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N° 2857

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 34

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Rapporteur spécial : M. Alain Claeys

Député

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SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION 7

I.– L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 187 ET 190 REND DIFFICILE LE RESPECT DES ENGAGEMENTS DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT 11

A.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME 187 : UNE STABILITÉ PRÉSERVÉE DES MOYENS DES OPÉRATEURS AU PRIX D’UN EFFORT DE GESTION 12

1.– Une évolution contrastée des actions du programme 12

2.– Les moyens des opérateurs seront stables en 2011 13

a) La stabilité des moyens des opérateurs est préservée en 2011 au prix d’un effort de gestion pluriannuel 13

b) Les perspectives budgétaires 2011-2013 impliquent un effort de gestion des opérateurs 15

3.– Un effort de performance sera demandé aux opérateurs 16

B.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME 190 : UN DÉCROCHAGE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT 19

1.– La croissance apparente des crédits résulte de la création d'une nouvelle action au sein du programme. 19

2.– Hors cette mesure de périmètre, plusieurs opérateurs du programme sont soumis à de sévères mesures de régulation budgétaire 21

3.– Ces mesures risquent de peser sur les performances des opérateurs 23

C.– LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CLASSIQUES NE PERMETTRONT PAS LA MISE EN œUVRE DES ENGAGEMENTS DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT 25

1.– Les déclinaisons budgétaires du Grenelle de l’environnement liées aux programmes 187 et 190 25

2.– Un tableau de bord général de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement particulièrement ambitieux 27

II.– LA POLITIQUE DE RECHERCHE EST DE PLUS EN PLUS FINANCÉE PAR DES MOYENS EXTRABUDGÉTAIRES 29

A.– LES MOYENS EXCEPTIONNELS ISSUS DU PLAN DE RELANCE ET DU GRAND EMPRUNT DEMANDENT À ÊTRE UTILISÉS DE MANIÈRE RATIONNELLE 29

1.– Les moyens du plan de relance : une ressource éphémère destinée à une politique de long terme 30

2.– Le grand emprunt : investissements d’avenir ou financement des politiques en cours ? 31

a) Des moyens considérables à la disposition de deux opérateurs 31

b) Des moyens nouveaux partiellement compensés par des réductions budgétaires 34

c) Les conventions visent des objectifs partiellement redondants 35

d) La gouvernance des investissements d'avenir mériterait d'être clarifiée 40

B.– LE CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE EST DEVENU LE PRINCIPAL OUTIL DE FINANCEMENT PUBLIC DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT 41

1.– Un bilan satisfaisant du nouveau CIR justifiant la pérennisation du dispositif 42

2.– Plusieurs adaptations sont nécessaires pour éviter les effets d'aubaine 44

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 49

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 11 octobre 2010, 15 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial, taux très insuffisant qui a rendu difficile l’exercice de son pouvoir de contrôle.

SYNTHÈSE

Le présent rapport spécial est consacré à l’examen des crédits de deux programmes spécifiquement dédiés à la recherche dans les domaines du développement durable au sein de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) :

– le programme 187 Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources ;

– le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable, issu de la fusion de trois anciens programmes.

● Au titre de l’année 2011, le présent projet de loi de finances prévoit une légère progression des crédits de paiements de la MIRES qui s’établiront à 25,2 milliards d’euros (+1,89 %) tandis que les autorisations d’engagements sont stables à 25,4 milliards d’euros.

● En ne prenant en considération que les crédits budgétaires des deux programmes 187 et 190, la progression des CP est de l’ordre de 85 millions d'euros entre 2010 et 2011 tandis que les AE sont en repli de 2,5 % ; cette tendance ne permet pas de penser que l’engagement d’atteindre un montant de 1 milliard d’euros sera respecté en 2012 par des moyens budgétaires classiques.

S’agissant plus particulièrement du programme 187, alors que l’évolution globale des crédits du programme est en légère progression, certaines des actions qui le composent – pour l’essentiel les actions retraçant les moyens des opérateurs – enregistrent des évolutions très contrastées.

Si l’on analyse ces crédits par opérateur, on constate qu’un effort homogène de gestion leur est demandé en 2011 ; cet effort porte, pour l’essentiel, sur les trois établissements publics industriels et commerciaux du programme (CIRAD, IFREMER et BRGM) tandis que la subvention versée aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) enregistre une très légère augmentation.

Au premier abord, il semble par ailleurs que le programme 190 enregistre une évolution très positive, à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement dans ce domaine, dans la mesure où les autorisations d'engagements progressent de 5,2 % et les crédits de paiements de 14,8 %.

Cette progression résulte toutefois d'une modification du périmètre du programme 190 qui se traduit par la création d'une nouvelle action 15 relative aux charges nucléaires de long terme des installations du CEA. Cette nouvelle action, qui représente désormais 12,7 % du programme, explique la majeure partie, si ce n'est la totalité, de l'augmentation des crédits du programme.

En effet, à périmètre constant – c'est-à-dire en excluant du calcul cette nouvelle action – le programme 190 enregistre une baisse très significative des AE (– 11,1 %) et des CP (– 3,2 %).

On est donc très loin, au plan budgétaire, des priorités affichées par le Gouvernement en matière de recherche dans le domaine du développement durable.

● Le programme 190 finance les acteurs majeurs de la recherche dans le domaine du développement durable que sont l'ADEME, l'INERIS, l'IFP, l'INRETS, l'IRSN ou la nouvelle agence ANSES résultant de la fusion de l'AFSSET et de l'AFSSA, qui feront, cette année, les frais de la politique de rationalisation des opérateurs de l'Etat décidée dans le cadre de la RGPP.

Ces évolutions budgétaires pourraient être préoccupantes si, cette année, la perspective de moyens exceptionnels liés aux investissements d’avenir n’existait pas.

Sur les 40 conventions destinées à formaliser ces investissements, seize peuvent être rattachées à la recherche ou à l’enseignement supérieur – sans être forcément liées au domaine plus spécifique du développement durable. Leur opérateur est, pour douze d’entre elles, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et pour les quatre dernières l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Au total, ce sont 21,75 milliards d'euros qui sont prévus pour les différents domaines de la recherche mentionnés ci-dessus. Toutefois, ce chiffre global mérite une analyse détaillée. D’une part, il s’agit d’une somme qui sera étalée sur plusieurs années, le Gouvernement ayant d’ailleurs annoncé que cet étalement pourrait se prolonger au-delà de 2012. D’autre part, l’ensemble de ces crédits ne sera pas consomptible par les opérateurs, singulièrement s’agissant de l’ANR.

Au stade actuel de la mise en œuvre opérationnelle de ces investissements d’avenir, il semble que la gouvernance qui leur est applicable doit être améliorée ; en premier lieu, une plus grande clarté des rôles permettra aux acteurs privés de mieux identifier leurs interlocuteurs. Par ailleurs, le respect d’un certain principe de subsidiarité entre les ministères, le Commissariat général à l’investissement et les opérateurs de ces conventions permettra une meilleure articulation de ces investissements d’avenir avec les politiques en cours.

INTRODUCTION

Le présent rapport spécial est consacré à l’examen des crédits de deux programmes spécifiquement dédiés à la recherche dans les domaines du développement durable qui s’inscrivent dans le cadre de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) :

– le programme 187 Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources ;

– le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable ; ce programme regroupe les anciens programmes 189 Recherche dans le domaine des risques et des pollutions, 188 Recherche dans le domaine de l’énergie et 190 Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat qui ont été fusionnés à compter de la loi de finances pour 2010.

Ces deux programmes s’insèrent dans une politique plus générale de recherche et d’enseignement supérieur dont les moyens budgétaires sont retracés dans l’ensemble de la mission Recherche et enseignement supérieur » qui font, cette année encore, l’objet d’une programmation pluriannuelle.

Au titre de l’année 2011, le présent projet de loi de finances prévoit une légère progression des crédits de paiements de la mission qui s’établiront à 25,2 milliards d’euros (+ 1,89 %) tandis que les autorisations d’engagements sont stables à 25,4 milliards d’euros.

S’agissant par ailleurs de la programmation pluriannuelle 2011-2013, le projet de loi actuellement en discussion prévoit également une « sanctuarisation » des moyens budgétaires, ce dont le Rapporteur spécial prend acte.

PROGRAMMATION DES CRÉDITS DE LA MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

(en milliards d’euros)

Programmation pluriannuelle (périmètre constant 2010)

Projet de loi de finances pour 2011 (périmètre courant)

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

AE

CP

2011

2012

2013

2011

2012

2013

25,04

25,3

25,49

24,86

25,08

25,28

25,37

25,19

Source : projet annuel de performances 2011.

Au sein de la mission, les programmes et actions spécifiquement destinés au financement de la recherche représenteront en 2011, à périmètre courant, 10,24 milliards d’euros en AE et 10,27 milliards d’euros en CP, soit une stabilisation en AE (+ 0,01 %) et une légère progression en CP (+ 2,29 %).

Toutefois, plusieurs mesures de périmètre expliquent principalement cette évolution :

– d’une part, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) reçoit à partir des programmes 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et 190 Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables, respectivement 42,5 millions d'euros en AE et 146 millions d'euros en CP, suite à la budgétisation des dividendes d’AREVA, précédemment directement affectés au CEA. Ces crédits financeront des dépenses de recherche civile – pour 84,5 millions d'euros versés à parité à partir de ces deux programmes – et le Fonds civil dédié aux activités de démantèlement et d’assainissement à partir d’une nouvelle action Charges nucléaires de long terme des installations du CEA créée au sein du programme 190, et dotée au total de 104 millions d'euros. Les crédits budgétaires du Fonds civil sont ainsi retracés au sein de cette action pour 169 millions d'euros, dont la mesure de périmètre précitée, à laquelle s’ajoutent 65 millions d'euros redéployés suite à une économie fiscale ;

– d’autre part, au sein du programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle, Oséo bénéficiera d’une rebudgétisation de 140 millions d'euros en raison de la fin des financements extrabudgétaires de ses interventions par les reliquats de dotation de l’ex-agence pour l’innovation industrielle.

À structure constante, la variation entre le PLF 2011 et la LFI 2010 avant retraitement est de - 292,7 millions d'euros en AE (– 2,86 %) et
de – 63,5 millions d'euros en CP (– 0,63 %).

Cette évolution à la baisse des crédits budgétaires consacrés à la recherche s’inscrit dans le cadre d’un engagement présidentiel et de deux lois de programmation dont l’une porte plus particulièrement sur la recherche dans le domaine du développement durable.

L’engagement pris lors de la campagne électorale de l’actuel Président de la République consiste à augmenter les crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur de 9 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Si l’on prend en compte l’augmentation des crédits budgétaires de 21,22 milliards d’euros et 25,6 milliards d’euros en fin de période (+ 4,4 milliards d’euros), ainsi que la dépense fiscale liée au crédit impôt recherche (+ 3,44 milliards d’euros), on peut estimer que le Gouvernement se situe dans une tendance allant dans le sens de ses engagements, sans toutefois répondre pleinement à l’engagement présidentiel.

La loi d’orientation et de programmation pour la recherche du 18 avril 2006 prévoyait, par ailleurs, un accroissement pour chacune des années 2009 et 2010 de 640 millions d’euros pour les crédits budgétaires (y compris les agences) et de 40 millions d’euros pour les dépenses fiscales. Si les objectifs de dépense fiscale ont, à l’évidence, été dépassés du fait du nouveau crédit d’impôt recherche, la progression des crédits budgétaires est toutefois en léger retrait par rapport à la loi de programmation.

En effet, les crédits de paiement sont passés de 23,4 milliards d’euros en 2008 à 24,1 milliards d’euros en LFI 2009 et 24,7 milliards d’euros en LFI 2010. La progression des crédits entre 2010 et 2011 constitue par ailleurs un décrochage par rapport à la tendance résultant de la loi de programmation, même si celle-ci ne s’étendait pas formellement à l’année 2011.

Le présent projet de loi de finances s’inscrit par ailleurs dans les orientations fixées par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « loi Grenelle I ». L’article 22 de cette loi prévoit d’une part que « l'État mobilisera d'ici à 2012 un milliard d'euros supplémentaires en matière de recherche sur le développement durable » et d’autre part que « les dépenses de recherche sur les technologies propres et sur la prévention des atteintes à l'environnement seront progressivement augmentées pour atteindre, d'ici à la fin 2012, le niveau des dépenses de recherche sur le nucléaire civil ».

L’évaluation du respect de cet engagement est relativement complexe dans la mesure où la loi de programmation n’en dit pas plus sur le type de dépenses à prendre en compte au titre du développement durable. Le Rapporteur spécial y reviendra en détail dans la suite du rapport.

Toutefois, à ne prendre en compte que l’évolution des crédits des programmes 187 et 189 de la mission Recherche et enseignement supérieur, il apparaît clairement que la tendance n’est pas celle fixée dans le cadre de la « loi Grenelle I ».

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 187 ET 190

(en millions d'euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Évolution PLF 2011/LFI 2010 (en %)

Numéro et
intitulé du programme

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 238

1 238

1 245

1 245

+0,5

+0,5

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 409

1 296

1 335

1 374

–5,2

+6

Total

2 648

2 534

2  580

2 619

–2,5

+3,3

Source : projet annuel de performances 2011.

Si l’on ne prend en considération que les crédits budgétaires de ces deux programmes, la progression des CP est de l’ordre de 85 millions d'euros entre 2010 et 2011 tandis que les AE sont en repli de 2,5 % ; cette tendance ne permet pas de penser que le montant de 1 milliard sera atteint en 2012 par des moyens budgétaires classiques.

À ce titre, il faut mentionner que la nouveauté réside cette année dans la mobilisation d’importants moyens par le biais du grand emprunt. Effet, parmi les 40 conventions issues de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, 16 peuvent être directement rattachées à la politique de recherche de l’État. Conformément à cette loi, elles ont pour opérateur soit l’Agence nationale de la recherche (ANR), soit l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

CONVENTIONS DU GRAND EMPRUNT LIÉES À LA POLITIQUE DE RECHERCHE

Actions

Opérateur

Montant transféré
(en milliards)

Équipements d’excellence

ANR

1

Santé et biotechnologie

ANR

1,55

Instituts Carnot

ANR

0,5

Instituts de recherche technologique

ANR

2

Instituts hospitalo-universitaires

ANR

0,85

Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées

ANR

1

Fonds national de valorisation

ANR

0,95

Laboratoires d’excellence

ANR

1

Initiatives d’excellence

ANR

7,7

Saclay

ANR

1

Opération campus

ANR

1,3

France brevet

ANR

0,05

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées

ADEME

1,35

Économie circulaire

ADEME

0,25

Véhicules du futur (automobile/ferroviaire/naval)

ADEME

1

Smarts gris (réseaux d’électricité intelligents)

ADEME

0,25

Source : Commissariat général à l’investissement.

L’ensemble des crédits liés à ces conventions a été mis à disposition des deux opérateurs, pour un montant total de 21,75 milliards, soit 62 % du montant total des investissements d’avenir.

La mobilisation de ces moyens nouveaux en faveur de la recherche est une bonne nouvelle ; toutefois, le Rapporteur spécial aura à cœur de vérifier, cette année, qu’ils n’ont pas pour contrepartie la réduction des moyens budgétaires accordés aux opérateurs. Alors que la mise en œuvre des conventions entre dans une phase opérationnelle, il aura par ailleurs pour objectif de proposer certaines améliorations possibles dans le domaine de la gestion de ces crédits.

I.– L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 187 ET 190 REND DIFFICILE LE RESPECT DES ENGAGEMENTS DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

Les programmes de financement de la recherche dans les domaines du développement durable ont pour caractéristique principale d’être mis en œuvre par des opérateurs sur la base de contrats d’objectifs pluriannuels conclus avec l’État.

Il s’agit :

– pour le programme 187 Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et ressources de six établissements publics de recherche finalisée : lInstitut national de recherche agronomique (INRA), lInstitut de recherche pour le développement (IRD), le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF), le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et lInstitut de recherche pour lexploitation de la mer (IFREMER) ;

– pour le nouveau programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable :

● dans le domaine de l’énergie du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), de l’Institut français du pétrole (IFP) et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ;

● dans le domaine des risques et pollutions de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale et dans le travail (AFSSET), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ;

● dans les domaines des transports, de l’équipement et de l’habitat, de trois établissements publics : le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), le laboratoire central des Ponts et chaussées (LCPC) et l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS).

D’une manière générale, le Rapporteur spécial considère, cette année encore, que l’évaluation des crédits destinés à financer notre politique de développement durable relève d’un exercice complexe.

En premier lieu, la gestion des crédits est partagée entre le ministère en charge du développement durable, plus précisément du Conseil général du développement durable (CGDD), pour le programme 190 et du ministère en charge de la Recherche et de l'enseignement supérieur pour le programme 187.

En second lieu, les deux programmes permettent le financement de nombreux opérateurs dont les compétences peuvent, dans certains cas, se recouper. En outre, ces opérateurs bénéficient de financements extrabudgétaires qui ne sont pas retracés dans le projet annuel de performances pour 2011.

À titre exemple, on peut mentionner l’ADEME dont le financement par des ressources affectées tend à se développer depuis plusieurs années. Le présent projet de loi de finances amplifie d’ailleurs ce phénomène en augmentant, dans son article 71, la fraction de la TGAP qui lui est affectée. Si cette politique permet de mettre les opérateurs « à l’abri » des régulations budgétaires, elle conduit également à réduire la capacité du Parlement à évaluer la performance des moyens affectés à la recherche dans le domaine du développement durable.

En tout état de cause, le présent travail ne peut être engagé qu’en démontrant une évolution préoccupante des crédits des deux programmes 187 et 190 au regard des engagements qui lient le Gouvernement.

A.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME 187 : UNE STABILITÉ PRÉSERVÉE DES MOYENS DES OPÉRATEURS AU PRIX D’UN EFFORT DE GESTION

1.– Une évolution contrastée des actions du programme

Le programme 187 a l’ambition de constituer un pôle de référence de recherche scientifique et technologique et d’expertise de niveau mondial pour développer la gestion durable des milieux et la mise en valeur des ressources naturelles et des produits qui en sont issus, répondant aux besoins des sociétés du Nord comme du Sud en matière d’appui au développement et de gestion des risques sanitaires et environnementaux.

Le tableau ci-après permet d’appréhender les crédits du programme 187 par action ; alors que l’évolution globale des crédits du programme est en légère progression, certaines des actions qui le composent – pour l’essentiel les actions retraçant les moyens des opérateurs – enregistrent des évolutions très contrastées.

On peut noter en particulier la baisse de plus de 16,6 % de l’action 1, qui retrace une partie de la subvention de service public de l’INRA, du CEMAGREF, du CIRAD, de l’IFREMER et du BRGM. Cette baisse affecte de manière homogène l’ensemble des opérateurs dans leur politique de recherche sur les ressources, les milieux et la biodiversité.

À l’inverse l’action 7, qui enregistre une augmentation importante, retrace la subvention de service public de l’IRD (5 millions d'euros) et de l’IFREMER (46,8 millions d'euros). Cette augmentation vise à permettre la réorganisation de la flotte océanographique permettant de répondre de manière croissante aux besoins d’exploitation de l’océan. Ces deux opérateurs de recherche gestionnaires de navires mettent en place une entité de gestion unique chargée d’élaborer la programmation intégrée des navires et des équipements lourds, de coordonner les politiques d’investissements, d’anticiper le renouvellement de la flotte nationale et d’intégrer la dimension européenne de cette politique.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 187

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

2010

2011

Évolution
%

2010

2011

Évolution
%

1

Recherches sur les ressources, les milieux et leur biodiversité

276,6

272

–16,6

276,6

272

–16,6

2

Recherches sur les systèmes de production et de transformation

262,8

272,8

+3,8

262,8

272,8

+3,8

3

Recherches sur les systèmes socio-économiques

88,1

86,2

–2,1

88,1

86,2

–2,1

4

Recherches sur l’alimentation et ses produits

74,2

71,4

–3,8

74,2

71,4

–3,8

5

Recherches sur la sécurité alimentaire, sanitaire, environnementale et sur les risques naturels

168,8

169,6

+0,4

168,8

169,6

+0,4

6

Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

70,2

73,4

+4,5

70,2

73,4

+ 4,5

7

Grandes infrastructures de recherche

47,2

51,8

+9,7

47,2

51,8

+ 9,7

8

Moyens généraux et d’appui à la recherche

250,6

247,6

–1,2

250,6

247,6

–1,2

Total

1 238,6

1 245

+0,5

1 238,6

1 245

+0,5

Source : Projet annuel de performances 2011.

En tout état de cause, l’analyse des crédits par action n’a, pour le programme 187, que peu de sens, dans la mesure où l’ensemble des opérateurs bénéficie d’une fraction des crédits de chaque action. Cette complexité de lecture, qui répond, d’une certaine manière, à la logique de moyens portée par la LOLF, ne permet pas, à la seule lecture du tableau ci-dessus, de percevoir concrètement quelle est l’évolution des moyens de chaque opérateur.

Le Rapporteur spécial estime par conséquent que l’architecture même du programme 187 pourrait être simplifiée, de manière à faire apparaître avec davantage de clarté les tendances budgétaires par opérateur.

2.– Les moyens des opérateurs seront stables en 2011

a) La stabilité des moyens des opérateurs est préservée en 2011 au prix d’un effort de gestion pluriannuel

Le projet annuel de performances contient, par ailleurs, une présentation des crédits par opérateur qui s’avère bien plus utile pour comprendre les priorités du Gouvernement. Cette présentation retrace les crédits du programme 187 mais également de programmes voisins (1).

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE L’ÉTAT PAR OPÉRATEUR

(en millions d’euros)

Opérateur

LFI 2010

PLF 2011

Évolution (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

INRA

651,5

651,5

656,8

656,8

+0,8

+0,8

CEMAGREF

78,8

78,8

79

79

+0,2

+0,2

IRD

202,2

202,2

203,1

203,1

+0,4

+0,4

CIRAD

130,1

130,1

128,9

128,9

–0,9

–0,9

IFREMER

157

157

157

157

=

=

BRGM

99, 4

99,6

94,6

94,6

–4,1

–4,1

Source : PAP 2011.

On constate donc qu’un effort homogène de gestion est demandé aux opérateurs du programme en 2011; cet effort porte, pour l’essentiel, sur les trois établissements publics industriels et commerciaux du programme (CIRAD, IFREMER et BRGM) tandis que la subvention versée aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) enregistre une très légère augmentation.

Pour l’année 2011, le plafond d’emplois du programme 187 devrait être réduit de 7 ETP, sachant que ce chiffre résulte des mesures suivantes :

– une mesure de transfert d’emplois vers le programme 150, destinée à régulariser certaines situations individuelles ou à renforcer certains secteurs de l’administration centrale du MESR (10 ETP dont 5 pour le CNRS, 2 pour l’INSERM et 3 pour l’INRA) ;

– le relèvement du plafond d’emploi du BRGM, dans le cadre de la poursuite du programme Après mines (+ 14 ETP) ;

– des transferts d’emplois entre opérateurs placés sous la tutelle du ministère de la recherche.

Compte tenu de ce schéma, le plafond d’emplois consolidé du programme 187 s’établit à 17 205 ETP dans le présent projet de loi de finances. La variation nette de 7 ETP par rapport au plafond consolidé du PAP 2010 correspondant aux évolutions respectives des opérateurs suivants :

INRA : – 20 ETP (– 3 emplois statutaires et – 17 post-doctorants) ;

IRD : – 1 ETP (emploi statutaire) ;

BRGM : + 14 ETP (emplois permanents).

b) Les perspectives budgétaires 2011-2013 impliquent un effort de gestion des opérateurs

Conformément au projet de loi de programmation pluriannuelle portant sur les années 2011-2013, cette stabilisation devrait être poursuivie pendant les deux années à venir.

En effet, à structure constante, les crédits du programme 187 devraient passer de 1 238 millions d'euros en 2010 à 1 249 millions d'euros en 2013 (+ 11 millions d'euros).

Cette augmentation de 10,7 millions d'euros des crédits devrait toutefois se décomposer en plusieurs mesures destinées à améliorer la gestion des opérateurs ;

– des mesures dites de « socle technique » relatives aux évolutions salariales obligatoires et aux mesures catégorielles concernant les EPST et l’IFREMER pour ses personnels sous statut de la fonction publique devraient entraîner une dépense supplémentaire de 35,9 millions d'euros entre 2010 et 2013.

Elles consistent principalement dans le reclassement des techniciens de la recherche dans le nouvel espace statutaire de la catégorie B (+ 3,2 millions d’euros en 2011), l’extension du relèvement du point fonction publique décidé au 1er juillet 2010 (+ 1,7 million d'euros en 2011) et les relèvements du taux de cotisation employeur aux pensions civiles et à l’allocation temporaire d’invalidité (+ 30,9 millions d'euros sur la période) ;

– en contrepartie, des mesures d’amélioration de gestion des opérateurs devraient se traduire par une économie 25,2 millions d'euros sur la période. Cette économie globale est principalement liée à la mise en œuvre de la RGPP
(– 24,6 millions d'euros) et au remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance (– 2,6 millions d'euros). À l’inverse, le versement annuel du plan carrière 2009-2011 représente, au titre de l’année 2011, un montant de 2,1 millions d'euros.

À structure courante, ces flux budgétaires représentent une augmentation de 10,4 millions d'euros. En effet, ils prennent en compte des redéploiements d’emplois opérés entre opérateurs subventionnés par le ministère en charge de la recherche pour un montant total de 300 000 euros. Cette économie se répartit entre :

– le transfert de trois ETP de l’INRA vers le GIP « Observatoire des sciences et des techniques » (OST) relevant du programme 172 au 1er janvier 2011 (– 248 000 euros) ;

– le transfert d’un ETP de l’IRD vers l’Académie des technologies relevant également du programme 172 au 1er janvier 2011 (– 42 000 euros).

3.– Un effort de performance sera demandé aux opérateurs

La relative stabilité des moyens accordés aux opérateurs du programme 187 démontre la volonté du Gouvernement de préserver la recherche dans le domaine du développement durable ; toutefois, cette stabilité a comme pendant un effort de performance que chaque opérateur devra réaliser pendant les deux années à venir.

a) Des indicateurs supplémentaires qui ne permettent pas d’identifier les résultats individuels des opérateurs

Pour l’année 2010, les indicateurs du programme ont été adaptés afin de répondre de façon plus adéquate aux objectifs visés dans le projet annuel de performances. Cette adaptation visait à les harmoniser avec ceux des objectifs équivalents des autres programmes de la MIRES, notamment le programme 172.

● Pour l’objectif 1 Produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international, deux indicateurs bibliométriques, analogues à ceux du programme 172, mesurent la place prise par la production scientifique des opérateurs du programme.

Pour l’année 2011, on constate un tassement des résultats de ces deux indicateurs démontrant un recul de la part des publications de référence internationale à la fois dans la production scientifique mondiale et européenne. Le Rapporteur spécial appelle les opérateurs à s’investir davantage pour améliorer ces chiffres.

● Pour l’objectif 2 Contribuer à l’amélioration de la compétitivité des filières économiques associées par le transfert et la valorisation de la recherche, deux indicateurs permettent de suivre la performance des opérateurs : l’indicateur 2.1 porte sur la rentabilité de la recherche à travers le ratio Produit des redevances sur brevets, COV, logiciels et licences rapporté aux dépenses liées aux frais de propriété intellectuelle tandis que l’indicateur 2.2 traduit l’effet de levier de la recherche publique sur la recherche privée en mesurant la Part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs.

Pour ces deux indicateurs, la performance des opérateurs tend à s’améliorer. Cette tendance démontre leur capacité à insérer la politique de recherche dans une logique industrielle, en lien avec les acteurs privés.

● Pour l’objectif 3 Mobiliser les connaissances en appui aux politiques publiques, le nouvel indicateur retenu s’intéresse au produit de l’activité d’expertise, via le comptage des rapports rédigés en réponse à une commande publique formalisée.

Le PAP fait état de l’absence de progression de cet indicateur depuis 2008, ainsi qu’un certain manque d’ambition dans la mesure où la prévision pour 2011 est de 1 050 rapports alors que la réalisation était déjà de 1 000 rapports au titre de l’année 2008. L’objectif de progression n’est donc que de 5 % en trois ans.

● Pour l’objectif 4 Contribuer au développement du Sud par le partenariat scientifique et technologique, l’indicateur 4.1 mesure la part des co-publications réalisées avec des partenaires de pays du Sud parmi les publications des opérateurs du programme.

● Pour l’objectif 5 Participer à la construction de l’Europe de la recherche, deux indicateurs font état du « taux de présence » des opérateurs du programme dans les projets financés par le PCRD de l’Union européenne et de la part des articles co-publiés avec un pays membre de l’Union européenne dans les articles des opérateurs de programme. L’intitulé même des indicateurs, en faisant référence au taux de présence, pourrait être amélioré.

● Dans le présent projet pour 2011, trois nouveaux sous-indicateurs ont été ajoutés pour améliorer l’analyse des résultats des opérateurs.

Au sein du premier objectif, un sous-indicateur a été ajouté pour mesurer la part des opérateurs du programme dans un espace correspondant aux trois premiers pays européens (France, Allemagne et Royaume-Uni). D’après les explications fournies par le Gouvernement, cet espace voit en effet la part de sa production scientifique baisser en tendance dans la production européenne et mondiale, du fait de la concurrence de pays européens comme l’Espagne et la Pologne ou extra-européens comme la Corée, la Chine ou l’Inde.

D’après le Gouvernement, cet indicateur doit permettre de mesurer la compétitivité scientifique des opérateurs du programme par rapport à des concurrents soumis à une dilution comparable de leur part européenne et mondiale.

Le Rapporteur spécial s’étonne de la logique qui a conduit le Gouvernement à ajouter cet indicateur ; en effet, il revient à évaluer la performance des opérateurs du programme par rapport à des pays dont on reconnaît qu’ils perdent des parts dans la production mondiale. De ce fait, il donne l’impression de vouloir démontrer que les opérateurs français ne sont pas plus mauvais que ceux de nos voisins européens, ce qui n’est pas un objectif particulièrement ambitieux.

Dans le second objectif, deux sous-indicateurs ont été ajoutés pour suivre d’une part le montant en valeur des redevances sur les brevets, certificats d’obtention végétale, logiciels et licence et d’autre part le montant en valeur des ressources provenant des contrats de recherche passés avec les entreprises. Dans le PAP 2010, ces chiffres étaient rapportés aux dépenses des opérateurs. Cette information permet effectivement de suivre de manière plus claire l’efficacité effective des actions entreprises par les opérateurs.

Malgré ces améliorations réalisées dans les indicateurs de performance depuis deux ans, le Rapporteur spécial regrette qu’ils ne permettent pas d’évaluer la performance de chaque opérateur.

En effet, de même que chaque action du programme conduit à financer tous les opérateurs du programme, les indicateurs s’appliquent aux actions réalisées par l’ensemble de ces opérateurs. Or, il serait préférable, pour le Parlement, de pouvoir évaluer la performance d’un opérateur pris isolément, ce qui n’est pas possible compte tenu de l’architecture actuelle du programme 187 et de ses indicateurs.

b) Des améliorations sont possibles en prenant en compte les préconisations de la Cour des comptes

Cette année, la Cour des comptes a mené un travail particulièrement utile sur plusieurs opérateurs du programme 187 ; trois rapports particuliers ont été rendus sur le BRGM (8 juillet 2010), l’IFREMER (27 juillet 2010) et le CIRAD (27 juillet 2010).

L’ensemble de ces contrôles a été mené dans le cadre d’une enquête portant sur le programme 187 ; il fait état, de manière générale, d’une amélioration de la qualité des données comptables des opérateurs, qui se traduit notamment par des projets de certification des comptes chez certains opérateurs.

D’après la Cour des comptes, ce processus de certification ne peut être mené à bien que si les opérateurs du programme disposent de bases comptables homogènes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Les problèmes comptables portent en particulier sur:

– la comptabilisation des subventions pour charges de service public, dont une part doit permettre de financer des dépenses d’investissements ;

– le classement des ressources issues des contrats de recherche (qui relève de la subvention et non du chiffre d’affaires pour les financements obtenus par l’ANR et du programme cadre de recherche et de développement) ;

– le rattachement de ces ressources contractuelles à l’exercice pertinent.

La Cour rappelle à juste titre qu’une comptabilité améliorée mériterait d’être rapidement mise en œuvre dans la perspective du grand emprunt, qui aura des traductions comptables pluriannuelles.

S’agissant plus particulièrement de l’IFREMER, le rapport fait état d’une augmentation des ressources de fonctionnement de 25 % en quatre ans ; la progression des produits est constante, tandis que l’évolution des charges est très hétérogène sur la période étudiée. De ce fait, le résultat excédentaire de l’IFREMER enregistre est évolution erratiques sur cette période.

Le résultat d’exploitation de l’IFREMER est par ailleurs largement déficitaire sur la période. Paradoxalement, le résultat financier est excédentaire du fait des plus-values de cessions de valeurs mobilières réalisées par l’opérateur.

Sur l’ensemble de la période, il apparaît que les ressources propres de l’institut augmentent de 50 % ce qui témoigne de la diversification des financements de l’établissement.

Concernant le CIRAD, la Cour note que ses principaux indicateurs financiers s’améliorent au cours des dernières années. Cette bonne santé financière s’explique par une croissance importante du chiffre d’affaires alors que la subvention d’exploitation a progressé modérément ces dernières années. Dans le même temps, l’augmentation des frais de personnels a été contenue.

S’agissant enfin du BRGM, la Cour des comptes salue un net redressement des comptes au cours des récents exercices, provenant en grande partie d'un désengagement de la quasi-totalité de ses filiales industrielles (à l'exception de la filiale de géothermie située en Guadeloupe). Ce désengagement concerne notamment la construction d'une unité de traitement du nickel en Nouvelle-Calédonie dans un contexte politique compliqué.

Parmi les points importants du rapport, le Rapporteur spécial relève que le contrat d'objectif du BRGM fixe 18 objectifs déclinés en 60 actions mesurées par des indicateurs en nombre très important (plus de 50). La Cour précise que ces indicateurs ne sont pas harmonisés avec ceux du programme 187, décalage qui est très regrettable pour l'évaluation de la performance du BRGM.

S'agissant de la création d'une école spécifique – l'École nationale d'application des géosciences (ENAG) – la Cour continue de d'estimer qu'une telle structure n'était pas forcément nécessaire, sachant que l'adaptation de filières de formations existantes aurait permis d'aboutir au même résultat.

B.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME 190 : UN DÉCROCHAGE PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT

Né de la fusion des programmes 188, 189 et 190 dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2010, le nouveau programme 190 reprend les mêmes actions, objectifs et opérateurs que précédemment en les regroupant sous des thématiques communes déclinées en cinq actions.

Cette année, l’examen du programme 190 est facilité par le travail considérable réalisé par le comité interministériel d’audit des programmes qui a rendu un rapport sur ce programme 190.

1.– La croissance apparente des crédits résulte de la création d'une nouvelle action au sein du programme.

Ce nouveau programme a l'ambition d'être un levier essentiel de la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, en regroupant les moyens budgétaires liés au développement des nouvelles technologies de l'énergie, y compris l'énergie nucléaire, de la construction des systèmes de transport.

Au premier abord, il semble que le programme 190 enregistre une évolution très positive, à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement dans ce domaine, dans la mesure où les autorisations d'engagements progressent de 5,2 % et les crédits de paiements de 14,8 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 190

(en millions euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

2010

2011

Évolution (en %)

2010

2011

Évolution
(en %)

10

Recherche dans le domaine de l’énergie

665,8

664,1

-0,2

66,9

664,1

-0,4

11

Recherche dans le domaine des risques

251,3

221,7

-11,7

251,7

221,7

-11,9

12

Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement

112,7

112,8

+0,1

112,9

112,8

-0,1

13

Recherche partenariale dans le développement et l’aménagement durable

67,6

52,4

-22,5

66,9

58,4

-12,78

14

Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile

312,1

115

-63,1

197,7

148,2

-25

15

Charges nucléaires de long terme des installations du CEA (nouveau)

 

169

   

169

 

Total

1 034

1 087,7

+ 5,2

937,5

1 076,8

+14,8

Source : projet annuel de performances 2011.

Cette progression résulte toutefois d'une modification du périmètre du programme 190 qui se traduit par la création d'une nouvelle action 15 relative aux charges nucléaires de long terme des installations du CEA. Cette nouvelle action, qui représente désormais 12,66 % du programme, explique la majeure partie, si ce n'est la totalité, de l'augmentation des crédits du programme.

En effet, à périmètre constant – c'est-à-dire en excluant cette nouvelle action du calcul – le programme 190 enregistre une baisse très significative des AE (– 11,1 %) et des CP (– 3,2 %).

On est donc très loin, au plan budgétaire, des priorités affichées par le Gouvernement en matière de recherche dans le domaine du développement durable. Pourtant, ce programme 190 retrace l'essentiel des crédits budgétaires destinés à cette politique.

S'agissant de la nouvelle action 15, elle vise à mettre le CEA en conformité avec l'article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, qui impose aux opérateurs du nucléaire de provisionner les moyens de faire face aux coûts du démantèlement et de l'assainissement de leur installation nucléaire ainsi que les dépenses liées au traitement du combustible usé. Cette provision est réalisée par la constitution d'un portefeuille d'actifs dédiés dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi. En tant qu'exploitant d'installations nucléaires, le CEA est soumis à cette loi.

Ce montant de 165 millions d'euros se décompose en 65 millions d'euros de subvention et 104 millions d'euros de budgétisation des dividendes du groupe AREVA que le CEA percevait jusqu'alors directement.

2.– Hors cette mesure de périmètre, plusieurs opérateurs du programme sont soumis à de sévères mesures de régulation budgétaire

Le programme 190 finance les acteurs majeurs de la recherche dans le domaine du développement durable que sont l'ADEME, l'INERIS, l'IFP, l'INRETS, l'IRSN ou la nouvelle agence ANSES résultant de la fusion de l'AFSSET et de l'AFSSA, qui feront, cette année, les frais de la politique de rationalisation des opérateurs de l'Etat décidée dans le cadre de la RGPP.

Cette régulation budgétaire ne signifie pas nécessairement que les moyens d'action des opérateurs seront fondamentalement remis en cause ; elle les contraindra à chercher de nouveau financements, notamment en se tournant vers les acteurs privés. Ainsi en est-il par exemple de l'INERIS que la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») autorise à percevoir une redevance sur les entreprises désirant, à l'occasion de travaux de voirie, connaître la situation exacte des réseaux d'adduction d'eau, de gaz ou d'électricité.

Pour les opérateurs les plus chanceux, comme l'ADEME, l'affectation de ressources fiscales constitue un palliatif aux restrictions budgétaires, au risque d'amplifier la tendance actuelle à la débudgétisation des dépenses de l'État. Ainsi, dans le présent projet de loi de finances, l'article 71 prévoit-il une augmentation de la fraction de la TIPP qui lui est affectée.

Le tableau ci-dessous présente l'évolution globale du financement budgétaire des opérateurs entrant dans le champ du programme 190.

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE L’ÉTAT PAR OPÉRATEUR

(en millions d’euros)

Opérateur

LFI 2010

PLF 2011

Évolution (en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

ADEME

107,7

107,7

82,7

82,7

-23,2

-23,2

ANSES

86,3

86,3

99,5

98,6

+15, 3

+14,2

CEA

1 026

1 026

1 230

1 230

+19,9

+19,9

IFP

172,6

172,9

152,7

152,7

-11,5

-11,5

INERIS

42,4

42,4

33,7

33,7

-20,5

-20,5

INRETS

44

44

44

44

=

=

IRSN

246,4

246,8

216,8

216,8

-12

-12

LCPC

44,8

44,9

45,8

45,8

+2,2

+2,2

Source : projet annuel de performances 2011.

Parmi les évolutions marquantes de son tableau, on doit mentionner :

– la réduction significative du soutien budgétaire à l'ADEME, qui percevra cette année le produit d'une nouvelle taxe affectée. Depuis 2008, cet établissement public industriel et commercial perçoit une fraction de la TGAP, de la TICGN et de la taxe sur la consommation de charbon. Le montant total du produit des taxes affectées à l'ADEME a représenté 511 millions d'euros en 2010 contre 428 millions d'euros en 2009. Compte tenu de l'article 71 du projet de loi de finances, ce montant devrait être augmenté de 67 millions d'euros ;

– la réduction importante des moyens budgétaires accordés à l'IFP. Depuis le début de l'année 2010, l'IFP est devenue "IFP Énergies nouvelles" pour marquer son investissement dans les problématiques du développement durable. L'IFP est donc désormais un organisme public de recherche, d'innovation industrielle et de formation intervenant dans l'ensemble des thématiques du développement durable.

Cette réduction des crédits de l'IFP est d'autant plus regrettable que l'établissement a fait l'objet d'une performance remarquable ces dernières années. En effet, le nombre de brevets déposés est passé de 139 en 2006 à 182 en 2010, suivant une courbe de croissance régulière.

Le budget prévisionnel de l'opérateur en 2010 démontre par ailleurs que sa capacité à compenser la baisse des crédits budgétaires par des ressources propres est limitée. En 2009, ses ressources propres s'élevaient à 241,8 millions d'euros, provenant pour l'essentiel de prestations de recherche (38 millions d'euros), de redevances (38,8 millions d'euros) et de production immobilisée (15,9 millions d'euros). Pour faire face aux précédentes annulations budgétaires, l'IFP avait réalisé en 2009 une reprise de provision sur titre (50,6 millions d'euros) et mobilisé des produits exceptionnels résultant de l'apurement d'avances remboursables (50 millions d'euros). Ces recettes n'étant pas pérennes, il en résulte logiquement que, dans le budget prévisionnel de l'opérateur pour 2010, les ressources propres prévues tombent de 241,8 millions d'euros à 136,8 millions d'euros. En ajoutant à cette baisse la réduction budgétaire, il apparaît que la capacité de l'IFP à poursuivre des programmes ambitieux de recherche est sérieusement remise en question ;

– les crédits de l'INERIS enregistrent également une baisse conséquente de l'ordre de 20 %, alors même que les perspectives futures de l'institut sont en cours de formalisation dans le cadre d'un contrat d'objectifs pour la période 2011-2015. Cet opérateur a pour missions de réaliser des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions dans les domaines des substances et des produits chimiques, des risques technologiques et des pollutions et des risques liés à l'après-mine, aux stockages souterrains et aux risques naturels.

Cette régulation budgétaire intervient alors même que l'article 219 de la loi Grenelle II lui confie la tâche nouvelle de créer un guichet unique auquel pourront s'adresser les opérateurs privés pour localiser avec précision les réseaux d'eau, de gaz et d'électricité. L'article L. 554-2 du code de l'environnement, qui créé ce guichet unique, précise pourtant qu'il s'agit d'une mission de service public destinée à assurer la sécurité des personnes et de l'environnement, principe qui n'a toutefois pas trouvé de traduction budgétaire dans le présent projet de loi ;

– les crédits de l'IRSN sont en baisse de 12 % ; cet institut intervient dans le domaine de la recherche et de la sécurité nucléaire, mais fournit également un appui technique à l'Autorité de sûreté nucléaire. Cette réduction budgétaire pourra partiellement être compensée par la mobilisation, budgétée en 2010, de 55 millions d'euros de ressources propres ;

– à l'inverse, les crédits de l'ANSES augmentent de 14,2 % en 2011. Cette nouvelle agence, créée par l'ordonnance n° 2010-18 du 7 janvier 2010 et le décret n° 2010-719 du 28 juin 2010 résulte de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) dont les travaux étaient complémentaires, voire très proches comme par exemple dans le domaine de la recherche sur les effets des pesticides sur la santé.

Cette fusion permettra à la fois d'obtenir des gains de productivité et de permettre à la nouvelle agence de mobiliser davantage de moyens à l'appui d'un projet de recherche.

L'agence est placée sous la tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement, de la santé et du travail. Le Rapporteur spécial regrette que cette agence ait été placée sous la tutelle de cinq ministères différents, ce qui ne devrait pas faciliter sa gouvernance. En toute logique, la seule tutelle de ministère en charge du développement durable aurait été la meilleure des solutions ;

– enfin, les crédits du CEA, devenu depuis par l'article 9 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables, augmentent de près de 20 %. Cette augmentation s'explique en grande partie par la budgétisation des dividendes d'AREVA mentionnée plus haut, mais aussi par une progression générale de l'ensemble des lignes budgétaires destinées à cet opérateur. En particulier, la subvention pour charges de service public passe de 499 millions d'euros à 517 millions d'euros.

Le Rapporteur spécial estime que cette évolution n'est pas conforme à l'engagement du Grenelle de l'environnement, par ailleurs inscrit dans la loi Grenelle I, de porter la recherche dans le domaine du développement durable des mêmes moyens que la recherche dans le domaine du nucléaire. Il apparaît qu'aujourd'hui encore, malgré le Grenelle, le nucléaire continue à bénéficier d'un traitement d'exception, notamment sur le plan budgétaire.

3.– Ces mesures risquent de peser sur les performances des opérateurs

Faut-il y voir un lien avec les évolutions budgétaires contrastées des opérateurs mentionnés ci-dessus ? Le fait est que les indicateurs de performance tendent, en 2009 comme en 2010, à se tasser par rapport aux objectifs initialement fixés.

Il faut reconnaître qu'il est compliqué, pour un opérateur, d'atteindre les objectifs qui lui ont été fixés sur plusieurs années alors que les évolutions budgétaires peuvent enregistrer des replis qui se situent entre 10 et 20 %.

Ainsi, les deux sous-indicateurs relatifs à l'IFP (montant des redevances et des licences sur brevets rapporté aux dépenses de propriété intellectuelle d'une part, produit des redevances et des licences sur brevets d'autre part) sont en assez net recul. Le premier sous-indicateur est passé de 487 en 2008 à 414 en prévision actualisée en 2010, tandis que le second sous-indicateur se situe à 16,5 % en 2010 contre 18,6 % en 2008.

De même l'indicateur 5.1 retraçant différents indices de satisfaction des bénéficiaires de l'expertise de l'IRSN est en baisse pour chacun des quatre sous-indicateurs.

À l'inverse, certains indicateurs, communs à plusieurs opérateurs du programme – ce qui ne facilite pas leur interprétation – démontrent que ceux-ci présentent une indéniable capacité à tisser des liens avec des partenaires institutionnels ou privés. Ainsi, l'indicateur 1.4, mesurant la part des financements européens dans les ressources totales des instituts, est en forte augmentation. Enfin, l'un des indicateurs les plus intéressants du programme, mesurant la part des contrats de recherche passés avec les industriels sur les recettes totales des opérateurs (indicateur 2.2) est également en forte progression.

Le Rapporteur spécial exprime par conséquent sa satisfaction de constater que l'efficacité de la recherche de ces instituts reste possible, malgré une évolution budgétaire qui n'est pas, à l'évidence, favorable à la recherche de la performance.

Le rapport du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) porte par ailleurs un regard relativement critique sur certains indicateurs du programme. Ainsi, s’il estime que 8 des 10 indicateurs sont satisfaisants, il propose la suppression des deux indicateurs 1.3 et 4.1 relatifs respectivement à la part des ressources apportées par les redevances sur titre de propriété intellectuelle et à la mesure des transferts des nouvelles technologies de l’énergie auprès des industriels à partir des travaux du CEA et de l’IFP. Selon le rapport, le brevet est une unité de mesure peu pertinente et il serait préférable d’appliquer au CEA l’indicateur 2.2.

Le Rapporteur spécial estime que les deux indicateurs ont leur pertinence, l’un pour juger de la capacité de l’opérateur à tisser des liens avec le monde industriel et l’autre pour évaluer l’efficacité de leur recherche pure à partir du nombre de brevets déposés.

C.– LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CLASSIQUES NE PERMETTRONT PAS LA MISE EN œUVRE DES ENGAGEMENTS DU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

L’évolution des crédits des deux programmes que le Rapporteur spécial a la charge d’examiner ne traduisent évidemment pas les tendances affichées dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qu’il s’agisse de l’engagement relatif à l’octroi d’un milliard supplémentaire pour la recherche dans le domaine du développement durable ou celui relatif à l’égalisation des crédits destinés à cette politique avec ceux consacrés à la recherche dans le domaine du développement durable.

Le Gouvernement ne s’était certes pas engagé, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, à financer ces engagements par des moyens budgétaires classiques.

Toutefois, la concomitance du Grenelle de l’environnement avec le plan de relance et le grand emprunt amène à s’interroger sur les moyens budgétaires réellement mobilisés au titre du Grenelle de l’environnement.

Il apparaît en effet que les ministères comme les opérateurs tendent à faire des crédits du plan de relance et des crédits issus du grand emprunt les moyens privilégiés de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Or, ces trois politiques relèvent d’objectifs et surtout d’engagements qui ne sauraient, en tout cas sur le plan budgétaire, être confondus.

1.– Les déclinaisons budgétaires du Grenelle de l’environnement liées aux programmes 187 et 190

En tâchant de faire la part des choses, il est possible de décrire comme suit la déclinaison budgétaire du Grenelle de l’environnement pour les opérateurs du programme 190 :

– l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) a entrepris en 2010 de coordonner le pôle national applicatif en toxicologie et éco-toxicologie. Il a reçu à ce titre cette année une dotation de 2,5 millions d’euros en AE et en CP qui doit par ailleurs être reconduite en 2011. Dans la perspective de la mise en œuvre du programme européen REACH relatif au contrôle des produits chimiques dans l’espace européen, ce pôle a vocation à encourager la mise en réseau de l’ensemble des acteurs de la recherche sur les mécanismes de toxicité et ainsi à devenir un centre de référence de niveau international sur les méthodes d’évaluation des produits chimiques alternatives aux essais sur animaux ;

– l'Institut national de recherche pour les transports et leur sécurité (INRETS) est engagé sur la période 2009-2012 dans le projet VERONESE relatif à l'optimisation de l'exploitation des réseaux routiers et ferroviaires. Les crédits mobilisés en 2011 en faveur cette politique représentent une enveloppe de 1,25 million d’euros ;

– le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) s'est engagé dans un vaste plan de soutien à l’innovation dans le secteur du bâtiment autour de la création d’un centre de référence des bâtiments du Grenelle. Il entend également développer un dispositif d’intégrabilité des innovations du Grenelle et engager la création d’une plate-forme publique d’ingénierie pédagogique. Les crédits mobilisés en 2011 en faveur du CSTB représenteront une enveloppe de 1,25 million d’euros.

En parallèle, les organismes de recherche ont été invités à adapter leurs objectifs de recherche aux priorités fixées par le Grenelle de l'environnement et à en tenir compte dans leurs prochains contrats d'objectifs. Le premier contrat renouvelé a été celui de l'ADEME pour les années 2009-2012. Suivent les contrats d'objectifs 2010-2013 du LCPC et de l'INRETS en cours de signature. Vont suivre également les contrats de l'IRSN et du CEA, de l'IFP Énergies nouvelles puis de l'INERIS.

De plus, des actions spécifiques sont menées, sous forme de programmes incitatifs animés par la direction de la recherche et de l'innovation du ministère en charge du développement durable, sur des priorités du Grenelle de l'environnement :

– la participation des ONG au pilotage de la recherche et de l'expertise fait l'objet du programme REPERE (pour Réseau d’échange pour piloter ensemble la recherche et l’expertise) ; il a débouché sur deux appels à projet en 2010 et 2011 ;

– la recherche sur la biodiversité, visant à développer les communautés scientifiques qui étudient les politiques de gestion de la biodiversité, des écosystèmes et la prévention des impacts des activités humaines fait l'objet de différents projets qui devraient aboutir en 2010 ou 2011 (le programme Action publique, agriculture et biodiversité dont l'appel à projet est prévu en 2011 ; le programme Biodiversité, gestion forestière et politiques publiques dont l'appel à projet a eu lieu 2010 ; le programme Évaluation et réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides devrait également aboutir en 2011, de même que le projet relatif à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité) ;

– l’impact environnemental et sanitaire des produits issus des biotechnologies fait également l'objet d'un programme important dont la mise en œuvre se poursuivra en 2011 (Gouverner les risques environnementaux et sanitaires liés à la dissémination d’OGM).

En 2010 et 2011, les engagements prévus pour ces actions sont donnés dans le tableau ci-dessous.

CRÉDITS LIÉS À LA MISE EN œUVRE DE PROGRAMMES DE RECHERCHE LIÉS AU GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT

(en millions d’euros)

 

2010

2011

Accès des ONG à l’expertise

0,62

0,70

Actions transversales et adaptation au changement climatique

2,93

1,18

Développement de la recherche sur la biodiversité

2,03

1,05

Recherche sur les risques liés aux biotechnologies végétales

0,12

1

Total

5,6

3,93

Source : Ministère en charge du développement durable

S’agissant des opérateurs du programme 190, le Gouvernement a demandé aux organismes de recherche d'intensifier leurs travaux sur les priorités qui avaient été identifiées par le comité opérationnel « Recherche » du Grenelle de l’environnement. Cette demande est traduite notamment dans le choix des orientations fixées lors du renouvellement des contrats d'objectifs établis avec ces organismes. Une enquête annuelle est par ailleurs menée auprès de l’ensemble des organismes pour quantifier les crédits correspondants.

Cette enquête a montré que, par rapport à une référence 2007 de 474 millions d'euros, l'effort supplémentaire réalisé par les organismes de recherche du programme 187 pour répondre aux demandes du Grenelle de l'Environnement, principalement par redéploiement interne, a été de 22 millions d'euros en 2008 et de 47 millions d'euros en 2009. Il est en outre estimé à 74 millions d'euros pour l’année 2010.

Au titre de l’année 2011, les prévisions de recherche des organismes permettent de prévoir que les moyens supplémentaires seront de 81 millions d'euros en 2011 et de 87 millions d'euros en 2012 par rapport à 2007.

2.– Un tableau de bord général de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement particulièrement ambitieux

Le tableau ci-dessous, réalisé par le Commissariat général au développement durable, offre une vision générale des moyens qui sont affectés à la mise en œuvre des engagements du Grenelle de l’environnement dans le domaine de la recherche.

Le Rapporteur spécial estime que ce tableau de bord, pour intéressant qu’il soit pour analyser les tendances budgétaires, est optimiste tant au niveau des crédits réalisés entre 2007 et 2009 que des crédits prévus entre 2010 et 2012.

On ne peut que constater un écart croissant entre les crédits prévus pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et ceux inscrits dans les programmes 187 et 190. Ces derniers ne représenteront en effet en 2011 qu’une petite partie des 415 millions d’euros prévus par le tableau ci-dessous.

Au-delà de cette remarque générale, le Rapporteur spécial prend acte avec satisfaction du rapprochement, en tendance, du montant des crédits accordés à la recherche dans le domaine du nucléaire et dans les autres domaines du développement durable.

SYNTHÈSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS ASSOCIÉS AU GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

Prévisions 2010

Projection 2011

Projection 2010

Énergie nucléaire

384,9

399,2

416,4

443,9

489,4

552,2

Énergie (technologies propres)

214,6

327,3

372

342,7

369,9

391,9

Transports

124,3

116,9

181,5

186,2

192,5

189,3

Urbanismes et habitat

45,7

54,3

58,3

82,2

69,1

76,6

Santé environnement

310,7

317,9

339,1

346,4

350,1

359,1

Agriculture et biodiversité

391,9

433,8

450,8

472

467,7

468,8

Actions transversales

181,4

194,9

220

231,9

234,8

240,8

Total

1 268,8

1 445,3

1 622

1 661,6

1 684,2

1 726,7

Crédits cumulés du “milliard” Grenelle

 

176,4

529,7

922,5

1 337,9

1 795,8

- dont part annuelle

 

176,4

353,2

392,8

415,4

457,8

Source : CGDD

*

* *

II.– LA POLITIQUE DE RECHERCHE EST DE PLUS EN PLUS FINANCÉE
PAR DES MOYENS EXTRABUDGÉTAIRES

Les évolutions budgétaires présentées ci-dessus ne permettent pas a priori de conclure que le Gouvernement entend faire de la recherche dans le domaine du développement durable une priorité. Le Rapporteur spécial constate cependant que cette priorité a pris toute sa place dans plusieurs politiques postérieures au Grenelle de l'environnement qui ont été formalisées, sur le plan financier, par des moyens exceptionnels ou extrabudgétaires.

D'un côté, il faut se réjouir que le Grenelle de l'environnement ait permis la prise en compte du développement durable dans plusieurs politiques menées après 2008. Mais de l'autre, le Rapporteur spécial regrette que la recherche dans le domaine du développement durable soit financée par des moyens qui, eux, ne le sont pas.

Or, pour tous ceux qui savent comment un projet de recherche est mené concrètement, il apparaît évident qu'une prévisibilité pluriannuelle est un gage de performance. La recherche, qu'elle soit du domaine de l'environnement ou non, a besoin de temps et d'une certaine constance dans l'investissement. Cela n'exclut pas, bien sûr, que son efficacité et sa productivité soit recherchées par les personnes publiques à l'origine de cet investissement.

Le Rapporteur spécial appelle par conséquent le Gouvernement à conforter son implication dans ce domaine en offrant aux acteurs de la recherche du développement durable plus de prévisibilité dans les moyens qui leur seront consacrés.

A.– LES MOYENS EXCEPTIONNELS ISSUS DU PLAN DE RELANCE ET DU GRAND EMPRUNT DEMANDENT À ÊTRE UTILISÉS DE MANIÈRE RATIONNELLE

Les opérateurs de la recherche dans le domaine du développement durable ont vu arriver, ces deux dernières années, des moyens massifs liés au plan de relance et au grand emprunt finançant les investissements d'avenir.

Ces moyens nouveaux, souvent très importants si on les rapporte aux crédits budgétaires annuels de ces opérateurs, ont, dans les deux cas, été octroyés dans le cadre d'une politique placée sous le sceau de l'urgence qu'il n'est souvent pas facile d'accorder avec le temps nécessaire à la mise en œuvre efficace d'un plan de recherche scientifique rationnel.

Dans ces deux domaines, la France doit se laisser le temps nécessaire pour identifier clairement les priorités ; faute d'une stratégie claire, ces moyens risquent soit d'être affectés à des projets de recherches qui ne constituent pas à proprement parler des investissements d'avenir, soit d'être affectés à des opérateurs qui ne seront pas en mesure de les utiliser avec le maximum d'efficacité possible.

1.– Les moyens du plan de relance : une ressource éphémère destinée à une politique de long terme

Le plan de relance de l’économie s’est traduit par trois lois, dont deux lois de finances rectificatives pour 2009 destinées à mobiliser des moyens importants en faveur de la relance de l’économie (2). Sur le plan budgétaire, le plan de relance s’est traduit par la création d’une nouvelle mission dans le budget général dont les crédits représentent au total plus de 23 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP).

RÉCAPITULATIF DES DÉPENSES DE RELANCE EN 2009

(crédits de paiement, en milliards d’euros)

 

LFR février et avril 2009

Présent PLFR

1. Mission Plan de relance de l’économie

12,6

12,6

Programme exceptionnel d’investissement public

2,8

3

Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi

7,6

7,2

dont dotation au Fonds stratégique d’investissement (FSI)

3

2,9

dont prime à la casse

0,2

0,5

dont avances sur les marchés publics de l’État

1

0,5

Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité

2,2

2,4

dont prime de solidarité active

0,8

0,9

dont prime aux familles modestes avec enfants scolarisés

0,5

0,5

2. Augmentation des remboursements du FCTVA

2,5

3,8

3. Prêts en faveur du secteur automobile

6,7

6,4

4. Prêts pour le développement économique et social

0,1

0,1

5. Paiements accélérés des fournisseurs du ministère de la Défense

0,5

0,5

Total Dépenses de relance

22,3

23,4

Source : Rapport de la commission des Finances sur le PLFR 2009 n° 2070

Ce plan de relance s’est traduit par l’octroi de crédits nouveaux à différents opérateurs du programme. Ainsi, l’action 2 Recherche et Enseignement supérieur du programme 315 Programme exceptionnel d’investissement public prévoit le financement des actions suivantes :

– 700 000 euros pour le CIRAD pour financer la rénovation d’un bâtiment sur le site de Nogent-sur-Marne ;

– 3 millions d’euros à l’IFREMER pour financer la modernisation des ateliers de préparation des campagnes à la mer (420 000 euros en 2009 et 1,58 million d’euros en 2010) et des équipements pour le « Victor 6 000 » (660 000 euros en 2009 et 340 000 euros en 2010) ;

– 2 millions d’euros en faveur de l’INRA dont un million d’euros pour la mise en sécurité et l’accessibilité des installations des réseaux du centre de Jouy-en-Josas et un million d’euros pour le «CPER» («Pôle de recherche et d’expérimentation sur les mammifères d’élevage - Physiopôle» à Bressonvilliers).

2.– Le grand emprunt : investissements d’avenir ou financement des politiques en cours ?

a) Des moyens considérables à la disposition de deux opérateurs

À ces moyens, qui viennent essentiellement financer des projets immobiliers, il faut désormais ajouter les crédits issus du grand emprunt qui devraient financer les investissements d’avenir.

En effet, la loi 2010 de finances rectificative pour 2010 n° 2010-237 du 9 mars a mis en œuvre les décisions annoncées par le Président de la République, à la suite de la remise du rapport de la commission sur les priorités stratégiques d'investissement présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

Cette loi a prévu 35 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour financer les investissements d'avenir en faveur de quatre priorités nationales : l'enseignement supérieur, la formation et la recherche, l'industrie et les PME, le développement durable et le numérique.

Par ailleurs, elle prévoit que ces crédits feront l'objet d'un versement à des organismes gestionnaires dans le cadre d'une gouvernance institutionnelle spécifique formalisée dans des conventions passées entre l’État et chacun de ces organismes gestionnaires. Le décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 a prévu que le pilotage et le suivi de l'exécution des investissements d'avenir soient confiés à un Commissaire général à l'investissement, sous l'autorité du Premier ministre.

Il prévoit en outre un comité de surveillance, placé sous la présidence conjointe de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, chargé de l'évaluation des investissements réalisés. Ce comité établit un rapport annuel au Premier ministre et au Parlement sur l'exécution des programmes d'investissements et sur les résultats de leur évaluation.

Sur les 40 conventions destinées à formaliser les investissements d’avenir, seize peuvent être rattachées à la recherche ou à l’enseignement supérieur – sans être forcément liées au domaine plus spécifique du développement durable. Leur opérateur est, pour douze d’entre elles, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et pour les quatre dernières l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

CONVENTIONS DU GRAND EMPRUNT LIÉES AU DOMAINE DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

(en milliards d’euros)

Actions

Opérateur

Montant transféré

Équipements d’excellence

ANR

1

Santé et biotechnologie

ANR

1,55

Instituts Carnot

ANR

0,5

Instituts de recherche technologique

ANR

2

Instituts hospitalo-universitaires

ANR

0,85

Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées

ANR

1

Fonds national de valorisation

ANR

0,95

Laboratoires d’excellence

ANR

1

Initiatives d’excellence

ANR

7,7

Saclay

ANR

1

Opération campus

ANR

1,3

France brevets

ANR

0,05

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées

ADEME

1,35

Économie circulaire

ADEME

0,25

Véhicules du futur

ADEME

1

Réseaux électriques intelligents (« smart grids »)

ADEME

0,25

Source : Commissariat général à l’investissement.

Au total, ce sont 21,75 milliards d'euros qui sont prévus pour les différents domaines de la recherche mentionnés ci-dessus. Toutefois, ce chiffre global mérite une analyse détaillée. D’une part, il s’agit d’une somme qui sera étalée sur plusieurs années, le Gouvernement ayant d’ailleurs annoncé que cet étalement pourrait se prolonger au-delà de 2012. D’autre part, l’ensemble de ces crédits ne sera pas consomptible par les opérateurs, singulièrement s’agissant de l’ANR.

CRÉDITS DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR SELON LEUR NATURE

(en milliards d’euros)

Actions

Crédits non consomptibles

Crédits consomptibles

Subvention

Prise de participation

Avances remboursables

Prêts

Équipements d’excellence

0,6

0,4

     

Santé et biotechnologie

1,1

0,45

     

Instituts Carnot

0,5

       

Instituts de recherche technologique

1,5

0,5

Instituts hospitalo-universitaires

0,68

0,17

     

Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées

0,75

0,25

Fonds national de valorisation

 

0,095

0,855

   

Laboratoires d’excellence

0,9

0,1

     

Initiatives d’excellence

7,7

       

Saclay

 

1

     

Opération campus

1,3

       

France brevet

   

0,05

   

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées

 

0,45

0,9

Économie circulaire

 

0,0835

0,1665

Véhicules du futur

 

0,333

0,667

Réseaux électriques intelligents (« smart grids »)

 

0,0835

0,1665

Source : Commissariat général à l’investissement.

Le montant des crédits non consomptibles – qui concernent uniquement l’ANR – atteint donc au total 15,03 milliards d'euros, la moitié provenant par ailleurs des crédits destinés au financement des initiatives d’excellence.

Un arrêté du 15 juin 2010 précise en outre les ouvertures des comptes sur lesquels seront déposés les fonds mentionnés ci-dessus ; s’agissant des crédits non consomptibles de l’ANR, l’arrêté précise que seuls les intérêts pourront être utilisés, le taux de rémunération des fonds ainsi placés étant fixé à 3,413 %.

Selon les informations fournies par l’ANR, les intérêts des crédits non consommables seront a priori mis à disposition de l’opérateur selon la répartition suivante :

– en 2010, 9 années d’intérêt pourront être consommées (moins les frais de gestion et d’évaluation) ;

– en 2011, 8 années d’intérêt pourront être consommées (moins les frais de gestion et d’évaluation) ;

– en 2012, 7 années d’intérêts pourront être consommées (moins les frais de gestion et d’évaluation).

Au total, pour l’ANR, la ventilation annuelle des crédits qui pourraient effectivement être consommés est retracée dans le tableau suivant (pour les conventions prévoyant des crédits non consomptibles). Précisons que l'opérateur était relativement prudent sur la présentation de ces crédits, les modalités d'octroi des intérêts n'étant pas totalement clarifiées par le Commissariat général à l'investissement.

VENTILATION ANNUELLE DES CRÉDITS CONSOMMABLES DE L’ANR

(en millions d’euros)

Actions

2010

2011

2012

Équipements d’excellence

261 (200+61) (3)

155 (100+55)

148 (100+48)

Santé et biotechnologie

354 (200+154)

232 (150+82)

172 (100+72)

Instituts Carnot

(4)

154

0

Instituts de recherche technologique

0

455 (205+205)

429 (250+179)

Instituts hospitalo-universitaires

210 (170+40)

0

0

Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées

144 (75+69)

0

172 (100+72)

Laboratoires d’excellence

218 (80+138)

0

128 (20+108)

Initiatives d’excellence

1 229

1 010

 

Source : Commissariat général à l’investissement.

b) Des moyens nouveaux partiellement compensés par des réductions budgétaires

Toutefois, pour l’ANR comme pour l’ADEME, la perspective de l’arrivée des crédits du grand emprunt a justifié, cette année, une régulation budgétaire sérieuse qui réduit quelque peu l'ampleur des moyens affectés aux investissements d’avenir.

Si les investissements d'avenir devaient se traduire par une baisse du budget de chaque opérateur pour les deux années qui viennent, leur résultat se réduirait, sur un plan budgétaire, à substituer des crédits budgétaires durables, inscrits chaque année dans la loi de finances de l’année, par des crédits exceptionnels dont la pérennité n’est pas acquise.

Ce manque de perspective pèse certainement sur la stratégie des opérateurs ; un projet de recherche devant être financé sur plus de deux ou trois ans, ceux-ci semblent hésiter à se lancer dans de nouveaux programmes de recherches mais tendent à flécher ces moyens nouveaux vers des projets qui sont déjà lancés. Cette logique, qui résulte des conditions dans lesquelles les investissements d’avenir ont été mis en œuvre, ne correspond pourtant pas à la logique initiale du grand emprunt.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ANR

(en millions d’euros)

 

2009

LFI 2010

PLF 2011

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Subvention pour charge de service public

838,5

838,6

839,8

842,2

771,8

771,8

Source : Projet annuel de performances 2011.

La subvention annuelle de l’ANR baisse cette année considérablement, de 71 millions d'euros en CP (– 8,4 %) et de 68 millions d'euros (– 8,1 %) en AE. Cette baisse est, il est vrai, issue d’un retour à la normal après l’affectation de crédits extraordinaires d’une vingtaine de millions d’euros issus du programme exceptionnel d’investissement public en 2009. Exception faite de ces crédits, la réduction des moyens de l’ANR reste de l’ordre de 50 millions d’euros cette année en AE comme en CP.

S’agissant de l’ADEME, le Rapporteur spécial déjà évoqué précédemment la baisse de plus de 23 % de sa subvention de fonctionnement, sachant que cette baisse est en partie compensée par une augmentation de la fiscalité affectée à cet opérateur (article 71 du présent projet de loi de finances).

Le lien existant entre les investissements d’avenir et la réduction de crédits budgétaires amène naturellement à penser que les moyens nouveaux seront affectés au financement de politique déjà largement lancé. Cet état de fait a d’ailleurs été concédé par les représentants des deux opérateurs que le Rapporteur spécial a auditionnés.

S’agissant de l’ADEME, il apparaît que les montants issus du grand emprunt viendront alimenter le fonds démonstrateur dont le financement était planifié dans le cadre du Grenelle de l’environnement. D’une manière générale, les crédits dont l’opérateur est l’ADEME viennent à l’appui de protocoles de recherche largement engagés.

S’agissant de l’ANR, plusieurs actions du grand emprunt confortent des politiques déjà menées. Ainsi est-il :

– de l’opération campus, politique lancée en 2008 et dont les besoins de financement sont déjà connus ;

– des instituts Carnot, créés en 2006 et dont le financement au-delà de 2010 n’est plus assuré ;

– du fonds national de valorisation et de la structure France brevets décidés dans le cadre des États généraux de l’industrie ;

– de la convention relative au plateau de Saclay dont les axes résultent du débat sur le Grand Paris.

c) Les conventions visent des objectifs partiellement redondants

Parmi les objectifs assignés à chaque investissement d’avenir, tels qu’ils sont prévus par les conventions passées entre l’Etat et chaque opérateur, il apparaît que certains sont redondants entre les conventions. Les opérateurs ont d’ailleurs aisément reconnu que telle ou telle politique pouvait être financée par l’une ou l’autre des actions du grand emprunt. Il semble d’ailleurs qu’un candidat puisse être financé au titre de plusieurs actions, ce qui risque d’alourdir considérablement à la fois le processus de choix des candidats retenus et le contrôle et l’évaluation des crédits utilisés.

Les conventions du grand emprunt entrant dans le champ du présent rapport sont les suivantes :

• Équipements d’excellence

L’utilisation d’équipements scientifiques de qualité, régulièrement renouvelés, conformes aux standards internationaux, est devenue dans beaucoup de disciplines scientifiques une condition impérative de compétitivité au niveau international. La convention vise donc à financer ces équipements prioritaires.

La convention indique que les projets éligibles seront entre 1 et 20 millions d'euros, à la différence des très grands équipements de recherche qui seront financés sur crédits budgétaires et d’autres projets pour un montant supérieur qui pourraient être éligibles à la rubrique « Santé et biotechnologie ».

• Santé et biotechnologies

Les sciences du vivant doivent répondre à plusieurs défis majeurs concernant la santé, l’alimentation, l’énergie ou la chimie de demain. La recherche française est de très bon niveau et a ouvert de nombreuses pistes dans ces domaines. Elle doit maintenant faire émerger une bio-économie fondée sur la connaissance du vivant et sur de nouvelles valorisations des ressources biologiques renouvelables.

À cet effet, il est prévu, dans le cadre d’une dotation en capital confiée à l’ANR un montant de 1,55 milliard d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ce montant se répartit entre une enveloppe de 200 millions d'euros non consomptible destinée à financer les grandes cohortes pour la recherche en santé et une enveloppe de 1,35 milliard d’euros (non consomptible à hauteur de 900 millions d'euros) pour le lancement de programmes de recherche dans le domaine des biotechnologies, de l’agronomie, et des nanotechnologies.

Les cohortes désignent des groupes de volontaires qui acceptent d’être suivis pendant de longues années pour étudier certaines interactions dans le domaine de la santé.

La seconde enveloppe vise plus particulièrement les infrastructures de recherche (en particulier de génotypage et phénotypage à haut débit, ingénierie cellulaire et moléculaire couplées à un renforcement de la bioinformatique) qui, en lien avec les autres secteurs de la biologie (biologie fondamentale, santé et environnement), contribueront à l’émergence et à la structuration des programmes de recherche. Dans le cadre du plan relatif aux nanotechnologies, l’effort dans le champ de la santé et des biotechnologies sera intensifié et des plates-formes de transfert de technologie seront mises en place.

• Instituts Carnot

Le dispositif Carnot a conduit à sélectionner 20 structures de recherche en 2006, pour leur capacité à mêler recherche publique et privée. Le label Carnot leur a été attribué pour une période de 4 ans renouvelable, par décision du ministre en charge de l'Enseignement supérieur et de la recherche du 11 avril 2006. Un deuxième appel à candidatures Carnot a été ouvert le 31 octobre 2006. À l’issue de cet appel à candidatures, 13 candidats se sont vus attribuer le label Carnot.

Un mécanisme d’abondement financier, doté d’environ 60 millions d'euros par an entre 2007 et 2010, permet ainsi aux structures labellisées de développer leurs liens avec l’industrie et de préparer le ressourcement de leurs activités de recherche.

La présente convention prévoit de poursuivre cette politique sur les années 2011 à 2012 voire 2013.

• Instituts de recherche technologique

Cette action vise à constituer un nombre restreint de campus d’innovation technologique de dimension mondiale regroupant des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés, des moyens de prototypage et de démonstration industrielle, et des acteurs industriels pour l’essentiel sur un même site, renforçant ainsi les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité.

Au cœur de ces campus, la création des Instituts de recherche technologique doit permettre à la France d'atteindre l'excellence dans des secteurs clés d'avenir et de se doter de filières économiques compétitives.

La mise en œuvre de cette action repose que le choix d’un nombre limité d’Instituts ainsi que sur un investissement partagé entre le secteur public et le secteur privé.

● Instituts hospitalo-universitaires

L’État souhaite créer cinq Instituts hospitalo-universitaires (IHU) réunissant sur un même site un nombre suffisant de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et de personnels hospitaliers au sein d’une structure intégrée.

Un montant de 850 millions d'euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiements est prévu, sachant que la dotation est répartie sous forme d’une dotation non consomptible à hauteur de 80 % transférée à l’ANR et d’une dotation consomptible à hauteur de 20 % qui sera transférée aux futurs instituts.

● Instituts d’excellence sur les énergies décarbonées

L’objectif est de constituer 5 à 10 campus d’innovation technologique de dimension mondiale regroupant des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés dans le domaine des énergies décarbonées (l’énergie solaire, la géothermie, l’efficacité énergétique des bâtiments et des transports, les outils de maîtrise de l’énergie et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, les stratégies d’adaptation au changement climatique, les énergies marines, l’hydrogène et les piles à combustible, la chimie du végétal et les biotechnologies industrielles, le stockage de l’énergie et réseaux intelligents, le captage, le stockage et la valorisation du CO2).

Les crédits de l’État ne dépasseront pas 50 % de la dotation (le reste étant financé par des entreprises privées) ; par ailleurs, 25 % de ces crédits seront consommables.

● France brevets

Décidée par le Président de la République, la création de cette structure vise à développer l’économie de la connaissance dans notre pays. Dans le cadre des États généraux de l’industrie, il a été décidé qu’elle serait financée à hauteur de 100 millions d’euros, à parité entre la Caisse des dépôts et l’une des enveloppes du grand emprunt.

La mission première de cette structure sera d’acheter et d’entretenir des droits de propriété intellectuelle issus de la recherche publique nationale et à leur commercialisation, en particulier au sein de grappes.

● Fonds national de valorisation

Dotée d’un milliard d’euros, cette action vise à accroître l’efficacité du dispositif français de valorisation de la recherche publique, que ce soit sous forme de licences, de partenariats industriels, de création d’entreprises ou en facilitant la mobilité des chercheurs. Le fonds financera les actions de valorisation de la recherche publique et en particulier la maturation.

Au sein de cette dotation, 900 millions d'euros seront consacrés à la création d’une dizaine de « sociétés d’accélération du transfert de technologies » (SATT).

Détenues majoritairement par des groupements d’établissements et d’organismes de recherche, les SATT devront conduire à une plus forte professionnalisation de la valorisation de la recherche et à un renforcement des compétences en gérant les activités de valorisation au plus près des laboratoires et de l’écosystème d’entreprises, si possible en lien avec les pôles de compétitivité.

● Laboratoires d’excellence

Cette action vise à identifier plusieurs laboratoires d’excellence dont l’objectif sera :

– d’augmenter l’excellence et l’originalité scientifique, le transfert et la diffusion des connaissances produites et, par là même, l’attractivité internationale de la recherche française, tout en entraînant d’autres laboratoires nationaux ;

– de garantir l’excellence des formations et jouer un rôle moteur dans les masters et doctorats ;

– de s’inscrire dans la stratégie de leurs établissements de tutelle et renforcer la dynamique des sites concernés.

● Initiatives d’excellence

Cette action vise à faire émerger entre 5 et 10 pôles pluridisciplinaires d’excellence d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial sur le territoire français. À cet effet, un fonds sera créé à l’ANR, doté d’une première tranche de 4 milliards d’euros en 2011 puis de 3,7 milliards en 2012.

● Opération campus

L’opération campus est une politique lancée en 2008 afin de permettre la rénovation d’une dizaine de campus universitaires pour un montant total de 5 milliards d’euros. Celle-ci avait, dans un premier temps, été financée par le produit de la vente effectuée en décembre 2007 d’une fraction de la participation de l’État au capital d’EDF à hauteur de 3,7 milliards d’euros. La présente convention vient abonder la mise en œuvre de cette opération par une dotation de 1,3 milliard d’euros.

● Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées

Le programme « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » vise à accélérer l'innovation et le déploiement des technologies vertes dans les filières énergétiques et de la chimie. Les domaines de prédilection de cette action sont le transport, l’énergie et l’habitat.

● Économie circulaire

Ce programme vise à développer la recherche et surtout les applications dans le domaine du recyclage, de la dépollution et de l’éco-conception. Il complète le fonds démonstrateur de l’ADEME.

Cette présentation fait apparaître clairement que les objectifs de certaines conventions se recoupent largement. La politique consistant notamment à identifier des laboratoires de recherche performants pour leur fournir un appui nouveau peut, au minimum, être rattachée à quatre conventions.

Dès lors, le problème l’articulation entre les actions se pose, même si l’on peut supposer que l’ANR, l’ADEME de même que le Commissariat général à l’investissement auront pour mission principale d’assurer cette coordination. Les conventions comportent, à cet égard, quelques éléments utiles :

– la convention relative aux laboratoires d’excellence précise que cette action concerne tous les projets de laboratoires, que les porteurs de projets soient ou non partie prenante à une initiative d’excellence ;

– par ailleurs les instituts de recherche technologique pourront comprendre un ou plusieurs laboratoires d’excellence.

L’articulation opérationnelle entre les différentes actions semble assez réduite. Cette faiblesse, si elle ne pose pas de problème au stade actuel dans la mesure où un candidat peut aisément réponse à plusieurs appels à projets, risque de poser de sérieux problème de mise en œuvre lorsqu’il faudra accorder à ce candidat des crédits à partir de plusieurs enveloppes et contrôler l’efficacité de cette action à l’aune d’objectifs différents dans chaque convention.

Le Rapporteur spécial appelle par conséquent le Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre des investissements d’avenir en conservant une volonté de clarté dans les objectifs poursuivis.

● Véhicules du futur

Le programme « véhicules du futur » vise à améliorer la mobilité terrestre, ferroviaire et maritime tout en réduisant son impact sur l’environnement. Il comporte trois volets : automobile (750 millions d'euros), ferroviaire (150 millions d'euros) et naval (100 millions d'euros).

Dans le domaine automobile, les axes recherchés sont les voitures électriques ou hybrides ; dans le domaine maritime, il s’agit de réduire l’impact environnemental du transport de marchandise par voie de mer, que ce soit par de meilleures motorisations ou des systèmes permettant de prévenir les pollutions directes de la mer. Enfin, dans le domaine ferroviaire, l’objectif est de limiter l’impact environnemental en agissant sur la consommation d’énergie.

● Réseaux électriques intelligents (« smart grids »)

L’action dédiée aux réseaux électriques intelligents vise à réduire la consommation d’électricité en agissant d’une part sur l’efficacité du réseau électrique et d’autre part en soutenant la diffusion d’innovations (compteurs, appareils intelligents) permettant des économies d’énergie à domicile.

Ce marché très prometteur suppose, pour décoller, la mise en œuvre d’expérimentations à une échelle significative permettant de valider des découvertes scientifiques. Ces expérimentations permettront notamment de vérifier l’impact de ces innovations sur l’équilibre du système électrique.

d) La gouvernance des investissements d'avenir mériterait d'être clarifiée

Entre les mois d'octobre 2010 et la fin du printemps 2011, les investissements d'avenir sont entrés dans une phase opérationnelle ; les appels à projets, parfois aussi appelés appels à manifestations d'intérêt, ont été lancés pour l'ensemble des conventions. Les candidats sont donc appelés à déposer un ou plusieurs dossiers en fonction de leur activité.

À ce stade, il est évident que la clarté de l'intervention publique doit être maximale, afin que les fonds soient accordés à des projets qui sont véritablement porteurs d'avenir.

Or, de ses différents entretiens avec les parties prenantes, le Rapporteur spécial a acquis la conviction que la gouvernance qui prévaudra au choix des projets recevant un appui public n'est pas suffisamment claire.

En premier lieu, le schéma fourni par les différentes conventions démontre une complexité certaine qui sera source de confusion au stade de la décision pratique. En effet, ce schéma suppose des distinctions relativement subtiles dans les différents niveaux de décision, alors que le choix d'un candidat doit se faire au vu de l'ensemble du projet.

En second lieu, le principe de subsidiarité – entre le ministère, le Commissariat général à l'investissement et l'opérateur – sur lequel est bâti le schéma de décision, pourtant très précisément prévu par chaque convention, n'est pas respecté dans la réalité.

Alors que l'opérateur devrait participer largement à la mise en œuvre de la convention, notamment au niveau du choix des projets retenus, ce choix est, semble-t-il, en voie de centralisation complète.

Cette tendance est d'autant plus regrettable que les deux opérateurs dans le domaine de la recherche ont en l'occurrence des compétences dans leur domaine
– très technique – que n'ont pas les services du ministère, encore moins l'équipe restreinte du Commissariat général à l'investissement.

À ce sujet, on pourrait d'ailleurs regretter que l'ANR ait été retenu pour être opérateur de la convention relative aux instituts d'excellence dans le domaine des énergies décarbonées, alors qu'à l'évidence c'est l'ADEME qui détient la plus grande compétence dans ce domaine.

Il conviendrait par conséquent que l'ANR et l'ADEME soient davantage associées au schéma de décision, conformément à ce qui était prévu dans les conventions.

B.– LE CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE EST DEVENU LE PRINCIPAL OUTIL DE FINANCEMENT PUBLIC DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

Le crédit d’impôt recherche (CIR), qui s’impute sur l’impôt sur les sociétés, a été mis en place en 1983. Il a connu, depuis, des modifications successives en vue d’en améliorer l’efficacité : initialement fondé sur le seul accroissement des dépenses de R&D engagées par les entreprises, le calcul du montant de crédit d’impôt a ensuite été modifié en considérant à la fois l’accroissement et le volume de ces dépenses.

La réforme mise en œuvre par la loi de finances pour 2008 a simplifié le dispositif et augmenté fortement la créance fiscale : il devient ainsi plus lisible et bien plus attractif.

Le nouveau dispositif est adossé uniquement au volume des dépenses de R&D des entreprises. Le taux du crédit d’impôt est porté à 30 % (contre 10 % auparavant) jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses de R&D et à 5 % au-delà, sans plafond. Une majoration du taux, à 50 %, est prévue pour les entreprises qui bénéficient pour la première fois du crédit d’impôt et pour celles qui n’en ont pas bénéficié depuis 5 ans. La deuxième année d’entrée dans le dispositif, le taux majoré est de 40 %. Enfin, en application d’une recommandation de la Cour des comptes figurant dans son rapport public annuel de 2007, les avances remboursables accordées par l’État sont, à partir de 2008, exclues de l’assiette du crédit d’impôt du bénéficiaire au titre de l’année de leur attribution. Elles y sont réintégrées si et lorsque l’entreprise les rembourse.

1.– Un bilan satisfaisant du nouveau CIR justifiant la pérennisation du dispositif

Ainsi que l'ont démontré le rapport de la MEC (5) et celui de l'IGF, le dispositif du CIR a permis à la France de rattraper son retard en matière de recherche privé, sans toutefois atteindre ses objectifs.

La France est traditionnellement à la traîne des autres pays européens en matière de R&D privée. Ainsi, avec une dépense intérieure de R&D exécutée par les entreprises (DIRDE) de 1,32 % du PIB en 2008 (sur 2,08 % de dépense totale de R&D), la France se situait légèrement audessus de la moyenne de l’Europe des 15 (1,22 %), mais audessous de la moyenne de l’OCDE (1,55 %). Elle est par ailleurs largement devancée par le Japon (2,68 %), l’Allemagne (1,83 %) et les ÉtatsUnis (2,01 %).

En outre, la France n’atteint pas les objectifs fixés lors du sommet européen de Lisbonne en 2000 (dépense de R&D de 3 % du PIB, dont 2 % dans le secteur privé). Les tendances entre les années 1998 et 2008 n’ont d’ailleurs pas permis de réduire l’écart par rapport à cet objectif. La DIRDE atteignait déjà 1,33 % du PIB en 1998 et la France est l’un des pays de l’OCDE où l’évolution des dépenses de R&D a été la moins dynamique au cours des dix dernières années. Le classement de la France est par ailleurs médiocre quant à la part des financements privés dans la recherche publique – 28ème pays de l’OCDE en 2007 avec moins de 5 % de financements privés – et quant au nombre de chercheurs travaillant en entreprise – 13ème pays de l’OCDE avec 4,5 chercheurs pour 1 000 emplois.

CONTRIBUTION DES ENTREPRISES À LA DÉPENSE DE R&D (EN % DU PIB 2008)

Source : Rapport de l'IGF.

S'il fallait aujourd'hui dresser un bilan de la mise en œuvre du CIR rénové en 2008, il conviendrait de mentionner les points suivants :

– une efficacité incontestable : ainsi que l’a souligné le rapport de la MEC, le dispositif du CIR a permis à la France de passer au 1er rang des pays de l'OCDE en terme de soutien public aux dépenses de R&D.

Dans un contexte pourtant rendu hautement incertain par la crise économique et financière à la fin de l’année 2008, la France a enregistré en 2009 de bons résultats dans le domaine de l’accueil des investissements directs étrangers : l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) a en effet enregistré 639 décisions d’investissement étranger créateur d’emplois, soit plus qu’en 2007 (624), et presque autant qu’en 2008 (641).

Parmi ces projets d’investissements, l’évolution du nombre d’implantations de centres de R&D ne laisse place à aucune ambiguïté : 41 projets d’implantation de centres de R&D ont été annoncés en France en 2009, soit 64 % de plus qu'en 2008.

Ces projets doivent permettre de créer 2 115 emplois, une progression de 142 %, qui place la France en tête des pays européens créateurs d'emplois liés aux investissements internationaux dans la recherche ;

– cette réussite n'est pas sans incidence sur le coût du dispositif. D'un montant de 457 millions d'euros en 2000, il est passé à 700 millions d'euros en 2005 et à 1,8 milliard d'euros en 2008. Le remboursement anticipé des créances décidé dans le cadre du plan de relance, le coût du dispositif a atteint 5,8 milliards en 2009 et devrait s'établir à 4,2 milliards en 2010.

Cette augmentation du coût provient d'un accroissement des bénéficiaires de plus de 34 % (14 000 entreprises en 2009). Les PME profitent majoritairement du CIR dans la mesure où elles représentent en 2008 83 % du total des entreprises contre 69 % en 2007.

2.– Plusieurs adaptations sont nécessaires pour éviter les effets d'aubaine

Malgré cette réussite incontestable du CIR, plusieurs voix se sont élevées pour un meilleur encadrement du dispositif.

En effet, si l'on analyse en détail la répartition du CIR par tranche d'effectif de l'entreprise – analyse qui est essentielle pour mesurer le soutien réel apporté par le dispositif fiscal aux entreprises – on constate que la part des entreprises dont l'effectif n'est pas renseigné représente 11 % du total des entreprises et 14 % de l'enveloppe du crédit d'impôt.

En outre, le nombre d’entreprises bénéficiaires fiscalement intégrées de moins de dix salariés est passé de 188 à 814 entre 2007 et 2008. La progression très importante du nombre total de groupes d’entreprises fiscalement intégrées – plus 250 % entre 2007 et 2008 – pourrait confirmer la mise en œuvre d’une stratégie d’optimisation fiscale.

De fait, le Rapporteur spécial est très favorable aux deux amendements actuellement en discussion dans le cadre du présent projet de loi de finances, dont l'objet est de mieux cibler cette dépense fiscale.

Sans remettre en cause l'architecture générale du dispositif, ces amendements visent à supprimer les majorations de taux applicables au titre des deux premières années. Il est en effet apparu clairement aux membres de la MEC que certaines entreprises créent des filiales uniquement pour bénéficier de ce taux majoré, ce qui est évidemment contraire à la philosophie du dispositif.

Le premier amendement conduit par ailleurs à fixer le forfait des dépenses de fonctionnement prises en compte au titre du crédit d’impôt-recherche à 50 % des dépenses de personnel, le taux actuel de 75 % étant certainement excessif au regard de la réalité. Précisons que les dépenses de personnel au titre des jeunes chercheurs sont prises en compte pour le double de leur montant, ce qui devrait éviter de peser sur leur recrutement.

En outre, cet amendement impose la réalisation par l’entreprise elle-même d’au moins la moitié des dépenses de recherche déclarées pour éviter la création par des entreprises, notamment étrangères, de filiales boîtes aux lettres ayant pour seul objet l’optimisation fiscale du crédit d’impôt-recherche, au titre des dépenses réalisées à l’étranger.

La seconde piste tend à consolider au niveau du groupe les dépenses de R&D prises en compte au titre du CIR. Le crédit d’impôt-recherche est en effet actuellement calculé au taux de 30 % sur la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d’euros et à un taux de 5 % sur la fraction excédant ce montant. Cette règle étant appréciée entreprise par entreprise, sans consolidation des groupes, elle permet l’optimisation par le découpage des dépenses de recherche au sein de plusieurs filiales.

Ces ajustements, qui ne conduisent pas à remettre en cause l'architecture générale du dispositif ni le soutien que l'État souhaite apporter à la R&D des entreprises, sont de bon sens. Le Rapporteur spécial souhaite par conséquent que le Gouvernement entende, sur ce sujet, les propositions émanant de plusieurs bancs du Parlement par-delà les oppositions politiques traditionnelles.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Madame Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de Monsieur Christian Estrosi, ministre chargé de l’Industrie, lors de la commission élargie du 26 octobre 2010 à 9 heures (6), sur la mission Recherche et enseignement supérieur, la commission des Finances examine les crédits de cette mission.

La Commission adopte les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, suivant l’avis des Rapporteurs spéciaux MM. Laurent Hénart et Jean-Pierre Gorges, M. Alain Claeys s’en étant remis à sa sagesse.

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ANNEXE :
LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Commissariat général au développement durable

– Mme Michèle Papallardo, commissaire générale au développement durable

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

– Mme Régine Bréhier, directrice de l’innovation et de la recherche

– Mme Agnès Desmarest-Parreil, sous-directrice des affaires générales

Commissariat général à l’investissement

– M. Thierry Coulon, directeur du programme Enseignement supérieur et de recherche

– M. Yvan Faucheux, directeur du programme Energie et économie circulaire

– Mme Céline Finon, conseillère parlementaire

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

– M. Philippe Van de Maele, président 

Agence nationale de la recherche (ANR)

– M. Michel Griffon, directeur général adjoint

– M. Philippe Freyssinet, responsable du développement durable et de l’environnement

– M. Patrick Porcheron, directeur pour les investissements d’avenir

© Assemblée nationale

1 () Notamment le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaire » et le programme 181 « Prévention des risques ».

2 () Lois de finances rectificative pour 2009 n° 2009-122 du 4 février 2009 et n° 2009-431 du 20 avril 2009, loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissements publics et privés.

3 () La somme entre parenthèse indique d’abord le montant consommable puis le montant provenant des intérêts.

4 () Lorsqu’il n’y a qu’une seule somme, celle-ci indique des crédits issus des intérêts.

5 () Rapport d’information n° 2686 du 30 juin 2010.

6 () Voir le compte rendu de la réunion du 26 octobre 2010 :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2011/commissions_elargies/cr/c005.asp

et le rapport spécial de M. Jean-Pierre Gorges (rapport n° 2857, annexe 33).