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N° 3806

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME IV

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Par MM. Xavier BRETON et Gérard GAUDRON,

Députés.

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Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 22).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET QUI PRÉVOIT LA SUPPRESSION DE 14 000 POSTES 7

II.- QUEL AVENIR POUR LES RÉSEAUX SPÉCIALISÉS DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA GRANDE DIFFICULTÉ SCOLAIRE ? 11

A. VINGT ANNÉES D’INTERVENTIONS AU SERVICE DES ÉLÈVES DÉLICATES À ÉVALUER 12

1. Une grande difficulté scolaire « multifactorielle » 12

2. Des réseaux plus efficaces que leurs prédécesseurs mais dont le positionnement et le pilotage sont problématiques 13

3. Des réseaux affectés par de récentes contraintes budgétaires et évolutions de fond 19

a) Une mise en route de l’aide personnalisée déstabilisante pour les réseaux 20

b) Une clarification apportée par la circulaire de 2009 qui reste incomplète 21

c) Un redéploiement des enseignants spécialisés mal vécu 24

4. De fortes inquiétudes concernant la pérennité des réseaux que le budget 2012 devrait accentuer 29

B. LES PISTES D’ÉVOLUTION ENVISAGEABLES 31

1. Un scénario d’extinction qui ne serait pas acceptable 31

2. Deux scénarios en phase avec le traitement prioritaire de la grande difficulté scolaire 32

a) Un profil unique de spécialisation et une sédentarisation complète en éducation prioritaire ? 32

b) Une combinaison d’équipes mobiles de maîtres G et de maîtres E sédentarisés ? 36

c) Une implantation en école comportant des risques 36

3. Un périmètre d’intervention devant englober la maternelle 37

4. Des réflexions complémentaires à mener 37

a) Sur la place de l’aide personnalisée et la définition du service des enseignants 37

b) Sur la coordination des aides apportées aux élèves en difficulté 39

c) Sur l’élargissement du vivier de recrutement des psychologues 40

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I.- AUDITION DU MINISTRE 41

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 41

ANNEXE 1 : EFFECTIFS D’ENSEIGNANTS EN RASED DEPUIS 2007 57

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 58

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur la mission interministérielle « Enseignement scolaire » laquelle comprend six programmes budgétaires : l’enseignement scolaire public du premier degré, l’enseignement scolaire public du second degré, l’enseignement privé du premier et du second degrés, l’enseignement technique agricole, qui relève du ministère de l’agriculture, les deux derniers programmes – intitulés « Vie de l’élève » et « Soutien de la politique de l’éducation nationale » – ayant un caractère transversal.

Les crédits demandés pour les cinq programmes relevant du ministère de l’éducation nationale s’élèvent, pour 2012, à 61,024 milliards d’euros, soit 0,9 % de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 2011 (60,503 milliards d’euros). Ils représentent toujours le premier budget de l’État, le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel s’élevant à 57,1 milliards d’euros, soit près de 94 % du total.

L’évolution des emplois et les crédits étant examinée dans le détail par le rapporteur spécial de la Commission des finances, M. Yves Censi, les corapporteurs pour avis ont décidé de consacrer l’essentiel de leur travail d’investigation aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED).

Trois ans après la réforme décidée en 2008, qui s’est traduite par des suppressions de postes au sein des réseaux et la « sédentarisation » d’enseignants spécialisés dans les écoles, tant les professeurs du premier degré que les parents d’élèves s’interrogent sur le sort de ce dispositif, l’exécution du budget 2012 avivant, à cet égard, toutes leurs craintes.

Le moment est donc venu de faire le point sur la situation des réseaux et de réfléchir à leurs perspectives d’évolution. Car le statu quo, c’est-à-dire le maintien de réseaux « extérieurs » à l’école, peu pilotés et évalués, ne pourrait être considéré comme une option satisfaisante. Pour autant, il devrait être clair, pour tous, qu’un tel constat ne saurait être utilisé comme un argument en faveur de leur extinction, douce ou brutale, l’école ne disposant pas, à ce jour, de suffisamment d’enseignants formés pour répondre aux besoins des élèves en grande difficulté. Un tel scénario ne pourrait être, de surcroît, compris par l’opinion publique.

La voie d’une réforme des réseaux, qui ne gâche pas l’expertise et le dévouement, remarquables, des enseignants spécialisés, est donc étroite. Aussi faut-il ouvrir, dès maintenant, un débat transparent sur ce sujet sensible.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 69,6 % des réponses étaient parvenues.

I.- UN BUDGET QUI PRÉVOIT LA SUPPRESSION DE 14 000 POSTES

Le projet de budget pour 2012 est, à l’image des précédents exercices, très contrasté : d’un côté, il permet la poursuite de politiques fondamentales – la scolarisation des élèves handicapés, l’éducation prioritaire et la revalorisation du métier d’enseignant –, de l’autre, il traduit la « contribution », dont les effets sur le terrain peuvent être douloureusement ressentis, de l’Éducation nationale à une gestion plus rigoureuse de l’emploi public.

 Une ambition maintenue : la scolarisation des enfants handicapés

À la rentrée 2010, 272 284 enfants ou adolescents souffrant de maladie invalidante ou de handicap étaient scolarisés, dont 201 388 en milieu ordinaire. Depuis la rentrée 2005, l’effectif d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a progressé de 49 865 élèves, soit une progression annuelle moyenne de 5,9 %, leur taux de scolarisation y avoisinant désormais les 74 %.

Même si l’on peut considérer que l’on ne fera jamais assez en la matière, les moyens mobilisés au titre de cette politique sont considérables. Ainsi, 13 546 postes d’enseignants spécialisés contribuent à la scolarisation des élèves malades et handicapés et, au 30 juin 2011, on comptait 11 699 emplois équivalents temps plein d’assistants d’éducation, chargés d’aider les élèves handicapés accueillis dans des structures collectives spécialisées (9 282 emplois) ou dans les classes ordinaires (2 417 emplois) et près de 24 160 agents recrutés sous contrats aidés ou emplois vie scolaire (28 000 attendus à la rentrée 2011). À la suite de la deuxième conférence nationale du handicap du 8 juin 2011, le Président de la République a décidé le recrutement, dès la rentrée 2011, de 2 000 assistants de scolarisation, 2 300 supplémentaires devant être recrutés à la rentrée 2012. Ces personnels, qui bénéficient d’un contrat de trois ans renouvelable une fois, remplaceront progressivement les contrats aidés dont la durée est souvent limitée à 24 mois.

Sur le plan financier, 450 millions d’euros sont prévus pour la prise en charge du handicap, contre 350 au budget 2011, afin notamment de rémunérer 2 166 assistants de vie scolaire-collectifs (pour 54,3 millions d’euros), 9 000 assistants de vie scolaire-individuels (pour 204,4 millions d’euros), les assistants de scolarisation (pour 69,4 millions d’euros) et 30 200 emplois aidés, une large majorité d’entre eux correspondant à des fonctions d’accompagnement d’élèves handicapés (pour 128,5 millions d’euros).

 Un milliard deuros préservés pour léducation prioritaire

L’éducation prioritaire a, depuis la rentrée 2011, deux composantes : les écoles et établissements du programme « écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite » ou ECLAIR (2 116 écoles, 297 collèges, 17 lycées professionnels et 11 lycées généraux et technologiques) et les réseaux de réussite scolaire (près de 800 collèges et 4 600 écoles).

En 2011, le surcoût de l’éducation prioritaire pouvait être estimé à 1 086,6 millions d’euros, dont 815,7 millions liés à un meilleur encadrement (représentant 12 803 emplois équivalents temps plein supplémentaires, dont 7 140 enseignants dans le premier degré, 5 036 enseignants dans le second degré et 627 conseillers principaux d’éducation, auxquels s’ajoutent 3 217 assistants d’éducation en plus) et 118,4 millions d’euros d’indemnités spécifiques pour les personnels.

En 2012, ce montant devrait être stable et représenter 1 060 millions d’euros. L’évolution, très légère, à la baisse est liée à la non reconduction du dispositif expérimental de réussite scolaire au lycée, la réforme de ce niveau d’enseignement entrant progressivement en vigueur (en classe de première à la rentrée 2011).

 Un effort de revalorisation des personnels poursuivi

L’enveloppe catégorielle pour 2012 devrait s’élever à 176 millions d’euros (149,75 millions d’euros pour l’enseignement public et 26,25 millions d’euros pour l’enseignement privé) et se répartir de la manière suivante :

– 10,7 millions d’euros au titre de l’extension en année pleine des mesures applicables à la rentrée 2011 (dont 3,38 millions pour l’enseignement privé). Devraient être ainsi financées, entre autres, la création d’un régime indemnitaire en faveur des personnels exerçant dans les écoles publiques relevant du programme ECLAIR, et, dans le cadre de ce programme, la revalorisation de l’indemnité de sujétions spéciales des directeurs d’école (soit une dépense de 4,49 millions d’euros pour 20 300 bénéficiaires), la mise en place du régime indemnitaire des personnels exerçant dans les établissements publics du second degré labellisés ECLAIR (1,01 million d’euros pour 15 300 bénéficiaires), ainsi que la refonte du régime indemnitaire des personnels de direction de l’enseignement public du second degré (soit 1,28 million d’euros pour 13 400 bénéficiaires) ;

– 165,3 millions d’euros au titre des mesures nouvelles pour 2012 (dont 22,87 millions pour l’enseignement privé). L’utilisation de cette enveloppe est en cours de définition.

 Un schéma d’emplois impliquant à court terme des choix fondamentaux

À partir d’un objectif de suppression de 14 000 emplois à la rentrée 2012, le ministère de l’éducation nationale devrait procéder, avec l’ensemble des recteurs, à une révision des moyens d’enseignement dans les académies, ce « dialogue de gestion » devant porter sur la taille des classes dans les écoles et établissements ne relevant pas de l’éducation prioritaire, l’enseignement des langues vivantes dans le premier degré, l’importance des moyens d’enseignement affectés en dehors des classes, dont ceux des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), le dispositif de remplacement des enseignants absents et l’organisation de l’offre de formation en lycée d’enseignement général et en lycée professionnel.

La mobilisation de ces différents leviers devrait se traduire à la rentrée 2012 par la suppression de :

– 5 700 emplois de personnels enseignants du premier degré. À la rentrée 2012, conformément à l’annonce faite par le Président de la République, le 21 juin dernier, le solde des ouvertures et fermetures de classes devrait être nul au plan national, en tenant compte, dans chaque académie, des évolutions de la démographie des élèves ;

– 6 550 emplois de personnels enseignants du second degré ;

– 400 emplois de personnels administratifs (165 en établissements et 235 en administration centrale et dans les services académiques), les opérateurs sous tutelle du ministère de l’éducation nationale contribuant également à hauteur de 35 emplois ;

– 1 350 emplois, enfin, dans l’enseignement privé. En application du principe de parité, les mesures budgétaires qu’il est prévu de lui appliquer sont identiques à celles de l’enseignement public, mais tiennent compte des effectifs d’élèves respectivement scolarisés dans l’un et l’autre des secteurs.

Chacun peut constater que la politique du non remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite menée depuis 2007 n’est pas toujours comprise par l’opinion publique : celle-ci a le sentiment que les suppressions de postes, malgré les efforts de « réglage fin » des rectorats, sont dictées par une approche plus quantitative que qualitative. Ce n’est guère surprenant dans la mesure où l’approche « comptable » poursuivie, aussi tempérée soit-elle, tend à accentuer les travers d’un système scolaire qui, selon un rapport thématique de la Cour des comptes, unanimement salué, est « fondé sur une logique d’offre, alors qu’il est impératif de la remplacer par une logique de demande, c’est-à-dire une approche précise des besoins des élèves » (1).

Pour que la rationalisation de l’emploi public ait un sens à l’Éducation nationale, elle devrait s’appuyer sur une gestion rénovée du système éducatif. Dans ce but, ainsi que l’a souligné la Cour, le pilotage de l’école devrait « prendre prioritairement en compte la diversité des situations scolaires, en privilégiant une allocation fortement différenciée des moyens d’enseignement » et « déterminer, à partir de critères explicites, les moyens qui [devraient] être affectés dans chaque établissement à l’accompagnement personnalisé des élèves », à charge pour les équipes pédagogiques de définir les modalités de répartition de ces moyens.

C’est à cette tâche, devenue urgente, qu’il faudrait s’atteler.

II.- QUEL AVENIR POUR LES RÉSEAUX SPÉCIALISÉS DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA GRANDE DIFFICULTÉ SCOLAIRE ?

La partie thématique du présent rapport pour avis est consacrée à la situation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), le choix de ce sujet s’imposant pour trois raisons :

– à la suite de la réforme intervenue en 2009, un nombre conséquent de postes d’enseignants spécialisés – près d’un quart du total – ont été implantés dans les classes ou les écoles. Cette mesure a suscité – et suscite toujours – un vif débat, car elle a affaibli, selon de très nombreux maîtres et parents d’élèves, un dispositif dont l’efficacité repose sur son fonctionnement souple, en permettant aux aides spécialisées d’intervenir là où des besoins se manifestent ;

– le moment est venu, deux ans après la « sédentarisation » partielle des enseignants spécialisés, de faire le point sur ses effets. Force est de constater que ceux-ci restent difficiles à évaluer. En outre, ce redéploiement n’a pas seulement répondu à des considérations de fond – sa concomitance avec la réforme de l’école primaire et la mise en place d’une aide personnalisée de deux heures pour les élèves en difficulté pouvant cependant laisser penser que l’Éducation nationale n’attachait plus autant d’importance à l’action des réseaux –, mais a clairement obéi à des contraintes budgétaires qui ont affecté sa légitimité ;

– la préparation et l’exécution du budget 2012 suscitent, dans le monde enseignant, de grandes craintes quant à la pérennité des réseaux. Or, de futures évolutions, quelles qu’elles soient, ne sauraient être décidées en catimini, au détour de discussions conduites, au nom de l’« efficience » des moyens, entre le ministère de l’éducation nationale et les rectorats. À cet égard, le destin chaotique imposé aux RASED constitue le symbole des difficultés que rencontre la mise en place, au sein de l’Éducation nationale, d’une politique affirmée et cohérente de prise en charge de la difficulté scolaire. On rappellera, à ce sujet, le constat établi par la Cour des comptes : « en France, le nombre important de jeunes rencontrant des difficultés moyennes ou importantes montre que le système scolaire, tel qu’il est conçu aujourd’hui, n’est pas capable de répondre à leurs besoins » (2).

Au total, l’avenir des réseaux constitue un sujet trop important et sensible pour ne pas donner lieu à un débat de fond, qui ne soit pas « préempté » par des considérations strictement budgétaires. Le présent rapport pour avis entend y apporter une contribution, qui se veut modeste, car elle ne fait que présenter, principalement sous la forme de questions, quelques pistes d’évolution.

A. VINGT ANNÉES D’INTERVENTIONS AU SERVICE DES ÉLÈVES DÉLICATES À ÉVALUER

Créés en 1990, les RASED rassemblent des psychologues scolaires et des professeurs des écoles spécialisés. Ces derniers, grâce à leurs compétences particulières, viennent renforcer les équipes enseignantes, en dispensant des aides à dominante pédagogique ou rééducative aux élèves « à besoins éducatifs particuliers », expression employée par M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale. Le positionnement de ce dispositif « à côté » des écoles maternelles et élémentaires fait tout à la fois sa force et sa faiblesse, la réforme intervenue en 2009 n’ayant pas permis de le clarifier.

1. Une grande difficulté scolaire « multifactorielle »

Les compétences des enseignants spécialisés sont mobilisées pour lutter contre des difficultés scolaires non pas ponctuelles, mais exigeant une analyse approfondie de leurs causes et un accompagnement spécifique.

Leur travail est d’autant plus délicat qu’ils sont confrontés à trois types de difficultés : celles inhérentes au processus d’apprentissage, celles relevant d’une action médicale ou sociale et de soins extérieurs et celles de nature cognitive, liées aux opérations de mémorisation et de restitution. Celles-ci résultent, à leur tour, de facteurs variés, qui peuvent être sociétaux, environnementaux, institutionnels et personnels ou familiaux. Ainsi, parmi les exemples évoqués par la Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale, figure celui des élèves qui, dès la maternelle, se sentent perdus, car leurs habitudes de téléspectateurs ne les préparent pas à entendre, avec attention, l’histoire lue par le maître, qu’ils préféreraient « regarder ». Un autre cas, cité par la Fédération nationale des associations des maîtres E, est celui de l’élève du cours élémentaire qui ne comprend pas que l’opération « poser une addition » consiste, simplement, à transformer des nombres en rajoutant des quantités, le langage scolaire, et ce qu’il contient d’implicite, constituant pour lui une « langue étrangère ». Ce type de blocage est ainsi analysé par M. Patrick Vignau, inspecteur de l’éducation nationale : « de nombreux enseignants, à leur insu, proposent des situations d’apprentissage ou des tâches scolaires qui, faute d’une élucidation suffisante ou d’une analyse des connaissances et des capacités nécessaires à la réussite de la tâche prescrite, mettent l’élève d’emblée dans l’incapacité de réussir. Pour le dire autrement, le système produit lui-même de l’échec, à l’insu de ses agents » (3).

Ce sont autant de situations qu’un enseignant « ordinaire », en charge d’une classe de trente élèves, ne peut, de toute évidence, régler. À l’inverse, les techniques d’enseignement ou de rééducation mises en œuvre par les enseignants spécialisés leur permettent de redonner du sens aux apprentissages scolaires.

2. Des réseaux plus efficaces que leurs prédécesseurs mais dont le positionnement et le pilotage sont problématiques

 Création et fonctionnement des réseaux

Créés par la circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, les RASED n’étaient pas vraiment une innovation, puisqu’ils réorganisaient des dispositifs mis en place en 1970, les groupes d’aide psychopédagogique (GAPP) et les classes d’adaptation, ces instances fonctionnant dans certaines écoles maternelles et élémentaires.

Ces groupes, chacun d’entre eux devant couvrir environ mille élèves, comprenaient un psychologue et deux rééducateurs, l’un spécialisé en psycho-pédagogie, l’autre en psychomotricité. Selon M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, ce dispositif, outre qu’il était onéreux, ne donnait pas vraiment satisfaction, ainsi que l’a établi une évaluation conduite par l’inspection générale en 1985-1986 : pour reprendre les termes employés par cet interlocuteur, ces structures étaient « enkystées sur les écoles » et « n’amélioraient pas les résultats scolaires », leur travail n’étant pas coordonné avec celui effectué en classe.

C’est la raison pour laquelle les réseaux ont été conçus, d’après M. Gossot, comme un dispositif « souple et adaptable », qui repose sur des interventions ponctuelles, définies en fonction des besoins repérés dans les écoles. Par ailleurs, la circulaire qui les a créés mettait l’accent sur la prévention de tout type de difficulté pouvant engendrer de moindres résultats scolaires et l’aide aux apprentissages. En outre, alors que les GAPP concentraient leurs actions sur le cycle 1, « oubliant » surtout le cycle 3, ce texte soulignait la nécessité d’intervenir sur les trois cycles de l’école primaire.

L’encadré ci-après précise le statut des personnels participant aux réseaux.


Des réseaux associant trois profils de compétences

Les réseaux sont composés de trois types de personnes-ressources : les psychologues scolaires, les maîtres E et les maîtres G, qui exercent leurs missions sous l’autorité et la responsabilité de l’inspecteur de l’éducation nationale de leur circonscription.

Ÿ Les psychologues scolaires

Dans le premier degré, les psychologues scolaires sont recrutés :

– soit parmi les professeurs des écoles et les instituteurs ayant obtenu, à l’issue d’un cycle de formation, le diplôme d’État de psychologie scolaire (DEPS) créé par le décret n° 89-684 du 18 septembre 1989 ;

– soit parmi les professeurs des écoles et les instituteurs qui n’ont pas suivi le cycle de formation menant au DEPS mais qui détiennent l’un des diplômes universitaires permettant de faire un usage professionnel du titre de psychologue, conformément à la note de service du 22 juin 2009 du ministère de l’éducation nationale.

Les effectifs des psychologues scolaires représentent, en juin 2011, 3 665 agents (soit 1,1 % des enseignants du premier degré en activité) et sont stables : 3 638 en 2008-2009, 3 671 en 2009-2010.

Leurs missions comprennent, aux termes de la circulaire n° 90-083 du 10 avril 1990, des actions en faveur des enfants en difficulté : principalement conduites dans le cadre des RASED, elles portent sur l’examen, l’observation et le suivi psychologique des élèves.

La grille indiciaire des psychologues scolaires est celle du corps dont ils relèvent (professeurs des écoles ou instituteurs). Les professeurs des écoles exerçant effectivement les fonctions de psychologue scolaire et titulaire du diplôme de psychologue scolaire perçoivent en outre une indemnité de fonctions particulières, qui s’élève à 834,07 euros par an (décret n° 91-236 du 28 février 1991).

Ÿ Les maîtres E et G

Les enseignants spécialisés intervenant en RASED sont des instituteurs ou des professeurs des écoles titulaires du certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH), option E ou G.

L’option E prépare les enseignants spécialisés chargés des aides spécialisées à dominante pédagogique (maîtres E). L’option G prépare les enseignants spécialisés chargés des aides spécialisées à dominante rééducative (maîtres G).

La formation préparatoire à l’examen allie une pratique sur poste spécialisé, suivie et accompagnée, et des regroupements au centre de formation (IUFM), d’une durée totale de 400 heures.

Elle commence au cours du troisième trimestre de l'année scolaire par une première période de regroupement au centre de formation, d’une durée minimale de trois semaines. À partir du 1er septembre suivant, l’enseignant est affecté pour l’année scolaire sur un poste spécialisé correspondant à l’option qu’il a choisi de préparer. Enfin, durant les deux premiers trimestres de cette nouvelle année scolaire, d’autres périodes de regroupements sont organisées par le centre de formation, au cours desquelles l’enseignant est déchargé de son service d’enseignement.

Les missions de ces personnels sont définies par la circulaire n° 2009-088 du 17 juillet 2009 relative aux fonctions des personnels spécialisés des RASED dans le traitement de la difficulté scolaire à l’école primaire, qui sera commentée plus loin. En juin 2011, on dénombrait 8 639 maîtres E et G en RASED.

La grille indiciaire des enseignants spécialisés est celle du corps auquel ils appartiennent (instituteurs ou professeurs des écoles). Toutefois, une indemnité de fonctions particulières pour les professeurs des écoles liée à la détention du CAPA-SH est allouée lorsque sont effectivement exercées les fonctions de maître E et G ; elle s’élève à 834,07 euros par an (décret n° 91-236 du 28 février 1991). En outre, une bonification indiciaire de 15 points est allouée aux instituteurs exerçant les fonctions de maîtres E ou G (décrets n° 76-1156 du 8 décembre 1976 et n° 83-50 du 26 janvier 1983 et arrêté du 26 novembre 1971), soit 833,54 euros par an.

Source : réponse au questionnaire budgétaire des corapporteurs pour avis.

 Le bilan mitigé établi en 1997 par l’inspection générale

En 1996-1997, l’inspection générale de l’éducation nationale a procédé à une évaluation des RASED (4), dont les principales observations ont été rappelées aux corapporteurs pour avis par l’auteur de cette étude, M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire.

Avant de les présenter, on notera que ce rapport estimait à 62 le nombre moyen d’élèves suivis par un maître E et à 45 le nombre moyen d’élèves suivis par un maître G, ces chiffres ne prenant en compte que les enseignants des réseaux « itinérants ».

Sur le plan des résultats scolaires, par rapport aux dispositifs précédents, les réseaux se sont avérés, selon l’inspection générale, plus efficaces : « si l’on considère uniquement les critères du taux de passage au cours supérieur et du taux de redoublement ou de maintien, les aides à dominante pédagogique, assurées en classe ou en regroupement d’adaptation dans le cadre de réseaux, auraient un effet plus bénéfique que les anciennes classes d’adaptation sur la scolarisation des élèves suivis ». S’agissant des effets des aides à dominante rééducative, 78 % des 2 156 élèves en ayant bénéficié étaient admis au cours ou au cycle supérieur en 1995, contre 58 % des élèves suivis par les groupes d’aide psychopédagogique. L’inspection générale concluait ce bilan quantitatif en estimant que « globalement, l’organisation des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (…) semble avoir des effets supérieurs à ceux des anciens groupes d’aide psychopédagogique sur la scolarisation des élèves qui nécessitent un accompagnement particulier pour réussir leur scolarité ». Elle pondérait toutefois ces effets positifs en attribuant une part de l’amélioration constatée à l’impact de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 qui a mis en place les cycles à l’école primaire.

Le pilotage des réseaux était, en revanche, très critiqué. Selon l’étude précitée, les inspecteurs de l’éducation nationale, à qui cette responsabilité est confiée, n’ont pas su définir des priorités pour les interventions des enseignants spécialisés : « les inspecteurs, consultés sur les critères et les modalités de définition des priorités, fournissent des données peu précises, et surtout peu pertinentes pour l’opération demandée. (…) Le nombre important de non-réponses concernant ce sujet manifeste, à l’évidence, la gêne qu’éprouvent les inspecteurs pour concevoir et mettre en œuvre une politique d’aide aux élèves en difficulté dans leur circonscription ». En outre, un défaut d’articulation entre les réseaux et les écoles pouvait être relevé, alors que la circulaire du 9 avril 1990 prévoyait que les modalités de fonctionnement des premiers étaient définies par les conseils des maîtres, les directeurs d’école devant organiser la concertation avec les membres des réseaux pour choisir les modalités de l’aide spécialisée. Or, au total, selon l’inspection générale, « on ne peut parler d’un engagement réel des personnels des réseaux dans la mise en œuvre des projets d’école », la place des réseaux dans la vie des écoles restant « encore largement à construire ».

Un autre facteur est venu accentuer ce défaut de pilotage : la circulaire du 9 avril 1990 a prévu des modalités exigeantes d’évaluation des réseaux – une évaluation interne, réalisée par les membres des réseaux eux-mêmes, combinée à une évaluation externe, conduite par l’inspecteur de circonscription et revêtant deux aspects : l’examen critique du fonctionnement du réseau et de ses résultats, d’une part, et l’inspection individuelle des personnels, d’autre part, – qui n’ont pas été respectées. L’évaluation interne, de nature essentiellement administrative et quantitative, s’est avérée décevante : selon l’inspection générale, en effet, « les indicateurs qualitatifs sont de l’ordre de l’intuitif ou du constat général ; en conséquence, les aspects qualitatifs des actions des personnels spécialisés ne font pratiquement jamais l’objet d’un début d’évaluation. D’après la circulaire, il revenait aux personnels de construire eux-mêmes leurs propres indicateurs d’évaluation : le chemin à parcourir reste considérable ». L’évaluation externe, quant à elle, a souffert de la quasi-absence de protocole d’évaluation, les rares existants « ne constituant pas des outils pertinents d’évaluation du fonctionnement et des résultats des réseaux ».

Les principales critiques formulées par l’inspection générale ont toutefois concerné les modalités d’intervention des membres des réseaux auprès des élèves. Elles sont reprises dans l’encadré ci-après.

Observations et recommandations de l’inspection générale sur les interventions
des maîtres E et G auprès des élèves (extraits de l’étude 1996-97 – DI – 06)

Évoquant les opinions qu’elle a recueillies au cours de son enquête, l’inspection générale indiquait que « les avis plus réservés portent sur le fait que la prise en charge par les personnels du réseau est souvent considérée comme trop légère. Le travail avec les élèves, effectué de manière trop ponctuelle, ne permet pas de traiter réellement leurs difficultés. En outre, le retrait, même momentané, de l’élève hors de sa classe, pour des séances avec le maître E ou le maître G, pose le problème, rarement résolu, du rattrapage des séquences pédagogiques perdues ».

L’inspection générale relevait par ailleurs que « d’une manière générale, une partie de la population scolaire n’est pas convenablement prise en charge : les élèves en difficulté au cycle trois ne sont pas aidés, et cette insuffisance s’est accrue depuis la disparition des classes de perfectionnement ».

Quant au travail des maîtres E et G, il donnait lieu aux observations suivantes :

– Les maîtres E « œuvrent à la satisfaction quasi générale. Il n’y a pas lieu de modifier fondamentalement leurs modes d’intervention ; il semble cependant souhaitable d’étendre leurs actions au cycle 3, notamment pour couvrir les besoins criants d’aides aux élèves en difficulté mais qui n’ont pas leur place en classe d’intégration scolaire ».

– En revanche, les interventions des maîtres G pouvaient être problématiques, en raison « d’une tendance forte à analyser les cas d’enfants signalés sous un angle essentiellement psychologique, et à conduire, en conséquence, des interventions à dominante clinique, se situant parfois aux confins de la psychothérapie.

Certes, ces interventions ne sont pas négatives, puisque les enfants bénéficiant d’aides à dominante rééducative sont admis, dans une bonne proportion, au cours ou au cycle supérieurs. Pourtant elles sont très souvent mal comprises par les maîtres, ainsi que par les observateurs extérieurs. En outre (…) elles n’abordent pas un domaine pour lequel elles ont été mises en place : la restauration de l’efficience dans les différents apprentissages et activités proposés par l’école.

Ces pratiques, qui visent à privilégier les interventions individuelles et à considérer l’enfant en difficulté comme un cas singulier, sont certainement à modifier. Lorsque des enfants relèvent d’une prise en charge à caractère paramédical, tout doit être tenté pour que le traitement soit effectué par des spécialistes, hors de l’école ».

Dans ses conclusions, l’inspection générale invitait les membres des réseaux, psychologues scolaires, maîtres E et maîtres G, à « travailler de concert avec les maîtres sur les situations scolaires. Ces pratiques passent prioritairement par des interventions dans les classes, pour œuvrer à la mise en place des cycles et pour assurer la prise en charge des difficultés des élèves, là où elles se manifestent ».

 Un fonctionnement entre 1997 et 2008 critiqué par certains interlocuteurs des corapporteurs pour avis

Il semble qu’à la suite du bilan établi par l’inspection générale de l’éducation nationale en 1997, les réseaux n’aient pas été exempts de faiblesses. Ainsi, pour la présidente de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public, Mme Valérie Marty, avant 2008, leur fonctionnement était « disparate », les enseignants spécialisés recourant à des pratiques pédagogiques ou rééducatives extrêmement diversifiées. Par ailleurs, la « visibilité » de ce dispositif auprès des parents d’élèves était très réduite, notamment parce qu’il ne leur était pas toujours présenté en début d’année scolaire. Enfin, une partie importante des enseignants des réseaux n’étaient même plus « spécialisés », puisque de nombreux postes étaient occupés par des professeurs des écoles « faisant fonction ».

Il reste qu’aucune autre évaluation des RASED n’a été effectuée ou rendue publique depuis celle conduite par l’inspection générale. Par conséquent, il est difficile d’apprécier, à sa juste valeur, l’action menée, ces treize dernières années, par les enseignants spécialisés.

Le défaut d’évaluation des réseaux et, plus généralement, l’absence, durant la décennie 1997-2008, de toute réflexion ministérielle quant à leur avenir, sont, en réalité, très significatifs, car ils reflètent l’abandon de ce dispositif par l’Éducation nationale, une attitude qui doit être jugée sévèrement.

Un premier signe d’indifférence a été la circulaire du 30 avril 2002 relative aux dispositifs de l’intégration et de l’adaptation scolaires dans le premier degré, car ce texte ne prenait pas en compte, ou alors très timidement, en les noyant dans des considérations excessivement générales, les recommandations de l’inspection générale relatives à une organisation plus rigoureuse des réseaux et au ciblage des interventions sur les difficultés d’apprentissage. De manière plus significative encore, selon M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, la disparition progressive, depuis 2002, de la référence aux réseaux dans les écrits institutionnels a marqué leur « déclin inexorable ». La loi d’orientation et de programme sur l’avenir de l’école du 23 avril 2005 n’a fait allusion aux réseaux que dans son rapport annexé, tandis que le rapport qu’a consacré, en juillet 2007, le Haut conseil de l’éducation à l’école primaire les a passés sous silence.

Aujourd’hui, cependant, le ministère de l’éducation nationale tient un discours offensif à l’égard des RASED. La position de ses services sur le sujet est donc passée, en dix ans, du silence à la remise en cause du dispositif.

À cet égard, les représentants de la direction générale de l’enseignement scolaire ont estimé, lors de leur audition, que les réseaux « n’ont de raison d’être que s’ils contribuent efficacement au traitement de la difficulté scolaire ». Or, d’après eux, ces structures « n’ont jamais donné entièrement, à 100 %, satisfaction » pour deux raisons essentielles :

– d’une part, « l’externalisation » de la difficulté scolaire – à laquelle conduisent des réseaux situés en dehors de l’école et les interventions ponctuelles des enseignants spécialisés – ne saurait être considérée comme une solution pertinente, car le travail de remédiation devrait être effectué dans la classe, par les maîtres eux-mêmes, avec l’appui de l’ensemble de l’équipe pédagogique. Une telle approche permettrait ainsi de ne pas désigner et stigmatiser les élèves en grande difficulté en les « retirant » du groupe classe. En outre, elle éviterait les situations dans lesquelles le temps d’aide pris à celui de la classe peut, dans les cas les plus extrêmes, susciter un retard supplémentaire dans les apprentissages. Enfin, elle serait de nature à responsabiliser les enseignants « ordinaires », qui devraient être placés en première ligne pour faire face aux difficultés scolaires, petites ou grandes ;

– d’autre part, la pertinence des trois profils de compétences des membres des réseaux – psychologues, maîtres E et maîtres G – suscite des interrogations. Autant la direction générale de l’enseignement scolaire a souligné les « besoins » de l’institution en matière de psychologues scolaires, autant elle s’est dite « dubitative » à l’égard des maîtres E et « encore plus dubitative » à l’égard des maîtres G.

Ces remarques appellent trois commentaires, de nature variée, de la part des corapporteurs pour avis :

– premièrement, la philosophie qui sous-tend la critique de la direction générale de l’enseignement scolaire à l’égard de la politique de « sous-traitance » de la difficulté scolaire peut être partagée, car elle pointe du doigt l’un des défauts majeurs de notre système éducatif, qui tend à séparer, même pour de brèves périodes, les élèves les plus en difficulté des autres en recourant à des dispositifs spécifiques, très nombreux dans l’Éducation nationale, comme les réseaux ou les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).

Or une école « inclusive », construite sur un socle réellement commun, devrait se passer de telles pratiques et promouvoir un enseignement individualisé, qui bénéficie à tous les élèves, faibles ou forts. Ce modèle de « l’intégration individualisée », observable en Finlande, en Norvège, en Suède, en Corée et au Japon, est aussi celui qui, selon les recherches de Mme Nathalie Mons, « réussit le tour de force de limiter le nombre d’élèves en grande difficulté tout en produisant une élite scolaire conséquente » (5)  ;

– deuxièmement, faut-il condamner pour autant, partout et toujours, la pratique, fréquente chez les enseignants spécialisés, qui consiste à retirer des élèves de la classe pour les faire travailler en petits groupes, voire individuellement ? Aucun élément statistique ou de recherche, porté à la connaissance des corapporteurs pour avis, ne permet d’étayer un tel jugement, d’autant qu’ils ont pu constater, à l’occasion d’un déplacement effectué en septembre 2010 à Helsinki au titre de la mission d’information sur les rythmes de vie scolaire, que les écoles finlandaises y avaient recours ;

– troisièmement, le discours critique de la direction générale de l’enseignement scolaire à l’encontre des réseaux n’est pas, en raison de ses arrière-pensées budgétaires, entièrement « désintéressé ». En outre, une école sans enseignants spécialisés ne serait concevable qu’à condition de respecter un préalable – la présence de professeurs systématiquement formés à la prise en charge d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers – qui, aujourd’hui, ne l’est pas.

3. Des réseaux affectés par de récentes contraintes budgétaires et évolutions de fond

Le principal reproche qui peut être formulé à l’encontre de la réforme des RASED intervenue en 2009 est que celle-ci n’a pas été pensée pour elle-même. Le redéploiement des enseignants spécialisés n’est qu’un effet « secondaire » – les guillemets étant ici de rigueur – de la réforme de l’enseignement primaire. De plus, à cette occasion, la vocation de variable budgétaire des postes occupés par ces enseignants s’est affirmée, bien malgré eux.

Ce contexte a affaibli les réseaux, tout en occultant les potentialités que pourrait receler la sédentarisation des maîtres E et G.

a) Une mise en route de l’aide personnalisée déstabilisante pour les réseaux

À la suite de la réforme de l’enseignement primaire de 2008, la durée du temps scolaire a été fixée à 24 heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves, auxquels s’ajoutent deux heures d’aide personnalisée, en très petits groupes, pour les élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages. Ce sont donc soixante heures annuelles qui sont désormais consacrées, par chaque maître, en actions directes, auprès des élèves en difficulté, un effort qui, selon le ministère de l’éducation nationale, représente l’équivalent de « 16 000 postes d’enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin » (6).

Les RASED comptant à la rentrée 2008 près de 15 000 postes, dont environ 3 700 de psychologues scolaires et 11 100 d’enseignants spécialisés, le ministère de l’éducation nationale était naturellement tenté d’utiliser le potentiel constitué par l’aide personnalisée pour redimensionner le premier dispositif. Les corapporteurs pour avis ont d’ailleurs entendu la direction générale de l’enseignement scolaire dire, à ce sujet, que cette nouvelle forme de soutien individualisé est, en nombre d’heures, « infiniment plus importante que tout ce qui pourrait être fait avec les réseaux »… Avec un tel raisonnement, on pourrait finir par croire que l’aide personnalisée pourrait se substituer à l’aide spécialisée.

C’est la raison pour laquelle, selon les représentants du Syndicat national des personnels d’inspection-FSU, la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire a « déstabilisé » les réseaux. Dans les classes, cela s’est traduit, au cours de l’année scolaire 2008-2009, par un certain désordre dans la gestion des aides, mis en évidence par l’inspection générale de l’éducation nationale et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (7).

Le désordre constaté par les inspections générales lors de la première année
de mise en
œuvre de l’aide personnalisée

« Les attitudes des enseignants quant à la participation des élèves en grande difficulté à l’aide personnalisée diffèrent selon les écoles : dans certaines écoles, des élèves qui sont suivis par le RASED sont exclus de l’aide personnalisée, dans d’autres cas ils y participent également.

Il ne fait pas de doute que la prise en charge des élèves en grande difficulté ne peut pas être résolue uniquement par l’aide personnalisée. C’est particulièrement le cas dans les écoles où cette question concerne de nombreux élèves. C’est aussi le cas des élèves du cycle 3 car les RASED n’interviennent qu’en cycle 1 et 2.

Pour autant faut-il les exclure de l’aide personnalisée ? Des enseignants ont pris cette position, certains par principe (refus de l’aide personnalisée, opposition à la réorganisation des RASED), d’autres par conviction de l’inutilité de l’aide personnalisée dans le traitement de difficultés lourdes. C’est là une position paradoxale s’agissant d’un dispositif justement destiné aux élèves les plus en difficulté qui s’en trouvent écartés sans solution alternative ».

(…)

« Dans les cas où les élèves participent simultanément à l’aide personnalisée et à l’aide spécialisée, la situation n’est pas plus claire : les enseignants disent que l’aide personnalisée ne peut pas résoudre les difficultés de l’élève suivi par le RASED mais qu’elle lui est bénéfique. Il n’est cependant pas possible de distinguer la part de l’action du RASED et celle de l’aide personnalisée dans le bénéfice que l’élève retire de ces aides. Il n’y a pas de coordination pédagogique entre l’activité en aide personnalisée et l’activité en rééducation ».

b) Une clarification apportée par la circulaire de 2009 qui reste incomplète

Le désordre constaté en 2008-2009 était insatisfaisant, voire dangereux, car il conduisait à remettre en cause les rôles respectifs des enseignants spécialisés et des maîtres, voire l’existence même des aides spécialisées.

Or il devrait être clair, ainsi que l’a souligné, lors de son audition, la Fédération nationale des associations des maîtres E, que si l’aide personnalisée est « l’aide première », car elle concerne les apprentissages effectués dans la classe, il doit être fait appel à l’aide spécialisée lorsque cette première forme de soutien n’est pas suffisamment efficiente sur le plan pédagogique. Cette analyse recoupe celle développée par le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale de l’éducation nationale, M. Philippe Claus, qui a souligné le « caractère utile » des aides spécialisées pour prendre en charge la grande difficulté scolaire, l’aide personnalisée et la pédagogie différenciée, mises en œuvre par les maîtres, ne concernant que les « difficultés passagères » des élèves.

À cet égard, la circulaire n° 2009-088 du 17 juillet 2009 relative aux fonctions des personnels spécialisés des RASED dans le traitement de la difficulté scolaire à l’école primaire a permis de conforter la spécificité des aides qu’ils peuvent apporter.

 Un cadre dintervention des réseaux reprécisé

Adoptée pour actualiser le fonctionnement des réseaux à la suite de la réforme de l’enseignement primaire, la circulaire du 17 juillet 2009 a apporté les précisions suivantes :

– les enseignants spécialisés apportent une aide directe aux élèves en difficulté, selon des modalités définies en concertation avec le conseil des maîtres, sous l’autorité de l’inspecteur de l’éducation nationale, et s’inscrivant dans le projet d’école. Conformément à l’article D 411-2 du code de l’éducation, le conseil d’école est informé des modalités retenues ;

– ils sont amenés à intervenir soit dans plusieurs écoles d’une même circonscription, soit « dans une ou deux écoles lorsqu’elles comportent un nombre élevé d’élèves en grande difficulté ». Cette dernière possibilité a été ajoutée pour tenir compte de la « sédentarisation » de certains enseignants spécialisés, cette mesure étant commentée plus loin ;

– l’aide spécialisée intervient à tout moment de la scolarité à l’école primaire lorsque l’aide personnalisée ou les stages de remise à niveau se révèlent insuffisants ou inadaptés pour certains élèves, « soit parce ceux-ci présentent des difficultés marquées exigeant une analyse approfondie et un accompagnement spécifique, soit parce qu’ils manifestent des besoins particuliers en relation avec une déficience sensorielle ou motrice ou des atteintes perturbant leur fonctionnement cognitif et psychique ou leur comportement ». Selon la direction générale de l’enseignement scolaire, cette aide est donc « réservée aux élèves qui éprouvent des difficultés graves et persistantes » (8) ;

– l’aide spécialisée vise également à prévenir l’apparition ou la persistance des difficultés résistant aux aides apportées par les maîtres chez des élèves dont la fragilité a été repérée. Selon les besoins des élèves, l’aide proposée peut être à dominante pédagogique ou à dominante rééducative. Dispensée par les maîtres E, la première est « adaptée aux situations dans lesquelles les élèves manifestent des difficultés avérées à comprendre et à apprendre, mais peuvent tirer profit de cette aide » et « vise à la prise de conscience et à la maîtrise des attitudes et des méthodes de travail qui conduisent à la réussite, à la progression dans les savoirs et les compétences, en référence aux programmes de l’école primaire ». La seconde, mise en œuvre par les maîtres G, est en particulier indiquée « quand il faut faire évoluer les rapports de l’enfant aux exigences de l’école, instaurer ou restaurer son investissement dans les tâches scolaires » et a pour objectif « d’engager les élèves ou de les réintégrer dans un processus d’apprentissage dynamique ».

– en ce qui concerne les obligations de service des enseignants spécialisés, elles sont régies par les dispositions du décret du 30 juillet 2008, qui fixent un temps de service annuel pour les professeurs des écoles comprenant 864 heures de classe et 108 heures annualisées, réparties, pour l’essentiel, entre l’aide personnalisée et les travaux en équipes pédagogiques. La circulaire du 17 juillet 2009 précise toutefois que le temps consacré par les maîtres spécialisés « à la concertation, aux travaux en équipes pédagogiques et aux relations avec les parents » est égal à 108 heures annuelles, ce qui, en principe, les dispense de l’aide personnalisée, celle-ci ne faisant pas partie de ce forfait horaire.

 Un texte insuffisant et insatisfaisant ?

Les clarifications apportées par la circulaire du 17 juillet 2009 ont été jugées insuffisantes par plusieurs interlocuteurs des corapporteurs pour avis. En particulier, les représentants de la Fédération nationale des associations des maîtres E ont qualifié ce texte de « très ouvert », car donnant, sur le terrain, un large pouvoir d’appréciation aux inspecteurs de l’éducation nationale, ainsi qu’aux inspecteurs d’académie. De son côté, le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale de l’éducation nationale, M. Philippe Claus, a estimé, pour d’autres raisons, sans doute, que les missions des enseignants spécialisés n’ont pas été redéfinies de façon suffisamment précise, ce qui aurait été le cas si un arrêté avait été pris.

Par ailleurs, la circulaire indiquant qu’un même élève peut relever « successivement, voire concomitamment de l’aide personnalisée et de l’aide spécialisée », en précisant qu’il « convient de garantir la complémentarité entre les deux modes daction », elle ouvre la porte à des situations de cumul qui peuvent ajouter à la fatigue d’élèves devant suivre de longues journées scolaires. En réalité, pour que les deux dispositifs puissent se conjuguer efficacement, il faudrait réaménager le temps scolaire dans le premier degré, tout en permettant à l’équipe éducative, dont font partie les maîtres spécialisés, de se concerter pour assurer « une continuité dans la prise en charge, qui devient de plus en plus complexe, des élèves en difficulté », ainsi que l’a suggéré M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale. Autrement dit, une gageure au vu des conditions actuelles d’enseignement.

 Une collaboration entre enseignants qui reste perfectible

Ainsi que cela a déjà été précisé, c’est la circulaire du 17 juillet 2009 qui fixe le cadre général de l’articulation de l’action pédagogique des maîtres et des enseignants spécialisés, en indiquant que les modalités pratiques de ce travail en commun sont définies localement, dans le cadre du projet d’école, et validées par l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription.

Selon la direction générale de l’enseignement scolaire, l’exemple type de ces situations est celui dans lequel l’enseignant spécialisé prend en charge un groupe d’élèves issus d’une ou plusieurs classes pour une activité de lecture, pendant que les autres élèves ont une activité de lecture différente, avec le maître ou les maîtres des classes concernées. Ainsi, grâce à ce mode d’organisation, l’enseignant spécialisé peut prendre en charge les élèves les plus en difficulté (9).

Pour certains interlocuteurs des corapporteurs pour avis, une meilleure coordination des interventions des uns et des autres impliquerait que les enseignants spécialisés jouent un rôle de conseil auprès de leurs collègues en charge des classes. M. Philippe Claus, a d’ailleurs regretté que cette fonction n’ait pas été reconnue, par la circulaire, comme une mission prioritaire des réseaux. Ce texte se contente en effet d’indiquer que « les enseignants spécialisés et les psychologues scolaires apportent leur expertise au sein de l’équipe enseignante » et « contribuent à l’observation des élèves identifiés par l’enseignant de la classe, à l’analyse de leurs compétences et des difficultés qu’ils rencontrent et à la définition des aides nécessaires ».

Ce rôle de conseil est toutefois loin de faire l’unanimité chez les enseignants spécialisés. Selon les représentants de la Fédération nationale des associations des maîtres E, une telle évolution de leurs missions ferait d’eux des conseillers pédagogiques et, par conséquent, les mettrait en situation de concurrence avec ceux de leurs collègues qui assument déjà cette tâche. M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, a estimé, pour sa part, qu’en « aucun cas » cette fonction ne devrait être remplie par les maîtres spécialisés, au vu des frictions qu’elle pourrait susciter dans l’équipe enseignante.

De fait, la notion de « co-réflexion », plaçant l’ensemble des enseignants et la famille dans une dynamique positive, a semblé plus pertinente pour la Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale. De son côté, M. Gossot a défendu la « complémentarité fonctionnelle » des deux types d’enseignants, celle-ci devant permettre une « définition collective et une gestion graduée de la difficulté scolaire ». Dans un tel schéma, selon cet interlocuteur, les enseignants spécialisés ne devraient pas « se placer au-dessus des maîtres, car ils ne sont pas plus compétents, mais sont compétents autrement ».

c) Un redéploiement des enseignants spécialisés mal vécu

Le bilan de la sédentarisation est extrêmement difficile à établir, le ministère de l’éducation nationale et les organisations syndicales défendant, sur le sujet, des analyses totalement contradictoires. Pour le premier, ce redéploiement constitue l’amorce d’une politique plus efficace de prise en charge de la grande difficulté scolaire, tandis que pour les seconds il n’a entraîné que des pertes « sèches ». Toutefois, on peut considérer qu’au total, cette mesure a affaibli les réseaux, tandis que les effets de la sédentarisation ne peuvent être tous analysés, les éléments d’appréciation qualitative de cette opération étant trop parcellaires.

 Une opération synonyme de perte de crédibilité selon les syndicats

« Perte de crédibilité de l’action publique » et « aigreur », tels sont quelques-uns des termes employés par les syndicats enseignants pour évoquer les effets du redéploiement des postes d’enseignants spécialisés. Il est vrai que, comme l’a rappelé la Fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale-CFDT, le ministère de l’éducation nationale, au moment de l’annonce de la réforme de l’école primaire, s’était engagé à ce que l’aide personnalisée ne remplace aucun autre dispositif, avant de prévoir, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, la suppression d’un nombre important de postes affectés dans les réseaux. Les enseignants spécialisés ont alors découvert qu’ils étaient devenus une « niche budgétaire », pour reprendre l’expression du syndicat majoritaire du premier degré, le SNUipp-FSU. Dans de telles conditions, on peut concevoir qu’aux yeux de certains maîtres, le discours de l’institution en faveur de la personnalisation de l’enseignement ne puisse plus avoir de sens.

 Une opération comportant plusieurs dimensions

Une mesure de suppression de 3 000 emplois était inscrite au projet de loi de finances pour 2009, mais la mobilisation des syndicats, des associations professionnelles d’enseignants spécialisés et des parents d’élèves a conduit le ministère de l’éducation nationale à réduire l’effort demandé aux RASED.

En outre, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, toutes les suppressions d’emplois au sein des réseaux – soit 1 954 – ont donné lieu à une réaffectation dans une classe. Il s’agit de postes à temps plein, ces maîtres ayant la charge des activités d’une même classe pendant la totalité du temps scolaire (10).

Par ailleurs, en application des recommandations du ministre de l’éducation nationale dans sa lettre du 3 mars 2009 adressée aux recteurs, 1 300 enseignants spécialisés, options E ou G, ont été affectés en surnuméraires dans une ou plusieurs écoles, sans que cela ne se traduise pas des suppressions d’emploi équivalentes. Cette lettre indiquait que ces enseignants étaient affectés « en tant que maîtres surnuméraires, sur un poste spécialisé pour exercer leurs missions dans une ou deux écoles concentrant un nombre élevé d’élèves en difficulté relevant de l’aide personnalisée et/ou de l’aide spécialisée. Toujours attachés aux RASED de leur circonscription, ils sont également membres à part entière de l’équipe enseignante de l’école ou des écoles dans lesquelles ils exercent leurs fonctions ». La direction générale de l’enseignement scolaire a précisé aux corapporteurs pour avis que ces maîtres « peuvent être présents dans la classe, au moment des activités collectives, afin de pouvoir observer les élèves en difficulté lors de tâches scolaires et leur apporter une aide adaptée. Ils contribuent en tant que de besoin à l’aide personnalisée ainsi qu’à la définition des programmes personnalisés de réussite éducative. Ils peuvent prendre en charge au sein de l’école des groupes spécialisés » (1).

On observera que ces maîtres « surnuméraires » sont invités à dispenser l’aide personnalisée – une innovation qui sera commentée plus loin –, alors même que les textes en vigueur – le décret du 30 juillet 2008 sur les obligations de service des professeurs des écoles et la circulaire précitée du 17 juillet 2009 – ne prévoient pas une telle possibilité.

Enfin, la direction générale de l’enseignement scolaire a indiqué aux corapporteurs pour avis que les suppressions d’emplois dans les réseaux ont concerné « essentiellement » des postes vacants ou ceux occupés par des professeurs des écoles faisant fonction, non titulaires du diplôme d’enseignement spécialisé (CAPA-SH). À ce jour, les corapporteurs pour avis n’ont pas pu obtenir de ce service qu’il leur communique le nombre de postes ainsi occupés ou laissés vacants, avant et après la rentrée scolaire 2009. Il leur a simplement précisé que les postes en éducation prioritaire ou en zone rurale sont moins attractifs que les postes de centre ville, « soit parce que le nombre d’élèves en difficulté est plus important et que les enseignants ne résident que rarement dans les zones défavorisées, soit, pour les zones rurales, parce qu’ils nécessitent d’importantes contraintes de déplacement » (11).

Pour l’année 2010-2011, le ministère de l’éducation nationale indique que 16,02 % des postes de maîtres E et 4,21 % des postes de maîtres G étaient occupés par des enseignants titulaires sans spécialité, exerçant des missions de soutien. En ce qui concerne les postes laissés vacants, les pourcentages étaient respectivement de 2,89 % et de 9,58 %. Au total, au cours de la période considérée, le potentiel de postes disponibles pour les RASED, en comptant les psychologues, était de 12 584, mais 12 047 ont été réellement utilisés (12).

 Une opération nulle du point de vue du traitement de la difficulté scolaire mais ayant « asséché » les réseaux selon les syndicats

Le jugement porté par les syndicats d’enseignants sur la réforme est sans concessions :

– d’une part, selon le Syndicat national des personnels d’inspection-FSU, la réaffectation dans les classes aurait eu un bénéfice « égal à zéro », voire même aurait eu un impact négatif, car l’expertise des maîtres sédentarisés ne profiterait qu’à leur classe. En effet, pour reprendre l’analyse du Syndicat des enseignants-UNSA, cette opération équivaudrait à une « disparition de ressources » pour les élèves les plus en difficulté ;

– d’autre part, d’après ce dernier syndicat, l’affectation d’enseignants spécialisés en tant que maîtres surnuméraires dans une ou deux écoles conduirait à limiter le volume des interventions, certains établissements ne pouvant plus en bénéficier.

Au total, d’après le syndicat majoritaire du premier degré, le SNUipp-FSU, les réseaux auraient été tout à la fois « asséchés et désorganisés ». Une partie de la population scolaire, notamment en milieu rural, ne serait plus couverte par ce dispositif, d’où l’apparition de « zones blanches », comme dans la Creuse, département dans lequel un bon tiers des élèves ne pourraient plus bénéficier des aides spécialisées. Par ailleurs, alors que la circulaire précitée du 17 juillet 2009 a mis l’accent sur le travail en équipe, il semblerait que ce phénomène d’assèchement tendrait à encourager les interventions ponctuelles, précisément le mode d’action critiqué par le ministère.

 Un bilan incomplet présenté par les cadres de l’éducation nationale

Quel bilan le ministère de l’éducation nationale tire-t-il du redéploiement des enseignants spécialisés ? Celui communiqué aux corapporteurs pour avis est incomplet, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, même s’il semble que, dans un cas précis, la sédentarisation puisse avoir des effets positifs.

Sur le plan quantitatif, une enquête effectuée par la direction générale de l’enseignement scolaire sur onze départements semble indiquer que le taux d’encadrement des élèves relevant de l’éducation prioritaire par les enseignants spécialisés aurait été « préservé ». En effet, selon le chef du bureau des écoles, M. René Macron, la répartition des postes de maître E et de maître G entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire serait aujourd’hui « favorable à l’éducation prioritaire, avec environ un tiers des postes pour 10 % de la population scolaire », cette tendance étant encore accentuée par les affectations en classe ordinaire.

Cela ne signifie pas, pour autant, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, que l’éducation prioritaire ait été systématiquement préservée, ni, surtout, que la présence des enseignants spécialisés ait été accrue dans les écoles relevant de ce dispositif. Ce résultat peut s’expliquer, du moins en partie, par le fait que, selon M. Macron, la sédentarisation a concerné « majoritairement » – seulement – l’éducation prioritaire : en effet, des secteurs scolaires n’en relevant pas, mais caractérisés par des centres urbains de petite taille comportant des écoles à forte mixité sociale, et au sein desquelles les écarts scolaires sont importants, en ont également bénéficié (13).

Enquête sur le taux d’encadrement par les maîtres spécialisés
dans et hors éducation prioritaire dans onze départements

Postes

Secteur

2009-2010

2010-2011

2011-2012

Ventilation

Maîtres E

Pour interventions en réseau

E.P.

244

268

230

33,18 %

hors E.P.

479

562

464

66,82 %

Pour intervention en surnuméraire (dans 1 ou 2 écoles seulement)

E.P.

52

20

38

33,94 %

hors E.P.

87

54

73

66,06 %

Supports RASED réaffectés en classe ordinaire

E.P.

43

 

32

45,71 %

hors E.P.

68

17

38

54,29 %

Supports supprimés

E.P.

22

10

7

38,89 %

hors E.P.

31

15

11

61,11 %

Maîtres G

Pour intervention en réseau

E.P.

126

137

111

34,00 %

hors E.P.

254

251

215

66,00 %

Pour intervention en surnuméraire (dans 1 ou 2 écoles seulement)

E.P.

7

7

1

20,00 %

hors E.P.

9

23

4

80,00 %

Supports RASED réaffectés en classe ordinaire

E.P.

4

7

   

hors E.P.

17

27

6

100,00 %

Supports supprimés

E.P.

1

     

hors E.P.

2

3

   

Source : ministère de l’éducation nationale. E.P : éducation prioritaire.

Sur le plan qualitatif, la direction générale de l’enseignement scolaire a rappelé, au préalable, que la sédentarisation vise à éviter « l’extraction » des élèves de la classe. En effet, d’après M. René Macron, ce type d’action, à raison, en moyenne, de deux séances par semaine, d’une durée de quarante-cinq minutes chacune, ne permettrait pas d’obtenir des évolutions significatives, « le mouvement de prise en charge étant trop long ». Pour parvenir à des résultats, le volume d’intervention à respecter, pour des aides ciblées, devrait donc être au moins égal à trente minutes par jour.

Quant aux effets proprement dits de la « sédentarisation » sur les résultats des élèves, cet interlocuteur a indiqué que la direction générale de l’enseignement scolaire « ne savait pas encore » si celle-ci pouvait être considérée comme efficace, à une exception près. Celle-ci concerne les situations de prise en charge « massive », qui bénéficient à des cohortes importantes d’élèves, dans les écoles de l’éducation prioritaire. C’est le cas, notamment, lorsqu’en début d’année scolaire, une classe du cours préparatoire, qui comporte dix à quinze élèves en difficulté, est dédoublée trois heures par jour, grâce à la présence d’un enseignant spécialisé sédentarisé.

De son côté, le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale, M. Philippe Claus, s’est montré beaucoup plus optimiste sur les effets de la sédentarisation. Celle-ci aurait permis une « intensification de l’aide sur les élèves ou les niveaux de classe jugés prioritaires ». Alors que le dispositif des RASED ne permettait, en général, que des interventions ponctuelles, l’enseignant spécialisé affecté en école peut prendre en charge des petits groupes d’élèves, par exemple pendant six ou huit heures par semaine, afin de travailler sur des problèmes précis – comme les divisions –, ce qui accroît les « chances d’efficacité » de l’aide apportée.

4. De fortes inquiétudes concernant la pérennité des réseaux que le budget 2012 devrait accentuer

Ainsi que l’a souligné M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, si aucune décision de fond n’est prise dans un proche avenir, les RASED devraient continuer à « s’affaiblir sans pour autant disparaître, faute de volonté politique pour les supprimer ou les réorganiser substantiellement ». L’exécution du budget 2012 devrait, hélas, confirmer cette tendance.

 Lautomne interminable des enseignants spécialisés

Depuis la réforme décidée en 2008, deux facteurs contribuent à l’« asphyxie rampante des réseaux » pour reprendre les termes employés par le Syndicat des enseignants-UNSA :

– la réduction de l’enveloppe des frais de déplacements, qui concerne l’ensemble des rectorats, affecterait, en tout premier lieu, les enseignants spécialisés. Selon les témoignages recueillis par les corapporteurs pour avis, il peut arriver, dans certaines zones rurales, que les enseignants spécialisés dépensent jusqu’à 2 000 euros en achat d’essence, sans être remboursés ou en ne l’étant que très tardivement ;

– le signal négatif adressé par la réforme décidée en 2008 a dissuadé les départs en formation des professeurs des écoles désireux d’obtenir le certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées. En effet, la pérennité des réseaux ne paraissant plus acquise, ces départs ont chuté brutalement ces trois dernières années, comme le montre le tableau ci-dessous. Dans un cas cité par la Fédération nationale des associations des maîtres E, alors que le département de l’Eure comprend dix postes d’enseignants spécialisés non pourvus de titulaires, le seul poste occupé l’étant par un professeur des écoles faisant fonction, deux départs en formation, seulement, ont eu lieu l’an dernier, ce chiffre concernant l’ensemble de l’académie de Rouen.

Les départs en formation spécialisée

Départs en
formation spécialisée

Maîtres E
aide pédagogique

Maîtres G
aide rééducative

Psychologues scolaires

2004-2005

642

292

232

2005-2006

526

253

214

2006-2007

510

261

176

2007-2008

545

253

150

2008-2009

505

182

186

2009-2010

119

46

131

2010-2011

195

64

109

2011-2012*

131

51

103

* Départs annoncés en juin 2011, un nouvel état des départs effectifs réels devrait être réalisé.

Source : ministère de l’éducation nationale, données communiquées le 18 octobre 2011.

 Un effort substantiel à attendre des réseaux pour le budget 2012

Les réseaux craignent fortement d’être « mis à contribution » au titre de l’exécution du prochain budget. Il est vrai que toutes les conditions paraissent réunies pour que ce soit le cas : d’une part, 5 700 postes devraient être supprimés dans le premier degré public, d’autre part, conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture nette de classe ne devrait avoir lieu ; deux paramètres qui devraient conduire le ministère de l’éducation nationale à réduire les postes « hors classe », dont font partie ceux des réseaux.

À ces données budgétaires s’ajoute un argument de fond avancé par les représentants de la direction générale de l’enseignement scolaire qui ont estimé, lors de leur audition, qu’il est possible de considérer que la moitié du temps d’intervention des maîtres E peut être désormais prise en charge par les maîtres dans le cadre de l’aide personnalisée. Leur analyse a été la suivante : au titre de leurs missions d’aide, les maîtres E interviennent prioritairement sur les difficultés d’apprentissage de la lecture de la grande section à la fin du cycle 2, cette priorité étant la même pour l’aide personnalisée dispensée par les enseignants. On peut donc considérer qu’il y a une partie de recouvrement des missions des maîtres E et des maîtres des classes lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’aide personnalisée. En outre, l’enquête de la direction générale précitée, menée sur 11 départements, fait apparaître, au titre des interventions des maîtres E, une moyenne de 1,8 séance par semaine d’une durée de 45 minutes pendant 19 semaines, soit un peu plus de 25 heures par élève. Or ces 25 heures comportent des périodes d’évaluation et d’entraînement qui pourraient être conduites par les enseignants eux-mêmes, autant d’éléments de preuve de la « partie commune » de l’aide personnalisée et de l’aide spécialisée.

Ces éléments de contexte – du moins les paramètres budgétaires – sont connus des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves et ont conduit la présidente de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public, Mme Valéry Marty, à demander si l’on s’acheminait vers la disparition des réseaux…

B. LES PISTES D’ÉVOLUTION ENVISAGEABLES

Dès lors que l’on se refuse à considérer les réseaux comme une variable budgétaire, un débat, suivi d’une large concertation, devrait s’ouvrir afin de repenser leur organisation. Les développements qui suivent visent à présenter les pistes d’évolution évoquées par certains interlocuteurs des corapporteurs pour avis ; elles ne doivent en aucun cas être considérées comme des recettes toutes faites. Ces derniers jugent toutefois indispensables le maintien d’une aide spécialisée, distincte de l’aide personnalisée et dispensée par des enseignants formés à cet effet, et le recours à ce type de prise en charge de la difficulté scolaire dès l’école maternelle.

1. Un scénario d’extinction qui ne serait pas acceptable

Une réforme privant l’école de ses enseignants spécialisés ne constituerait pas, aujourd’hui, une hypothèse d’évolution acceptable, quand bien même celle-ci se ferait « en douceur », en « sourdine », au gré des projets de loi de finances successifs.

Le simple bon sens devrait conduire à adopter une telle position. Ainsi que l’a formulé Mme Valérie Marty, présidente de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public, « si l’on tue les RASED, par quoi les remplace-t-on ? » En effet, notre système scolaire ne dispose pas, en l’état, de dispositif alternatif qui lui permettrait de traiter la grande difficulté scolaire.

Certes, on peut considérer, comme le directeur général de l’enseignement scolaire, M. Jean-Michel Blanquer, que celle-ci devrait être « internalisée » par les professeurs en responsabilité d’une classe, mais ce schéma idéal suppose, au préalable, qu’ils aient reçu une formation pédagogique de haut niveau. De ce point de vue, le dispositif de formation initiale des enseignants mis en application en 2010 – dont les modalités sont, chacun peut en convenir, largement perfectibles – n’est pas en mesure, aujourd’hui, de garantir l’acquisition des compétences professionnelles postulées par l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Pour l’heure, ces compétences, particulières et complémentaires de celles attendues d’un professeur des écoles, explicitées dans un référentiel de formation spécifique adopté le 10 février 2004 (14), sont exercées par les enseignants spécialisés. Pourquoi donc l’école devrait-elle se priver, dans les prochaines années, d’enseignants ayant acquis ce type de professionnalité ?

En outre, un tel scénario entraînerait d’autres conséquences négatives, mises en avant par les interlocuteurs des corapporteurs pour avis :

– selon le président de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, M. Jean-Jacques Hazan, il aurait pour effet immédiat de « médicaliser les difficultés scolairesà la grande joie de certains spécialistes » ;

– par ailleurs, l’école se priverait du rôle de médiateur que jouent les enseignants spécialisés entre les familles et l’équipe pédagogique, en particulier pour expliquer les difficultés scolaires « lourdes » ou justifier le recours, parfois difficile à admettre pour certains parents d’élèves, au dispositif des maisons départementales des personnes handicapées.

Lorsqu’il a été interrogé par les corapporteurs pour avis sur ce scénario « d’extinction », le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, M. Luc Chatel, s’est gardé de toute remise en cause des réseaux, pour indiquer seulement que « la réévaluation du dimensionnement et de l’efficacité de l’action des maîtres E et des maîtres G se poursuivra » (15).

2. Deux scénarios en phase avec le traitement prioritaire de la grande difficulté scolaire

Comment utiliser au mieux le levier des aides spécialisées pour prendre en charge plus efficacement la grande difficulté scolaire ? Dès lors que l’on considère que le pilotage actuel des réseaux n’est pas satisfaisant, une réorganisation de leur fonctionnement devrait s’imposer. Mais selon quelles modalités ? Aucune réponse n’est évidente, même si l’on admet le postulat M. Philippe Claus, doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale : « l’Éducation nationale ne devrait pas, dans lidéal, payer des heures de trajet, même pour les RASED, car ce sont des heures perdues pour l’élève ».

a) Un profil unique de spécialisation et une sédentarisation complète en éducation prioritaire ?

 Vers une suppression de la distinction entre aide spécialisée à dominante pédagogique et aide spécialisée à dominante rééducative ?

Selon l’auteur de la seule évaluation des RASED publiée par l’éducation nationale, M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, cette distinction constitue « le nœud du problème », car les maîtres G, dispensant les aides à dominante rééducative, « se démarquent de leur mission de restauration des apprentissages scolaires en faisant un travail de psychothérapeute, qui devrait être effectué en centre médico-psycho-pédagogique ». En outre, leur approche tend à conforter les prises en charge individuelles d’élèves, auxquelles ils recourent souvent, au détriment des interventions en classe, lesquelles devraient être prioritaires. Ces pratiques restent en effet courantes, puisque, selon M. René Macron, chef du bureau des écoles au ministère de l’éducation nationale, les enquêtes de terrain indiquent qu’un tiers de ces maîtres procèdent à des rééducations individuelles.

À l’opposé de ces pratiques, l’inspection générale, dans son évaluation précitée de l’action des réseaux, préconisait des interventions telles que « la possibilité de mettre en œuvre des actions en faveur de petits groupes d’élèves d’une même classe ou de classes d’un même cycle, dans certaines disciplines – langage ou activités d’expression en école maternelle, lecture, mathématiques, mais aussi activités scientifiques en école élémentaire –, afin de permettre aux élèves d’évoluer à leur rythme, en utilisant leurs propres procédures d’apprentissages. Dans ce type d’organisation, une attention particulière, aussi efficace que discrète, peut être portée à certains enfants qui connaissent des situations personnelles délicates. Une autre situation pédagogique est particulièrement appropriée à l’intervention des personnels spécialisés dans les classes : les études dirigées. C’est bien là en effet que les aides méthodologiques peuvent prendre tout leur sens ; la souplesse offerte par la réalisation des études dirigées est particulièrement propice à une aide spécialisée apportée à tous les élèves en vue d’une meilleure réussite » (16).

Sur la base de ce constat, M. Bernard Gossot a proposé, dans une note remise en février 2008 au cabinet du ministre de l’éducation nationale de l’époque, M. Xavier Darcos, qu’il a communiquée aux corapporteurs pour avis, la suppression de la distinction entre aide spécialisée à dominante pédagogique et aide spécialisée à dominante rééducative. Au cours de son audition, ce dernier a nuancé sa position, en estimant que la distinction entre maîtres E et maîtres G pouvait être maintenue, sous réserve que ces derniers agissent en priorité sur la construction des processus d’apprentissage. Par ailleurs, au cas où, et dans ce cas seulement, un élève souffrant de troubles du comportement ne pourrait pas, ses parents s’y opposant, notamment pour des raisons financières, se rendre dans un centre médico-psycho-pédagogique ou médico-psychologique, un maître G et un psychologue scolaire pourraient alors, à titre exceptionnel, le prendre en charge.

De son côté, la direction générale de l’enseignement scolaire a également évoqué la possibilité de faire évoluer la spécialité « rééducative », notamment au regard des besoins de certaines catégories d’élèves. Il s’agit soit d’élèves qui souffrent d’un handicap, mais pour lesquels la saisine de la maison départementale des personnes handicapées n’a pas eu lieu, soit d’élèves dont les troubles du comportement sont avérés mais ne relèvent pas pour autant du handicap. Or, selon M. René Macron, chef du bureau des écoles au ministère de l’éducation nationale, la formation des maîtres G, qui s’appuie sur des modèles rééducatifs datant des années 1970 et 1980, ne leur permet pas toujours de traiter les difficultés rencontrées par ces élèves.

Deux types de personnels pourraient donc être mobilisés pour suivre ces élèves : des psychologues scolaires ou des enseignants spécialisés, cette dernière solution impliquant toutefois, selon cet interlocuteur, de « repenser totalement », leur formation et leur recrutement. Le nouveau profil de compétences pourrait reposer, d’une part, sur une seule spécialité, en estompant les options E et G, et d’autre part, sur une distinction plus nette entre la prise en charge du handicap et le traitement de la difficulté scolaire, le même examen – le certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap – permettant d’accéder à ces deux types d’activités. Ainsi, une véritable spécialisation en matière de handicap pourrait être créée, tandis que la prise en charge de la difficulté scolaire ne nécessiterait qu’un complément de formation, débouchant sur une certification complémentaire.

Interrogé sur cette problématique par les corapporteurs pour avis, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, M. Luc Chatel, a estimé que « la distinction [entre maîtres E et G] n’a pas vocation à disparaître tant que nous ne disposerons pas d’une évaluation plus fine » (17).

En outre, un tel scénario ne pourrait qu’être fortement contesté par les enseignants spécialisés, en particulier par les maîtres E. Pour défendre leur spécialisation, ces derniers mettent en avant les résultats obtenus par leur approche « globale » de la difficulté scolaire. La Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale a cité, à ce propos, les conclusions d’une étude, menée en partenariat avec l’université Paris-Descartes, qui tend à montrer, à partir de l’analyse des trajectoires de trois échantillons représentatifs d’une population d’élèves, que l’aide spécialisée rééducative est une réponse plus adaptée et efficace que l’aide personnalisée dans 4 situations sur 5. Ainsi, 65 % des élèves ayant suivi 30 heures au plus d’aide rééducative font des progrès non seulement dans les acquisitions scolaires, mais aussi dans le domaine des compétences cognitives (68 %), des compétences sociales, comme l’interaction avec les autres (70 %), et des compétences relationnelles telles que l’acceptation de l’autorité et l’estime de soi (60 %) (18).

Extraits des propositions concluant la recherche Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale/Université Paris-Descartes sur la « querelle des aides » (octobre 2009)

Des objectifs ou des missions nouvelles, complémentaires des objectifs traditionnels fixés aux praticiens de l’aide spécialisée, pourraient être assignés à un « Pôle spécialisé dans la prévention et la réussite à l’école » que constituerait le RASED rénové :

– participer au développement au sein de l’école d’une politique de prévention primaire de lutte contre l’échec scolaire tournée vers le jeune enfant. Cette politique, impliquant les familles, associerait au sein d’un « Réseau de réseaux » ce pôle spécialisé et les dispositifs médico-sociaux et sociaux existants ;

– renforcer l’adaptation personnelle des enfants, des adolescents et des jeunes adultes en situation de handicap en mettant en place des aides psycho-pédagogiques spécifiques aptes à favoriser leur inclusion sociale et scolaire au sein de l’école ordinaire. Ces actions impliqueraient la collaboration professionnelle des enseignants de l’école, des praticiens spécialisés du Rased et des « assistants de vie scolaire ». Ceux-ci pourraient alors être rattachés administrativement aux Rased ;

– mettre en place une aide spécialisée spécifique tournée vers la parentalité troublée.

 Une sédentarisation poussée à son terme dans les écoles prioritaires

Faut-il conserver les réseaux ou aller « au bout » de la politique de sédentarisation ? Pour sa part, le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale de l’éducation nationale, M. Philippe Claus, a estimé nécessaire l’implantation d’un poste ou d’un demi-poste d’enseignant spécialisé dans les écoles à « gros besoins », afin de concentrer les efforts de prise en charge dans les structures où la mise en œuvre de l’aide personnalisée ne permet pas de résoudre les difficultés rencontrées par les élèves.

Cette approche semble corroborée par le jugement, déjà évoqué, porté par la direction générale de l’enseignement scolaire sur l’efficacité des prises en charge « massives » d’élèves des écoles de l’éducation prioritaire, le recours à un enseignant spécialisé sédentarisé permettant, dans cette situation, de dédoubler, en début d’année, les classes, en particulier celle du cours préparatoire. En effet, selon M. René Macron, chef du bureau des écoles au ministère de l’éducation nationale, si l’aide personnalisée dispensée par le maître peut suffire lorsque 15 % des élèves de sa classe rencontrent des difficultés, ce ne peut plus être le cas dans les écoles où les classes comportent dix à quinze élèves en difficulté…

Si cette politique de sédentarisation était poursuivie jusqu’à son terme, elle devrait être réellement ciblée, ainsi que l’a suggéré la Fédération nationale des associations des maîtres E, en partant réellement des besoins des élèves, tels qu’évalués par les corps d’inspection, les enseignants spécialisés et les maîtres.

b) Une combinaison d’équipes mobiles de maîtres G et de maîtres E sédentarisés ?

Une autre piste d’évolution, évoquée par M. Philippe Claus, doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale, consisterait à sédentariser les maîtres E dans les écoles à plus forts besoins et à organiser des réseaux ou des équipes de maîtres G par département ou bassin scolaire. Ce schéma permettrait aux enseignants dispensant l’aide à dominante rééducative de continuer à intervenir sur un secteur comprenant plusieurs écoles et de soulager ainsi les équipes enseignantes se trouvant démunies face aux troubles du comportement de certains élèves.

c) Une implantation en école comportant des risques

Si la politique de sédentarisation peut se justifier pour des raisons d’efficacité, elle présente deux risques, de nature très différente :

– d’une part, elle rendrait impossible la prise en charge des élèves en grande difficulté scolaire vivant dans les zones rurales. Ce danger a été mis en lumière par plusieurs interlocuteurs des corapporteurs pour avis, notamment par l’Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves : « nous constatons que dans les zones rurales reculées les besoins peuvent être aussi criants, ou même plus graves que dans les zones difficiles auprès desquelles on délègue de gros moyens. En province, notamment, les jeunes professeurs des écoles sont en général envoyés dans ces zones rurales dans leurs toutes premières années de pratique professionnelle et ils sont totalement démunis devant les cas parfois graves d’enfants ayant des troubles de comportement ou cognitifs auxquels ils ne peuvent apporter aucune aide » (19). Cette difficulté pourrait être contournée, du moins partiellement, par le recours aux réseaux numériques, aujourd’hui peu utilisés par les RASED et qui, selon M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, permettraient, malgré la dispersion des moyens, un travail de collaboration entre les enseignants spécialisés et les maîtres, en particulier si l’école d’implantation ou le siège de la circonscription dispose d’une banque d’exercices et d’outils méthodologiques ;

– d’autre part, selon cet interlocuteur, une politique de sédentarisation qui conduirait à regrouper des élèves en difficulté d’une école ou de plusieurs écoles dans une classe prise en charge par l’enseignant spécialisé pourrait préfigurer la reconstitution des anciennes classes d’adaptation, qui avaient été supprimées au moment de la mise en place des RASED. Or l’« enkystement » de ces structures pédagogiques marquerait, incontestablement, un retour en arrière.

De son côté, le ministre de l’éducation de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, M. Luc Chatel, en réponse aux interrogations des corapporteurs pour avis, s’est contenté d’indiquer que « le maillage de l’aide spécialisée doit être optimisé » (20).

3. Un périmètre d’intervention devant englober la maternelle

Aussi bien l’inspection générale, en 1996-1997, que les corapporteurs pour avis, au travers des auditions qu’ils ont menées, ont pu constater le « tropisme » des interventions des enseignants spécialisés vers les deux premières années de l’école élémentaire.

La priorité ainsi accordée se justifie, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, par le statut d’« années charnières » du cours préparatoire et du cours élémentaire de première année. En effet, c’est à cette étape de la scolarité qu’une aide « massive » devrait être apportée aux élèves en difficulté, notamment pour faciliter l’apprentissage de la lecture, celui-ci ne devant pas avoir lieu au CE2 ou au CM1, par exemple, car il serait déjà trop tard. En outre, d’après M. René Macron, chef du bureau des écoles, le repérage, chez des élèves âgés de trois, quatre ou cinq ans, de « décalages significatifs » dans les apprentissages serait délicat à effectuer, tout comme la définition de leurs besoins en matière d’aide spécialisée.

Cette argumentation n’a pas convaincu les corapporteurs pour avis qui jugent indispensable l’intervention des enseignants spécialisés dès la maternelle, ou tout au moins dès la grande section, afin qu’ils se conforment à leur obligation de prévention de la difficulté scolaire. À titre d’exemple, cité par le Syndicat des enseignants-UNSA – ce cas concernant des élèves de moyenne section –, les enseignants spécialisés peuvent observer, durant le premier semestre, en recourant à des petits groupes, ainsi qu’à des exercices ou à des tests, le travail scolaire de l’ensemble des enfants, afin de croiser leur regard avec celui des maîtres.

4. Des réflexions complémentaires à mener

Le débat sur l’avenir des RASED devrait être élargi pour trancher certaines questions sensibles, qui un ont lien direct avec cette problématique et engagent une nouvelle vision de l’école et du métier d’enseignant. Elles ne seront abordées ici que brièvement.

a) Sur la place de l’aide personnalisée et la définition du service des enseignants

Toute évolution du dispositif de l’aide personnalisée devrait être précédée d’une évaluation, transparente et rigoureuse, de cette forme de prise en charge de la difficulté scolaire. Il est regrettable, à cet égard, que l’enquête menée par l’inspection générale de l’éducation nationale sur ce sujet et communiquée au ministre n’ait pas été rendue publique.

 Une aide personnalisée à intégrer dans le temps de classe ?

Si l’on voulait donner toute sa place à une aide spécialisée permettant de traiter efficacement les difficultés scolaires « lourdes » au sein des écoles, celle occupée par l’aide personnalisée devrait être repensée.

Celle-ci est aujourd’hui organisée en dehors des heures de classe, ce qui constitue un facteur d’allongement de la journée scolaire, souvent pénalisant pour les élèves les plus fragiles. Cette situation n’étant guère satisfaisante, des expérimentations ont été menées pour intégrer cette aide dans le temps « ordinaire », notamment à Nantes, cet exemple ayant été cité par le SNUipp-FSU, où a été banalisée, en journée, une plage horaire au cours de laquelle l’ensemble des élèves de l’école concernée étaient répartis en petits groupes, y compris les plus doués d’entre eux (un travail sur fiche ou ordinateur leur étant confié). Plusieurs interlocuteurs des corapporteurs pour avis ont d’ailleurs jugé nécessaire de mettre en œuvre cette forme de soutien dans le temps scolaire obligatoire, à commencer par la Fédération nationale des associations des maîtres E. On rappellera à cet égard que la mission d’information sur les rythmes de vie scolaire, créée en avril 2010 par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, a considéré que l’aide personnalisée devrait être dispensée « non plus en dehors de la classe, mais au sein de celle-ci, ce qui permettrait de donner une impulsion décisive à la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée » (21).

 Des enseignants spécialisés dispensant aussi l’aide personnalisée ?

Ainsi que cela a déjà été précisé, cette possibilité, bien que contredisant les textes organisant le temps de travail des enseignants spécialisés, a été ouverte à ceux qui ont été affectés en tant que surnuméraires dans les écoles. Contestée par les syndicats enseignants et les associations professionnelles de maîtres spécialisés, elle a été défendue, au nom du pragmatisme, par le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale, M. Philippe Claus. Selon ce dernier, en effet, le volume disponible d’aide personnalisée, même dans les écoles de l’éducation prioritaire disposant de moyens supplémentaires, ne permet pas de faire face à toutes les demandes de prise en charge. À titre d’exemple, à Gennevilliers, alors que les écoles disposent de 20 % d’aide personnalisé en plus, 60 % des élèves devraient en relever. En permettant ainsi aux enseignants spécialisés d’y participer, l’Éducation nationale pourrait augmenter, de manière significative, le potentiel d’aide personnalisée là où les besoins des élèves sont les plus importants. On observera que pour notre collègue Frédéric Reiss la création, à titre expérimental, d’établissements publics du primaire a, parmi ses justifications très concrètes, l’implantation dans les écoles de quatorze classes au moins d’un maître E ou G à qui cette partie de l’enseignement pourrait être confiée (22).

 Un temps de concertation conforté dans les obligations de service ?

La coordination des interventions des enseignants spécialisés et des maîtres – théoriquement possible grâce au temps de concertation propre au réseau, prévu par la circulaire du 17 juillet 2009, lequel doit notamment permettre une réflexion sur la « situation particulière de certains élèves », mais rendue difficile par l’organisation de l’aide personnalisée en dehors des heures de classe – pourrait être facilitée par une redéfinition des obligations réglementaires de service des professeurs des écoles. Ainsi, pour le SNUipp-FSU, on pourrait envisager de remplacer le régime hebdomadaire actuel des 24 heures d’enseignement + 2 heures d’aide personnalisée + 1 heure de travaux en équipes pédagogiques par un système dit « 24 + 3 », ces trois dernières heures étant consacrées à la concertation. Toutefois, pour les corapporteurs pour avis, une telle évolution supposerait de redéfinir la nature des heures d’enseignement pour préciser que celles-ci sont dispensées devant des groupes d’élèves, ce qui permettrait de prendre en compte l’ensemble des activités pédagogiques et de soutien.

b) Sur la coordination des aides apportées aux élèves en difficulté

Les différents niveaux d’action auprès des élèves en grande difficulté devraient être unifiés par le recours aux dispositifs suivants :

– les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), qui sont prévus par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 et visent à améliorer des compétences de base, ciblées à partir d’un diagnostic des difficultés rencontrées dans l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. La direction générale de l’enseignement scolaire a en effet précisé que lorsqu’un même élève bénéficie de plusieurs dispositifs d’aide, simultanément ou successivement, au cours d’une même année scolaire, le PPRE a pour objet de garantir leur coordination et qu’en conséquence, « les interventions des enseignants spécialisés relèvent de ces programmes dès lorsqu’ils sont associés à une autre aide, notamment l’aide personnalisé » (23) ;

– l’instauration d’un « conseil restreint » au niveau de la circonscription, regroupé autour de l’inspecteur de l’éducation nationale. Composé des conseillers pédagogiques, des animateurs en langues et en technologies de l’information et de la communication et de représentants des directeurs d’écoles et des réseaux, il aurait pour mission de proposer des dispositifs, des projets ou des actions susceptibles de permettre d’atteindre les objectifs de réussite définis par l’inspecteur (24) ;

– des temps d’échanges entre les professionnels de santé n’appartenant pas à l’éducation nationale et les équipes enseignantes. Ainsi que l’a suggéré Mme Cécile Masson, membre de la Fédération des orthophonistes de France, il s’agit de permettre aux enseignants de rencontrer, par exemple en début d’année scolaire, les spécialistes qui pourraient être amenés à prendre en charge des élèves, chacun des interlocuteurs pouvant prendre ainsi conscience du travail effectué par les uns et les autres.

c) Sur l’élargissement du vivier de recrutement des psychologues

L’utilité des psychologues scolaires, qui « réalisent en concertation avec les parents, les investigations psychologiques nécessaires à l’analyse des difficultés de l’enfant et au choix des formes d’aides adaptées » et peuvent « organiser des entretiens avec les enfants en vue de favoriser l’émergence du désir d’apprendre, de s’investir dans la scolarité, de dépasser une souffrance psycho-affective ou un sentiment de dévalorisation de soi » (25), a été reconnue par l’ensemble des interlocuteurs des corapporteurs pour avis, à commencer par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, M. Luc Chatel pour qui l’action de ces personnels « doit être confortée et leur nombre sanctuarisé » (26). Le doyen du groupe de l’enseignement primaire de l’inspection générale, M. Philippe Claus, a même jugé indispensable que ces psychologues – qui n’exercent aujourd’hui que dans le premier degré – puissent également travailler au collège, au moins dans les deux premières années de ce niveau d’enseignement.

Pour certains interlocuteurs, le vivier de recrutement des psychologues scolaires est trop étroit car, à la condition de diplôme exigée, s’ajoute l’obligation de passer le concours de recrutement de professeurs des écoles. Un groupe réunissant plusieurs syndicats et associations – dont l’Association française des psychologues de l’éducation nationale (AFPEN), qui a été entendue par les corapporteurs pour avis – propose, en conséquence, que le recrutement de ces personnels se fasse sur la base d’un master de psychologie et de l’organisation d’une formation, d’une durée de six mois ou d’un an, sur le fonctionnement du système éducatif ou encore d’un concours spécifique de « psychologue de l’éducation nationale premier degré », à la suite de l’obtention de ce diplôme. Interrogé sur ce point par les corapporteurs pour avis, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, M. Luc Chatel, a jugé nécessaire une évolution de leur recrutement « par le haut », celui-ci devant être fondé sur le master.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La Commission procède, le mercredi 26 octobre 2011, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur les crédits pour 2012 de la mission « Enseignement scolaire » (27).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 2 novembre 2011, les crédits pour 2012 de la mission « Enseignement scolaire » sur le rapport de MM. Xavier Breton et Gérard Gaudron (Enseignement scolaire) et de M. Dominique Le Mèner (Enseignement professionnel)

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’indique que le vote sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » aura lieu le 9 novembre prochain.

M. Gérard Gaudron, corapporteur pour avis sur les crédits de l’enseignement scolaire. Nous avons consacré l’essentiel de notre avis budgétaire aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED).

Quelques mots cependant sur le budget 2012. Il maintient l’effort de la Nation envers l’éducation prioritaire. Il augmente l’enveloppe destinée à la prise en charge des élèves handicapés – celle-ci passe de 350 à 450 millions d’euros. Par ailleurs, 176 millions d’euros sont destinés à la revalorisation des personnels enseignants et de direction. Enfin, comme vous le savez tous, il prévoit la suppression de 14 000 postes.

Nos commentaires sur ce point s’inscrivent dans le droit fil de ceux exprimés par notre collègue Frédéric Reiss lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 : la logique purement comptable ne sied guère à l’Éducation nationale, car elle accentue les travers d’un système scolaire qui est pilotée par l’offre et non par les besoins des élèves. Il est donc urgent d’ouvrir le chantier d’une allocation différenciée des moyens de l’Éducation nationale, qui soit fonction des besoins d’accompagnement des élèves. C’est ce qu’avait préconisé en mai 2010, dans un rapport remarquable, la Cour des comptes.

Venons-en aux RASED. Nous serons tous d’accord pour dire qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible.

Pour avoir entendu trente-deux témoignages lors de nos auditions, nous savons que les maîtres spécialisés disposent des compétences et des outils leur permettant de comprendre les difficultés rencontrées par les élèves qui ne parviennent pas, pour toutes sortes de raisons, à comprendre les codes qui régissent le travail en classe.

Dans le même temps, malgré le savoir-faire de ces personnels, les réseaux n’ont jamais donné totalement satisfaction. Une évaluation effectuée en 1996-1997 par l’inspection générale de l’éducation nationale a pointé trois dysfonctionnements : la « dérive » – terme employé par l’inspection générale – de l’aide spécialisée à dominante rééducative, dispensée par les maîtres G, vers la psychologie au détriment de la construction des processus d’apprentissage ; la pratique consistant à retirer des élèves de la classe pour les aider ; enfin, le défaut de pilotage des réseaux.

Il est vrai que, d’une manière générale, l’« externalisation » du traitement de la difficulté scolaire, grande ou petite, ne peut satisfaire ceux qui croient à l’égalité des chances dans l’école. On ne peut en effet se satisfaire d’un fonctionnement dans lequel un enseignant spécialisé arrive tel jour, à telle heure, pour frapper à la porte de la classe et « prélever » – nous mettons encore des guillemets – trois élèves afin de travailler leurs compétences.

Or que s’est il passé après l’enquête menée par l’inspection générale ? Rien, c’est-à-dire un grand silence : les RASED ont discrètement disparu des textes institutionnels et aucune réflexion n’a été engagée pour améliorer leur fonctionnement, et ce pendant plus de dix ans.

Cette attitude doit être jugée sévèrement d’autant que le ministère de l’éducation nationale est passé, depuis peu, du silence à un discours très critique à l’égard des réseaux.

Ceux-ci ont fait l’objet, en 2008-2009, d’une réforme mêlant avec difficulté évolutions de fond et ajustements budgétaires, ce qui s’est traduit par la suppression de postes de certains maîtres, désormais « sédentarisés » dans les classes ou les écoles.

Depuis lors, en raison d’un contexte marqué par des départs en formation spécialisée moins nombreux et des frais de déplacement « étranglés », les réseaux ont été sérieusement affaiblis.

En outre, l’exécution du budget 2012 dans le premier degré – avec comme contrainte la suppression de 5 700 postes dans l’enseignement public sans fermeture nette de classe – obligera les RASED à fournir une « contribution » – nous mettons des guillemets – très substantielle.

L’inquiétude des personnels, mais aussi des parents d’élèves, est donc réelle.

M. Xavier Breton, corapporteur pour avis sur les crédits de l’enseignement scolaire. Puisque nous ne voulons pas, de manière unanime, je suppose, d’une asphyxie lente des réseaux, faute de volonté politique pour les réformer substantiellement, il faut bien se pencher sur quelques hypothèses d’évolution que nous évoquons dans le rapport sous la forme de questions, car nous ne voulons surtout pas donner le sentiment de présenter des recettes toutes faites.

Le premier scénario serait celui de l’extinction progressive des réseaux. Il serait évidemment inacceptable. Il ne serait d’ailleurs envisageable, à terme, que si tous les enseignants du primaire étaient en mesure de gérer des classes hétérogènes et les besoins éducatifs particuliers de certains élèves. À ce sujet, nous rappelons que le ministre de l’éducation nationale lui-même, le 26 octobre dernier, en commission élargie, s’est gardé de remettre en cause l’existence des réseaux pour indiquer seulement que le dimensionnement et l’efficacité de l’action des maîtres E et G doivent continuer à être réévalués.

Le deuxième scénario serait celui de la suppression de la distinction entre maître E et maître G pour ne retenir qu’une seule spécialité et la sédentarisation des les maîtres spécialisés dans les écoles à plus forts besoins.

Sur le premier point – la distinction entre maîtres E et G –, la direction générale de l’enseignement scolaire pense que la formation de ces derniers maîtres, qui s’appuie sur des modèles rééducatifs datés, est à repenser totalement. Elle a jugé intéressante un schéma de recrutement des enseignant spécialisés dans lequel la distinction entre maître E et G serait estompée, tandis que la prise en charge du handicap deviendrait une vraie spécialité, le même examen servant aujourd’hui à recruter des profils entièrement différents. De son côté, comme vous le savez, le ministre de l’éducation nationale a indiqué, le 26 octobre dernier en réponse à nos questions, que la distinction entre maîtres E et G n’avait pas vocation à disparaître tant que nous ne disposerions pas d’analyses plus fines.

Sur le second point – la sédentarisation –, la direction générale de l’enseignement scolaire est défavorable à la pratique consistant à retirer des élèves de la classe. D’après ce service, une prise en charge efficace ne devrait pas reposer, comme c’est le cas, aujourd’hui, en moyenne, sur deux séquences par semaine de 45 minutes chacune, mais sur une aide apportée 30 minutes par jour, tous les jours. Or ce constat plaide en faveur de l’implantation d’un poste ou d’un demi-poste de maître spécialisé dans les écoles jugées prioritaires.

Il reste que nos interlocuteurs n’ont pas été en mesure de faire un bilan des effets qualitatifs de la sédentarisation, à une exception près : le cas où la présence d’un maître spécialisé sédentarisé permet de dédoubler des classes en début d’année, notamment celle du CP, pour prendre en charge dix à quinze élèves en difficulté.

La politique de sédentarisation recèle des potentialités intéressantes, mais elle comporte des risques : que fait-on des zones rurales où les besoins de prise en charge sont importants ? D’autre part, si le maître spécialisé sédentarisé prend en charge une classe composée d’élèves en difficulté, ne risque-t-on pas de reconstituer les classes d’adaptation que les RASED avaient supprimées ?

Le troisième scénario combine sédentarisation des maîtres E dans les écoles difficiles et maintien d’équipes de maîtres G, organisées à l’échelle d’un département ou d’un bassin, afin de permettre des interventions ponctuelles, destinées notamment à soulager les enseignants face à certains comportements.

Dans tous les cas de figure, ne faudrait-il pas élargir le périmètre d’intervention des maîtres spécialisés ? Aujourd’hui, en raison des postes vacants et de la sédentarisation, l’accent est mis sur les deux premières années de l’école élémentaire. Or est-ce qu’il ne faudrait pas effectuer un travail de prévention en maternelle, au moins en grande section, même si la mise en place d’un dispositif de repérage s’avère, comme l’ont prouvé les récents débats, une question difficile ? Par ailleurs, faut-il oublier les classes du cycle 3 ?

Autre question commune aux deux scénarios précédents : pourquoi ne pas autoriser les enseignants spécialisés à participer à l’aide personnalisée, afin d’augmenter, dans les écoles jugées prioritaires, le potentiel de soutien pouvant être apporté aux élèves en difficulté ?

Enfin, en ce qui concerne les psychologues scolaires, ne faudrait-il pas élargir leur vivier de recrutement en organisant celui-ci au niveau du master, puis en dispensant formation spécifique d’un an sur le système scolaire ?

Avec cet avis, nous n’avons pas d’autre but que de susciter un débat de fond sur les RASED, qui n’a que trop tardé. Notre dernier mot, Madame la Présidente, sera notre avis favorable à l’adoption des crédits de la mission pour 2012.

Mme Colette Langlade. Concernant le budget de l’enseignement scolaire, il est permis de regretter le nombre prévu de suppressions de postes dans l’Éducation nationale, qui s’élève à 14 280.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de l’enseignement scolaire s’élèvent à 62 milliards d’euros contre 61 milliards d’euros en 2011, soit une légère augmentation de 0,64 % en volume. Mais il s’agit d’une baisse de 1,06 % si l’on tient compte de l’inflation prévisionnelle de 1,7 % pour 2012.

Dans l’enseignement public, il y a 32 000 élèves de plus par rapport à l’année précédente, le nombre d’élèves et le taux de natalité étant en augmentation. Compte tenu de ces éléments, on ne peut que regretter la diminution de postes : le Gouvernement sacrifie ainsi l’avenir de nos enfants en ne faisant aucun investissement dans l’école publique.

L’école primaire comptera 11 900 élèves de plus, mais il y aura 7 300 élèves en moins en maternelle. Ce dernier chiffre s’explique par le fait que seulement 10 % des enfants de deux ans sont scolarisés, le bleu budgétaire précisant que l’efficacité pédagogique de la scolarisation des enfants de moins de trois ans n’est pas avérée

Au collège, les effectifs ne cessent d’augmenter, soit de plus de 10 000 élèves. Au lycée, si l’on constate une baisse du nombre d’élèves dans les lycées généraux et technologique, l’on compte en revanche 8 000 élèves de plus dans le cycle professionnel.

Au total, le budget 2012 fait l’impasse sur l’avenir et aggrave les problèmes rencontrés à l’occasion de la rentrée 2011 et précédemment. Chaque année, malheureusement, le même constat est fait.

Les conditions d’enseignement se dégradent pour les élèves comme pour les enseignant – avec la suppression des options, la rationalisation des filières, et plus particulièrement des filières professionnelles, la surcharge des classes, les difficultés de remplacement des enseignants, etc. –, d’où ma question au ministre de mercredi dernier. Il faut aussi évoquer les difficultés de redoublement en terminale, la non scolarisation des enfants de deux ans et la diminution de l’offre de formation professionnelle des enseignants.

J’en viens maintenant aux quatre programmes de la mission.

Le premier programme concerne l’enseignement scolaire public du premier degré. 5 700 postes sont supprimés. Après avoir baissé de plus de 40  % dans la précédente loi de finances, les crédits pour la formation des enseignants augmentent, mais 295 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2012 contre 293 en 2011. Les dépenses de fonctionnement diminuent de près de 12 millions d’euros par rapport aux crédits de 2011. En maternelle, concernant ce programme, les crédits pédagogiques baissent aussi, malheureusement. En primaire, les crédits diminuent aussi de plus de 2 millions d’euros. Ces crédits étaient surtout destinés à financer des actions pédagogiques complémentaires à l’enseignement et des partenariats dans les domaines artistique, littéraire, culturel et scientifique. L’enseignement des langues vivantes disparaît ainsi que le développement des technologies de l’information et de la communication. Au total, le montant des crédits pour le financement de toutes ces actions pédagogiques, qui sont liées aux actions éducatives, diminue de 73 %.

Le deuxième programme concerne l’enseignement scolaire du second degré. On ne peut que regretter la suppression de 6 500 postes d’enseignants dans les collèges et lycées publics. En outre, comme pour le premier degré, force est de constater que les crédits pédagogiques baissent. Ceux prévus pour les élèves des lycées professionnels diminuent de près de 5 %. Or ces crédits sont destinés notamment à l’achat de manuels scolaires, de matériel informatique et de remboursement de frais de stage en entreprise pour les élèves.

J’en viens maintenant au troisième programme, qui a trait à l’enseignement privé du premier et du second degré. En 2010-2011, l’enseignement privé sous contrat a accueilli environ 16  % des élèves. À la rentrée 2010-2011, selon les chiffres du ministère, l’enseignement catholique a vu ses effectifs augmenter de 3 700 élèves.

En application du principe de parité, 1 350 postes d’enseignants du second degré sont supprimés dans l’enseignement privé. Mais cet enseignement est, en réalité, favorisé puisqu’il bénéficie de 20 % des postes d’enseignants alors qu’il ne scolarise que 16 % des élèves. Il y a donc un léger déséquilibre en sa faveur. En effet, si le principe de parité était respecté, ce n’est pas 1 350 postes qui devraient être supprimés, mais 1 600. La parité n’est donc pas exactement respectée…

Le troisième programme concerne la vie de l’élève. Les crédits augmentent par rapport à ceux prévus par la loi de finances initiale pour 2011. Concernant les élèves handicapés, ils sont de plus en plus accueillis dans les établissements publics et privés. Toutefois, on regrette, dans les départements et les régions, que le Gouvernement ait annoncé une baisse du recrutement des assistants de scolarisation pour la rentrée 2012, assistants qui bénéficient d’un contrat de droit public de trois ans renouvelables une fois. Les élèves handicapés seront donc, au final, de moins en moins accompagnés.

Les suppressions de postes à compter du 1er septembre 2012 concernent 5 700 postes d’enseignants dans le premier degré, 6 550 postes d’enseignants dans le second degré, auxquels s’ajoutent 165 postes administratifs, 1 350 postes d’enseignants dans l’enseignement privé, plus de 280 postes dans l’enseignement technique agricole et 235 postes dans l’administration centrale. Au total, depuis 2003, environ 80 000 postes ont été supprimés dans l’Éducation nationale et le métier d’enseignant attire de moins en moins de candidats. Pour le groupe SRC, ce budget est donc schizophrénique, sans lien avec la réalité ni la situation actuelle de l’école. Les propos tenus par le ministre mercredi dernier n’ont fait hélas que confirmer le constat d’un budget préparé de façon totalement inacceptable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je souhaite dire un mot concernant les conditions qui entourent la discussion de ces crédits. Nous avons d’abord examiné le premier budget de l’État au détour d’une commission élargie qui ne laissait que deux minutes d’expression à chaque porte-parole de groupe, ce qui a entraîné la protestation du porte-parole de notre groupe auprès du Président de l’Assemblée nationale. Nous sommes aujourd’hui à nouveau convoqués pour l’examiner, mais cette fois en Commission des affaires culturelles, avant de nous retrouver dans huit jours en cette même Commission pour voter ces mêmes crédits.

Ce séquençage vise certes à permettre à nos rapporteurs de pouvoir présenter de manière plus complète leur rapport, ce qui est à mon avis plus que légitime et respectueux de leur travail. Mais convenons donc que les conditions d’examen en commission élargie ne sont définitivement pas satisfaisantes.

Ce projet de budget affiche en apparence une augmentation des crédits de 0,86 %. En réalité, ces crédits baissent de 1,75 %, si l’on tient compte de l’inflation prévisionnelle et du poids des pensions qui représentent quelques 27 % de la mission.

Le Gouvernement confirme sa volonté de supprimer 14 280 postes à la rentrée prochaine, dont 280 pour le programme relatif à l’enseignement agricole, ce qui portera à 69 800 le nombre de suppressions de postes programmées depuis le début de la législature.

Nous jugeons indigne la manière dont le Gouvernement prétend ne plus pouvoir recruter en raison de la faiblesse des inscriptions aux concours d’enseignants, sachant sa responsabilité dans les attaques portées à la profession, à savoir la suppression de la formation professionnelle, le gel pour la deuxième année consécutive du point d’indice, le développement de l’individualisation et de la rémunération de la performance. Malgré les affirmations du Gouvernement, l’enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a bel et bien démontré que le salaire des enseignants a diminué en France entre 2000 et 2009. Le flou demeure quant au fameux levier d’efficience qui permettra à la mission « Enseignement scolaire » de contribuer substantiellement à l’effort de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

La France est déjà au dernier rang des pays de l’OCDE en termes de ratios d’encadrement. Sont vraisemblablement dans le collimateur les rééducateurs, les enseignants d’adaptation, les psychologues, mais aussi les lycées professionnels avec la pleine mise en application, à la rentrée prochaine, du baccalauréat professionnel en trois ans.

S’agissant du premier degré, le Président de la République avait promis, le 21 juin dernier, je le cite, « à la rentrée 2012, nous ne procéderons, hors démographie, à aucune fermeture de classe ». L’équation semble impossible au regard des 5 300 nouveaux élèves attendus dans ce niveau d’enseignement, d’autant que la France est déjà au dernier rang des pays de l’OCDE en ce qui concerne le taux d’encadrement. À moins que le Gouvernement n’envisage de continuer à faire baisser le taux de scolarisation à l’école maternelle où n’est plus inscrit qu’un enfant de deux ans sur cinq contre plus d’un sur trois en 2001.

Le ministre, lors de son audition, a tenté de nous persuader que la personnalisation dans l’enseignement est la prochaine étape. Ce leitmotiv est pourtant en complet décalage avec ses décisions. Par exemple, les crédits pédagogiques ont été divisés par treize sur le quinquennat alors que certains d’entre eux sont destinés à la prévention et au traitement des difficultés scolaires dans les classes d’adaptation et d’intégration, à l’intégration des primo-arrivants ou à la scolarisation des enfants malades.

Le Gouvernement ne semble pas s’inquiéter du fait que les dépenses que notre pays consacre à l’enseignement primaire sont plus faibles de 24 % que la moyenne des pays de l’OCDE.

Pour ce qui est du second degré, à moins d’accepter d’aggraver davantage le dispositif de remplacement des enseignants absents, qui fait déjà défaut en cette rentrée, de rationaliser aussi les moyens en personnel non enseignant, en ignorant ainsi le rapport de la Cour des comptes qui a mis en exergue les déserts médico-sociaux, nous ne voyons pas d’autres pistes de « rationalisation » des emplois de ce niveau d’enseignement.

Il convient également de rappeler la souffrance des 32 000 précaires de l’éducation nationale et le choix fait de continuer à « externaliser » les missions de l’administration sans que ne soit apportée la preuve des économies réalisées ni de leur efficacité.

C’est pourquoi les députés du groupe GDR attendent une modification radicale de ces crédits.

M. Dominique Le Mèner. Je voulais m’attarder un instant sur le thème du rapport pour avis consacré aux RASED. Les troubles de l’audition et de la vue, dont le traitement ne relève pas des enseignants spécialisés, sont une cause d’échec scolaire, et ce dès le plus jeune âge. Ils posent toutefois le problème de la façon d’enseigner, qui devrait changer radicalement. La question des familles allophones devrait également plaider pour une transformation de la pédagogie.

J’ai souhaiterais poser trois questions. La première porte sur la place du suivi médical, et notamment sur la place des psychologues, les territoires ruraux étant dépourvus de spécialistes. Ma deuxième question porte sur la place des parents dans le dispositif de prise en charge de la difficulté scolaire ; ceux-ci étant appelés à voir leur rôle conforté. Ma troisième question a trait à la place de la formation à l’Éducation nationale. Elle concerne d’abord la formation de base des enseignants, qui est indispensable pour les rassurer et les préparer au métier, mais aussi la formation continue, qui est capitale aussi car l’enseignement évolue rapidement.

M. Xavier Breton, corapporteur pour avis. Un certain nombre de débats et de chantiers ont été évoqués par les différentes interventions. Je voudrais faire remarquer à Mme Langlade et aussi à Mme Amiable qu’en matière de budget, on ne peut se contenter d’un raisonnement purement quantitatif, la preuve en étant que son augmentation pendant des années s’est accompagnée de résultats qui, eux, décroissaient. Il est donc nécessaire de s’interroger également sur l’utilisation de ces budgets.

En ce qui concerne l’école primaire, je voudrais rappeler l’engagement du Président de la République qu’il n’y aura pas de fermeture de classes à démographie constante dans l’enseignement primaire, traduisant ainsi la priorité que nous lui donnons tous, alors qu’il est le moins bien loti lorsqu’on le compare à ce dont il dispose dans d’autres pays. Ce sera effectivement notre rôle de veiller à ce que ces engagements soient tenus.

S’agissant du collège, il est vrai qu’il fait parfois figure de variable d’ajustement du budget de l’enseignement du second degré. Le lycée a au contraire une place bien identifiée dans notre système éducatif, non seulement d’un point de vue historique mais encore aujourd’hui, alors qu’il vient de faire l’objet d’une réforme.

Les difficultés du métier d’enseignant ont conduit aux mesures de revalorisation des rémunérations poursuivies ces deux dernières années. L’enquête de l’OCDE sur ce point pose un problème de périmètre, puisqu’elle ne prend pas en compte les rémunérations accessoires qui sont beaucoup plus importantes en France qu’ailleurs ; les comparaisons qui en sont tirées doivent donc être relativisées.

On peut avoir un débat sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Est-ce un objectif à poursuivre en soi ? Est-elle bonne ou mauvaise ? Tout dépend du contexte en la matière, l’affichage d’objectifs purement quantitatifs ne relevant pas, il me semble, du seul intérêt des enfants.

En ce qui concerne les crédits pédagogiques, je voudrais rappeler ici l’effort fait en faveur de l’accompagnement éducatif, mis en place au collège et dans les écoles de l’éducation prioritaire, qui permet aux élèves volontaires de bénéficier d’environ deux heures par jour, quatre jours par semaine et tout au long de l’année, de préférence après les cours, consacrées à l’aide aux devoirs et aux leçons mais aussi aux activités sportives et culturelles. Ces activités sont encadrées par des intervenants divers, qui peuvent être les enseignants mais aussi les assistants d’éducation ou des associations. Cet accompagnement des « orphelins de 16 heures » doit être poursuivi et répond à des besoins importants.

M. Gérard Gaudron, corapporteur pour avis. En ce qui concerne les assistants de vie scolaire (AVS), un effort important est fait et se traduit dans le projet de loi de finances pour 2012 qui prévoit de financer 9 000 AVS individuels et 2 166 AVS collectifs pour 263 millions d’euros.

2 000 postes d’assistants de scolarisation seront créés à la rentrée 2011 et 2 300 supplémentaires sont prévus pour 2012, pour un coût évalué, en 2012, à 69,4 millions d’euros. L’effort, compte tenu du niveau de départ, me semble donc important dans le domaine de la scolarisation des enfants handicapés.

S’agissant de la détection des problèmes de vue et d’audition des élèves, un dialogue régulier devrait être établi entre les professions de santé concernées et le ministère de l’éducation nationale pour améliorer le dispositif de prévention. Nous avons en outre repris, pour préparer notre rapport pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la médecine scolaire, le travail que la Cour des comptes a consacré à ce sujet, notamment en ce qui concerne le volet relatif au suivi médical des élèves, et nous y proposerons également d’insister sur les bilans de santé scolaire à 6, 9, 12 et 15 ans, qu’il faudrait étoffer, ainsi que sur les meilleures conditions d’exercice à offrir aux médecins scolaires pour répondre aux besoins dans ce domaine.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur pour avis sur les crédits de l’enseignement professionnel. L’avis que je vous présente aujourd’hui porte spécifiquement sur les crédits de la mission « enseignement scolaire » consacrés à l’enseignement professionnel. En effet, comme l’an dernier, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a choisi de consacrer un rapport spécifique aux crédits qui financent la voie professionnelle, pour marquer l’importance particulière que nous attachons à cette voie, qui forme un tiers des élèves du second degré.

Classiquement, l’avis que je vous présente comporte deux parties : la première est consacrée aux questions strictement budgétaires, et la seconde à un éclairage plus approfondi sur l’attractivité de la voie professionnelle.

S’agissant des crédits demandés pour l’enseignement professionnel, ils s’élèvent à 6,729 milliards d’euros contre 6,677 milliards d’euros en 2011, ce qui représente une hausse de 0,8 %. Ils progressent ainsi un peu plus rapidement que ceux de l’ensemble de la mission « Enseignement scolaire », en hausse de 0,74 %.

Même s’il faut bien parler de consolidation, il y a vraiment lieu de se satisfaire de ce budget : dans le contexte actuel, et après une augmentation de 2 % en 2011, sa sanctuarisation est une bonne chausse. Elle permettra d’ailleurs d’améliorer la prise en charge des élèves puisque le budget croît alors que les effectifs diminuent. Cette tendance est à rapprocher du fait qu’en 2011, on compte 34 000 enseignants de plus qu’en 1991 pour 500 000 élèves de moins, ce qui donne à penser qu’il reste des marges d’efficience dans la gestion du système scolaire.

J’en viens au volet thématique de mon rapport. Il est consacré à l’attractivité de la voie professionnelle qui constitue l’enjeu central auquel tiendra la réussite ou l’échec de la réforme de cette voie entreprise en 2009.

En effet, la « rénovation de la voie professionnelle », engagée en 2009, doit contribuer pour beaucoup à l’atteinte des objectifs de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école : amener 100 % d’une classe d’âge à un diplôme de niveau V, 80 % au baccalauréat, et 50 % à un diplôme de l’enseignement supérieur. Dans la lignée de ces objectifs, l’enjeu principal pour la réussite de la réforme réside dans la capacité de la voie professionnelle à gagner en attractivité vis-à-vis de trois types de public : les élèves en risque de « décrochage », qu’il faut conduire au moins jusqu’au CAP ou au BEP, les élèves de CAP ou de BEP qu’il s’agit d’inciter à poursuivre dans cette voie au moins jusqu’au « bac pro », et les élèves de bon niveau qu’il faut encourager à s’engager dans cette voie en leur offrant de véritables débouchés dans l’enseignement supérieur.

Or, aujourd’hui, la situation est paradoxale : la voie professionnelle est choisie le plus souvent par défaut et concentre les élèves les plus fragiles (scolairement comme socialement) alors qu’à niveau de diplôme égal, elle insère nettement mieux les jeunes sur le marché du travail, avec de meilleurs taux d’emploi, de meilleurs salaires et un meilleur taux d’emploi à durée indéterminée. Son manque d’attractivité ne tient donc qu’à sa réputation, c’est-à-dire largement à des clichés, nourris par la hiérarchie traditionnelle des valeurs dans notre système éducatif. Cette mauvaise image des métiers « manuels » dans un système scolaire marqué par la recherche d’une forme d’excellence qui privilégie l’abstraction et repose sur une hiérarchie rigide des voies de formation, le Haut Conseil de l’éducation montre qu’elle a pour conséquence que l’apprentissage d’un métier n’est pas considéré comme une formation intellectuelle mais comme un simple moyen d’accès au travail. C’est pourquoi le Haut Conseil souligne que la voie professionnelle est pénalisée par l’image d’emplois subalternes et peu valorisants, de salaires faibles, de postes de travail pénibles ou salissants, résultat d’une situation où représentations et réalités se nourrissent mutuellement pour dévaloriser la voie professionnelle.

On relèvera en outre, que selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale, les enseignants constituent la catégorie socio-professionnelle dont les enfants sont les moins représentés dans la voie professionnelle : ils ne représentent que 0,9 % des effectifs de cette voie, pour 3,3 % des effectifs totaux de l’enseignement secondaire.

Mon rapport propose donc un certain nombre de mesures.

D’abord, il faut rationaliser l’offre de formations, pour l’adapter à la fois aux besoins des élèves et aux perspectives d’insertion, ce qui suppose d’actualiser régulièrement le catalogue des diplômes et leurs référentiels, d’adapter la répartition géographique des formations aux possibilités d’accès à l’emploi, et de recentrer l’offre de CAP sur les élèves les plus fragiles : il faut éviter que les élèves qui ont les capacités de préparer un bac « pro » s’en tiennent au CAP ou que se reconstitue de fait un cycle de préparation au bac « pro » en quatre ans.

En deuxième lieu, il faut aussi renforcer les liens entre la formation et l’entreprise, notamment en adaptant les dispositifs de formation en alternance à un public rajeuni (les redoublements étant plus rares au collège), compte tenu de la réglementation du travail qui fixe des seuils d’âge pour certaines activités. Il faut aussi aider les jeunes dans la recherche de stages ou de places d’apprenti et favoriser la découverte précoce de l’alternance.

Troisième axe de proposition, il faut accompagner les établissements afin qu’ils s’approprient l’autonomie que leur a conférée la réforme, et qui doit leur permettre de donner corps à leur projet d’établissement.

Quatrièmement, il faut organiser la voie professionnelle en filière complète d’excellence et non en « voie de garage », ce qui suppose de poursuivre et de consolider al labellisation des « lycées des métiers » et de développer des passerelles entre les formations, pour éviter toute logique d’enfermement ou de décrochage.

Enfin, il faut casser les clichés qui nuisent à la voie professionnelle, à la fois en la faisant découvrir aux collégiens telle qu’elle est (par des interventions, des ministages, des journées portes ouvertes), et surtout, en faisant en sorte que les professeurs et conseillers d’orientation des collèges, qui ont un poids déterminant dans l’orientation des élèves, connaissent mieux la voie professionnelle, en intégrant éventuellement aux obligations de service des professeurs principaux la participation à des actions d’information sur cette voie.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits s’agissant de l’enseignement professionnel.

Mme Colette Langlade. Monsieur le rapporteur pour avis et moi-même sommes au moins d’accord pour constater que la voie professionnelle a toujours besoin d’être rénovée et ne constitue plus seulement une voie de garage mais aussi un chemin de prestige pour les jeunes qui quittent le collège.

La voie professionnelle et les formations proposées par les lycées professionnels sont déterminées en étroite collaboration avec les régions dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles signé par le recteur et le préfet pour l’État et par les présidents de région. L’association des régions de France souligne cependant le déséquilibre qui existe entre cette formation initiale et l’apprentissage, l’absence de chiffrage, le manque de concertation et une réforme inadaptée aux professeurs de lycée professionnel.

Il convient également de regretter la suppression de lycées professionnels : ceux dont les effectifs sont inférieurs à 200 élèves, soit 17 ces dernières années. Il faut certes développer l’apprentissage, mais en établissant un consensus sur la formation initiale. Pour autant, l’enseignement professionnel ne doit pas être simplement reporté sur les centres de formation des apprentis dont les régions, faut-il le rappeler, sont les premiers financeurs.

Les crédits de fonctionnement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 sont en diminution de 2 à 3 %. On y constate de plus une augmentation des cotisations de retraite pour les personnels du programme ÉCLAIR (Écoles, collèges et lycées pour l’ambition et la réussite).

Les titulaires sur zone de remplacement (TZR) devraient, comme leur nom l’indique, remplacer les professeurs absents pour formation ou maladie, or ils sont maintenant affectés à l’année, la diminution des effectifs entraînant cette tension des flux et le recours, entre autres, pour les remplacements aux services de Pôle emploi ou aux personnels retraités de l’Éducation nationale.

Les crédits de la mission générale d’insertion (MGI) diminuent de 3,88 à 3,71 millions d’euros. Dans ce cadre, la création de 20 établissements de réinsertion scolaire (ERS) est peu de chose pour répondre aux 180 000 jeunes « perdus de vue » chaque année, ayant quitté l’enseignement, voie professionnelle comprise.

La loi « Cherpion » n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels permet aux jeunes de signer des contrats d’apprentissage sans patron, sans employeur, pour des emplois intérimaires ou saisonniers. Les premiers bilans tirés au bout de ses quelques mois d’application montrent des taux de rupture d’apprentissage très importants. Cette forme d’apprentissage présente donc des taux d’insertion à moyen terme qui ne sont pas meilleurs que ceux des autres voies de formation professionnelle, aggravés par des offres de poursuite d’études très restreintes qui limitent les possibilités d’accès à la formation continue.

Le bilan de la réforme de la voie professionnelle que vous présentiez au début de votre intervention, monsieur le rapporteur pour avis, est donc négatif pour les jeunes, alors même qu’elle n’est pas arrivée à son terme puisque le baccalauréat professionnel en trois ans, qui n’est pas encore évalué, semble se traduire par un nouveau développement du décrochage scolaire. Au printemps dernier, on estimait à 300 000 les décrocheurs toutes voies confondues, les nouvelles données n’étant disponibles qu’à la fin du mois. L’augmentation du nombre de bacheliers professionnels n’est due, quant à elle, qu’à la superposition transitoire des baccalauréats professionnels et des anciens brevets d’études professionnelles (BEP) ; cet effet « bourrelet » disparaîtra dès l’année 2013.

Face à toutes ces difficultés d’insertion des élèves, le Président de la République a demandé au ministre de l’éducation nationale, qui nous l’a rappelé mercredi dernier, de réfléchir à la possibilité de rendre obligatoire l’alternance lors des dernières années de préparation au baccalauréat professionnel et au certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Il semblerait cependant judicieux, avant, d’évaluer et d’harmoniser la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans.

Ce budget de l’enseignement professionnel montre une fois de plus qu’on casse le service public de formation initiale sous statut scolaire, qui a été pendant de nombreuses années une référence. On ne tient compte de l’avis ni des parents, ni des élèves ni, enfin, des personnels. Le seul objectif paraît être la poursuite de la baisse du nombre des professeurs et du désengagement de l’État au profit des collectivités territoriales et de transformer l’enseignement professionnel sans se préoccuper de ses débouchés. Le groupe SRC ne votera donc pas le budget de l’enseignement professionnel.

M. Jacques Grosperrin. Les choses ont été dites d’entrée de jeu par l’excellent rapport et l’intervention de notre collègue Dominique Le Mèner. Il s’agit d’un budget en consolidation. La baisse du nombre d’élèves et l’augmentation depuis les vingt dernières années du nombre d’enseignants ont été fort bien rappelées. Mais pour répondre aux inquiétudes exprimées par le groupe socialiste, nous souhaiterions moins d’enseignants, mais mieux rémunérés.

Je voudrais rappeler qu’à la suite de la réforme de 2009 concernant la rénovation de la voie professionnelle – et c’est vrai que les efforts en ce sens doivent être poursuivis –quelque chose de nouveau a été mis en place qui répondait aux attentes tant des professionnels que des élèves que des parents pour améliorer l’articulation entre les études et l’emploi.

Je souhaiterais aussi indiquer que la réflexion sur les classes-études ou métiers-études qui pourrait être menée dans le cadre d’une formation plus générale au niveau du collège favoriserait peut-être l’orientation vers la voie professionnelle. En tout cas, l’attractivité ne tient pas aux moyens alloués puisqu’à ce jour, les effectifs dans la filière professionnelle sont de l’ordre de dix-neuf élèves par classe contre vingt-huit dans la voie générale et technologique.

Notre souci n’est donc pas de supprimer des enseignants, mais de faire en sorte que nos jeunes se dirigent vers la voie professionnelle, non plus par défaut, mais par envie, comme l’a indiqué le rapporteur. Et c’est vrai qu’une meilleure information, notamment au travers des médias, semble souhaitable pour revaloriser l’image de cette filière.

J’en viens à la rationalisation de l’offre de formation, qui est nécessaire pour les élèves. Comme cela a déjà été souligné, les adaptations des diplômes aux besoins de formation constituent des perspectives d’insertion fondamentales ; on se rend compte de difficultés sur lesquelles on travaille très sérieusement. Il serait peut-être utile de procéder à une adaptation géographique des formations, parce que l’on sait bien que certaines régions connaissent des tensions sur certains métiers ; le rapport le démontre et notre préoccupation budgétaire rejoint cette vision.

Il est vrai que l’enseignement professionnel est une politique significative qui a été conduite par le Président de la République et c’est pourquoi le groupe UMP votera les crédits qui s’y rapportent.

M. Jean-Luc Pérat. Je crois que notre collègue a eu raison de mettre l’accent sur la question de la communication. Le collège est vraiment la plaque tournante de l’information et le temps consacré à découvrir le monde professionnel, les établissements et l’entreprise est vraiment très insuffisant. Deux ou trois jours en tout et pour tout de sensibilisation en quatrième, et une semaine en troisième passée dans une entreprise ou une activité, cela me semble vraiment très superficiel !

Comme je l’avais dit à maintes reprises, et comme vous l’avez souligné, la place du professeur principal dans le dispositif paraît très importante ; mais malgré toute sa bonne volonté, le professeur principal ne saurait se passer d’accompagnement ou de formation parce qu’il n’existe pas toujours de passerelle entre le collège et le lycée professionnel, et que faire passer assez rapidement le collégien dans la filière professionnelle constitue un véritable enjeu. Très souvent, en effet, on se heurte à des clichés qui présentent l’enseignement professionnel comme une voie de garage, ce qui, d’ailleurs, est vrai pour certaines formations professionnelles.

Je pense qu’il faut également tenir compte des attentes des entreprises sur les territoires, ainsi que des évolutions et des besoins.

Je souhaiterais dire un mot de la place de l’entreprise. Le monde de l’entreprise pénètre de manière insuffisante dans le lycée professionnel ; les chefs d’entreprise ne sentent pas vraiment concernés ou ne sont pas assez consultés.

Je terminerai en évoquant le BTS et le baccalauréat professionnel. Il est évident que l’on peut faire mieux. En effet, universités et lycées professionnels coexistent souvent sur un même territoire et il s’agit de faire le lien entre les établissements, le niveau des élèves et les universités. Il serait pertinent que les universités s’intéressent aux lycées professionnels pour tirer l’enseignement professionnel vers le haut et attirer des jeunes qui pourront se lancer dans le monde professionnel et la création d’entreprise.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur pour avis. Je remercie Mme Langlade de son intérêt pour l’enseignement professionnel. S’agissant du contrat de plan régional, qui est un outil récent puisqu’il se déploie depuis 2010, une meilleure adéquation entre les différents partenaires est évidemment souhaitable, et nous devons y veiller à l’avenir. Néanmoins, cet outil constitue une chance pour l’emploi dans nos régions.

En ce qui concerne les rapports entre les CFA et les lycées, il faut mettre en place un système qui fonctionne de manière équilibrée. Il n’y a pas lieu d’opposer l’alternance à la voie scolaire ; toutes deux correspondent à des profils d’élèves différents, auxquels il convient d’apporter une réponse différenciée.

La question des TZR n’est pas réservée à l’enseignement professionnel. Les besoins d’effectifs sont réels, mais ils doivent être replacés dans le cadre d’un mouvement « en ciseaux », où certains secteurs connaissent une augmentation du nombre d’élèves, d’autres, une diminution, le nombre d’enseignants tendant globalement à s’accroître. Il convient donc d’en tenir compte. Et il faut, par ailleurs, faire mieux avec moins de moyens.

Les crédits permettant le financement des MGI et du dispositif ÉCLAIR s’inscrivent, je le rappelle, dans un contexte budgétaire tendu, ce qui doit limiter les demandes de moyens supplémentaires.

Je crois que chacun a pu percevoir à travers le rapport que les moyens mis à disposition seraient mieux utilisés si l’on portait l’effort en amont, sur l’orientation des élèves. Cette réforme ne peut avoir de succès que si l’on considère que l’enseignement professionnel constitue vraiment une voie d’orientation valable et non, comme nombre d’enseignants l’ont reconnu, une voie de garage, choisie par défaut. Ce constat fait abstraction des moyens mis à disposition, qui sont souvent importants, comme l’ont souligné plusieurs personnes lors des auditions ; les équipements des lycées professionnels sont en effet très largement supérieurs à ceux que les élèves peuvent trouver dans les entreprises, ce qui est un paradoxe.

Je répondrai à Jacques Grosperrin que 149 millions d’euros sont prévus, comme vous avez pu le constater dans le rapport, pour financer plusieurs mesures de revalorisation, dont une prime spéciale pour les professeurs ÉCLAIR, dont bénéficieront 15 300 personnes, ce qui est un élément non négligeable.

La question du décrochage scolaire a été évoquée ; les chiffres n’en seront connus que dans quelques mois, mais il faut développer le suivi individualisé. Le décrochage n’est pas le résultat de l’entrée dans l’enseignement professionnel, mais la résultante d’un certain nombre de phénomènes qui se sont produits antérieurement, d’où l’importance de percevoir les besoins en amont, en primaire et en secondaire.

S’agissant de l’accompagnement individualisé, je vous renvoie au rapport. En ce qui concerne la rationalisation de l’offre de formation, il y a manifestement deux freins : d’une part, les branches professionnelles doivent jouer le jeu, ce qui n’est pas toujours le cas et d’autre part, le partenariat avec les conseils régionaux, avec les offres régionales, est compliqué à mettre en place, comme cela a été indiqué.

Je partage pleinement la préoccupation de M. Pérat concernant la sensibilisation précoce. Quant à la place du professeur principal, elle a été souvent évoquée lors d’entretiens avec des proviseurs d’établissements professionnels. Manifestement, il y a une certaine forme de méconnaissance dans l’enseignement, de la voie professionnelle, à la fois des entreprises et de ce qu’est la voie professionnelle et des possibilités qu’elle offre. Il faut donner aux professeurs principaux de collège les moyens de se familiariser avec elle et avec le monde de l’entreprise, voire les y inciter.

S’agissant, enfin, de la place de l’entreprise, j’avais posé une question au ministre en commission élargie. Il faut tenir compte de l’âge des publics comme je l’indique dans le rapport ; afin qu’ils redoublent moins, il faut former les jeunes au statut de l’entreprise et de l’entrepreneur, recruter des professeurs associés qui viennent de l’entreprise et vont vers les jeunes, et mettre en place un dispositif prépa-pro ainsi que les mécanismes de découverte précoce de l’alternance.

Suivant ses rapporteurs pour avis, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Enseignement scolaire » au cours de sa réunion du mercredi 9 novembre 2011.

ANNEXE 1 :
EFFECTIFS D’ENSEIGNANTS EN RASED DEPUIS 2007

Académie

Année scolaire 2007-2008

Année scolaire 2008-2009

Année scolaire 2009-2010

Année scolaire 2010-2011

Total maîtres E+G en réseau

Total agents affectés en réseau

Total maîtres E+G en réseau

Psychologues scolaires en réseau

Total agents affectés en réseau

Total maîtres E+G en réseau

Psychologues scolaires en réseau

Total agents affectés en réseau

Total maîtres E+G en réseau

Psychologues scolaires en réseau

Total agents affectés en réseau

Aix-Marseille

495

655

504

162

666

433

166

599

378

169

547

Amiens

378

508

382

133

515

285

134

419

290

134

424

Besançon

248

336

234

84

318

189

85

274

181

86

267

Bordeaux

474

652

450

180

630

382

180

562

385

184

569

Caen

232

300

228

71

299

165

73

238

156

75

231

Clermont-Ferrand

241

311

237

74

311

189

72

261

177

71

248

Corse

65

76

65

11

76

61

13

74

54

13

67

Créteil

1 022

1 321

961

296

1 257

801

300

1 101

767

302

1 069

Dijon

263

353

248

92

340

223

94

317

221

92

313

Grenoble

479

646

458

166

624

360

174

534

352

171

523

Lille

731

931

726

199

925

590

194

784

594

200

794

Limoges

115

151

113

40

153

84

36

120

85

38

123

Lyon

395

541

393

143

536

344

145

489

323

148

471

Montpellier

509

646

496

140

636

367

143

510

361

142

503

Nancy-Metz

468

618

461

151

612

362

146

508

340

142

482

Nantes

429

565

403

134

537

365

140

505

281

141

422

Nice

401

513

392

107

499

293

107

400

296

108

404

Orléans-Tours

408

561

398

151

549

325

154

479

299

152

451

Paris

312

430

304

118

422

232

116

348

251

117

368

Poitiers

296

404

277

109

386

209

108

317

212

104

316

Reims

338

432

314

92

406

268

94

362

256

91

347

Rennes

247

354

218

105

323

185

110

295

171

106

277

Rouen

345

449

329

101

430

262

101

363

255

98

353

Strasbourg

380

461

364

86

450

272

88

360

282

88

370

Toulouse

464

630

447

166

613

341

168

509

353

166

519

Versailles

1 220

1 587

1 181

371

1 552

948

375

1 323

861

372

1 233

Guadeloupe

131

173

124

40

164

103

39

142

103

41

144

Martinique

129

172

125

44

169

112

44

156

113

42

155

Guyane

89

111

91

23

114

62

20

82

59

20

79

La Réunion

231

280

232

49

281

185

52

237

183

52

235

Métropole

10 955

14 431

10 583

3 482

14 065

8 535

3 516

12 051

8 181

3 510

11 691

D.O.M.

580

736

572

156

728

462

155

617

458

155

613

Total

11 535

15 167

11 155

3 638

14 793

8 997

3 671

12 668

8 639

3 665

12 304

Source : ministère de l’éducation nationale, réponse au questionnaire budgétaire des corapporteurs pour avis

ANNEXE 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Inspection générale de l’éducation nationale – M. Philippe Claus, inspecteur général, doyen du groupe de l’enseignement primaire

Ø Syndicat national des personnels d’inspection FSU (SNPI-FSU) – M. Michel Gonnet, secrétaire général et M. Paul Devin, IEN à Pantin et secrétaire général adjoint du SNPI-FSU

Ø Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SI EN – UNSA éducation) – M. Patrick Roumagnac, secrétaire général, et M. Michel Volckcrick, secrétaire général adjoint 1er degré

Ø Fédération nationale des associations des maîtres E (FNAME) – M. Alain Thomazeau, président, Mme Nadine Juhel, trésorière, et Mme Thérèse Boisselier, secrétaire adjointe

Ø Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU) – M. Sébastien Sihr, secrétaire général, M. Emmanuel Guichardaz et Mme Michelle Frémont, secrétaires nationaux

Ø Table ronde réunissant les associations de parents d’élèves :

– Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente

– Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – M. Jean-Jacques Hazan, président, accompagné de Mme Karine Autissier, chargée de mission

– Union nationale des associations autonome de parents d’élèves (UNAAPE) – Mme Béatrice Chesnel, présidente, et Mme Sophie Fontaine, vice-présidente

Ø Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale (FNAREN) – M. Francis Jauset, président, M. Loïc Douet, vice-président, et Mme Maryse Charmet, secteur communication

Ø Syndicat général de l’Éducation nationale et de la Recherche publique – CFDT (SGEN-CFDT) – Mme Michelle Zorman, secrétaire nationale, M. Joël Devoulon, secrétaire national, et Mme Annie Catelas, secrétaire fédérale

Ø M. Bernard Gossot, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale

Ø Fédération des orthophonistes de France (FOF) – Mme Cécile Masson, adhérente du syndicat des orthophonistes de la région Normandie (SORN)

Ø Ministère de l’éducation nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire – M. Jean-Michel Blanquer, directeur général, M. Guy Waïss, chef du service du budget, et M. René Macron, chef du bureau des écoles

Ø Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – Mme Claire Krepper, secrétaire nationale en charge des dossiers éducatifs, Mme Nelly Paulet, déléguée, et M. Stéphane Crochet, délégué

Ø Association française des psychologues de l’éducation nationale (AFPEN) – M. Richard Redondo, président et M. Daniel Tramoni, membre du Bureau national de l’association

Ø Le Syndicat national unifié des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles Force Ouvrière (SNUDI-FO) a répondu par écrit au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis.

© Assemblée nationale

1 () « L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves », Cour des comptes, rapport public thématique, mai 2010.

2 () « L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves », rapport thématique précité.

3 () Contribution remise par la Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale le 28 septembre 2011.

4 () « Les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté : examen de quelques situations départementales », étude de discipline, 1996-1997 – DI – 06.

5 () « Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elle les bons choix ? », 2007.

6 () Réponse au questionnaire budgétaire des corapporteurs pour avis.

7 () Troisième note de synthèse sur la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire, note n° 2009-072, juillet 2009.

8 () Réponse au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis.

9 () Réponse écrite au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis.

10 () Réponse écrite au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis.

11 () Réponse écrite au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis

12 () Réponse au questionnaire budgétaire des corapporteurs pour avis.

13 () Une réponse au questionnaire budgétaire des corapporteurs pour avis précise, sans fournir d’indications chiffrées, que l’affectation des maîtres spécialisés des RASED s’est effectuée dans les écoles se distinguant par des résultats faibles aux évaluations et qu’il s’agit « le plus fréquemment d’écoles de l’éducation prioritaire, principalement en réseaux ambition réussite (devenus ECLAIR) et en zone urbaine ».

14 () Circulaire n° 2004-026 du 10 février 2004 relative à la mise en œuvre de la formation professionnelle spécialisée destinée aux enseignants préparant le CAPA-SH.

15 () Compte rendu de l’examen, en commission élargie, des crédits de l’enseignement scolaire pour 2012, 26 octobre 2011.

16 () Étude de discipline 1996-1997 – DI – 06.

17 () Compte rendu de l’examen, en commission élargie, des crédits de l’enseignement scolaire pour 2012, 26 octobre 2011.

18 () « La querelle des aides à l’école. Étude comparative et évaluation de « l’aide personnalisée à l’élève » et des « aides spécialisées » à l’enfant », rapport de recherche, Jean-Jacques Guillarmé et Dominique Lucieni, octobre 2009. Les trois échantillons correspondent à une population générale (100 dossiers), à une population d’élèves pris en charge par une aide personnalisée (74 dossiers) et à une population d’élèves bénéficiant d’une aide à dominante rééducative (74 élèves).

19 () Contribution remise le 28 septembre 2011.

20 () Compte rendu de l’examen, en commission élargie, des crédits de l’enseignement scolaire pour 2012, 26 octobre 2011.

21 () « Quels rythmes pour l’École ? », rapport d’information n° 3028 présenté par MM. Xavier Breton et Yves Durand (8 décembre 2010).

22 () « Quelle direction pour l’école du XXI° siècle ? », rapport au Premier ministre, septembre 2010.

23 () Réponse au questionnaire indicatif des corapporteurs pour avis.

24 () Contribution précitée de M. Patrick Vignau, inspecteur de l’éducation nationale.

25 () Selon les termes employés par la circulaire précitée du 17 juillet 2009.

26 () Compte rendu de l’examen, en commission élargie, des crédits de l’enseignement scolaire pour 2012, 26 octobre 2011.

27 () Cf. compte rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/commissions_elargies/cr/C007.asp