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N° 3806

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME VI

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES : AUDIOVISUEL

AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Par Mme Martine MARTINEL,

Députée.

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Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 29).

INTRODUCTION 5

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2012 7

A. FRANCE TÉLÉVISIONS 7

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE 7

C. RADIO FRANCE 8

D. ARTE FRANCE 10

E. L’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA) 12

F. LE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER) 13

G. LE PASSAGE À LA TÉLÉVISION TOUT NUMÉRIQUE 13

II.- LA RÉFORME DE FRANCE TÉLÉVISIONS 15

A. LE BILAN TRÈS NÉGATIF DE LA RÉFORME SE CONFIRME 15

1. Pour le téléspectateur 15

2. Un mode de financement menacé et qui ne garantit pas au groupe la visibilité nécessaire 17

a) Le financement de la suppression de la publicité après 20 heures : une bombe à retardement pour les finances publiques 17

b) La question non résolue de la suppression de la publicité en journée : un facteur d’incertitude majeur pour le groupe 19

c) Un nouveau COM bâti sur une trajectoire financière insincère et hypocrite 19

B. LA POLITIQUE DE LA NOUVELLE DIRECTION : ENTRE INQUIÉTUDE ET DÉCEPTION 21

1. L’entreprise commune : une entreprise en souffrance 21

a) Une nouvelle organisation marquée par un manque de coordination entre les chaînes ? 21

b) Des salariés en manque de repères 24

2. Quel virage prend la stratégie éditoriale ? 24

3. Le développement du numérique : des moyens à la hauteur des enjeux ? 26

4. L’absence de chaîne dédiée à la jeunesse : une grave anomalie 27

5. La modernisation de France 3 : au cœur des priorités de la nouvelle équipe ? 29

6. La mise en valeur du patrimoine audiovisuel : une perspective intéressante pour le service public 31

III.- LA RÉFORME DE L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : FEUILLETON À SCANDALES 33

A. LES ERREMENTS DE LA GOUVERNANCE 33

1. L’absence de contrat d’objectifs et de moyens : un grave manquement 33

3. La nomination de M. Alain de Pouzilhac : une erreur historique ? 35

B. LES INTERROGATIONS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS 37

1. La fusion entre RFI et France 24 : une réforme conduite à marche forcée et dont ni la nécessité ni l’utilité ne sont avérées 37

2. Quel avenir pour TV5 Monde au sein de l’AEF ? 39

3. Rapprocher l’AEF de France Télévisions ? 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

AUDITION DU MINISTRE 43

EXAMEN DES CRÉDITS 67

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 89

INTRODUCTION

Après avoir rapidement analysé les crédits en faveur de l’audiovisuel public pour 2012, la rapporteure pour avis s’attachera à établir un bilan et des propositions concernant les réformes en cours de l’audiovisuel public (France Télévisions et Audiovisuel extérieur de la France).

La loi du 1er août 2000 avait eu pour objectif de stabiliser les attentes de l’État vis-à-vis de l’audiovisuel public, en inscrivant celles-ci dans des documents de cinq ans, les contrats d’objectifs et de moyens (COM), dont l’ambition était d’assigner aux groupes une visibilité suffisante sur leur ligne stratégique et sur le financement qui devait l’accompagner.

S’agissant de France Télévisions, la remise en cause brutale de son modèle économique par la suppression de la publicité quelques mois après la signature du contrat d’objectifs et de moyens 2007-2010 et les changements d’orientation décidés par la nouvelle direction auront plongé le groupe dans une phase sans précédent d’instabilité stratégique, et ce, pour des résultats que la rapporteure pour avis juge plus que discutables. Comme l’a indiqué M. Pascal Rogard, délégué général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), lors de son audition le 28 septembre dernier, « le service public meurt de tous les changements qu’on lui fait subir. »

Alors que la rapporteure pour avis achève la rédaction de son rapport, MM. Patrice Martin-Lalande, rapporteur au nom de la commission des finances des crédits en faveur des médias, et Gilles Carrez, rapporteur général du budget ont annoncé leurs intentions de déposer des amendements destinés à réduire fortement la dotation en faveur de France Télévisions et à revenir sur le principe, inscrit dans le COM, selon lequel le groupe pourra à l’avenir conserver tout excédent de recettes propres par rapport aux prévisions.

Les rapporteurs proposent tout d’abord d’annuler le report, prévu par le présent projet de loi de finances, de 28 millions d’euros de la dotation 2011 à la dotation 2012, alors que ce report est prévu par le COM qui vient d’être adopté avec l’avis favorable des commissions des finances et des affaires culturelles et de l’éducation.

Plus grave encore, il semblerait que le Rapporteur général du budget ait l’intention d’opérer une réduction supplémentaire des crédits inscrits dans le présent projet de loi de finances, au titre des surplus de recettes publicitaires qui n’ont pas été prélevés par l’État dans les années précédentes ! Il s’agirait donc d’une remise en cause totale du principe même du COM et bien évidemment du COM 2011-2015, dont l’élaboration a occupé le groupe et ses tutelles pendant près d’une année et qui vient tout juste d’être adopté. La rapporteure pour avis a eu largement l’occasion de déplorer l’absence de visibilité que la loi de mars 2009 fait subir au groupe sur ses ressources futures. Elle n’avait encore pas envisagé la remise en cause des ressources passées.

La rapporteure pour avis souhaite rappeler que le Rapporteur général du budget a fait preuve d’une orthodoxie budgétaire toute relative lorsqu’il a voté pour la loi supprimant la publicité sur les antennes du groupe France Télévisions, dont l’impact au regard de son coût pour les finances publiques peut être jugé insuffisant et dont l’absence de financement fiable fait peser une menace très lourde sur les finances de l’État, compte tenu du risque très élevé de remise en cause de la taxe « télécoms ». Le souci de rigueur budgétaire impliquerait donc avant tout, aux yeux de la rapporteure pour avis, que le Rapporteur général propose le rétablissement de la publicité après 20 heures, initiative qu’elle soutiendrait.

S’agissant de l’Audiovisuel extérieur de la France, la situation est encore plus grave puisque, au-delà du feuilleton à scandales que constitue l’histoire de l’AEF depuis sa naissance, une réforme fondée sur des choix stratégiques contestés et contestables et dont les bénéfices ne sont pas avérés est conduite à marche forcée, dans la plus grande opacité et le plus grand mépris de la loi qui oblige l’entreprise à adopter un COM, lequel doit être soumis pour avis aux commissions parlementaires compétentes et dont un rapport d’exécution doit être présenté annuellement à ces dernières. L’absence de visibilité sur la stratégie mise en œuvre et son financement met le législateur dans l’incapacité de voter les crédits en faveur de l’AEF dans des conditions acceptables. Le Gouvernement, qui n’y voit pas plus clair, a dû mandater une mission de l’Inspection générale des finances, dont le rapport, malgré des demandes répétées, n’a pas été communiqué aux parlementaires.

La rapporteure pour avis souhaite faire part de ses interrogations sur plusieurs sujets qui lui paraissent d’une gravité et d’une urgence particulière : l’absence de COM et de visibilité sur la situation de l’entreprise, le maintien de M. Alain de Pouzilhac à la tête de l’entreprise, la communication mensongère de la direction, la fusion entre RFI et France 24 et l’avenir de TV5 au sein de l’AEF. Elle souhaite également que la réflexion sur un rapprochement de France 24 avec France Télévisions soit sérieusement approfondie.

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2012

A. FRANCE TÉLÉVISIONS

Conformément au plan d’affaires du projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015, il a été inscrit au projet de loi de finances 2012 une dotation globale de 2 554,5 millions d’euros HT, dont 471,9 millions d’euros proviennent du programme 313 et 2 082,6 millions d’euros du programme 841.

Selon le projet annuel de performance (PAP), « cette dotation est certes supérieure à celle prévue par la loi de finances 2011 (2 492,2 millions d’euros HT), mais elle doit en fait être rapprochée de la nouvelle prévision inscrite au plan d’affaires du projet de COM qui, tenant compte de meilleures perspectives de recettes publicitaires en 2011 et des besoins de financement de l’entreprise en 2012, prévoit un report de crédit de 28 millions d’euros d’un exercice sur l’autre. Dès lors, le montant total de la dotation publique 2012 représente une progression annuelle de 3,7 % par rapport au montant 2011 révisé (2 464,2 millions d’euros HT). » Ce que nous explique le PAP, c’est que l’augmentation des crédits par rapport à 2011 (+ 3,7 %) est plus importante que prévu dans la mesure où la dotation 2011 est moins importante que prévu. En effet cette dernière fait l’objet d’une réduction de 28 millions d’euros qui seront reportés sur la dotation 2012 !

Cette augmentation doit permettre de financer une croissance de 3 % du coût de grille, en raison de la mise en œuvre de la première phase des priorités définies par le projet de COM (renforcement des grilles de France 4 et France Ô, développement des programmes régionaux de France 3 et de l’offre des Outre-mer Première) et du déploiement de la nouvelle stratégie numérique, avec le lancement d’une plateforme d’information continue et le renforcement de la présence de France Télévisions sur tous les nouveaux supports et usages, à travers une offre gratuite et payante.

B. L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE

Dans le présent projet de loi de finances, le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » réunit les crédits attribués à la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) et la participation de la France à la rédaction francophone de la radio franco-marocaine Médi 1 via la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT). Le périmètre du programme n'a pas été modifié par rapport à 2011.

Les crédits du programme 115 s’élèvent à 150,1 millions d’euros.

Ils sont complétés par les crédits de la contribution à l’audiovisuel public du programme 844 « Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure » de la mission « Avances à l’audiovisuel public », qui s’élèvent à 170,3 millions d’euros TTC.

Pour 2012, la dotation globale allouée à l’audiovisuel extérieur, qui réunit les crédits du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » et du programme 844 « Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure », s’établit ainsi au total à 315,2 millions d’euros hors taxes (HT). Elle diminue de 12,3 millions d’euros HT par rapport au montant voté en loi de finances initiale pour 2011, ce qui représente une baisse des crédits de 3,8 % par rapport au montant voté en 2011.

Selon le projet annuel de performances, « cette baisse de la dotation publique s’explique par la réforme en cours de l’audiovisuel extérieur qui commence à produire ses effets. Les charges d’exploitation de l’exercice 2012 de l’audiovisuel extérieur de la France sont prévues à 371,7 millions d’euros, en baisse de 2,9 % par rapport à 2011. » Le président de l’AEF, M. Alain de Pouzilhac, entendu par la rapporteure pour avis le 10 octobre dernier, ne semble pas en accord avec cette analyse puisqu’il estime cette dotation insuffisante pour couvrir les besoins de l’AEF.

Les coûts des grilles de programmes, en baisse de 2,6 %, intègrent le passage de la diffusion de France 24 en arabe 24 heures sur 24. Des économies importantes doivent être réalisées sur les frais de diffusion et de distribution et les frais généraux grâce au rapprochement de RFI, France 24 et TV5 Monde en 2012.

La dotation globale se répartit en :

- une dotation de 308,8 millions d’euros TTC (305,2 millions d’euros HT) destinée à la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) et à travers elle aux sociétés RFI, France 24 et TV5Monde ;

- et une dotation budgétaire de 1,65 million d’euros pour la CIRT et à destination de la radio franco-marocaine Médi1.

C. RADIO FRANCE

La dotation publique allouée à Radio France en 2012 s’élève à 629,8 millions d’euros TTC, dont 602,1 millions d’euros de dotation de fonctionnement et 27,7 millions d’euros de dotation d’investissement (destinée à contribuer au financement du chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France). La progression est de 3,8 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances pour 2011.

Rappelons que l’État et Radio France ont signé le 29 juillet 2010 un contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2010-2014 qui fixe à la société les objectifs suivants :

- renforcer les identités des antennes et développer l’innovation dans les formats radiophoniques, afin de maintenir et, si possible, d’augmenter les audiences de chaque station ;

- conforter l’action musicale et culturelle de Radio France : les chaînes doivent constituer des espaces de culture et de débat, en soutenant la création musicale et les nouveaux talents ainsi que la fiction radiophonique. Les formations musicales, en lien avec France Musique, doivent renforcer leur rôle pédagogique et veilleront à élargir leurs publics. Elles disposeront d’un auditorium dans la Maison de Radio France rénovée, qui sera progressivement mis en service à partir de la rentrée 2013 ;

– développer l’offre de Radio France dans un environnement multimédia : le groupe doit diffuser les programmes des antennes sur tous les supports, en développant les écoutes en direct et en différé, à la demande ou en téléchargement (« podcast »). Les contenus feront également l’objet d’enrichissements, même si la priorité reste donnée au son. Afin de mettre en œuvre cette stratégie, la diffusion se doit d’être aussi large que possible : supports fixes et mobiles, par diffusion hertzienne (analogique ou numérique) ou réseaux de télécommunications (3G et internet) ;

- adapter l’entreprise à l’évolution de l’environnement (par l’évolution des métiers et en particulier la formation), maîtriser l’emploi et les coûts salariaux, négocier un nouvel accord collectif pour les personnels et garantir la promotion de l’égalité des chances.

Enfin, le chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France sera poursuivi. Son achèvement est prévu à l’été 2016. Le respect des délais et des coûts doit être suivi.

Le COM 2010-2014 prévoit un résultat équilibré chaque année de la période, ce qui suppose la maîtrise de l’évolution des charges et le développement des ressources propres dans un contexte d’investissements importants, liés en particulier au chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France. Ceci a été le cas en 2010 avec un résultat net positif de 9 millions d’euros, malgré une hausse des charges d’exploitation (3,6 %) supérieure à la croissance des produits d’exploitation (3,3 %). Ceux-ci comprenaient notamment des recettes de publicité et de parrainage en hausse de 8,9 %, rattrapant pour partie la baisse enregistrée en 2009.

D. ARTE FRANCE

Le COM 2007-2011 et son avenant, actuellement en vigueur, fixent à la société les perspectives de développement et les objectifs de performance suivants :

- renforcer les efforts en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique, française et européenne tout en consolidant son audience, en particulier sur les jeunes actifs ;

- jouer un rôle moteur dans le développement des nouvelles technologies audiovisuelles ;

- améliorer et moderniser sa gestion.

Alors que ce COM 2007-2011, enrichi d’un avenant, touche à son terme, son bilan est globalement positif.

ARTE France a de façon constante accordé la priorité aux investissements dans les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, tandis que la société est reconnue par le secteur de la création comme un soutien précieux notamment pour les projets les plus innovants.

Elle s’est surtout imposée comme une pionnière dans le développement des nouvelles technologies, mises au service de l’innovation et de la créativité audiovisuelles.

Sa gestion a été maîtrisée. L’État a alloué à ARTE France, par un avenant au COM 2007-2011 signé le 17 mars 2011, 9,94 millions d’euros (hors taxes) de dotation publique supplémentaire en 2010-2011 afin de couvrir les frais de diffusion initialement non prévus.

Les résultats en termes d’audience sont cependant contrastés : en deçà des objectifs pour la télévision traditionnelle (environ 10 % de l’audience – contre un objectif à 20 %, accentuation de la sous-représentation parmi les téléspectateurs d’ARTE des CSP – et des 25-49 ans), au-delà pour la télévision sur internet. Les résultats en termes de satisfaction du public sont bons.

L’État et ARTE France ont élaboré un nouveau projet de COM pour la période 2012-2016, qui fixerait les priorités suivantes :

s’affirmer comme le média global de référence pour la culture et la création européenne auprès d’un large public. La stratégie éditoriale pour l’ensemble des genres doit être renouvelée, en veillant à renforcer l’innovation et la liberté créative qui font la singularité de la chaîne. Une attention particulière devrait être portée au ton et à l’écriture des programmes, afin d’en faciliter l’accès au public le plus large possible ;

élargir l’audience et renforcer les liens avec le public. Dès 2012, une nouvelle grille sera lancée, avec un objectif affirmé d’audience. L’offre de journée doit être renforcée et la qualité des programmes de soirée améliorée. La programmation devrait être rendue plus lisible grâce à des rendez-vous réguliers et par son organisation en blocs de programmes stables tout au long de l’année qui faciliteront le repérage pour les téléspectateurs. La programmation de la case d’avant-soirée sera mieux adaptée aux habitudes des téléspectateurs français, avec notamment un journal plus tardif ;

faire évoluer l’offre de services grâce aux nouveaux médias. Les nouveaux médias constituent une opportunité de développement pour ARTE. Au-delà du développement de son offre de rattrapage et l’enrichissement de ses plateformes thématiques de téléchargement sur internet, ARTE pourra expérimenter de nouveaux programmes, destinés dès leur conception à être diffusés à la fois à l’antenne et sur internet ;

continuer à améliorer et moderniser la gestion.

S’agissant du plan d’affaires annexé au projet de COM 2012-2016, il prévoirait une croissance du niveau des ressources publiques de 2,9 % par an en moyenne sur la période.

La priorité serait donnée aux dépenses de programmes et au développement de l’offre sur les nouveaux médias. Les dépenses de programmes progresseraient ainsi en moyenne à un rythme comparable à celui de la ressource publique (+ 2,8 % par an), et les dépenses liées aux nouveaux médias seraient en hausse de plus de 25 % par an sur la période.

En contrepartie, la société s’engagerait à ce que l’acquisition de nouvelles compétences dans les nouveaux médias s’effectue dans le respect de la progression des dépenses de personnels de 2,0 % par an, hormis 2012 où elle pourra progresser jusqu’à 4,4 %. ARTE devrait donc poursuivre une politique de maîtrise de sa masse salariale et de ses effectifs.

Conformément aux prévisions pour l’exercice 2012 issues du projet de COM 2012-2016, la dotation publique allouée à ARTE France s’élève à 270,2 millions d’euros TTC dans le présent projet de loi de finances. Au total, les ressources publiques d’ARTE France progressent de 18,4 millions d’euros TTC par rapport à la loi de finances pour 2011, ce qui représente une augmentation de 7,3 %.

La rapporteure pour avis se félicite de cette progression significative de la dotation publique d’ARTE France en 2012 qui devrait permettre à l’entreprise de mettre en œuvre les priorités identifiées par le projet de COM.

E. L’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA)

En 2012, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) percevra une dotation publique de 93,9 millions d’euros TTC. Les ressources publiques de l'INA progressent ainsi de 2,1 % par rapport à 2011, soit une augmentation de 1,9 million d’euros.

La dotation pour 2012 est conforme à celle prévue dans le COM 2010-2014, à l’exception du versement de 39 millions d’euros d’allocation spécifique pour le projet immobilier prévu par le COM en 2012. La perspective de ce versement a en effet été reportée en 2013, compte tenu du décalage du calendrier du projet.

En 2012, les principaux objectifs stratégiques de l’INA sont :

la sécurité de l’exploitation des archives : afin de garantir à la fois la sécurité des données numériques archivées et la continuité d’exploitation des activités de l’institut en cas d’incident grave du système d’information, le plan informatique dit de « Reprise d’activité » (PRA) est entré dans sa phase opérationnelle en juin 2011. Si le rythme est maintenu, la part des données sécurisées correspondant au flux d’antériorité Vidéo au format Mpeg 2 devrait respecter l’objectif fixé dans le COM pour 2012, à savoir 90 % (75 % à fin 2011) ;

la lutte contre l’obsolescence des supports : l’INA lancera le transfert des programmes conservés sous la forme de Betacam Numériques, HDCAM, HDCAM-SR dans un format fichier informatique de très haute qualité (JPEG 2000) ;

la consolidation de l'activité de formation continue : l’INA doit renforcer les savoir-faire, les compétences et le dispositif commercial de l'offre de formation continue, en poursuivant notamment son travail d'analyse de la demande clients (entreprises, AFDAS, stagiaires) et en anticipant les nouveaux besoins ;

l’insertion professionnelle des diplômés : à la suite de la loi de 2007 sur l’autonomie des universités, l’insertion professionnelle et l’orientation sont devenues les nouvelles missions du secteur de formation initiale de l’INA, comme le souhaitaient les étudiants, aux côtés de la formation et de la recherche. À cet effet, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens intègre un indicateur sur le taux d’insertion professionnelle des diplômés. L’INA doit renforcer sa politique de relation suivie avec les entreprises accueillant des apprentis, des contrats de professionnalisation (BTS et licence professionnelle) et les stagiaires (Masters). Des échanges doivent être formalisés entre les équipes pédagogiques de l’INA et les anciens diplômés. Une base de données regroupant les informations sur l’évolution professionnelle des diplômés est en cours de constitution ;

– la valorisation des collections : le site ina.fr doit poursuivre sa croissance grâce à différents facteurs : l’enrichissement du fonds disponible en ligne, le développement de la plateforme de blogs et de la nouvelle offre photo ainsi qu’une meilleure valorisation des partenariats et des fonds régionaux ;

– l’élargissement des activités du dépôt légal : l’INA poursuivra le dépôt légal du web. Cette activité, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, permet de garder une image fidèle des évolutions du paysage d’internet dans le milieu de l’audiovisuel.

F. LE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE (FSER)

Créé en 1982 comme un élément essentiel de la politique de libéralisation des ondes radiophoniques, le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) est chargé de la gestion de l’aide publique aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication de proximité.

Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) gère les aides dont bénéficient plus de 600 radios associatives.

En 2012, l’effort en faveur des radios associatives se maintiendra à 29 millions d’euros, intégralement consacrés aux radios analogiques. Ce montant de crédits pérennise l’augmentation de 2 millions d’euros intervenue en 2010, afin de tenir compte de l’augmentation du nombre de radios associatives autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en FM depuis plusieurs années.

G. LE PASSAGE À LA TÉLÉVISION TOUT NUMÉRIQUE

Pour 2012, l’action « Passage à la télévision tout numérique » reste présente au sein du programme même si elle ne sera pas dotée de crédits. Il s’agit, selon le projet annuel de performances, « de permettre d’achever les actions d’aide et d’accompagnement pour les régions de métropole passées à la télévision tout numérique au second trimestre 2011 ainsi que pour tous les départements et collectivités d’outre-mer, dans la mesure où une partie des aides budgétées dès 2011 pourra être demandée fin 2011 voire début 2012 et versée en 2012. »

II.- LA RÉFORME DE FRANCE TÉLÉVISIONS

Comme le relevait très justement la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2009 sur France Télévisions et la nouvelle télévision publique, « Au cours des dernières années, la coexistence d’objectifs malaisément conciliables et la multiplicité des initiatives stratégiques se sont traduites par un pilotage heurté, essentiellement politique, qui n’a pas aidé l’entreprise à opérer sa modernisation. C’est-à-dire qu’avant d’être un remède, la réforme entreprise en 2008 et portée par la loi du 5 mars 2009 aura été un symptôme. » Hélas, ce constat se confirme et s’aggrave, puisqu’aux bouleversements engendrés par la loi de 2009 est venu s’ajouter un changement de direction s’accompagnant logiquement de nouvelles orientations stratégiques, notamment sur le plan éditorial, orientations qui au mieux déçoivent et au pire inquiètent.

A. LE BILAN TRÈS NÉGATIF DE LA RÉFORME SE CONFIRME

1. Pour le téléspectateur

En libérant la programmation de l’impératif d’audience, la suppression de la publicité devait permettre d’accroître la différenciation entre l’offre du service public et celle des chaînes privées et d’accentuer le virage éditorial engagé à son arrivée par l’équipe de M. Patrick de Carolis. La réforme devait autoriser le groupe à davantage d’audace et de créativité, en donnant l’opportunité et le temps à des programmes innovants de trouver leur public et de s’adresser au téléspectateur citoyen, au-delà du téléspectateur consommateur.

Dans son rapport sur les crédits du projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis avait cependant mis en évidence les effets limités, voire contre-productifs de la réforme pour le téléspectateur. L’impact nul de la suppression de la publicité sur l’audience se confirme : comme le montrent les données transmises par Médiamétrie à la demande de la rapporteure pour avis, l’érosion et le vieillissement des audiences se poursuivent et s’accélèrent.

Auditoire de France 2 et France 3 en soirée

20 h 35 – 22 h 30

Individus âgés de 4 à 14 ans

Individus âgés de 15 à 24 ans

Individus âgés de 25 à 34 ans

Individus âgés de 35 à 49 ans

Individus âgés de 50 ans et plus

France 2

2008 (du 31/12/2007 au 28/12/2008)

3,9 %

3,9 %

8,9 %

20,2 %

63,0 %

2009 (du 05/01/2009 au 03/01/2010)

4,2 %

3,9 %

8,7 %

20,7 %

62,6 %

2010 (du 04/01/2010 au 02/01/2011)

3,5%

3,9%

7,6%

19,3%

65,7%

2011 (du 03/01/2011 au 30/10/2011)

3,3%

3,4%

7,7%

18,1%

67,5%

France 3

2008 (du 31/12/2007 au 28/12/2008)

4,7 %

4,0 %

7,0 %

16,5 %

67,7 %

2009 (du 05/01/2009 au 03/01/2010)

3,7 %

3,2 %

5,7 %

16,3 %

71,2 %

2010 (du 04/01/2010 au 02/01/2011)

3,5%

3,2%

5,6%

16,4%

71,3%

2011 (du 03/01/2011 au 30/10/2011)

3,0%

3,0%

5,2%

14,6%

74,2%

L’arrêt de la publicité ayant eu lieu le 5 janvier 2009, la première semaine de 2009 n’a pas été prise en compte.

Source : Médiamétrie – Médiamat.

Par ailleurs, aucun bouleversement de la programmation dans le sens d’une plus grande prise de risque n’aura pu être observé alors qu’une amélioration avait été quasi unanimement constatée avant la loi du 5 mars 2009, grâce au virage éditorial lancé par l’équipe de Patrick de Carolis. Dans un rapport de juin 2008 (1), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait souligné « les spécificités des antennes de France Télévisions, qui se distinguent clairement de leurs concurrentes, et qui se sont accentuées avec l’impulsion depuis deux ans d’un « virage éditorial » entrepris par la direction du groupe. »

Dans son rapport sur les crédits du projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis avait même relevé la dégradation de la programmation sur certaines tranches horaires, comme effet collatéral de la suppression de la publicité après 20 heures.

En journée, France Télévisions a joué du maintien de la publicité pour développer fortement ses recettes propres (et ce avec succès) mais en s’appuyant pour ce faire sur une programmation plus commerciale, marquée par une hausse notable des divertissements, en particulier les jeux.

S’agissant de la publicité, la suppression de cette dernière après 20 heures a conduit, selon les informations transmises par le CSA dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, à une augmentation en volume de 12 % de la publicité en journée, avec notamment le transfert de certains annonceurs de la soirée vers la journée. L’augmentation du temps de publicité avant 20 heures a été telle qu’il y a eu plus de publicité sur France 2 en 2010 qu’avant la réforme !

Après 20 heures, selon le baromètre statistique de l’Institut national de l’audiovisuel publié le 14 septembre 2010, la durée des journaux télévisés de 20 heures a été amputée en 2009, et ce au détriment du sport, de la politique et des questions internationales, ce qui correspond à une baisse de près de 52 heures d’information !

En réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis, Mme Françoise Miquel, chef de Mission de contrôle général chargée de l’audiovisuel public, indique qu’« à quelques exceptions près, on n’a pas vu de changements significatifs dans la nature des programmes mis à l’antenne des différentes chaînes ni dans leur programmation. Un examen des grilles des différentes chaînes permet de confirmer cette analyse. On ne peut pas affirmer non plus que les baisses d’audience que connaissent en particulier France 2 et France 3 soient le résultat d’une programmation audacieuse ou plus marquée « service public » qu’avant la suppression de la publicité après 20 heures. »

Comme la rapporteure pour avis aura l’occasion de le développer plus amplement, les orientations éditoriales de la nouvelle direction semblent même aller à l’encontre de l’objectif qui était poursuivi par la suppression de la publicité.

France Télévisions met en avant le fait que « de manière générale, la suppression de la publicité après 20 heures a eu pour principal avantage de permettre aux magazines de deuxième et troisième parties de soirée des chaînes du groupe d’être diffusés beaucoup plus tôt qu’auparavant (de l’ordre de 30 minutes) et ainsi de permettre à un plus grand nombre de téléspectateurs de les suivre. »

Or, le parrainage a beaucoup augmenté, notamment sur la tranche horaire stratégique 20 h 30-21 h 00, au moment où précisément, le téléspectateur est censé être débarrassé des tunnels publicitaires. Ainsi la diffusion successive de bandes annonces et de programmes courts parrainés, en particulier entre 20 h 30 et le début du programme de première partie, a-t-elle reconstitué un nouveau tunnel. Conscient de ce problème, le groupe a adopté une charte du parrainage.

En dépit des engagements pris dans le cadre de la charte destinée à encadrer le parrainage, qui prévoyait que les programmes commenceraient vers 20 h 35, il a été indiqué à la rapporteure pour avis que les programmes commencent en réalité en moyenne plutôt vers 20 h 40 et que les programmes de deuxième partie de soirée étaient également plus tardifs. Cette information n’a pas pu être totalement vérifiée, le groupe France Télévisions n’ayant pas apporté les éclaircissements demandés sur ce point.

Quoi qu’il en soit, selon les informations transmises par Médiamétrie, sur France 2, l’heure moyenne de début des programmes de première partie de soirée au premier semestre 2010 s’est établie à 20h37. Au premier semestre 2011, après l’adoption de la charte par laquelle le groupe s’est engagé à commencer ses programmes vers 20h35, elle est passée à 20h41 au premier semestre 2011 !

2. Un mode de financement menacé et qui ne garantit pas au groupe la visibilité nécessaire

La rapporteure pour avis tient tout d’abord à souligner que le comité de suivi composé de parlementaires et qui devait être chargé d’évaluer la soutenabilité du mode de financement de la réforme, en application de la loi du 5 mars 2009, n’a toujours pas vu le jour.

a) Le financement de la suppression de la publicité après 20 heures : une bombe à retardement pour les finances publiques

Rappelons que la perte de recettes engendrée par la suppression de la publicité après 20 heures est compensée par une dotation budgétaire, qui devait être financée par la création de deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant.

La taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes de télévision est fortement contestée par les chaînes privées qui affirment n’avoir bénéficié d’aucun effet d’aubaine et ont obtenu, à ce titre, plusieurs mesures successives d’abaissement du taux. Ce dernier avait initialement été fixé à 3 %. Cependant, depuis le 1er janvier 2010, et jusqu’à la suppression totale de la publicité sur les chaînes de service public au 1er janvier 2016, le taux de la taxe est fixé à 0,5 %. Le montant des encaissements s’est élevé à 17,8 millions d’euros en 2010 et devrait s’établir à environ 17 millions d’euros en 2011.

S’agissant de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, à la suite d’un recours des opérateurs concernés, la Commission européenne a ouvert, le 28 janvier 2010, une procédure d’infraction contre la France au sujet de cette taxe, qu’elle juge incompatible avec le droit communautaire, confirmant ainsi le risque signalé au Gouvernement au moment de l’examen du projet de loi. La Commission a adressé le 30 septembre 2010 aux autorités françaises un avis motivé demandant l’abrogation de la taxe, auquel la France a répondu le 29 novembre 2010. L’État français ayant refusé de supprimer cette taxe, le 14 mars 2011, la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui poursuit l’instruction sur la base du manquement d’État. Si la CJUE confirme l’analyse de la Commission, décision qui ne devrait pas intervenir avant fin 2012, l’État devra rembourser aux opérateurs l’ensemble des sommes prélevées… Pour mémoire, les recettes encaissées en 2009 s’élèvent à 186 millions d’euros, le montant des encaissements pour 2010 s’élève à 255 millions d’euros. La prévision de recettes pour 2011 et 2012 est de plus de 250 millions d’euros.

Dans le contexte budgétaire que connaît notre pays et au regard de l’impact de la mesure, il est important d’avoir à l’esprit que la suppression de la publicité est donc en partie financée par l’accroissement du déficit et le creusement de la dette. Elle fait en outre peser un risque très important sur les finances de l’État dans l’hypothèse où ce dernier serait contraint de rembourser les montants de taxe perçus sur les opérateurs de communications électroniques.

Au surplus, on ne peut que s’inquiéter de la menace qu’un tel scénario ferait peser à son tour sur le financement de l’audiovisuel public.

S’agissant de la compensation versée à France Télévisions, rappelons que le Gouvernement s’était engagé à garantir son montant au niveau prévu par le nouveau plan d’affaires. Or, cette dernière a fait chaque année l’objet d’une réduction au profit du budget de l’État au motif que le groupe dégageait des « surperformances publicitaires ». Cette année encore, la réfaction sera de 28 millions d’euros. Cette pratique est devenue si habituelle que le COM 2011-2015 présente comme une immense concession, l’engagement de l’État de laisser le groupe disposer de ses éventuels surplus de ressources propres !

b) La question non résolue de la suppression de la publicité en journée : un facteur d’incertitude majeur pour le groupe

Alors que le financement de la suppression de la publicité après 20 heures n’est pas assuré et qu’aucun mode de financement n’a jamais été envisagé afin de compenser la suppression de la publicité en journée, de nombreuses voix se sont élevées, notamment au sein de la majorité, afin de maintenir la publicité en journée. La loi de finances pour 2011 a prévu un moratoire jusqu’à fin 2015 pour des raisons budgétaires.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis et certains membres de la majorité de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée ont déposé des amendements de maintien définitif de la publicité en journée pour garantir au groupe la visibilité dont il a besoin. Cette proposition, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement, a été adoptée à l’Assemblée mais rejetée par le Sénat et n’a pas été retenue par la commission mixte paritaire.

Comme elle a eu l’occasion de le dire dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis estime que ce moratoire constitue un compromis hypocrite et irresponsable.

Hypocrite, parce qu’il a pour seul objet de temporiser et de « sauver la face » en ne revenant pas sur le principe alors que tout le monde sait que le financement de cette mesure constitue une équation budgétaire d’autant plus insoluble que la majorité se refuse à augmenter la redevance et qui ne le sera pas moins en 2015…

Irresponsable, parce qu’elle maintient France Télévisions et sa régie publicitaire dans une situation d’incertitude totale sur leur avenir et leur modèle économique.

Le groupe de travail « Copé-Tabarot » sur l’avenir de la publicité sur France Télévisions avait d’ailleurs préconisé le maintien de la publicité et l’organisation d’un pôle commercial structuré autour d’une régie publicitaire dont les perspectives auraient été clarifiées. Selon M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions publicité, entendu par la rapporteure pour avis le 4 octobre dernier, faute de visibilité sur l’avenir des recettes publicitaires et de la régie, ce projet est fatalement resté lettre morte.

c) Un nouveau COM bâti sur une trajectoire financière insincère et hypocrite

Le nouveau président de France Télévisions, qui a pris ses fonctions à la fin août 2010, a demandé à bénéficier de la possibilité de négocier un nouveau COM pour la durée de son mandat, soit jusqu’en 2015, en exprimant le souhait d’une visibilité suffisante sur l’évolution du financement du groupe.

Il convient d’abord de souligner que les documents fournis à l’appui du COM sont difficilement exploitables voire inexploitables en raison de l’absence de chiffrage précis et détaillé du plan d’affaires (ce dernier, qui explicite 5 années de financement d’un groupe financé à hauteur de plus de 2,5 milliards par des deniers publics, tient en un maigre tableau) mais aussi de l’imprécision des différents indicateurs.

Plan d’affaires 2011-2015 (en M €)

Les divers coûts de fonctionnement et d’investissement ne sont pas précisés.

Le mode d’évaluation des recettes propres n’est pas explicité, ce qui met la représentation nationale dans l’incapacité de porter un jugement sur la soutenabilité de la trajectoire financière et sur le niveau de recettes publiques dont le groupe a besoin pour accomplir sa mission. La rapporteure pour avis a été surprise de constater que la régie publicitaire de France Télévisions n’a pas été consultée sur les prévisions de recettes publicitaires, contrairement à l’usage, comme le lui a indiqué M. Philippe Santini, directeur général de ladite régie. La prévision de recettes publicitaires est présentée comme « volontariste » par le Gouvernement. Rappelons en effet que le groupe est confronté à une chute importante de ses audiences qui ne sera pas sans répercussion sur le tarif des écrans publicitaires, à une conjoncture économique défavorable et à la perspective de l’arrivée de six nouvelles chaînes sur la TNT.

Surtout, une difficulté majeure hypothèque l’ensemble du COM : l’absence totale de visibilité liée à la suppression de la publicité en journée prévue par la loi.

En tout état de cause, la prévision de recettes publicitaires apparaît manifestement insincère. La perspective de suppression de la publicité en journée devrait en effet entraîner une diminution mécanique des investissements des annonceurs au moins dans les deux années précédant la disparition de la publicité, comme ce fut le cas l’année précédant la suppression de la publicité en soirée. On peut dès lors s’étonner de constater que le COM prévoit une augmentation linéaire des recettes publicitaires ! Comble d’hypocrisie, selon la Direction du budget et M. Philippe Santini, la trajectoire financière a tout simplement été établie comme si la publicité en journée était maintenue, solution à laquelle le Gouvernement s’est opposé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 !

Il faut se plonger dans une lecture attentive du COM pour s’apercevoir qu’une « clause de rendez-vous » est prévue en 2013 afin de réévaluer les perspectives de recettes publicitaires, en fonction des décisions qui seront prises concernant la publicité en journée. Bref, une chose est sûre, si l’objectif d’un COM est bien d’apporter de la visibilité au groupe, on ne voit pas bien à quoi sert le COM 2011-2015.

B. LA POLITIQUE DE LA NOUVELLE DIRECTION : ENTRE INQUIÉTUDE ET DÉCEPTION

1. L’entreprise commune : une entreprise en souffrance

a) Une nouvelle organisation marquée par un manque de coordination entre les chaînes ?

Selon le rapport de la « commission Copé » en 2008, la nouvelle organisation devait « conduire à la création d’unités de programme de média global transversales, couvrant l’ensemble des genres proposés par l’entreprise. Chaque unité couvrant transversalement les besoins des chaînes et des supports (…). Les unités de programme permettront de rationaliser les commandes par genre, d’harmoniser la programmation des chaînes premiums et des chaînes de complément ainsi que de faire émerger des univers autour des programmes sur l’ensemble des supports existants ou à venir. »

Au moment de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, et au vu notamment des préconisations du rapport de la « commission Copé », les auteurs et producteurs avaient clairement mis en garde contre le risque de mise en place d’un « guichet unique » pour la commande de programmes. Jusqu’alors, des guichets distincts existaient chaîne par chaîne sans spécialisation particulière, ce qui, selon les auteurs et les producteurs, garantissait une certaine diversité des responsables ayant les uns et les autres des regards et des appréciations artistiques différentes et évitait que de mauvaises relations avec un responsable dans une chaîne n’interdisent définitivement à un auteur l’accès au service public.

Conformément aux préconisations de la Commission « Copé », la nouvelle organisation mise en place le 4 janvier 2010 a consisté notamment à regrouper les activités métier présentes dans chaque chaîne au sein de directions transverses. S’agissant des programmes, les unités par genre de chaque chaîne ont été fédérées au sein d’une direction des programmes « groupe ». Il y a donc eu une « recentralisation des décisions » avec par exemple un seul responsable de la fiction pour France Télévisions, un seul responsable pour les documentaires, les magazines etc.

À son arrivée à la présidence de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin a annoncé que certaines modifications devaient être apportées à l’organisation du groupe, à commencer par la suppression du « guichet unique » et une « re-décentralisation » des responsabilités, notamment éditoriales, qui passe par la nomination de « patrons » à la tête des différentes chaînes, sur le modèle de Radio France.

Ces modifications, opportunes dans leur principe, ont obligé l’entreprise à subir de nouveaux bouleversements, alors même que les défauts de l’organisation mise en place avaient été signalés bien en amont par les auteurs et producteurs.

Cependant, la rapporteure pour avis a été surprise par la complexité de la nouvelle organisation interne de France Télévisions et la lenteur de sa mise en place. La réorganisation s’installe progressivement depuis l’arrivée de M. Rémy Pflimlin. Ont ainsi été créés, en août 2010 :

- quatre directions générales déléguées : Gestion, finances et moyens ; Ressources humaines, organisation et communication interne ; Stratégie et développement numérique ; Programmes ;

- deux directions générales adjointes : Rédaction et magazines d’information ; Sports ;

- un secrétariat général (relations institutionnelles, communication externe et marketing image, relations internationales, pilotage de la responsabilité sociétale de l’entreprise) ;

- cinq directions de chaînes.

Les fonctions support ainsi que les fonctions technologiques et de fabrication restent mutualisées.

En réponse au questionnaire budgétaire, le groupe France Télévisions indique que « Les chaînes sont ainsi clairement identifiées, et comprennent en leur sein les fonctions les plus caractéristiques : fonctions d'antenne, unités de programmes, communication sur les programmes. Dans cette organisation maintenant effective, les rôles de chacun ont été précisés :

– à la direction générale déléguée aux programmes revient un rôle d’impulsion, de coordination, de développement de l’innovation et d’harmonisation dans le cadre de la politique de programme définie par le plan stratégique ;

– aux directions de chaînes reviennent les choix des programmes, les engagements des émissions, la construction des grilles et la responsabilité des coûts de grille. »

Si l’on peut se féliciter de la suppression du guichet unique, il y a sans doute un équilibre délicat à trouver entre décentralisation et logique d’entreprise commune.

La rapporteure pour avis s’interroge notamment sur la pertinence de la « double casquette » de M. Bruno Patino, à la fois directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie et directeur de France 5, et surtout celle de Mme Emmanuelle Guilbart, qui cumule les fonctions de directrice générale déléguée aux programmes et de directrice de France 4. Alors qu’il y a désormais des directeurs à la tête de chaque chaîne et que la présidence a souhaité redonner une totale maîtrise et autonomie des programmes à chacun, se pose la question de savoir quel est précisément le rôle d’une directrice générale déléguée aux programmes de France Télévisions.

Les représentants syndicaux de France Télévisions, entendus par la rapporteure pour avis le 3 octobre dernier, ont qualifié cette fonction de « coquille vide » et regretté la trop grande décentralisation des responsabilités, qui aurait quelque peu « cassé la logique d’entreprise commune » et même mis les chaînes en concurrence les unes avec les autres.

Une « coordination insuffisante entre les chaînes », c’est le constat qu’a également dressé M. Christophe Massie, vice-président chargé de la fiction à la Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia, lors de son audition le 4 octobre dernier.

Enfin, M. Jean-Louis Missika, sociologue, spécialiste des médias, entendu par la rapporteure pour avis le 4 octobre, a exprimé une critique plus globale de la création d’une entreprise commune : « La méga-fusion était une fausse bonne idée. On a créé une couche supplémentaire de décision sans supprimer les échelons intermédiaires que sont les responsables des chaînes et les responsables des programmes dans les chaînes. La réforme a introduit beaucoup de complexité et entraîné une dilution de responsabilité qui atteint un niveau préoccupant. »

b) Des salariés en manque de repères

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis avait relevé le malaise provoqué par la réorganisation de France Télévisions en société unique pour de nombreux salariés.

La nouvelle direction du groupe avait pris très au sérieux la difficulté des salariés à s’adapter à « l’entreprise unique » : changements de caps permanents, réorganisations internes de grande ampleur, incertitudes sur les objectifs stratégiques du groupe et son mode de financement. « Que les salariés soient désorientés, on l’a constaté rapidement », avait reconnu M. Patrice Papet, directeur général délégué à l’organisation, au dialogue social et aux ressources humaines (2). Une direction de la prévention des risques liés au travail, y compris les risques dits psychosociaux, avait d’ailleurs été créée en urgence. Surtout, la clarification de l’organisation de la société était devenue le chantier prioritaire, selon Patrice Papet : « Il faut que l’on remette des repères pour que les gens retrouvent du sens à leur action. »

Alors que le malaise règne toujours au sein de l’entreprise, depuis que ses entités, aux cultures et aux modes de fonctionnement différents, sont sommées de fonctionner ensemble et de s’adapter à une réorganisation incessante, le nouveau COM consacre un volet entier à l’ambition de faire de l’entreprise commune un modèle d’organisation responsable et met en avant la création d’une direction de la santé et de la qualité de vie au travail. Espérons que cette création puisse véritablement faire progresser les conditions de travail à France Télévisions et ne serve pas d’instrument d’affichage ou d’alibi.

2. Quel virage prend la stratégie éditoriale ?

Au moment de sa nomination, le nouveau président semblait avoir pour mot d’ordre « le rajeunissement de l’audience ». Afin de ne pas heurter de trop les téléspectateurs du service public qui, faute de pouvoir rajeunir, auraient pu se sentir stigmatisés, un glissement sémantique s’est opéré au profit d’un objectif plus rassembleur qui est de « fédérer tous les publics ».

Si le COM est pavé de belles intentions, telles que « créer du lien entre nos concitoyens et de l’imaginaire collectif » mais aussi et surtout « fédérer tous les publics autour d’une offre complète et diversifiée », la programmation mise en place par la nouvelle direction ne semble pas, loin s’en faut, « fédérer tous les publics », au regard des résultats d’audience décevants, pour ne pas dire catastrophiques, enregistrés depuis l’été et singulièrement depuis la rentrée. En septembre dernier, alors que la part d’audience de M6 a augmenté et que celle de TF1 s’est maintenue par rapport à septembre 2010, la part d’audience de France 3 a chuté à 9,4 %, contre 10,2 % en septembre 2010 et celle de France 2 s’est établie à 13,5 %, contre 15,2 % en 2010.

On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace et une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement ambitieuse et exigeante. La nouvelle programmation a d’ailleurs été unanimement critiquée par la presse, du Figaro au Monde en passant par Libération.

Le 7 août dernier, M. François Jost, historien des médias et professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle, s’indignait sur son blog de la nouvelle politique éditoriale de France Télévisions : « Quand on garde en tête que la suppression de la publicité après 20 heures s'est accompagnée d'une refonte du cahier des charges prônant notamment un "nouvel engagement" culturel, on peut, en tant que téléspectateur, être en colère. (...) L’ambition culturelle a cédé la place à une préoccupation « marketing » : faire jeune, ramener les 15-34 ans devant le téléviseur familial. » Dans un article du 1er octobre 2011 et sur la base d’un décryptage minutieux des nouvelles grilles de programme, le quotidien Le Monde parlait même de « racolage public ».

Hélas, le risque de vouloir tout changer pour justifier le changement n’a peut-être pas été évité. Comme l’a relevé M. Jean-André Yerlès, président de la Guilde des Scénaristes, auditionné le 3 octobre, « à chaque changement d’équipe, on nettoie ce qui a été fait avant pour montrer qu’on est tout neuf. »

Dans un article intitulé « Le service public à la dérive, une télévision décérébrée », publié dans Le Monde du 11 octobre, M. Dominique Fournier, ancien directeur des programmes et de l’antenne de TV5 et ancien directeur délégué de l’action culturelle à France Télévisions déplorait que la nouvelle équipe ait fait disparaître de la grille de rentrée l’essentiel des émissions à caractère culturel.

La direction de France Télévisions répond qu’il convient, s’agissant du service public, de ne pas avoir les yeux rivés sur les chiffres d’audience, le groupe étant largement libéré de cette contrainte depuis la suppression de la publicité. Or, le COM se fixe bien l’objectif de « mesurer l’ouverture à tous par des indicateurs d’audience ». À France Télévisions, on ne mesure pas l’audience mais « l’ouverture à tous ».

On ne peut d’ailleurs pas exclure que la baisse récente de l’audience vienne au contraire sanctionner une volonté trop forte d’augmenter cette dernière : l’expression « fédérer tous les publics » ne s’assimile-t-elle pas finalement à un objectif d’audience ? Comme l’a indiqué Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, lors de son audition par notre Commission des affaires culturelles le 11 octobre dernier, « ceux qui essaient de rajeunir leur audience vont perdre les plus vieux, sans atteindre les jeunes. »

3. Le développement du numérique : des moyens à la hauteur des enjeux ?

Selon l’exposé des motifs de la loi du 5 mars 2009, l’un des objectifs majeurs de la réforme de l’organisation de la télévision publique était de favoriser l’émergence d’un « média global ». La loi sur le nouveau service public audiovisuel élève cette dimension en priorité stratégique du groupe, et même en obligation.

Au-delà du discours et de la nomination d’un responsable identifié sur ce sujet, la rapporteure pour avis avait relevé l’an dernier qu’il s’agissait d’une « priorité » qui ne faisait l’objet d’aucun financement identifié, excepté les économies, non chiffrées, susceptibles d’être dégagées par l’entreprise commune. Les auditions menées par la rapporteure pour avis avaient d’ailleurs confirmé l’important retard pris par France Télévisions en ce domaine. Rappelons que le service de télévision de rattrapage du groupe (Pluzz.fr) n’a vu le jour qu’à l’été 2010…

Le nouveau COM, à l’instar du précédent, fait du média global un axe prioritaire. Selon le groupe, « le développement du numérique occupera une place centrale dans la stratégie du groupe, sur le plan éditorial comme en termes de technologies et d’investissements. Sans oublier le plan de formation associé. La démarche consiste à intégrer le numérique en amont des décisions, dès la conception des programmes. L’objectif est que France Télévisions devienne éditeur dans les domaines où jusqu’à présent il était simple diffuseur. »

Si, au-delà des ambitions affichées, le groupe souhaite véritablement prendre le virage du « média global », la rapporteure pour avis avait estimé qu’il convenait que le nouveau COM prévoie cette fois un financement à la hauteur des besoins.

Or, l’enveloppe initiale consacrée à l’offre numérique ne sera que de 55 millions d’euros en 2011 et devrait atteindre 125 millions d’euros en 2015, date à laquelle le numérique aura sans doute encore acquis une importance encore plus capitale. Cet effort est donc très décevant au regard des enjeux, de la priorité affichée et des quelque 300 millions d’euros consentis dès à présent par la BBC dans le même domaine. Comme l’a également souligné M. Jean-Louis Missika, sociologue, spécialiste de la télévision, auditionné le 4 octobre dernier, à France Télévisions, 115 personnes sur 11 000 salariés travaillent sur le numérique, alors qu’un millier de personnes s’y consacrent à la BBC. L’avenir étant clairement dans le développement numérique, M. Jean-Louis Missika en déduit que la faiblesse des moyens attribués au numérique peut entraîner à terme la mort de l’audiovisuel public.

4. L’absence de chaîne dédiée à la jeunesse : une grave anomalie

Le 18 avril dernier, dans un entretien au Monde Télévisions, Mme Emmanuelle Guilbart s’efforçait de justifier la nouvelle politique éditoriale de la manière suivante : « ce n’est ni du jeunisme, ni du marketing. Nous avons un public solide que nous ne voulons pas perdre. Mais les chiffres montrent froidement que nous nous sommes coupés d’un certain public. Notre mission est aussi de ne pas exclure les enfants et les jeunes de la télévision publique. » Si le service public souhaite toucher tous les publics, force est de constater qu’il ne fait guère d’effort pour toucher les moins de 15 ans.

Dans son avis sur les crédits de l’audiovisuel public du projet de loi de finances pour 2011, la rapporteure pour avis avait souligné l’anomalie que constitue l’absence d’une chaîne dédiée à la jeunesse (les 4-15 ans) alors que la plupart des grands groupes de service public européens se sont dotés d’une chaîne dédiée. C’est le cas de la ZDF et de l’ARD en Allemagne, de la BBC en Grande-Bretagne, de la RAI en Italie et de la RTVE en Espagne.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis préconisait la transformation de France 4 en chaîne spécifiquement dédiée à la jeunesse, d’autant qu’était alors évoquée la revente au groupe Lagardère, propriétaire à 66 % de Gulli, des parts détenues par France Télévisions dans la chaîne (34 %).

Cette proposition lui paraissait en totale cohérence avec le triple objectif de renforcement de la mission de service public de France Télévisions, de rajeunissement de l’audience du groupe et de réaffirmation de l’identité de la chaîne, France 4 demeurant, à juste titre, la chaîne la plus critiquée pour son absence d’identité affirmée.

On ne peut que regretter l’insuffisante implication du service public dans une mission fondamentale, notamment à l’ère de la révolution numérique, qui est la mission éducative. Le rapport de la Commission famille, éducation aux médias de mars 2009 avait estimé que se posait la question de « l’offre destinée à la jeunesse, qui pour le CSA a toujours constitué un volet important de la protection de l’enfance. D’après une étude réalisée par S. Livingstone dans le cadre du projet « EU Kids Online », plus il existe une offre de programmes adaptés aux enfants, en télévision ou en ligne, plus les enfants se saisissent de cette offre et sont moins enclins à aller vers des activités à risques. Or les programmes jeunesse ne constituent actuellement que 20 % des programmes regardés par les 4-10 ans, et dans les 100 meilleures audiences réalisées sur cette population en 2008, six concernent des programmes déconseillés aux moins de 10 ans. Cet enjeu du maintien d’une offre adaptée en télévision, et de la vigilance des parents quant à la consommation de leurs enfants, est donc toujours très important. »

La rapporteure pour avis estime qu’il s’agit là d’une des missions les plus incontestables du service public audiovisuel. Les programmes jeunesse sont en effet délaissés par les chaînes privées en l’absence d’enjeu publicitaire. C’est précisément parce que le marché publicitaire n’est pas suffisant sur cette cible que Gulli évolue de plus en plus vers une programmation de chaîne familiale, qui attire davantage les annonceurs.

Dans son rapport du 28 mars 2008 sur la programmation de France Télévisions, le CSA avait fait le constat que « l’offre jeunesse de France Télévisions ne répondait qu’imparfaitement aux attentes que ce public et les parents sont en droit d’attendre ». Cette dernière s’est réduite au fil des ans, sous la pression des exigences d’audience, pour s’uniformiser et se concentrer uniquement dans les matinées.

Soulignons par ailleurs que si cette situation singulière devait perdurer, c’est toute la filière de création de programmes jeunesse en France qui pourrait être fragilisée, alors qu’il s’agit d’un domaine dans lequel la France excelle, avec une production de qualité, comme l’avait souligné Mme Véronique Cayla, alors présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée, lors de son audition en octobre 2010.

Dans le cadre de la sixième édition de Kids TV Report qui dresse un bilan de la consommation de télévision des enfants au premier semestre 2011, Johanna Karsenty, responsable d’études chez Eurodata TV Worldwide, souligne d’ailleurs que « les chaînes jeunesse de la TNT remportent toujours plus de succès en Europe. Si les nouveaux modes de visionnage des programmes TV sont en pleine expansion, notamment auprès des jeunes, les chaînes jeunesse continuent à gagner des parts de marché ». Les chaînes jeunesse gratuites de la TNT sont les grandes gagnantes dans tous les pays étudiés. Au Royaume-Uni, CBBC et CBeebies, les deux chaînes jeunesse du groupe BBC, maintiennent leur leadership et continuent à gagner des parts de marché auprès des jeunes âgés de 4 à 15 ans.

S’agissant de la pertinence de la mission assignée à France 4 de toucher un public « jeune » (entre 15 et 40 ans !), la rapporteure pour avis souhaite citer Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, lors de son audition par la Commission des affaires culturelles le 11 octobre dernier : « Grâce au site internet et à la télévision de rattrapage, les mêmes émissions peuvent être diffusées sur la télévision et sur l’ordinateur. Elles sont donc susceptibles de toucher des gens qui ne regardent plus beaucoup la télévision classique. Et il est vrai que si, sur la TNT, la moyenne d’âge du public est d’un peu moins de 60 ans, elle est de 40 ans pour les mêmes programmes diffusés sur internet. La conclusion est simple : ce ne sont pas les programmes qui attirent un public jeune ou vieillissant, mais les supports. Il ne sert donc à rien de tenter de toucher les plus jeunes sur la télévision classique : ils sont déjà partis ailleurs. »

Lors de son audition le 4 octobre dernier, M. Jean-Louis Missika a estimé que la mission de France 4 était perdue d’avance. La cible visée est en effet la plus disputée par les chaînes privées, celle dont le lien avec le service public est le plus ténu et dont la consommation de médias se fait avant tout sur internet.

Pour mémoire, l’âge moyen des téléspectateurs de France 4 est passé de 39,6 ans entre septembre 2006 et avril 2007 à plus de 44 ans depuis septembre 2010.

La rapporteure pour avis se réjouit que son idée ait fait florès puisque tant le programme du parti socialiste que celui de l’UMP pour la culture prévoient la création, dans le cadre du service public de l’audiovisuel, d’une chaîne jeunesse gratuite et de qualité. On ne peut que s’étonner et déplorer que cette dimension figure dans le programme de la majorité sans avoir été prise en compte dès le présent COM.

D’autant que le groupe France Télévisions semble avoir pris conscience de l’anomalie que constitue l’absence de chaîne consacrée à la jeunesse. La direction de France Télévisions a reconnu, lors de son audition le 19 septembre dernier, que le bilan de Ludo était tout à fait mitigé, les téléspectateurs ayant des difficultés à comprendre la dispersion des programmes sur les différentes antennes et, comme l’a reconnu Mme Emmanuelle Guilbart elle-même, les enfants ont tendance à aller vers une chaîne qui leur est dédiée.

La piste privilégiée par France Télévisions est le rachat des parts du groupe Lagardère dans la chaîne Gulli. Cette idée séduisante ne paraît pas réaliste à court ou moyen terme, compte tenu des contraintes budgétaires de l’État et de ce que les représentants du groupe Lagardère ont indiqué à la rapporteure que le groupe serait très volontiers acheteur des parts de France Télévisions dans la chaîne mais certainement pas vendeur des siennes.

5. La modernisation de France 3 : au cœur des priorités de la nouvelle équipe ?

La rapporteure pour avis se félicite de l’engagement du nouveau président de France Télévisions de réaffirmer fortement l’identité de France 3, qui ne doit pas être alimentée, comme cela a pu être le cas, par les programmes dont la qualité paraît insuffisante pour France 2, vitrine du groupe, au risque pour cette chaîne de continuer à perdre des parts d’audience et même de disparaître.

Si l’objectif de renforcer l’image et l’identité régionale de France 3 est parfaitement louable et légitime, l’unique indicateur associé à cet objectif dans le contrat d’objectifs et de moyens est on ne peut plus flou puisqu’il s’agit de la part de « l’offre régionale dans l’offre et la consommation de France 3 » sur une tranche horaire particulièrement large (entre 6 heures et 25 heures). Il est indiqué que l’offre sera mesurée en coût horaire des programmes mais que l’indicateur sera précisé par France Télévisions. L’objectif est une augmentation de 20 % de l’offre régionale dans l’offre de France 3 sur la durée du COM. Le problème est que le COM ne définit pas ce qu’est l’offre régionale. Au vu du contenu du paragraphe 1.2.2.3 intitulé « France 3 : une chaîne en régions », on peut penser qu’une offre nationale dans laquelle les régions sont prises en compte ou encore une offre nationale produite en régions pourraient être assimilées à une offre régionale. Ainsi que le souligne le COM, « plusieurs programmes nationaux peuvent être alimentés par des sources régionales : utilisation de reportages locaux, présence d’animateurs reconnus de l’antenne de proximité, d’images de la région, délocalisation (ou itinérance) du plateau etc., tous ces éléments visant à mettre en valeur la richesse des spécificités régionales. » Selon cette définition, il n’y a guère que les séries américaines qui ne pourraient venir enrichir l’offre régionale. C’est pourquoi la rapporteure pour avis appelle de ses vœux une clarification de l’objectif d’augmentation de l’offre régionale sur France 3.

Par ailleurs, au regard de la volonté affichée de redonner plus de crédit à cette chaîne, on ne peut que déplorer qu’elle soit la dernière à passer en haute définition, selon les prévisions du COM, alors qu’elle demeure la deuxième chaîne du service public.

Enfin, la réforme de France Télévisions et sa transformation en entreprise unique se sont accompagnées d’une réorganisation importante du réseau régional de France 3 intervenue en janvier 2010. La réorganisation du réseau repose sur le regroupement des 13 directions régionales en quatre « pôles de gouvernance » afin de rationaliser et de mutualiser les moyens humains et financiers. La « Commission Copé » pour une nouvelle télévision publique avait préconisé la création de sept pôles régionaux. Cette idée ayant été rejetée par le Président de la République, France Télévisions a mis en place quatre pôles de gouvernance :

- un pôle basé à Rennes, qui regroupe les anciennes régions de France 3 Ouest, Normandie et Centre ;

- un pôle basé à Bordeaux, qui coiffe les régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Limousin et Poitou-Charentes ;

- un pôle basé à Marseille, qui coiffe les régions PACA, Auvergne et Rhône-Alpes ;

- et un pôle basé à Strasbourg, qui englobe les régions Alsace-Lorraine, Champagne-Ardennes et Nord-Picardie.

Parallèlement, les 24 rédactions régionales sont devenues des « antennes de proximité ». L’objectif affiché par la direction du groupe était de renforcer les liens de proximité de la chaîne avec ses téléspectateurs.

Le 12 juillet 2010, lors de son audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Rémy Pflimlin, dont la nomination en qualité de président de la société France Télévisions était envisagée par le Président de la République, avait annoncé qu’il redéfinirait les territoires de référence afin de renforcer leur pertinence. « Je compte y travailler, avec les équipes, en m’appuyant sur les rapports disponibles, » avait-il déclaré. Or, lors de son audition par la rapporteure pour avis, M. Pflimlin a indiqué que la redéfinition des territoires de référence n’était plus à l’ordre du jour.

6. La mise en valeur du patrimoine audiovisuel : une perspective intéressante pour le service public

Sans aller nécessairement vers la création d’une chaîne totalement consacrée au patrimoine, la rapporteure pour avis estime souhaitable que le service public s’investisse davantage dans la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, d’autant que sa numérisation a fait l’objet d’un financement ambitieux à travers le grand emprunt. Il s’agit là d’une source de contenus d’une très grande richesse et d’une très grande diversité dans laquelle il serait regrettable que le service public ne puise pas davantage et dont la mise en valeur ne saurait relever que de l’Institut national de l’audiovisuel, même si ce dernier s’acquitte avec succès de cette mission, comme en témoigne le succès de son site ina.fr. Car ces émissions, qui pour la plupart ont été diffusées une seule et unique fois, sont aujourd’hui pratiquement inédites pour 70 à 95 % des téléspectateurs, toutes générations confondues.

Dans le cadre de sa politique de développement numérique et notamment dans la perspective de l’arrivée de la télévision connectée, il serait hautement souhaitable que France Télévisions noue un partenariat ambitieux avec l’INA afin de renforcer son rôle de mise en valeur du patrimoine audiovisuel et tisse des liens entre les programmes d’aujourd’hui et les programmes d’hier. On pourrait envisager par exemple que lors de la diffusion d’un téléfilm sur la vie de Marguerite Duras, des liens permettent de visionner d’autres émissions sur l’auteur, ses films, ses interviews télévisées etc. Il ne s’agit pas seulement de faire revivre ces programmes pour le seul plaisir de quelques anciens téléspectateurs nostalgiques, mais d’en faire profiter toutes les générations.

III.- LA RÉFORME DE L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE : FEUILLETON À SCANDALES

L’audiovisuel extérieur reposait jusqu’en 2008 sur trois opérateurs principaux : une entreprise multilatérale (TV5), une société nationale de programmes (Radio France Internationale) et une filiale à parité de TF1 et France Télévisions (France 24), chacune dotée de sources de financement, de procédures budgétaires et de modes d’exercice de la tutelle de l’État distincts.

L’objectif de la réforme en cours de l’audiovisuel extérieur de la France (création de la holding AEF) était d’améliorer le pilotage de la politique audiovisuelle extérieure, de lui donner plus de cohérence en mettant notamment en place des synergies entre les opérateurs (RFI, TV5, France 24).

L’interminable série de scandales (le dernier en date étant la démission de M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24) que constitue la mise en place de la réforme a conduit la Commission des affaires culturelles et de l’éducation et la Commission des affaires étrangères à créer une mission d’information en février dernier. Cette dernière n’a toujours pas rendu ses conclusions alors qu’elle devait achever ses travaux en juillet dernier. La rapporteure pour avis souhaite formuler plusieurs observations et interrogations au vu des éléments inquiétants portés à sa connaissance lors des auditions menées dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de finances, de l’incapacité dans laquelle se trouve la représentation nationale à voter, dans des conditions acceptables, les crédits en faveur de l’AEF et de l’empressement avec lequel la direction s’acharne à mettre en œuvre une fusion contestable entre RFI et France 24 alors même que la mission d’information avait exigé qu’aucune décision irréversible ne soit prise tant qu’elle n’aurait pas rendu ses conclusions.

A. LES ERREMENTS DE LA GOUVERNANCE

1. L’absence de contrat d’objectifs et de moyens : un grave manquement

La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a fait d’AEF une société nationale de programmes. En tant que telle, l’AEF est soumise aux dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dont l’article 53 prévoit la conclusion d’un COM entre l’État et la société. Rappelons enfin que, conformément aux dispositions de la loi n° 86-1067 précitée, le président de l’AEF devrait présenter chaque année un rapport sur l’exécution du COM.

L’absence de COM constitue donc une illégalité d’autant plus injustifiable que l’objectif de la réforme était précisément de mieux définir les objectifs et la stratégie de la politique audiovisuelle extérieure et de chacun des opérateurs qui y participent.

La rapporteure pour avis est choquée par la communication, dont la confusion confine désormais au mensonge, sur les raisons, avancées successivement devant les parlementaires, pour expliquer l’absence de COM.

Auditionné le 10 février 2010 par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF, apportait la justification suivante au retard de la signature d’un COM qui aurait dû intervenir en 2009 mais qui était imminente : « Nous avons été nommés par le Président de la République le 28 février 2008 pour moderniser et dynamiser l’audiovisuel extérieur de la France. (…) L’intégration des sociétés qui composent l’AEF (TV5 Monde, France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya) a été lente et difficile, et ce pour des raisons indépendantes de l’AEF mais elle est aujourd’hui terminée. (…) En résumé, cette intégration lente et difficile explique que l’État ait considéré 2009 comme une année à part. C’est la raison pour laquelle le contrat d’objectifs et de moyens liant l’État à l’AEF ne commencera qu’en 2010. »

L’absence de COM a ensuite été imputée à la nécessité de mettre en place le plan de sauvegarde de l’emploi à RFI afin de ramener l’entreprise à l’équilibre, condition préalable à la signature d’un COM.

Puis ce fut la difficulté à prendre en compte la situation et le statut particuliers de TV5 Monde au sein de l’AEF. Enfin, il y eut la demande de rallonge budgétaire… De là à penser que l’on se moque des parlementaires, le chemin n’est pas long…

En 2011, il est en effet apparu que la difficulté à formaliser un COM s’expliquait en réalité par la trajectoire financière irréaliste proposée par l’AEF et acceptée avec une confiance qu’on peut qualifier d’aveugle par l’État, d’ordinaire plus regardant sur les aspects financiers.

Le premier plan d’affaires, validé à l’automne 2009, était fondé sur les prévisions irréalistes d’évolution des ressources propres établies par la direction de l’AEF. Sur cette base, cette dernière a exigé et obtenu de bénéficier en 2009, 2010 et 2011 d’augmentations de crédits importantes destinées à développer la couverture mondiale de France 24 et RFI.

La dotation en faveur de l’AEF est ainsi passée de 300 millions d’euros HT en 2009 à 313 millions d’euros HT en 2010 puis à 330,3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011.

Comme l’expliquait le ministère de la culture, dans les divers projets annuels de performance, « la réforme en cours nécessite de forts investissements dans un premier temps, avant une phase de retour sur investissements grâce à une meilleure coordination entre les sociétés et au développement de leurs ressources propres. »

À compter de 2012, la direction de l’AEF avait en effet promis que cet effort public permettrait à la société d’augmenter considérablement ses recettes publicitaires et à l’État de diminuer d’autant sa dotation.

Le caractère totalement irréaliste de cette trajectoire a éclaté au grand jour dans le courant de l’année 2011, la direction de l’AEF ayant demandé une « rallonge » pour 2012.

Selon les représentants de Bercy, l’État, sur la base des seules informations fournies au conseil d’administration, ne disposait pas d’une vision précise de ce qui se passait au sein de l’AEF. Les tutelles auraient eu du mal à obtenir des réponses à l’ensemble des questions adressées à l’entreprise, réponses qui variaient dans le temps, ce qui a fini par installer une crise de confiance entre l’État et le groupe.

Le Premier ministre s’est vu dans l’obligation de demander à l’Inspection générale des finances (IGF) de l’éclairer sur la situation et les perspectives financières réelles de l’AEF. Ce rapport, qui doit servir de base à la négociation « rapide » d’un COM, est désormais achevé et, en dépit de demandes répétées, n’a pas été transmis à la représentation nationale qui se voit dans l’obligation de voter les crédits en faveur de l’AEF, sans aucune visibilité sur la situation financière de l’AEF et l’impact réel des réformes mises en place par la direction.

Lors de son audition par la mission d’information, M. Alain de Pouzilhac a expliqué que le blocage de la négociation du COM résultait en réalité du refus du Gouvernement de lui attribuer une rallonge budgétaire destinée à financer TV5 Monde et, élément nouveau, la suppression d’une émission de prêche évangéliste sur Monte Carlo Doualiya…

Auditionné par la rapporteure pour avis, le 10 octobre dernier, le PDG de l’AEF a d’ailleurs estimé que le montant de la dotation attribuée à l’AEF par le présent projet de loi de finances ne lui permettrait pas de couvrir ces besoins de financement. La Direction du budget et la Direction générale des médias et des industries culturelles ont affirmé le contraire.

M. Alain de Pouzilhac s’est par ailleurs dit en opposition avec la plupart des propositions du rapport rendu par l’IGF. Il est convenu que si ce rapport devait servir de base à la négociation d’un COM, ce dernier n’était pas prêt de voir le jour…

3. La nomination de M. Alain de Pouzilhac : une erreur historique ?

Dans une interview accordée au Monde le 31 mars 2011, M. Hervé Bourges ancien Président de TF1, de France Télévisions et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, avait qualifié de scandale la guerre que se livraient depuis des mois sur la place publique M. Alain de Pouzilhac, PDG de la holding, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée.

« Désavoués, de plus, par un vote de défiance de la part des salariés, ils donnent un spectacle public totalement scandaleux qu’aucune entreprise n’accepterait. Mais, bizarrement, l’État qui a nommé ces deux dirigeants tolère cette situation. Or, il aurait fallu trancher ce conflit depuis longtemps avant qu’il ne s’envenime. On ne peut s’abriter derrière de petits arrangements politiques. Il faut tourner la page et repartir sur de bonnes bases. La seule solution serait de nommer de nouveaux responsables. (…) Ils ont failli et, aujourd’hui, ils n’ont plus la capacité d'exercer leurs responsabilités. On peut être une grande journaliste ou un excellent homme de communication, mais un piteux manager. J’ajoute, qu'à l’étranger, cette situation donne une image déplorable de la France. Personne ne comprend que l’on puisse étaler sur la place publique des querelles domestiques d’une telle violence sans que l’État y mette fin. »

Si la situation financière et les perspectives financières de l’AEF ne sont pas clarifiées à ce stade, il en va de même de l’impact réel de la réforme, la direction justifiant ses diverses décisions stratégiques par des chiffres d’audience, difficilement vérifiables et largement contestés.

La rapporteure pour avis estime que la liste des errements de la direction est déjà suffisamment longue et la rupture de confiance suffisamment consommée pour qu’il soit mis fin au mandat de M. Alain de Pouzilhac.

Cependant, une autre information a été apportée à la rapporteure pour avis, qui si elle était confirmée, serait véritablement indigne d’un responsable d’une grande entreprise publique, telle que l’AEF. Lors de son audition, le 10 octobre dernier, M. Alain de Pouzilhac s’est indigné que l’IGF l’accuse de « truquer » certaines données concernant le groupe.

Dans un article publié sur Le Point.fr le 26 octobre dernier, M. Emmanuel Berretta apporte des éléments qui corroborent cette information. « À notre connaissance, le rapport de l'IGF contient des éléments accusateurs (notamment sur l'outil de mesure des audiences, l'utilisation troublante de sous-traitants contestables au Liban, etc.) qu'Alain de Pouzilhac a férocement contestés dans une réponse qu'il a fait parvenir à l'IGF. Parmi les éléments à charge contre Pouzilhac, l’IGF s'est appuyée sur un document qui s'est avéré être un "faux"… Ce qui signifie qu'une main anonyme et malveillante aurait cherché à tromper les inspecteurs. Cela nous a été confirmé à l’Élysée. »

La rapporteure pour avis exige que cette information soit confirmée ou infirmée dans les meilleurs délais par l’exécutif. Dans l’hypothèse où elle serait confirmée, il est impératif que le Gouvernement en tire toutes les conséquences qui s’imposent, en révoquant sans tarder le président de l’AEF.

En bon communicant, M. de Pouzilhac, lors de son audition, a estimé que la décision de placer l’AEF sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication était une « erreur historique ». Il se pourrait que sa nomination en soit une autre.

B. LES INTERROGATIONS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

La rapporteure pour avis souhaite faire part de ses interrogations sur deux sujets qui lui paraissent d’une gravité et d’une urgence particulière : la fusion entre RFI et France 24 et l’avenir de TV5 au sein de l’AEF. Elle souhaite également que la réflexion sur un rapprochement de France 24 avec France Télévisions soit sérieusement approfondie.

1. La fusion entre RFI et France 24 : une réforme conduite à marche forcée et dont ni la nécessité ni l’utilité ne sont avérées

Dans un communiqué du 2 mars 2011, la mission d’information mise en place par notre Commission et la Commission des affaires étrangères a indiqué qu’elle souhaitait « dresser un bilan de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France mise en œuvre depuis 2008 et formuler des propositions afin de rendre plus performant cet outil primordial pour l’influence française dans le monde. » C’est pourquoi elle exigeait « qu’aucune décision ou mesure irréversible concernant l’avenir de l’audiovisuel extérieur de la France ne soit prise avant qu’elle ait rendu ses conclusions. »

L’opiniâtreté avec laquelle la direction de l’AEF s’attache à mettre en œuvre son projet de fusion entre RFI et France 24, en dépit de la demande formulée par les parlementaires, contraste de manière frappante avec le peu de diligence à formaliser un contrat d’objectifs et de moyens, alors qu’il s’agit là d’une obligation légale.

Un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est donc engagé concernant 126 postes dont plus de 80 journalistes. Ce deuxième PSE s’accompagne d’un projet de fusion-absorption par l’AEF de RFI et France 24 et d’un déménagement de RFI fin 2011/début 2012.

La rapporteure pour avis souhaite faire part de ses très fortes réserves sur l’opportunité de cette fusion alors que la radio et la télévision ne sont fondamentalement pas le même métier, à plus forte raison s’agissant d’une ancienne chaîne de radio généraliste et d’une jeune chaîne d’information en continu. La fusion, telle que la conçoit Alain de Pouzilhac, est une fusion « extrémiste ». Il a été indiqué à la rapporteure pour avis que le projet de cahier des charges de l’AEF ne mentionnerait même pas les marques RFI et France 24, qui disparaissent au profit de l’entité issue de la fusion.

Outre les syndicats de RFI, cette position est soutenue par de nombreux observateurs. Cette question constituait d’ailleurs un point de désaccord stratégique entre le PDG et l’ancienne directrice générale déléguée. Mme Christine Ockrent estimait qu’on ne pouvait confondre une jeune chaîne d’information en continu comme France 24 et une ancienne chaîne de radio généraliste comme RFI même si des complémentarités sont à développer. Personne n’aurait l’idée, a-t-elle précisé devant la mission le 12 mai dernier, de fusionner France Info et France 2, ou LCI et France Inter. Elle a par ailleurs indiqué qu’une fusion poserait des problèmes de contenu des programmes : RFI répond aux attentes d’auditeurs essentiellement africains. Faut-il les décevoir avec une grille unique ?

M. Rachid Arhab, membre du CSA et président du groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur, entendu le 7 avril, a douté qu’un journaliste radio avec une caméra puisse faire le même travail qu’un journaliste de télévision. Rapprocher RFI et France 24, c’est, selon lui, mélanger l’analogique et le numérique, deux cultures et deux façons de faire différentes, notamment sur le terrain, qu’il faut continuer à respecter. La fusion des structures est une chose, celle des métiers en est selon lui une autre.

Alors que M. de Pouzilhac a notamment justifié la fusion des rédactions par la nécessité d’une homogénéité de l’information, on peut au contraire estimer que les auditeurs, les téléspectateurs et les internautes ne recherchent pas la même chose sur les différents supports.

La fusion à marche forcée des rédactions de France 24 et de RFI n’est d’ailleurs pas en cohérence avec la politique menée dans les autres organismes de l’audiovisuel public français. Rappelons que Radio France, alors même que l’entreprise est concentrée sur un seul métier, qui est la radio, est certes une entreprise unique qui mutualise ses fonctions support mais l’entreprise a conservé une séparation des rédactions afin de préserver l’identité éditoriale de chacune des antennes. C’est également le modèle adopté par M. Rémy Pflimlin à France Télévisions. Rappelons que la création de l’entreprise unique à France Télévisions s’était accompagnée d’une centralisation excessive et que le nouveau président du groupe a souhaité renforcer l’indépendance et partant l’identité éditoriale de chaque chaîne. Il n’est pas inutile non plus de rappeler que même les rédactions des journaux télévisés de France 2 et France 3 n’ont jamais été fusionnées, afin de préserver l’identité de chaque journal…

Les deux principaux arguments avancés par Alain de Pouzilhac à l’appui de son projet de fusion, sont, d’une part, les succès et synergies obtenus par le pôle arabophone et, d’autre part, le modèle de BBC World qui témoignerait de la pertinence absolue d’une fusion des rédactions.

S’agissant du pôle arabophone, l’argument peut servir de contre-argument : les synergies et ce qui est présenté comme un succès d’audience incontestable ont été réalisés sans fusion juridique. En outre, si des synergies importantes sont envisageables, avec ou sans fusion, avec les rédactions francophones et anglophones, on ne voit pas bien quelles synergies peuvent être développées avec les autres rédactions de RFI.

S’agissant de la BBC, il s’avère que les rédactions de BBC World News et de BBC World Service travaillent en étroite coopération mais ne sont pas fusionnées…

Compte tenu de ces éléments, il serait à tout le moins souhaitable, si fusion il y a, que cette dernière se limite aux fonctions support et à la collecte de l’information.

Enfin, certains redoutent que le développement de France 24, dans le cadre du projet de fusion, ne se fasse au détriment de RFI. Dans l’interview précitée, M. Hervé Bourges indiquait qu’il était favorable à une réforme de RFI tenant compte de ce que la situation internationale a changé. Cependant il s’est dit « opposé à son démantèlement à travers une fusion avec France 24. Depuis le début des années 1980, RFI se place en tête des radios internationales en termes d'audience, et particulièrement en Afrique qui doit demeurer son pré-carré. RFI a toujours sa place et joue un rôle primordial d'information dans tous les bouleversements que connaissent le continent africain et le monde arabe. »

2. Quel avenir pour TV5 Monde au sein de l’AEF ?

La place et le statut particuliers de TV5 Monde au sein de l’AEF sont systématiquement présentés par la direction comme un problème et un obstacle à la signature d’un COM.

Comme l’avait indiqué à notre Commission le 10 février 2010, Mme Christine Ockrent, alors directrice générale déléguée de l’AEF, « l’acquisition des 49 % du capital de TV5 Monde n’a été approuvée en conseil d’administration qu’en décembre 2008. L’accord signé entre les partenaires non français francophones (Suisse, Belgique, Canada, Québec) et le gouvernement français a fait en sorte que l’AEF soit minoritaire avec 49 % des actions et que TV5 Monde soit traitée non pas comme une filiale, mais comme un partenaire autonome régi par la charte de TV5 Monde, et sous l’autorité des Hauts Fonctionnaires et des Ministres. La situation à notre arrivée était très difficile après le rapport Benamou qui avait pu « froisser » nos partenaires. Aujourd’hui la situation est pacifiée. »

Lors d’une réunion du comité d’entreprise de RFI du 14 octobre 2010, M. Alain de Pouzilhac avait présenté le « problème » de la façon suivante : « il existe une opposition entre la stratégie de TV5 Monde, régie par la charte de TV5 Monde qui est décidée par les hauts fonctionnaires et par les ministres des affaires étrangères, et la volonté qu’a notre actionnaire, l’État, de nous demander de donner les moyens de sa stratégie à TV5 Monde. Nous n’avons aucun moyen d’interférer ni en conseil d’administration où nous sommes 2 sur 13, ni en termes d’actionnariat où nous n’avons que 49 %, ni au plan stratégique, parce que nous ne participons pas à la conférence des ministres et des hauts fonctionnaires. Néanmoins, on nous demande de donner une stratégie de moyens sur TV5 Monde et c’est là-dessus que bute le problème du contrat d’objectifs et de moyens. »

Non seulement, TV5 apparaît très marginalisée dans les préoccupations de l’AEF, mais elle est systématiquement présentée comme un problème.

La direction de France 24, auditionnée le 26 mai 2011 par la mission d’information, avait remis en cause le fondement même de la présence de TV5 Monde au sein de l’AEF en indiquant que la réalisation de synergies était rendue difficile par la spécificité de la chaîne qui est multilatérale, francophone et généraliste. La direction de France 24 avait insisté sur la différence considérable entre TV5 Monde, chaîne généraliste multilatérale, et France 24, qui est une chaîne exclusivement d’information, cette différence limiterant considérablement les complémentarités.

Quant à M. Alain de Pouzilhac, lors de son audition par la rapporteure pour avis, il est convenu que se posait en effet la question de savoir s’il y avait plus de complémentarités entre TV5 Monde et l’AEF ou entre TV5 Monde et France Télévisions…

Pour sa part, la directrice générale de TV5 Monde, Mme Marie-Christine Saragosse, estime que TV5 Monde est dans une situation asymétrique. L’AEF est bien dans TV5 Monde, mais TV5 Monde n’est pas dans l’AEF : le PDG de l’AEF préside le conseil d’administration de TV5 Monde dont, en outre, un administrateur représente l’AEF alors que TV5 Monde n’est pas présente au conseil d’administration de l’AEF, même si des questions la concernant sont à l’ordre du jour. TV5 Monde n’est même pas associée à l’élaboration du COM de l’AEF. Dans ce contexte, le processus de fusion d’AEF, France 24 et RFI en une société unique suscite l’inquiétude des partenaires francophones car c’est cette société qui devra répartir les moyens entre elle-même et une société dont elle détient 49 % du capital. Toute somme allouée à TV5 Monde sera ainsi « auto-amputée » à la société fusionnée.

Quant à nos partenaires francophones, ils ne comprennent toujours pas la présence de TV5 Monde au sein de l’AEF et souhaitent que la question soit réouverte.

Lors des auditions conduites dans le cadre du présent projet de loi de finances, l’attention de la rapporteure pour avis a en outre été appelée sur les risques que feraient peser les propositions de l’IGF sur l’avenir de TV5 Monde. La Direction du budget et la Direction générale des médias et des industries culturelles s’accordent à estimer que le potentiel de synergies identifié par l’Inspection entre France 24 et TV5 Monde est surévalué et s’apparente à un démantèlement de TV5 Monde au profit de France 24.

Compte tenu de ces éléments, la rapporteure pour avis estime, comme de nombreux spécialistes, que la question de la place de TV5 Monde au sein de l’AEF mérite d’être posée.

3. Rapprocher l’AEF de France Télévisions ?

Les arguments en faveur d’un rapprochement de l’AEF de France Télévisions sont légion. La rapporteure pour avis est même convaincue que l’un des défauts majeurs de France 24 est d’avoir été créée ex nihilo, en dehors de l’audiovisuel public.

Les synergies entre France 24 et le groupe audiovisuel public pourraient être substantielles.

Le COM de France Télévisions réaffirme la priorité que constitue le renforcement du rôle de France Télévisions à l’international, alors même que cette mission est censée incomber à l’AEF : soutien de la présence internationale des chaînes du groupe par une large distribution sur les réseaux numériques, câblés et satellitaires internationaux à travers le monde ; politique de rayonnement de France Télévisions à l’international ; importance croissante de l’actualité internationale dans les journaux télévisés et programmes du groupe… Environ 200 personnes travaillent à l’international au sein de France Télévisions. Le groupe dispose de 11 bureaux à l’étranger, dans toutes les grandes capitales du monde et de l’agence internationale de télévision (AITV), rédaction dotée d’un réseau très dense de correspondants en Afrique et qui a joué un rôle majeur pour couvrir la crise en Côte d’Ivoire. Lors de son audition par la rapporteure pour avis, M. Alain de Pouzilhac s’est d’ailleurs étonné de constater l’importance accordée au développement international dans le COM de France Télévisions…

Rappelons que contre une rémunération annuelle d’1 million d’euros, France 24 a accès à tous les contenus d’information de France Télévisions et en fait un usage très large. France Télévisions est ainsi quasiment la « base de données » de France 24. Par ailleurs, lorsqu’un événement se déclenche dans un endroit où France Télévisions n’a pas de correspondant, le temps que l’envoyé de France Télévisions arrive sur place, c’est le correspondant de France 24 qui s’exprime sur France Télévisions.

Pendant les révolutions arabes, le rôle joué par France 2 en Algérie et en Tunisie a été capital. En réalité, dans ces pays proches de langue française, le rôle de France Télévisions est aussi, voire plus important, que celui de l’AEF, même si ce n’est pas sa mission.

Selon M. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, entendu par la mission d’information le 16 juin dernier, un « adossement de l’AEF à France Télévisions » aurait une logique, qui est celle de la BBC, où BBC World Service fait partie de la grande maison BBC. L’adossement permettrait la mise en commun de moyens partout où le groupe France Télévisions est présent à l’étranger.

De même, dans l’interview précitée, M. Hervé Bourges a déclaré qu’il serait logique que « France Télévisions récupère l’audiovisuel extérieur, comme c’est le cas pour la BBC en Angleterre avec BBC World. » La BBC ne peut servir que partiellement de modèle à l’AEF.

L’argument selon lequel France Télévisions a suffisamment de travail pour mener son propre processus d’intégration et la nécessité prétendue de disposer d’un pôle dédié autonome ne paraît pas recevable, eu égard à l’exemple de la BBC et dans la mesure où le groupe France Télévisions inscrit le développement à l’international parmi ses priorités, alors que ce n’est pas foncièrement son rôle.

La rapporteure pour avis aurait d’ailleurs jugé une rationalisation de l’audiovisuel extérieur en fonction des métiers, France 24 étant rattachée à France Télévisions et RFI à Radio France, plus pertinente que l’organisation retenue. Cette répartition n’aurait pas fait obstacle à la mise en place de synergies entre les uns et les autres, le PAP rappelant d’ailleurs à juste titre que Radio France poursuit sa coopération avec les organismes de l’audiovisuel extérieur de la France.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au cours de sa séance du mardi 25 octobre 2011.

M. Michel Herbillon, président. Nous avons le plaisir de recevoir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, pour la présentation des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Nous nous retrouverons une seconde fois cette semaine, en commission élargie, pour la présentation des crédits de la mission « Culture ». Je précise que nous voterons sur les crédits de la mission « Médias » demain matin, l’examen en séance publique étant prévu lundi 7 novembre dans l’après-midi.

Nous allons maintenant entendre M. le Ministre, après quoi je donnerai la parole aux deux rapporteurs pour avis.

Je souhaiterais, quant à moi, poser deux questions. Que retirez-vous, Monsieur le ministre, du débat concernant le taux de TVA applicable à la presse en ligne qui a eu lieu à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances ? Nous avons été un certain nombre à déposer un amendement sur le sujet. Nous avions déjà eu ce débat l’an dernier et notre interlocuteur gouvernemental de l’époque, M. François Baroin, s’était montré ouvert sur cette question. Nous n’avons pas ressenti la même ouverture cette année. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, quelle est la position du Gouvernement face aux intentions de certains députés membres d’autres Commissions de priver France Télévisions d’une partie de sa dotation publique ? Je rappelle en effet que notre commission a approuvé le contrat d’objectifs et de moyens (COM) dans lequel l’État s’engage à laisser France Télévisions bénéficier d’un éventuel surcroît de ressources.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Voici tout d’abord quelques éléments de réponse aux deux questions posées par M. Michel Herbillon.

En ce qui concerne la TVA sur la presse en ligne, vous le savez, le décalage entre le taux normal qui lui est actuellement appliqué et le taux réduit en vigueur pour la presse papier, qui est de 2,1 %, pose problème. L’application de ce taux réduit à la presse en ligne serait logique et légitime, mais cette problématique n’a pas vraiment évolué depuis l’an dernier. En effet, pour obtenir une telle modification, nous devrions obtenir un consensus à Bruxelles, ce qui, comme vous pouvez le deviner, est loin d’être évident. Même si nous faisons beaucoup d’efforts et continuerons à en faire, je ne suis pas certain que nous puissions obtenir ce résultat. Le contexte était difficile l’an dernier, il l’est encore plus aujourd’hui. Je tiens cependant à vous préciser que je ne pars pas battu, loin de là.

En ce qui concerne la dotation publique versée à France Télévisions, cette question doit être traitée sur deux niveaux : d’une part, l’affectation éventuelle au budget de l’État du surcroît de ressources que pourrait apporter la publicité et, d’autre part, le report sur l’exercice 2012 des fruits de l’excellente gestion de la direction actuelle de France Télévisions qui a permis de dégager 28 millions d’euros. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponse aujourd’hui car, demain, nous nous réunissons avec le rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez et le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Nous débattrons de ce sujet dans le contexte d’orthodoxie budgétaire qui prévaut aujourd’hui et qui incite à la sévérité.

En tant que ministre de la culture et de la communication, j’appuie totalement l’action de Rémy Pflimlin dans son grand travail de réorganisation et d’amélioration du service public, lequel s’est traduit par cet excédent de 28 millions d’euros. Par ailleurs, les ressources publicitaires sont évaluées, comme vous le savez, à un niveau élevé, soit 426 millions d’euros dans la tranche où la publicité est maintenue. Ce chiffre ne sera probablement pas dépassé.

Quant aux 28 millions d’euros que je souhaite voir réaffectés au budget 2012, ils sont destinés à soutenir fortement la production de fictions télévisées de qualité et innovantes. Le Gouvernement est en effet attaché à une politique de soutien à la création télévisuelle plus en phase avec l’évolution de la société et plus à même de concurrencer les séries américaines.

Certes, les fictions françaises souffrent d’un certain nombre de problèmes, notamment en matière d’écriture de scénarios par exemple, qui ont été identifiés par le rapport Chevalier. Mais, si ces aspects doivent être retravaillés, le renouveau des séries françaises passe aussi par une enveloppe supplémentaire dont le montant correspond précisément aux 28 millions d’euros que j’évoquais.

J’en viens maintenant au budget 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles, qui se veut à la fois réaliste et ambitieux.

Après l’effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits sont stables, à 4,6 milliards d’euros, ce qui est une gageure dans le contexte actuel. Voilà pour le réalisme.

L’ambition, pour 2012, c’est d’accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux COM de France Télévisions et d’ARTE France, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF).

Ce budget clôture une période de cinq années au cours desquelles les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs, qui traversent une phase de transition sans précédent, ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d’un milliard d’euros, et l’effort cumulé de l’État s’est élevé à près de 4 milliards d’euros sur la période. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les États généraux de la presse, la réforme de l’AEF ou celle du modèle économique de France Télévisions.

En ce qui concerne la presse, nous accompagnerons étroitement les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. En 2012, 390 millions d’euros seront consacrés aux aides à la presse sur le budget de mon ministère.

Le plan exceptionnel mis en œuvre pour la période 2009-2011 à l’issue des États généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une décrue. Je me suis engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous ; je rappellerai par ailleurs qu’ils demeurent à un niveau historiquement élevé – nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique.

La trentaine de mesures mises en œuvre entre 2009 et 2011 ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, au moment où elle traverse la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis l’après-guerre. Ces mesures favorisent par ailleurs l’adaptation de son modèle économique à la convergence numérique. Avec ces trois années de soutien exceptionnel, le secteur de la presse a ainsi bénéficié d’actions structurantes, visant à lui donner un regain de compétitivité industrielle, à permettre le rééquilibrage des coûts liés à la distribution, à redéfinir enfin un nouveau cadre juridique et économique pour le développement numérique.

Ces orientations, nous les avons confortées dans le budget 2012, après avoir fait un premier bilan des mesures prises à l’issue des États généraux. Elles s’appuient également sur une gouvernance des aides à la presse écrite rénovée et plus efficace pour les éditeurs, fidèle à ses principes fondamentaux : la défense du pluralisme, l’indépendance des entreprises de presse et des rédactions, la neutralité, la liberté du commerce et de l’industrie. Cette réforme se traduira par la création d’un espace de dialogue rénové entre la presse et l’État – la conférence nationale des éditeurs de presse –, et la définition d’un partenariat public-privé renouvelé autour du principe de contractualisation, afin d’optimiser les aides, en cernant mieux les objectifs des projets qu’elles viennent financer. Dans cet esprit, un fonds stratégique pour le développement de la presse va être créé, en concertation avec les éditeurs.

Les crédits de l’audiovisuel public progressent quant à eux de 1,4 % à périmètre constant – hors l’effort budgétaire exceptionnel réalisé en 2011 pour accompagner le passage à la télévision tout numérique.

En 2012, la France sera entièrement passée à la télévision tout numérique, avec l’extinction définitive de la diffusion en mode analogique le 30 novembre 2011. Ce défi, nous l’aurons relevé avec succès, grâce notamment aux moyens importants que l’État y aura consacrés, et à l’excellente gestion de France Télé Numérique. On peut évaluer à environ 160 millions d’euros le coût total de ce passage, ce qui représente de substantielles économies par rapport aux montants initialement prévus. Dans l’ensemble, aucune difficulté substantielle n’a été rencontrée et les opérations de passage à la télévision tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. C’est une véritable révolution, comparable au passage du noir et blanc à la couleur, qui s’est passée en douceur. Elle est synonyme d’un enrichissement considérable de l’offre télévisuelle pour tous les Français, qui reçoivent désormais 19 chaînes gratuites par leur antenne râteau, avec une meilleure qualité de son et d’image, et peuvent accéder à des services innovants et interactifs, comme la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande.

À la suite des décisions prises par le Gouvernement il y a deux semaines et que je préconisais, de nouvelles chaînes seront lancées dans les prochains mois, que les Français pourront recevoir avec l’équipement dont ils disposent déjà. Ces décisions permettent de tracer une route claire pour l’avenir de la télévision numérique terrestre (TNT), tout en conservant la ligne qui nous anime : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la TNT, dont nous pouvons tous être fiers.

Le total des crédits alloués aux organismes de l’audiovisuel public – France Télévisions, ARTE France, Radio France, Institut national de l’audiovisuel (INA) et l’audiovisuel extérieur de la France – progresseront de 1,4 % entre la loi de finances initiale 2011 et le projet de loi de finances 2012, pour atteindre près de 3,9 milliards d’euros. Le budget 2012 permet donc de financer l’ensemble de leurs missions de services public et notamment les priorités stratégiques portées par les nouveaux COM de France Télévisions, en cours de signature, et d’ARTE France, qui sera très prochainement adressé au Parlement.

Pour France Télévisions, le projet de COM 2011-2015, sur lequel votre Assemblée a été consultée, reflète un engagement de l’État dans la durée, avec une croissance annuelle moyenne de 2,2 % de la ressource publique, pour accompagner la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics. Cette croissance est orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira au minimum 420 millions d’euros par an dans les œuvres dites patrimoniales : fiction, documentaire, animation, spectacle vivant. Priorité est globalement donnée aux dépenses dans les programmes, qui croîtront plus rapidement que les ressources, au rythme de 2,8 % par an.

Je tiens par ailleurs à préciser que les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont à la fois élevés et réalistes. De 2008 à 2010, le marché publicitaire a connu une crise profonde. Parallèlement, la publicité en soirée a disparu des antennes du groupe. Cette période, pendant laquelle il était très difficile de disposer d’une prévision efficace des revenus publicitaires, est aujourd’hui derrière nous.

Pour ARTE France, le Gouvernement a proposé une hausse exceptionnelle de 7,3 % en 2012 de sa dotation publique, à 270 millions d’euros. Alors que la chaîne connaît depuis quelques années une lente érosion de ses audiences, cet effort financier marque l’attachement de l’État à son modèle singulier de télévision. Le projet de nouveau COM pour la période 2012-2016 que nous finalisons porte l’ambition de relance de la chaîne culturelle franco-allemande, avec comme objectif principal la reconquête de son public, via la mise en place d’une nouvelle grille de programmes et le développement de son offre numérique.

Pour ce qui concerne la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée en 2008, elle est en voie d’achèvement. De nombreuses étapes ont été franchies pendant le quinquennat : le groupe AEF a été créé ; France 24 est montée en puissance depuis 2008 ; elle est distribuée mondialement depuis 2010 – à la fin du 1er trimestre 2011, elle peut ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde. France 24 est par ailleurs diffusée 24 heures sur 24 en langue arabe depuis 2010, et elle enregistre de bons résultats au Maghreb, avec un pic de fréquentation lors des événements en Tunisie, en Égypte et en Libye.

Je n’ignore pas les troubles qui ont traversé l’AEF, d’autant plus que j’ai œuvré à leur résolution. Mais je n’ai pas de doute sur l’achèvement en 2012 de la réforme voulue par le Président de la République en 2008, car les différents chantiers restants avancent de façon satisfaisante : cette année 2012 sera notamment marquée par l’aboutissement des négociations relatives au COM, le rapprochement physique de France 24 et RFI, l’accomplissement du plan stratégique 2009-2012 de TV5 Monde, le développement de la distribution mondiale de France 24 et de la diffusion multilingue de RFI sur tous les supports.

Au plan budgétaire, après un effort soutenu pour accompagner la constitution du groupe, les économies résultant des synergies entre les différentes sociétés du groupe AEF permettent de réduire légèrement les ressources publiques qui lui sont allouées entre 2011 et 2012, tout en maintenant ses objectifs de développement. Le total de la dotation publique de l’AEF s’élève ainsi à 319 millions d’euros dans le projet de budget 2012.

S’agissant de Radio France, la dotation publique proposée en 2012 progresse de 3,8 % pour s’élever à 630 millions d’euros, conformément au COM signé l’année dernière, afin notamment d’accompagner les travaux de réhabilitation de la Maison de Radio France. L’identité de chacune des antennes sera davantage affirmée, le réseau des antennes de France Bleu étendu, et la présence sur les vecteurs de diffusion numérique renforcée.

S’agissant de l’INA, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à 94 millions d’euros, soit une progression de 2,1 %, en ligne là encore par rapport au COM. Cette dotation permettra à l’INA la réalisation en 2012 de plusieurs objectifs stratégiques : la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site ina.fr, et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet.

Pour ce qui est du soutien du ministère aux radios associatives, le projet de loi de finances pour 2012 confirme l’effort initié en 2010, avec un maintien des crédits à 29 millions d’euros.

J’en viens maintenant au budget de la politique en faveur du livre et de la lecture.

À compter de 2007, la politique de numérisation de masse engagée par la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec un soutien exceptionnel de l’État, a conduit, sur quatre années – 2007-2010 –, à la numérisation de plus de 36,2 millions de pages, grâce à la mobilisation d’un budget d’environ 25 millions d’euros. Par ailleurs, la période 2007-2012 aura vu la mise en place d’une nouvelle stratégie d’ensemble pour la BNF, dont l’essor de Gallica, une bibliothèque numérique de niveau désormais mondial, et l’apport exceptionnel au portail européen Europeana, sont d’indéniables réussites.

En matière de lecture publique, un domaine qui relève à la fois de la compétence des collectivités et des impulsions de l’État au niveau national, l’action du ministère sur la période 2007-2012 a dû s’adapter aux nouveaux enjeux du numérique. En mars 2010, j’ai fait 14 propositions pour le développement de la lecture qui vont dans ce sens.

Enfin, notre action en direction de l’économie du livre s’est structurée pendant la période 2007-2012 sur les grands axes du « plan livre » présenté le 14 novembre 2007 en conseil des ministres. Ce plan prévoyait notamment la mise en place d’un label de librairie indépendante de référence. De ce label découle la possibilité pour les collectivités territoriales d’exonérer les établissements distingués de la fiscalité locale. Près de deux tiers des librairies qui ont obtenu un label bénéficient en 2011 d’une telle exonération à au moins un échelon territorial.

Pour 2012, les crédits de la politique du livre et de la lecture progressent de 4 %, afin de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture ; assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. Près de 265 millions d’euros seront ainsi engagés en 2012, venant ainsi conforter le soutien apporté à l’ensemble des acteurs du livre et de la lecture, et aux investissements associés, qu’ils relèvent du secteur public ou privé : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques.

La rénovation du quadrilatère Richelieu est un grand projet ministériel engagé dans une phase opérationnelle depuis 2001 qui s’achèvera en 2017. Il représente pour l’État un coût global de l’ordre de 211 millions d’euros, dont 171 millions à la charge du ministère de la culture ; il a pour objectif de moderniser les services offerts aux publics pour constituer un grand pôle de ressources en histoire de l’art. 20 millions d’euros sont prévus sur le budget du ministère pour la réalisation des travaux en 2012.

La politique en faveur du livre et de la lecture passe également par une action spécifique en direction de la filière du livre, avec pour ambition la perpétuation d’une production éditoriale diversifiée et de qualité dans un environnement marqué par le développement du livre numérique. À ce titre, le Centre national du livre (CNL), opérateur du ministère, continuera d’accompagner les bibliothèques dans leurs projets de numérisation à travers notamment son partenariat avec la BNF. Les crédits de soutien à la numérisation s’élèveront au total à 10 millions d’euros : 6 millions d’euros pour la numérisation patrimoniale de la BNF et 4 millions d’euros pour accompagner les projets des éditeurs.

En ce qui concerne notre politique en matière d’industries culturelles, vous n’êtes pas sans savoir que nos principales industries culturelles sont aujourd’hui toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet. Aux opportunités formidables de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles, se superposent les menaces pesant sur la rémunération des créateurs et sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans le domaine de la musique enregistrée, le développement de ces pratiques a eu un impact particulièrement lourd, puisque ce secteur a perdu plus de 60 % de sa valeur entre 2003 et 2010 et plus de la moitié de ses emplois.

Nous avons voulu y répondre en proposant une politique qui comporte deux volets indissociables, dont le bilan est largement positif : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive de contenus culturels en ligne. La protection des œuvres s’appuie ainsi sur la mise en œuvre de la loi HADOPI ; quant au soutien à la consommation légale et au développement d’une offre légale diversifiée et attractive, la « carte musique » pour les jeunes a été lancée en octobre 201 pour une durée de deux ans, avec un budget alloué de 25 millions d’euros. Une version physique de la carte musique sera disponible dès novembre dans les grandes surfaces, avec une nouvelle interface internet qui fonctionnera également sur les smartphones – une vaste campagne de communication va être lancée en novembre afin de mieux faire connaître le dispositif.

Compte tenu de l’importance de la crise que connaît le secteur, et en particulier ses acteurs les plus fragiles, j’ai confié en avril dernier une mission de réflexion consacrée au financement de la diversité musicale à l’ère numérique à MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles. Ces derniers m’ont remis, il y a quelques semaines, leurs conclusions sur la mise en place d’un soutien plus structurel de l’ensemble des acteurs de la filière de la musique enregistrée. J’ai ainsi proposé au Président de la République la création, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC), d’un Centre national de la musique qui verra donc le jour en 2012. Une mission de préfiguration sera lancée dans les prochains jours.

M. Michel Herbillon, président. Je donne maintenant la parole à nos rapporteurs pour avis.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Monsieur le ministre, j’interviens aujourd’hui parce que la situation de France Télévisions s’est dégradée.

Vous aviez, en maintenant la publicité sur le service public, la possibilité de ne pas engager davantage financièrement l’État au moment même où le Gouvernement réduit ses dépenses. Vous en avez décidé autrement.

Avec le système mixte publicité-redevance, nous avions pourtant un système de financement qui garantissait une certaine stabilité à France Télévisions sans entraîner nécessairement davantage d’aides publiques.

Le Gouvernement a en outre compensé la perte de recettes publicitaires avec l’instauration d’une taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Or celle-ci est mise en péril par la Commission européenne et, plus encore, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a ouvert une procédure d’infraction. Rappelons que si la CJUE confirmait l’analyse de la Commission, l’État français devrait rembourser des sommes astronomiques.

Par ailleurs, il faut tenir compte de données nouvelles : la montée en puissance de la TNT et l’arrivée d’une nouvelle équipe à la tête de France Télévisions. Cette nouvelle équipe, avec à sa tête Rémy Pflimlin, premier président de France Télévisions nommé directement par l’Élysée, a procédé à une réorientation éditoriale qui, pour le moment, se caractérise par une baisse inquiétante de l’audience et qui, je cite votre euphémisme, « ne fidélise pas tous les publics ». Cette baisse est si considérable qu’elle aura nécessairement un impact sur le coût de l’écran publicitaire. Il y a fort à parier que France Télévisions aura moins d’écrans publicitaires et que ceux-ci risquent de voir leur prix dévalué du fait d’audiences basses.

D’autre part, France Télévisions serait menacée, par voie d’amendement, d’une amputation de 50 millions d’euros au nom de la péréquation des économies sur les dépenses publiques. Si l’amendement proposé par nos collègues de la Commission des finances pour que la dotation budgétaire de France Télévisions soit révisée à la baisse au motif d’un prétendu excédent des ressources publicitaires venait à être adopté, cette décision contraindrait le groupe à revoir à la baisse l’ensemble de ses engagements de service public que nous sommes nombreux à trouver déjà insuffisants.

Monsieur le ministre, j’espère que vous saurez user de votre pouvoir pour éviter de sacrifier le service public.

S’agissant de l’AEF, vous avez indiqué que la réforme en cours serait achevée en 2012. Cependant, alors que l’objectif de cette réforme était d’améliorer le pilotage de la politique audiovisuelle extérieure de la France et de lui donner plus de cohérence, nous sommes en droit de nous interroger sur sa légitimité et son utilité. Les auditions de notre mission d’information consacrée à ce sujet ne sont guère rassurantes…

L’AEF vit dans une situation de non-droit : absence persistante de COM avec des justifications diverses, multiplications de crises et de conflits étalés de manière un peu sordide sur la place publique : du départ de Christine Ockrent à la récente démission de M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24, et au vote de défiance à une forte majorité des salariés de France 24 contre leur président directeur-général, Alain de Pouzilhac.

En ce qui concerne l’avenir de la TNT, la loi attribuant des chaînes dites « bonus » à TF1, M6 et Canal + a été jugée contraire au droit européen par Bruxelles. Le Gouvernement, favorable aux chaînes « bonus », s’est incliné devant le jugement de la Commission européenne et s’est engagé à abroger le dispositif des canaux compensatoires.

De plus, le Gouvernement a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de lancer un appel à candidatures pour six chaînes supplémentaires diffusées sur la TNT en haute définition, de quoi permettre à TF1, M6 et Canal +, mais aussi à Nextradio, L’Équipe ou NRJ de développer leurs nouveaux projets.

Nous sommes en droit, après l’affaire des chaînes « bonus » octroyées à discrétion en 2007 à TF1, M6 et Canal +, de nous interroger sur le fait que les pouvoirs publics n’aient pas poussé l’avantage pour l’audiovisuel public et que ce soient toujours les mêmes opérateurs qui sont privilégiés. On ne peut que s’interroger sur l’équilibre du paysage audiovisuel que vous avez évoqué, Monsieur le ministre, dans un entretien accordé à La Tribune.

Enfin, s’agissant du CNC, je souhaiterais savoir quelles sont les conclusions de la réunion interministérielle qui s’est tenue hier et qui portait sur l’amendement « surprise » limitant le financement à venir du CNC. Je rappelle que le maintien de cet amendement - qualifié d’ « errement de Bercy », semble-t-il, par le Président de la République et plafonnant les taxes prélevées sur les distributeurs de service de télévision, d’internet ou de mobile au profit du fonds de soutien à la création du CNC - mettrait gravement en péril le dispositif unique d’aide au cinéma qui permet à notre pays de conserver son indépendance en matière cinématographique.

Ce n’est pas un hasard si les cinq organisations représentant auteurs, réalisateurs et producteurs ont dénoncé unanimement cette initiative.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Monsieur le ministre, vous avez déclaré avec force et détermination que jamais autant d’argent n’avait été consacré à aider la presse. C’est exact. Le problème est qu’en n’ayant jamais bénéficié d’autant d’argent public, la presse ne s’est jamais portée aussi mal. Je n’invente pas le problème de La Tribune, ni celui de France Soir. Vous connaissez mieux que moi les difficultés de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse et de Paris Normandie. Ne peut-on pas dès lors se demander si ces aides sont bien ciblées ? Ne peut-on pas utiliser cet argent de façon plus intelligente ? Pensez-vous que huit magazines télévisés doivent bénéficier de 53 millions d’avantage tarifaire postal, soit plus que le total des aides à la modernisation et à la modernisation sociale de la presse, qui représentent au total 50 millions d’euros ? Est-il normal que la presse magazine récréative, qui se porte bien, bénéficie de 35 % de l’effort public, alors que la presse quotidienne nationale d’information politique générale, qui se porte mal, ne bénéficie que de 15 % du total de la contribution publique ? Est-il acceptable que la presse d’information politique et générale en ligne se voie appliquer un taux de TVA de 19,6 % alors que le magazine Voici bénéficie d’un taux super réduit de 2,1 % ? Est-il normal, alors que nous voulons défendre le portage, et c’est là l’une de vos priorités, que ce dernier ne représente que 19 % de la distribution dans notre pays alors qu’il représente 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % au Royaume-Uni ? N’y a-t-il pas un très grand décalage entre les intentions affichées et les résultats ?

S’agissant de l’Agence France-Presse (AFP), où en est-on de la clarification des relations financières entre l’État et l’Agence ? On nous avait dit qu’il y avait urgence, qu’il fallait impérativement une loi. Aujourd’hui on n’entend plus rien. Si cette question ne constitue plus un problème absolument urgent, nous ne pouvons que nous en réjouir mais pouvez-vous nous le confirmer ?

Que pensez-vous par ailleurs de la position d’un ministre de la République, en l’occurrence la ministre du budget, qui, pour rejeter notre proposition d’alignement du taux de TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, nous affirme que « la presse en ligne n’est pas assimilable à la presse imprimée. Elle ne fonctionne pas de la même façon, c’est un service et pas un bien culturel. » Il va à l’évidence falloir lui faire une petite fiche pour lui expliquer les choses… Elle aurait été en outre bien inspirée de ne pas ajouter, à court d’arguments, que le Gouvernement avait déjà « fait preuve d’une grande bénévolence vis-à-vis de la presse en maintenant et en prorogeant toute une série de niches… ». Si l’on veut chercher des niches, on peut en trouver ailleurs, mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui.

Je souhaiterais que l’on engage une vraie réflexion sur le déclassement social des journalistes, qui, indirectement, a des répercussions sur la qualité des journaux et la diffusion de la presse. C’est pourquoi il serait intéressant que les aides prennent davantage en compte l’amélioration du contenu, la formation des journalistes…

Enfin, quelle est votre position sur les nouveaux producteurs indépendants dans le domaine de l’audiovisuel qui sont de plus en plus nombreux et qui sont tous des amis du pouvoir en place et du Président de la République ? Combien coûte une émission comme Midi en France qui a moins de 200 000 téléspectateurs ? Combien coûte une émission comme Vendredi sur un plateau, qui n’a que 300 000 téléspectateurs ? Le service public doit-il privilégier à ce point les producteurs indépendants ?

M. le ministre. En ce qui concerne l’amendement sur le CNC, nous y travaillons. La profession cinématographique s’est fortement mobilisée. J’ai bon espoir d’arriver à obtenir un infléchissement tout à fait conséquent de cet amendement. Les perspectives sont optimistes.

S’agissant de la question des canaux compensatoires, nous étions confrontés à une procédure de la Commission européenne qui était très contraignante. La solution retenue, consistant à abroger les dispositions prévoyant l’attribution de canaux compensatoires aux chaînes historiques et à remettre à disposition six canaux, me semble une solution de justice et de raison. Il incombe néanmoins au CSA de procéder à l’attribution de ces canaux. Il ne m’appartient pas d’influer sur cette procédure. Nous devons tenir compte du fait que le « gâteau publicitaire » n’est pas extensible à l’infini. Les nouveaux canaux devront donc plutôt privilégier les chaînes thématiques mais encore une fois, cela relève du CSA. J’ai toujours été hostile au projet d’instaurer immédiatement une nouvelle norme permettant l’attribution de deux chaînes supplémentaires, compte tenu de l’effort très important d’équipement qui a déjà été demandé à nos concitoyens pour le passage à la TNT. Nous attendrons donc que le parc se renouvelle naturellement pour lancer la nouvelle norme, ce qui peut prendre quatre ou cinq ans.

En ce qui concerne l’AEF, je ne vais pas revenir sur le feuilleton que tout le monde a pu suivre et qui s’est déroulé de manière assez vive, certaines séquences fortes ayant d’ailleurs eu lieu dans mon bureau. France 24, malgré les difficultés, n’a pas cessé de progresser dans le rendu de l’information et dans son implantation locale. Depuis 24 heures, je suis très attentivement, en tant que citoyen, l’évolution de la situation en Tunisie sur France 24, qui est selon moi, la chaîne qui couvre le mieux les événements. Bien sûr, il aura fallu plus de trois ans pour établir un COM, avec des évaluations différentes entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget. Bien sûr, il y a eu des événements complexes et d’une particulière gravité. Mais j’ai le sentiment que l’ensemble progresse. Le travail de conception et de négociation du COM de l’AEF devrait reprendre de manière plus active à partir du mois de novembre. J’espère avancer vite car évidemment il n’est que trop temps d’y parvenir.

En ce qui concerne les questions de Mme Martine Martinel sur France Télévisions, j’ai le sentiment d’y avoir déjà répondu en répondant aux questions préalables de M. Michel Herbillon. Ce que je constate, même si cela ne répond pas vraiment à votre question, c’est que le contact avec la direction actuelle de France Télévisions est très enrichissant et fonctionne. Quand on pose une question, que ce soit une question sur la gestion ou sur les programmes, on peut véritablement établir un dialogue et un échange. Je souhaite leur rendre hommage. C’est une des configurations les plus favorables pour le fonctionnement de l’entreprise et pour la qualité des programmes. S’il est vrai que la grille de rentrée a connu des difficultés d’audiences pour certains programmes, il faut laisser le temps au temps et ces difficultés n’entament en aucun cas le capital de confiance que l’on peut avoir envers la direction et la ligne qu’elle s’est fixée.

S’agissant de la procédure engagée par la Commission européenne contre la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, elle fait l’objet de réponses et de contre-expertises de notre part et pour l’instant, on peut dire que cette procédure est sous contrôle.

M. Françaix m’a interpellé sur les producteurs indépendants. La confiance que je porte à la direction de France Télévisions m’interdit de l’incriminer a priori pour la gestion des budgets de telle ou telle émission. La production audiovisuelle implique un grand nombre de sociétés et autant d’emplois, sans comporter aucune garantie d’activité à long terme, c’est donc un métier difficile. Les budgets du groupe sont surveillés de très près, le gâchis dont vous faites état me paraît donc peu vraisemblable. En revanche, il peut arriver que même avec de gros budgets, l’audience ne soit pas au rendez-vous.

S’agissant du déclassement social des journalistes, dont vous avez parlé dans votre intervention, j’en ai très concrètement pris la mesure il y a une semaine lorsque j’étais aux côtés des journalistes de L’Indépendant de Perpignan. J’ai été ému par le courage de ces jeunes journalistes défendant l’autonomie financière de ce vieux journal récemment acheté par un groupe, alors qu’eux-mêmes se trouvent dans une situation personnelle délicate que leur pudeur leur a interdit d’évoquer. Pour autant, la situation d’ensemble des journalistes est une question complexe qui ne se pose pas de la même manière dans tous les journaux.

En ce qui concerne les 120 millions d’euros versés à l’AFP, dont les projets de réforme connaissent, comme vous l’avez souligné, des fortunes diverses, je rappellerai le désaccord de la Commission européenne sur les modalités du financement de l’Agence par l’État. Nous disposons néanmoins d’un petit délai pour surmonter cette difficulté.

J’aborderai maintenant le sujet des aides à la presse : nous avons tous en tête les images, véhiculées par les films américains, des pas-de-porte où sont livrés chaque matin la bouteille de lait et le journal. Le portage, malgré une image désuète, est une solution pleinement efficace qui crée de l’emploi, notamment pour les jeunes, et constitue une solution d’approvisionnement sûre. Il représente 19 % de la distribution de la presse en France contre 90 % aux Pays-Bas. Nous disposons donc d’une marge de progression importante, même si cette progression devrait se tasser cette année. S’agissant de l’attribution des aides de manière générale, les préconisations du rapport Cardoso ont été mises en œuvre, c’était un élément important de clarification : 41 % des aides sont versées à la presse magazine, 29 % à la presse quotidienne régionale et 15 % à la presse quotidienne nationale.

M. Christian Kert. Je souhaiterais tout d’abord répondre à Mme Martine Martinel et récuser l’idée selon laquelle France Télévisions serait aujourd’hui une sorte de continent à la dérive. France Télévisions respecte les objectifs que le législateur lui a assignés, c’est-à-dire la constitution d’une société unique mais aussi le lancement d’un certain nombre de chantiers longs et parfois onéreux. Je citerai tout d’abord le rôle central de France Télévisions dans la création et la production cinématographique et audiovisuelle : 54 % de la production de fiction en France sont financés par France Télévisions ! Nous avons également demandé au groupe de combler son retard dans le domaine du numérique, la précédente direction ayant été accaparée par d’autres chantiers qui ne lui ont pas permis d’investir cet axe de développement. C’est un processus long, qui est en cours. Nous avons demandé le développement de l’offre régionale et nous avons souhaité mieux arrimer les territoires ultramarins à la métropole. Enfin, nous avons demandé des efforts importants dans le domaine de l’accessibilité aux non-voyants. On ne peut pas investir France Télévisions de toutes ces missions, qui sont des missions de service public, et se plaindre en même temps de la baisse des audiences. Celle-ci est due à la transformation des programmes, mais aussi à la concurrence des chaînes de la TNT. Nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour expliquer que si on veut un audiovisuel public fort, il n’est guère opportun de diminuer ses ressources.

Au sujet des six chaînes nouvelles qui vont apparaître sur la TNT, on entend que beaucoup pourraient être des chaînes thématiques. Je souhaiterais pour ma part que nous fassions connaître au CSA les orientations que nous aimerions voir soutenues dans le cadre de l’attribution de ces chaînes.

S’agissant de l’AEF, je ne partagerai pas complètement votre optimisme, et je dois admettre que dans la rédaction du rapport qui m’a été confié sur ce sujet dans le cadre de la mission d’information créée par notre Commission et celle des affaires étrangères, je me heurte à de fortes difficultés. La question qui se pose est en fait celle du périmètre. Quelle est la place de TV5 Monde ? Qu’attendons-nous des chaînes, comme Euronews, qui contribuent à porter la voix de la France à l’international ? Quelle place pour les efforts entrepris par France Télévisions ?

En ce qui concerne la presse, je voudrais relativiser le constat dressé par M. Michel Françaix, selon lequel on donnerait beaucoup à celle-ci sans en être payé en retour. On aurait tort de sous-estimer le bouleversement que connaît ce secteur, avec l’apparition des journaux gratuits, l’éparpillement des recettes publicitaires ou l’apparition de nouveaux supports sur internet. Il faut maintenir ces aides, quitte peut-être à en revoir certaines modalités.

M. le ministre. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la désaffection dont souffre la presse écrite n’est pas une fatalité. Le succès de l’opération « mon journal offert » en témoigne.

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, si vous étiez encore réalisateur ou producteur, signeriez-vous la pétition de soutien à M. Rémy Pflimlin ? Ne partageriez-vous pas nos inquiétudes sur l’avenir de France Télévisions ? Nous avons voté contre un COM que nous jugeons insincère : afficher une prévision de 450 millions d’euros de recettes publicitaires à l’horizon 2015, alors qu’on atteindra au mieux 400 millions, signifie que le financement de la création ne dépassera pas le niveau plancher fixé par le COM à 420 millions d’euros. Dans ce contexte, on peut d’ailleurs se demander s’il était bien opportun de lancer maintenant six chaînes supplémentaires sur la TNT.

Par ailleurs, si vous étiez journaliste de France 24, auriez-vous signé la motion de défiance contre Alain de Pouzilhac ? Je rappelle que depuis trois ans, pas moins de 4 directeurs de l’information ont démissionné, sans parler du déménagement et de la réorganisation à marche forcée de RFI.

Si vous étiez un acteur économique, vous inquiéteriez-vous en outre du fait que d’ici peu, notre pays ne comptera plus qu’un seul quotidien économique, alors qu’à l’occasion du rachat de La Tribune par Bernard Arnault, le Gouvernement en place avait pris des engagements précis ?

Enfin, si vous étiez artiste ou interprète de la filière musicale, que penseriez-vous de l’échec de la carte musique, dont 50 000 exemplaires seulement avaient été distribués en août, et pour laquelle 1,25 million d’euros a pu être dépensé sur un budget de 25 millions ? Ne vous interrogeriez-vous pas sur la manière dont le Centre national de la musique, dont la création est préconisée par notre collègue Franck Riester dans son rapport, va être financé ? Ne seriez-vous pas inquiet à l’idée qu’une partie de ce financement puisse provenir de la redevance pour copie privée, qui pourrait être intégrée au budget de l’État, alors qu’elle finance 5 000 manifestations culturelles en région ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Plus qu’une question, j’émettrai une opinion et surtout un souhait à M. le Ministre, que je réitérerai d’ailleurs demain devant M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, pour défendre l’intégrité du COM de France Télévisions. D’abord deux remarques, une sur la forme et une sur le fond.

Sur la forme, il est un peu surprenant de voir des arbitrages qui datent du mois de juillet, avec un avis favorable sur le COM de la Commission des affaires culturelles mais aussi de la Commission des finances datant de moins de trois semaines aujourd’hui, éventuellement remis en cause. Ce n’est pas de votre fait, mais de ce qu’on a pu en lire dans la presse, je suis un peu surpris que la Commission des affaires culturelles n’ait pas été associée à ces discussions.

Sur le fond, il est important de ne pas pénaliser la réussite économique et de laisser à France Télévisions la maîtrise de sa gestion à condition de flécher, comme indiqué dans mon rapport sur le projet de COM, les éventuels surplus publicitaires soit vers la création, soit vers le numérique.

En ce qui concerne les chances que le groupe dégage des surplus publicitaires, permettez-moi d’être très dubitatif non seulement en raison de la conjoncture économique et de la chute des audiences mais aussi en raison de l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT. S’agissant de l’éventuelle baisse de la dotation publique dès la première année du COM, alors qu’on demandait un peu de visibilité et de stabilité pour France Télévisions, si cette baisse devait intervenir, ce serait dangereux parce qu’il n’y a pas de surplus publicitaire ni de cagnotte et que nous ne savons même pas s’il y aura un bénéfice l’année prochaine. Sachant que le COM prévoit une progression du coût de grille estimée à 2,8 % alors que la dotation publique ne devrait augmenter que de 2,2 %, si on venait à rogner encore sur ces 2,2 % d’augmentation, cela deviendrait très problématique et remettrait en question les engagements de France Télévisions en matière de financement de la création et du plan numérique.

Mme Marie-George Buffet. En ce qui concerne la presse, hors abonnement AFP, nous sommes sur une décrue de plus de 12 % au moment où la presse doit faire face au développement du numérique et mener un véritable combat pour maintenir son lectorat, la qualité de ses informations et le statut de ses personnels, notamment les journalistes. J’étais hier avec les manifestants de France Soir : la solution, prônée par la direction, du passage au « tout numérique » fait obstacle à l’hypothèse d’un repreneur. J’aurais aimé savoir la position de la tutelle et connaître l’action du ministère par rapport au patron de France Soir. La Tribune et d’autres journaux sont également en grand danger.

C’est la crise la plus grave depuis des décennies. Aussi le système d’aide à la presse est-il à revoir, mais pas dans le sens du rapport Cardoso qui va contribuer à une plus grande concentration des titres et à moins de pluralisme. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Vous avez évoqué les objections de Bruxelles concernant le financement de l’AFP. J’aimerais avoir plus de précisions sur le délai qui nous est imparti pour agir.

Êtes-vous dans le même état d’esprit au sujet de la taxe créée pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Vous dites avoir mis en route une série de procédures et de réponses permettant de faire reculer la décision de la Commission européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Votre vision de la situation de l’AEF n’est pas tout à fait celle que nous avons eue lors des auditions de la mission d’information, d’ailleurs suspendues sans que le rapport ait pu être rendu. J’étais, il y a moins de deux heures, avec différents représentants syndicaux de France 24 et de RFI. Je voudrais souligner la très grande souffrance au travail dans ces deux entreprises. Il y a eu déjà deux plans sociaux : le premier a coûté 41 millions d’euros, le second va coûter 27 millions d’euros. Ce dernier prévoit 126 suppressions de postes, dont 80 journalistes. Le déménagement a déjà coûté 12 millions d’euros sans garantie que cet immeuble puisse être occupé par le personnel de RFI. Nous avions critiqué le caractère bicéphale de la direction, mais nous nous apercevons qu’après la disparition d’une tête, ni la gestion ni les rapports au personnel ne se sont améliorés. Nous avons donc beaucoup de doutes sur le périmètre et les conditions de cette fusion. Nous allons continuer à travailler pour rendre un rapport qui posera beaucoup de questions et de critiques sur la façon dont se règle ce problème.

J’espère que vous agirez pour contrer un amendement qui priverait France Télévisions de ressources, car nous en avons besoin pour la fiction et la création et pour relever les différents défis auxquels est confronté le service public, parmi lesquels l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT ; et nous connaissons également les difficultés que connaît France Ô. Je pense donc qu’il faut laisser cet argent à France Télévisions.

Vous avez dit que vous étiez solidaire du monde du cinéma. Face à l’amendement qui vise à plafonner les taxes affectées au CNC, je préfère que vous soyez solidaire du cinéma plutôt que de Mme Pécresse et M. Baroin.

Mme Françoise de Panafieu. Comme Christian Kert, j’interviens sur les menaces qui pèsent sur le COM de France Télévisions. En effet, je veux souligner l’importance que nous attachons à son respect. Il me semble que le remettre en cause d’emblée alors que nous venons de rendre notre avis, il y a à peine un mois, créerait un climat d’incertitude très nuisible pour cette entreprise publique. Je crains aussi que si ce COM, fruit de six mois de tractations, était remis en cause, ce soient les producteurs qui fassent les frais de cette opération. Nous connaissons tous la fragilité de ce secteur qui vit pour l’essentiel de France Télévisions. Plus qu’une question, c’est une inquiétude que je voulais là exprimer. Nous comptons donc sur vous, Monsieur le ministre, pour plaider demain ce dossier et faire en sorte que France Télévisions ne soit pas déstabilisée.

M. Marcel Rogemont. Je voudrais aborder la question de la presse très sommairement, puisque l’essentiel a déjà été dit. Il n’en reste pas moins que notre collègue Michel Françaix a eu l’occasion de rappeler que le ciblage des aides à la presse devait être au cœur des décisions à prendre et que la diffusion par La Poste bénéficiait essentiellement à la presse magazine. Je veux rappeler que l’aide au portage, qui est ciblée sur la presse d’information politique générale, va donc dans le bon sens. J’aimerais savoir pourquoi, alors que les effets du portage sont plutôt positifs, au lieu d’augmenter les crédits, vous les diminuez ?

Sur la question du financement de l’AFP, qui reste en apesanteur, vous avez dit que nous avions du temps. J’aimerais savoir quelles initiatives vous entendez prendre sur cette question.

Je voudrais aussi aborder la question du CNC et des taxes spécifiques qui permettent le soutien fructueux d’un secteur économique. Dans l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, on mêle des types de taxes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Par exemple, on vise la taxe sur les jeux en ligne qui va financer le Centre des monuments nationaux. Il n’y a, dans ce cas, pas de lien direct entre la taxe et l’objet pour lequel le financement est accordé. En revanche, avec le CNC, nous avons des taxes qui favorisent une auto-organisation et à partir du moment où on enlève un centime de cette auto-organisation, cela signifie que vous créez une taxe sur les industries cinématographiques. Qu’en est-il du Centre national du livre qui, lui aussi, bénéficie d’une taxe de 1 % du chiffre d’affaires de l’édition ? Les éditeurs financent un accompagnement de la filière du livre, qui est fragile. Si le plafonnement existe aussi pour le livre, vous créez une taxe sur les éditeurs dès lors que vous détournez la taxe existante de son sens. C’est plus grave que vous ne le pensez.

D’autre part, il me semble avoir entendu – peut-être s’agit-il de bruits de couloir – qu’il serait possible que l’on prélève sur les taxes affectées au CNC une partie pour financer le Centre national de la musique. J’ose espérer que ce sacrilège n’existe pas dans votre esprit car ce serait transformer le CNC en pompe à financement qui n’a pas lieu d’être et, là encore, cela constituerait un détournement.

Je souhaite donc être rassuré quant à l’éventuel financement du Centre national de la musique indépendamment des financements du CNC.

Je veux parler ensuite de l’audiovisuel public. La réforme de 2009 devait être la réforme totale. Le financement de l’État était naturellement garanti. Nous sommes attachés au COM, même si nous ne l’avons pas voté car il n’était pas suffisant, et ne pouvons accepter que la dotation du groupe soit réduite de 50 millions. C’est là la parole de l’État qui est en cause.

De même la parole de l’État est en cause par son refus d’appliquer un taux de TVA super réduit à la presse en ligne.

Vous allez créer six chaînes de plus sur la TNT. L’expérience montre que la volonté d’ouvrir le paysage audiovisuel français a échoué puisque pratiquement toutes les chaînes ont été rachetées par des grands groupes audiovisuels. Allez-vous augmenter le nombre de chaînes que peut détenir un groupe audiovisuel afin que les grands groupes puissent racheter dans un an ou deux lesdites chaînes ? Ou allez-vous mettre en place des règles claires afin qu’il n’y ait pas de concentration supplémentaire sur ces nouvelles chaînes et qu’elles ne soient pas revendues à la petite semaine ?

Mme Monique Boulestin. Le seul budget consacré au livre et aux industries culturelles représente aujourd’hui près de 275 millions d’euros. Il est en baisse de 29 millions d’euros par rapport à l’année dernière, soit une baisse réelle de 8,5 %.

Vous avez déclaré, lors de votre dernière conférence de presse, que vous aviez l’ambition de poursuivre votre politique en faveur du livre. Pour ne citer qu’un exemple, le seul projet du quadrilatère Richelieu – que nous ne contestons pas – représente pour l’État un investissement de 211 millions d’euros dont 171 millions à la charge du ministère de la culture. Dans ces conditions, comment comptez-vous poursuivre cette ambition, notamment votre soutien au secteur de l’édition ? En outre, seuls 10 millions d’euros seront destinés à l’accompagnement de projets de numérisation pour la modernisation de ce secteur.

Par ailleurs, comment poursuivre le soutien aux librairies et aux professions du livre avec seulement 3 millions d’euros ?

Comment développer la lecture et l’aide à sa diffusion par les bibliothèques avec une dotation globale de décentralisation en baisse partout sur notre territoire ?

Nous sommes loin, Monsieur le ministre, des valeurs fondatrices du ministère de la culture : démocratisation, décentralisation et innovation.

Seul votre ministère peut garantir la poursuite de la politique de décentralisation culturelle attendue tant par les Français que par les collectivités territoriales.

Nous comptons sur vos engagements pour revoir la désorganisation née de la refonte de l’administration centrale du ministère de la culture en 2010 et que nous avons dénoncée en son temps, et pour repenser une politique culturelle ambitieuse avec une véritable politique du livre.

M. Patrick Lebreton. Je voulais profiter de votre venue en Commission pour vous interroger sur l’action 3 du programme « diversité radiophonique » de la mission « Médias », à savoir « le soutien à l’expression radiophonique locale ».

Dans l’exposé de votre action, vous affirmez que le « maintien des crédits permettra de faire face, comme en 2011, à l’augmentation du nombre de radios associatives, suite aux autorisations accordées par le CSA en FM ».

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que le nouveau plan de fréquences prévu pour La Réunion a provoqué de vives tensions.

Dénonçant une concertation tronquée, une vingtaine d’opérateurs représentant les radios locales et associatives, réunis au sein du Front des Ondes Réunionnaises, s’inquiètent de l’arrivée de mastodontes commerciaux comme Fun Radio, RTL2 ou RMC et la consolidation des antennes liées à des grands groupes locaux existants.

Alors que le marché publicitaire de notre région est naturellement restreint et que les coûts de diffusion sont élevés, en raison du contexte géographique très accidenté, c’est tout simplement la mort inéluctable de ces petites stations qui font l’identité réunionnaise que ce nouveau plan de fréquences programme.

Nombreux ont été les opérateurs à alerter le CSA. Je l’ai moi-même saisi au mois de juillet et je n’ai d’ailleurs, à ce jour, toujours pas reçu la moindre réponse. Je crains donc que l’esprit de la loi de 1982 sur les radios soit fortement altéré.

Y a-t-il, Monsieur le ministre, une réelle cohérence entre votre objectif louable affiché de soutenir les radios associatives et les décisions du CSA qui programment, à La Réunion, la mort de ces radios ?

Mme Françoise Imbert. Plusieurs sujets ont déjà été abordés, comme les difficultés et le coût de la distribution de la presse en France ou bien l’avenir des librairies indépendantes sur notre territoire, qui offrent une garantie de conseil aux lecteurs, de possibilités de rencontres et de contacts avec les auteurs, d’organisation de cafés littéraires…

Je voudrais évoquer la situation du photojournalisme. Ce secteur connaît actuellement une grave crise qui s’illustre aujourd’hui par une grande précarité de ses professionnels. Comment le ministère s’engage-t-il plus précisément dans ce budget 2012 pour soutenir la photographie de presse et le photojournalisme ?

M. le ministre. Pour avoir eu des activités dans ce domaine, le photojournalisme m’est très cher. Je me rends chaque année au festival de Perpignan qui est une manifestation absolument remarquable. Comme vous le savez, j’ai réalisé dans une vie antérieure un film sur les photojournalistes. Je suis frappé aujourd’hui par la réduction terrible des possibilités de développement de leurs ressources économiques du fait de la diminution des commandes des magazines, de la multiplication d’autres sources d’illustrations, notamment les photos réalisées au moyen de téléphones portables, et de l’utilisation excessive de la mention « droits réservés » qui va à l’encontre de leurs intérêts. Je pense que le photojournalisme représente ce qu’est la haute couture par rapport au prêt-à-porter, c’est-à-dire qu’il s’agit de la création de prototypes essentiels dans le domaine de la photographie. Le photojournalisme est à la rencontre du rendu d’une situation objective et du regard d’un photographe : c’est Sebastião Salgado voyant les travailleurs de la mine au Brésil.

Nous avons construit un plan d’aide au photojournalisme avec la mise en place au sein du Centre national des arts plastiques (CNAP) d’un fonds destiné à contribuer au montage financier des opérations de photojournalisme, puisque les reportages se préparent, à l’instar des films, et il faut pouvoir effectuer cette préparation avant qu’un journal accepte ou achète les photos - dans la mesure où les journaux sont désormais moins souvent producteurs de reportages dès l’origine. Ce fonds fonctionnera à l’image de la commission d’avance sur recettes pour le cinéma. C’est une première réponse importante aux questions posées par la situation du photojournalisme.

Avec les librairies, Mme Imbert met le doigt sur une question qui va tarauder le domaine de la culture dans les années à venir. C’est un très grand motif d’inquiétudes. Assistant au congrès des libraires qui s’est tenu à Lyon, j’ai eu le sentiment que chacun prend conscience désormais de la gravité du problème, dans une sorte de moment de catalyse. Il convient de rappeler que la principale chaîne de librairies aux États-Unis, Barnes & Noble, a déposé son bilan et que dans, le même temps, l’extension rapide des tablettes de lecture, le développement des services fournis par Amazon ainsi que l’accroissement de la lecture sur internet sont source d’une rude concurrence pour les librairies.

Nous avons en France un label qui permet de distinguer et de signaler en quelque sorte les librairies qui sont des lieux d’échanges et de lien social un peu particuliers. De même, aux États-Unis, un certain nombre de librairies indépendantes supportent le choc en développant des services annexes : conseils de lecture, rencontres avec des écrivains, signatures… Il est certain, néanmoins, que le métier est amené à changer. Actuellement, la prise de conscience, par la profession, du danger et des contraintes de cette situation est forte. Le ministère de la culture est réellement à l’écoute afin de construire avec les libraires un plan qui permette de contrecarrer les premières attaques très virulentes auxquelles nous pouvons assister. Il convient néanmoins de constater, sans s’en réjouir pour autant, que pour l’instant le livre numérique sur tablette n’a pas en France l’expansion qu’on lui connaît ailleurs. Mais tôt ou tard, il exercera une très forte concurrence. Je suis personnellement en alerte sur ce sujet et je pense que nous pourrons prendre des mesures pour parer au danger qui se précise.

En ce qui concerne La Réunion, je dois dire à M. Lebreton qu’il ne peut pas affirmer que le CSA programme la mort des chaînes associatives réunionnaises. Sans doute la réponse que vous attendiez tarde-t-elle de manière trop importante, mais on ne peut suspecter le CSA ne serait-ce que d’indifférence vis-à-vis de La Réunion. Quant à moi-même, tant par l’attachement que j’éprouve pour La Réunion que pour le formidable vivier de diversité que ce département constitue dans notre pays avec son million d’habitants et la beauté de ses paysages, il est évident que je suis totalement attentif au maintien et à la protection des radios associatives. Je vous promets que je serai l’ambassadeur de La Réunion auprès du CSA à ce sujet.

En matière de livres, je voudrais compléter les observations de Mme Boulestin. S’agissant de la numérisation, nous avons réussi à mettre en place un financement par l’emprunt national pour les investissements d’avenir. C’est important : rappelez-vous il y a deux ans la polémique considérable à propos de la numérisation des fonds de la Bibliothèque nationale de France. Cette numérisation d’une partie importante des fonds va être rendue possible dans le cadre des investissements d’avenir, sans lesquels le financement aurait dû être obtenu par redéploiement d’autres actions. Il ne faut pas négliger non plus le plan en quatorze points pour la lecture qui donne des résultats appréciables. Je prends l’exemple d’un village dans les Ardennes où je suis allé récemment et dans lequel une bibliothèque itinérante vient deux jours par semaine en apportant une offre de prêt et de lecture qui n’existait pas auparavant. Le plan en faveur des bibliothèques fonctionne également. L’ensemble des actions est suivi constamment et la politique du livre est une chose essentielle pour moi et pour le ministère. Certes, la taxe affectée au CNL risque d’être plafonnée, mais ce sera à un niveau suffisamment élevée pour le CNL puisse continuer à bénéficier de l’enveloppe budgétaire sécurisée dont il a besoin. Il suffit d’entrer dans le détail des crédits pour constater que la politique du livre ne souffre pas d’une diminution des moyens dont elle dispose, tout au plus peut-il s’agir de redéploiements.

À Mme Buffet, j’indique qu’il y a bien sûr une décrue à l’issue de trois ans d’aides à la presse d’un montant sans précédent à la suite des États généraux de la presse écrite. Mais cette décrue n’est que de 7 %. Par ailleurs, si l’État a fourni un effort gigantesque, il faut également que la presse, de son côté, accomplisse un certain nombre de gestes d’une manière conséquente. Il y a le cas de France Soir pour lequel j’ai approuvé les aides, malgré mes doutes, car il s’agissait de tenir un engagement. Je ne sais pas comment ce journal a été géré, mais je me demande aujourd’hui à quoi tout cet argent a servi – outre à protéger les emplois. Mais à côté de cet exemple, des transformations fantastiques ont été opérées, par exemple à la rédaction de Sud Ouest dont la volonté de faire remonter un journal qui souffre est manifeste. On a donné là un signal positif à une grande partie des journalistes dont on soulignait tout à l’heure les inquiétudes en termes de déclassement social.

Compte tenu notamment du tsunami que représente l’avènement du numérique, tout n’a pas fonctionné mais une grande partie de l’énorme travail de remise en ordre a été effectuée. Les crédits pour 2012 permettent de maintenir un dispositif conséquent qui continue à accompagner la presse tout en évitant de mettre en place un système d’assistance permanent. Il fallait que les organes de presse prennent leur part de l’effort considérable que l’État a mis en œuvre.

En ce qui concerne l’AEF, je ne néglige pas du tout ce que Mme Buffet a dit de la souffrance au travail ressentie par beaucoup de personnels de RFI qui ont vécu dans l’inquiétude en raison de la restructuration importante imposée à cet organisme. Je rappelle simplement que RFI était vraiment en situation d’obsolescence s’agissant de la répartition des langues et de la couverture des pays ; il y avait une rénovation de fond à opérer pour en assurer la pérennité. Effectivement, le déménagement est coûteux, mais lorsque l’ensemble RFI et France 24 sera réuni, il faut souhaiter qu’il en découle des mutualisations et une efficacité sources d’un certain nombre d’économies.

J’ai déjà évoqué les raisons de la lenteur avec laquelle le COM a été élaboré. Les choses sont compliquées et tout a dû être remis sur la table. À partir du mois de novembre, on pourra entrer dans le vif du sujet. Tout n’est certes pas parfait à l’AEF, mais je dis simplement que cela va mieux – sans compter que l’arrivée à l’AEF de mon ancien directeur de cabinet est pour moi un signe positif car il apportera à l’entreprise une compétence et une humanité très importantes. Tout cela fait que nous en aurons fini avec le feuilleton que nous avons connu auparavant.

Je suis d’accord avec M. Rogemont pour dire que la taxe sur les jeux en ligne n’a pas grand-chose à voir avec les monuments nationaux. Vous mettez par ailleurs le doigt sur une particularité de la création en France qui suscite un fort intérêt à l’étranger : je veux parler du fonctionnement du CNC qui, en quelque sorte, s’autofinance et s’autogère. Cela a assuré la pérennité du cinéma français quand tant de cinématographies étrangères s’effondraient. C’est une chose à laquelle il ne faut pas toucher. Ce dispositif a montré son efficacité et il faut continuer à le défendre. Je suis sur la même longueur d’onde que vous et les professionnels du cinéma pour considérer qu’il s’agit d’un élément fondamental de soutien à la création et de la vie artistique. Il ne faut pas commencer à y toucher, sous peine notamment d’amener par exemple les autorités européennes à s’intéresser au dispositif de manière négative et à nous poser des questions sur lesquelles nous ne serions pas embarrassés – puisque nous avons raison –, mais qui nous feraient perdre du temps et inquiéteraient de surcroît énormément la filière cinématographique.

M. Patrick Bloche. Justement, le fait que l’on réforme la TST pour adapter son barème et son taux à la réalité des opérateurs de télécommunications et que l’on plafonne son produit à 700 millions d’euros s’agissant de la somme qui reviendra au CNC afin que 70 millions d’euros puissent abonder le budget de l’État ne fragilise-t-il pas ce dispositif à l’égard de la Commission européenne, qui pourrait le considérer comme une taxe sur les opérateurs destinée à combler le déficit budgétaire ?

M. le ministre. Les conversations exploratoires que nous avons menées sur ce sujet nous laissent à penser que nous n’aurions pas de difficultés de cet ordre s’agissant de la TST distributeurs. Pour l’instant, il n’y a pas de mise en cause sur ce terrain. En revanche, si la même chose était appliquée aux autres taxes affectées au CNC, nous prendrions un grand risque. En tout état de cause, il convient de réaffirmer ce sur quoi nous sommes en phase, c’est-à-dire une philosophie de la création artistique et cinématographique en France.

Pour répondre notamment à Mme de Panafieu, il est vrai que le COM de France Télévisions a été signé très récemment après avoir fait l’objet de beaucoup de réflexions et de travaux, tout particulièrement au sein de cette Commission, et M. Gaultier l’a souligné de manière très pertinente. Il y a des points sur lesquels on peut encore se poser des questions, mais tout a été étudié de manière sérieuse et approfondie, notamment la vision très volontariste des ressources publicitaires. Remettre en cause le COM quelques semaines seulement après l’avoir signé serait un très mauvais service rendu à la télévision publique.

M. Bloche m’a interrogé sur la destination des 25 % de la rémunération pour copie privée consacrés au spectacle vivant. Sur ce sujet, un texte de loi est en préparation afin de prendre en compte les décisions du Conseil d’État. Nous ne prélèverons pas d’argent sur la copie privée pour financer la filière musicale. Un dispositif de préfiguration sera mis en place pour assurer ce financement, et je précise également que cela ne viendra pas non plus du CNC.

Je reconnais que la première version de la carte musique jeunes n’a pas eu de succès. Nous en revenons à la question de savoir comment concilier la liberté et la gratuité. La carte musique jeunes implique un achat, même si l’État participe à son financement. Il est vrai qu’elle s’adresse à un public de jeunes qui, désormais, obéissent pour une partie d’entre eux au principe de la gratuité absolue. Il est donc difficile de leur faire admettre le message pédagogique que représente le paiement de la carte, alors même que cette carte leur ouvre l’accès à des capacités d’écoute considérables. Sur le plan ergonomique, la carte musiques n’était pas optimale ; j’en prends une part importante de responsabilité dans la mesure où c’est moi-même qui avais poussé à une réalisation rapide. La nouvelle version étant établie sur d’autres bases, avec notamment une carte physique, une ergonomie plus simple et une meilleure communication, elle a de plus grandes chances de succès. Si c’est le cas, nous aurons remporté une victoire.

Sur la question de la presse économique, il faut constater que trois titres sont aujourd’hui en présence : Les Échos, La Tribune et les pages « saumon » du Figaro. Y a-t-il de la place pour ces trois titres en France à l’heure actuelle ? La question se pose. L’évolution de La Tribune, si elle se traduit par le plan social que l’on sait, n’entraîne pas la disparition du titre. Le passage à une édition internet sera peut-être une solution pour maintenir cette publication.

Si j’étais à l’AEF, pour reprendre l’interpellation de M. Bloche, je ne signerais pas la motion de défiance et puisque Pierre Hanotaux est désormais aux côtés d’Alain de Pouzilhac, ce serait faire preuve d’une grande inconséquence compte tenu de l’amitié et de la confiance que je porte à un haut fonctionnaire d’une qualité exceptionnelle.

Quant à Rémy Pflimlin à France Télévisions, je signerais bien sûr la motion de soutien qui n’est nullement un aveu de faiblesse. Dire aux gens qu’on les aime est au contraire le moyen de construire avec eux quelque chose de neuf et de plus fort. Et, au-delà des raisons qui ont pu être avancées précédemment, ayant vu tellement de dirigeants à France Télévisions depuis trente ans, avec beaucoup de certitudes et souvent de l’arrogance, vivant dans les rumeurs et les intrigues, j’ai le sentiment par contraste d’avoir en Rémy Pflimlin quelqu’un avec qui je peux vraiment échanger. Il a une vision de la presse, de l’Europe ; il a laissé un fort souvenir à France 3 ; ses auditions à l’occasion de sa nomination ont également laissé une forte impression. Il dirige aujourd’hui ce monstre qu’est France Télévisions, où l’on trouve une culture d’entreprise propre à chaque secteur du groupe, ce qui est un handicap pour l’ensemble de l’entreprise. L’homme qui est capable par ses qualités personnelles de surmonter cet obstacle en plus de toutes les questions qui se posent à France Télévisions, c’est certainement Rémy Pflimlin.

M. Patrick Bloche. Je précise qu’il n’était nullement dans mon intention de mettre en cause personnellement M. Pflimlin.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède ensuite à l’examen, pour avis, des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel (Audiovisuel ; Avance à l’audiovisuel public) et de M. Michel Françaix (Presse) au cours de sa séance du mercredi 26 octobre 2011.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous avons entendu hier M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je voudrais m’associer tout d’abord aux compliments adressés à notre collègue Jean Roatta que j’ai toujours beaucoup apprécié.

J’en viens maintenant au rapport que j’ai consacré aux réformes en cours de l’audiovisuel public, concernant plus particulièrement France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France (AEF). Vous comprendrez que je ne partage pas tout à fait ce que nous a dit hier le ministre de la culture et de la communication. S’agissant de France Télévisions, le bilan très négatif de la suppression de la publicité se confirme. Son impact sur l’audience et sur les programmes est nul, voire négatif. Le seul effet incontestable était normalement l’avancement des horaires des programmes. Or, il semblerait, d’après nos minutages et les informations qui nous ont été transmises par divers observateurs, que ces derniers commencent de plus en plus tard et je regrette que France Télévisions ne m’ait pas apporté les précisions demandées sur ce point.

Le nouveau financement n’est absolument pas garanti à l’euro près, contrairement à ce qu’avait affirmé notre collègue Jean-François Copé, la main sur le cœur, au moment de l’adoption de la loi. Ce financement se traduit au contraire par un recul inquiétant de l’indépendance financière du groupe, comme en témoignent les initiatives très préoccupantes annoncées par nos collègues Patrice Martin-Lalande et Gilles Carrez.

Rappelons que l’objectif affiché de la loi de 2009 était de renforcer le service public audiovisuel. Si nos collègues de la Commission des finances cherchent désespérément à dégager des ressources pour l’État, je leur suggérerais bien volontiers de revenir sur la suppression de la publicité pour laquelle ils ont voté, eu égard à son bilan très négatif, plutôt que de mettre le service public dans l’incapacité d’accomplir sa mission. Je soutiendrais d’ailleurs une telle initiative. Je rappellerai également aux orthodoxes budgétaires que la « taxe télécoms » qu’ils ont mise en place est une véritable bombe à retardement pour les finances publiques.

S’agissant des évolutions intervenues en 2011, avec le changement de direction, au mieux elles déçoivent, et au pire inquiètent. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) est bâti sur une prévision insincère de ressources publicitaires et, comble d’hypocrisie, la Direction du budget et la régie publicitaire de France Télévisions m’ont confirmé que cette trajectoire avait été établie comme si la publicité en journée était maintenue, solution à laquelle le Gouvernement s’est opposé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 !

La nouvelle organisation interne a certes eu le mérite de mettre fin au guichet unique, mais certains constatent une trop grande décentralisation des responsabilités, qui aurait quelque peu, je cite, « cassé la logique de l’entreprise commune » et mis les chaînes en concurrence.

Outre le financement, la principale préoccupation porte évidemment sur la nouvelle stratégie éditoriale. On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace et pour une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement ambitieuse et exigeante. Dans un article récent et sur la base d’un décryptage minutieux des nouvelles grilles de programme, le quotidien Le Monde parlait même de « racolage public ». On ne peut d’ailleurs pas exclure que la baisse récente de l’audience vienne au contraire sanctionner une volonté trop forte d’augmenter cette dernière.

En ce qui concerne le numérique, l’effort financier, qui n’est que de 55 millions en 2011, est évidemment très décevant au regard des enjeux, de la priorité affichée et des quelque 300 millions qu’y consacre la BBC.

Je reviens également sur la grave anomalie que représente l’absence de chaîne consacrée à la jeunesse, d’autant que le groupe en a pris conscience et reconnaît le bilan très mitigé de sa programmation jeunesse. J’avais proposé l’an dernier de faire de France 4 la chaîne jeunesse. Cette proposition me semblait à même de remplir l’objectif de rajeunissement de l’audience et de renforcement de l’identité de la chaîne. Lors de son audition, M. Jean-Louis Missika a estimé que la mission de France 4 était perdue d’avance. La cible visée – les 15-40 ans – est en effet la plus disputée par les chaînes privées, celle dont le lien avec le service public est le plus ténu et dont la consommation de médias se fait avant tout sur internet. Je rejoins Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, qui a déclaré devant nous : « il ne sert à rien de tenter de toucher les jeunes adultes sur la télévision classique : ils sont déjà partis ailleurs ».

Le groupe envisagerait plutôt le rachat des parts de Lagardère dans Gulli. Cette solution apparaît peu réaliste dans la mesure où le groupe Lagardère, que j’ai auditionné, a clairement déclaré qu’il serait bien volontiers acheteur des parts de France Télévisions, mais absolument pas vendeur des siennes.

Je propose également que le groupe s’investisse davantage dans une autre mission de service public qu’est la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, dont la numérisation a fait l’objet d’un financement de grande ampleur, notamment dans la perspective de la télévision connectée.

S’agissant de l’audiovisuel extérieur de la France, au-delà des scandales à répétition que nous avons évoqués hier, nous ne pouvons plus tolérer, en tant que députés représentants de la Nation, l’absence illégale de COM et le tissu de mensonges que constitue la communication de la direction sur la situation financière et les résultats de l’entreprise. Voici une liste non exhaustive des justifications mensongères avancées successivement par la direction devant les parlementaires pour expliquer l’absence de COM. Ce fut d’abord l’intégration difficile des sociétés qui composent l’AEF, puis la nécessité d’un retour préalable à l’équilibre de RFI. Le problème est ensuite devenu le statut particulier de TV5 Monde au sein de l’AEF, puis la demande de rallonge budgétaire pour financer TV5 Monde et, élément nouveau, la suppression d’une émission de prêche évangéliste sur Monte Carlo Doualiya. De là à penser qu’on se moque de nous, le chemin n’est pas long.

En 2011, il est apparu au grand jour que la direction avait également menti sur les perspectives financières de l’AEF, obligeant l’État, qui lui avait accordé une confiance aveugle, à demander à l’Inspection générale des finances de l’éclairer.

Aujourd’hui, M. de Pouzilhac, que j’ai auditionné, estime que les crédits qui lui sont attribués ne sont pas à la hauteur des besoins. Il conteste très fortement les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances et a indiqué que si ce rapport devait servir de base à la négociation d’un COM, on pouvait – pour être un peu familier – toujours attendre.

S’agissant de l’impact de la réforme et donc des résultats d’audience, depuis l’arrivée de M. de Pouzilhac, les chiffres avancés font largement polémique. Lors de son audition, M. de Pouzilhac s’est d’ailleurs ému que l’Inspection générale des finances puisse l’accuser de « truquer » – je reprends son expression – ses chiffres d’audience, information qui m’a évidemment fortement troublée. Il me semble qu’on peut exiger par conséquent du Gouvernement qu’il infirme ou qu’il confirme au plus vite cette information – puisque nous n’avons pas connaissance du rapport de l’Inspection générale des finances – et, si elle est confirmée, qu’il en tire les conséquences qui s’imposent en révoquant sans plus tarder M. de Pouzilhac.

Sur le fond, je souhaite faire part de mes interrogations sur deux points qui me paraissent d’une urgence et d’une gravité particulières : le projet de fusion entre France 24 et RFI et l’avenir de TV5 Monde au sein de l’AEF. Je suis plus que réservée, comme beaucoup d’entre vous, me semble-t-il, sur l’opportunité de ce projet de fusion qui est mené à marche forcée, sur la base d’arguments fallacieux.

Pour justifier son projet, M. de Pouzilhac renvoie systématiquement à l’exemple de BBC World où, après vérification, on constate qu’il n’y a pas de fusion entre les rédactions radio et télévision. Le président fonde également son argumentaire sur les prétendus succès du pôle arabophone qui a rapproché Monte Carlo Doualiya et France 24 arabophone. L’argument se retourne contre lui-même puisqu’il montre bien que les synergies peuvent être réalisées sans fusion. Je pense surtout que les métiers sont différents, s’agissant en particulier d’une ancienne chaîne de radio généraliste et d’une jeune chaîne de télévision d’information en continu. Je rappelle que, même au sein de groupes comme France Télévisions et Radio France, dont les antennes font toutes le même métier, il n’y a pas de fusion des rédactions.

J’en viens maintenant à l’avenir de TV5 Monde. Non seulement TV5 Monde est particulièrement marginalisée dans les préoccupations de l’AEF, mais la direction présente systématiquement TV5 Monde comme un problème. À son tour, TV5 Monde ne se satisfait pas de son intégration au sein de l’AEF et on peut le comprendre : la chaîne n’est pas représentée au conseil d’administration de l’AEF et n’est pas associée aux négociations du COM qui doit prévoir l’essentiel de son financement. Quant à nos partenaires francophones, un peu froissés depuis le rapport Benamou, ils ne comprennent toujours pas la présence de TV5 Monde au sein de l’AEF et souhaitent que la question soit de nouveau ouverte.

Compte tenu de ces éléments, j’estime, comme de nombreux spécialistes, que la question de la place de TV5 Monde au sein de l’audiovisuel extérieur de la France mérite d’être sérieusement posée et repensée.

La question se pose aussi sérieusement d’un rapprochement avec France Télévisions. Je suis persuadée, en tant que rapporteure pour avis, que l’un des défauts majeurs de France 24 est d’avoir été créée ex nihilo, en dehors de l’audiovisuel public. Les synergies entre France 24 et le groupe audiovisuel public pourraient pourtant être substantielles. En effet, le COM de France Télévisions, sur lequel nous avons formulé un avis il y a peu de temps, réaffirme la priorité que constitue le renforcement du rôle de France Télévisions à l’international. Environ 200 personnes travaillent à l’international au sein de France Télévisions. Le groupe France Télévisions dispose de onze bureaux à l’étranger dans toutes les grandes capitales du monde et de l’Agence internationale de télévision (AITV), rédaction dotée d’un réseau très dense de correspondants en Afrique et qui a joué un rôle majeur pour couvrir la crise en Côte-d’Ivoire. Dans les pays francophones du Maghreb, le rôle de France Télévisions est aussi, voire plus important, que celui de l’AEF.

Rappelons également que France Télévisions est quasiment la base de données de France 24. Un adossement de l’AEF à France Télévisions aurait une logique qui, pour le coup, serait véritablement celle de la BBC, où BBC World Service fait bien partie de la grande maison BBC.

L’argument selon lequel France Télévisions a suffisamment de travail avec sa propre réforme et la nécessité prétendue de disposer d’un pôle dédié autonome ne paraît pas recevable, eu égard à l’exemple de la BBC et dans la mesure où le groupe France Télévisions inscrit le développement à l’international parmi ses priorités, alors que ce n’est pas foncièrement son rôle.

En ma qualité de rapporteure pour avis, j’aurais d’ailleurs jugé une rationalisation de l’audiovisuel extérieur en fonction des métiers - France 24 étant rattachée à France Télévisions et RFI à Radio France - plus pertinente que l’organisation retenue. Cette répartition n’aurait évidemment pas fait obstacle à la mise en place de synergies entre les uns et les autres.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Lors de son audition hier par notre Commission, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, nous a déclaré avec justesse que les aides à la presse étaient particulièrement importantes et en progression. Je ne le contredirai pas sur ce point, même si leur montant a légèrement diminué cette année. J’insisterai en revanche sur une question : à quoi servent des aides ciblées sur les mauvais bénéficiaires, privilégiant le « lecteur consommateur » au détriment du « lecteur citoyen » ? Si les aides étaient bien ciblées, pourquoi des crises telles celles de La Tribune, de France Soir, de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse, ou encore de Paris Normandie ?

La raison en est simple : les aides sont tellement intégrées au modèle économique de certaines publications qu’elles les ont trop souvent incitées à différer les ajustements nécessaires, le remède ayant, dès lors, pour effet d’aggraver le mal. Si nous continuons en ce sens, la presse va « mourir guérie ». J’irai même jusqu’à dire qu’accroître le montant de certaines aides revient à aggraver la maladie.

Par ailleurs, au vu de la situation de Presstalis, les spécialistes du secteur ne peuvent jurer de la pérennité du système de distribution de la presse en France. En effet, Presstalis n’étant plus capable d’assurer la totalité de cette distribution, chacun « se débrouille ». Or si, demain, chaque titre devait disposer de son propre système de distribution, le principe de l’aide à la presse magazine récréative serait définitivement remis en cause. En effet, si cette presse a été aidée dans les mêmes proportions que la presse dite « citoyenne », c’est-à-dire les quotidiens ou les hebdomadaires politiques, c’est parce que la mise en œuvre d’un système coopératif permettait que la presse quotidienne puisse être distribuée dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, nous laissons mourir les quotidiens et nous continuons à aider ceux qui se portent le mieux et ont décidé de ne plus participer à ce système coopératif.

La situation des diffuseurs, dont l’amélioration était l’un des objectifs principaux des États généraux de la presse écrite, n’a jamais été aussi mauvaise. Le réseau des points de vente dont on annonçait le développement est en régression, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. Notre collègue Christian Kert déclarait hier, en Commission, que cette situation alarmante était exclusivement imputable à la situation économique et au développement d’internet. Il n’a pas tout à fait tort, mais son raisonnement est un peu court. Les éditeurs ont eux aussi une part de responsabilité. L’offre n’est pas toujours adaptée à la demande. Les journaux ne se soucient pas toujours assez du lecteur : on écrit trop souvent pour ses confrères, le pouvoir politique, le pouvoir économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc de plus de cinquante ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel. En outre, la paupérisation et la précarisation croissantes du métier de journaliste ne sauraient être sans effet sur la qualité de l’offre.

Je suis pourtant convaincu que la situation serait meilleure si le 1,2 milliard d’euros d’aides publiques consacrées chaque année à la presse avait été mieux employé et ciblé. Ainsi, le total des aides à la presse en ligne ne s’élève qu’à 20 millions d’euros ! Cela n’empêche pas que l’on se gargarise d’en faire une priorité… Des députés, issus de tous les bancs de notre Assemblée, se sont battus pour abaisser le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pesant sur cette catégorie de presse, en vain : le taux restera fixé à 19,6 %. Heureusement, Voici n’est assujetti à la TVA qu’à un taux de 2,1 %… Vous pouvez constater, avec moi, que la situation est sur certains points totalement invraisemblable !

Le développement du portage était présenté comme « la priorité des priorités ». On lui a consacré des moyens importants l’année dernière, ce qui était peu judicieux car on n’avait pas encore eu le temps d’organiser cette activité, d’où des effets d’aubaine importants pour la presse régionale. Maintenant que ce secteur est en cours de structuration, on réduit ses aides. Le portage présente pourtant un réel intérêt, notamment en raison de la mutualisation des moyens qu’il permet. Alors qu’il était considéré comme un enjeu fondamental, la situation est aujourd’hui la suivante : 43 % de la distribution se fait au numéro, 38 % par voie postale, 19 % par portage. Je rappelle que la part du portage atteint 88 % aux Pays-Bas et 60 % en Allemagne. Nous savons tous que le développement de la presse passe par une augmentation de l’aide au portage. Il n’en sera rien. En revanche, nous allons continuer à aider, dans des proportions considérables, la distribution par voie postale. Cette situation est très inquiétante.

Enfin, les États généraux de la presse écrite devaient déboucher sur une profonde réforme des aides à la presse, appelée de ses vœux par le Président de la République. Le ministre chargé de la culture et de la communication a mis en place à cet effet une « instance de concertation » – vous remarquerez, mes chers collègues, que notre présence dans cette structure était sans doute inconvenante puisque nous n’y avons pas été conviés. Après les constats alarmants établis par les missions confiées à l’Inspection générale des finances et à M. Aldo Cardoso sur l’efficacité des aides à la presse, qui appelaient une action de grande ampleur, nous voilà donc sauvés : sur 1,2 milliard d’euros, 30 millions d’euros seront concernés par la réforme des aides à la presse. Ladite réforme consiste à fusionner deux fonds, qui n’étaient distincts que pour des raisons d’affichage, en un seul fonds, qui comportera autant de sous-sections qu’en avaient les deux anciens fonds fusionnés… Vive la révolution !

Sont également annoncées des mesures d’amélioration de la gouvernance des aides, qui constituent le seul point positif de ce budget. Nous avons en effet obtenu quelque chose d’extraordinaire : les montants des aides attribuées à chaque bénéficiaire seront rendus publics – c’est du moins ce que l’on nous annonce ; nous verrons dans un an si cette mesure est appliquée. Jusqu’à présent, il nous était soutenu qu’une telle publicité était impossible au regard du secret des affaires. Le rapporteur pour avis que je suis n’a pas pu, l’année dernière, avoir communication de ces montants ! Je vous livre néanmoins quelques chiffres : l’aide attribuée à France Soir s’élève à 0,50 euro par numéro, soit 50 % du chiffre d’affaires de ce titre ; celle octroyée à Libération est de 0,09 euro par numéro. Voilà des aides attribuées avec bien du discernement…

J’en viens maintenant à l’Agence France-Presse (AFP). La présente législature aura été jalonnée par une succession d’annonces et de propositions discutées et discutables, présentées systématiquement comme des priorités incontournables sur la base d’arguments plus ou moins clairs et convaincants. Il en résulte aujourd’hui une situation de malaise et de blocage d’autant plus regrettable que certaines questions devraient pouvoir être abordées de manière consensuelle. Il en résulte également une réelle incompréhension, non seulement entre la direction et les salariés, mais aussi, parfois, entre l’Agence et ses clients.

Pour sortir de l’impasse, j’estime qu’il convient de bien distinguer les vrais enjeux des fausses priorités. Oui, une réflexion sur la gouvernance est nécessaire, de même que sur le statut et les relations financières entre l’État et l’Agence. Oui, c’est tout de suite qu’il faut assurer la stabilité du président-directeur général. Celui-ci ne peut être nommé pour trois ans et changer au même rythme que les ministres chargés des sports – vous voyez bien que cela n’est pas très sérieux. Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, la situation de l’Agence ne pourra que s’aggraver. L’AFP n’est pas une officine chargée de diffuser des communiqués successifs, comme l’a cru M. Frédéric Lefebvre lorsqu’il était encore député. Elle n’est pas non plus la voix officielle de la France. En revanche, elle doit être une voix par laquelle la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de nos frontières.

Comme toutes les agences, l’AFP doit faire face au bouleversement du numérique. Elle ne pourra survivre ni à l’inertie, ni à l’immobilisme. Mais elle doit conserver un regard alternatif par rapport aux autres agences et refuser l’uniformisation.

En conclusion, je soulignerai qu’il faut veiller à ne pas céder à la tentation de diaboliser internet. Internet appartient à tous, comme la culture. Méfions-nous donc des tentatives d’en restreindre l’accès. La frustration face aux « chambardements » en cours ne sert à rien, surtout si l’on continue de proposer des contenus et des produits du XIXe siècle. Pour offrir la meilleure expérience dans une société de l’interaction, les médias devront réconcilier la dynamique sociale offerte par internet et des contenus de qualité. Ils devront préserver ce qui fait leur force : leur capacité reconnue pour enquêter sur des terrains difficiles et vérifier l’information. Ils restent récipiendaires d’une certaine confiance. Pour combien de temps ? Nous n’en sommes qu’au tout début de cette révolution de l’information et personne ne sait – du moins, pas moi – où elle nous mènera.

M. Christian Kert. L’analyse des propos des deux rapporteurs pour avis est malaisée : partant d’un bon constat, ils n’en tirent pas toujours les bonnes conclusions.

Concernant l’audiovisuel, Mme Martine Martinel a établi un bilan intéressant mais, me semble-t-il, un peu sévère. La philosophie générale de son rapport devrait consister à étudier comment France Télévisions répond aux exigences qui lui ont été fixées par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Il me semble que tant l’ancienne équipe de direction que l’actuelle ont bien tenu compte de l’esprit de la réforme : créer une société unique soumise à un certain nombre d’obligations que seul le service audiovisuel public peut assumer en termes de commandes, de création et de production audiovisuelles, de régionalisation, y compris ultramarine, des programmes, ou d’accessibilité de ceux-ci aux personnes handicapées. Nous devons être conscients que ces obligations induisent une charge financière qui peut avoir un impact sur les autres missions que le groupe doit accomplir. En tant que législateurs, nous ne pouvons faire l’économie de cette réflexion. Là réside le défaut dans la « cuirasse » de l’argumentation de Martine Martinel, à laquelle je souhaiterais par ailleurs poser deux questions.

En premier lieu, vous avancez que d’après M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, les prévisions de recettes publicitaires inscrites dans le COM de France Télévisions auraient été établies comme si la publicité était maintenue ; cela me paraît impossible, puisque la suppression de la publicité en soirée a été décidée il y a déjà deux ans. Madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous revenir sur ce point ?

En second lieu, je partage votre analyse concernant l’absence de politique pour se doter d’une chaîne de télévision consacrée à la jeunesse. Il faut d’ailleurs savoir ce que l’on entend par « jeunesse ». Comme vous, j’estime que France 4 n’a pas su, pour l’instant, trouver son identité. On nous dit que cette chaîne est destinée aux personnes âgées de 15 à 40 ans. Cela ne veut, en réalité, pas dire grand-chose : je pense en effet qu’entre les deux extrêmes de cette fourchette d’âge, les besoins télévisuels sont différents. Qu’est donc une chaîne dédiée à la jeunesse ? Est-ce Gulli, à destination des enfants, ou bien une chaîne ciblant les jeunes âgés de 15 à 25 ans, choix qui semble partagé par un certain nombre de diffuseurs européens ? France 4 ne peut pas tout faire, il lui faut choisir le concept qu’elle développera.

S’agissant du constat dressé par Martine Martinel sur l’audiovisuel extérieur, je signale que nous allons tenter, M. Didier Mathus et moi-même, de proposer des orientations dans le cadre de la mission d’information commune avec la Commission des affaires étrangères. L’analyse de la rapporteure pour avis sur France 24 peut être partagée, même si elle me semble un peu sévère quant à l’appréciation qu’elle porte sur les personnes. Il est vrai que le contexte est mouvant et complexe, caractérisé par une concurrence très importante, et que France 24 est entrée tardivement sur le marché. Il ne faut en outre pas confondre la mission de cette chaîne avec celle de TV 5 Monde – ainsi, notre collègue Bernard Debré qui souhaitait regarder un programme d’information aurait sans doute dû sélectionner France 24 plutôt que TV 5 Monde qui privilégie les programmes ludiques. En tout état de cause, notre mission d’information, dont est d’ailleurs membre Mme Martine Martinel, aura à mener une réflexion approfondie sur cette question.

J’en viens maintenant au rapport de M. Michel Françaix. J’ai effectivement déclaré que le contexte actuel était particulier, ce qui ne tient d’ailleurs pas qu’à internet : alors que pendant une vingtaine d’années, existait une concurrence entre titres de la presse papier, cette concurrence s’est maintenant déportée, sur le marché publicitaire, avec la presse en ligne mais aussi les journaux gratuits. Je partage le sentiment du rapporteur pour avis : nous devons, lors de nos débats, garder constamment cette mutation à l’esprit. Il ne faut évidemment pas diaboliser internet ; nous devons en revanche aménager tant le secteur de la presse écrite que celui de la presse en ligne car nous tenons tous au maintien d’une presse écrite qui devra sans doute évoluer pour privilégier les analyses plutôt que l’immédiat, traité sur internet.

S’agissant de l’AFP, je tiens à souligner qu’existent, en interne, des freins importants au changement, qui sont peu comparables avec ce qui existe dans d’autres entreprises. Il faut malheureusement en tenir compte dans nos analyses.

M. Patrick Bloche. Je tiens à remercier notre rapporteure pour avis Martine Martinel pour son excellent travail qui permet de faire le bilan des deux réformes engagées dans le domaine de l’audiovisuel par la majorité actuelle : celle, en 2008, de l’audiovisuel extérieur et celle, en 2009, de France Télévisions. Force est de constater que ces deux réformes sont des échecs patents. La mise de France Télévisions sous une double dépendance politique et budgétaire nous conduit à nous inquiéter aujourd’hui de ses besoins de financement et de la pérennité de ses moyens. Je ne reviendrai pas sur notre opposition au mode de désignation du président du groupe, que vous connaissez bien. En revanche, j’aborderai plus précisément la question du financement de l’audiovisuel public. Celui-ci devrait disposer de ressources dynamiques pour affronter la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT), qui représente 38 % des audiences, et celle d’internet, fort justement évoquée par Martine Martinel et Michel Françaix. Les écrans connectés sont déjà une réalité. Alors que les opérateurs privés tels que Canal Plus, TF1 et M6 se préparent à résister à Google TV, Apple TV ou Netflix, l’audiovisuel public constate, pour sa part, semaine après semaine, sa baisse d’audience et son manque de marge de manœuvre.

Le mauvais coup qui se prépare visant à systématiquement « raboter » les surplus et des recettes publicitaires dynamiques est donc, selon moi, une mauvaise démarche. Avec la suppression de la publicité en soirée, France Télévisions voit ses marges de manœuvre restreintes ; je ne crois pas qu’il soit de bonne politique d’être ainsi « au taquet ». En outre, dans le rapport dynamique que l’État actionnaire entretient avec France Télévisions, il aurait tout à fait été possible de prévoir une discussion entre les deux parties en cas de surplus, par exemple pour l’affecter au développement du numérique. On a bien vu, dans le COM établi pour la période 2011-2015, que les sommes mobilisées en sa faveur étaient largement insuffisantes compte tenu de l’enjeu et du retard accumulé par France Télévisions, notamment en matière de télévision de rattrapage. Aucune décision n’a été prise en ce sens.

Je ne reviendrai pas sur le COM de France Télévisions qui a été bâti sur une hypothèse fausse : les recettes publicitaires n’atteindront jamais 450 millions d’euros en 2015 ; elles s’établiront, au mieux, à 400 millions d’euros, surtout dans le contexte économique et social actuel.

Enfin, que dire de la bombe à retardement que constitue la disparition de la contribution de la taxe sur les opérateurs de télécommunications au financement de France Télévisions, pour compenser le manque à gagner en termes de recettes publicitaires ? Elle conduira l’État à rembourser une somme évaluée à 1,3 milliard d’euros – c’est-à-dire les sommes indûment perçues auprès des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès à internet, et les intérêts. Des nuages menaçants s’amoncellent donc sur l’avenir financier de France Télévisions.

Je souhaite par ailleurs remercier Michel Françaix pour son rapport dynamique qui a bien mis en perspective les enjeux de la presse face à la révolution numérique. Je regrette vivement que n’ait pas été adopté l’amendement dont il était premier cosignataire – notre collègue Patrice Martin-Lalande avait déposé un amendement comparable – pour aligner le taux de la TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, à 2,1 %. Les explications de la ministre Mme Valérie Pécresse sur ce point mériteraient d’ailleurs d’être relues tant elles étaient savoureuses, si l’avenir de la presse en France n’était pas si sombre !

Je tiens à saluer la justesse des propos du rapporteur pour avis concernant l’AFP et la nécessité d’associer tous les intéressés à sa réforme.

Je terminerai en évoquant l’audiovisuel extérieur de la France, seconde réforme ratée du quinquennat. Notre mission d’information doit, je pense, reprendre ses travaux pour dresser le constat lucide qui s’impose, notamment sur la gouvernance, afin d’assurer l’avenir de l’ensemble des salariés de France 24 et RFI, sans oublier TV 5 Monde qui doit sans doute gagner en autonomie.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Il me semble utile de préciser que la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France reprend ses auditions le jeudi 3 novembre au matin, et entendra le ministre des affaires étrangères le jeudi 17 novembre, comme le demandaient ses membres, l’examen et le vote du rapport et de ses conclusions intervenant ultérieurement.

M. Marcel Rogemont. Il est important en effet de s’intéresser à l’audiovisuel extérieur de la France et les propositions de Martine Martinel d’un rapprochement entre France 24 et France Télévisions et entre RFI et Radio France, tout en conservant la singularité de TV5 Monde, me semblent tracer une perspective intéressante.

S’agissant de la presse, après le souhait exprimé par les États généraux de « réenchanter la presse », je crains que ce ne soit le désenchantement qui soit au rendez-vous. La situation de la presse quotidienne en France tourne à la catastrophe, probablement en raison notamment d’un mauvais ciblage des aides publiques. Ainsi, sur 1,2 milliard d’euros, près de la moitié vont à La Poste. Le plan qui nous a été proposé de réforme des aides à la presse s’appuie sur la création annoncée d’un fonds, qui pour l’instant ne change rien, et d’une conférence annuelle des éditeurs de presse qui est une bonne initiative pour autant qu’elle dispose des moyens nécessaires à l’évaluation et à la transparence des aides.

La presse citoyenne, pour reprendre les termes de notre rapporteur, me semble davantage aidée par le soutien au portage qui, à 95 %, aide directement la presse quotidienne régionale ou nationale, contrairement aux aides versées en application des accords avec La Poste qui bénéficient surtout aux magazines et à la presse professionnelle. Cette dernière, notamment la presse d’entreprise, uniquement servie par abonnement, est ainsi subventionnée à 100 %, ce qui ne manque pas de poser question. Or, alors qu’un effort doit être fait en matière de portage, les crédits qui lui sont consacrés passent de 67,9 millions d’euros à 45 millions d’euros.

Face au défi du numérique, notre rapporteur souligne que ne sont dégagés que 20 millions d’euros de crédits. Il ne s’agit, dès lors, au mieux que de préparer une priorité pour demain et non de la considérer comme actuelle… Or il y a urgence, notamment sur les kiosques numériques. Face à ceux que propose Apple, imposant une commission de 30 % sur toutes les transactions, d’où l’absence complète des quotidiens nationaux français, des initiatives sont nécessaires, comme celle qui se développe pour la presse quotidienne régionale. À défaut, l’avenir même de la presse française est en cause.

S’agissant enfin de l’AFP, l’incertitude est complète, tant en termes de financements durables, ce qui la rapproche d’ailleurs de France Télévisions, que de management. Je remercie donc Michel Françaix pour son excellent rapport sur toutes ces questions.

Mme Marie-George Buffet. L’audition du ministre de la culture et de la communication hier m’a déjà permis de m’exprimer sur les questions de la presse, mais je voudrais souligner, en approuvant le rapport de notre collègue Michel Françaix, la gravité de la situation. J’ai rencontré les salariés de France Soir, vous connaissez la situation de La Tribune, il est urgent de réorienter les aides vers les titres nationaux ou régionaux qui connaissent des difficultés, au risque sinon de les voir disparaître avant même l’examen de la prochaine loi de finances.

S’agissant de l’AFP, nous avons eu des auditions sur une réforme inexpliquée puis une proposition de loi a été déposée au Sénat ; la situation semble maintenant en attente de projets dont la préparation, si elle est toujours en cours, échappe complètement à la concertation avec les personnels de l’Agence et leurs représentants.

Je remercie Mme Martinel pour la clarté et le courage de la partie de son rapport consacrée à l’audiovisuel extérieur de la France. Je pense également que la solution serait de rapprocher France 24 de France Télévisions et RFI de Radio France, parallèlement à une autonomie de TV5 Monde. Les dysfonctionnements de l’audiovisuel extérieur nous étaient expliqués par l’incompatibilité du duo dirigeant, or depuis le départ de Mme Christine Ockrent, il ne semble pas que la situation se soit améliorée. La raison en est que la réforme elle-même s’est faite sans que soient définis les objectifs et le rôle de chacune des entités de l’audiovisuel extérieur, RFI ou France 24. S’y sont ajoutés de graves problèmes de gestion dont des plans sociaux et des déménagements très coûteux. Ce serait inimaginable dans une entreprise privée. On peut s’étonner que les ministères de tutelle s’en soient aussi peu alarmés. Enfin, la gestion des personnels est déplorable et lorsque j’évoque leur souffrance, non seulement à RFI mais aussi à France 24 où les départs se multiplient, le ministre me répond, comme hier soir encore, que la situation est rétablie. Ce n’est pas vrai, rien ne marche dans l’AEF, il est essentiel d’entendre ce que dit notre rapporteure à ce sujet. J’espère également que la mission qui lui est consacrée, dont les travaux vont reprendre – ce dont je me félicite – puisse déboucher sur des conclusions permettant la mise en place d’un véritable audiovisuel extérieur de la France.

M. Michel Herbillon. La tonalité du rapport de notre collègue Martine Martinel m’a un peu surpris. Elle nous a habitués à un jugement pondéré, sensible et fin, or nous nous trouvons là devant des jugements péremptoires, dans un rapport certes intéressant, mais au vitriol sur l’ensemble des questions traitées.

Il en est ainsi de son bilan très négatif de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, jugement que je respecte tout en lui faisant remarquer que les Français, pensent exactement l’inverse. On peut estimer avoir raison contre le peuple, mais un parlementaire doit, me semble-t-il, tenir compte de l’opinion des Français dont beaucoup apprécient que leur soirée télévisuelle débute à 20 heures 35, de disposer d’une deuxième partie de soirée et d’être dispensés des tunnels publicitaires.

Ce jugement n’est pas davantage partagé par un certain nombre d’entre nous, y compris parmi les membres de l’actuelle opposition, chantres en leur temps de la suppression de la publicité, je tiens les citations à votre disposition.

J’ai le même étonnement devant la partie du rapport touchant l’audiovisuel extérieur de la France, qui comporte en outre une séquence « vintage », nous reportant trente ans en arrière au congrès de Valence : « il ne suffit pas de dire que les têtes doivent tomber, il faut dire lesquelles et quand ». Nous avons aujourd’hui la réponse pour M. de Pouzilhac, même si manque pour le moment la date de l’exécution, le rapport se contentant de demander sa révocation. Il ne me semble pas qu’il soit du rôle d’un rapport parlementaire de proposer de telles conclusions. Je crains qu’en l’espèce ne s’applique l’adage : trop de critiques tuent la critique. L’AEF fait l’objet d’une mission d’information, laquelle n’a pas interrompu ses travaux, et de toute notre attention, il mérite mieux qu’un commentaire aussi radical. J’attends des propositions concrètes, par exemple sur le rapprochement entre l’AEF, TV5 Monde et Euronews. Ce rapport sera sans doute une contribution à la réflexion de notre mission à laquelle appartient d’ailleurs Mme Martinel. Si je partage son regret de l’absence de contrat d’objectifs et de moyens et de vision claire de la politique financière, il me semble dommage qu’on préempte ainsi les conclusions à venir de la mission.

Le rapport de M. Michel Françaix est beaucoup plus modéré ; j’en relève en particulier, concernant l’AFP, la dernière phrase, toute de finesse : « En tout état de cause, le rapporteur pour avis estime qu’un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter, comme le statut de 1957, d’un compromis entre toutes les forces politiques de la Nation. » Nous sommes touts attachés, bien sûr, à ce qu’une réforme, si elle doit se faire, soit consensuelle. Mais peut-il nous dire ce qu’il préconise finalement pour l’AFP ?

Je pense enfin que le portage est une très bonne initiative et je regrette par conséquent que les crédits qui lui sont destinés soient diminués.

Mme Monique Boulestin. Ces deux rapports me sont apparus aussi clairs que sont préoccupantes les situations qu’ils examinent. La réforme de l’audiovisuel public, comme le souligne Martine Martinel dans son rapport, montre que les inquiétudes que nous avions au moment de l’adoption de la loi étaient fondées, qu’il s’agisse de la précarisation des ressources avec la suppression de la publicité après 20 heures, de la remise en cause de l’indépendance éditoriale par la nomination et en conséquence la révocation du président de France Télévisions par le Président de la République, de l’indépendance remise en cause par des budgétaires annuels, de son impact sur les programmes ou enfin des conséquences de la création d’une société unique sur les conditions de travail.

La présentation par Michel Françaix de la réforme des aides à la presse à la suite du rapport de la mission Cardoso me conduit à lui demander quelles recommandations de la mission devraient être, selon lui, impérativement mises en œuvre. Je souhaiterais également avoir des précisions sur l’insuffisante mutualisation des réseaux de distribution de la presse quotidienne régionale qu’il a relevée.

M. Jacques Grosperrin. Je félicite nos rapporteurs de leur travail, même s’il me semble que la situation n’est pas aussi sombre que leur emploi très fréquent des mots « échec » et « difficultés » tendrait à le montrer.

L’insuccès de la mission confiée à M. Bruno Frappat et qui devait réunir l’ensemble de la presse conduit Michel Françaix à suggérer le respect d’un code de déontologie comme condition au bénéfice des aides de l’État : quelle pourrait en être la forme, alors que le développement d’internet tend à rendre le respect de telles dispositions assez compliqué ?

Mme Martine Faure. Je remercie Mme Martinel pour la précision et la lucidité de son rapport et suis en complet désaccord avec les critiques qui lui ont été faites, comme je félicite M. Françaix pour la force et la clarté du sien. Je ne poserai pas de questions mais je reprends à mon compte les remarques de Martine Martinel, en particulier sur la publicité après 20 heures, qui n’a pas donné les résultats attendus alors que la rigueur budgétaire à laquelle nous sommes soumis rend de simple bon sens le retour des recettes ainsi perdues. S’agissant de la chaîne « jeunesse », la constatation du désintérêt du public ne doit pas nous y faire renoncer, à nous de proposer aux jeunes, plutôt de 12 à 25 ans d’ailleurs que de 15 à 40 ans, un rendez-vous attractif et de qualité.

Mme Valérie Fourneyron. Je remercie également nos deux rapporteurs pour la qualité, la lisibilité et la précision des rapports qu’ils nous présentent sur les sujets qu’ils ont choisi d’aborder. Ma question s’adresse à Michel Françaix : a-t-il pu, au cours de ses auditions, apprécier l’avenir du groupe Hersant Média, dont la dette est estimée à près de 300 millions d’euros et qui compte aujourd’hui en France, y compris en outre-mer, 27 journaux. Or, il serait cédé à la holding belge Rossel. Les inquiétudes pour la presse quotidienne régionale, dont Paris Normandie, sont fortes pour les territoires concernés comme pour les salariés du groupe.

Mme Françoise Imbert. Madame la rapporteure, vous avez évoqué dans votre rapport la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, cela me semble en effet primordial. La sécurité de l’exploitation des archives fait-elle toujours partie des priorités de l’Institut national de l'audiovisuel (INA) et dispose-t-il des moyens pour l’assurer ?

M. Jean Ueberschlag. M. Michel Françaix écrit notamment dans son rapport que la diffusion des titres les plus aidés est en recul, alors que l’on constate de nouveau en France une tendance à la concentration des titres. Or, cette problématique ne me semble pas abordée dans votre rapport. Quelle est votre position sur cette question et sur la constitution de ces nouveaux monopoles, à laquelle il pourrait être répondu, me semble-t-il, par une modulation des aides de l’État ?

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Michel Françaix a-t-il pu faire un point, à la suite de ses auditions, sur la réforme du Conseil supérieur de messageries de presse, même si elle est encore très récente, puisque nous l’avons votée au mois de juillet dernier ? Comme lui, je regrette totalement la diminution des aides de l’État au portage qui me semble une erreur.

M. Jean-Luc Pérat. Je félicite nos rapporteurs pour leurs rapports « poil à gratter », ce qui est le rôle même d’un rapport. Mes observations s’adressent à Mme Martine Martinel. La place de France 3 dans le dispositif de France Télévisions s’appuie sur la volonté de renforcer son image et son identité régionales, ce qui me semble capital en effet. À cet égard, l’augmentation de 20 % de l’offre régionale dans l’offre de France 3 destinée aux territoires et qui s’adresse notamment à des populations d’un certain âge peut-elle être précisée ? Il importe que les références de proximité y soient préservées et que soit renforcée la qualité de la chaîne par le développement de la haute définition, par respect pour les territoires et les spectateurs de la chaîne qui leur est consacrée. ARTE, que j’ai découverte depuis quelque temps, comporte une dimension pédagogique qui me semble particulièrement intéressante et qu’on pourrait développer davantage. ARTE junior à cet égard peut proposer des programmes remarquables et de qualité. Il conviendrait de réfléchir à des créneaux horaires plus adaptés à un large public, notamment aux jeunes.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Françoise Imbert m’a interrogée sur l’INA. Je vous renvoie à mon rapport : ses moyens en 2012 s’élèveront à 93,9 millions d’euros, pour assurer la sécurité de l’exploitation des archives, lutter contre l’obsolescence des supports, consolider l’activité de formation continue ou encore agir en faveur de l’insertion des diplômés. Cette institution me paraît accomplir correctement ses missions.

M. Jean-Luc Pérat a évoqué ARTE. Je me félicite de la progression de 7,8 % de ses moyens. L’analyse de M. Pérat concernant les actions de la chaîne en direction de la jeunesse et les changements d’horaire de ses programmes correspond en tout point aux propos tenus par Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, lorsqu’elle a été auditionnée il y a une quinzaine de jours. Je pense que nous pouvons être rassurés quant aux intentions et à l’action de cette femme remarquable.

Concernant France 3, je me félicite des projets en cours mais ils restent imprécis. J’observe avec inquiétude un certain manque de clarté des indicateurs qui ne m’ont pas permis de m’attarder davantage sur cette question à laquelle l’ensemble de la représentation nationale accorde de l’importance. Je souligne par ailleurs que France 3 sera, comme cela avait été précisé par M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, la dernière chaîne du groupe à être diffusée en haute définition, ce que l’on peut regretter.

M. Christian Kert a rappelé les missions qui incombent à France Télévisions. Je suis évidemment sensible, comme vous tous, à la nécessité d’assumer des obligations de service public, notamment en termes de régionalisation des programmes, de création, d’accessibilité des programmes aux handicapés ou de développement du numérique. Je ne fais pas, dans mon rapport, le procès de France Télévisions : je me suis bornée à émettre des remarques constructives. Je suis naturellement convaincue de l’importance des missions de service public de la société. Je pense avoir évoqué la problématique de leur financement dans mon rapport. Et c’est précisément parce que j’ai conscience des obligations particulières qui pèsent sur France Télévisions que je regrette l’instabilité stratégique et financière qu’a entraînée pour le groupe la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision dont M. Christian Kert était rapporteur.

S’agissant de l’insincérité de la trajectoire financière sur laquelle est bâti le COM, selon les propos qui m’ont été tenus par la Direction du budget et M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, elle a été établie comme si la publicité en journée ne devait pas être supprimée en 2016, alors que le Gouvernement s’est opposé à cette solution lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 – je rappelle d’ailleurs que nous avions alors déposé des amendements pour maintenir la publicité en journée et que le Gouvernement y a été défavorable. La trajectoire financière ne prévoit donc pas de diminution des recettes publicitaires en 2014 et 2015, ce qui se produira pourtant fatalement si la publicité est supprimée en 2016. J’ajoute que lors de son audition, M. Philippe Santini a confié ne pas avoir été consulté sur les perspectives d’évolution des recettes publicitaires… On aura donc établi une trajectoire de recettes publicitaires sans même consulter la régie publicitaire du groupe.

Concernant l’absence d’une chaîne consacrée à la jeunesse, Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes et directrice de France 4, a reconnu que l’offre de programmes en direction de ce public n’était pas satisfaisante et que les enfants se tournent plus volontiers vers des chaînes dédiées. Cela est fort dommage, la France disposant d’une industrie de l’animation exceptionnelle.

Je répondrai maintenant à Michel Herbillon qui a salué ma « douceur » et ma « finesse » mais s’est déclaré interloqué et troublé par mon ton péremptoire. Je pense que les rapports parlementaires n’offrent d’intérêt que si on y prend position sans se contenter « d’eau tiède ». J’ai donc préféré vous livrer ma réflexion, étayée par des éléments précis et de données chiffrées, plutôt que de tenir des propos visant le consensus alors que la situation de France Télévisions et de l’AEF est très problématique et fait largement débat. Par ailleurs, nous avons rendu les têtes Maori, je ne vais pas réclamer celle de M. Alain de Pouzilhac…

M. Michel Herbillon. Vous avez déclaré qu’il fallait le révoquer ! Vous avez simplement omis de nous préciser la date de l’exécution en place de Grève…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. J’ai simplement jugé que si les informations indiquées par M. Alain de Pouzilhac lui-même lors de son audition étaient confirmées par l’exécutif – je rappelle qu’il a mis en cause le rapport de l’Inspection générale des finances qui l’accusait de « truquer » des données –, il ne mérite pas d’être maintenu à son poste. Le départ de nombreux salariés de l’AEF et le vote d’une motion de défiance à l’encontre de M. de Pouzilhac par 85 % des personnels devraient également nous conduire à nous interroger.

Permettez-moi de citer M. Hervé Bourges, homme équanime qui n’a rien d’un coupeur de têtes. Ancien Président de TF1, de France Télévisions et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans une interview accordée au Monde le 31 mars 2011, il avait qualifié de « scandale la guerre que se livraient depuis des mois sur la place publique M. Alain de Pouzilhac, PDG de la holding, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée. Désavoués, de plus, par un vote de défiance de la part des salariés, ils donnent un spectacle public totalement scandaleux qu’aucune entreprise n’accepterait. Mais, bizarrement, l’État qui a nommé ces deux dirigeants tolère cette situation. Or, il aurait fallu trancher ce conflit depuis longtemps avant qu’il ne s’envenime. On ne peut s’abriter derrière de petits arrangements politiques. Il faut tourner la page et repartir sur de bonnes bases. La seule solution serait de nommer de nouveaux responsables. (…) Ils ont failli et, aujourd’hui, ils n’ont plus la capacité d'exercer leurs responsabilités. On peut être une grande journaliste ou un excellent homme de communication, mais un piteux manager. J’ajoute, qu'à l’étranger, cette situation donne une image déplorable de la France. Personne ne comprend que l’on puisse étaler sur la place publique des querelles domestiques d’une telle violence sans que l’État y mette fin. » Je pense que ces propos permettent de souligner que d’autres personnes respectables et nuancées ont pu partager mon point de vue.

J’en viens à la question de la suppression de la publicité. Michel Herbillon a contesté mon analyse selon laquelle celle-ci avait accéléré l’érosion de l’audience de France Télévisions, ainsi que le vieillissement de son public – constat sur lequel est d’ailleurs fondé le COM de la société. Michel Herbillon a pour sa part évoqué la « satisfaction » des Français. Ces derniers sont alors vraiment curieux : ils sont tellement satisfaits qu’ils regardent de moins en moins les chaînes du groupe. Le même constat sur la nouvelle stratégie éditoriale a été dressé par l’ensemble de la presse écrite, toutes tendances confondues, alors que la suppression de la publicité devait permettre une amélioration sensible des programmes.

S’agissant de l’heure de début de diffusion des programmes, celle-ci est en réalité plus tardive qu’il n’était prévu. J’ai demandé des informations précises sur ce point à France Télévisions ; elles ne m’ont pas été communiquées. Des « tunnels » ont été reconstitués avec des successions de programmes courts parrainés ; cela n’était pas prévu.

Enfin, si vous souhaitez des chiffres précis sur le volume de publicité en journée, je vous engage à vous reporter à mon avis budgétaire de l’an dernier. J’y avais notamment montré comment la dégradation des programmes en était le corollaire.

Michel Herbillon a par ailleurs regretté que je ne propose pas de synergies avec Euronews. Selon la direction de l’AEF, la difficulté de créer des synergies avec TV 5 Monde est liée à son caractère multilatéral. Or, l’actionnariat d’Euronews est lui aussi multiple et international. Un rapprochement avec France Télévisions m’apparaîtrait infiniment plus porteur de synergies. Cela étant, si M. Herbillon a des propositions concrètes à émettre sur cette question, nous serions sans doute très intéressés.

Par ailleurs, Michel Herbillon a déclaré que la mission d’information sur l’audiovisuel extérieur de la France n’avait jamais interrompu ses travaux. J’ai pourtant le sentiment inverse. Je rappelle qu’elle devait initialement rendre ses conclusions au mois de juillet.

M. Michel Herbillon. Permettez-moi, sans polémique, de préciser ma pensée : j’ai regretté que vous ayez « préempté », dans votre rapport pour avis, la question de l’audiovisuel extérieur de la France, alors même qu’existe sur ce thème une mission d’information – dont vous êtes d’ailleurs membre – qui n’a pas encore achevé ses travaux. Elle compte poursuivre ses auditions et nous aurons un échange de vues afin de parvenir à des conclusions si possible consensuelles. Nous sommes évidemment tous d’accord avec votre analyse concernant la querelle sur la place publique entre M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, et sur la nécessité de doter l’AEF d’un COM ou encore d’ajuster ses prévisions financières. Ces questions ne font pas débat. L’enjeu est de faire des propositions pour constituer un véritable pôle de l’audiovisuel extérieur de la France. Je suis donc surpris que vous présentiez des conclusions alors que la mission d’information n’a pas achevé ses travaux.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis moi aussi un peu déçue qu’on ait parlé d’interruption des travaux de la mission d’information. Nos travaux ont simplement été suspendus cet été, puis nous avons eu à siéger en session extraordinaire alors que tous les membres n’étaient pas présents. En ma qualité de présidente de cette mission, j’ai ensuite tenu, avec les deux rapporteurs, une réunion pour programmer la suite des travaux de la mission ; je rappelle que lors d’une réunion intermédiaire, des divergences étaient apparues entre les membres de la mission sur cette question. Il nous a semblé important d’auditionner le ministre des affaires étrangères dans la mesure où il souhaite exercer la tutelle sur l’audiovisuel extérieur ; nous l’entendrons le 17 novembre. Je vous rappelle en outre que nous sommes en période budgétaire, qui nous sollicite tout particulièrement, de même que le secrétariat de la Commission.

Enfin, concernant France Télévisions, je tiens à préciser que nous avons mis en place en 2010 un groupe de travail et commandé un sondage. Celui-ci a montré la satisfaction des téléspectateurs de France Télévisions s’agissant de la suppression de la publicité. Sans doute Michel Herbillon y faisait-il référence dans son propos.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Il me semble très heureux qu’il y ait débat. Je n’émets aucune critique sur la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France ni sur l’organisation de ses travaux, mais en tant que rapporteure des crédits de l’audiovisuel, c’est mon droit et même mon devoir que de m’intéresser à l’utilisation des quelque 315 millions d’euros de crédits attribués à l’AEF. Il me semble également qu’il avait été convenu avec les responsables de l’AEF qu’en attendant les conclusions de notre mission, un moratoire serait établi sur les réformes, en particulier la fusion de France 24 et RFI. Or, il n’en est rien, la fusion se prépare à marche forcée et les dirigeants de l’AEF semblent, selon moi, se soucier fort peu des travaux de la représentation nationale. Je ne sais pas si c’est une raison suffisante pour m’imaginer comme un Fouquier-Tinville en jupons, mais l’image est amusante. M. Herbillon nous fait remarquer que nous sommes tous d’accord sur les dirigeants de l’AEF, il me semble que ce n’est pas le cas. Lorsque j’ai auditionné M. de Pouzilhac, cette audition étant ouverte à tous d’ailleurs, il a tenu des propos qui indiqueraient qu’il a fourni à l’État et à l’AEF des chiffres truqués, ce qui ne me paraît pas digne d’un dirigeant de cette importance, quels que soient ses dons de communicant par ailleurs.

Mes propositions sur TV5 Monde ne me sont pas personnelles, mais sont celles d’un certain nombre de spécialistes entendus par la mission : il convient de sortir TV5 Monde de l’AEF, les dirigeants eux-mêmes de TV5 Monde comme de l’AEF conviennent qu’ils sont l’un pour l’autre un problème. Sans préjuger des conclusions de notre mission, il me semble du rôle d’un rapporteur du budget de l’AEF d’aborder cette question aussi, comme de souligner qu’il est pour le moins curieux de voter des crédits énormes pour l’AEF sans disposer d’un contrat d’objectifs et de moyens ou d’une communication cohérente sur la stratégie et encore moins sur sa situation et ses perspectives financières. Comme le remarque Mme la Présidente, à laquelle je rends hommage sur ce point, nous avons deux rapporteurs pour la mission, de tendance différente, permettant de traduire des opinions et des avis éventuellement divergents. Nous sommes tous ici défenseurs des missions de service public, ce n’est pas, je crois, être coupeuse de têtes que de le réaffirmer.

M. Christian Kert. Vous avez évoqué les longs « tunnels » de parrainage, il me semble cependant qu’il serait possible de nuancer cette affirmation depuis l’intervention de la Commission auprès de France Télévisions il y a quelques mois et qui semble s’être traduite par une diminution du nombre de passages de messages à caractère général. Une lettre, qui nous a été adressée par France Télévisions, nous précise, je crois, que leur nombre est limité à trois pour toute la soirée.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Une charte du parrainage a en effet été mise en place mais France Télévisions, qui devait nous donner des indications très précises sur l’heure de début des programmes, ne l’a pas fait tout en reconnaissant que les programmes commençaient plus tard que 20 h 35, contrairement à l’engagement pris dans la charte, du fait de ces « tunnels ». Mes constats ne sont donc pas des « extravagations », si je peux me permettre ce néologisme.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis.  Ma responsabilité était de dire que nous n’aurons pas plus de moyens pour la presse dans les quatre prochaines années qu’actuellement. Nous devons donc parvenir à de meilleurs résultats avec les mêmes aides. Je pars ainsi du principe qu’avec 1,2 milliard d’euros, c’est-à-dire beaucoup plus que dans les autres pays européens, nous devons arriver à des résultats très différents de ceux d’aujourd’hui, à condition toutefois que nous changions les schémas.

J’en viens aux trois exemples qui ont été évoqués. Il n’est effectivement pas normal que la presse nationale reçoive seulement 15 % du total des aides et que la presse récréative en perçoive pour sa part 35 %. Par ailleurs, l’aide à la modernisation correspond à 50 millions d’euros, ce qui n’est pas beaucoup si l’on met cette somme en regard du montant précité d’1,2 milliard d’euros. Il n’est pas normal qu’il n’y ait rien sur la formation et sur la valorisation des contenus en ce qui concerne un certain nombre de journaux.

S’agissant des concentrations, la vérité est que nous ne sommes pas capables de les éviter dans notre pays. Nous devrions les éviter mais nous n’y arrivons pas. La question qui se pose est de savoir s’il peut exister du pluralisme lorsqu’il y a des concentrations. Qui dit pluralisme dit chartes d’éthique et codes de déontologie. Si l’objectif des patrons de presse – qu’il s’agisse par exemple du groupe Hersant en Belgique ou encore du Crédit mutuel –, n’est pas de maintenir le pluralisme, alors il faut leur retirer les aides. Ce faisant je n’attente en rien à leurs droits. Les aides à la presse n’ont pas d’autre sens que d’être des aides à la réflexion pour les personnes qui n’auraient pas les moyens d’acheter les journaux à leur juste prix. Si le travail consistant à éclairer les citoyens lecteurs n’est pas fourni, les aides à la presse n’ont plus lieu d’être.

Mon troisième point concerne le portage. Je suis en accord avec ce qui a été dit par les uns et les autres. En 2009, des sommes considérables ont été octroyées, dont la presse régionale a bénéficié quasi-exclusivement. Nous sommes quelques uns à être intervenus pour dire qu’il fallait donner plus au portage à condition qu’il y ait une mutualisation des réseaux, c’est-à-dire que la presse régionale distribue en même temps des journaux de la presse quotidienne nationale. En effet, le but n’est pas que la presse quotidienne régionale s’en sorte seule avec le portage et que la presse nationale soit oubliée. Heureusement, nous sommes désormais sur la bonne voie. C’est pourquoi il est d’autant plus regrettable que les seules aides qui aient baissé soient celles-là. L’explication donnée par le ministre est qu’on avait beaucoup trop donné il y a deux ans, et que les montants actuels sont plus adaptés. Je prends acte de ce que le ministre reconnaît qu’il y a eu des gâchis épouvantables. Toutefois, à présent que les effets d’aubaine ont été éliminés, je pense que les aides auraient pu être maintenues à leurs niveaux antérieurs.

Pour ce qui est de l’AFP, il est vrai que le sujet est compliqué. La première chose dont il faudrait s’occuper, c’est le conseil d’administration. Le patron et les salariés sont de qualité, mais il n’y a pas de conseil d’administration au milieu. Le conflit entre ce patron de qualité et ce personnel de qualité est ainsi exacerbé. La première réforme à engager consisterait à mettre en place un conseil d’administration qui suscite l’adhésion de tous. Permettez-moi de vous rappeler que l’on était arrivé à un consensus en 1957, à une époque où le ministre en charge était François Mitterrand, le président de l’AFP, M. Jean Marin – un gaulliste, alors que Jacques Chaban-Delmas était également présent. Au lieu de cultiver les antagonismes, cultivons le consensus. Les autres débats sont intéressants, mais secondaires.

M. Michel Herbillon. Envisagez-vous de présenter une proposition de loi à ce sujet ?

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. C’est compliqué. Le problème le plus urgent est la clarification du financement de l’AFP par rapport au droit européen. Il serait nécessaire d’identifier plus clairement les missions de service public qui peuvent faire l’objet d’un financement public. J’aimerais avoir davantage d’éléments à ce sujet, mais je ne suis pas sûr d’en obtenir. En l’état, il est donc difficile d’aller plus loin.

J’en viens maintenant à la conférence annuelle des éditeurs de presse. Elle me paraît indispensable. Néanmoins, elle n’a d’intérêt que si elle ne se réduit pas à des États généraux permanents ni à un lieu de pleurs et de réclamations. Par ailleurs, il ne serait pas incongru que quatre ou cinq parlementaires y participent. C’est en effet là que l’on discute de l’argent appelé à être dépensé.

Je terminerai sur une note optimiste concernant la transparence. J’espère avec confiance que celui qui sera rapporteur l’année prochaine connaîtra avec exactitude le montant des aides accordées à chaque journal.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le rapporteur, de la même façon que Mme Martinel, je suppose que vous émettez un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Je crains que ce ne soit le cas, Madame la présidente.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) – M. Bernard Miyet, président

Ø Direction de France TélévisionsM. Rémy Pflimlin, président-directeur général, M. Bruno Patino, directeur général chargé du numérique, directeur de France 5, Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes et directrice de France 4, et Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Mme Francine Mariani-Ducray, chargée du groupe de travail sur la production audiovisuelle, M. Alain Méar, chargé du groupe de travail sur la télévision publique

Ø Société civile des auteurs multimédia (SCAM) – M. Jean-Xavier de Lestrade, président, M. Hervé Rony, directeur général, et M. Nicolas Mazars, responsable juridique de l’audiovisuel et de l’action professionnelle

Ø Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) – M. Pascal Rogard, directeur général, M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles et européennes

Ø NPA Conseil – M. Philippe Bailly, président-directeur général

Ø Médiamétrie – M. Bruno Chetaille, président, et Mme Isabelle Maurice, directeur études et clientèle télévisions

Ø Lagardère active – M. Arnaud Decker, directeur des relations institutionnelles

Ø Intersyndicale de France Télévisions :

– SNRT CGT – M. Marc Chauvelot, secrétaire général

– SNJ CGT – M. Jean-François Tealdi, secrétaire général

– FO – M. Jean-Michel Seybald, délégué général central, et M. Éric Vial, délégué

Ø La guilde des scénaristes – M. Jean-André Yerlès, président, et M. Guilhem Cottet, délégué général

Ø Institut de recherche et d’études sur la communication – M. Francis Balle, directeur, universitaire et spécialiste des médias

Ø Intersyndicale de Radio France international (RFI) – Mme Élisa Drago, secrétaire du comité d’entreprise, et M. Patrice Chevalier, délégué Force ouvrière

Ø Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture – Mme Laurence Franceschini, directrice générale, M. Roland Husson, sous-directeur de l’audiovisuel, Mme Gabrielle Boeri-Charles, chef de bureau de l’audiovisuel public, et Mme Nathalie Vaysse, adjoint au chef du bureau du régime économique de la presse écrite

Ø M6 – Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires du Groupe M6, et M. Ronan de Fressenel, directeur général de M6 publicité

Ø Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimedia (FICAM) – M. Christophe Massie, président délégué « fiction », et M. Hervé Chateauneuf, délégué général

Ø France Télévisions Publicité – M. Philippe Santini, directeur général, et Mme Anne Grand d’Esnon, directrice des relations institutionnelles

Ø Syndicat des producteurs et créateurs d’émissions de télévision (SPECT) – M. Vincent Gisbert, délégué général

Ø Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) – M. Stéphane Le Bars, délégué général et délégué général du Syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA)

Ø M. Jean-Louis Missika, adjoint au Maire de Paris chargé de l’innovation, de la recherche et des universités, spécialiste de la télévision

Ø Syndicat des producteurs indépendants (SPI) – Mme Marie Masmonteil, présidente, M. Jérôme Caza, président télévision, Mme Juliette Prissard, déléguée générale, Mme Emmanuelle Mauger, déléguée télévision, et M. Cyril Smet, délégué cinéma

Ø Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) – M. Jean-Paul Salomé, président, M. Dante Desarthe, vice-président, et Mme Florence Gastaud, déléguée générale

Ø Direction générale du budget – Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice

Ø Audiovisuel extérieur de la France (ARF) – M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, M. Thierry Delphin, directeur financier, M. Frank Melloul, directeur stratégie et développement

© Assemblée nationale

1 () Observations et propositions du Conseil supérieur de l’audiovisuel concernant la ligne éditoriale des chaînes de France Télévisions.

2 () Aujourd’hui en France, 3 octobre 2010, « Grosse déprime à France Télévisions ».