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N° 2863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME V

JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT

PAR M. Jean-Paul GARRAUD,

Député.

Voir le numéro : 2857 (annexe 28).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2010.

À cette date, la totalité des réponses a été transmise. Votre rapporteur félicite donc la Chancellerie.

INTRODUCTION 5

I.– LA JUSTICE JUDICIAIRE 7

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL 11

1. L’évolution des emplois 11

a) L’évolution du nombre des équivalents temps plein travaillé 11

b) L’analyse des entrées et des sorties 12

c) Les effectifs de magistrats et de fonctionnaires 13

d) La stabilisation du rapport entre magistrats et fonctionnaires 14

2. L’évolution des traitements et des primes 15

a) L’évolution du régime indemnitaire des magistrats 16

b) L’évolution du régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires 17

B. LA PROGRESSION PERSISTANTE DES FRAIS DE JUSTICE 19

1. L’exécution des crédits en 2010 21

2. L’évolution des principaux postes de frais de justice en matière pénale 23

3. Les crédits demandés pour 2011 25

C. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 26

1. L’activité judiciaire civile 26

a) La Cour de cassation 26

b) Les cours d’appel 26

c) Les tribunaux de grande instance 27

d) Les tribunaux d’instance et les juridictions de proximité 28

2. L’activité judiciaire pénale 29

a) La Cour de cassation 29

b) Les cours d’appel 29

c) Les tribunaux correctionnels 29

d) Les tribunaux de police et les juridictions de proximité 30

II.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 31

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE 32

1. La progression des crédits 32

2. L’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue 37

3. Les mesures de maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle 33

a)« Responsabiliser » les justiciables dans leur usage de l’aide juridictionnelle 33

b) Améliorer le recouvrement des dépenses d’aide juridictionnelle 35

c) Les économies attendues 35

4. L’évolution du nombre des bénéficiaires 36

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT, DE LA MÉDIATION FAMILIALE ET DE L’AIDE AUX VICTIMES 37

1. Le développement de l’accès au droit 39

a) Les maisons de justice et du droit 39

b) Les conseils départementaux de l’accès au droit 40

2. L’aide aux victimes 40

a) Le renforcement des mesures favorables aux victimes 40

b) L’action du ministère en faveur des victimes 41

3. La médiation familiale 43

III.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE 44

A. UNE STABILISATION DES MOYENS DE L’ADMINISTRATION CENTRALE 45

1. Les crédits de gestion de l’administration centrale 45

2. Les crédits de l’action sociale 45

B. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2011 46

1. Les crédits en matière immobilière 46

2. Les crédits en matière d’informatique et de télécommunications 46

EXAMEN EN COMMISSION 47

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 67

Mesdames, Messieurs,

Alors que le projet de loi de finances prévoit que budget total de l’État pour 2011 ne progresse que du montant de l’inflation, celui de la mission « Justice » augmente de 4,15 % en crédits de paiement après, rappelons-le, plusieurs années de hausse continue. Il avait ainsi progressé de 3,4 % en 2010, après une hausse de 2,6 % en 2009, de 4,5 % en 2008, de 5 % en 2007, de 4,6 % en 2006 et de 4 % en 2005.

Votre rapporteur se félicite que cette hausse concerne également les crédits des programmes dont il rapporte les crédits :

—  les crédits de paiement du programme « Justice judiciaire » progressent de 4,4 %,

—  ceux du programme « Accès au droit et à la justice » sont en hausse de 12,3 %,

—  tandis que ceux du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » progressent de 7 %.

Au cours des déplacements qu’il a effectués dans le cadre de la préparation d’un rapport d’information budgétaire sur les moyens de fonctionnement courant des juridictions (1) et des auditions qu’il a conduites dans le cadre de la préparation du présent rapport pour avis, votre rapporteur a pu constater les difficultés quotidiennes rencontrées par les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires.

Une nouvelle fois, votre rapporteur tient à souligner la qualité et le dévouement des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires de toutes catégories qui assurent, dans des conditions parfois difficiles, le bon fonctionnement du service public de la justice.

Dans ce contexte, la création de 399 équivalents temps plein travaillé (ETPT) de greffiers et la progression globale du plafond d’emploi du programme : « Justice judiciaire » de 127 ETPT ont suscité de grands espoirs dans les juridictions.

Votre rapporteur ne peut que déplorer la dégradation, jusqu’en 2010, du ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires, alors que les missions confiées à la justice ont été, depuis 1998, profondément alourdies. Il constate que ce ratio est passé sous le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat puisqu’il est de seulement 2,45 en 2010.

Il semble que ce ratio repassera le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat en 2011 et votre rapporteur s’en félicite. Cette situation s’explique à la fois par la forte augmentation des effectifs de greffier et la baisse du nombre des magistrats.

Il insiste donc sur le fait qu’un magistrat ayant besoin de concentrer sur ses missions, les fonctionnaires des services judiciaires doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Il rappelle que, sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision. En effet, les fonctionnaires et les magistrats forment une équipe dont tous les acteurs jouent un rôle essentiel.

Malgré les ambitieuses mesures de rationalisation des dépenses de frais de justice, celles-ci continuent d’atteindre des montants importants. Votre rapporteur observe donc avec satisfaction que les crédits demandés pour 2011 s’élèvent à 460 millions d’euros, soit 65 millions d’euros de plus que le montant figurant dans le projet de loi de finances pour 2010.

Par ailleurs, il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 317,9 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 36,4 millions d’euros par rapport à 2010 (+12,3 %). Parmi ces crédits, le projet de loi de finances prévoit d’allouer 312,3 millions d’euros au dispositif d’aide juridictionnelle. Ces crédits devront couvrir l’assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 % contre 5,5 % antérieurement. Le coût de cette disposition s’élève à 36 millions d’euros pour le programme, tandis que des mesures de rationalisation devraient permettre une économie de 6,9 millions d’euros en 2011 puis de 9,6 millions d’euros les années suivantes.

L’année 2011 verra également la poursuite de la modernisation de la justice. C’est ainsi que l’application Chorus sera mise en place au 1er janvier 2011. La dématérialisation de la procédure civile devant les cours d’appel sera également mise en œuvre non pas le 1er janvier 2011, comme le prévoyait le décret, mais le 1er avril de cette même année. La garde des Sceaux a ainsi indiqué à l’Assemblée nationale préférer « prendre un délai de précaution, même si toutes les personnes concernées affirment être prêtes » (2).

I.– LA JUSTICE JUDICIAIRE

Le programme « Justice judiciaire » regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il concerne les magistrats et les agents des services judiciaires (fonctionnaires et contractuels), ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud’hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité…), assistants et agents de justice, déployés dans les juridictions judiciaires.

Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice. Ils ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Ils participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail).

La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires et comprend deux fonctions :

—  le support logistique de l’activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l’authentification des procédures ;

—  la gestion des moyens humains et matériels est pour l’essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d’un service administratif régional (SAR), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l’autorité des chefs de cour.

Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L’École nationale de la magistrature (ENM), constituée sous la forme d’un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l’ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l’École nationale des greffes (ENG), service à compétence nationale. Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Avec une dotation de 2 959,7 millions d’euros en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en forte progression de 4,4 % par rapport à 2010 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« JUSTICE JUDICIAIRE »

(en millions d’euros)

Actions du programme « Justice judiciaire »

LFI 2010

PLF 2011

Évolution

Traitement et jugement des contentieux civils

891,7

910,7

+ 2,1%

Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

962,4

1 026,5

+ 6,7%

Cassation

65,9

66,4

+ 0,8%

Conseil supérieur de la Magistrature

2,2

2,9

+ 31,8%

Enregistrement des décisions judiciaires

14,0

14,0

+ 0,0%

Soutien

791,0

828,9

+ 4,8%

Formation

80,7

81,4

+ 0,9%

Support à l’accès au droit et à la justice

27,2

28,7

+ 5,5%

Total

2 835,1

2 959,7

+4,4%

Source : projet annuel de performances pour 2011

—  Les crédits de l’action « Traitement et jugement des contentieux civils » progressent de 2,1 %. Une somme de 60 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sera consacrée aux frais de justice, soit environ 13 % de la dotation globale (460 millions d’euros) consacrée à cette dépense.

Ces crédits ont été évalués sur la base des évolutions constatées depuis 2008 au titre de la dotation initiale et de la consommation de cette action. Cette évaluation tient également compte d'un certain nombre de facteurs d'évolution de la dépense. En effet, le budget pour 2011 devra notamment supporter l’effet de la revalorisation tarifaire des enquêtes sociales prévue début 2011 et estimée à environ un million d’euros.

—  Les crédits de l’action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » progressent de 6,7  % en crédits de paiement. Les frais de justice affectés à cette action s’élèvent à 318,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 69 % de l’enveloppe globale des frais de justice.

La dotation allouée permettra, notamment, le financement des dépenses induites par l’application de la réforme de la médecine légale (54,2 millions d’euros) qui a pris effet au 1er octobre 2010, et par le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI (15,2 millions d’euros), en cours de discussion devant le Parlement. De même, elle comprend les dépenses correspondant à la part employeur des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (30 millions d’euros) dans la mesure où ce dispositif concerne très majoritairement des collaborateurs occasionnels réalisant des prestations relevant de l’activité pénale.

Par ailleurs, cette dotation tient compte de diverses économies escomptées. Dans le cadre de la réforme de la médecine légale, la mise en place de structures hospitalières, organisées autour de deux pôles que sont la thanatologie (autopsies) et la médecine du vivant (examens en garde à vue et examens des victimes), s’accompagnera d’une contraction estimée à 30 millions d’euros des paiements à l’acte, auxquels sera substitué un financement direct de ces structures. De même, la mutualisation des achats devrait permettre de réaliser des gains en matière de frais de fourrière et d’analyses génétiques, évalués à hauteur de 1,5 million d’euros.

—  Les crédits de l’action « Cassation » progressent de 0,8 % et financent essentiellement les dépenses de structure. Ces dépenses, évaluées à 6,7 millions d’euros, soit environ 76 % du budget de fonctionnement, seront en grande partie consacrées aux charges locatives. Cette dotation doit permettre de couvrir également les dépenses d’activité (1,6 million d’euros), d’équipement (0,3 million d’euros) et d’informatique (0,3 million d’euros).

—  Le montant des crédits en fonctionnement courant alloués au titre de l'action « Conseil supérieur de la magistrature », s’inscrit dans le prolongement de la consommation constatée en 2009, soit une augmentation de la dotation de 1 %.

Cette même action connaît une forte augmentation de 40,9 % de ses crédits de personnel qui résulte essentiellement de la croissance du nombre de vacations des membres du Conseil en application de la réforme du CSM, dont le coût supplémentaire est évalué à 300 000 euros par an. Dans une moindre mesure, cette augmentation est également liée à l’évolution des mesures générales (valeur du point fonction publique, etc.) et indemnitaires.

—  Les crédits de l’action « Enregistrement des décisions judiciaires » connaissent une légère baisse de 2,5 %.

—  Les crédits de fonctionnement de l’action « Soutien », sont en hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2010 pour se fixer à 828 millions d’euros. En matière de frais de justice, l’évaluation de ces crédits tient compte des économies escomptées. Les mesures de rationalisation sont régulièrement mises en œuvre par les juridictions, notamment par le développement de la dématérialisation des procédures. La diffusion de bonnes pratiques aux juridictions (limitation des envois en recommandé aux cas prévus par les codes, développement des copies recto verso, etc.) accompagne cet effort. La mutualisation des achats en matière postale devrait en outre renforcer cette tendance et permettre de réaliser des gains d’achats estimés à 1,6 million d’euros. Des économies supplémentaires sont également attendues suite à la mise en concurrence effectuée au titre du renouvellement du marché public dans le domaine des analyses génétiques « individus ».

Par ailleurs, la programmation pour 2011 des crédits de fonctionnement courant s’inscrit dans un plan de rationalisation des moyens (3). Les cours d’appel ont été invitées à adhérer aux dispositifs d’achats mutualisés existants ou qui seront mis en place, pour obtenir les économies attendues. Le renforcement de la politique d’optimisation des achats devrait permettre de respecter, hors mesures nouvelles et hors inflation, l’objectif interministériel de baisse des dépenses de fonctionnement de 5 % sur l’exercice 2011.

En outre, 52,7 millions d’euros en crédits de paiement ont été inscrits pour financer les mesures liées à la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire, notamment son volet immobilier.

Enfin à compter du 1er janvier 2011, cette action ne comprendra plus la subvention pour charges de service public allouée à l’Établissement public du palais de justice de Paris. En effet, la tutelle de cet opérateur sera transférée au Secrétariat général du ministère de la justice et des libertés. Les crédits seront inscrits sur le programme « conduite et pilotage de la politique de la justice », ce qui induit un transfert de crédits interne à la mission de 2,5 millions d’euros.

Les crédits de paiement de l’action « Formation » sont en hausse de 2 % en 2010. Cette hausse s’explique par la forte augmentation des dépenses de personnel, liée à la prise en charge des auditeurs de justice. En effet, les crédits de masse salariale correspondant, transférés dans le programme, s’élèvent à 17,3 millions d’euros.

En revanche, les crédits de fonctionnement de cette même action connaissent une augmentation de 3,7 %.

La subvention pour charges de service public accordée à l’École nationale de la magistrature s’élève à 24,48 millions d’euros en crédits de paiement. L’augmentation des ressources allouées à l’École prend en compte la poursuite de la réforme par l’allocation de moyens nouveaux. Par ailleurs, cette dotation tient compte des prélèvements importants effectués récemment sur son fonds de roulement. En conséquence, les ressources de l’école ont été abondées afin de doter l’établissement d’un niveau de trésorerie suffisant, soit deux mois de fonctionnement.

Les crédits consacrés, d’une part à l’École nationale des greffes, et d’autre part à la formation régionalisée, sont évalués respectivement à 4,9 millions d’euros et 2,5 millions d’euros.

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL

1. L’évolution des emplois

a) L’évolution du nombre des équivalents temps plein travaillé

Le programme « Justice judiciaire » comprend 31 018 équivalents temps plein travaillé (ETPT) (contre 29 653 en 2010, 29 295 en 2009, 29 349 en 2008 et 30 301 en 2007), dont 8 785 ETPT de magistrats, 2 889 ETPT de fonctionnaires de catégorie A+ ou A, 8 712 ETPT de fonctionnaires de catégorie B (96 % sont des greffiers) et 10 632 ETPT de fonctionnaires de catégorie C.

Le tableau suivant retrace l’évolution des ETPT du programme par catégories d’emplois :

ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN

 

Plafond LFI 2010

Plafond PLF 2011

Variation

Magistrats de l’ordre judiciaire

8 282

8 785

+ 503

Personnels d’encadrement

2 241

2 889

+ 648

Personnel de greffe, d’insertion et éducatifs (catégorie B+)

8 107

8 343

+ 236

Personnels administratifs et techniques de catégorie B

254

369

+ 115

Personnels administratifs et techniques de catégorie C

10 769

10 632

– 137

Total

29 653

31 018

+ 1 365

Source : projet annuel de performances pour 2011

Derrière la hausse apparente du nombre des emplois du programme, se cache, en fait, une variation due à l’imputation technique de 1 126 équivalents temps plein.

Dans le cadre de la mise en place de l’application Chorus, le plafond du programme « Justice judiciaire » a, en effet, été ajusté de 1 126 ETPT supplémentaires au titre des « non titulaires non indiciés ». Auparavant, le décompte en ETPT de ces agents était effectué par l’outil de décompte des emplois (ODE) de l’application India. La traduction en ETPT était calculée, par convention, en rapportant la rémunération brute de ces agents à la valeur moyenne ministérielle brute des ETPT indicés.

Ainsi, en moyenne, un juge de proximité décomptait 0,61 ETPT, un assistant de justice 0,27 ETPT et un contractuel saisonnier 0,51 ETPT. A contrario, un contractuel de catégorie A consommait, en moyenne, 1,4 ETPT.

Avec le nouveau mode de décompte intégré dans l’application Chorus, ces personnels compteront chacun pour un ETPT. Aussi, l’ajustement de 1 126 ETPT supplémentaires permettra-t-il de maintenir les effectifs de ces personnels nécessaires au bon fonctionnement de la justice judiciaire, sans conduire à des recrutements supplémentaires.

Compte tenu de cet ajustement technique, il reste donc une augmentation de 239 ETPT qui s’explique de la manière suivante :

— 28 ETPT sont transférés au programme « Administration territoriale » dans le cadre de la réforme de la procédure de naturalisation ;

—  3 ETPT sont transférés au programme « Coordination du travail gouvernemental » au profit de l’institut national des hautes études de la sécurité et de la justice ;

—  76 ETPT de magistrats sont supprimés ;

—  399 ETPT de greffiers sont créés ;

—  196 ETPT de fonctionnaires de catégorie C sont supprimés.

Au total, ces trois dernières mesures ont pour effet de faire progresser le plafond d’emplois, à périmètre constant, de 127 ETPT.

b) L’analyse des entrées et des sorties

Le tableau des entrées et sorties présenté dans le projet annuel de performances prévoit effectivement que 127 ETPT supplémentaires seront ouverts en 2011. Ce chiffre résulte du solde entre les entrées et les sorties.

Ÿ  Au titre des départs de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :

– 236 magistrats de l’ordre judiciaire, dont 226 départs en retraite ;

– 78 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A), correspondant uniquement à des départs en retraite ;

– 350 fonctionnaires de la catégorie B+ (greffiers), correspondant uniquement à des départs en retraite ;

– 450 fonctionnaires de catégorie C, correspondant uniquement à des départs en retraite .

Au total, le ministère anticipe que 1 114 agents quitteraient leurs fonctions au cours de l’année 2011, dont 1 104 départs en retraite.

Ÿ  Au titre des entrées de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :

– 160 magistrats de l’ordre judiciaire ;

– 78 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A) ;

– 749 fonctionnaires de catégorie B+ (greffiers) ;

– 254 fonctionnaires de catégorie C.

c) Les effectifs de magistrats et de fonctionnaires

S’agissant des effectifs de magistrats, le tableau suivant montre une progression constante des effectifs depuis 2002 :

ÉTAT DES EFFECTIFS (ETPT) DE MAGISTRATS
(au 1er septembre 2010)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

A – Magistrats en détachement

226

221

245

218

221

228

217

215

247

B – Magistrats en congé de longue durée

17

16

21

20

25

16

21

15

19

C – Magistrats en congé parental

19

21

15

7

11

13

15

15

12

D – Magistrats en disponibilité

76

77

79

71

80

88

90

83

83

E – Magistrats en activité

6 952

7 206

7 382

7 586

7 718

7 950

8 113

8 208

8 187

F – Magistrats maintenus en activité en surnombre

53

49

50

47

50

45

51

61

71

G  Effectifs réels des magistrats en activité (E+F)

7 005

7 255

7 432

7 633

7 768

7 995

8 164

8 269

8 258

Source : ministère de la Justice

En ce qui concerne les fonctionnaires des services judiciaires, le tableau suivant montre l’évolution des effectifs depuis 2004 :

ÉVOLUTION DEPUIS 2004 DES EFFECTIFS RÉELS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES

Catégories de fonctionnaires

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (1)

Greffiers en chef

1 805

1 775

1 843

1 839

1 785

1 797

1 824

Greffiers

8 724

8 904

8 753

8 762

8 772

8 875

8 782

secrétaires administratifs

       

168

166

340

Personnel de catégorie C (2)

10 767

10 881

11 595

11 575

11 317

11 342

11 161

Total

21 296

21 560

22 191

22 176

22 042

22 180

22 107

(1) Situation au 1er juillet 2010

(2) Personnel de bureau et personnel technique

Source : ministère de la Justice

Ce tableau permet de constater que le nombre de greffiers en chef en poste en 2010 augmente de nouveau pour atteindre un niveau voisin à celui de 2007. Il convient aussi d’observer la stabilisation globale des effectifs de greffiers depuis 2004. C’est ainsi que les effectifs de 2010 sont à peine supérieurs à ceux observés en 2008. Enfin, les effectifs réels de fonctionnaires de catégorie C ont baissé, depuis 2006, de 3,6 %.

Cette tendance à la baisse des effectifs de fonctionnaires de catégorie C devrait se poursuivre puisque cette catégorie devrait perdre 196 ETPT en 2011 (soit deux fois plus qu’en 2010). Or, les syndicats de fonctionnaires entendus, toutes catégories confondues, ont de nouveau souligné la nécessité de recruter des fonctionnaires de catégorie C.

Si votre rapporteur salue les mesures permettant aux personnels de catégorie C de pouvoir accéder au corps des secrétaires administratifs, de catégorie B, il observe que les fonctions accomplies par les fonctionnaires de catégorie C doivent toujours être assumées.

d) La stabilisation du rapport entre magistrats et fonctionnaires

Le tableau suivant présente les effectifs des magistrats et des fonctionnaires ainsi que l’évolution du ratio entre magistrats et fonctionnaires depuis 1999 (les effectifs sont arrêtés au 1er juillet de chaque année) :

ÉVOLUTION DEPUIS 1999 DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES ET DES MAGISTRATS (en poste au 1er juillet)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Magistrats

6 327

6 539

6 846

7 144

7 294

7 434

7 525

7 891

7 950

8 113

8 195

8 185

Fonctionnaires

17 819

17 966

18 172

18 665

19 125

19 757

19 841

20 057

20 107

20 285

20 205

20 064

Ratio

2,82

2,75

2,65

2,62

2,62

2,66

2,63

2,54

2,53

2,50

2,46

2,45

Source : ministère de la Justice

Le nombre de fonctionnaires retenu dans le tableau précédent ne prend en compte que les greffiers en chef, les greffiers et les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l’exclusion donc des agents de catégorie C chargés de fonctions techniques.

Votre rapporteur ne peut que déplorer la dégradation, jusqu’en 2010, du ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires, alors que les missions confiées à la justice ont été, depuis 1998, profondément alourdies. Il constate que ce ratio est passé sous le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat puisqu’il est de seulement 2,45 en 2010.

Il semble que ce ratio repassera le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat en 2011 et votre rapporteur s’en félicite. Cette situation s’explique à la fois par la forte augmentation des effectifs de greffier et la baisse du nombre des magistrats.

Il insiste donc sur le fait qu’un magistrat ayant besoin de concentrer sur ses missions, les fonctionnaires des services judiciaires doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Il rappelle que, sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision et que les fonctionnaires et les magistrats forment une équipe dont tous les acteurs sont indispensables.

Par ailleurs, votre rapporteur a souhaité connaître le ratio entre les magistrats et les greffiers dans les juridictions. Ces données figurent dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES MAGISTRATS ET DES GREFFIERS AFFECTÉS AUPRÈS DE MAGISTRATS

 

2006

2007

2008

2009

2010

Magistrats

7 891

7 950

8 113

8 195

8 185

Greffiers affectés auprès de magistrats

6 915

6 942

7 012

7 059

7 079

Ratio

0,87

0,87

0,86

0,86

0,86

Source : ministère de la Justice

Il convient de préciser que le nombre de magistrats présenté dans le tableau précédent correspond aux personnes physiques en activité au 1er juillet 2010. De même, le nombre de greffiers ne prend en compte que les greffiers affectés dans des services travaillant en liaison directe avec des magistrats à cette même date.

Seul le très fort dévouement au service public des fonctionnaires permet de maintenir l’équilibre fragile dans lequel se trouvent les juridictions. Il se félicite donc de la perspective que ce ratio puisse atteindre 0,92 greffier par magistrat en 2011. La garde des Sceaux a ainsi évoqué, lors de son audition par la commission des Lois le 19 octobre dernier la « quasi parité » entre greffiers et magistrats.

2. L’évolution des traitements et des primes

Le total des crédits de personnel prévus pour la justice judiciaire atteint 1 939,6 millions d’euros (– 0,6 %) répartis de la manière suivante :

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PERSONNEL DEMANDÉS

(en millions d’euros)

 

2010

2011

Magistrats

919,7

979,0

Fonctionnaires d’encadrement

149,3

157,5

Fonctionnaires de catégorie B+

416,9

423,0

Fonctionnaires de catégorie B

11,6

16,0

Fonctionnaires de catégorie C

442,1

424,2

Total

1 939,6

 

Source : projets annuels de performances pour 2010 et pour 2011

a) L’évolution du régime indemnitaire des magistrats

Après avoir été fortement réévalués de 1988 à 1996 – les mesures inscrites en lois de finances pour 1988, 1990, 1991, 1994, 1995 et 1996 ont permis de faire passer le taux indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire de 19 % en 1987 à près de 37 % en 1996 –, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés de 1997 à 2002, alors que dans le même temps les régimes indemnitaires des magistrats de l’ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives. Afin d’assurer aux magistrats de l’ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions de service qui sont les leurs, le ministère de la Justice a engagé dès 2003 un effort significatif de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières.

Cette revalorisation s’est accompagnée, depuis le 1er janvier 2004, d’une nouvelle modification du régime indemnitaire des magistrats par une série de textes publiés au Journal officiel du 30 décembre 2003 comportant notamment l’instauration d’une modulation partielle de ce régime. En effet, le 1er octobre 2004, la part modulable a été revalorisée de 4 %. Cette part a été à nouveau revalorisée de 1 % à compter du 1er octobre 2005 par des arrêtés du 8 septembre 2005.

La prime modulable est attribuée aux magistrats concernés en fonction de leur contribution au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions dans les juridictions du premier degré ou pour les magistrats de cours d’appel, l’attribution de cette prime modulable est gérée de manière déconcentrée au niveau des cours d’appel. Elle repose sur l’identification d’enveloppes régionales par cour d’appel, distinguant le siège et le parquet, réparties par décision de chaque chef de cour au profit des magistrats du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l’autorité duquel est placé le magistrat pour ceux affectés dans une juridiction du premier degré. Les enveloppes régionales sont globales et ne peuvent faire l’objet d’une subdélégation. Le taux moyen de cette prime est fixé à 9 % du traitement indiciaire brut et le taux maximal d’attribution individuelle à 15 %. Le taux de la prime modulable versée aux chefs des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel ainsi qu’à l’inspecteur général des services judiciaires et au directeur de l’École nationale des greffes, est fixé à 9 %. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions à la Cour de cassation, le taux moyen est de 14 % et le taux maximal de 20 %.

Le montant global annuel de la prime modulable atteint 34,95 millions d’euros pour l’ensemble des budgets opérationnels de programmes du programme : « Justice judiciaire », selon les dernières informations transmises à votre rapporteur.

Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en faveur des magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des fonctions de responsabilité supérieure a été mise en œuvre par le décret n° 2004-676 du 5 juillet 2004 et son arrêté d’application du même jour. Sont concernés, à la Cour de cassation, les chefs de juridiction, les présidents de chambre et les premiers avocats généraux, les doyens de chambre et les magistrats chargés du secrétariat général. De plus, sont également concernés les chefs de cour d’appel ainsi que les magistrats chargés du secrétariat général des cours d’appel de Paris et Versailles, les chefs des 12 tribunaux de grande instance les plus importants et le directeur de l’école nationale des greffes. Au total, 117 magistrats bénéficient de cette première phase de mise en œuvre de la NBI. Le décret du 7 décembre 2006 – et son arrêté du même jour – a permis d’attribuer une NBI à 179 magistrats supplémentaires.

En 2009, ce sont donc 296 magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des responsabilités supérieures qui bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire, pour un coût annuel de 1,8 million d’euros. Son montant devrait être de 1,84 million d’euros en 2011.

Dès son entrée en fonction, l’actuel garde des Sceaux a souhaité réévaluer le montant de l’indemnisation des astreintes qui ne l’avait pas été depuis 2002. Un arrêté du 3 mars 2010 a donc porté le montant perçu par les magistrats concernés de 30 à 40 euros par astreinte de jour les samedis, dimanches et jours fériés et a relevé le plafond mensuel de cette indemnité.

En outre, afin d’assurer aux magistrats un régime indemnitaire à la hauteur des importantes responsabilités et sujétions qui sont les leurs, la chancellerie mène actuellement une réflexion en vue d’une simplification et d’une revalorisation du dispositif indemnitaire.

C’est ainsi, notamment, que le taux de la prime modulable pourrait être augmenté dès l’année 2011, suivant le niveau de responsabilité des magistrats et leur investissement dans leurs fonctions. Une dotation de 3,3 millions d’euros a été prévue à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2011.

b) L’évolution du régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires

Le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n’a pas évolué depuis 2001, malgré plusieurs demandes de revalorisation – dans le cadre de la préparation des projets de lois de finances – présentées par le ministère de la Justice, mais qui ont fait l’objet d’arbitrages interministériels défavorables. Le régime indemnitaire des fonctionnaires de catégorie C n’a pas été revalorisé depuis 2006.

En application du décret n° 2005-1602 du 19 décembre 2005, les greffiers en chef et les greffiers perçoivent une indemnité forfaitaire de fonction (IFF) fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade. Le taux indemnitaire moyen de ces deux corps n’a pas été revalorisé depuis 2001. Il a même diminué pour les greffiers, lors de la mise en œuvre de la réforme statutaire en 2003. En effet, la transformation de la structure de ce corps (deux grades au lieu de trois) a entraîné une modification de l’indice réel moyen par grade. Cependant, cette baisse du taux indemnitaire n’a pas entraîné de diminution des montants individuels servis.

En application du décret n° 2005-1603 du 19 décembre 2005, les fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires bénéficient d’une indemnité spéciale fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade, dont le taux moyen a été régulièrement valorisé. Une augmentation de 2 points du taux indemnitaire avait été demandée par le ministère de la Justice, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, au bénéfice de l’ensemble des personnels de catégorie C. Les arbitrages interministériels rendus ont permis de revaloriser d’un point ce taux indemnitaire. La mesure nouvelle obtenue au titre de l’année 2006 a permis de faire passer le taux moyen de l’indemnité spéciale servie aux fonctionnaires de catégorie C à 24 %.

Le régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires a été modifié en 2005, afin de permettre à ceux-ci de bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnité complémentaire à raison d’attributions spécifiques qui peuvent leur être confiées. Si les conditions de son attribution sont réunies, l’indemnité complémentaire s’ajoute à l’IFF actuellement attribuée aux greffiers en chef et aux greffiers et à l’indemnité spéciale allouée aux fonctionnaires de catégorie C.

L’indemnité complémentaire est attribuée :

– aux fonctionnaires qui exercent à titre habituel leurs fonctions dans un service spécialisé dans la poursuite ou l’instruction des infractions terroristes. Le montant mensuel maximal de l’indemnité complémentaire « antiterroriste » serait de 90 euros pour l’ensemble des fonctionnaires concernés, quel que soit leur grade, les personnels de ces services étant exposés au même risque ;

– et aux fonctionnaires qui exercent par intérim la fonction de chef de greffe, lorsque l’emploi afférent à cette fonction est vacant et que le fonctionnaire est d’un grade inférieur à celui de l’emploi vacant. Le montant mensuel de cette indemnité complémentaire serait fixé à 70 euros sauf pour les greffiers en chef du premier grade assurant l’intérim d’un emploi de chef de greffe hors hiérarchie, pour lesquels il s’élèverait à 110 euros eu égard à l’importance des responsabilités exercées.

Par ailleurs, le ministère de la justice avait souhaité mettre en œuvre en 2007 une politique indemnitaire modulable concernant les fonctionnaires des services judiciaires. Selon les informations transmises à votre rapporteur, la modulation indemnitaire vise à valoriser la performance d’un fonctionnaire, telle qu’elle est appréciée dans le cadre des procédures d’évaluation et de notation, selon les termes même d’une circulaire de 2008 (4).

Sont exclus de ce dispositif les agents dont les résultats professionnels peuvent être objectivement considérés comme peu ou pas performants (écart au mérite négatif, égal à zéro, inférieur à celui de 2007, inférieur ou égal à un seuil dont la performance n’est pas avérée). Le pourcentage d’agents ne pouvant bénéficier de cette modulation s’élève à 10,64 %. Trois niveaux de performance ont été retenus pour chacun des corps : « excellent », « très bon » et « bon », chaque niveau correspondant à un taux de modulation indemnitaire différent. La répartition des agents entre chaque niveau sera effectuée sur la base de 20 % des agents d’un même corps dans le niveau « excellent », 30 % dans le niveau « très bon » et 50 % dans le niveau « bon ».

Par ailleurs, il est prévu de mettre en place une prime de fonctions et de résultats (PFR) qui s’inscrit dans une démarche de révision indemnitaire. Cette démarche vise à simplifier l’architecture indemnitaire afin de la rendre plus cohérente, plus souple et plus transparente et à accroître l’efficacité managériale à travers une facilité de pilotage pour l’employeur et une lisibilité accrue pour l’agent. Elle permet d’assurer une reconnaissance du mérite et de la performance individuelle ou collective des agents.

La prime de fonction et de résultats a vocation à s’appliquer aux corps et emplois de la filière administrative. Cette mise en place nécessitera que soit préalablement tranchée la question de l’appartenance des corps de greffier en chef et de greffier à la filière administrative.

Votre rapporteur constate que le montant perçu par les fonctionnaires concernés est sans commune mesure avec les primes perçues par les magistrats. Il souhaite donc que ces indemnités soient très significativement revalorisées. Les responsabilités des magistrats et des fonctionnaires n’étant pas de même nature, il ne s’agirait pas d’aligner les primes de ces derniers sur celles des magistrats. Il convient cependant de veiller à ce que l’écart de rémunération ne s’accroisse pas.

L’effort consenti en faveur des catégories B et C n’est pas à la hauteur du rôle joué par les corps concernés dans le fonctionnement des juridictions. L’amélioration du service public de la justice est l’affaire de tous les personnels, qu’ils soient magistrats ou fonctionnaires.

B. LA PROGRESSION PERSISTANTE DES FRAIS DE JUSTICE

Les années 2007, 2008 et 2009 sont marquées par une montée significative du montant des frais de justice. Pourtant, les efforts accomplis par le ministère de la justice avaient permis de diminuer de 22 % les frais de justice au cours de l’exercice 2006. Il est vrai que la modification du périmètre des frais de Justice depuis 2006 rend délicate la comparaison avec les exercices suivants.

Outre les révisions de tarifs en matière de téléphonie et d’empreintes génétiques engagées par les services de l’administration centrale du ministère de la justice, la baisse considérable, sur la décennie, de la dépense de frais de justice trouve son origine dans la mise en œuvre d’un plan de maîtrise qui s’est traduit concrètement par la mise en place de structures dédiées, le développement d’action de formation et de sensibilisation, la création d’outils de suivi et d’analyse et les changements de comportement des magistrats prescripteurs. Enfin, le ministère de la justice s’attache aujourd’hui à adapter le circuit d’exécution des dépenses de frais de justice.

De 2002 à 2005, la dépense globale en frais de justice a progressé de 68 %. Sur la même période, les frais de justice pénale ont globalement augmenté de 82 %. L’année 2006 a marqué une rupture avec cette tendance structurelle à la hausse.

Depuis 2007, la dépense progresse à nouveau. Elle est passée successivement de 388,6 millions d’euros en 2007, à 401,7 millions d’euros en 2008 (+ 3,4 %) et à 432,5 millions d’euros en 2009 (+ 7,7 %). L’augmentation de la dépense affecte principalement des postes liés à l’action pénale et à la sous-action commerciale.

Les frais de justice pénale sont la composante essentielle des frais de justice (68 % du volume global, soit un peu plus de 293 millions d’euros en 2009, en hausse de 8,8 %). même si leur part a diminué sur la période 2004-2009
(- 8,4 %).Les frais de justice en matière commerciale (36 millions d’euros) constituent désormais une composante des frais de justice plus importante que les frais de justice en matière civile (23 millions d’euros).

Cette évolution correspond, pour partie, à une modification de la nomenclature budgétaire, consécutive de l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. En effet, les frais postaux relevant des frais de justice sont désormais imputés sur l’action « Soutien ». Or, ils représentaient près de 60 % des dépenses de frais de justice en matière civile et prud’homale. Par ailleurs, la présentation de la nouvelle nomenclature budgétaire ne permet plus de distinguer les différentes composantes des dépenses en matière commerciale.

Les prévisions de consommation de crédits pour 2010, transmises à votre rapporteur, sont inquiétantes. En effet, au 31 août, le niveau de la dépense correspond à 80,5 % des crédits délégués.

Votre rapporteur rappelle qu’il a souligné, dans son rapport d’information budgétaire précité, que dans le ressort de plusieurs cours d’appel, les juridictions risquent très prochainement – voire sont déjà – dans l’impossibilité d’honorer des factures.

Le tableau suivant présente l’évolution des frais de justice depuis 2004, les frais postaux, figurant à l’action « Soutien » et non ventilés par catégorie étant présentés dans la ligne « Autres frais de justice » :

ÉVOLUTION DES FRAIS DE JUSTICE DEPUIS 2004

(en millions d’euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Frais de justice pénale

320,2

376,7

262,4

262,4

269,5

293,4

Frais de justice en matière civile et prud’homale

56,5

60,6

23,0

23,0

24,0

23,1

Frais de justice commerciale

30,1

37,5

23,2

23,2

30,3

36,0

Autres frais de justice

12,3

12,6

70,8

70,8

77,9

80,1

Total frais de justice

419,1

487,4

379,4

379,4

401,7

432,5

Source : ministère de la Justice

1. L’exécution des crédits en 2010

Globalement, 392,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement (contre 409 millions d’euros en 2010) et 393,3 millions d’euros de crédits de paiement avaient été ouverts en 2010 pour l’ensemble des frais de justice.

Compte tenu de la réserve de précaution (17,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18 millions d’euros en crédits de paiement) et de la réserve complémentaire constituée au titre du dispositif « État exemplaire » (0,6 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement), les crédits disponibles en début de gestion, étaient de 374,7 millions d’euros tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Au sein de cette enveloppe disponible, 13,5 millions d’euros ont été mis en réserve afin de financer le transfert de crédits au ministère de la santé et des sports, pour la mise en œuvre, au cours du dernier trimestre de 2010, de la réforme de la médecine légale. Il s’agit de financer les structures hospitalières, en lieu et place des paiements à l’acte.

Le dégel de la réserve de précaution du programme « Justice judiciaire » a été obtenu, le 4 février 2010, à hauteur de 17,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18 millions d’euros en crédits de paiement.

La levée de la réserve « État exemplaire », à hauteur de 0,6 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, le 25 août 2010, réduit le montant de la réserve de précaution actuelle à 11 186 euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, les reports crédités au programme « Justice judiciaire » ont été affectés, à l’exception de ceux dédiés au financement d’opérations immobilières spécifiques, au paiement des charges à payer de frais de justice, soit 16,6 millions d’euros en crédits de paiement.

Les autorisations d’engagement ouvertes en loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 (79,4 millions d’euros), destinées à assurer la couverture des engagements juridiques antérieurs à 2009 sans affectation correspondante, ont été mises à disposition du programme. Une partie de ces autorisations d’engagement a d’ores et déjà été allouée. La somme de 62,8 millions d’euros en autorisations d’engagement restant à allouer sera répartie entre les BOP dans le cadre de la sixième modification de programmation budgétaire. La répartition de ces crédits a été retardée en raison des difficultés de transition vers l'application Chorus.

Des mesures de fongibilité au sein des crédits du programme ont été réalisées afin d’ajuster la dotation mise à disposition des cours d’appel en matière de frais de justice. Ces opérations ont permis d’abonder la dotation ouverte de 9,1 millions d’euros en crédits de paiement.

Au total, l’enveloppe des crédits destinés au paiement des frais de justice s’élève fin août à 481,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 419 millions d’euros en crédits de paiement.

La consommation des crédits au 31 août 2010 s’élève à 327,89 millions d’euros contre 308 millions d’euros à la même période en 2009, soit une hausse de 6,5 %. À la même date, le niveau de la dépense correspond à 80,5 % des crédits délégués (406,97 millions d’euros).

Cette progression traduit les premiers effets de la généralisation, en 2010, des services centralisateurs dans l’ensemble des tribunaux de grande instance, qui permet aussi de réduire le délai de traitement des mémoires et donc augmente, à court terme, le volume de la dépense. Elle traduit aussi les effets du recensement exhaustif des mémoires de frais de justice au titre de la clôture des comptes de l’État en 2009, qui a permis de renforcer la résorption des stocks de mémoires en attente dans les services et généré, de ce fait, une accélération, par rapport aux exercices antérieurs, du rythme des paiements en début de gestion 2010.

Enfin, un décret d’avance, publié au Journal officiel le 30 août 2010, abonde de 30 millions d’euros (en autorisations d’engagement et crédits de paiement) la dotation de frais de justice du programme.

2. L’évolution des principaux postes de frais de justice en matière pénale

Le tableau suivant présente l’évolution des principaux postes de dépenses de frais de justice en matière pénale :

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX POSTES DES FRAIS DE JUSTICE EN MATIÈRE PÉNALE

(en millions d’euros)

Nature de dépenses

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Évolution 2004/2009

Évolution 2008/2009

Frais médicaux (hors génétique à partir de 2005)

77,0

70,3

61,4

65,0

72,3

75,1

-2,4 %

3,9 %

Analyses génétiques

ND

23,9

20,5

16,8

17,5

20,9

-12,5 %

19,1 %

Traduction interprétariat

13,9

15,0

13,2

14,2

15,1

24,5

75,9 %

61,9 %

Frais d’huissiers

14,3

14,5

14,3

14,5

15,1

15,3

6,5 %

1,4 %

Réquisitions opérateurs (hors location matériel)

66,0

69,1

38,3

34,6

33,3

33,0

-50 %

-0,9 %

Enquêtes sociales rapides, de personnalité, contrôle judiciaire

10,7

20,3

19,8

21,0

22,6

22,7

111,2 %

0,4 %

Frais en matière de scellés

19,8

26,9

18,3

17,1

15,2

15,2

-23,2 %

0,1 %

Total frais de justice pénale

201,8

240,0

185,9

183,2

191,1

206,7

-5,3 %

+8,2 %

Source : ministère de la Justice

—  Parmi ces dépenses, deux catégories connaissent une stabilisation.

Les frais liés aux réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications sont en baisse depuis 2006. La hausse constatée en 2005 (+ 12,9 %) était déjà bien moindre que celle constatée sur les dernières années (plus de 50 % en 2002 et 2004). Dès la fin de l’année 2005, les négociations menées avec les opérateurs et les sociétés de locations de matériel d’enregistrement d’écoutes téléphoniques se sont traduites par d’importantes baisses de tarifs. De plus, l’arrêté du 22 août 2006, pris en application de l’article R. 213-1 du code de procédure pénale et qui fixe les tarifs applicables conformément au principe de « juste rémunération », a permis des économies significatives. Cette dépense qui s’élevait à 69,1 millions d’euros en 2005, ne représentait plus que 33,25 millions d’euros en 2008 et 33 millions d’euros en 2009.

Une analyse des coûts de mise en œuvre des réquisitions a été menée par le conseil général de l'industrie, de l’énergie et des technologies avec les opérateurs de communications électroniques. L’objectif de cette opération est à la fois de réduire les coûts de prestations déjà tarifées et de tarifer des prestations qui ne le sont pas encore (comme la géolocalisation). Des propositions tarifaires ont été présentées par le conseil général. Elles sont en cours d’analyse par le ministère de la justice, en vue d’une entrée en vigueur en 2011.

Les frais d’enquêtes sociales rapides, d’enquêtes de personnalité et de contrôle judiciaire n’ont progressé que de 0,4 % en 2009, pour une dépense de 22,7 millions d’euros. Cette situation s’explique par l’application des dispositions du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 qui, sans procéder à une revalorisation des tarifs, a arrondi les montants de ceux-ci dans un souci de simplification.

Les frais de gardiennage et de scellés sont en légère hausse de 0,1 %. Un audit de modernisation sur la gestion des scellés, conduit en 2007, a conclu à la nécessité d’instaurer un contrôle effectif de la durée de garde des véhicules en fourrière et de généraliser leur vente durant l’instruction. L’application des préconisations de cet audit a permis une stabilisation de la dépense.

—  Les autres catégories de dépenses connaissent des hausses parfois extrêmement fortes.

Les frais médicaux sont le premier poste des frais de justice pénale. La dépense est passée de 65,0 millions d’euros en 2007 à 72,31 millions d’euros en 2008 et à 75,1 millions d’euros en 2009, soit une hausse de 3,9 % en un an et de 15,5 % sur deux ans. Ils comprennent les honoraires et les indemnités alloués pour la réalisation d’examens psychiatriques, médico-psychologiques ou psychologiques, les honoraires et indemnités alloués pour des examens toxicologiques, biologiques ou radiologiques, ainsi que les honoraires et indemnités alloués pour autres examens médicaux.

Si ces dépenses baissaient entre 2003 et 2006, elles ont de nouveau augmenté en 2007 de 5,8 %. Ces frais font pour la plupart l’objet d’une tarification par le code de procédure pénale mais les revalorisations successives de la « lettre C » (consultation d’un médecin généraliste) intervenue au 1er août 2006 et au 1er juillet 2007 ont conduit à augmenter le tarif de certaines prestations majeures en matière de frais de justice (examen médical de garde à vue, examen médical des victimes avec fixation de l’incapacité temporaire de travail).

La progression des frais d’interprétariat et de traduction est de 61,8 % entre 2008 et 2009 (24,4 millions d’euros) du fait de l’internationalisation croissante de la délinquance pénale et de la forte augmentation des procédures impliquant des étrangers. La très forte progression de ce poste de dépense s’explique par les revalorisations tarifaires prévues par le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et son arrêté d’application du 2 septembre 2008. En effet, ces textes ont non seulement revalorisé le tarif de l’heure d’interprétariat, mais aussi introduit des majorations pour la première heure d’interprétariat (+ 40 %) et pour les missions de nuit, de week-end et les jours fériés.

La passation de marchés publics portant sur la réalisation d’analyses génétiques effectuées sur les individus aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a permis d’obtenir une baisse considérable du tarif unitaire de ces analyses. Cette mise en concurrence a également eu un effet général sur les prix pratiqués par les laboratoires publics et privés et a permis une baisse de cette dépense de 26,6 % entre 2004 et 2008. Cependant, ces frais ont connu une hausse de 19,1 % en 2009 (20,8 millions d’euros) correspondant principalement au développement des analyses génétiques effectuées sur les traces.

La dépense relative aux frais d’huissiers passe de 15,06 millions d’euros en 2008 à 15,3 millions d’euros en 2009. Cette hausse de 1,3 % résulte de la revalorisation des tarifs alloués aux huissiers audienciers en application du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007.

Les frais de location de matériel d’interception ont progressé de 31,6 % entre 2008 (16,9 millions d’euros) et 2009 (22,3 millions d’euros). La progression significative de ce poste est liée au perfectionnement de ce matériel et à l’augmentation du nombre des interceptions judiciaires. Il convient de souligner que les frais de location de matériel ne sont pas tarifés, mais qu’ils ont vocation à disparaître à terme, dans la perspective de la mise en place de la plate-forme nationale aux interceptions judiciaires, prévue au cours de l’année 2012.

3. Les crédits demandés pour 2011

Les crédits demandés pour 2011 s’élèvent à 460 millions d’euros, soit 65 millions d’euros de plus que le montant figurant dans le projet de loi de finances pour 2010.

Le ministère de la justice indique que ce montant tient compte des évolutions constatées depuis 2008. Par ailleurs, cette dotation doit permettre de supporter l’effet de la revalorisation tarifaire des enquêtes sociales prévue en 2011 et estimé à environ un million d’euros. La dotation allouée permettra également le financement des dépenses induites par l’application de la réforme de la médecine légale (54,2 millions d’euros), qui prend effet au dernier trimestre 2010, et par le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (15,2 millions d’euros). De même, elle comprend les dépenses correspondant à la part employeur des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (30 millions d’euros), dans la mesure où ce dispositif concerne majoritairement des collaborateurs occasionnels réalisant des prestations relevant de l’activité pénale.

C. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

1. L’activité judiciaire civile

Le tableau suivant présente, de manière synthétique, l’activité judiciaire observée en 2009 :

L’ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2009

Juridictions

Affaires nouvelles

Évolution par
rapport à 2007

Affaires terminées

Durée moyenne
de traitement

Cour de cassation

16 617

+3,6 %

20 402

NC

Cours d’appel

230 619

+1,5 %

229 323

12 mois

Tribunaux de grande instance

948 665

+2,9 %

934 479

7,1 mois

Tribunaux d’instance

675 347

+4,7 %

636 253

5,4 mois

Sources : Répertoire général civil et rapport annuel de la cour de cassation.

a) La Cour de cassation

Le nombre d’affaires civiles nouvelles (19 617) portées devant la Cour de cassation a progressé en 2009 de 3,6 %. La Cour a rendu 20 402 décisions, soit 9,2 % de plus qu’en 2008.

La procédure de filtrage institué par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de cassation de déclarer « non admis » les pourvois « irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ». Depuis 2002 les affaires en « non-admissions » viennent diminuer à la fois les rejets et les irrecevabilités. En 2009, un nombre d’affaires stable – 3 955 – se termine ainsi, soit près d’une décision rendue sur cinq.

Les cassations ont augmenté en 2009 (+ 5,9 %). Elles ont représenté 21,3 % des décisions rendues. Si l’on ramène ce chiffre aux seules affaires soumises à la chambre, les cassations représentent alors près de 26,4 % des décisions. Les rejets de pourvois représentent 25,2 % de l’ensemble des affaires.

b) Les cours d’appel

Le nombre d’affaires portées en appel est en augmentation de 1,5 % en 2009. Si l’on examine les juridictions qui sont à l’origine des décisions appelées, on constate que la hausse est générale mais particulièrement nette pour les tribunaux de grande instance, les cours d’appel, les tribunaux paritaires des baux ruraux et les juridictions de l’expropriation.

Pour analyser ces chiffres, il convient d’observer si l’évolution des affaires nouvelles des cours d’appel est un simple corollaire de la variation de l’activité des juridictions de première instance, ou s’il s’y superpose une évolution de la propension des justiciables à faire appel.

Le taux d’appel contre les décisions des tribunaux d’instance et des conseils de prud’hommes est en baisse bien que le nombre d’affaires traitées par ces juridictions soit en hausse. En revanche, les taux d’appel progressent contre les décisions des tribunaux de grande instance.

S’agissant des affaires terminées, le mouvement de forte hausse observé en 2008 est interrompu. Avec 229 323 affaires terminées, l’activité de l’année 2009 connaît une légère baisse d’activité de 0,4 %. Le stock global des estimé à 219 072 affaires âgées en moyenne de 9,9 mois. Au rythme moyen d’évacuation des affaires en 2009, ces affaires en stock dans les cours fin 2009 demanderaient désormais 11,5 mois pour être traitées (contre 12,1 mois l’année précédente).

La durée moyenne des affaires terminées par les cours d’appel en 2009 est stable et s’établit à 12 mois.

c) Les tribunaux de grande instance

Pour l’analyse des statistiques relatives aux tribunaux de grande instance (TGI), il convient de rappeler que, depuis 2004, les données d’activité des TGI comprennent des procédures qui ne faisaient pas auparavant l’objet d’un enregistrement au Répertoire général civil (RGC). Avec la mise en place du nouveau RGC, ces procédures peuvent être identifiées en tant que telles puisqu’elles constituent l’activité de la juridiction au même titre que les affaires traditionnellement prises en compte. Ce changement provoque inévitablement une importante rupture de série en 2004, tant au niveau des flux d’affaires nouvelles et terminées que des durées d’affaires.

En 2009, le nombre d’affaires nouvelles portées devant les TGI s’élève à 948 665 affaires (+ 2,9 %) parmi lesquelles se trouvent 117 190 référés et 143 210 ordonnances sur requête. Après une diminution très lente du nombre d’affaires entre 2000 et 2002, l’année 2003 a connu une hausse sensible du nombre d’affaires nouvelles. À périmètre constant, l’année 2004 avait déjà permis de noter une pause dans cette évolution. En 2005 le nombre d’affaires portées devant les TGI était quasiment stable (+ 0,1 %). En 2006 et 2007, le nombre d’affaires a baissé. Depuis 2008, il augmente légèrement.

En 2009, le nombre d’affaires terminées (934 479) est en hausse de 2,5 %. Son niveau reste inférieur à celui des affaires nouvelles, ce qui provoque une hausse des affaires en cours de plus de 14 000 affaires. Le stock s’établit en fin d’année à 609 690 affaires, âgées en moyenne de 13,4 mois. La hausse des affaires terminées (+ 2,5 %) correspond à une hausse des affaires terminées au fond (+ 2,5 %), des ordonnances sur requête (+ 4,1 %) et des référés (+ 2,9 %).

La durée moyenne de traitement toutes affaires confondues (fond et référé) s’établit à 7,1 mois sachant que cette durée intègre les ordonnances sur requête qui durent en moyenne 10 jours et les référés dont la durée moyenne d’établit à 1,9 mois. La durée des affaires au fond s’établit, en fait, à 9,3 mois (contre 7,8 mois l’année précédente).

Il convient de préciser que 25 % des affaires terminées en 2008 devant les TGI l’ont été en moins de 0,8 mois (notamment les ordonnances sur requête) et 50 % en moins de 3 mois (notamment les référés). À l’opposé, 25 % des affaires terminées l’ont été en plus de 8 mois.

d) Les tribunaux d’instance et les juridictions de proximité

En 2009 les tribunaux d’instance ont été saisis de 675 347 nouvelles affaires, soit 4,7 % de plus qu’en 2008. Le nombre de référés – 77 782 – est en hausse de 2,6 %.

Le nombre d’affaires terminées en 2009 atteint 636 253, en hausse de 3,4 %. Le stock d’affaires restant à traiter au 31 décembre 2009 (570 000 affaires) s’est accru mécaniquement de 40 000 affaires par rapport à l’année précédente. La durée moyenne de toutes les affaires terminées en 2009 par les tribunaux d’instance s’est établie à 5,4 mois, en légère hausse. Les référés sont traités en moyenne en 3,2 mois. Il apparaît que 25 % des affaires terminées par les tribunaux d’instance l’ont été en moins de 2,2 mois, 50 % l’ont été en moins de 3,7 mois et qu’en revanche 25 % des affaires ont été terminées en plus de 6,4 mois.

Si l’on examine l’évolution des principales familles de contentieux civils en 2008, il apparaît que la hausse des affaires nouvelles au fond s’observe principalement sur les régimes de protection et les autres contentieux civils.

En effet, les affaires de protection des personnes (tutelle ou curatelle des majeurs, incapacité des mineurs) enregistrent une très forte hausse (+ 23,4 %) en 2009 qui aboutit au niveau le plus élevé des dix dernières années (plus de 200 000 dossiers). Les demandes ou les actes concernant le fonctionnement ou la clôture de ces régimes augmentent de manière spectaculaire (+ 166,1 %) du fait de l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs qui a prévu que toutes les mesures en cours (c’est-à-dire ouvertes avant le 1er janvier 2009) devraient être revues et révisées dans un délai de cinq ans.

À l’occasion des déplacements effectués dans le cadre de la rédaction de son rapport d’information budgétaire précité, votre rapporteur a pu constater l’ampleur de la difficulté rencontrée par les tribunaux d’instance pour contrôler les comptes de tutelle.

Les affaires nouvelles en matière d’incapacité des mineurs, au nombre de 16 812, baissent de 8,9 % par rapport à 2008.

2. L’activité judiciaire pénale

a) La Cour de cassation

Le nombre d’affaires enregistrées, qui s’était réduit en 2007 pour atteindre 7 963 a progressé de nouveau de 0,7 % pour se fixer à 8 408 en 2009.

Les arrêts de cassation prononcés en matière pénale (534) sont en hausse en 2008, ils ont constitué 6,5 % de l’ensemble des décisions et 15,1 % des seules affaires soumises à la chambre (non-admission exceptée). De leur côté, les rejets de pourvois représentent près de 45,5 % des seules affaires admises.

b) Les cours d’appel

En 2009, les chambres des appels correctionnels ont été saisies de 49 576 affaires, ce qui constitue une baisse de 6 % par rapport à 2008. Avec 51 615 arrêts et ordonnances rendus, le volume des affaires terminées a diminué de 1,4 %. Avec un nombre d’affaires terminées inférieur à celui des affaires nouvelles, le stock d’affaires en cours au 31 décembre a progressé de près de 4 %. Le stock en fin d’année (32 165 affaires) représentait 7,5 mois d’activité. Par ailleurs, le nombre de personnes condamnées a augmenté de 3,9 % et celui des personnes relaxées de 2 %.

En outre, depuis le 1er janvier 2005, les appels contre les décisions des juges de l’application des peines relèvent de la chambre de l’application des peines ou de son président. En 2009, elle a ainsi été saisie de 15 746 affaires (+ 6 %) et a rendu 15 746 décisions (+ 9,3 %) dont plus de la moitié par le seul président de la chambre.

Par ailleurs, les chambres de l’instruction ont rendu 36 091 arrêts, soit une augmentation de 1,2 % par rapport à 2008.

c) Les tribunaux correctionnels

L’ensemble des décisions rendues par les tribunaux correctionnels est en légère hausse en 2009. Le nombre de jugements portant condamnation ou relaxe (341 865) est en baisse de 4,8 % pour la sixième année consécutive. Cette baisse est, en partie, compensée par l’augmentation (+ 9,8 %) des ordonnances pénales délictuelles (139 093) et la montée en puissance plus massive (+ 13,9 %) de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (près de 63 000 procédures).

Au total, 425 376 personnes physiques ont été soit condamnées (397 758), soit relaxées (23 522) ce qui aboutit à un taux de relaxe de 5,5 %, en légère hausse. De même, 2 898 personnes morales ont été, soit condamnées (2 191) soit relaxées (649) ce qui aboutit à un taux de relaxe de 22,4 %. 139 093 ordonnances pénales ont condamné 138 568 personnes et relaxé 525, soit un taux de relaxe extrêmement faible de 0,4 %. Globalement le nombre des personnes condamnées en 2009 – 589 517 – personnes en 2009, a diminué de 8,6 % par rapport à 2008.

Les autres décisions des tribunaux correctionnels (jugements sur intérêts civils essentiellement) sont en hausse de 1 % par rapport à 2008.

Le nombre d’affaires en attente de jugement au 31 décembre de l’année est en forte baisse (166 527 affaires contre 193 166 en 2008).

d) Les tribunaux de police et les juridictions de proximité

Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police se sont stabilisées en 2009, marquant la fin du transfert de compétence vers les juridictions de proximité. Ainsi, 2 162 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police.

Les jugements des quatre premières classes rendus par les tribunaux de police deviennent résiduels (2 162) tandis que les jugements de 5e classe (5), au nombre de 32 295, ont diminué de 5,6 %. Les ordonnances pénales pour les contraventions des quatre premières classes atteignent 1 722 et celles relatives à des contraventions de 5e classe s’établissent à 31 143 en hausse de 2,2 %.

Parallèlement, devant la juridiction de proximité, qui ne traite que des contraventions des quatre premières classes, les poursuites connaissent une baisse de 6,8 % avec 423 835 affaires poursuivies. L’ensemble des affaires traitées par la juridiction de proximité baisse de 11,0 % par rapport à 2008. Cette baisse s’observe autant sur les jugements (– 9,4 %) que sur les ordonnances pénales
(– 11,6 %).

II.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE

Le programme « Accès au droit et à la justice » regroupe les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent quatre volets :

—  l’aide juridictionnelle, qui s’adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s’applique aux procédures, actes et mesures d’exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l’intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ;

—  le développement de l’accès au droit, qui repose sur les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), institués dans 94 départements. Ces groupements d’intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l’inventaire des dispositifs en place et d’impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d’une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d’antennes et de points d’accès au droit ;

—  l’aide aux victimes, qui vise à améliorer la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire, et à rechercher des modalités d’indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s’appuie aujourd’hui sur les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des tribunaux de grande instance, et sur un réseau d’associations d’aide aux victimes, chargées d’accueillir, d’orienter et d’accompagner les victimes.

—  la médiation familiale, que la loi de finances pour 2007 a inscrite dans le périmètre du programme « Accès au droit et à la Justice ». Ces crédits, auparavant inscrits sur le programme « Justice judiciaire », sont destinés au soutien des fédérations nationales et du réseau des associations et services intervenant en ce domaine.

Il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 317,9 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 36,4 millions d’euros par rapport à 2010 (+12,3 %).

Le tableau suivant détaille, par action, l’évolution des crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la Justice » :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

(en millions d’euros)

Actions du programme « Accès au droit et à la Justice »

LFI 2010

PLF 2011

Évolution

Aide juridictionnelle

274,8

312,3

+ 13,6%

Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

6,4

6,0

- 6,3 %

Aide aux victimes

11,0

10,4

- 5,5 %

Médiation familiale et espaces de rencontre

2,6

2,6

0,0 %

Total

294,9

331,3

+ 12,3%

Source : projet annuel de performances pour 2011

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE

La commission de réflexion sur les professions juridiques et judiciaires, présidée par Maître Jean-Michel Darrois, a remis son rapport au Président de la République le 8 avril 2010.

Les premiers échanges avec les membres du conseil national de l'aide juridique, le conseil national des barreaux et le ministère chargé du Budget, permettent d'intégrer dans le projet de loi de finances des mesures de maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle.

1. La progression des crédits

Le projet de loi de finances prévoit d’allouer 312,3 millions d’euros au dispositif d’aide juridictionnelle.

Les dotations aux CARPA pour la rétribution des avocats et les droits de plaidoirie représentent 91 % de cette dépense, les paiements directs à destination des autres auxiliaires de justice 9 %.

Conformément à la recommandation de l’audit de modernisation sur le recouvrement de l’aide juridictionnelle de janvier 2007, visant à mettre en œuvre un mécanisme d’incitation budgétaire lié aux résultats du recouvrement en cette matière, en 2011, les sommes recouvrées par les trésoreries sur les 26 millions d’euros mis en recouvrement prévus viendront s’ajouter au montant pris en charge par le budget général par un mécanisme de rétablissement de crédits.

En 2011, les crédits d’aide juridictionnelle devront également couvrir l’assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 % contre 5,5 % antérieurement. Le coût de cette disposition s’élève à 36 millions d’euros pour le programme « Accès au droit et à la justice » mais s’accompagne d’une ressource supplémentaire pour le budget de l’État. Elle vise à harmoniser les pratiques fiscales européennes en la matière et fait suite à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 juin 2010 (6).

Les besoins pour l’année 2010 sont estimés par la Chancellerie à 315 millions d’euros. Ils s’avèrent donc supérieurs à la dotation prévue par la loi de finances initiale en raison, d’une part, d’un montant de rétablissement de crédit qui ne devrait pas dépasser 10 millions d’euros (contre 26 millions d’euros attendus) et d’une évolution de la dépense qui devrait progresser, conformément au rythme des admissions.

Les crédits de paiement actuellement consommés s’élèvent à 225,7 millions d’euros, soit 87 % des crédits disponibles. En outre, la dotation versée aux CARPA pour l’aide juridictionnelle correspond déjà au montant de 195 millions d’euros prévu en programmation budgétaire initiale.

Pour faire face à ces dépenses, la Chancellerie a demandé la levée de la réserve de précaution. Cependant, même après la levée du gel de la réserve, des crédits supplémentaires devront être ouverts par décret d’avances pour éviter que la trésorerie des CARPA ne soit totalement asséchée en fin d’année. En effet, le versement d’une dotation complémentaire aux barreaux en fin d’année permettra aux CARPA de faire face aux demandes de paiement de la part des avocats en début d’année dans l’attente de la mise en place des crédits 2011. Un décret d’avances de 42 millions d’euros a été sollicité par la Chancellerie à cet effet.

2. Les mesures de maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle

Les mesures proposées par le Gouvernement sont de deux ordres. Elles figurent à l’article 41 du projet de loi de finances (première partie).

a) « Responsabiliser » les justiciables dans leur usage de l’aide juridictionnelle

S’il a été envisagé de renforcer l’examen de la valeur juridique de l’action en justice que souhaite engager le demandeur à l’aide juridictionnelle (bien fondé, chances de succès, opportunité, …), il est apparu, comme le souligne le rapport Darrois, que cette option était de nature à porter atteinte à la substance même du droit d’accès à un juge garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En effet, l’examen de la valeur juridique de l’action en justice nécessite une analyse des moyens de fait et de droit développée au soutien des prétentions des parties en litige qui relève de l’office du juge. Or, la décision d’admission ou de rejet de la demande d’aide juridictionnelle ne relève pas de la compétence des juridictions mais de celle des bureaux d’aide juridictionnelle.

Il est proposé d’instaurer une participation financière sous la forme de l’avance par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle des droits de plaidoirie dus à son avocat. Ces mesures figurent à l’article 41 de la première partie du projet de loi de finances.

Le du I de cet article complète à cette fin l’article 40 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son III abroge l’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit que lorsque l'avocat est désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, les droits de plaidoirie sont à la charge de l'État.

Ce droit, égal à 8,84 euros est actuellement versé par l’Etat à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Le Gouvernement précise que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle pourront récupérer la somme avancée sur la partie perdante au procès.

Votre rapporteur approuve la démarche du Gouvernement tendant à « responsabiliser » les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. En effet, il estime que ce dispositif doit permettre de limiter certaines demandes liées à des recours infondés.

Lors de ses déplacements dans les ressorts des cours d’appel de Bordeaux et de Toulouse, votre rapporteur a pu constater que les bureaux d’aide juridictionnelle avaient déjà entamé une démarche allant dans le sens de la limitation des demandes infondées.

Les représentants des avocats ont fait savoir à votre rapporteur qu’ils contestaient le lien fait entre ce « ticket modérateur » et le droit de plaidoirie.

Par ailleurs, le Conseil national de l’aide juridique, qui est consulté sur les projets de loi et de décret relatifs à l’aide juridictionnelle (article 133 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) a rendu, le 17 septembre 2010 un avis défavorable sur la réforme des droits de plaidoirie et un avis favorable aux mesures d’amélioration du recouvrement.

Le justiciable admis à l’aide devra désormais faire l’avance du montant du droit de plaidoirie dû à son avocat, qui le reversera à la CNBF. Ce droit est dû pour toute audience de plaidoirie devant les juridictions administratives de droit commun et de l'ordre judiciaire. Toutefois, il n'est pas dû devant les conseils de prud'hommes, les tribunaux d'instance statuant en matière prud'homale, les tribunaux de police statuant en matière de contraventions des quatre premières classes et les juridictions statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale ou de contentieux électoral, ni devant le Conseil d'État et la Cour de cassation pour les affaires dispensées du ministère d'avocat. S’il gagne son procès, le bénéficiaire de l’aide pourra obtenir le remboursement des droits de plaidoirie contre la partie condamnée aux dépens. En effet, ces droits constituent, en application de l’article 695 du code de procédure civile, des dépens afférents aux instances recouvrables contre la partie perdante.

b) Améliorer le recouvrement des dépenses d’aide juridictionnelle

Afin d’améliorer le niveau des recettes d’aide juridictionnelle, la réforme proposée vise à permettre de recouvrer les dépenses d’aide juridictionnelle comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine, sur la base des règles de recouvrement régissant les produits divers de l’État.

Le montant des sommes mises en recouvrement reste limité (19 millions d’euros en 2008 et 18 millions d’euros en 2009) malgré l’introduction dans le projet annuel de performances pour 2008 d’un objectif et d’un indicateur de performance relatifs à la mise en recouvrement des frais avancés par l’État au titre de l’aide juridictionnelle. De plus, le montant des sommes effectivement recouvrées par les trésoreries est plus faible, de l’ordre de 10 millions d’euros.

La procédure de recouvrement n’est pas adaptée à la nature de la créance de l’État. En effet, d’une part, le recouvrement a lieu selon les mêmes procédures qu’en matière d’amendes ou de condamnations pécuniaires alors que les dépenses d’aide juridictionnelle correspondent à des sommes « avancées » par l’État. D’autre part, ces dépenses ne sont pas liquidées par la décision de justice, contrairement aux amendes, mais constatées, liquidées et ordonnancées par le premier président et le procureur général institués conjointement ordonnateurs secondaires des recettes des juridictions de leur ressort par le décret n° 2004-435 du 24 mai 2004 relatif aux compétences en qualité d'ordonnateurs secondaires des premiers présidents et procureurs généraux de cour d'appel. Enfin, elles sont recouvrées par voie d’opposition administrative limitant ainsi le type de poursuites coercitives.

c) Les économies attendues

L’exclusion des droits de plaidoirie des frais couverts par l’aide juridictionnelle devrait générer une économie de 5,2 millions d’euros en année pleine, et 3,9 millions d’euros au cours de l’année 2011. En effet, l’évaluation de l’économie repose sur le montant de la dépense constatée au cours des années 2007 à 2009, dernières années connues. Le montant des versements effectué par l’Etat à la CNBF à ce titre s’est élevé à 5,17 millions d’euros pour 2007, 5,2 millions d’euros pour 2008 et 5,19 millions d’euros pour 2009. Le droit de plaidoirie étant versé au cours du trimestre suivant la naissance du droit, l’économie sera de 75 % en 2011 (3 trimestres sur 4) et atteindra son niveau maximal, en année pleine, à partir de 2012.

L’économie attendue de l’amélioration du recouvrement de l’aide juridictionnelle est de 4,4 millions d’euros en année pleine et de 3 millions d’euros en 2011. L’estimation de l’économie repose sur une hypothèse d’augmentation de 44 % des sommes recouvrées liée à l’extension du domaine du recouvrement aux parties tenues aux dépens par application de la loi et à l’application des règles de recouvrement applicables aux produits divers de l’Etat, qui ouvre la voie d’une simplification réglementaire du recouvrement et d’une amélioration des performances des juridictions et des trésoreries en la matière.

3. L’évolution du nombre des bénéficiaires

Le nombre des demandes recensées en 2009 est en légère hausse par rapport à 2008 (+1,8%). Depuis 2006 le nombre total des admissions est stable et s’établit aux environs de 900 000. En 2009, les admissions (901 630) augmentent de 1,3 %.

Les rejets s’établissent en 2009 à 86 997, en baisse de 15,1 % par rapport à 2008, soit un taux de rejet de 8,2 % par rapport aux demandes examinées par les bureaux d’aide juridictionnelle (1 057 777).

Un des motifs de rejet est le défaut de communication des pièces justificatives demandées par le bureau d’aide juridictionnelle. Cependant, le décret n° 2007-1142 du 26 juillet 2007 a introduit une sanction spécifique du défaut de production par le justiciable des pièces demandées par le bureau d’aide juridictionnelle dans le délai imparti : la caducité de la demande d’aide juridictionnelle. Dans ce cas de figure, les bureaux d’aide juridictionnelle ne prononcent plus de décision de rejet, mais une décision de caducité de la demande (22 194 décisions de caducité en 2009).

Le tableau suivant présente l’évolution des admissions annuelles à l’aide juridictionnelle :

ÉVOLUTION DES ADMISSIONS ANNUELLES À L’AIDE JURIDICTIONNELLE DE 2004 À 2010

Nombre d’admissions

2005

2006

2007

2008

2009

2010
prévisions

2011
prévisions

Civil et autres

503 035

515 420

500 718

489 247

502 658

500 000

500 000

Pénal

383 498

389 541

389 420

400 773

398 046

400 000

400 000

Total

886 533

904 961

890 138

890 020

900 704

900 000

900 000

Évolution

+6,6 %

+2,1 %

-1,2 %

0 %

+ 1,2%

0%

0%

Source pour les années 2002 à 2009 : Répertoire de l’aide juridictionnelle ; à partir de 2007 seules sont comptabilisées les admissions pouvant donner lieu à paiement effectif, toutefois les admissions résultant du maintien de plein droit de l’aide sont exclues du champ de cette statistique.

En 2009, les admissions concernaient pour 48 % des procédures civiles, pour 44 % des procédures pénales et pour 8 % des affaires administratives ou relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers. En 2002, la répartition était presque similaire (52 % pour des procédures civiles, 42 % pénales et 6 % autres).

Le tableau suivant présente la répartition par type de contentieux des admissions à l’aide juridictionnelle :

RÉPARTITION PAR TYPE DE CONTENTIEUX DES ADMISSIONS À L’AIDE JURIDICTIONNELLE

Nature du contentieux

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Civil

357 362

388 020

430 118

448 623

457 436

440 563

423 022

433 258

Pénal

290 385

320 439

353 407

383 498

389 541

389 420

400 773

398 636

Administratif

12 220

13 720

14 402

14 614

17 691

20 224

21 489

29 955

Entrée et séjour des étrangers

28 670

33 672

33 950

39 798

40 293

39 820

44 619

39 519

Total

688 637

755 851

831 877

886 533

904 961

890 138

890 020

901 630

Source : Répertoire de l’aide juridictionnelle

L’évolution, en 2009, est contrastée selon la nature de l’aide : les admissions relatives au contentieux civil augmentent (+ 2,4 %), alors que celles concernant le contentieux pénal baissent légèrement (- 0,5 %), ainsi que celles concernant le contentieux relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers
(- 11,4 %). Enfin les admissions à l’aide juridictionnelle pour des contentieux administratifs ont connu une forte progression (+ 39,4 % en 2009).

4. L’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue

L’année 2011 sera également marquée par la mise en œuvre de la réforme de la garde à vue, sur laquelle le Parlement sera prochainement saisi, et qui conduira, au sein de la dotation, à une augmentation du budget de l’aide à l’intervention de l’avocat en garde à vue. L’enveloppe des crédits à consacrer à la garde à vue est, selon l’étude d’impact de l’avant-projet de loi, de 80 millions d’euros (contre 15 millions d’euros actuellement). Les avocats commis d’office intervenant au cours de la garde à vue percevraient une rétribution à l’acte pour chaque mission d’assistance, sur la base du tarif actuel, complétée par une indemnité d’astreinte pour tenir compte des sujétions nouvelles dans l’exercice des droits de la défense découlant de la réforme. Chaque barreau continuerait ainsi à percevoir de l’Etat la dotation « garde à vue » permettant de verser aux avocats commis d’office la rétribution due pour chaque mission d’assistance (400 000 interventions prévues). En outre une dotation complémentaire serait attribuée à chaque barreau signataire d’un protocole local portant sur l’organisation des « permanences garde à vue » (120 000 permanences journalières envisagées).

Rappelons qu’un officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction en application des articles 63 et 77 du code de procédure pénale. En application de l’article 63-4 du même code, la personne peut demander, dès le début de la garde à vue, à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

L’avocat désigné d’office dans les conditions prévues à l’article 63-4 précité a droit à une rétribution. Le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, fixe les modalités de la rétribution des avocats désignés d’office afin d’intervenir au cours de la garde à vue ainsi que celles du versement, de la gestion et de la liquidation des dotations représentant la part contributive de l’Etat et versées aux barreaux.

Cette rétribution, fixée à 61 euros hors taxes, est majorée lorsque l’intervention a lieu de nuit ou lorsque l’intervention a lieu hors des limites de la commune du siège du tribunal de grande instance. Ces deux majorations sont cumulables sauf si l’avocat est appelé à intervenir pour plusieurs personnes gardées à vue dans un même lieu lors d’un même déplacement. Bien qu’autonome par rapport au dispositif relatif à l’aide juridictionnelle, le dispositif mis en place lui emprunte une part importante de ses règles, notamment celles relatives à la gestion des dotations versées aux barreaux sur le compte spécial prévu par l’article 23 de la loi du 10 juillet 1991 précitée. La rétribution est versée à l’avocat par la CARPA sur production de l’acte de sa désignation, par le bâtonnier, et sur présentation d’un document visé par un officier ou agent de police judiciaire, attestant de l’accomplissement de la mission.

Par ailleurs, les barreaux qui ont conclu un protocole de défense visé à l’article 91 du décret du 19 décembre 1991 avec les tribunaux auprès desquels ils sont établis, peuvent étendre ce protocole à la garde à vue et bénéficient d’une majoration de la dotation allouée par l’Etat au titre des dépenses engagées par le barreau pour l’organisation du service des permanences.

Selon les statistiques de l’union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA), le nombre de personnes gardées à vue assistées d’un avocat commis d’office rétribué par l’Etat s’est élevé, en 2008, à 195 235 et à 197 994 en 2009. Le montant des rétributions versées par les CARPA aux avocats commis d’office s’est élevé à 15,45 millions d’euros TTC en 2009.

Le Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale relatifs au régime de garde à vue, a jugé, dans une décision du 30 juillet 2010 que les articles 62, 63, 63-1, 63-4 alinéas 1 à 6 et 77 du code de procédure pénale concernant le régime de droit commun de la garde à vue sont contraires à la Constitution. Le Conseil a toutefois reporté les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité au 1er juillet 2011.

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT, DE LA MÉDIATION FAMILIALE ET DE L’AIDE AUX VICTIMES

L’amélioration de la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire est un élément essentiel de la politique pénale. Cette évolution majeure s’est traduite par un renforcement des droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale et la mise en place de structures appropriées.

1. Le développement de l’accès au droit

Le budget de l’action « Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité s'élève en 2011 à 6 millions d’euros en crédits de paiement contre 6,36 millions d’euros en 2010. La diminution de l’enveloppe concerne exclusivement les crédits à destination des maisons de justice et du droit qui sont ramenés à un niveau équivalent à la consommation prévue en 2010.

a) Les maisons de justice et du droit

Les 127 maisons de justice et du droit (MJD) sont réparties au sein de 27 cours d’appel (57 départements concernés). Ces structures de proximité sont implantées prioritairement (91 % d’entre elles) dans les zones urbaines sensibles ou à proximité.

Les projets de création sont instruits par le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV) puis examinés par un comité réunissant les différentes directions du ministère de la justice et des libertés concernées. Les MJD sont créées par arrêté du Garde des Sceaux.

Leur création repose sur des conventions, signées par l’ensemble des partenaires de la structure : le préfet de département, les chefs de juridiction dans le ressort duquel est située la MJD, le président du conseil départemental de l’accès au droit, le maire du lieu d’implantation, le bâtonnier de l’ordre des avocats, les associations œuvrant dans le domaine judiciaire, et le cas échéant, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse, et de l’administration pénitentiaire.

Les MJD ont reçu (personnes convoquées et visiteurs), en 2008, plus de 664 682 personnes, dont 437 499 personnes dans le domaine de l’accès au droit, 166 398 dans le cadre de leur activité judiciaire civile et pénale, 32 368 dans le domaine de l’aide aux victimes, 13 678 personnes dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse et 14 739 personnes par le médiateur de la République.

Les crédits des MJD s’élèveront à 1,28 million d’euros en 2011, soit un montant légèrement supérieur à la consommation de crédits de paiement prévue pour 2010.

Ces crédits permettront de mettre en place 5 MJD de « nouvelle génération » (dont 3 ont été ouvertes en 2010). Ces nouvelles structures ont pour objectif d’offrir aux habitants de zones rurales un service et une présence judiciaire de proximité qui permettra de suppléer l’absence ou l’éloignement d’une juridiction.

b) Les conseils départementaux de l’accès au droit

L’accès à la connaissance de ses droits, qui est un élément fondamental du pacte social, est une mission assurée par les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD).

En 2011, les crédits du ministère de la justice destinés au développement de l’accès au droit et au réseau judiciaire de proximité s’élèveront à 4,55 millions d’euros (hors personnels), soit un montant identique à celui de 2010, qui était en hausse de 32 %). La majorité de ces crédits est allouée, sous forme de subventions pour charges de service public, aux conseils départementaux d’accès au droit.

Dans un contexte où la réforme de la carte judiciaire conduit à développer l’offre de services de proximité en matière d’accès au droit, les principales actions qui seront soutenues en 2011 visent à étendre la couverture du territoire national en conseils départementaux de l’accès au droit et à améliorer la qualité du service rendu aux usagers du service public de l’accès au droit.

En 2010, 94 départements sont dotés d’un conseil départemental de l’accès au droit (les conseils départementaux ont été créés cette année en Vendée, dans l’Aveyron et l’Ariège).

Les conseils départementaux des six départements n’en disposant pas représenteraient un coût de 120 000 euros, soit 20 000 euros par conseil.

2. L’aide aux victimes

a) Le renforcement des mesures favorables aux victimes

Une Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) existe dans chacun des 181 tribunaux de grande instance. Cette juridiction civile est composée de deux magistrats et d’un assesseur non professionnel. Les CIVI sont avec le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) les éléments clefs du dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions.

Le décret du 13 novembre 2007 a institué un juge délégué aux victimes (JUDEVI), et un service d’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infractions (SARVI) a été créé par la loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines. Ces deux innovations nécessitent de renforcer la performance et la réactivité du réseau des 178 associations locales d’aide aux victimes conventionnées et subventionnées. Près de 65 % d’entre elles devraient signer des conventions pluriannuelles d’objectifs avec les cours d’appel d’ici 2011.

Aux termes de l’article 706-14-1 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 1er juillet 2008 précitée, les automobilistes dont le véhicule a été volontairement incendié par un tiers bénéficient de conditions d’indemnisation étendues devant la CIVI.

En 2009, le plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes pour les années 2010 à 2012 a retenu plusieurs actions prioritaires en faveur des victimes : développement des permanences des associations d’aide aux victimes au sein des unités de police et de gendarmerie, extension des bureaux d’aide aux victimes à 50 tribunaux de grande instance, lancement d’une campagne nationale de communication sur le « 08VICTIMES », prévision de l’aide aux victimes dans chaque plan départemental de prévention de la délinquance.

La loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale prévoit que le juge de l’application des peines peut informer la victime ou la partie civile de la possibilité dont elle dispose de présenter des observations dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision entraînant une cessation temporaire ou définitive de l’incarcération d’une personne condamnée, avant la date d’échéance de sa peine. Le juge de l’application des peines doit également adresser un avis à la victime afin de l’informer d’une décision de cessation de l’incarcération assortie d’une interdiction d’entrer en relation avec elle et, le cas échéant, de paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail. Cet avis doit préciser les conséquences pour le condamné du non-respect de cette interdiction.

Enfin, la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants a créé l’ordonnance de protection qui est rendue en urgence par le juge aux affaires familiales dans l’hypothèse où des violences ont été exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin. Cette ordonnance peut être assortie d’un ensemble de mesures destinées à protéger la victime ou les enfants.

b) L’action du ministère en faveur des victimes

Le ministère de la Justice accompagne la mobilisation du secteur associatif en finançant, par l’intermédiaire des crédits déconcentrés auprès des cours d’appel, l’action des associations d’aide aux victimes.

En 2010, 180 associations (contre 177 en 2009) sont conventionnées par les cours d’appel afin de pouvoir exercer leurs missions dans un cadre judiciaire. Au cours de l'année 2009, les associations d'aide aux victimes ont assuré 21 636 permanences mensuelles (soit + 18,62 % par rapport à 2008) et ont été présentes dans plus de 1 450 lieux de permanences.

Pour 2011, les crédits de l’action « Aide aux victimes » sont stabilisés à 10,45 millions d’euros en crédits de paiement.

La dotation de 8,67 millions d’euros en crédits de paiement en faveur du financement du réseau des associations locales d’aide aux victimes se décompose de la manière suivante :

—  8,17 millions d’euros consacrés au soutien des activités du réseau des associations locales d’aide aux victimes, dont 7,21 millions d’euros pour le financement des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) et 0,95 million d’euros pour l’exécution des conventions d’objectifs renouvelées ou conclues en 2010, pour deux ans, par 4 cours d’appel avec 9 associations locales d’aide aux victimes ;

—  0,5 million d’euros au titre d’actions nouvelles, pour le soutien des permanences assurées par les associations d’aide aux victimes au sein de 25 bureaux d’aide aux victimes pour un montant de 20 000 euros chacun. Ce coût moyen correspond à celui du recrutement d’un ETPT de juriste permettant aux bureaux d’aide aux victimes d’avoir une amplitude d’ouverture importante pour assurer un accueil le plus adapté possible et de développer une permanence téléphonique dans les plages horaires de soirée et de week-end.

Des actions spécifiques en direction de victimes particulièrement fragilisées (mineurs victimes, femmes victimes de violences intra-familiales et conjugales, victimes prises en charge dans les services d’urgence des hôpitaux) seront également développées. Le ministère de la Justice prévoit de consacrer une somme de 1,69 million d’euros au versement de subventions à ces structures ainsi qu’au soutien des projets d’accompagnement des personnes particulièrement fragilisées connues du ministère de la Justice, cofinancés par le Fonds social européen.

Les organismes concernés sont notamment les fédérations et les associations nationales avec lesquelles le ministère de la Justice a renouvelé en 2009 des conventions pluriannuelles d’objectifs. Elles participent à des instances de concertation (comme le conseil national de l’aide aux victimes) ou à des groupes de travail chargés de faire des propositions d’amélioration de la situation des victimes, et qui animent des réseaux locaux d’associations qui mettent en œuvre des missions de service public.

Cette dotation se décompose de la manière suivante :

—  1,56 million d’euros pour l’exécution en 2011 de la convention pluriannuelle d’objectifs avec le Fonds national de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP), et à la suite du renouvellement en 2010 des conventions pluriannuelles d’objectifs avec les fédérations nationales les plus importantes. Entre dans ce champ la mutualisation des plates-formes téléphoniques avec le financement du « 08 victimes » – dont la charge repose entièrement sur le ministère de la Justice et dont le financement n’a pas augmenté depuis deux ans en raison de la politique de resserrement du dispositif –, d’une partie des dispositifs « Alerte enlèvement » et « SOS enfants disparus » qui est remplacé depuis le 25 mai 2009 par le numéro téléphonique européen « 116000 » pour la signalisation des enfants disparus ;

—  0,13 million d’euros consacré aux associations nationales de victimes et d’aide aux victimes appelées à participer à des travaux de réflexion sur le droit pénal et sur la place des victimes dans le procès, à agir auprès des familles de victimes et à intervenir dans des domaines jusqu’alors peu pris en compte par la Justice (violence routière, traite des êtres humains, esclavage moderne, violences faites aux femmes, discriminations, etc.). Des projets bénéficiant des soutiens du Fonds social européen seront également soutenus.

Il est en outre prévu de maintenir un fonds de réserve de 90 000 euros pour les accidents collectifs et les procès exceptionnels.

3. La médiation familiale

L’action « Médiation familiale et espaces de rencontre » serait dotée de 2,56 millions d’euros en 2011 (hors dépenses de personnel). Cette action s’inscrit dans les orientations du ministère de la Justice qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. La mise en œuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des 213 associations et services de médiation familiale ou espaces de rencontre entre parents et enfants qui bénéficie d’un soutien financier. Ces associations se voient confier par les juridictions ou, à titre conventionnel, par d’autres organismes ou les intéressés eux-mêmes, des missions dont la finalité est d’informer les parties et de permettre un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et le maintien des liens entre un enfant et ses parents dans des situations où ces derniers ne peuvent les accueillir à leur domicile (espaces de rencontre).

L’essentiel de ces crédits d’intervention (2,48 millions d’euros) est destiné au financement du réseau des associations de médiation familiale ou d’espaces de rencontre sur le territoire national. Sur cette somme, des crédits de 1,07 million d’euros permettront de payer les dépenses courantes de ces structures et une dotation de 1,41 million d’euros sera destinée aux espaces de rencontre qui doivent faire face à une hausse constante du nombre des mesures ordonnées par les juges.

Une dotation de 80 000 euros sera ouverte en faveur des espaces de rencontre. Cette dotation couvre notamment le renouvellement en 2011 de conventions avec les trois fédérations nationales de médiation familiale et d’espaces de rencontre, afin de leur permettre de soutenir le réseau associatif dans la réalisation d’un travail de qualité dans l’intérêt des familles.

III.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE

La réforme de l’administration centrale du ministère de la justice (opérée par le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008), la mise en œuvre à titre expérimental du nouveau système d’information financière de l’État (Chorus) et la modification du rattachement des crédits de la Commission nationale informatique et des libertés modifient sensiblement le périmètre du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (7).

L’an dernier, pour des raisons techniques liées à la mise en œuvre de Chorus, l’essentiel des crédits et des emplois du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (213) a été transféré sur le nouveau programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » (310). Seules demeuraient sur le programme antérieur les dépenses déconcentrées habituellement supportées par ce programme, ainsi que les dépenses en faveur d’agents de l’INSEE.

Le projet de loi de finances ne prévoit plus, désormais, qu’un seul programme de soutien, intitulé : « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

L’évolution des crédits de ce programme est retracée dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CONDUITE
ET DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE

(en millions d’euros)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en 2010

Demandées pour 2011

Évolution

Ouverts en 2010

Demandés pour 2011

Évolution

311,3

248,0

– 20 %

248,9

267,1

+ 7 %

Placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de la justice, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » a une double finalité. D’une part, il vient en appui des directions du ministère de la justice, notamment dans les secteurs de l’action sociale, de l’informatique, de la statistique, des études et de la recherche et, d’autre part, il dispose des crédits nécessaires au fonctionnement des services centraux de la Chancellerie.

A. UNE STABILISATION DES MOYENS DE L’ADMINISTRATION CENTRALE

Le ministère de la justice, et notamment son administration centrale, était très peu attractif sur le plan indemnitaire, par rapport à l’ensemble des autres grands ministères. Il lui était souvent difficile d’attirer, mais aussi de retenir, dans les services de l’administration centrale, les collaborateurs de bon niveau dont il avait besoin.

1. Les crédits de gestion de l’administration centrale

Il est de nouveau proposé une mesure nouvelle indemnitaire de 200 000 euros pour financer la politique de refondation indemnitaire des différents corps fusionnés de la filière administrative. Cette mesure permettra de continuer à financer, d’une part, la mise en place de la prime de fonction et de résultats pour les attachés de l’administration centrale et, d’autre part, de financer le projet de réforme de la reconstruction des grilles des corps de catégorie B.

Les crédits de l’action : « Gestion de l’administration centrale » progressent de 2,7 % pour atteindre 90,7 millions d’euros. Cette hausse s’explique notamment par le transfert, en provenance du programme « Justice judiciaire » à hauteur de 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement correspondant au soutien de l’Établissement public du palais de justice de Paris, désormais opérateur du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

De même, compte tenu de la suppression du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus) », l’action intègre les dotations fiançant l’activité des magistrats de liaison (250 000 euros) et du casier judiciaire national, à hauteur de 1,5 million d’euros.

2. Les crédits de l’action sociale

Les crédits de l’action sociale sont en légère baisse pour se fixer à 32,15 millions d’euros. En 2011, l’ensemble des moyens consacrés à l’action sociale – hors dépenses de personnel – est stable à 22 millions d’euros. La dotation de titre 2 correspond à des prestations versées directement aux agents et consacrées aux enfants handicapés et aux séjours d’enfants. Les dépenses de fonctionnement correspondent à des prestations essentiellement assurées par des organismes tiers.

L’attention de votre rapporteur a été attirée sur les difficultés croissantes des fonctionnaires, notamment de catégorie C à assumer le coût des repas au restaurant administratif. Un audit a été mené, en 2010, par le ministère de la justice et des libertés et a montré des marges de rationalisation sur la dotation consacrée à la restauration des personnels qui s’élève à 6,18 millions d’euros en 2010.

B. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2011

1. Les crédits en matière immobilière

Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, les crédits demandés traduisent la mise en œuvre de l’objectif de regrouper sur un site unique l’ensemble des directions et services des sites parisiens de l’administration centrale, hors le site du 13 Place Vendôme.

Ces crédits seront de 19,23 millions d’euros en autorisations d’engagement et 39,51 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits permettent d’assurer l’activité des services de l’administration centrale (dépenses liées aux loyers, à l’entretien des locaux, à l’achat de fournitures et de services), ainsi que celle des services centraux du secrétariat général délocalisés dans les régions (antennes régionales de l’équipement, antennes régionales d’action sociale et antennes régionales du système d’information et des télécommunications, plateformes interrégionales).

2. Les crédits en matière d’informatique et de télécommunications

Dans le domaine de la politique informatique et des télécommunications, le ministère de la justice poursuit les efforts en faveur de la qualité de service au sein des différentes infrastructures.

Le budget de l’action informatique ministérielle atteindrait 102,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 101,6 millions d’euros en crédits de paiement, dont 16,19 millions d’euros pour dépenses de personnel. Les effectifs de la sous-direction de l’informatique et des télécommunications seront renforcés.

Cinq grands projets informatiques font l’objet de dotations spécifiques :

—  5 millions d’euros pour l’amélioration des infrastructures ;

—  14,25 millions d’euros pour la plateforme des interceptions judiciaires ;

—  3,00 millions d’euros pour la chaîne applicative supportant le système d’information opérationnel pour le pénal et les enfants (CASSIOPEE) ;

––  3,81 millions d’euros pour le projet GENESIS qui permet la réécriture du projet GIDE (gestion informatisée des détenus en établissement) ;

—  1,04 million d’euros pour le casier judiciaire national.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 19 octobre 2010, la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice ».

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous avons le plaisir de vous accueillir une nouvelle fois, Madame la ministre, aujourd’hui pour nous présenter les crédits de la mission Justice pour 2011. Dans le contexte de rigueur que chacun connaît, ce budget augmente de plus de 4% pour atteindre 7 milliards 128 millions d’euros. Il est vrai que les attentes sont considérables, qu’il s’agisse des juridictions, de la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ou de la réforme de la garde à vue – sur laquelle nous vous entendrons prochainement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. Aux élus que vous êtes, je n’apprendrai pas que la fixation d’un budget est un acte éminemment politique, puisqu’il s’agit de définir les moyens nécessaires aux missions que l’on entend mettre en œuvre.

Trois objectifs guident mon action pour l’exercice 2011.

Il s’agit tout d’abord de traduire en réalités concrètes les engagements législatifs et gouvernementaux qui ont été pris. Je pense en particulier à la loi pénitentiaire et à la nouvelle carte judiciaire. La réforme de la garde à vue va créer aussi des besoins nouveaux.

Il s’agit, ensuite, de moderniser la justice. J’ai insisté dès mon arrivée au ministère sur cet objectif, condition d’une justice efficace et en phase avec les évolutions de notre société. De réels progrès ont été accomplis mais le sujet va demeurer à l’ordre du jour encore plusieurs années.

Il s’agit, enfin, de valoriser les personnels. Mon ambition est de donner à chacun les moyens de remplir son rôle, de renforcer l’intérêt des tâches à accomplir et de permettre une réelle promotion sociale.

Ces missions sont essentielles au respect de la loi, à l’autorité de l’État – dont nous savons qu’elle peut être menacée – ainsi qu’à l’unité de la Nation, laquelle suppose que la loi soit la même pour tous et que la justice soit égale pour tous.

Pour tirer toutes les conséquences de ces objectifs, le budget de la justice bénéficie, cette année encore, d’un traitement favorable. Je ne m’en vante pas car dans le contexte actuel, il faut impérativement veiller à la meilleure utilisation possible de chaque euro mis à notre disposition par nos concitoyens. Il reste qu’il convient de combler le retard accumulé, tant il est vrai que pendant fort longtemps, la justice n’a pas bénéficié des moyens dont elle aurait eu besoin.

La progression continue du budget alloué à la justice depuis 2007 traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement de replacer les missions de la justice au cœur de notre société. Dans un contexte financier tendu, j’ai obtenu que l’effort soit maintenu en 2011. Plus de 7,1 milliards d’euros seront affectés à la mission Justice, soit une hausse de 4,15 %.

J’ai par ailleurs souhaité que ce budget soit rééquilibré entre les différentes fonctions, notamment en faveur des juridictions.

Ayant mesuré à l’occasion de mes déplacements sur le terrain et de mes échanges avec les syndicats les difficultés rencontrées, j’ai souhaité allouer davantage de moyens au programme « justice judiciaire ».

Les magistrats m’avaient ainsi fait part de leur souhait que davantage de fonctionnaires les assistent. J’ai donc décidé de créer 399 emplois de greffier, soit – il faut le souligner – l’équivalent des créations de postes au cours des quatre dernières années. Nous allons arriver ainsi à ce qui était attendu depuis longtemps : la quasi-parité des effectifs de magistrats et de greffiers.

Par ailleurs, ce budget vise à mieux traiter la question des frais de justice. Un nouveau calcul de ces frais nous permettra de mieux appréhender les besoins sur le terrain. Les frais de justice progressent de 17 %, pour atteindre 460 millions d’euros.

Un effort en matière pénitentiaire accompagne, logiquement, celui consenti au profit des juridictions.

Les moyens supplémentaires affectés au programme pénitentiaire s’élèvent à 550 emplois, 590 millions d’euros pour le fonctionnement et 330 millions d’euros pour l’immobilier.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse poursuivra sa restructuration, en termes de missions comme d’organisation territoriale. La réforme a déjà porté des fruits, notamment avec le transfert de certaines fonctions aux collectivités territoriales.

Au total, donc, la justice est relativement bien lotie dans ce projet de loi de finances. Les questions relatives au fonctionnement du ministère sont cependant loin d’être toutes réglées.

C’est la raison pour laquelle, pour accompagner la mise en œuvre de ce budget, la modernisation des méthodes de travail doit se poursuivre au sein du ministère.

En vous présentant le projet de loi de finances pour 2010, j’avais insisté sur la nécessité de cette modernisation, au service d’une exécution plus efficace de nos missions : l’objectif demeure d’actualité. Les efforts doivent être poursuivis, même si les marges de manœuvre sont plus grandes.

En premier lieu, il faut moderniser les méthodes de gestion.

Disons-le franchement, la culture de gestion n’est pas encore très développée. Nous avons essayé de faire prendre conscience des enjeux et d’engager les chefs de juridiction à « optimiser » les dépenses ; j’ai organisé des réunions à ce sujet. Le contrôle des dépenses liées aux frais de justice et au fonctionnement des juridictions doit, de toute évidence, être amélioré. Il faut adopter des politiques d’achat plus efficaces : la globalisation des achats, simple à mettre en œuvre, peut permettre de réduire significativement les dépenses. Aussi ai-je demandé au secrétaire général du ministère de mettre en place une véritable politique ministérielle d’achats. Le ministère doit aussi se mettre au contrôle de gestion – car on a constaté quelques « dérapages » l’an dernier : quand en fin d’année, au moment de payer les traitements et les primes, on s’aperçoit qu’on a oublié de mettre de côté l’argent nécessaire, voire qu’on l’a rendu, c’est qu’il y a des progrès à faire… Le savoir-faire qu’ont déjà certains services dans le domaine du contrôle de gestion doit s’élargir à l’ensemble du ministère.

En deuxième lieu, il faut développer le recours aux nouvelles technologies.

Nous partons de loin – j’ai mesuré la différence avec d’autres ministères –, mais des progrès réels ont été accomplis et il convient de poursuivre l’effort.

S’agissant de la mise en œuvre de l’application Cassiopée, nous avons pris le problème à bras-le-corps : nous avons changé d’opérateur ; un travail de professionnalisation et de réorganisation des services a été conduit. En 2011, l’application achèvera ainsi son déploiement dans des délais et des conditions qui paraissent raisonnables.

Les nouvelles technologies doivent également être mises au service de la sécurité des juridictions. Des logiciels d’alerte silencieuse seront mis en place sur les postes informatiques. Des dispositifs de vidéosurveillance et anti-intrusion seront installés dans toutes les juridictions.

Enfin, la mise en œuvre d’une plateforme nationale d’interceptions judiciaires permettra d’améliorer les capacités d’investigation. Il en résultera une plus grande efficacité de l’intervention de la justice, notamment sur Internet, en même temps qu’une réduction très appréciable des coûts.

Moderniser les méthodes, c’est, en troisième lieu, valoriser les personnels, d’abord en clarifiant le rôle de chacun.

Chacun doit en effet pouvoir se recentrer sur son cœur de métier. Pour améliorer la rapidité et l’efficacité de la justice, il faut ainsi que les magistrats puissent s’appuyer sur une aide qualifiée, adaptée à leurs besoins. J’ai déjà parlé du recrutement de greffiers ; la création de la réserve judiciaire, pour les magistrats et pour les greffiers, permettra également d’apporter aux juridictions une aide très précieuse.

Il convient aussi de clarifier le partage des tâches entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. Hors les assises et les procès « sensibles », la police des audiences sera désormais assurée par la Chancellerie, de même que la gestion des scellés. La Chancellerie assumera également la responsabilité des transfèrements de personnes sous main de justice. Bien entendu, cette nouvelle organisation suppose un transfert d’emplois et de masse salariale du ministère de l’intérieur vers l’administration pénitentiaire. Sa mise en œuvre débutera dès 2011 dans deux régions et sera achevée dans les trois ans.

Enfin, moderniser signifie valoriser les personnels. Pour mener à bien les réformes, il est évidemment indispensable de les associer, de leur expliquer où nous voulons les conduire. La charte sociale signée cette année au sein du ministère par toutes les organisations syndicales marque une première étape. Les réflexions sur l’avenir des métiers en sont la prolongation logique – nous devons raisonner à l’horizon de cinq, dix, quinze ans.

Des engagements ont été pris en faveur des surveillants de l’administration pénitentiaire : ils seront tenus.

La réforme des services d’insertion et de probation sera poursuivie. Les éducateurs verront leurs perspectives professionnelles améliorées.

Les personnels des juridictions bénéficieront de nouvelles mesures. Elles concerneront aussi bien les greffiers, dans le cadre d’une politique interministérielle, que les greffiers en chef.

S’agissant des magistrats, j’ai rencontré les syndicats pour organiser la réflexion sur des questions trop longtemps repoussées. D’abord, quel est le juste niveau de rémunération ? Une revalorisation indemnitaire va être engagée dès 2011, pour un montant de près de 3,5 millions d’euros ; elle sera appliquée aux postes et fonctions considérés comme les plus délicats. Ensuite, quels sont les besoins en effectifs pour les cinq, dix, quinze ans à venir, compte tenu des réformes de la procédure pénale ? L’étendue des responsabilités des magistrats en termes d’encadrement, d’organisation et de gestion doit être mieux définie ; la charge de travail requise pour telle ou telle activité doit être mieux appréhendée. Enfin, comment adapter la formation aux besoins, en particulier pour les hauts potentiels ? J’entends mettre en place une formation d’excellence et un cursus diversifié pour les magistrats amenés à exercer de hautes responsabilités au sein du corps.

Un nouvel effort est donc consenti en faveur de la mission Justice en 2011. C’est un honneur, et surtout une incitation à poursuivre l’œuvre de modernisation et de rationalisation entreprise. Soyez assurés de la détermination de toutes les catégories de personnels. Nous serons au rendez-vous de la modernisation de la justice, au service des Français et au service de la France.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l’accès au droit. Les crédits que j’ai l’honneur de rapporter depuis plusieurs années sont en très nette augmentation : ceux du programme « justice judiciaire » progressent de 4,4 % et ceux du programme « accès au droit et à la justice » de 12,3 %.

J’ai effectué des déplacements pour m’entretenir sur place avec les magistrats, les responsables de greffe et l’ensemble des personnels. J’ai noté comme vous l’amélioration prévue du ratio entre le nombre des fonctionnaires et celui des magistrats. Cet élément est très important car un magistrat ne peut quasiment rien sans une équipe autour de lui. Le ratio de un greffier pour un magistrat sera presque atteint ; et si l’on tient compte de l’ensemble des fonctionnaires, on va arriver à un ratio de 2,5 pour un l’an prochain – nous sommes actuellement à 2,45 –, ce dont je me réjouis. J’ai bien noté l’annonce du recrutement de 399 greffiers supplémentaires, effort sans précédent consenti dans un contexte budgétaire difficile.

J’aurais néanmoins, Madame le ministre d’État, quelques questions à vous poser.

La première concerne les primes modulables, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler les années précédentes. Perçues par les magistrats mais également par les fonctionnaires, elles sont très sensiblement inférieures pour les seconds. Si cette différence est justifiée – les responsabilités des uns et des autres ne sont évidemment pas les mêmes –, elle paraît tout de même très importante. Ne pourrait-on faire bénéficier les fonctionnaires d’une revalorisation ? Bien entendu dans le respect des responsabilités de chacun, il s’agirait d’éviter un sujet de division au sein de l’équipe.

Mon attention a également été attirée sur le prix des repas dans les restaurants judiciaires. Celui-ci dépend de l’indice de rémunération des agents. Des fonctionnaires de catégorie C m’ont dit peiner à assumer ce coût, notamment dans les grandes villes où il est leur est déjà difficile de se loger. Peut-être faut-il revoir cela.

Je souhaite également vous parler des assistants de justice et de la rémunération des juges de proximité.

Un certain nombre de cours d’appel réduisent le nombre de leurs assistants de justice. Or même s’ils ne sont pas pris en compte dans le calcul du ratio dont j’ai parlé, ils jouent un rôle important dans le fonctionnement des juridictions. Que comptez-vous faire ?

Quant aux juges de proximité, j’ai été il y a quelques années le rapporteur du texte étendant leurs compétences. Il s’agissait notamment de leur ouvrir la possibilité de composer les audiences correctionnelles, ce qui a suscité quelques remous, mais s’est finalement révélé fort utile. Les crédits de vacation qui servent à les rémunérer seraient en diminution, si bien qu’on ne pourrait plus faire appel à eux autant que de besoin. Qu’en est-il ?

Je m’inquiète également – ce n’est pas la première fois – des recrutements dans la magistrature. Leur nombre est en effet en baisse, alors que celui des départs à la retraite devrait être important dans les années à venir et que les réformes prévues, notamment de la procédure pénale, entraîneront des besoins supplémentaires. Je souhaiterais donc que nous fassions un point sur cette question.

Vous avez parlé des frais de justice, qui sont désormais mieux maîtrisés. Il reste que la résorption du passé et la réforme de la médecine légale vont contribuer à les maintenir à un haut niveau.

Les crédits affectés à l’aide juridictionnelle, fixés à 312,3 millions d’euros, sont en forte hausse. Celle-ci est-elle liée à la prise en compte de la TVA à taux normal ? Le recouvrement de l’aide juridictionnelle est un sujet très important, de même que le mode d’attribution de cette aide, qui peut donner lieu à certains abus. Une réflexion sur l’aide juridictionnelle est en cours dans le cadre de la mission d’information sur l’accès au droit et à la justice que la Commission des lois a créée et dont je fais partie.

Je souhaite enfin vous faire part de mes interrogations sur l’article 75 rattaché au budget de la justice, qui reporte à nouveau, et cette fois au 1er janvier 2014, la mise en place de la collégialité de l’instruction décidée par la loi du 5 mars 2007. Je conçois que la réforme de la procédure pénale puisse expliquer pour partie ce report. J’avais pour ma part proposé l’année dernière une version « allégée » de cette collégialité, consistant à la limiter à certains actes d’information.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. L’année 2010 restera marquée pour l’administration pénitentiaire par l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, mais aussi par l’annonce d’un nouveau programme immobilier de 5 000 places qui devrait permettre à notre pays de disposer de 68 000 places de détention fin 2017. L’année 2011 verra l’exécution du programme « 13 200 » se poursuivre et le nouveau programme immobilier annoncé commencer à se concrétiser.

Le budget 2011 de l’administration pénitentiaire doit permettre de poursuivre la rénovation du parc immobilier et de mettre en œuvre la loi pénitentiaire. Cela se traduit, d’une part, par une hausse des crédits de 6,7 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement et, d’autre part, par une nouvelle augmentation du plafond d’autorisations d’emplois, avec 34 857 ETPT, contre 33 860 en 2010 et 33 020 en 2009, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 en deux ans.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, l’année 2010 a marqué l’ancrage de la profonde mutation amorcée en 2008, tendant à recentrer ses missions sur son cœur de métier – la prise en charge des mineurs délinquants. L’année 2011 devra permettre d’achever cette réforme.

Le budget de la PJJ sera donc un budget de performance et de consolidation du recentrage de son action sur la lutte contre la délinquance des mineurs. S’il est globalement en légère diminution – de 1,5 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement –, il est surtout marqué par la poursuite de la hausse des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants – de 2 % en autorisations d’engagement et de 1,6 % en crédits de paiement.

L’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci de la performance dans l’intervention publique, leur légère diminution – de 117 ETPT pour un plafond d’autorisations d’emploi fixé à 8 501 en 2011, soit une baisse de 2,4 % par rapport à 2010 – étant conforme à l’engagement du Gouvernement d’améliorer l’efficacité des services publics.

Les crédits de ces deux programmes sont à mes yeux satisfaisants et conformes aux besoins de notre pays ; j’invite donc la Commission à exprimer un avis favorable. Je voudrais néanmoins, madame la ministre d’État, vous poser quelques questions.

La situation difficile et l’état de délabrement des établissements pénitentiaires outre-mer appellent, selon les cas, des réhabilitations ou de nouvelles constructions. Le cas de la Guadeloupe semble particulièrement problématique : alors même que les établissements y sont très délabrés et surpeuplés, la direction de l’administration pénitentiaire m’a indiqué que la réhabilitation et l’extension de la maison d’arrêt de Basse-Terre et l’extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault en étaient encore « au stade des études de faisabilité ». Compte tenu de l’urgence de la situation, je souhaiterais connaître le calendrier prévu pour la réalisation effective des travaux.

S’agissant du transfert de la charge des extractions judiciaires et des gardes statiques au sein de nouvelles unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), je souhaiterais connaître le calendrier et les créations ou redéploiements de postes envisagés pour faire face à ces nouvelles missions de l’administration pénitentiaire. Ces mesures trouveront-elles une traduction budgétaire dès 2011, en matière de transferts d’emplois, de moyens matériels et de formation des personnels ?

Comme chaque année, j’aimerais à présent vous interroger sur quelques thèmes précis.

Il s’agit tout d’abord de la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE) dans les établissements pénitentiaires français. L’administration pénitentiaire a engagé, dès 2006, une dynamique de mise en œuvre des RPE concernant l’accueil et l’évaluation des détenus et l’individualisation des parcours.

Il en est cependant une dont l’application en France est plus qu’incertaine : la règle n° 12.1, qui prévoit que « les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet ». Un récent rapport d’information du Sénat sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions a préconisé la « diversification des outils de prise en charge permettant de faire face aux différentes situations », ce qui apparaît comme une réponse de bon sens.

Pouvez-vous nous dire où en sont les réflexions sur le nombre et les capacités d’accueil des différentes structures de prise en charge psychiatrique des personnes détenues
– services médico-psychologiques régionaux (SMPR), unités pour malades difficiles (UMD), unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ?

J’aimerais également vous interroger sur l’intégration des établissements pénitentiaires dans leur environnement local. Si la prison doit punir, elle doit aussi réinsérer. Pour remplir sa mission de réinsertion, elle doit permettre aux personnes détenues de préparer leur sortie et donc être tournée vers l’extérieur, ou plus précisément intégrée dans son environnement local. Or on constate trop souvent des relations difficiles avec les populations des communes d’implantation. Le choix d’une implantation nouvelle est souvent vécu par ces populations comme un oukase. Dans certains cas, même les élus – élus locaux et parlementaires – ne sont informés qu’après la prise de décision.

Dans le cadre du programme de construction qui va démarrer, pensez-vous mieux préparer les choix d’implantation et y associer davantage les populations locales et leurs élus ?

S’agissant de la PJJ, je me suis intéressé à la mise en œuvre des mesures de réparation pénale. Elles sont très efficaces pour remettre dans le droit chemin un jeune primo-délinquant, en lui faisant prendre conscience des règles de la vie en société. Cependant, comme pour la peine de travail d’intérêt général, il est parfois difficile à la PJJ de trouver des collectivités territoriales, des services publics ou des entreprises partenaires pour l’exécution de ces mesures. Comment le ministère entend-il remédier à cette difficulté chronique et inciter davantage les collectivités, services publics ou entreprises à accueillir des mineurs dans le cadre de mesures de réparation ?

Enfin, la PJJ a mis en place en 2009 des équipes d’auditeurs des structures éducatives accueillant des mineurs, qu’elles relèvent du secteur public ou du secteur associatif. Ces audits ont notamment pour objet de mettre en évidence les bonnes pratiques éducatives et de favoriser leur diffusion. Quelles conclusions tirez-vous des 200 audits déjà réalisés ? Comment envisagez-vous la diffusion des bonnes pratiques ?

M. Dominique Raimbourg. Dans un discours du 5 octobre 2010, le ministre de l’intérieur estimait le gain consécutif au transfert de la charge du transfèrement des prisonniers à près de 1 000 équivalents temps plein de policiers. On peut en déduire que 1 000 ETP de surveillants seront affectés aux transfèrements. L’augmentation des effectifs prévue dans le PLF compensera-t-elle cette charge supplémentaire ? Les crédits afférents seront-ils réorientés du ministère de l’intérieur vers celui de la justice ?

Si nous nous félicitons de l’augmentation du nombre des greffiers – tout en notant que vous partagez le diagnostic selon lequel la justice a été délaissée pendant de très nombreuses années –, nous constatons que le nombre de magistrats diminuera parallèlement de 76. Or chaque procureur ou substitut traite déjà, en moyenne, 1 100 dossiers par an. Existe-t-il, en prévision de la réforme de la procédure pénale, un plan de recrutement de magistrats ?

Comme l’a souligné M. Garraud, le paiement des juges de proximité s’est trouvé menacé et parfois suspendu. Le ministère prend-il des mesures pour remédier à cette situation ?

Depuis les lois de 2007, on différencie le traitement de l’enfance en danger, confié aux conseils généraux et à leurs services d’aide sociale à l’enfance, et la prise en charge des mineurs délinquants, confiée à la protection judiciaire de la jeunesse. Cette séparation, rationnelle sur le papier, devrait dans les faits s’accompagner d’une meilleure articulation, les mineurs en danger étant parfois des mineurs délinquants et les mineurs délinquants étant parfois des mineurs en danger. Le travail d’audit confié à la PJJ est-il suffisant pour assurer cette articulation ?

Enfin, il avait été prévu pour la réforme de la carte judiciaire et la création des pôles de l’instruction un budget de l’ordre de 900 millions d’euros. D’après mes informations, environ 250 millions auraient été dépensés. Où en est-on de la réalisation de cette réforme ? Quelles sont les prochaines échéances ?

M. Michel Hunault. J’aurai l’occasion de dire en séance publique, le 2 novembre prochain, tout le bien que mon groupe pense de l’augmentation des crédits de la justice et des annonces que vous venez de nous confirmer, madame le ministre d’État. Permettez-moi seulement de suggérer que, sur les 399 postes de greffier qui seront créés en 2011, votre ministère veille à l’embauche, à compétences égales, de personnes souffrant de handicap. Le secrétaire d'État chargé de la fonction publique a fréquemment rappelé cette exigence gouvernementale devant notre commission.

De même, alors que la loi Handicap demande d’assurer l’accessibilité de tous les tribunaux pour la fin 2012, un certain nombre de bâtiments ne sont pas encore mis aux normes.

M. Didier Quentin. La réforme de la garde à vue conduira sans doute à multiplier le recours aux avocats. Quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour renforcer l’aide juridictionnelle gérée par les barreaux, afin que nos concitoyens les plus modestes, qui n’ont pas forcément les moyens de faire appel à un conseil pour les assister, puissent faire valoir leurs droits ?

Par ailleurs, en tant que rapporteur pour avis des crédits de l’Outre-mer, je me permets d’interroger à nouveau le Gouvernement sur l’état de la prison surpeuplée de Majicavo, à Mayotte.

M. Dominique Perben. Au vu du débat que j’avais eu à l’époque avec mon collègue de l’intérieur, l’extension des compétences de l’administration pénitentiaire en matière de transfèrements me paraît une occasion intéressante de diversifier les fonctions des personnels pénitentiaires. À l’instar des ERIS
– équipes régionales d’intervention et de sécurité –, dont la création avait constitué un facteur de mobilisation, le développement de cette nouvelle mission peut être très positif.

S’agissant du marché des empreintes génétiques, la manière dont votre administration lance les appels d’offres fait que l’on doit se limiter à un laboratoire, parfois à deux, mais pas plus. Pour obtenir des prix plus bas, il serait préférable d’allotir davantage. Cela permettrait de faire jouer la concurrence sur ce marché en développement.

Enfin, aujourd'hui même, la Cour de cassation a déclaré non conformes à la Convention européenne des droits de l’Homme les règles applicables à la garde à vue en matière de terrorisme et de grande criminalité. Elle donne au législateur
– ce qui est une innovation de la part d’une autorité judiciaire – un délai pour apporter des modifications. Votre projet de réforme de la garde à vue étant déjà rédigé et ayant été adopté en Conseil des ministres, comment envisagez-vous la prise en compte de ce nouvel élément ? Décalera-t-on l’examen par le Parlement ?

M. Philippe Goujon. Ce budget permettra la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et la poursuite de l’amélioration qualitative et quantitative du parc. Vous prévoyez, d’ici à 2017, la fermeture d’environ 9 000 places vétustes et l’ouverture de 14 000 places dans une vingtaine d’établissements. Pourriez-vous apporter des précisions sur les ERA – établissements à réinsertion active – et sur les régimes différenciés que l’on y pratiquera ?

Pourriez-vous également nous indiquer ce qu’il en sera de la rénovation de la maison d’arrêt de la Santé ?

Quel est l’avancement du projet de tribunal de grande instance des Batignolles ? Envisage-t-on de regrouper les tribunaux d’instance parisiens dans ce site ?

Enfin, où en est le développement de la visioconférence, qui permet de limiter les extractions de détenus ?

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, permettez-moi de regretter de n’avoir pu trouver avant la séance sur le site de l’Assemblée nationale l’avis de notre rapporteur. Cela aurait facilité notre travail.

L’augmentation de 4,15 % du budget de la mission doit être mise en regard de l’évolution du coût de la vie. Sur les 125 millions d’euros supplémentaires, 60 à 70 millions représentent un simple ajustement à l’augmentation des prix.

D’autre part, peut-on considérer que la création de 203 postes administratifs – puisque le rapport annuel de performance montre que, sur les 399 postes annoncés, 196 sont en réalité des passages de personnels de la catégorie C à la catégorie B – compense la suppression de 76 postes de magistrats ? Comment justifier cette baisse du nombre de magistrats à un moment où la charge de travail augmente, en particulier pour les dossiers de tutelle ?

Les crédits du programme 182, « protection judiciaire de la jeunesse », diminuent de 2,1 %. Cela traduit-il l’abandon des mesures en direction des jeunes adultes de 18 à 21 ans en grande difficulté d’insertion ?

Enfin, la Cour des comptes s’est inquiétée du recours au partenariat public-privé. Quelle est votre estimation du coût total des partenariats existants dans les programmes 166, « justice judiciaire », et 107, « administration pénitentiaire » ? Les PPP diminuent les charges d’investissement mais ils feront augmenter les charges de fonctionnement, sans que l’on sache dans quelles proportions.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nos rapporteurs ont travaillé comme ils le devaient. Un avis ne peut être publié avant la séance puisqu’il résulte des débats de la Commission.

M. André Vallini. Après le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation a conclu aujourd'hui que la garde à vue « à la française » n’était pas conforme à nos engagements internationaux...

Mme le ministre d’État. Ce n’est pas tout à fait exact. La Cour de cassation s’est prononcée sur trois cas. Elle a validé la garde à vue de droit commun. S’agissant de la garde à vue en matière de terrorisme et de grande criminalité, elle a exprimé un point de vue nuancé.

M. André Vallini. Les régimes dérogatoires visés concernent le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et le terrorisme.

Quoi qu’il en soit, nul ne disconvient que la réforme de la garde à vue est aujourd'hui impérative. Le texte adopté en Conseil des ministres, qui me semble insuffisant au regard des exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme – et tout simplement de la démocratie –, aura un coût en matière d’aide juridictionnelle. Comment en avez-vous évalué l’impact financier ? Où en sont vos discussions avec les barreaux et les compagnies d’assurance pour une éventuelle taxation des contrats d’assurance juridique ?

M. Éric Ciotti. Lors de la première lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure – LOPPSI –, l’Assemblée a adopté un amendement visant à faire du recours à la visioconférence un principe général. Cette disposition ayant été atténuée par le Sénat, nous y reviendrons sans doute en deuxième lecture. Cela dit, votre ministère a beaucoup avancé sur ce point dont le président Warsmann, dans son rapport sur la simplification du droit, avait souligné l’importance.

Pourriez-vous apporter quelques précisions sur l’accord passé en matière de transfèrements et sur les effectifs que l’on pourrait faire passer au ministère de la justice afin de supprimer les charges indues pesant sur le ministère de l’intérieur ?

En ce qui concerne les enquêtes, on constate sur le terrain que le manque de moyens – en particulier pour les investigations de police scientifique et technique – conduit au blocage. La gendarmerie m’a indiqué qu’elle devait parfois renoncer à recueillir des empreintes génétiques en raison de l’épuisement des crédits permettant de faire appel à des laboratoires privés. Ce retard très dommageable sera-t-il comblé ?

J’aimerais également connaître le nombre de places susceptibles d’être ouvertes en 2011 et les années suivantes dans les centres éducatifs fermés, structures particulièrement adaptées pour répondre à la délinquance des mineurs. Plus précisément, comment faire avancer – je vous confirme le soutien du conseil général – le projet de centre éducatif fermé de Cagnes-sur-Mer ?

Enfin, la question de l’exécution des peines demeurant l’un des principaux points noirs de la justice, que peut-on faire pour améliorer la situation ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Madame le ministre d’État, je tiens à vous remercier d’avoir décidé, au titre de l’aménagement du territoire, de ne pas fermer certaines prisons. Qu’est-il prévu pour mettre ces prisons aux normes communautaires ?

Que pensez-vous du concept de prison sans barreaux ? Notre pays n’en compte qu’une, en Corse ; au niveau européen, ces structures accueillent 8 % des délinquants, contre 0,5 à 1 % en France.

Quelles sont vos orientations au sujet des UHSA ?

M. Alain Vidalies. À la lecture de l’arrêt rendu aujourd'hui sur le pourvoi du procureur général d’Agen, il m’avait semblé, madame la ministre, que l’avis de la Cour de cassation mettait en cause la garde à vue de droit commun.

Je ne partage pas l’appréciation du rapporteur quant aux réactions des populations à l’implantation de nouveaux centres pénitentiaires. À Mont-de-Marsan, les élus locaux de tous bords ont apporté leur concours à la création du centre. Loin d’être hostile, la population a manifesté son intérêt, allant jusqu’à poser des questions sur le fonctionnement de l’établissement.

Les chiffres des suicides dans ces nouveaux centres sont préoccupants, malgré le progrès que représente l’encellulement individuel. Comment comptez-vous y remédier ?

La Cour des comptes observe que l’administration pénitentiaire est mal armée pour contrôler la qualité des prestations privées auxquelles elle a recours. Quelle est votre réponse à ce problème ?

La formation professionnelle au sein des établissements doit normalement relever des régions. Une expérimentation est en cours, semble-t-il. Où en est-on ?

Enfin, est-il possible d’avoir un calendrier pour le projet de reconstruction du palais de justice de Mont-de-Marsan, qui est l’un des plus vilains de France ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question de la garde à vue. La Commission désignera très prochainement un rapporteur sur le projet gouvernemental mais, d’ores et déjà, nous prévoyons une réunion de travail et des auditions consacrées aux conséquences des décisions du Conseil constitutionnel, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de celle de la Cour de cassation. Ce travail en amont de l’examen du texte proprement dit nous permettra, je crois, de gagner en efficacité.

M. Étienne Blanc. La dématérialisation est au cœur du processus de modernisation des procédures : mise en œuvre du système Cassiopée, dématérialisation de l’ensemble de la chaîne pénale et, plus généralement, de la transmission des pièces et des expertises, également en matière civile.

La mise eu œuvre de Cassiopée s’est considérablement accélérée depuis le changement d’opérateur. La peur qu’elle inspirait à certains tribunaux est aujourd'hui levée.

La Chancellerie a-t-elle estimé les gains de temps engendrés par les procédures dématérialisées, ainsi que les réaffectations de moyens qui pourront en résulter ?

M. Philippe Gosselin. Quel pourrait être l’impact des arrêts de la Cour de cassation sur le contenu et le calendrier de la réforme de la garde à vue ? En matière d’aide juridictionnelle, quelles seront les conséquences budgétaires de la réforme non seulement en 2011, mais aussi en 2012 et 2013 ?

J’aimerais également savoir ce qu’il en est des difficultés rencontrées pour payer les juges de proximité.

S’agissant des centres pénitentiaires, soyez assurée, madame le ministre d’État, que les élus locaux, en particulier ceux de la Manche, sont prêts à accompagner les projets du ministère, dans le cadre d’un aménagement du territoire bien compris.

Mme George Pau-Langevin. Nous nous réjouissons que le budget de la justice soit en augmentation, mais la croissance des tâches justifierait une hausse plus importante.

Pour ce qui est du recrutement de greffiers, comment fléchera-t-on les emplois réservés aux personnels des études d’avoués ?

J’aimerais également que vous fassiez le point sur la réforme de la carte judiciaire. On parle de la réouverture de certains tribunaux, à Vitré ou à Fougères notamment.

Nous nous félicitons de l’augmentation du budget alloué à l’aide juridictionnelle, mais il faut souligner qu’à hauteur de 20 %, il s’agit de l’incidence de la TVA. Dans ces conditions, sera-t-il possible de faire face aux conséquences du renforcement de la présence des avocats pendant la garde à vue ? Les montants prévus ne semblent pas à la hauteur de l’augmentation de la charge de travail des avocats. De la même façon, la loi Besson sur l’immigration devrait entraîner un accroissement des recours directs devant les tribunaux administratifs, ce que le budget de l’aide juridictionnelle ne semble pas prendre en compte. Bien que ce budget comporte des éléments positifs, il est à craindre que les avocats des barreaux les plus modestes aient à assumer la solidarité à l’égard des populations défavorisées.

Mme le ministre d’État. Je vous remercie, monsieur Garraud, pour votre présentation.

Vous semblez favorable à une certaine harmonisation des primes modulables, quelles que soient les responsabilités exercées. Je ne peux être d’accord avec cette idée, c’est une question de principe. Je suis prête à revaloriser les primes mais celles-ci doivent être fonction des postes occupés et des résultats obtenus.

Les tarifs de restauration relèvent du budget de l’action sociale des tribunaux, donc du dialogue social. Ils feront l’objet d’une discussion globale dans les prochaines semaines, mais je rappelle que le système de calcul du prix en fonction de l’indice de l’agent est pratiqué dans tous les ministères. C’est le niveau de la subvention qui peut varier. Quoi qu’il en soit, nous avons prévu de réformer la restauration en 2011. Le système plus global que nous mettrons en place devrait nous permettre d’obtenir de meilleurs prix.

En ce qui concerne les assistants de justice et les juges de proximité, depuis 2010 nous déléguons une enveloppe globale aux chefs de juridiction, afin de les responsabiliser. Ce sont donc eux qui déterminent les priorités – entre assistants, juges de proximité et vacataires. J’ai néanmoins attiré leur attention sur le problème des assistants de justice, la motivation principale du recrutement de ces derniers n’ayant pas toujours été le meilleur fonctionnement du service, et j’ai « remis dans le circuit » une centaine d’emplois pour répondre à des besoins particuliers. Cela dit, je crois beaucoup à la mise en place de la réserve judiciaire, qui permettra de faire appel à des personnes qui connaissent le système de l’intérieur.

Pour ce qui est du nombre de magistrats, il n’y a pas aujourd'hui de déséquilibre entre les départs à la retraite et les recrutements. Il est vrai cependant que la réforme de la procédure pénale va entraîner des transformations profondes et d’importants besoins de recrutement, estimés à près de 1 000 emplois de magistrat et près de 2 000 emplois de greffier.

Concernant les frais de justice, je conviens que les crédits ne correspondent pas toujours aux besoins réels. C’est d’ailleurs ce qui m’a amenée au cours de l’actuelle gestion, et alors que nous étions dans le cadre d’un plan triennal, à obtenir de Bercy et Matignon 90 millions d’euros de plus que la dotation initiale, faute de quoi nous nous serions retrouvés quasiment en situation de cessation de paiement. J’ai bien conscience que tout n’est pas encore réglé ; c’est pourquoi les crédits progressent de 17 % dans ce budget. En ce qui concerne les juges de proximité, j’ai donné des instructions à la direction des services judiciaires pour qu’il n’y ait plus de dettes à plus de 60 jours. Parallèlement, on devrait obtenir certaines économies, par exemple grâce à la réforme de la médecine légale, dont la mise en œuvre devrait intervenir dans les prochaines semaines.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, il est exact qu’il y a un effet de périmètre lié à la TVA.

Pour ce qui est du rétablissement des crédits, j’ai demandé à Bercy de faire diligence pour améliorer le recouvrement, qui ne représente aujourd'hui que 50 % des montants arrêtés par les juridictions et transmis aux services du ministère du budget. Cette situation anormale nous prive de la marge dont nous avons besoin.

S’agissant des conséquences de la réforme de la garde à vue, j’ai d’ores et déjà décidé un effort important. Les crédits destinés à la garde à vue pénale sont multipliés par cinq, passant de 15 à 80 millions d’euros. Les critiques qui mettent en avant la hausse de la TVA ne me semblent guère pertinentes car la somme en jeu est minime.

En outre, d’après les chiffres des barreaux, l’aide juridictionnelle intervient dans 125 000 gardes à vue sur 820 000. La réforme du dispositif devant permettre d’abaisser le chiffre global des gardes à vue à 500 000, voire à 300 000 par an, on peut prévoir que le recours à l’aide juridictionnelle connaîtra également une diminution. S’il concerne environ 100 000 gardes à vue, avec une enveloppe de 80 millions d’euros on aboutira, pour les avocats pénalistes s’occupant de garde à vue – qui sont souvent des avocats stagiaires –, à plusieurs milliers d’euros supplémentaires.

Au-delà de son montant, l’aide juridictionnelle connaîtra, dans le cadre de la nouvelle garde à vue, une évolution de sa gestion. J’ai décidé de faire confiance aux barreaux et de déléguer la gestion de la moitié du montant global aux bâtonniers. Il faut que la présence de l’avocat lors de la garde à vue soit réelle et que la mesure soit appliquée équitablement sur tout le territoire national : la réforme concerne aussi les gardes à vue pratiquées dans les petites gendarmeries de campagne, de jour comme de nuit. Il faudra donc s’assurer de la réalité de la réponse faite par les barreaux à ce droit nouveau que nous donnons à nos concitoyens ; notre objectif concerne les libertés individuelles plus que la rémunération des avocats, même si nous en tirons les conséquences sur ce point.

Pour ce qui est de la collégialité de l’instruction, je demande en effet un report puisque nous sommes en train de réformer la procédure pénale. Le livre I vous sera soumis avant la fin de l’année, les livres II, III et IV seront transmis dans les prochaines semaines au Conseil d’État. Ce qui se passe aujourd'hui nous conforte dans notre volonté d’une réforme qui garantisse des procès équitables et qui assure une justice plus claire et plus compréhensible pour nos concitoyens.

Monsieur Huyghe, je vous remercie de ce que vous avez dit sur l’augmentation des crédits de l’administration pénitentiaire et le recentrage de la PJJ.

Outre-mer, nous avons en effet des problèmes importants. En Guadeloupe, la maison d’arrêt de Basse-Terre sera démolie et reconstruite sur place ; la livraison est prévue fin 2014. Nous souhaitons par ailleurs augmenter de 50 % la capacité du centre de Baie-Mahault en mettant à profit la réserve foncière existante. Le nombre de places passerait ainsi de 500 à 780. Cela suppose la collaboration des collectivités territoriales, notamment de la municipalité. Si celle-ci joue le jeu, le projet pourrait lui aussi aboutir en 2014.

Quant au dossier des transferts de charges, j’y travaille avec le ministère de l’intérieur depuis mon arrivée place Vendôme – à vrai dire, j’avais déjà commencé à y travailler place Beauvau !

Nous avons déjà réalisé des progrès grâce à la visioconférence. L’objectif de 5 % fixé l’année dernière a été dépassé, puisque nous avons atteint 6,9 %. Le nouvel objectif de 5 % fixé pour cette année sera certainement au moins atteint.

La nouvelle répartition des missions entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice devrait se réaliser en trois ans à partir de 2011. L’année prochaine, nous allons appliquer le dispositif dans deux régions ; à cet effet, 200 ETP vont être transférés de l’intérieur vers la justice. Il est bien entendu indispensable que ce transfert soit inscrit dans le PLF pour 2011. Au total, l’arbitrage porte sur 800 emplois, et nous avons demandé l’ajout de 100 emplois. Mais le recentrage du ministère de l’intérieur sur ses missions concerne également d’autres ministères que celui de la justice.

En ce qui concerne les UHSI, j’ai décidé d’appliquer l’arbitrage de 2006 dès l’année prochaine sur deux sites qui seront choisis entre Bordeaux, Lille et Nancy.

La question des soins psychiatriques relève d’abord du ministère de la santé. Les 26 services médico-psychologiques existants sont rattachés à des établissements de santé publics ou privés. Les unités pour malades difficiles, implantées dans des centres hospitaliers spécialisés, accueillent des détenus – mais aussi d’autres malades – qui peuvent présenter un danger pour autrui. Il en existe cinq actuellement. S’agissant enfin des UHSA, créées en 2002 pour permettre aux SMPR de se recentrer sur les soins ambulatoires, nous prévoyons avec la ministre de la santé un programme de 700 lits qui comportera deux tranches. La première, qui représente 440 places, sera mise en œuvre dans la période 2010-2012. Alors qu’il était question de tout reporter, nous avons réussi à maintenir 9 UHSA sans attendre le retour d’expérience.

Comme certains de vos collègues, je suis un peu étonnée de ce que vous dites des problèmes d’intégration des établissements pénitentiaires à leur environnement. Pour ma part, je constate plutôt un afflux de candidatures pour les constructions prévues. Les élus locaux et les parlementaires sont très demandeurs et protestent avec les populations lorsque l’on décide de supprimer un établissement. Bien entendu, nous associons les élus nationaux et locaux à la réflexion sur le choix des sites.

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, nous nous efforçons d’inciter les collectivités locales à participer aux mesures de réparation pénale. Je ne nie pas les difficultés, d’autant que je sens parfois mon administration réticente. La progression a néanmoins été de 7,5 % l’année dernière. Des progrès demeurent souhaitables ; il est donc important que les services territoriaux de la PJJ puissent discuter avec les responsables locaux dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Par ailleurs, la PJJ dispose aujourd'hui de 72 auditeurs formés qui ont pour mission d’auditer 1 600 établissements et services d’investigation, l’objectif étant de réaliser au moins un audit tous les cinq ans pour chaque structure. Ces audits – 110 en 2009 et 110 en 2010 – peuvent être menés avec les départements dans le cadre de conventions – 27 accords ont été passés, d’autres sont en cours de rédaction. On a d’ores et déjà constaté des insuffisances dans la traçabilité et la formalisation des pratiques éducatives. Je vous présenterai une synthèse de ces questions à la fin de l’année.

Monsieur Raimbourg, j’ai déjà répondu sur les transferts de charges du ministère de l’intérieur vers celui de la justice. Pour ce qui est de la charge de travail des magistrats, il n’y a pas, à ma connaissance, de problème global, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de difficultés ponctuelles. Un examen cour d’appel par cour d’appel sera nécessaire, afin de procéder aux réajustements qu’impose l’évolution de l’activité.

Comme vous, je pense que la continuité de l’action en direction des jeunes est nécessaire. Le sujet est complexe et ne se réduit pas à des questions budgétaires. J’attends de connaître les conclusions du rapport sur la prévention de la délinquance que le Président de la République a commandé à Jean-Marie Bockel, mais je suis à l’écoute de toutes les suggestions.

La réforme de la carte judiciaire ne sera achevée qu’en 2011. J’ai demandé au secrétaire d'État à la justice de se rendre dans les juridictions concernées pour voir comment les choses se passent. Il semble qu’il n’y ait pas de difficulté particulière.

À l’intention de Mme Pau-Langevin, je précise que l’unique remise en cause de suppression d’un tribunal est due à un redécoupage administratif réalisé sous la responsabilité d’un autre ministère.

À M. Hunault, je veux répondre que je m’efforce de rattraper le retard pris par le ministère de la justice dans l’embauche des personnes souffrant de handicap. Nous nous attachons également à assurer l’accessibilité des tribunaux, mais ce n’est pas toujours possible dans les immeubles anciens.

Monsieur Quentin, j’ai déjà répondu sur la réforme de la garde à vue. Par ailleurs, une délégation de mon cabinet se rend à Mayotte en novembre pour faire le point sur les conséquences de la départementalisation.

J’ai déjà répondu à M. Perben sur les transferts de missions. En ce qui concerne le marché des empreintes génétiques, nous essayons d’allotir le plus possible. Comme ministre de l’intérieur, j’avais déjà travaillé à la généralisation des investigations de la police scientifique et technique. Bien que nous ayons réussi à les faire baisser un peu, les prix des laboratoires restent élevés ; il est donc, en effet, nécessaire de mieux négocier.

J’en viens aux trois arrêts que la Cour de cassation a rendus aujourd'hui.

L’un d’entre eux conforte le nouveau dispositif de garde à vue de droit commun qui va vous être présenté.

Les deux autres visent les dispositifs dérogatoires. Le plus simple sera de compléter le texte actuel en déposant des amendements au projet. Cela reviendra à étendre aux gardes à vue d’exception des dispositions déjà prévues pour la garde à vue de droit commun, comme le droit au silence. Je pense aussi à la nécessité de motiver au cas par cas le report de la présence d’un avocat. La Cour de cassation se place donc dans la logique que nous avons retenue pour la garde à vue de droit commun.

M. Goujon m’a interrogée sur le programme pénitentiaire. Il est prévu de fermer une quarantaine d’établissements et d’en ouvrir une vingtaine. Le programme de rénovation de la prison de la Santé se déroule comme prévu, pour une livraison début 2017. Pour ce qui est du site des Batignolles, je ne prendrai pas de décision quant au regroupement éventuel de tout ou partie des tribunaux d’instance situés dans les arrondissements sans en discuter avec les élus. J’ai déjà rencontré le maire de Paris à ce sujet.

En matière de visioconférence, je compte doter avant la fin 2011 tous les tribunaux et établissements concernés – c’est-à-dire tous ceux où cela peut être utile.

Madame Karamanli, il est heureux que le coût de la vie n’augmente pas, comme les crédits de la justice, de 4 % ! Que diriez-vous si, comme celui de bon nombre de ministères, le budget de la justice était simplement reconduit en euros courants ?

L’évolution du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est liée à celle des missions et de l’organisation territoriale. La diminution des crédits est cependant moins rapide.

L’analyse que la Cour des comptes fait des PPP est beaucoup plus nuancée que certains ne le laissent entendre. Pour ma part, je décide un PPP non pas sur une base idéologique, mais à partir d’une analyse précise des prévisions de coûts et d’avantages. Je veille également à l’amélioration qualitative de certains PPP : il faut éviter que les partenaires privés abaissent la qualité des prestations.

J’ai déjà largement répondu aux questions de M. Vallini sur la garde à vue et l’aide juridictionnelle. Nous avons travaillé à l’extension des risques civils couverts par les contrats d’assurance, ce qui permettra de dégager des crédits.

Monsieur Ciotti, j’ai répondu au sujet des transfèrements et des frais de justice. Le projet d’ouverture de places en centres éducatifs fermés se heurte à de fortes réticences locales. Je souhaite que l’on arrive à répondre aux besoins dans un cadre aussi consensuel que possible. Mais le projet n’est en rien abandonné.

La non-exécution définitive de 32 000 peines chaque année est intolérable tant pour l’image de la justice que pour le respect de la volonté du législateur. Les instructions que j’ai données commencent à donner des résultats, me dit-on, mais je n’aurai de chiffres qu’à la fin de l’année. Seule la mise en place complète du système Cassiopée nous permettra d’exercer un réel suivi afin de parvenir à une réduction sensible dans les trois prochaines années.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, la rénovation des prisons anciennes est une condition du respect de la loi pénitentiaire. J’applique les décisions du législateur. Je ne peux pas entendre les demandes des élus de conserver des prisons qui ne sont pas aux normes. Je peux en revanche accepter, si la mise aux normes est possible, un certain étalement des travaux. S’agissant des UHSA, j’ai déjà répondu au rapporteur.

Monsieur Vidalies, j’ai déjà parlé des arrêts de la Cour de cassation.

J’aurais beaucoup à dire sur les nouveaux centres pénitentiaires et sur leur aspect déshumanisé. Cela étant, le taux de suicide n’y est pas plus élevé que dans les prisons anciennes. Il faut également relever que le taux global de suicide en prison est en diminution sensible pour la première fois depuis de nombreuses années. Bien entendu, il reste trop élevé. Sans doute faut-il prendre en considération le fait, insuffisamment étudié, que plus de 50 % de la population carcérale a de gros problèmes psychiatriques. Quel serait le taux de suicide d’une population équivalente en milieu ouvert ? Quoi qu’il en soit, chaque suicide est un drame et nous devons poursuivre notre action.

J’ai répondu à votre question sur le recours aux prestataires privés.

S’agissant du transfert de la formation professionnelle, je viens de saisir le conseil régional d’Aquitaine, qui s’est porté candidat à une expérimentation.

Enfin, la livraison du tribunal de Mont-de-Marsan est prévue pour 2016.

Monsieur Gosselin, j’ai répondu à vos questions concernant l’impact de la réforme de la garde à vue sur l’aide juridictionnelle et les difficultés rencontrées pour payer les juges de proximité. Je vous remercie de rappeler que les élus locaux sont très souvent prêts à accompagner les projets d’établissement pénitentiaire.

Monsieur Blanc, je ne peux vous indiquer aujourd'hui les économies de personnel qui résulteront de la mise en œuvre de Cassiopée. Au départ, je doute qu’il y en ait : dans nombre de juridictions que j’ai visitées, on me fait une démonstration de la dématérialisation tout en m’indiquant que, pour plus de sécurité, on double cette procédure d’une procédure manuelle ! Lorsque le système se transformera réellement, je pense que nous constaterons des économies sérieuses.

Madame Pau-Langevin, le budget de 2010 a effectivement ouvert 380 postes pour les avoués. Dans la mesure où le texte relatif à cette profession a été adopté en deuxième lecture il y a seulement quelques jours, j’ai obtenu que ces postes non pourvus en 2010 soient reconduits en 2011. Pour les 130 emplois de catégorie C réservés en 2010 aux salariés des cabinets d’avoués, 90 candidats se sont manifestés. Il restera donc 290 postes répartis entre les catégories A, B et C.

Je crois avoir déjà répondu à vos questions relatives à la carte judiciaire et à l’aide juridictionnelle.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il me reste à vous remercier, madame le ministre d’État.

*

* *

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Justice ». Conformément aux conclusions de M. Sébastien Huyghe pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse et de votre rapporteur pour la justice et l’accès au droit, elle donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2011.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

  Syndicat de la magistrature

– Mme Clarisse TARON, présidente

– Mme Odile BARRAL, vice-présidente

  Interco Justice CFDT

– M. José PORCEDDU, secrétaire national en charge de la justice

  Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires

– Mme Martine MOTARD, secrétaire générale

– M. Michel DEMOULE, secrétaire général adjoint

  Syndicat C-Justice

– Mme Lydie QUIRIÉ, secrétaire générale

Ont également fait part de leurs observations à votre rapporteur :

  Union syndicale de la magistrature

– M. Laurent BEDOUET, secrétaire général

  GIE Conseil national des Barreaux – Ordre des avocats de Paris – Conférence des Bâtonniers

– Me Dominique BASDEVANT, membre du conseil national des Barreaux

– Me Denis LEQUAI, membre du bureau du conseil national des Barreaux

– Me Brigitte MARSIGNY, Présidente de la commission « Accès au Droit et à la justice » au conseil national des Barreaux

– Me Alain MARTER, membre de la conférence des Bâtonniers

  Syndicat des greffiers de France

– Mme Isabelle BESNIER-HOUBEN, secrétaire générale

– Mme Sophie GRIMAULT, secrétaire générale adjointe

  Union syndicale autonome justice - UNSA

– M. Philippe GILABERT, secrétaire général

© Assemblée nationale

1 () M. Jean-Paul Garraud, Dépenses de fonctionnement courant : les contraintes de gestion des juridictions, rapport d’information au nom de la commission des Lois, Doc. AN n° 2909, 20 octobre 2010.

2 () Journal officiel (Débats AN), Compte rendu de la séance unique du mercredi 13 octobre 2010.

3 () Op. cit.

4 () circulaire SJ.08.081-B1 du 7 avril 2008 relative à l’évaluation et à la notation des fonctionnaires des services judiciaires au titre de l’année 2008.

5 () Rappelons que depuis la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005, la juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions des quatre premières classes à l’exception des contraventions de diffamation et d’injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire (décret n° 2005-284 du 25 mars 2005), le tribunal de police ayant compétence pour juger toutes les contraventions de la 5e classe.

6 () Cour de justice de l’Union européenne, 17 juin 2010, Affaire C-492/08, Commission européenne c./ République Française.

7 () Les crédits de la Commission nationale informatique et des libertés figurent désormais, au sein de la mission « Direction de l’action du gouvernement », dans le programme « Défense des droits des citoyens » qui retrace l’activité des différentes autorités administratives indépendantes, conformément au souhait exprimé par le président de la Commission.