 () Ce partenariat avait été initialement conclu avec l’ANPE, devenue depuis Pôle Emploi.

43 () Cour des comptes, rapport public thématique Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale, La documentation française, juillet 2010, page 115.

44 () La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis présente la particularité de n’accueillir, parmi ses détenus, qu’une minorité de personnes domiciliées dans le département de l’Essonne dans lequel elle est implantée.

45 () Association Réflexion et Action Prison et Justice.

46 () Elle ne continue de figurer dans les tableaux relatifs aux crédits ci-dessous que pour des raisons de compréhension et de sincérité budgétaires.

47 () Voir infra les développements sur le contrôle et l’évaluation de l’activité de la PJJ.

48 () Conformément aux dispositions du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et de la circulaire du 14 février 2002 relative à l’aménagement et réduction du temps de travail pour les personnels relevant des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse.

49 () Article 118 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.

50 () Christine Lazerges, Processus de socialisation et apprentissage de la règle de droit, Revue de science criminelle, 1993, page 598.