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N
° 2857

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 48

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT
OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Camille de ROCCA SERRA

Député

____

SYNTHÈSE 7

CHAPITRE PREMIER : LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT 9

I.– CÉDER DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES, RECAPITALISER LES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ 9

A.– UN COMPTE RETRAÇANT LES OPÉRATIONS PATRIMONIALES RÉALISÉES PAR L’ÉTAT ACTIONNAIRE 9

1.– Un compte pour protéger le patrimoine financier de l’État 9

2.– Des opérations dépendant des conditions de marché 10

B.– VENDRE DES PARTICIPATIONS POUR RECAPITALISER DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ 11

II.– PRINCIPAL ENJEU EN 2011 : L’AUGMENTATION DE CAPITAL DE LA POSTE 13

A.– UNE EXÉCUTION EN 2010 ENCORE MARQUÉE PAR LA CRISE 13

B.– COMMENT FINANCER L’AUGMENTATION DE CAPITAL DE LA POSTE EN 2011 ? 16

C.– LA QUALITÉ DE LA GESTION DES ENTREPRISES DU PÉRIMÈTRE CONFIRMÉE PAR LA CRISE 17

D.– MARIER POLITIQUE INDUSTRIELLE ET PROTECTION DES INTÉRÊTS PATRIMONIAUX DE L’ÉTAT 18

1.– L’État actionnaire dans une perspective industrielle 18

a) De nouvelles modalités d’exercice du contrôle sur les entreprises du périmètre 18

b) La question de la capacité de l’État à accompagner financièrement les entreprises stratégiques 19

2.– Le Fonds stratégique d’investissement 20

III.– QUEL AVENIR POUR LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE ? 22

A.– LA COMPLEXITÉ DU MARCHÉ DE CONSTRUCTION DE CENTRALES NUCLÉAIRES 23

1.– Une offre requérant de multiples intervenants 23

2.– Les besoins à géométrie variable des clients 24

a) Construction et/ou exploitation 24

b) Niveau de sûreté et de puissance des réacteurs nucléaires 25

c) Construction et/ou approvisionnement en combustible avec ou sans recyclage des déchets 26

B.– UNE FILIÈRE PÂTISSANT DES MAUVAISES RELATIONS ENTRE EDF ET AREVA 26

1.– Prendre du recul sur l’échec d’Abou Dhabi 26

2.– Une tension croissante entre EDF et Areva 27

a) De l’adaptation au nouvel environnement concurrentiel… 27

b) …à une situation de conflit larvé 28

3.– GDF-Suez, nouvelle composante de l’équation nucléaire 28

C.– LES PISTES DE RÉORGANISATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE 29

1.– La désignation d’EDF comme architecte-ensemblier de la filière nucléaire française 30

a) EDF, leader historique de la filière nucléaire française 30

b) Accorder la priorité à EDF tout en maintenant la capacité d’adaptation de l’offre française à la demande internationale 31

2.– Un accord de partenariat stratégique entre EDF et Areva 31

a) Un partenariat nécessaire qui doit se faire « entre égaux » 32

b) Une éventuelle prise de participation dont la nécessité est incertaine 33

c) Concevoir ensemble de nouveaux réacteurs, cœur de la filière nucléaire française 34

d) Redevenir partenaires privilégiés sur l’ensemble du cycle nucléaire 34

e) Les carences de l’État actionnaire face aux enjeux du partenariat entre EDF et Areva 35

3.– Quelle place pour GDF-Suez au sein de la filière nucléaire française ? 36

a) GDF-Suez écarté de la réorganisation proposée par M. Roussely 36

b) Un groupe qui peut néanmoins représenter la France à l’international 36

4.– Une « société de services » pour adapter l’offre française à la demande ? 37

CHAPITRE II : LE COMPTE D’AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS 39

I.– UN COMPTE PEU CONNU QUI PEUT MASQUER DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES CRITIQUABLES 39

A.– UN CANAL BUDGÉTAIRE DESTINÉ À COUVRIR DES BESOINS DE TRÉSORERIE 39

B.– UN COMPTE QUI PEUT MASQUER DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES NON CONFORMES AUX PRINCIPES DE BONNE GESTION 40

II.– LA FRAGILITÉ DE LA PRÉVISION DE SOLDE DU COMPTE 40

A.– L’EXÉCUTION POUR 2010 41

B.– LA POURSUITE DE L’ACCROISSEMENT DE L’ENDETTEMENT DU BACEA EN 2011 41

C.– LES LACUNES DU DISPOSITIF DE PERFORMANCE 42

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 45

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 97 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

SYNTHÈSE

Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État perçoit, depuis 2008, de faibles montants de recettes en raison de la dégradation des conditions de marché, qui a limité les opportunités de cessions d’actifs. L’équilibre du compte a toutefois pu être assuré car, en dépit de la récession économique, la qualité de la gestion des entreprises du périmètre a permis d’éviter de recourir à des recapitalisations massives, comme celle qui avait été menée au début des années 2000 au profit de France Télécom.

Au vu d’un tel constat, l’agence des participations de l’État semble avoir répondu aux espoirs qui avaient été mis en elle à sa création en 2003. Elle est devenue « Commissariat aux participations », avec pour vocation d’intervenir davantage dans la stratégie des entreprises publiques, dans une optique de politique industrielle.

En 2010, l’équilibre du compte serait fortement affecté par le début de la mise en œuvre du plan Campus. De même qu’il avait dégagé un excédent de 3,7 milliards d’euros en 2007, dû à la cession de 2,5 % du capital d’EDF, le compte serait déficitaire dans des proportions semblables en raison de la consommation de cette ressource, qui est affectée à l’Agence nationale de la recherche pour financer la rénovation immobilière des Universités. D’autres investissements d’avenir pèsent sur les dépenses du compte à hauteur de 1,9 milliard d’euros mais sont sans impact sur le solde. En dehors de ces éléments exceptionnels, le montant des recettes et des dépenses reste faible. Au 21 septembre 2010, les premières s’élevaient à 482 millions d’euros et les secondes à 314 millions d’euros.

En 2011, la principale interrogation réside dans les modalités de financement de l’augmentation de capital de La Poste, qui devrait nécessiter de reprendre, après trois ans d’interruption due à la crise, les cessions d’actifs. L’absence d’informations quant au montant des dépenses qui seront occasionnées sur le compte du fait de cette augmentation de capital est regrettable.

L’avenir de la filière nucléaire française et, plus particulièrement, des relations entre Areva et EDF mérite un éclairage particulier. À l’heure où l’État actionnaire poursuit des objectifs de politique industrielle, le développement de la filière nucléaire française est une question centrale, au croisement de multiples préoccupations de politique publique – au premier chef, le développement de l’industrie de pointe et la valorisation des participations financières de l’État.

Sur la base des conclusions du rapport Roussely, il semble qu’un partenariat stratégique doive lier Areva et EDF pour mettre à profit le savoir-faire français en matière de nucléaire civil, dans le respect de l’indépendance et de la stratégie propre de chacune de ces entreprises. La capitalisation de l’expérience acquise par ces deux entreprises dans la conception, la construction et l’exploitation de centrales nucléaires constitue, en effet, la clé de la réussite nucléaire française et un avantage comparatif essentiel à l’exportation. La priorité conférée à EDF en tant que chef de file de la filière nucléaire française ne doit toutefois pas interdire à Areva et GDF-Suez de représenter la filière nucléaire française dans les appels d’offres auxquels ne répondrait pas EDF.

CHAPITRE PREMIER : LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

I.– CÉDER DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES, RECAPITALISER LES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

A.– UN COMPTE RETRAÇANT LES OPÉRATIONS PATRIMONIALES RÉALISÉES PAR L’ÉTAT ACTIONNAIRE

1.– Un compte pour protéger le patrimoine financier de l’État

 Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (1) isole du budget général les recettes liées à la gestion des participations financières détenues directement ou indirectement par l’État pour les affecter principalement à des opérations de recapitalisation d’entreprises publiques ou de désendettement de l’État.

En interdisant le financement de dépenses courantes par le produit de cessions des actifs financiers de l’État, cette exception à la règle d’universalité budgétaire tend à promouvoir une saine gestion des finances publiques. Les cessions d’actifs ne peuvent en effet être consacrées qu’à l’amélioration du patrimoine net de l’État, par le renforcement des entreprises dont il est actionnaire ou par la réduction de son endettement.

 L’article 48 de la loi de finances pour 2006 recense l’ensemble des recettes et des dépenses pouvant être retracées sur le compte.

Les recettes provenant de la vente de participations sont généralement peu nombreuses, dépendantes des conditions de marché et d’un montant souvent élevé – par exemple, en 2007, les cessions de 5 % du capital de France Télécom pour 2,6 milliards d’euros et de 2,5 % du capital d’EDF pour 3,7 milliards d’euros. Les autres recettes liées à des opérations patrimoniales sont plus courantes, de montant plus faible et de nature variée – produits de réduction de capital, remboursements d’avances d’actionnaires… Des versements du budget général peuvent également être réalisés. Cette possibilité a été utilisée pour la première fois en 2009, avec un versement de 2,9 milliards d’euros en provenance de la mission Plan de relance de l’économie pour la constitution du fonds stratégique d’investissement. À noter que les dividendes perçus par l’État sont retracés sur les lignes 2110 et 2116 du budget général.

Les dépenses inscrites au programme 732 visent le désendettement de l’État – via des dotations à la Caisse de la dette publique (2) – ou de ses établissements publics (3).

Les dépenses retracées dans le programme 731 tendent au renforcement des fonds propres d’entreprises dans lesquelles l’État détient une participation – augmentation de capital, achats de titres, avances d’actionnaires… Elles peuvent, plus marginalement, alimenter des fonds de capital risque. Le compte finance également les commissions bancaires et frais juridiques liées aux opérations patrimoniales. À noter enfin que la possibilité d’abonder le fonds de réserve des retraites, introduite par amendement parlementaire, n’a jamais été utilisée depuis la création du compte en loi de finances pour 2006.

 Le compte Participations financières de l’État ne retrace pas directement la politique menée par le Gouvernement en direction des entreprises qu’il contrôle. Il présente seulement les opérations en capital relatives aux établissements et entreprises dans lesquels l’État détient des participations. Les résultats de la politique du Gouvernement font l’objet, depuis 2001(4), du rapport relatif à l’État actionnaire, annexe générale « jaune » au projet de loi de finances.

2.– Des opérations dépendant des conditions de marché

On constate que l’activité sur le compte est étroitement dépendante des conditions de marché qui déterminent largement le niveau des recettes et indirectement le montant des dépenses affectées au désendettement – celles-ci étant généralement possibles quand les recettes sont suffisamment élevées pour qu’il demeure un surplus de ressources après satisfaction des besoins en capitaux des entreprises du périmètre.

En 2007, plusieurs cessions de titres ont été réalisées pour des montants importants et permettent une affectation de 3,4 milliards d’euros au désendettement de l’ERAP. Cette année constitue le pic du cycle entamé en 2004, qui avait notamment vu des cessions de titres SNECMA (1,5 milliard d’euros en 2004), France Télécom (1,9 milliard d’euros en 2004 et 1,2 milliard d’euros en 2005) et GDF (2,1 milliards d’euros en 2005). Ces recettes importantes avaient permis une affectation croissante au désendettement, avec un pic à 16,3 milliards d’euros en 2006, principalement financé par la cession des sociétés autoroutières (5).

À partir de 2008 en revanche, les cycles boursiers et économiques se sont retournés. Deux éléments caractérisent la période en cours. D’une part, du fait des mauvaises conditions de marché, les cessions de titres sont limitées, ce qui interdit d’affecter les maigres recettes au désendettement. D’autre part, la réponse de l’État à la crise, qui passe notamment par la création de la société de prise de participations de l’État et du fonds stratégique d’investissement, conduit à des opérations exceptionnelles sur le compte.

B.– VENDRE DES PARTICIPATIONS POUR RECAPITALISER DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Depuis 1986, le total des recettes de cession d’actifs s’élèverait, en euros courants, à près de 108 milliards d’euros. Entre 1986 et 2008, les recettes auraient financé le désendettement de l’État à hauteur de 23,4 milliards d’euros (dont 13 milliards d’euros en 2006), 1,6 milliard d’euros a été versé au fonds de réserve des retraites et plus de 83 milliards d’euros auraient été utilisés pour recapitaliser les entreprises publiques.

Le tableau suivant indique quels ont été les principaux bénéficiaires des dotations en capital versées, de 1986 à 2009, par l’État, à partir des comptes 54-90 et 902-24 puis du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DES RECAPITALISATIONS DEPUIS 1986

(en milliards d’euros courants)

Bénéficiaire

Montant cumulé des dotations perçues depuis 1986

Réseau ferré de France

9,7

EPFR (Crédit Lyonnais)

8,9

Charbonnages de France

7,7

GIAT

4

ERAP (France Télécom)

3,9

Bull

3,6

Air France

3,5

Usinor-Sacilor

2,6

Thomson

2,4

Renault

1,4

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Le tableau de la page suivante a été établi sur la base des recettes nettes enregistrées par l’État, c’est-à-dire après déduction des commissions et frais annexes liés à la conduite des opérations (rémunération des banques lors des opérations de placement, campagnes de publicité…). Les recettes correspondant à des remboursements de dotations en capital et de paiement de dividendes n’ont pas été prises en compte car elles ne constituent pas des recettes de privatisation au sens strict.

Les dépenses prises en compte excluent les dotations affectées, en 2005, à l’agence pour l’innovation industrielle, à Oséo et à la recherche publique.

Ces données doivent être interprétées avec prudence car les montants n’ont pas fait l’objet d’actualisation ni de conversion en euros constants et n’intègrent pas la valeur ou le coût d’entretien des actifs dans le patrimoine public – indemnisations versées lors des nationalisations, coût historique du capital, etc.

CESSIONS D’ACTIFS ET RECAPITALISATIONS (1986-2009)

(en millions d’euros)

Année

Montant des cessions d’actifs

Principales opérations de privatisation

Montant des dotations en capital

Principales recapitalisations

1986

0,6

 

5,3

Usinor-Sacilor

1987

10,2

Société Générale, Suez, TF1, Saint-Gobain

3,6

CAPA, FIS, Orkem

1988

2

 

1,9

 

1989

0,2

 

0,8

 

1990

0,1

 

1,7

Renault, Usinor-Sacilor

1991

0,3

 

0,8

Air France

1992

1,3

 

0,9

Bull

1993

7,1

BNP, Rhône-Poulenc

3,3

Bull, Air France, SNCF

1994

9,3

Elf-Aquitaine, UAP

2

Bull, Air France

1995

3,1

SEITA, Péchiney, Usinor-Sacilor

2,2

Air France, Crédit Lyonnais

1996

2

Renault, CGM, AGF

2,4

Air France, GIAT

1997

8,4

Bull

9

Crédit Lyonnais, Thomson, RFF

1998

7,4

SMC, CIC-UIC-GAN, Thomson CSF, CNP

6,6

Crédit Lyonnais, RFF, Charbonnage de France

1999

3

Aérospatiale-Matra, Crédit Lyonnais

3,1

Crédit Lyonnais, RFF, Charbonnage de France

2000

1,5

Thomson

2,5

Crédit Lyonnais, RFF, Charbonnage de France

2001

1

Banque Hervet

1,6

RFF, GIAT

2002

6,1

 

4,4

RFF, Crédit Lyonnais

2003

2,5

 

2,2

Charbonnage de France

2004

5,6

Air France

2,9

Charbonnage de France ; Crédit Lyonnais

2005

10

SNECMA

2,6

Bull, GIAT

2006

17,1

APRR, ASF, Sanef

4,2

Charbonnage de France

2007

7,6

EDF, France Télécom

4

ERAP

2008

1,5

 

1,2

 

2009

0

 

0,7

 

Total

107,9

 

83

 

NB : les dotations au Crédit Lyonnais incluent celles consacrées au désendettement de l’EPFR. Par ailleurs, les dotations pour l’année 2005 excluent celles affectées à l’agence pour l’innovation industrielle, à Oséo et à la recherche.

Sur la liste des entreprises à privatiser, qui avait été dressée en 1993, toutes les opérations prévues ont été réalisées, à l’exception de la privatisation de la Caisse centrale de réassurance (CCR).

II.– PRINCIPAL ENJEU EN 2011 : L’AUGMENTATION DE CAPITAL DE LA POSTE

Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État perçoit, depuis 2008, de faibles montants de recettes en raison de la dégradation des conditions de marché, qui a limité les opportunités de cessions d’actifs. L’équilibre du compte a toutefois pu être assuré car, en dépit de la récession économique, la qualité de la gestion des entreprises du périmètre a permis d’éviter de recourir à des recapitalisations massives telles que celles qui ont été réalisées par le passé.

Le principal enjeu de l’année 2011 sera le financement de l’augmentation de capital de La Poste, qui nécessitera probablement de reprendre les cessions d’actifs.

A.– UNE EXÉCUTION EN 2010 ENCORE MARQUÉE PAR LA CRISE

L’exécution en cours sur l’année 2010 présente les mêmes caractéristiques que celle constatée en 2009. Du fait de conditions de marché défavorables, aucune cession d’actifs n’est réalisée, ce qui limite le montant des recettes et empêche toute affectation au désendettement.

Hors éléments exceptionnels, le montant des recettes s’établit à 482 millions d’euros au 21 septembre 2010. La principale d’entre elles est une réduction de capital de GIAT industries d’un montant de 300 millions d’euros. Comme celle de 100 millions d’euros réalisée l’an dernier, elle vient en déduction du versement de 450 millions d’euros constaté en 2009 au titre de la dernière tranche de l’augmentation de capital.

Du fait de ce manque de recettes, le niveau des dépenses est également limité, à 314 millions d’euros, hors éléments exceptionnels. Une dotation de 150 millions d’euros a été accordée à la RATP pour lui permettre de financer la hausse des investissements de 248 millions d’euros (6) prévue dans le cadre du plan de relance et concentrée sur la rénovation des stations et l’achat de matériel roulant. Par ailleurs, dans le cadre de l’augmentation de capital de 444,6 millions d’euros de la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF), décidée en raison de déficits de fonds propres liés à la construction de l’autoroute de la Maurienne, deux nouvelles libérations de capital ont été réalisées en 2010, pour un montant total de 94,6 millions d’euros, permettant à la société de faire face à des échéances de remboursement d’emprunts. Elles devraient être complétées en 2011 par deux autres libérations d’un montant total de 165 millions d’euros.

À noter que le compte sert de canal budgétaire à deux types d’opérations exceptionnelles liées à la mise en œuvre des investissements d’avenir.

D’une part, le début de la mise en œuvre du plan Campus explique le versement de 3,7 milliards d’euros à l’Agence nationale de la recherche (7) – ce montant correspondant au produit de la cession de 2,5 % du capital d’EDF réalisée en 2007 dans le but de financer cette opération de rénovation des Universités.

D’autre part, le compte est utilisé pour transférer une partie des crédits des investissements d’avenir finançant la création de fonds d’investissement ainsi que la recapitalisation d’Oséo – ces opérations d’un montant prévisionnel total de 1,89 milliard d’euros étant sans impact sur le solde du compte car compensées à due concurrence par des recettes.

Du fait du début de la mise en œuvre du plan Campus, le solde du compte devrait être fortement déficitaire en 2010, comme il avait été fortement excédentaire (+3,7 milliards d’euros) en 2007 au moment où avait été cédée la participation de 2,5 % dans EDF. Un tel déficit serait financé par l’excédent accumulé sur le compte et constaté à 5,9 milliards d’euros en loi de règlement pour 2009.

Le tableau suivant recense les opérations réalisées au 21 septembre 2010.

OPÉRATIONS RÉALISÉES SUR LE COMPTE AU 21 SEPTEMBRE 2010

(en euros)

DÉPENSES EFFECTUÉES (PROGRAMME 731)

         

 

 

 

 

 

RATP

 

Dotation en capital

 

150 000 000,00

SFTRF

 

Augmentation de capital

 

94 600 000,00

Renault

 

Achat de titres

 

60 248 728,00

European Financial Stability Facility

 

Augmentation de capital

 

3 751 237,88

CDC Entreprise

 

Appels de fonds du FFT3

 

5 000 000,00

Palais de Tokyo

 

Contribution au capital de la société

 

10 000,00

European Financial Stability Facility

 

Contribution au capital de la société

 

6 316,78

Divers

 

Frais de cession d'actions Technicolor, achat d'actions SNPE

 

184,96

 

 

 

 

 

TOTAL hors éléments exceptionnels

 

 

 

313 616 467,62

 

 

 

 

 

ANR

 

Plan Campus

 

3 686 541 003,00

CDC – Grand emprunt

 

Fonds national d'amorçage (investissements d'avenir)

 

399 800 000,00

CDC – Grand emprunt

 

Financement de l'économie sociale et solidaire (investissements d'avenir)

 

99 500 000,00

 

 

 

 

 

TOTAL éléments exceptionnels

 

 

 

4 185 841 003,00

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

4 499 457 470,62

 

 

 

 

 

         

RECETTES ENCAISSEÉS

         

 

 

 

 

 

GIAT Industries

 

Réduction de capital

 

300 000 000,00

Charbonnages de France

 

Produit de cession indirecte SNET

 

140 000 000,00

ORS

 

France Télécom, DCNS

 

18 633 366,86

SOFIRAD

 

Réduction de capital

 

18 521 533,80

CDC

 

Distribution par fonds de capital

 

3 544 504,17

CORSABAIL

 

Cession d'action à la CADEC (25 % du capital)

 

1 000 000,00

Locasic

 

Réduction de capital

 

36 460,24

Divers

 

Cession d'actions Technicolor

 

14,20

 

 

 

 

 

TOTAL hors éléments exceptionnels

 

 

 

481 735 879,27

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Versement du budget général

 

Fonds national d'amorçage (investissements d'avenir)

 

399 800 000,00

Versement du budget général

 

Financement de l'économie sociale et solidaire (investissements d'avenir)

 

99 500 000,00

Versement du budget général

 

France Brevets (investissements d'avenir)

 

49 900 000,00

 

 

 

 

 

TOTAL éléments exceptionnels

 

 

 

549 200 000,00

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

1 030 935 879,27

 

 

 

 

 

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

B.– COMMENT FINANCER L’AUGMENTATION DE CAPITAL DE LA POSTE EN 2011 ?

La prévision pour 2011 reconduit le montant habituel de 5 milliards d’euros de recettes dont 4 milliards d’euros affectés au désendettement. Rappelons qu’une telle prévision est purement conventionnelle et a pour but d’éviter de dévoiler les projets de cessions d’actifs ou de recapitalisation, ce qui pourrait avoir un impact sur la valorisation des participations.

La perte d’information qui en résulte pour le Parlement est, en 2011, particulièrement regrettable du fait des incertitudes sur le calendrier et les modalités de financement de l’augmentation de capital de La Poste. Le rythme de libération du capital va en effet largement déterminer le montant des dépenses à servir en 2011 et, par voie de conséquence, celui des recettes à dégager pour les financer. S’il n’est pas souhaitable que des éléments précis soient livrés sur les recettes du compte, il semble, en revanche, que l’information relative aux dépenses puisse être plus détaillée sans avoir de conséquences sur la valorisation des participations financières de l’État.

Recommandation : améliorer l’information sur les dépenses prévues pour l’année à venir en indiquant, dans le projet annuel de performances, l’ensemble des dotations en capital prévues, leur justification ainsi que leur montant.

L’État s’est, en effet, engagé à injecter 1,2 milliard d’euros dans le groupe public et, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, l’objectif du Gouvernement serait d’entamer la libération du capital dès 2010. Elle serait poursuivie de manière progressive au cours de l’année 2011 et, éventuellement, au cours des années suivantes, au rythme des investissements réalisés par La Poste.

Déduction faite du versement des fonds dus au titre du plan Campus et de la part de l’excédent liée à la libération progressive du capital du fonds stratégique d’investissement, l’excédent du compte a atteint, au 31 décembre 2009, environ 390 millions d’euros, auxquels pourrait s’ajouter, le cas échéant, l’excédent constaté au titre de l’année 2010 (8). Un tel montant, probablement compris entre 400 et 450 millions d’euros, ne permettrait toutefois de financer qu’un tiers de l’augmentation de capital.

Par ailleurs, le montant des dépenses déjà prévues pour 2011 – au moins 165 millions d’euros – apparaît supérieur à celui des recettes qui paraissent probables – 150 millions d’euros. En l’état actuel des prévisions, les opérations prévues sur l’année 2011 ne permettraient donc pas de dégager de nouvelles marges de manœuvre.

Au final, il apparaît que seules des cessions d’actifs pourraient permettre de financer l’augmentation de capital de La Poste (9).

Du fait de l’importance des dépenses à financer, il apparaît peu probable que des recettes soient affectées au désendettement. L’EPFR, chargé de l’apurement des passifs du Crédit Lyonnais, devra pourtant faire face à une dernière échéance de remboursement d’emprunt au 31 décembre 2014, d’un montant de 4,4 milliards d’euros. Cet important besoin de financement devra être couvert par les recettes dégagées sur le compte jusqu’à cette date.

C.– LA QUALITÉ DE LA GESTION DES ENTREPRISES DU PÉRIMÈTRE CONFIRMÉE PAR LA CRISE

Avec un recul du PIB de –2,6 % en volume en 2009, la récession a été la plus profonde et la plus brutale depuis 1945. Comme le montrent les indicateurs de performance du programme 731, les entreprises du périmètre ont certes souffert de cette baisse d’activité, qui s’est traduite par une diminution de leur rentabilité et une dégradation de leur structure financière.

Le Rapporteur spécial note toutefois qu’aucune difficulté majeure n’a affecté les entreprises contrôlées par l’agence des participations de l’État. Celle-ci, créée en 2003 dans le but d’éviter la répétition de la quasi-faillite de France Télécom, semble donc avoir répondu aux attentes qui avaient été placées en elle.

Il convient de remarquer que la bonne performance du portefeuille de participations de l’État est largement due à celle des entreprises du secteur de l’énergie – EDF et GDF-Suez principalement – qui compense notamment la faible rentabilité des entreprises du secteur des transports – SNCF et Air France-KLM principalement.

PERFORMANCE DES ENTERPRISES DU PÉRIMÈTRE

(en %)

 

2007

2008

2009

2010 (p)

Rentabilité des capitaux employés

11

9

9,5

>7

Rentabilité des fonds propres

20,6

12,6

7,8

>7

Marge opérationnelle

12,9

9

10,6

>9

Dette nette/Excédent brut d’exploitation

2,8

4,1

4,6

<5

Taux de distribution des dividendes

40,3

23,2

56,8

51,3

NB : Contrairement aux années précédentes, les chiffres indiqués pour l’année N sont fixés sur la base des comptes de cette même année.

Source : projet annuel de performances.

À la lecture du tableau, on constate que, après la forte dégradation constatée en 2008, plusieurs évolutions positives ont marqué l’année 2009. Si la rentabilité des fonds propres a poursuivi sa chute, à 7,8 %, la rentabilité des capitaux employés et la marge opérationnelle se sont, en revanche, redressées, à respectivement 9,5 % et 10,6 %. Le taux de distribution des dividendes est également remonté à près de 57 %. Le poids de l’endettement reste toutefois élevé, avec un rapport entre dette nette et excédent brut d’exploitation en hausse de 0,5 point, à 4,6.

Le Rapporteur spécial regrette qu’aucun engagement ne soit pris par l’administration en vue d’améliorer la performance. En effet, les objectifs fixés pour l’année 2010 sont très modestes et autorisent une dégradation de la performance sur l’ensemble des indicateurs alors qu’il est probable que le début de rebond constaté en 2009 se prolonge cette année. Il convient de rappeler que les objectifs de performance doivent être fixés à un niveau certes atteignable mais également ambitieux. Par ailleurs, aucun objectif n’est fixé pour l’année 2011.

Compte tenu de l’absence, en 2009, de cessions d’actifs et de dépenses tendant au désendettement de l’État, l’analyse des résultats obtenus sur les indicateurs qui leur sont relatifs est sans objet. Les objectifs fixés en matière de cessions d’actifs paraissent, là encore, relativement peu contraignant.

Recommandation : fixer les objectifs des indicateurs de performances à un niveau plus ambitieux.

D.– MARIER POLITIQUE INDUSTRIELLE ET PROTECTION DES INTÉRÊTS PATRIMONIAUX DE L’ÉTAT

Avec l’évolution en cours de l’agence des participations de l’État, qui a été précédée par la constitution du fonds stratégique d’investissement, l’État actionnaire n’a plus seulement pour objectif d’assurer la plus grande rentabilité des entreprises de son périmètre mais également de renforcer le tissu productif de l’économie.

1.– L’État actionnaire dans une perspective industrielle

a) De nouvelles modalités d’exercice du contrôle sur les entreprises du périmètre

Lors de la conclusion des États généraux de l’industrie le 4 mars 2010, le Président de la République a demandé une évolution des pratiques de l’État actionnaire vers une plus grande prise en compte des préoccupations industrielles. Le Conseil des ministres du 3 août dernier a décidé la modification du rôle de l’APE, intitulée désormais « commissariat aux participations ».

L’objectif est de ne plus viser la seule protection des intérêts patrimoniaux de l’État – maximiser la valeur de ses participations – mais également d’intégrer la stratégie des entreprises, et notamment le choix dans la localisation de leurs investissements, dans le cadre d’une politique industrielle visant à développer le tissu productif de l’économie française.

Cette évolution a été traduite par la nomination d’un représentant du ministère de l’Industrie parmi les représentants de l’État au conseil d’administration des entreprises industrielles ainsi que serait prolongée par la tenue de réunions régulières entre les présidents d’entreprises et les ministres concernés par leur stratégie.

En pratique, un équilibre devra être trouvé entre les objectifs de politique industrielle, visant notamment à concentrer les investissements en France, les exigences de protection des intérêts patrimoniaux de l’État et le respect du droit des sociétés – notamment lorsqu’il existe des actionnaires minoritaires au capital des sociétés concernées – et du droit de la concurrence.

b) La question de la capacité de l’État à accompagner financièrement les entreprises stratégiques

Au-delà des modalités d’exercice du contrôle exercé par l’État actionnaire sur les entreprises du périmètre, se pose la question de sa capacité à soutenir financièrement les sociétés qu’il juge stratégiques et dont les besoins d’investissement requièrent des apports en fonds propres.

Comme indiqué plus haut, la stratégie de l’État actionnaire a consisté, jusqu’à présent, à céder des actifs pour recapitaliser des entreprises en difficulté. Il semble qu’une telle orientation ne soit pas adaptée au développement d’un État stratège, soutenant les entreprises dont il est actionnaire et qui relèvent de secteurs stratégiques pour l’ensemble de l’économie.

À cet égard, la question de l’accompagnement financier des entreprises du secteur nucléaire, abordée ci-après, illustre bien la difficulté de l’État à réaliser pleinement ses objectifs industriels, compte tenu de la contrainte pesant sur ses finances. Il n’est pas impossible que, pour soutenir financièrement les entreprises jugées stratégiques, il faille, d’une part, envisager une réduction du périmètre des sociétés dans lesquelles l’État détient une participation pour affecter les produits de cessions d’actifs aux secteurs prioritaires et, d’autre part, abandonner l’orientation consistant à utiliser les recettes du compte d’affectation spéciale pour venir au secours d’entreprises en difficulté.

2.– Le Fonds stratégique d’investissement

Le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a été créé en 2009 par la Caisse des dépôts et l’État, actionnaires à hauteur de respectivement 51 % et 49 %. Leur apport a consisté en des participations d’un montant de 14 milliards d’euros (10). Par ailleurs, 2,3 milliards d’euros ont été apportés en numéraire et 3,7 milliards d’euros supplémentaires devraient être progressivement libérés.

L’objectif du FSI est de financer en fonds propres des entreprises de taille moyenne dont l’activité est considérée comme porteuse d’avenir. Le fonds prend en compte trois éléments principaux dans sa décision d’investissement :

– la rentabilité attendue de la prise de participation ;

– l’intérêt collectif, à savoir le rôle de l’entreprise dans le tissu productif, les emplois qu’elle génère, la force de son innovation et sa capacité à exporter.

Au 31 juillet 2010, le montant total des investissements directs réalisés par le FSI, détaillés par le tableau de la page suivante, atteignait 1,4 milliard d’euros. Le fonds investit également de manière indirecte dans des fonds dédiés ou via le dispositif FSI-PME, dont le programme France Investissement est géré par CDC Entreprises.

INVESTISSEMENTS DIRECTS RÉALISÉS PAR LE FONDS STRATÉGIQUE D’INVESTISSEMENT AU 31 JUILLET 2010

(en millions d’euros)

Entreprise

Montant

Catégorie

Secteur

Valéo

24

GE

Automobile et équipementiers

Gémalto

176

GE

Équipements électroniques et électriques – TIC

Nexans

59

GE

Équipements électroniques et électriques

Technip

113

GE

Pétrole – Équipements, services et distribution

Vallourec

234

GE

Ingénierie industrielle

Limagrain

151,5

GE

agro-alimentaire / semences

CGG Veritas

178

GE

Pétrole – Équipements, services et distribution

Daher

69

ETI

Aérospatiale et défense

Farinia

20,5

ETI

Industries généralistes

Carbone Lorraine

30

ETI

Équipements électroniques et électriques

Cegedim

118

ETI

Logiciels et services informatiques

Mécachrome

15

ETI

Industrie généralistes

Gruau

12,5

ETI

Automobile et équipementiers

Mäder

11,5

ETI

bâtiment et matériaux de construction

Cylande

12

ETI

Logiciels et services informatiques

Grimaud

40

ETI

agro-alimentaire / sélection génétique

3S Photonics

5

PME

Matériel et équipements destinés TIC

Dailymotion

7,5

PME

Médias

NiCox

24,5

PME

Pharmacie et biotechnologies

Avanquest

8

PME

Logiciels et services informatiques

Innate Pharma

11

PME

Pharmacie et biotechnologies

Inside Contact Less

10

PME

Équipements électroniques et électriques – TIC

Cerenis

10

PME

Pharmacie et biotechnologies

Led to Lite

4,2

PME via CDCE

Équipements électroniques et électriques

Frey Energies Nouvelles

7

PME via CDCE

énergies renouvelables

Meccano

2,2

PME via CDCE

jeux de construction

Forenap

6

PME via CDCE

Pharmacie et biotechnologies (CRO SNC)

Peters Surgical

3,5

PME via CDCE

Pharmacie et biotech (dispositifs médicaux)

Bontoux SA

3,7

PME via CDCE

Pharmacie – huiles essentielles

GLI Intl

5

PME via CDCE

Industrie généraliste - fabricant bouteilles gaz

IPS

7

PME via CDCE

Pharmacie – biotech

Nalod's

4,5

PME via CDCE

Distribution

BioSpace Med

3,5

PME via CDCE

Pharmacie – biotech (imagerie médicale)

Cytheris

3,4

PME via CDCE

Pharmacie – biotech (IL7)

Nexway

8

PME via CDCE

Logiciels (e-commerce pour jeu)

TOTAL

1398

   

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

III.– QUEL AVENIR POUR LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE ?

Le Rapporteur spécial souhaite apporter cette année un éclairage particulier sur la filière nucléaire française et sur le rôle que pourrait jouer l’État dans sa réorganisation.

L’échec du consortium français, composé notamment d’EDF, Areva, GDF-Suez et Total, dans l’appel d’offre lancé par Abou Dhabi a constitué le révélateur des problèmes d’organisation de cette filière. Il a conduit le Président de la République à demander un rapport sur le sujet à M. François Roussely, président honoraire d’EDF, dont une synthèse a été publiée au mois de juillet dernier. La remise de ce rapport a été suivie par une réunion du conseil de politique nucléaire, qui a décidé plusieurs mesures concernant la filière. Plusieurs sujets restent toutefois en cours de discussion entre EDF et Areva.

La question de la réorganisation de la filière nucléaire française présente la particularité d’être un cas type de ce que pourrait réaliser « l’État actionnaire à stratégie industrielle ». Sa participation dans ces entreprises n’est plus considérée sous le seul angle de la valorisation de son patrimoine mais également dans une optique de politique industrielle. Compte tenu de ses perspectives de croissance et des avantages comparatifs liés à l’expérience des entreprises françaises, un tel secteur apparaît particulièrement bien adapté pour cette nouvelle forme d’action publique.

Il convient également de remarquer que, au-delà de la politique de l’État actionnaire et de la question de la compétitivité de l’économie, le nucléaire civil constitue un élément de politique étrangère.

Le Rapporteur spécial centrera son analyse sur les trois entreprises du secteur dont l’État est actionnaire, EDF, Areva et GDF-Suez – ces trois sociétés concentrant, au demeurant, l’essentiel des questions relatives à l’avenir de la filière.

Il convient de rappeler que d’autres entreprises françaises peuvent être associées à la construction d’une centrale nucléaire – Alstom qui est l’un des leaders mondiaux en matière de turbine-alternateur pour centrale nucléaire, Vinci et Bouygues, Total qui cherche à développer son offre d’énergie et qui a participé à l’offre à Abou Dhabi. Ces sociétés sont exclues du champ du rapport car l’État n’en est pas actionnaire – il ne peut donc agir sur leur stratégie – et, de plus, le secteur nucléaire ne constitue qu’une partie – parfois, très marginale – de leur chiffre d’affaires.

A.– LA COMPLEXITÉ DU MARCHÉ DE CONSTRUCTION DE CENTRALES NUCLÉAIRES

1.– Une offre requérant de multiples intervenants

Le schéma suivant illustre les différents segments du marché du nucléaire au sens large.

LE MARCHÉ DU NUCLÉAIRE CIVIL AU SENS LARGE










Le segment de construction des centrales nucléaires constitue le principal enjeu de la filière nucléaire française, illustré par l’échec d’Abou Dhabi. Il se caractérise par des prévisions de croissance élevées et il ressort que les entreprises françaises du secteur bénéficient d’avantages comparatifs non négligeables sur cette activité.

La construction d’une centrale nucléaire mobilise une multiplicité d’intervenants. Plus encore que les autres unités de production d’électricité – centrales à gaz, à charbon…–, les centrales nucléaires constituent un assemblage complexe de plusieurs éléments requérant l’intervention de diverses entreprises spécialisées. Ainsi, Areva fournit le cœur de la centrale, à savoir « l’îlot nucléaire » qui produit l’énergie par fission nucléaire, Alstom « l’îlot conventionnel » – turbines et alternateurs –, Vinci ou Bouygues le béton nécessaire à la protection de l’îlot nucléaire.

La coordination de ces différents intervenants est assurée par un « architecte-ensemblier » qui peut être l’électricien destiné à exploiter la centrale, une société spécialisée ou l’une des entreprises impliquées dans la construction. En France, EDF a assumé un tel rôle au moment du développement de son parc nucléaire, de même qu’Electrabel, devenue filiale de GDF-Suez, l’a fait en Belgique.

La valeur ajoutée apportée par les entreprises impliquées dans la construction d’une centrale semble se dégager principalement à deux niveaux.

D’une part, les caractéristiques du réacteur – puissance, sûreté, coût – déterminent les principaux critères de la rentabilité de l’investissement – durée de vie de l’installation, coût de maintenance, volume d’électricité produite donc économies d’échelle potentielles... Sur ce marché, les concurrents d’Areva sont relativement nombreux et sont les entreprises ayant développé les parcs nucléaires des principaux pays ayant fait un tel choix – Japon, États-Unis, Russie, Corée du Sud.

D’autre part, les coûts et délais de construction constituent également un élément central de la rentabilité de l’investissement. À cet égard, la qualité du service rendu par l’architecte-ensemblier est cruciale.

Il convient de remarquer que, compte tenu de l’interruption des mises en chantier entamée à la fin des années 1980, aucune centrale n’a été construite par EDF ou par Areva depuis plus de vingt ans. L’EPR finlandais, dont la construction est supervisée par Areva, est ainsi le premier chantier de construction d’une centrale de nouvelle génération à avoir été mis en œuvre par une entreprise française.

Par ailleurs, l’essentiel des ventes se feront à l’international. Or, la réponse à des appels d’offre internationaux peut passer par plusieurs types de configuration de l’offre et poser un problème de coordination entre entreprises françaises.

À noter qu’il existe un lien étroit entre conception, construction et exploitation de centrales nucléaires, ce qui explique que des électriciens puissent être associés à chacune de ces étapes. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, il apparaît nécessaire de retirer l’expérience de l’exploitation pour améliorer la conception. À cet égard, EDF a pour stratégie de s’impliquer dans la construction à la condition de pouvoir l’exploiter. La décision de GDF-Suez de se retirer du projet d’EPR à Penly peut également se comprendre au vu du fait que l’entreprise n’aurait pas été suffisamment associée à la construction et à l’exploitation. Son projet d’accompagner la conception de l’Atmea avant d’en construire et exploiter un premier modèle en France relève de la même logique.

2.– Les besoins à géométrie variable des clients

a) Construction et/ou exploitation

La principale différence expliquant les différences de format des offres sur le segment en question tient au fait que le client peut associer la construction de centrale nucléaire à son exploitation.

 Si le client fait un tel choix, la centrale nucléaire peut être construite de deux façons différentes.

D’une part, le client est l’exploitant lui-même et l’installation est construite pour son compte propre. Dans un tel cas, il peut jouer le rôle d’architecte-ensemblier. À titre d’exemple, un tel modèle a été suivi en France au moment du développement du parc de centrales puis aujourd’hui pour la construction de l’EPR à Flamanville et en Chine, EDF jouant le rôle d’architecte-ensemblier.

D’autre part, le client peut être un pays « primo-accédant » ne disposant d’aucun savoir-faire en matière nucléaire. Il est alors conduit à demander que l’exploitation de la centrale soit assurée après sa construction. À titre d’exemple, la demande faite par l’émirat d’Abou Dhabi relève d’une telle configuration. Pour répondre à une telle demande, une offre unique intégrant construction et exploitation doit être formulée.

 Si l’offre du client porte sur la seule construction de la centrale, celle-ci lui est alors livrée « clé en main ». Une telle configuration est, semble-t-il, privilégiée aux États-Unis où des sociétés spécialisées assurent le rôle d’architecte-ensemblier et se retrouve également dans le cas du projet d’EPR finlandais « Olkiluoto » mené par Areva.

b) Niveau de sûreté et de puissance des réacteurs nucléaires

Le type de réacteur nucléaire demandé par le client peut être variable en termes de niveau de sécurité et de puissance. En France, Areva a fait le choix d’un haut niveau de sûreté – ce qui implique des coûts plus importants – et est en voie de compléter sa gamme de produits avec des réacteurs de moyenne puissance.

Sur le premier point, les réacteurs de 3ème génération présentent un niveau de sûreté – et donc de coût – plus élevé que ceux de la génération précédente. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, le coût de l’EPR s’expliquerait principalement par les exigences de sûreté qui ont entouré sa conception et qui impliquent un plus grand nombre d’heures d’ingénierie au moment de sa construction. De même, l’Atmea, qui serait une déclinaison de l’EPR, présenterait un même niveau de sûreté et entrerait donc dans une gamme de produits de qualité – mais plus coûteux.

L’arbitrage entre coût et sûreté serait différent selon la sensibilisation des opinions publiques au risque nucléaire. Les choix faits par les concepteurs français, consistant à privilégier la sécurité, pourraient donc conduire à privilégier certains marchés au détriment d’autres.

En terme de puissance, l’EPR, avec 1 600 MWe, figurerait parmi les réacteurs les plus puissants et serait destiné aux pays ayant d’importants besoins en énergie et disposant d’une infrastructure électrique permettant de supporter une telle production. À cet égard, il n’est pas étonnant que plusieurs projets d’EPR soient en cours en Chine ou aux États-Unis.

Des réacteurs de plus faible puissance, correspondant à des besoins différents, peuvent également être proposés comme l’AP 1000 de Toshiba Westinghouse. Areva et Mitsubishi ont travaillé à la conception d’un réacteur à eau pressurisée d’une puissance de 1100 MWe, l’Atmea. Par ailleurs, Areva a également élaboré, en collaboration avec l’électricien allemand E.ON, le Kerena, un réacteur à eau bouillante d’une puissance de 1 250 MWe. Ces deux projets, dont le design a été finalisé, sont aujourd’hui en phase de développement – l’Atmea ayant été pré-sélectionné dans le cadre de l’appel d’offres lancé par la Jordanie.

c) Construction et/ou approvisionnement en combustible avec ou sans recyclage des déchets

Le client peut enfin demander des services supplémentaires relevant de la maintenance des installations nucléaires, de l’amont – fourniture du combustible – ou de l’aval – retraitement des déchets. Le modèle intégré d’Areva apparaît particulièrement adapté à de telles demandes.

B.– UNE FILIÈRE PÂTISSANT DES MAUVAISES RELATIONS ENTRE EDF ET AREVA

L’échec du consortium français dans l’appel d’offres international d’Abou Dhabi a déclenché une prise de conscience sur les carences de l’organisation de la filière nucléaire française. Au-delà de cet échec ponctuel, la réflexion qu’il a suscitée a mis au jour les divergences croissantes entre EDF et Areva.

1.– Prendre du recul sur l’échec d’Abou Dhabi

Le Rapporteur spécial a tenté, lors de ses auditions, de repérer les facteurs explicatifs de l’échec du consortium français à face à son concurrent coréen lors de l’appel d’offres international lancé à Abou Dhabi.

Rappelons que, à l’origine, l’offre française était principalement composée de GDF-Suez, Areva, qui proposait un EPR, et Total. Après une première sélection, il est apparu qu’il était impossible de remporter le contrat s’il n’incluait pas EDF. Le client estimait en effet nécessaire que l’une des parties dispose d’une expérience de la construction et de l’exploitation de l’EPR – ce qui était le cas d’EDF qui avait lancé le projet de Flamanville et à qui venait d’être confié, plutôt qu’à GDF-Suez, le pilotage de la construction d’un deuxième EPR en France, à Penly. L’électricien a donc rejoint l’offre alors qu’il avait considéré, dans un premier temps, qu’elle ne rentrait pas dans le champ de sa stratégie de développement. En dépit de ce ralliement, l’offre française a été rejetée.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet échec. Les éléments avancés ci-dessous sont à prendre avec prudence car ils reflètent la vision – forcément partielle – des différents intervenants dans le dossier :

– l’offre aurait été mal analysée et EDF aurait dû être impliqué dès le départ dans le projet ;

– les ressources commerciales mobilisées par la France auraient été insuffisantes ;

– l’EPR n’était pas adapté à la demande car le client n’aurait pas été sensible au surcroît de sûreté qui explique son prix supérieur à celui de son concurrent ;

– la force de l’euro et la faiblesse de la monnaie sud-coréenne auraient accentué un tel déséquilibre ;

– les critères de l’appel d’offres tendaient à rendre moins attractives l’offre française.

Au final, il convient de ne pas surestimer l’impact de l’échec d’Abou Dhabi sur les entreprises impliquées dans l’offre. Le rejet de l’EPR sur ce contrat ne signifie notamment pas que ce produit n’est pas adapté à la demande. Comme indiqué plus haut, il est adapté à un segment de la demande et a d’ailleurs déjà trouvé preneur à l’étranger – en Finlande et en Chine.

2.– Une tension croissante entre EDF et Areva

Au-delà d’un échec ponctuel sur un appel d’offres international, une source majeure de préoccupation réside dans la tension croissante entre les deux entreprises situées au cœur de la filière nucléaire française, EDF et Areva.

a) De l’adaptation au nouvel environnement concurrentiel…

Historiquement, les relations entre EDF et Framatome étaient quasiment exclusives. Le premier se fournissait auprès du second dont il était le seul client principal – Framatome ayant passé quelques contrats à l’étranger, notamment en Belgique. L’intérêt stratégique accordé au développement de l’énergie nucléaire a, en effet, conduit l’État, qui contrôlait alors à 100 % les deux entreprises, à les faire coopérer étroitement pour créer le parc nucléaire puis l’entretenir.

Deux évolutions, l’une partagée par l’ensemble des entreprises publiques et l’autre propre à EDF et Areva, ont abouti à remettre en cause un tel schéma.

Dans un contexte caractérisé par une application stricte du droit de la concurrence au sein de l’Union européenne et par le constat d’une mauvaise gestion de certaines entreprises publiques, l’État n’a plus utilisé ses participations financières comme un moyen au service de la politique industrielle et a fixé aux entreprises publiques des objectifs centrés sur la bonne gestion. Une telle évolution a été renforcée par l’entrée au capital de certaines d’entre elles
– notamment EDF – d’investisseurs privés requérant une certaine rentabilité des fonds engagés.

L’internationalisation de l’activité d’EDF et d’Areva et la recherche de relais de croissance ont constitué des éléments propres à ces deux entreprises, qui ont accentué cette tendance à la divergence.

EDF, d’une part, a profité de l’ouverture à la concurrence des marchés européens de l’énergie et la recherche de compétitivité qui s’en est suivie l’a conduit à mettre en concurrence ses fournisseurs.

Areva, d’autre part, est conscient que, compte tenu de la nécessité de renforcer et renouveler le parc nucléaire mondial, il existe des débouchés importants à l’international pour son savoir-faire en matière d’îlots nucléaires. Non seulement EDF ne constitue plus son unique débouché commercial mais la croissance de son activité et de sa rentabilité est à rechercher principalement auprès d’autres clients. Pour assurer son développement, Areva répond à des appels d’offre internationaux sans être nécessairement accompagné d’EDF qui a une stratégie à l’international plus ciblée.

b) …à une situation de conflit larvé

Les deux entreprises se sont donc adaptées à leur nouvel environnement en suivant des stratégies propres. Une telle évolution était souhaitable puisqu’en préservant la croissance et la rentabilité de ces sociétés, elle garantit leur développement et protège les intérêts de l’État actionnaire.

Toutefois, l’évolution de leur stratégie a pu les conduire à aller à l’encontre des intérêts de l’autre. À titre d’exemple, dans la recherche de compétitivité qui a directement découlé de l’ouverture des marchés de l’électricité à la concurrence, EDF aurait eu tendance à mettre en concurrence ses fournisseurs, notamment Areva, pour faire baisser ses coûts. Inversement, EDF reprocherait notamment à Areva de ne pas donner la priorité aux investissements nécessaires pour répondre, dans les meilleurs délais et aux plus bas coûts, à son besoin de modernisation du parc nucléaire français.

Sur le terreau ainsi constitué, ont germé plusieurs conflits minant la confiance entre les deux entreprises. Ainsi, alors qu’un compromis a finalement été trouvé sur le recyclage, les deux entreprises s’opposent encore sur l’enrichissement et, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, EDF pourrait ne pas prolonger son contrat avec Areva pour lui préférer un fournisseur russe.

D’une situation d’étroite coopération, Areva et EDF seraient donc en train de passer à une relation classique de client à fournisseur, voire à une situation de conflit ouvert.

3.– GDF-Suez, nouvelle composante de l’équation nucléaire

Historiquement, la filière nucléaire française s’est créée autour d’EDF, architecte-ensemblier et électricien, et de Framatome, concepteur des îlots nucléaires, qui sera intégré au sein d’Areva. Parallèlement, Electrabel a construit et exploité, en Belgique, 7 réacteurs puis a été intégré au sein du groupe Suez. À la suite de la fusion entre GDF et Suez, l’État s’est donc retrouvé actionnaire à hauteur de 35,9 % d’une entreprise propriétaire d’une filiale produisant de l’énergie nucléaire. Cette évolution a fait surgir la question de l’intégration de ce nouvel acteur au sein de la filière nucléaire française.

Le nouveau groupe ainsi créé a décidé de développer une offre en matière de production nucléaire dans le but de maintenir, à l’horizon 2020, la part de l’énergie nucléaire dans sa production totale d’électricité, soit environ 15 %, ce qui implique de l’augmenter en valeur absolue.

D’après les informations transmises au Rapporteur spécial, la stratégie de GDF-Suez en matière de nucléaire passerait notamment par des partenariats au cas par cas avec d’autres électriciens ou grands clients industriels dans le but de partager le montant de l’investissement à sa charge et le risque supporté. La simple participation au financement d’une nouvelle installation, sans fonction ni de construction ni d’exploitation, ouvrant droit à une quote-part de la production, ne paraît pas être un but pour le groupe.

En matière de choix des réacteurs nucléaires, s’il tend à mettre en concurrence les différents fournisseurs, le groupe privilégierait les réacteurs présentant le plus haut niveau de sûreté, l’EPR – si, comme il a été indiqué au Rapporteur spécial, « il est possible d’y accéder dans des conditions industrielles et économiques satisfaisantes » –, l’Atmea d’Areva et Mitsubishi et l’AP1000 développé par Toshiba Westinghouse.

Pour offrir ses services à l’international, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, il apparaît indispensable à GDF-Suez de construire et d’exploiter un réacteur de nouvelle génération dans son pays d’origine, en France. Dans cette optique, le groupe a fait deux demandes successives de construction, à Pierrelatte dans la vallée du Rhône, d’EPR puis d’Atmea – la première lui a été refusée et aucune réponse n’a encore été donnée à la seconde.

C.– LES PISTES DE RÉORGANISATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE

Le rapport Roussely a proposé plusieurs pistes de réorganisation de la filière nucléaire française. Les décisions prises par le comité de politique nucléaire du 28 juillet dernier s’inspirent en partie de ses recommandations et portent notamment sur la mise en place d’un « accord de partenariat stratégique entre EDF et Areva », sur le développement de la gamme de produits et sur le financement d’Areva. Toutefois, plusieurs points importants sont ouverts à discussion et font encore l’objet de négociations.

Les recommandations du rapport Roussely paraissent équilibrées et conformes à l’intérêt général. La réorganisation du nucléaire français doit en effet obéir à quelques principes majeurs :

– le succès de la filière nucléaire française provient du lien entre Areva et EDF dans la conception, la construction et l’exploitation de centrales nucléaires ;

– Areva et EDF doivent redevenir des partenaires privilégiés sur l’ensemble du cycle nucléaire, ce qui suppose qu’EDF considère Areva comme un fournisseur privilégié, notamment en matière d’îlots nucléaires et d’enrichissement, et qu’Areva réalise les investissements nécessaires pour assurer une offre compétitive, notamment dans la perspective de la modernisation du parc nucléaire ;

– la subordination d’Areva à EDF doit être impérativement évitée car elle ne paraît pas adaptée à la segmentation de la demande et entraînerait une forte réduction du champ de clientèle couvert par la filière nucléaire française.

Il convient enfin de noter que les conclusions du rapport de M. Roussely tendent à marginaliser GDF-Suez. Cette entreprise pourrait néanmoins constituer un avantage à l’exportation sur les marchés qui ne sont pas couverts par EDF.

1.– La désignation d’EDF comme architecte-ensemblier de la filière nucléaire française

a) EDF, leader historique de la filière nucléaire française

La proposition de M. Roussely ayant reçu le plus d’écho est la désignation d’EDF en tant qu’« architecte-ensemblier » de la filière nucléaire française. L’électricien serait responsable de l’ingénierie d’ensemble et assurerait la coordination des différentes entreprises impliquées dans la construction d’une centrale – une telle fonction étant toutefois, comme cela est indiqué plus bas, retenue à la condition qu’un tel schéma réponde à la demande du client et à la stratégie d’EDF.

Comme l’indique la synthèse du rapport Roussely, une telle distinction est accordée à EDF car il apparaît comme « le seul groupe à disposer de l’expérience longue et reconnue lui permettant d’exercer » une telle responsabilité. Ce « retour d’expérience unique » constitue un avantage comparatif essentiel dans la concurrence internationale.

En effet, d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, la clé du succès de la filière nucléaire française résiderait dans l’expérience accumulée par EDF et Areva dans la conception, la construction et le retour d’expérience issu de l’exploitation par EDF des centrales nucléaires. Le savoir-faire ainsi accumulé constituerait un capital important permettant d’assurer la rentabilité des investissements (11).

Il convient toutefois de noter que la préservation d’une telle expérience nécessite d’importants investissements en ressources humaines pour assurer la préservation du savoir-faire alors qu’EDF fait face aux départs en retraite des ingénieurs ayant participé à la construction du parc nucléaire français.

b) Accorder la priorité à EDF tout en maintenant la capacité d’adaptation de l’offre française à la demande internationale

Le rapport Roussely prévoit la possibilité de déroger à ce principe « si, à l’international, le client ne souhaite pas la présence d’EDF ou (si) EDF ne souhaite pas répondre à un appel d’offres ». La désignation d’EDF comme architecte-ensemblier ne signifierait donc pas que l’électricien ait vocation à diriger l’ « équipe France » sur l’ensemble des appels d’offres. Elle semble, en revanche, lui conférer la prééminence dans les appels d’offres auxquels l’électricien répondrait.

Le principe ainsi affirmé semble, à première vue, uniformisateur pour l’offre française. En pratique, toutefois, il semble que la priorité ainsi accordée à EDF porte sur les chantiers qu’il mènerait pour son compte propre – ce qui va de soi – ainsi que pour les appels d’offres lancés par les pays primo-accédants qui nécessitent l’aide d’un exploitant étranger et qui répondent aux critères d’EDF.

Le format de l’offre française serait donc à géométrie variable et dépendrait principalement de la stratégie suivie par EDF et de la demande du client. Une telle souplesse apparaît bienvenue car elle prend en compte la diversité de la demande mondiale et la nécessité pour l’offre française de s’y adapter.

Au final, le schéma retenu pour la définition de l’offre française serait fondé sur les bases suivantes :

– le principal avantage comparatif de la France à l’exportation provient du capital d’expérience et de savoir-faire accumulé, en commun, par EDF et Areva. Un tel couple doit être prioritaire dès lors qu’il est en mesure de répondre à la demande du client. Ce renouvellement de l’alliance entre les deux entreprises suppose que s’éteignent les conflits qui les opposent et que leur partenariat stratégique soit renouvelé ;

– dès lors que ce couple n’est pas en mesure de répondre à la demande du client ou que celle-ci n’entre pas dans le cadre de la stratégie suivie par EDF, deux cas de figure se présenteraient. D’une part, dans l’hypothèse où la demande du client porte sur la seule construction d’une centrale nucléaire, Areva serait naturellement conduit à répondre à l’appel d’offres lancé par cet électricien – qui pourrait être GDF-Suez, E.ON… –, quel que soit le marché d’implantation de celui-ci. D’autre part, si le client – alors primo-accédant – souhaite coupler construction et exploitation, une offre menée par Areva et GDF-Suez serait la mieux à même de représenter la filière nucléaire française.

2.– Un accord de partenariat stratégique entre EDF et Areva

EDF et Areva sont les deux entreprises historiques de la filière nucléaire française. Alors qu’elles se sont éloignées l’une de l’autre depuis plusieurs années, elles demeurent des partenaires naturels sur plusieurs sujets : exporter l’EPR mais également mener à bien la modernisation du parc nucléaire française et assurer la sécurité de l’approvisionnement de la France en combustible.

Leur propre intérêt, celui de leur actionnaire et celui du tissu industriel français commandent de développer cette coopération. Le conseil de politique nucléaire leur a demandé de s’engager sur une telle voie.

a) Un partenariat nécessaire qui doit se faire « entre égaux »

 Le rapport de M. Roussely rend des conclusions mesurées sur les relations entre Areva et EDF. Il confirme la pertinence du modèle intégré et rejette donc implicitement les propositions de démembrement d’Areva au profit d’EDF.

La coopération entre les deux entreprises doit se faire dans le but de profiter aux deux entités et ne doit pas signifier la subordination d’Areva à EDF. Cette dernière solution ne paraît pas adéquate car elle conduirait de facto à priver Areva du marché représenté par les concurrents d’EDF. Il semble en effet acquis que ceux-ci n’accepteraient pas de permettre à une filiale d’un concurrent majeur « d’entrer dans leurs centrales », c’est-à-dire de construire les installations et d’assurer leur maintenance – donc d’avoir accès à des informations privilégiées relatives aux projets de construction d’unités de production et au fonctionnement de celles-ci (12).

En contrepartie, Areva ne doit pas considérer EDF comme un client parmi d’autres mais comme un partenaire privilégié. Il serait notamment bienvenu que le groupe réponde aux demandes de l’électricien en réalisant notamment les investissements nécessaires pour répondre aux besoins de modernisation du parc nucléaire français.

Reprenant une recommandation du rapport Roussely, le Conseil de politique nucléaire du 28 juillet dernier a décidé d’un partenariat stratégique entre EDF et Areva sur l’approvisionnement en combustible et sur l’exportation de centrales. Un accord sur le premier point apparaît urgent pour qu’Areva et EDF poursuivent leur coopération en matière d’enrichissement d’uranium. Il semble que, sur ce dernier point, l’urgence de rendre l’EPR plus compétitif ait constitué un élément important justifiant un rapprochement rapide entre EDF et Areva.

À l’heure actuelle néanmoins, plusieurs incertitudes pesent encore sur les modalités du rapprochement entre les deux entreprises – notamment sur le niveau de la prise de participation d’EDF.

 Le partenariat entre les deux groupes passe d’abord par une réflexion commune sur les sujets d’intérêt commun, formalisée par la mise en place de plusieurs groupes de travail :

– le retour d’expérience du chantier finlandais « Olkiluoto » ainsi que, en conséquence, les voies et moyens d’une réduction du coût de la construction de l’EPR ;

– l’amélioration du coefficient de disponibilité du parc nucléaire français géré par EDF ;

– le développement d’un partenariat sur le cycle du combustible, qui pourrait prendre la forme d’accords commerciaux ou d’une prise de participation d’EDF dans la filiale d’Areva ;

– le développement de l’Atmea ;

– la prise de participation d’EDF dans Areva.

b) Une éventuelle prise de participation dont la nécessité est incertaine

Le Conseil de politique nucléaire a indiqué que « l’éventualité d’une prise de participation d’EDF dans le capital d’Areva sera examinée » – cette hypothèse n’étant pas mentionnée dans le rapport Roussely. Rappelons qu’EDF détient déjà 2,42 % du capital d’Areva.

Il convient de remarquer que le niveau plus ou moins élevé de la prise de participation d’EDF pourrait avoir des conséquences très variées. Une prise supplémentaire inférieure à 5 % du capital et sans octroi d’un représentant d’EDF en conseil d’administration, aurait valeur symbolique du rapprochement entre les deux groupes et permettrait de compléter les ressources financières retirées de l’augmentation de capital en cours. Une telle solution paraît bienvenue mais, d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, elle ne semble pas correspondre aux attentes d’EDF.

En revanche, une prise de participation de plus grande ampleur s’accompagnant de la présence, au conseil d’administration, d’un représentant d’EDF pourrait avoir des conséquences beaucoup plus importantes. En effet, d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, un tel choix pourrait avoir les conséquences, évoquées plus haut, d’une subordination d’Areva à EDF et pourrait donc entraver le développement du premier.

Une prise de participation d’ampleur pourrait également être problématique pour EDF. L’électricien s’est en effet fortement endetté pour financer des opérations de croissance externe au Royaume-Uni – rachat de British Energy – et aux États-Unis – rachat de la moitié des actifs nucléaires de Constellation Energy. En l’absence d’augmentation de capital, la part de l’endettement dans sa structure de financement reste importante et limite sa capacité à investir dans Areva.

Au final, il semble qu’aucune solution ne puisse satisfaire les deux parties, qui, au demeurant, ne semblent pas avoir été demandeurs d’une telle opération.

Il convient enfin de noter que, si elle doit avoir lieu, les détails d’une telle opération doivent être décidés rapidement pour ne pas retarder l’augmentation de capital d’Areva. Rappelons que le groupe français doit ouvrir son capital à hauteur de 15 % à divers investisseurs étrangers pour financer son plan de développement. Le Gouvernement s’est engagé à ce que l’opération soit conclue avant la fin de l’année et il est important pour les futurs actionnaires d’Areva de savoir quelle serait la place exacte d’EDF si celui-ci est amené à entrer au capital du groupe.

c) Concevoir ensemble de nouveaux réacteurs, cœur de la filière nucléaire française

La poursuite de la coopération entre EDF et Areva en matière de conception de réacteurs nucléaires semble centrale pour la consolidation de la filière nucléaire française. Or, des divergences importantes apparaissent sur ce sujet crucial.

D’une part, comme indiqué plus haut, les nouveaux projets de réacteurs développés par Areva – l’Atmea et le Kerena – ne sont pas réalisés en collaboration avec EDF. D’autre part, d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, EDF se rapprocherait d’un partenaire chinois – CGNPC – pour commercialiser un réacteur de moyenne puissance et de deuxième génération, le CPR 1000.

Ce dernier point apparaît en contradiction avec la volonté de capitaliser sur l’expérience et le savoir-faire accumulés par EDF et Areva et constituant le cœur de l’avantage comparatif de la filière nucléaire française.

Il apparaît donc urgent que la coopération entre EDF et Areva reprenne en matière de conception de réacteurs nucléaires. Elle implique notamment que le retour d’expérience d’EDF en tant qu’exploitant enrichisse le travail de conception des nouveaux réacteurs.

d) Redevenir partenaires privilégiés sur l’ensemble du cycle nucléaire

Dans le cadre de leur partenariat stratégique, Areva doit répondre à certaines préoccupations d’EDF notamment en matière d’approvisionnement en combustible et de modernisation de son parc nucléaire.

 Le Conseil de politique nucléaire a décidé que seraient examinés « des partenariats industriels pour l’activité minière d’Areva », selon la recommandation du rapport Roussely.

Il a été évoqué une prise de participation d’EDF dans la filiale minière d’Areva. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, une telle solution serait problématique pour Areva. Du fait de l’ensemble de services qu’elle offre à ses clients, l’entreprise aurait la faculté de moduler la répartition de ses marges selon ses différentes branches. L’ouverture du capital de sa filiale minière ne permettrait plus de réaliser de telles opérations.

Par ailleurs, il a été indiqué au Rapporteur spécial qu’une telle prise de participations serait perçue de manière négative par les concurrents d’EDF qui se fournissent auprès d’Areva.

Au vu de ces éléments, un contrat de fourniture à long terme pourrait donc être plus adéquat.

 Du fait de l’allongement de la durée de vie de son parc de centrales, EDF prévoit de réaliser d’importants investissements de modernisation de ses installations nucléaires. Le groupe semble être préoccupé par la capacité d’Areva et, plus largement, de l’ensemble du tissu productif français à répondre à ses besoins. Ceux-ci seraient, d’après les informations recueillies par le Rapporteur spécial, particulièrement conséquents et demanderaient à être anticipés en amont pour pouvoir être couverts par des entreprises françaises.

En cette matière, il semble que le partenariat privilégié conduise Areva à réaliser les investissements nécessaires pour fournir EDF et que celui-ci s’engage, en contrepartie, à privilégier son partenaire historique ainsi que les autres entreprises françaises pour faire face à ses besoins.

 Enfin, le partenariat privilégié doit également fonctionner en matière d’enrichissement d’uranium. Areva doit considérer EDF comme un client prioritaire. Inversement, il semble difficilement imaginable que l’électricien se fournisse auprès d’entreprises étrangères à l’heure où Areva investit massivement pour moderniser son outil de production, avec la construction de l’usine Georges Besse II.

e) Les carences de l’État actionnaire face aux enjeux du partenariat entre EDF et Areva

Au-delà la question de la tension entre EDF et Areva, l’analyse des relations entre les deux entreprises met au jour certaines carences de l’État actionnaire et notamment la restriction de fonds propres qu’il fait peser sur les entreprises dont il détient des participations.

Parce qu’il ne dispose pas des moyens financiers pour suivre les augmentations de capital et parce qu’il ne veut généralement pas être dilué, l’État actionnaire limite les fonds propres des entreprises publiques et donc leur capacité à investir. Un tel biais apparaît particulièrement néfaste dans le cas d’industries, comme celle du nucléaire, réclamant d’importants investissements dont la rentabilité est éloignée dans le temps et pâtissant, en conséquence, d’un accès restreint aux financements privés.

Ainsi, il n’est pas à exclure que la stratégie de développement d’EDF – et donc le ciblage des projets qu’elle implique – ne soit contrainte, plus que celle de ses concurrents, par la difficulté à lever des fonds propres. De même, dans le cadre de la mise en œuvre du plan de financement des investissements du groupe, l’État a demandé à Areva la cession de sa filiale Transmission et Distribution (T&D), alors qu’elle lui assurait des revenus réguliers perçus sur la base d’un cycle de court terme, qui lui permettaient d’équilibrer le cycle de long terme des contrats nucléaires.

Au vu du cas particulier du nucléaire, la volonté de voir l’État actionnaire jouer un vrai rôle industriel pourrait donc se heurter, compte tenu du niveau de l’endettement public, à son manque de moyens financiers.

Dans l’hypothèse où l’État décide de maintenir un contrôle public étroit sur les entreprises jugées stratégiques, une solution pourrait consister à réduire le périmètre de ses participations et à réinvestir le produit de ces cessions au sein des secteurs jugés stratégiques.

Une autre solution pourrait conduire à ouvrir plus largement à des investisseurs privés le capital des entreprises ayant des besoins de financement importants, ou de leurs filiales. Une telle option impliquerait toutefois d’accepter un relâchement du contrôle de l’État sur leur stratégie et, en conséquence, limiterait sa capacité à les orienter en fonction d’objectifs de politique industrielle.

3.– Quelle place pour GDF-Suez au sein de la filière nucléaire française ?

a) GDF-Suez écarté de la réorganisation proposée par M. Roussely

Le rapport Roussely ne fait pratiquement pas mention de GDF-Suez. Lors de son audition devant la commission des Affaires économiques le 15 septembre 2010, M. Roussely a expliqué une telle omission par le fait que « l’urgence ne (lui) semble pas d’avoir un deuxième ou un énième champion national ».

La désignation d’EDF comme architecte-ensemblier de la filière nucléaire française semble en effet conduire de facto à écarter GDF-Suez des consortiums français intégrant EDF – qui a priori fournirait des EPR. En effet, du fait du rôle clé joué par l’architecte-ensemblier, il semble exclu, pour GDF-Suez, de laisser EDF remplir une telle tâche dans l’hypothèse où les deux électriciens étaient associés dans la construction d’une installation commune. D’après les informations transmises au Rapporteur spécial, GDF-Suez serait, en revanche, ouvert à collaborer, à titre majoritaire ou minoritaire selon le cas, au sein de sociétés de projet chargées elles-mêmes de la responsabilité de la construction et de l’exploitation.

b) Un groupe qui peut néanmoins représenter la France à l’international

En dépit du fait que le cœur de la filière nucléaire française reste EDF et Areva et que le développement dans le nucléaire ne constitue pas le cœur de la stratégie de GDF-Suez, il semble que ce nouvel acteur puisse être un atout pour la filière nucléaire française, en étant notamment présent sur les marchés où EDF ne va pas, par exemple au Brésil où GDF-Suez est le premier électricien privé.

Il serait en effet regrettable que les exportations de la filière nucléaire française soient limitées aux pays privilégiés par EDF quand il est possible de couvrir un champ plus vaste de la demande.

À titre d’exemple, GDF-Suez a été l’un des principaux membres du consortium français répondant à l’appel d’offres d’Abou Dhabi. Il est également leader dans l’offre d’Atmea, couplée à une usine de dessalement d’eau de mer fournie par Suez Environnement, faite à la Jordanie.

Au vu de ces éléments, il semble que l’autorisation de construire et d’exploiter un Atmea en France doive être envisagée avec sérieux. Une telle condition semble, en effet, absolument cruciale pour le développement de GDF-Suez en tant qu’exploitant de centrale nucléaire car les clients – par exemple, l’émirat d’Abou Dhabi – semblent estimer nécessaire qu’un électricien exploite, dans son pays d’origine, le réacteur nucléaire qu’il leur propose.

L’octroi de cette autorisation permettrait donc de faciliter le développement tant de GDF-Suez que d’Areva sans porter une atteinte démesurée aux intérêts d’EDF puisque celui-ci axe sa stratégie autour de l’EPR.

4.– Une « société de services » pour adapter l’offre française à la demande ?

M. Roussely propose la création d’une « société de services » qui, pour le compte de l’ensemble des entreprises françaises du nucléaire, aurait la tâche d’analyser les demandes émises par les clients pour définir une offre adaptée. À titre d’exemple, dans le cas du contrat d’Abou Dhabi, l’utilité de cette société aurait été de comprendre d’emblée la volonté du client de voir EDF inclus dans le contrat. Cette société jouerait, en quelque sorte, le rôle d’une direction commerciale commune à l’ensemble des entreprises du secteur et spécialisée sur les contrats de construction de réacteurs nucléaires.

Si aucune modalité de mise en œuvre n’a été précisée, une telle idée paraît pertinente. On pourrait, en effet, imaginer que cette société propose, sous l’autorité de l’État stratège, le format de l’offre correspondant aux demandes des clients : présence ou absence d’EDF, produit – EPR et demain Atmea – à proposer, services – exploitation de la centrale, maintenance, combustible… – à offrir. Elle permettrait de rendre cohérente l’orientation commerciale des différentes entreprises.

Elle pourrait toutefois se révéler difficile à mettre en œuvre en raison notamment du fait que les personnes détenant le savoir-faire pour réaliser de telles analyses seraient peu nombreuses et déjà employées au sein des différentes entreprises concernées. Il semble également difficile, à court terme, de rétablir une confiance suffisante entre les différents acteurs pour qu’ils « jouent le jeu » de cette analyse commune des appels d’offres.

CHAPITRE II : LE COMPTE D’AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

I.– UN COMPTE PEU CONNU QUI PEUT MASQUER DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES CRITIQUABLES

A.– UN CANAL BUDGÉTAIRE DESTINÉ À COUVRIR DES BESOINS DE TRÉSORERIE

Certains services de l’État ou organismes gérant des services publics peuvent faire face à des situations d’urgence nécessitant un financement ou à un besoin de trésorerie imprévu et provisoire. L’État peut alors leur octroyer des financements temporaires à des taux supérieurs (13) mais proches de ceux qu’il paie pour son propre endettement.

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (14) retrace, en dépense, l’octroi de tels financements et, en recette, leur remboursement. Les intérêts de ces prêts sont inscrits sur la ligne 2403 du budget général.

L’agence unique de paiement (AUP) est l’organisme percevant les avances les plus importantes – de l’ordre de 7,5 milliards d’euros versés à partir du programme 821. L’AUP assure le pré-financement des dépenses agricole communautaires, les paiements européens intervenant le troisième jour ouvré du deuxième mois qui suit le paiement effectif des aides. Les avances octroyées à l’AUP sont remboursées avant la fin de l’année.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) a également recours aux avances de l’État, qui lui sont versées à partir du programme 824 (15). Un tel financement a été mis en place à partir de décembre 2005 pour éviter de payer des taux d’intérêts élevés aux établissements bancaires prêteurs.

Des avances peuvent enfin être octroyées, à partir du programme 823, à tout organisme gérant un service public – INRAP, Cité de la musique, AFITF, ANAH…

Les demandes d’avances sont instruites par l’Agence France Trésor qui doit être tenue informée de l’agenda complet de l’opération, compte tenu de l’impact sur la trésorerie de l’État du déboursement comme du retour des fonds.

B.– UN COMPTE QUI PEUT MASQUER DES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES NON CONFORMES AUX PRINCIPES DE BONNE GESTION

Le compte peut être le support budgétaire d’opérations qui ne sont pas sans impact sur la situation financière de l’État et qui peuvent ne pas être conformes aux règles de bonne gestion budgétaire. En effet, comme le note la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire, la doctrine d’emploi des crédits prévoit que « les avances doivent couvrir exclusivement des besoins créés par des situations d’urgence (continuité du service public ou mise en œuvre accélérée d’une mesure) ou font face à un besoin de trésorerie imprévu qu’une ressource durable viendra assurer ultérieurement. En conséquence, ces avances ne doivent être qu’un relais financier ». Or, dans plusieurs cas de figure, on constate que les « avances » du compte financent une dépense budgétaire pérenne qui devrait l’être par des crédits du budget général. Le résultat est le contournement de la norme de dépense (16).

Ainsi, certaines avances finalement non remboursées peuvent être considérées comme des subventions à des organismes relevant du budget général. Le tableau suivant recense les avances qui, de 2007 et 2009, ont fait l’objet d’un constat de perte et peuvent être considérées comme des dépenses budgétaires.

Recommandation : Mettre fin aux octrois d’avances destinés à se substituer à une dépense du budget général.

Par ailleurs, si elles permettent de réaliser des économies, les avances octroyées au BACEA ne sont pas conformes à l’esprit de l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que les avances sont accordées pour une durée déterminée. Or, dans le cas du BACEA, elles visent à couvrir un besoin structurel de financement. Une telle situation est d’autant plus préoccupante que l’accumulation des pertes du BACEA est couverte par ces financements.

Le Rapporteur spécial rappelle que les règles d’utilisation du compte et d’octroi des avances, garantes d’une saine gestion des finances publiques, doivent être respectées (17).

II.– LA FRAGILITÉ DE LA PRÉVISION DE SOLDE DU COMPTE

Le compte apparaît structurellement déficitaire en raison de la hausse constante de l’endettement du BACEA. Le déficit pourrait atteindre 240 millions d’euros en 2010 et est prévu à 20 millions d’euros en 2011. Il convient toutefois de noter qu’une telle prévision est fragile compte tenu du caractère imprévisible de l’octroi des avances aux opérateurs et des incertitudes, constatées par le passé, sur les prévisions de remboursements d’avances.

A.– L’EXÉCUTION POUR 2010

Sur le programme 821, les avances à l’agence unique de paiement sont octroyées au dernier trimestre et remboursées avant le 12 janvier, date de la fin de la période complémentaire, pour éviter une dégradation du solde du budget de l’État. Selon la date du paiement des aides agricoles, l’AUP pourrait contracter un emprunt bancaire pour combler le décalage entre le remboursement de l’avance de l’État et le versement des crédits par la Commission européenne, qui intervient le troisième jour ouvré du deuxième mois qui suit leur paiement. Pour 2010, le montant de l’avance octroyée par l’État s’établirait à 7 milliards d’euros, contre une prévision de 7,5 milliards d’euros.

Sur le programme 823, 70 millions d’euros ont été ouverts au bénéfice de France AgriMer et 2,5 millions d’euros au profit de l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Au 13 septembre 2010, 72,5 millions d’euros ont donc été avancés – mais non encore tirés – sur les 100 millions d’euros prévus en loi de finances initiale. Aucun remboursement d’avances n’a été constaté.

Sur le programme 824, au 26 juillet 2010, 148 millions d’euros ont été tirés par le BACEA et la totalité des 251 millions d’euros prévus en loi de finances initiale devrait être consommée avant la fin de l’année. Au 13 septembre 2010, 49,8 millions d’euros ont été remboursés, sur un total prévisionnel de 81,6 millions d’euros. Si cette dernière prévision de recettes était tenue, le déficit lié aux avances octroyées au BACEA serait moins élevé que prévu, à 169,4 millions d’euros au lieu de 194,8 millions d’euros.

Au final, le solde pourrait être déficitaire de 241,9 millions d’euros en 2010, conter une prévision de 51 millions d’euros, en raison du remboursement, anticipé à 2009, des 230 millions d’euros d’avances accordées à l’ANAH.

B.– LA POURSUITE DE L’ACCROISSEMENT DE L’ENDETTEMENT DU BACEA EN 2011

Sur le programme 821, la prévision habituelle – 7,5 milliards d’euros d’avances octroyées puis remboursées – est reconduite.

Sur le programme 823, 50 millions d’euros seraient prévus pour faire face aux besoins – a priori non prévisibles – des opérateurs. Coré recettes, France AgriMer et l’ARAF rembourseraient leurs avances – 72,5 millions d’euros – et l’AFITF rembourserait 15 millions d’euros sur les 143 millions d’euros prêtés en 2009.

Il convient de remarquer que, ni en 2010 ni en 2011, ne sont prévus les remboursements des avances de 15,5 millions d’euros et de 60,5 millions d’euros respectivement accordés à l’INRAP et à la Cité de la musique. L’avance octroyée à cette dernière a fait l’objet d’un rééchelonnement et aucune information n’est disponible sur le sort de la première.

Sur le programme 824, l’endettement du BACEA poursuivrait sa hausse avec une hausse nette de 107,7 millions d’euros – 194,4 millions d’euros octroyés contre 86,7 millions d’euros remboursés. Au 31 décembre 2011, il pourrait s’établir à plus d’un milliard d’euros – 1 035 millions d’euros.

Le Rapporteur spécial remarque que l’information sur le stock des avances octroyées et son évolution est inexistante dans le projet annuel de performance alors qu’elle permettrait d’anticiper les constats de pertes qui pourraient être effectués en loi de règlement.

Recommandation : détailler, dans le projet annuel de performances, le stock, à la date la plus récente, des avances accordées et non remboursées.

Au final, le solde du compte serait déficitaire de 20 millions d’euros en raison de la hausse de l’endettement du BACEA.

C.– LES LACUNES DU DISPOSITIF DE PERFORMANCE

L’objectif retenu pour les trois programmes de la mission est celui de la conformité du processus aux règles d’emploi qui découlent de l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances.

La mise en œuvre de l’objectif du respect des conditions d’emploi des avances, définies à l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, est analysée à travers deux indicateurs spécifiques :

– le premier indicateur porte sur la neutralité financière pour l’État des avances et recense le nombre de décrets en Conseil d’État pris pour déroger à la règle relative à la fixation des taux d’intérêt ;

– le second indicateur évalue le respect des conditions de durée des avances du Trésor. Il met en évidence le nombre d’avances qui ont donné lieu, au cours de l’exercice, à renouvellement, à décision de recouvrement immédiat ou, à défaut, à rééchelonnement et les avances ayant donné lieu à constatation d’une perte probable.

Le Rapporteur spécial remarque l’imperfection des indicateurs ainsi définis. L’indicateur 1.2 du programme 824 peut notamment prêter à confusion. Il mesure en effet le nombre d’avances accordées au BACEA et qui ont été renouvelées. Or, il exclut les avances qui ont été remboursées par d’autres avances successivement accordées, ce qui est régulièrement le cas pour le BACEA qui se refinance chaque année ses avances de cette manière. L’indicateur ne traduit donc pas cette réalité, ce qui est regrettable.

Recommandation : faire ressortir, au sein des indicateurs de performance, les avances accordées dans le but de rembourser une avance précédemment octroyée ainsi que celles qui sont octroyées pour une durée supérieure à un an.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, et de M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation, auprès de la ministre chargée de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, lors de la commission élargie du 25 octobre 2010 à 21 heures (18), la commission des Finances adopte, conformément à l’avis favorable du Rapporteur spécial, les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR
LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l’État

– M. Hervé Machenaud, directeur exécutif du groupe EDF en charge de la production et de l'ingénierie

– M. Gérald Arbola, directeur général délégué d’Areva

– MM. Paul Rorive, directeur corporate pour les activités nucléaires du groupe GDF-Suez, et Bruno Bensasson, directeur économie, prix et marché à la direction de la stratégie et du développement durable

– M. Philippe Boisseau, directeur général de la branche gaz-électricité du groupe Total

© Assemblée nationale

1 () Prévu par l’article 48 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006 du 30 décembre 2005, en application du deuxième alinéa du I de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001.

2 () Les statuts de la Caisse de la dette publique prévoient en effet la possibilité de racheter des titres de dette émis par l’État pour les annuler.

3 () L’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), chargé de l’apurement des passifs du Crédit Lyonnais, est aujourd’hui le seul établissement public pouvant être destinataire de ces versements. Rappelons que l’article 62 de la loi de finances pour 2009 prévoit la « mise en sommeil » de l’ERAP, qui était jusqu’alors chargé d’apurer les passifs liés au sauvetage de France Télécom réalisé en 2003. D’après les informations transmises au Rapporteur spécial, l’ERAP devrait être prochainement dissout.

4 () En application de l’article 142 modifié de la loi n° 2001–420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques.

5 () 13 milliards d’euros provenant en effet de la cession de Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), Autoroutes du Sud de la France (ASF) et de la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France (Sanef).

6 () D’après la communication de la Cour des comptes à la commission des Finances, relative à la mise en œuvre du plan de relance de l’économie française (juillet 2010).

7 () En ce qui concerne les observations du Rapporteur spécial sur l’utilisation du CAS au financement d’une telle opération, se référer à au rapport spécial n°1198-49 annexé au rapport général relatif au projet de loi de finances pour 2009 (pages 16 et 17).

8 () Au 21 septembre en effet, on constatait un excédent, hors FSI et investissements d’avenir, de 168 millions d’euros, qui pourrait s’accroître compte tenu du fait que les recettes prévues d’ici à la fin de l’année (66 millions d’euros) sont supérieures aux dépenses anticipées, hors augmentation de capital de La Poste (18,5 millions d’euros).

9 () Rappelons que le deuxième alinéa du II de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que « en cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création ». Une telle disposition implique que le compte dégage un montant suffisamment important de recettes pour couvrir les dépenses qui résulteront de l’augmentation de capital.

10 () L’État a apporté 13,5 % du capital de France Télécom, 8 % du capital d’Aéroports de Paris et 33,34 % du capital de STX France.

11 () Rappelons en effet que la construction du parc nucléaire français a été un succès en raison de cette organisation particulière et que d’autres investissements dans le nucléaire civil, qui n’ont pas recouru à une telle organisation, ont pu se révéler nettement déficitaires (par exemple, aux États-unis ou au Royaume-Uni).

12 () À titre d’exemple, une subordination d’Areva à EDF pourrait avoir les mêmes conséquences que celles qui avaient été constatées quand Total était actionnaire de Technip, disposant d’une influence notable. Les clients de Technip étant également les concurrents de Total, leur confiance dans leur fournisseur s’est fortement érodée car ils considéraient qu’il était trop étroitement lié à un compétiteur.

13 () L’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que les avances sont assorties d’un taux qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut d’échéance plus proche, sauf dérogation accordée par décret en Conseil d’État.

14 () Créé par l’article 46 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006 du 30 décembre 2005, sur le fondement de l’article 24 de la loi organique relative aux lois de finances.

15 () Sur lequel peut être inscrite toute avance octroyée à un service de l’État.

16 () Rappelons que la norme de dépense exclut les comptes spéciaux de son périmètre.

17 () Pour plus de précisions, se référer au commentaire du rapport annuel de performance pour 2009 : tome 2 du rapport n° 2651 relatif à la loi de règlement des comptes et au rapport de gestion pour 2009.

18 () Voir le compte-rendu de la réunion du 25 octobre 2010 à 21 heures :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2011/commissions_elargies/cr/C004.asp

et le rapport spécial de M. Jérôme Chartier(rapport n° 2857, annexe 17).