Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 3806

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME VII

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES : PRESSE

Par M. Michel FRANÇAIX,

Député.

___

Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 29).

INTRODUCTION 5

I.- L’ÉVOLUTION DES AIDES À LA PRESSE EN 2012 9

A. UNE ÉVOLUTION DICTÉE PAR LA SEULE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE SANS TENIR COMPTE DES BESOINS DU SECTEUR 9

B. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : LA MONTAGNE ACCOUCHE D’UNE SOURIS 10

1. La mission Cardoso : des constats alarmants qui appelaient une réforme de grande ampleur 11

2. La création d’un fonds stratégique pour le développement de la presse : une mesure « cosmétique » qui ne saurait tenir lieu de « réforme des aides à la presse » 14

3. Les mesures en faveur d’une gouvernance rénovée : de bonnes idées qui ne doivent pas rester lettre morte ou être dévoyées 15

4. Les propositions du rapporteur pour une véritable réforme 16

II.- LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA PRESSE ÉCRITE : UN BON DIAGNOSTIC, UN TRAITEMENT INEFFICACE 19

A. LE BILAN TRÈS NÉGATIF DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DE LA PRESSE SUR LES SUPPORTS NUMÉRIQUES 19

1. Le fonds d’aide au développement de la presse en ligne : un bilan très mitigé 19

2. Le taux de la TVA sur la presse en ligne : une grave anomalie 21

B. LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DU PORTAGE : UN IMMENSE GÂCHIS 23

1. Le mauvais calibrage et partant l’efficacité insuffisante de l’effort financier massif en faveur du portage 23

2. L’application concomitante d’un moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux : une mesure non ciblée, coûteuse, et en contradiction avec le soutien au développement du portage 25

3. Le retrait de Neopress et l’insuffisante mutualisation des réseaux de la PQR 26

4. Au moment même où il s’avère particulièrement nécessaire, le soutien au portage est en recul 27

C. BILAN DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA VENTE AU NUMÉRO 28

1. L’échec de la politique de revalorisation du métier de diffuseur de presse 28

2. L’évolution préoccupante du réseau de vente de presse 29

3. L’avenir incertain de Presstalis 30

a) Le plan DÉFI 2010 30

b) L’aggravation de la situation de Presstalis et le rapport Mettling 31

c) Les interrogations sur l’avenir de Presstalis 32

4. La mutualisation des réseaux de vente au numéro : une alternative à Presstalis ? 32

C. LA CONQUÊTE DE NOUVEAUX LECTORATS 33

1. L’encouragement des jeunes à la lecture de la presse : renforcer l’efficacité de l’aide en touchant un public plus jeune 33

2. L’échec de la mission confiée à Bruno Frappat en matière de déontologie des journalistes 34

III.- L’AVENIR DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE 37

A. DIVERSES PROPOSITIONS DE RÉFORME DE L’AGENCE FRANCE PRESSE QUI N’ONT PAS SU CONVAINCRE 38

1. Rappel : le statut particulier de l’AFP 38

2. Les projets de Pierre Louette 39

3. Le rapport de la commission de réflexion sur l’avenir de l’AFP d’avril 2010 39

4. Les propositions d’Emmanuel Hoog 40

B. LES POSITIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 42

1. La clarification des relations financières entre l’Agence et l’État : une exigence de compatibilité avec le droit européen 42

2. La réforme de la gouvernance : un vrai problème qui doit pouvoir trouver une solution consensuelle 42

3. Le développement d’une offre gratuite à destination du grand public : une fausse bonne idée 44

4. La réforme du statut juridique de l’Agence : une réforme dont ni l’urgence ni l’utilité ne sont avérées 45

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

AUDITION DU MINISTRE 49

EXAMEN DES CRÉDITS 73

ANNEXE LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 95

INTRODUCTION

En 2012, les aides à la presse amorcent une baisse après trois années d’un effort financier exceptionnel destiné à financer les mesures décidées à l’issue des États généraux de la presse écrite, dont l’heure est venue du bilan.

Que constate-t-on aujourd’hui ?

Alors que l’État consacre 1,2 milliard d’euros au soutien à la presse, la diffusion des titres les plus aidés est en recul et l’avenir de titres tels que La Tribune ou France Soir n’apparaît plus assuré.

Aussi massive soit-elle, l’intervention publique dont bénéficient ces publications n’aura pas suffi à leur donner les moyens d’engager une stratégie de redressement financier durable et n’aura fait que compenser la perte des recettes liées à l’effondrement des ventes ou au tarissement des ressources publicitaires. Les aides sont tellement intégrées au modèle économique de certains titres, qu’elles ont trop souvent incité ces derniers à différer les ajustements nécessaires, le remède ayant dès lors pour effet d’aggraver le mal.

Par ailleurs, au vu de la situation de Presstalis, les spécialistes du secteur ne peuvent jurer de la pérennité du système de distribution de la presse en France dans son ensemble.

La situation des diffuseurs, dont l’amélioration était l’un des objectifs principaux des États généraux, n’a jamais été aussi mauvaise.

Quant au réseau des points de vente, dont on annonçait le développement, il est en régression, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif.

On peut certes mettre cette situation alarmante en grande partie sur le compte de la crise économique et du développement d’internet. Les éditeurs portent aussi leur part de responsabilité. L’offre n’est pas toujours adaptée à la demande. Les journaux ne se soucient pas assez du lecteur. On écrit trop souvent pour ses confrères, pour le pouvoir politique, économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc de plus de 50 ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel. En outre, la paupérisation et la précarisation croissantes du métier de journalistes ne sauraient être sans effet sur la qualité de l’offre.

Pourtant, le rapporteur pour avis est convaincu que la situation serait meilleure si le milliard d’aides publiques que notre pays consacre chaque année à la presse avait été mieux employé.

Les États généraux ont fait du développement de la presse sur les supports numériques une priorité. Mais peut-on vraiment parler de priorité alors que l’aide au développement de la presse en ligne n’atteint pas 20 millions d’euros sur près d’1,2 milliard d’aides et que la presse en ligne est toujours pénalisée par un taux de TVA de 19,6 % ?

Le développement du portage est également présenté comme la priorité pour l’avenir de la presse. Or, outre le scandale qu’a constitué le mauvais calibrage de l’aide au portage, qui a conduit à l’effet d’aubaine massif mis en évidence par le rapporteur l’an dernier, force est de constater que c’est l’aide au portage qui sert de variable d’ajustement et accuse la baisse la plus importante. Soulignons que, parallèlement, l’État continue d’honorer les engagements financiers (non ciblés) pris dans le cadre des accords État-Presse-Poste de juillet 2008 et, plus grave encore, le coût récurrent du moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux (à hauteur de 20 millions d’euros) qui représente pour 4 titres de presse télévision deux fois plus que pour la totalité des titres de la presse quotidienne nationale ! On ne peut que regretter que ces 20 millions d’euros ne soient pas affectés à l’aide au portage au moment où la presse en a sans doute le plus besoin.

Une autre priorité affichée, mesurée chaque année par un indicateur d’une constance remarquable, serait de cibler davantage l’effort financier sur les titres d’information politique générale, pour lesquels il est déterminant. On peut en douter en constatant que le « ciblage » des aides à la presse concerne moins d’un tiers de l’intervention de l’État envisagée dans sa globalité et que ce sont ces aides directes ciblées qui reculent en 2012.

Enfin et surtout, les États généraux devaient déboucher sur une « profonde réforme des aides à la presse », avait annoncé le Président de la République. En janvier 2011, le ministre de la culture et de la communication a mis en place à cet effet une instance de concertation réunissant l’ensemble des représentants de l’État, des éditeurs de presse et un certain nombre de personnalités qualifiées, parmi lesquelles on peut au passage regretter l’absence de parlementaires, et présidée par M. Roch-Olivier Maistre.

Alors que les constats alarmants (sur l’inefficacité globale du système et singulièrement sur son absence de ciblage) établis par les missions confiées à l’Inspection générale des finances et à M. Aldo Cardoso sur l’efficacité des aides à la presse appelaient incontestablement une action de grande ampleur, la « réforme des aides à la presse », présentée comme telle par le présent projet de loi de finances, ne porte que sur quelque 30 millions d’euros d’aides (sur plus d’un milliard) et se limite à la fusion de deux fonds (qui n’étaient séparés que pour des raisons d’affichage et entre lesquels la frontière n’était pas véritablement étanche) au sein d’un fonds, qui comporte plusieurs sous-sections correspondant aux anciens fonds fusionnés… Voilà qui prêterait presque à sourire si la situation de la presse n’était pas particulièrement préoccupante et les montants en jeux colossaux.

Des mesures d’amélioration de la gouvernance des aides sont également annoncées, dont on peut tout de même se satisfaire, après s’être étonné que cela n’aille pas de soi depuis longtemps, s’agissant de « procéder à des évaluations régulières de l’efficacité et de la pertinence des différentes aides » et, dans un souci de transparence, de rendre publics les montants attribués à chaque bénéficiaire.

Après avoir analysé l’évolution pour 2012 des crédits en faveur de la presse et ce qui est présenté comme « la réforme des aides à la presse », le rapporteur pour avis s’attachera à formuler ses propositions et à dresser un bilan des États généraux de la presse écrite avant de s’intéresser à l’avenir de l’Agence France Presse (AFP).

S’agissant de l’AFP, la présente législature aura été jalonnée par une succession d’annonces et de propositions, discutées et discutables, présentées systématiquement comme des priorités incontournables, sur la base d’arguments plus ou moins clairs ou convaincants. Il en résulte aujourd’hui une situation de malaise et de blocage, qui est d’autant plus regrettable que certaines questions devraient pouvoir être abordées de manière consensuelle, mais aussi une incompréhension aggravée non seulement entre la direction et les salariés, mais aussi entre l’Agence et ses clients. Pour sortir de l’impasse, le rapporteur pour avis estime qu’il convient de bien distinguer les vrais enjeux des fausses priorités.

I.- L’ÉVOLUTION DES AIDES À LA PRESSE EN 2012

A. UNE ÉVOLUTION DICTÉE PAR LA SEULE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE SANS TENIR COMPTE DES BESOINS DU SECTEUR

268,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (contre 306 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2011, soit une diminution de 12,3 %) et 272,8 millions d’euros en crédits de paiement (contre 304,5 millions d’euros en 2011, soit une diminution de 10,4 %) seront consacrés aux aides à la presse en 2012. Après avoir bénéficié d’un soutien exceptionnel pendant trois ans, à l’issue des États généraux de la presse écrite, les crédits du programme 180 « Presse » amorcent donc une baisse.

Force est de constater que l’évolution des crédits résulte davantage de la contrainte budgétaire que d’une réflexion sur le bon calibrage des aides. L’essentiel de la baisse porte en effet sur l’aide au portage qui passe de 67,9 millions d’euros à 45 millions d’euros et l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse qui passe de 10 à 6 millions d’euros. Ce sont donc les aides les plus ciblées et les plus nécessaires à la modernisation du secteur qui servent de variable d’ajustement.

 

LFI 2011

PLF 2012

Évolution 2012/2011

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Abonnement de l’État à l’AFP

115 428 200

115 428 200

117 505 908

117 505 908

1,8 %

1,8 %

Aides à la presse

306 049 226

304 494 360

268 307 784

272 807 784

-12,3 %

-10,4 %

Aides à la diffusion

198 839 818

198 839 818

173 212 190

173 212 190

-12,9 %

-12,9 %

Aide au transport postal

109 489 818

109 489 818

107 212 190

107 212 190

   

dont trajectoire prévue par les accords presse-Poste

83 000 000

83 000 000

79 570 248

79 570 248

   

dont moratoire d’un an sur les accords presse-Poste

26 489 818

26 489 818

27 641 942

27 641 942

   

Aide au portage de la presse

67 900 000

67 900 000

45 000 000

45 000 000

   

Exonération charges patronales pour les porteurs

14 000 000

14 000 000

15 500 000

15 500 000

   

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse

5 500 000

5 500 000

5 500 000

5 500 000

   

Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger

1 950 000

1 950 000

       

Aides au pluralisme

11 975 000

11 975 000

11 975 000

11 975 000

0,0 %

0,0 %

Aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

9 155 000

9 155 000

9 155 000

9 155 000

   

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

   

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1 420 000

1 420 000

1 420 000

1 420 000

   

Aides à la modernisation

95 224 408

93 669 542

83 120 594

87 620 594

-12,7 %

-6,5 %

Aide à la modernisation sociale

27 616 357

27 616 357

24 493 241

24 493 241

   

Aide à la distribution de la presse

18 000 000

18 000 000

18 850 000

18 850 000

   

Aide à la modernisation des diffuseurs

10 108 051

10 108 051

6 000 000

6 000 000

   

SPEL

19 500 000

17 945 134

       

FDM

20 000 000

20 000 000

       

Fonds stratégique pour le développement de la presse

   

33 777 353

38 277 353

   

réserve parlementaire

10 000

10 000

       

TOTAL crédits PRESSE PROGRAMME 180

421 477 426

419 922 560

385 813 692

390 313 692

-8,5%

-7,1%

Source : DGMIC.

Non seulement il y aura donc un recul du ciblage, mais dans la mesure où la presse gratuite émarge désormais au nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, il y aura mécaniquement un plus grand saupoudrage des aides directes ciblées.

Rappelons que si les publications gratuites bénéficiaient de certaines aides fiscales, elles ne pouvaient en revanche prétendre aux aides directes dont l’obtention est conditionnée par une inscription auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse, ce qui suppose une vente effective (1). À partir de 2012, les titres de presse quotidienne gratuits pourront bénéficier de la première section du nouveau fonds stratégique pour le développement de la presse, destiné à soutenir les opérations de mutation et de modernisation industrielles (imprimeries, systèmes rédactionnels) de la presse imprimée (ex FDM).

Le moratoire sur les tarifs postaux coûtera encore 20 millions d’euros en 2012, somme qui aurait pu être plus utilement utilisée sur le portage, puisque l’effort est relâché au moment où le portage décolle et a besoin d’être accompagné.

B. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : LA MONTAGNE ACCOUCHE D’UNE SOURIS

« Nous allons réorganiser profondément le système des aides à la presse », avait annoncé le Président de la République le 23 janvier 2009. Les États généraux de la presse écrite ont ainsi ouvert un chantier sur la réforme du système d’aides à la presse, sujet sur lequel une mission a été confiée à M. Aldo Cardoso. L’année 2012 est annoncée par le Gouvernement comme étant l’année de mise en œuvre de la réforme des aides à la presse écrite, établie sur la base des réflexions conduites dans le cadre de cette mission. Outre qu’il eût évidemment été plus logique de conduire une réflexion sur l’efficacité des modalités d’intervention préalablement à l’accroissement considérable des moyens mis en œuvre, la réforme proposée à l’issue de cette réflexion est très en deçà de ce que l’on pouvait en attendre, au vu des constats alarmants établis par le rapport Cardoso.

1. La mission Cardoso : des constats alarmants qui appelaient une réforme de grande ampleur

En 2010, l’État est intervenu à hauteur de plus d’un milliard d’euros en faveur de la presse, ce qui représente environ 12 % du chiffre d’affaires du secteur. Cette intervention se fait à travers un empilement illisible d’une vingtaine de dispositifs directs et indirects ayant chacun leurs bénéficiaires (éditeurs, messageries, La Poste, SNCF, diffuseurs, lectorat), leurs objectifs propres, leurs conditions d’éligibilité, et leurs modalités de gouvernance.

Le niveau d’aide atteint est tel qu’il est devenu consubstantiel à l’économie des journaux. La part des contributions publiques dans le chiffre d’affaires de certaines familles de presse est particulièrement élevée : elle atteint 19 % pour la presse quotidienne nationale et 26 % pour les « autres titres d’IPG »(2). La part des contributions publiques est ainsi susceptible de dépasser 60 % du chiffre d’affaires de certains titres !

La mission conduite par M. Aldo Cardoso a tout d’abord mis en évidence de manière frappante l’absence de ciblage de l’intervention publique sur les titres d’information politique générale (IPG) : le « ciblage » des aides à la presse, concerne en effet moins d’un tiers de l’intervention de l’État, envisagée dans sa globalité !

Ce constat s’explique par le faible ciblage des aides indirectes et des aides postales qui représentent près de la moitié des concours publics à la presse. La part des aides indirectes revenant à la presse quotidienne d’IPG n’est en effet que de 38 %.

Indicateur : part de l’aide publique globale
accordée à la presse d’information politique et générale

(du point de vue du contribuable)

 

Unité

2009 Réalisation

2010 Réalisation

2011 Prévision PAP 2011

2011 Prévision actualisée

2012 Prévision

2013
Cible

Aides directes (programme « Presse »)

 %

91 %

96 %

92 %

96 %

97 %

97 %

Aides indirectes

 %

37 %

38 %

37 %

38 %

38 %

38 %

Source : DGMIC.

L’inspection des finances a montré que 46 % de l’avantage tarifaire postal total demeurent attribués, en 2008, à des titres hors IPG ; dont 20 % pour huit magazines télévisés qui bénéficient donc de 53 millions d’euros d’avantage tarifaire postal, soit un montant supérieur au total des aides à la modernisation et à la modernisation sociale (50 millions d’euros) (3!

Le graphique suivant vient contredire de manière frappante l’idée selon laquelle l’effort public serait désormais ciblé sur les titres qui en ont le plus besoin et concourent à l’exercice de la démocratie et au pluralisme, puisqu’il montre que la presse magazine grand public capte à elle seule 35 % de la contribution publique en faveur de la presse !

Répartition de la contribution publique par famille de presse
régimes fiscaux (TVA, TP), aide postale, aides directes, hors aides aux diffuseurs


Source : IGF, décembre 2009 – chiffres 2008.

Deuxième constat alarmant établi par le rapport de la mission confiée à M. Aldo Cardoso, les aides ne sont pas ciblées sur l’investissement puisque la part des aides à l’investissement n’atteint pas un quart des aides à l’éditeur. La grande majorité des crédits d’intervention s’apparente ainsi à une subvention d’exploitation, qui n’a évidemment aucun effet incitatif aux réformes nécessaires, et, ce qui est plus grave, ne fait que les différer.

Pire, comme le souligne de longue date le Rapporteur pour avis, les aides à l’investissement ont eu un effet anti-économique, lorsqu’elles ont subventionné massivement le développement de capacités d’impression en interne, alors même que l’externalisation de l’impression et la mutualisation des capacités d’impression sont une condition essentielle en vue de permettre aux titres de se recentrer sur la production de contenus et de maîtriser leurs surcoûts.

Enfin, les aides ne tiennent pas compte de la situation particulière de chaque titre et des efforts réels faits par chacun d’eux pour améliorer sa situation économique. Comme le souligne M. Patrick Le Floch : « Les aides (directes et indirectes) présentent une caractéristique surprenante lorsqu’on les envisage sous un angle purement économique. Elles sont accordées indépendamment du comportement des éditeurs. (…) Tout se passe comme si un objectif d’ordre général était recherché sans qu’il soit demandé aux différents acteurs de s’adapter structurellement. (…) Force est de reconnaître que si ces aides peuvent aider à la survie de quelques titres, elles ne permettent pas de régler les problèmes de fond auxquels est confrontée la presse quotidienne. » (4).

Or, le premier constat établi par l’inspection générale des finances (IGF), selon M. Bruno Mettling, est la grande hétérogénéité de la situation des titres de presse en France, qui dépend de plusieurs facteurs identifiables.

Comme il a été indiqué précédemment, le choix de garder en interne une imprimerie est un choix absolument déterminant sur la situation des différents titres, ceux qui ont fait le choix de l’externalisation étant dans une situation beaucoup plus favorable que ceux qui ont conservé leur imprimerie.

L’IGF a également comparé le coût des rédactions et constaté des écarts considérables par quotidien diffusé, certains organes de presse quotidienne ayant drastiquement réduit la part des « non écrivants », héritage d’anciens métiers de la presse qui ont disparu, alors que d’autres n’ont pas fait cet effort de rationalisation.

La stabilité de l’actionnariat et l’adossement à un groupe diversifié constituent également un atout important pour un titre de presse. Les titres soutenus par un actionnaire stable et disposé à investir sans perspectives de rentabilité immédiate se situent dans une situation avantageuse par rapport à ceux dont l’actionnariat est morcelé ou qui ne disposent pas d’une capacité d’investissement suffisante.

Enfin, le développement de la diffusion par abonnement constitue également un atout considérable par rapport à la vente au numéro.

En appliquant des procédures uniformes à des situations aussi hétérogènes, l’on débouche sur des résultats sans cohérence et très contestables sur le plan des principes : ainsi un groupe comme le Figaro est-il beaucoup plus aidé à l’exemplaire diffusé que Libération qui est dans une situation économique beaucoup moins favorable, comme le montre le tableau suivant.

Taux de subvention par exemplaire

Titre

Aide directe par exemplaire diffusé payé
Total y compris Poste

Libération

0,09 €

Le Figaro

0,19 €

Les Échos

0,25 €

La Tribune

0,27 €

Le Monde

0,23 €

L’Humanité

0,54 €

La Croix

0,54 €

France Soir

0,52 €

Source : IGF, décembre 2009 – chiffres 2008.

2. La création d’un fonds stratégique pour le développement de la presse : une mesure « cosmétique » qui ne saurait tenir lieu de « réforme des aides à la presse »

Ce que le Gouvernement présente comme « la réforme des aides à la presse » se limite en réalité à la création d’un « fonds stratégique pour le développement de la presse ». À compter du 1er janvier 2012, ce fonds, doté de 33,8 millions d’euros en AE et 38,3 millions d’euros en CP, se contente de réunir les aides jusqu’ici délivrées par le fonds de modernisation de la presse quotidienne (FDM) (qui comportait une section spéciale consacrée à la conquête de nouveaux lectorats), le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL) et, plus accessoirement, la deuxième section du fonds pour la distribution et la promotion de la presse française à l’étranger (5).

Il est précisé que le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) sera consacré aux seules dépenses d’investissement, ce qui aurait toujours dû être le cas mais ne le fut pas, loin s’en faut, notamment en ce qui concerne le fonds SPEL créé à l’issue des États généraux, comme nous le verrons dans la seconde partie du présent rapport consacrée au bilan de ces derniers.

Avant d’applaudir devant ce formidable effort de rationalisation, il convient de souligner que ce fonds sera constitué de trois sous-sections distinctes ! La première sera dédiée aux opérations de mutation et de modernisation industrielle de la presse imprimée quotidienne et assimilée d’IPG et l’on reconnaîtra là l’ancien FDM. La seconde sera réservée aux innovations technologiques et notamment numériques de la presse IPG (ex fonds SPEL), mais aussi, dans la limite de 20 % des crédits alloués à cette section, aux investissements d’une partie de la presse dite « spécialisée ». Enfin, la troisième section sera consacrée à la conquête de nouveaux lectorats (jeunes, publics « empêchés », en particulier dans les prisons et les hôpitaux). Une répartition indicative des crédits annuels entre les trois sections du fonds sera ainsi maintenue, à hauteur de 40 % de l’enveloppe globale pour la première section, de 45 % pour la deuxième et de 15 % pour la troisième mais il est précisé que cette répartition sera susceptible d’évoluer en cours d’année, en fonction des besoins…

À la question de savoir ce que cela change concrètement, la réponse apportée par la Direction du budget et la Direction générale des médias et des industries culturelles est : la fongibilité. Afin de ramener le changement que cela représente à sa juste proportion, soulignons qu’il eût été logique de créer d’emblée le fonds SPEL au sein du FDM. Selon la Direction du budget, le gouvernement avait préféré « isoler » le fonds SPEL, pour des raisons d’affichage, l’objectif étant de donner une plus grande visibilité à la mesure. Cependant, son articulation avec le FDM n’a par conséquent jamais été claire et certaines aides qui n’ont pu être distribuées dans le cadre du fonds SPEL l’ont d’ailleurs été par le FDM…

3. Les mesures en faveur d’une gouvernance rénovée : de bonnes idées qui ne doivent pas rester lettre morte ou être dévoyées

Il a été décidé, en premier lieu, la création d’une conférence annuelle des éditeurs de presse, composée des représentants de toutes les familles de presse, de l’État (ministères de la culture et du budget) et de personnalités qualifiées.

Cette conférence « a vocation à constituer un lieu de débat et de réflexion sur les orientations stratégiques qui doivent guider, dans un souci d’efficacité et d’efficience accrues, l’évolution et l’adaptation du dispositif d’aide à la presse ».

Outre qu’il ne lui semble pas inutile d’intégrer à cette conférence des membres de la représentation nationale chargée de voter et de contrôler l’efficacité des aides à la presse, le rapporteur pour avis souhaite que cette conférence soit véritablement motivée par l’accroissement de l’efficacité du dispositif d’aides à la presse et ne se transforme pas en tribune permettant à chacun de faire part de ses doléances.

Cette conférence devrait s’appuyer notamment sur des évaluations régulières de l’efficacité et de la pertinence des différentes aides. Cette mesure est conforme aux préconisations du rapporteur pour avis qui avait souhaité que soit rapidement mise en place une fonction d’évaluation et de contrôle à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, dans un souci accru de transparence, l’état annuel des montants attribués et leur ventilation par bénéficiaire seront désormais rendus publics. Si cela peut sembler à première vue « la moindre des choses », il s’agit là d’une petite révolution dont il ne faut pas sous-estimer la portée, les éditeurs de presse s’étant traditionnellement « abrités » derrière le principe de « respect du secret des affaires » pour que le montant des crédits publics dont ils sont bénéficiaires ne soit pas rendu public. Il aura donc fallu attendre 2012 pour que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose pour mémoire que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée », fasse céder le sacro-saint principe de secret des affaires !

Le rapporteur pour avis avait proposé de conditionner l’octroi des concours publics aux éditeurs à l’engagement d’une stratégie globale et pluriannuelle de redressement et d’adaptation, assortie d’engagements évaluables.

Les travaux ont abouti à faire émerger un principe de contractualisation des aides, pour les titres les plus dépendants des aides publiques (ceux qui reçoivent plus de 1,5 million d’euros en moyenne sur plusieurs années, ou dont les aides sont supérieures à 20 % de leur chiffre d’affaires en moyenne au cours des trois dernières années). Une convention-cadre sera passée pour une durée de trois ans avec chaque éditeur se trouvant dans cette situation ; elle permettra aux entreprises de préciser leur stratégie de développement sur cette période.

La question de savoir ce à quoi va servir cette convention, en l’absence d’engagements évaluables et de réflexion sur les conséquences que pourrait avoir le non respect de ces engagements, reste entière.

Se pose également la question de savoir sur quels crédits va porter la contractualisation, la plupart des aides restant attribuées selon des critères objectifs sans exigence d’une contrepartie.

4. Les propositions du rapporteur pour une véritable réforme

Le rapporteur pour avis est convaincu que la priorité absolue, dont on ne peut que déplorer que le présent projet de loi de finances ne tienne aucun compte, est de cibler les aides sur les titres qui en ont le plus besoin.

Or, cet objectif ne peut être efficacement atteint qu’en réservant le bénéfice du taux super réduit de TVA aux titres s’adressant au lecteur-citoyen pour dégager des moyens en faveur de ces derniers et financer la dépense fiscale qu’entraînerait l’application d’un régime fiscal équivalent (un taux réduit sur la presse récréative et super-réduit en faveur des titres IPG) à la presse en ligne.

Malgré un effort de ciblage ces dernières années, l’intervention de l’État demeure très insuffisamment ciblée sur les titres s’adressant au lecteur-citoyen, et ce, en raison notamment des aides fiscales qui ne sont pas du tout ciblées.

Dans cette perspective, et dans la mesure où la situation des finances publiques ne permet pas d’envisager une augmentation des aides directes aux titres qui en ont le plus besoin, le rapporteur pour avis s’interroge sur l’opportunité de maintenir un taux super réduit de TVA de 2,1 % sur la presse purement récréative, s’adressant uniquement au lecteur-consommateur et pour laquelle un taux réduit de 5,5 % peut se justifier.

Le seul argument avancé par le Gouvernement contre cette mesure est que le taux réduit de TVA accordé à la presse trouverait son équivalent à l’étranger, la France se situant dans la moyenne européenne sur ce type de dispositif. S’il est vrai que tous les pays européens appliquent des régimes de TVA dérogatoires et favorables, quel que soit le type de presse, le tableau suivant montre que les taux de TVA applicables à la presse en France sont très en dessous de la moyenne et figurent même parmi les plus bas, étant précisé que des pays, comme le Royaume-Uni, qui appliquent un taux de 0 % n’ont par ailleurs mis en place aucun système d’aides directes ciblées.

Taux de TVA applicables aux entreprises de presse dans un échantillon de pays européens

(en %)

Pays

Taux de TVA standard

TVA sur la vente au numéro

TVA sur l’abonnement

TVA sur la publicité

TVA sur l’impression

Allemagne

19

7

7

19

19

Autriche

20

10

10

20

20

Belgique

21

0

0

21

21

Danemark

25

0

0

25

25

Espagne

16

4

4

16

16

Finlande

22

22

0

0

0

France

19,6

2,1

2,1

19,6

19,6

Grèce

19

4,5

4,5

19

19

Italie

20

4

4

20

4

Norvège

19

6

6

19

19

Pays-Bas

19

6

6

19

19

Portugal

21

5

5

21

5

République tchèque

19

5

5

19

19

Russie

18

10

18

18

18

Suède

25

6

6

25

25

Suisse

7,6

2,4

2,4

7,6

7,6

Ukraine

20

0

0

20

0

Royaume-Uni

18

0

0

18

18

Moyenne

19,3

5,5

4,4

18,1

15,2

Source : World Press Trends 2008.

Cette proposition suppose évidemment, dans l’esprit du rapporteur pour avis, que l’économie de dépense fiscale ainsi effectuée soit réaffectée au profit du financement des aides à la presse, recentrées sur le lecteur-citoyen.

Parallèlement, il propose de mettre réellement fin à la fragmentation des interventions et de fondre toutes les aides directes, y compris l’aide au portage et les aides à la modernisation, renforcées par les crédits dégagés par l’augmentation du taux de TVA sur la presse récréative, au sein d’un fonds unique et de basculer sur une approche titre par titre, concentrée sur les titres qui ont de grands besoins et les titres contribuant à l’enjeu démocratique et au pluralisme, et justifiée par le fait qu’il y a autant de situations particulières que de titres de presse.

Il s’agirait de faire de l’engagement d’une démarche contractuelle globale une condition d’accès aux aides à la presse. Cette démarche serait formalisée par une convention issue d’un dialogue entre le bénéficiaire et l’État. Elle serait fondée sur la prise d’engagements dont la tenue et l’effet seraient susceptibles d’être pleinement évalués.

À cette occasion, les priorités de l’aide accordée devraient être clairement réorientées en vue de soutenir de véritables stratégies d’investissement : encourager l’innovation, le renouvellement de l’offre, les stratégies de diversification plurimédia, les laboratoires et incubateurs d’innovation portés par des associations professionnelles afin de pallier les carences du système français en matière de mutualisation des coûts de recherche et développement.

II.- LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA PRESSE ÉCRITE :
UN BON DIAGNOSTIC, UN TRAITEMENT INEFFICACE

Lors de la présentation du plan d’aide à la presse issu des États généraux, plusieurs chantiers prioritaires avaient été identifiés et fait l’objet d’un plan d’action dont il convient aujourd’hui de tirer le bilan : développement de la presse en ligne, développement du portage, modernisation de la vente au numéro, conquête de nouveaux lectorats.

A. LE BILAN TRÈS NÉGATIF DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DE LA PRESSE SUR LES SUPPORTS NUMÉRIQUES

Le développement de la presse sur les supports numériques avait très justement été identifié par les États généraux de la presse écrite comme le premier chantier auquel cette dernière devait faire face. Si l’on ne peut évidemment pas tenir le système d’aide à la presse pour responsable des difficultés à faire émerger un modèle économique pour la presse en ligne, deux constats sévères s’imposent, au regard des déclarations sur la priorité que constituerait le numérique pour l’avenir du secteur.

Tout d’abord, l’aide au développement de la presse en ligne n’atteint pas 20 millions d’euros sur plus d’un milliard d’aides publiques. Mais surtout, la presse en ligne reste pénalisée par rapport à la presse papier par l’application d’un taux de TVA de 19,6 %.

1. Le fonds d’aide au développement de la presse en ligne : un bilan très mitigé

À l’issue des États généraux de la presse écrite, un fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), doté de 20 millions d’euros, a été créé pour une durée de trois ans, succédant au fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse créé en 2004, qui n’avait été doté que de 500 000 euros de 2006 à 2008…

Au cours des auditions qu’il a menées, l’attention du rapporteur pour avis a été appelée sur l’absence de transparence des critères d’attribution de l’aide.

Lors de son audition par le rapporteur pour avis, M. Bruno Mettling, inspecteur général des finances chargé en 2009 d’un rapport sur l’efficacité des aides à la presse, a déploré que l’on ait ainsi mobilisé une enveloppe de 20 millions d’euros, sans aucune réflexion préalable, ni sur son montant, ni sur son ciblage, l’économie de la presse en ligne présentant la particularité de ne comporter aucune barrière à l’entrée. Il en est résulté un guichet supplémentaire et un saupoudrage inéluctable des crédits. Le fonds n’est pas ciblé sur la presse d’information politique et générale. Son articulation avec le FDM n’était par ailleurs pas claire : certaines aides qui n’ont pu être distribuées dans le cadre du fonds SPEL l’auraient été par le FDM.

Le rapport Cardoso avait dénoncé la prise en charge de dépenses de fonctionnement dans le cadre des aides à l’investissement. Le fonds SPEL aura été exemplaire en la matière.

Les dépenses éligibles comprenaient certes des dépenses d’investissement (investissements en équipement et investissements immatériels notamment les dépenses de logiciels et de développement informatique, dépenses permettant la numérisation des contenus) mais aussi, et contrairement à l’objectif affiché de ciblage des seules dépenses d’investissement, des dépenses de fonctionnement, en particulier les salaires bruts des journalistes affectés au numérique.

Ont même été inclus dans le champ des dépenses éligibles les salaires des journalistes « réaffectés » du « papier » vers le « web », ce qui a donné lieu à un très important effet d’aubaine et gâchis d’argent public. Selon les informations transmises par la DGMIC, cette prise en compte des salaires des journalistes a donné lieu à « des demandes qui ont pu paraître abusives (basculement de l’ensemble d’une rédaction). »

En 2010, ces dépenses ont représenté 40 % du montant total des aides octroyées au titre du SPEL (soit 5,7 millions d’euros), comme le montrent les schémas et tableaux suivants.

Aides attribuées au titre de l’exercice 2010
par le Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne
Répartition des aides accordées par nature des dépenses

(sous réserve de la réalisation des projets)



(en euros)

 

Matériels

Numérisation des archives

Développements informatiques

Hébergements

Études

Promotion Marketing

Prise en charge partielle des salaires des journalistes

Total

2010

567 548

306 284

4 649 832

1 020 993

937 238

1 342 021

5 697 359

14 521 275

2010

4 %

2 %

32 %

7 %

6 %

9 %

39 %

100 %

Source : Direction du budget.

Le périmètre des dépenses éligibles au SPEL devrait enfin être corrigé à compter de 2012. On ne peut cependant que regretter que cet effet d’aubaine ait conduit à limiter très fortement l’efficacité de l’aide attribuée au titre du fonds SPEL pendant trois ans et on ne saurait dès lors s’étonner de constater que l’évaluation actualisée de l’effet de levier de cette aide pour 2011 (indicateur renseigné dans le projet annuel de performance afin d’en mesurer l’efficacité) soit particulièrement faible et en retrait par rapport aux prévisions.

Indicateur : effet de levier des aides directes d’investissement à la presse

(du point de vue du contribuable)

 

2009 Réalisation

2010 Réalisation

2011 Prévision PAP 2011

2011 Prévision actualisée

2012 Prévision

2013
Cible

Effet de levier de l’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale

2,9

3,7

4

2,7

5,5

6

Effet de levier de l’aide au développement des services de presse en ligne

3,7

2,7

6,5

3,9

3

3,2

Source : DGMIC.

2. Le taux de la TVA sur la presse en ligne : une grave anomalie

Le bilan d’un fonds d’aide au développement de la presse en ligne ne peut être que très décevant alors que parallèlement, la presse en ligne supporte un taux de TVA de 19,6 % contre 2,1 % pour la presse papier.

Le Gouvernement répète à l’envi que la France poursuit ses efforts pour engager une discussion à l’échelon communautaire sur la question de l’applicabilité aux services de presse en ligne d’un taux de TVA minoré, qui ne pourrait résulter que d’une décision à l’unanimité des membres de l’Union, dont certains, non des moindres, tels que l’Allemagne, opposent actuellement un veto.

Dans cette perspective, une mission de réflexion et de proposition sur les défis de la révolution numérique face aux règles fiscales européennes a été confiée à M. Jacques Toubon. Selon le Gouvernement, le rapport qui en résultera permettra d’appuyer le travail d’argumentation et de conviction déjà entrepris par les ministres des finances, des affaires étrangères et de la culture et de la communication.

Soulignons que plusieurs États membres se sont ralliés à la position française et que le parlement Européen vient d’adopter une résolution sur la TVA soutenant le principe de neutralité de la TVA pour la presse. Plusieurs Commissaires européens y sont par ailleurs favorables.

Si l’argument communautaire et la nécessité d’une décision à l’unanimité peut certes être entendu, il est un autre argument, auquel la Commission européenne est d’ordinaire très sensible, qui est la neutralité des supports et partant la distorsion de concurrence inacceptable à laquelle la presse en ligne est confrontée.

Si, au-delà de l’argument européen, l’obstacle était partiellement budgétaire, on pourrait rappeler que des marges de manœuvre existent dans un possible relèvement du taux de la TVA sur la presse purement récréative.

Enfin, le législateur sait parfois passer outre l’obstacle communautaire, comme il l’a prouvé avec l’adoption de la loi sur le prix du livre numérique et l’abaissement, prévu par la loi de finances pour 2011, du taux de TVA sur le livre numérique (qui est passé de 19,6 % à 5,5 %) pour l’aligner sur celui applicable à son homologue papier.

Dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, l’Assemblée a rejeté deux amendements identiques présentés, d’une part, par M. Patrice Martin-Lalande et, d’autre part, par les membres du groupe SRC, parmi lesquels le Rapporteur pour avis.

Pour faire rejeter l’amendement, la ministre du budget a avancé des arguments tout à fait surprenants et contraires au principe de neutralité des supports affirmé haut et fort par le Président de la République, lors de la présentation des mesures décidées à l’issue des États généraux. « Non seulement le taux proposé n’est pas compatible avec la réglementation européenne, mais » a-t-elle soutenu, « la presse en ligne n’est pas assimilable à la presse imprimée. Elle ne fonctionne pas de la même façon et sa nature est différente, puisqu’elle est constituée d’un flux de données » !

Désarmée face aux objections de M. Patrick Bloche, qui rappelait les mesures adoptées en faveur du livre numérique et interrogeait la ministre sur ce qui justifiait que le même traitement ne soit pas réservé à la presse en ligne, Mme Valérie Pécresse a jugé qu’il ne s’agissait pas de la même chose, la presse en ligne constituant un service et non un bien culturel… Enfin, à court d’arguments spécieux, elle a souligné que le Gouvernement avait déjà « fait preuve d’une grande bénévolence vis-à-vis de la presse en maintenant et en prorogeant toute une série de niches… » L’argument était donc bien budgétaire.

B. LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DU PORTAGE : UN IMMENSE GÂCHIS

1. Le mauvais calibrage et partant l’efficacité insuffisante de l’effort financier massif en faveur du portage

D’importants moyens (70 millions d’euros par an) ont été consacrés à un vaste plan d’aide au développement du portage mis en place à partir de 2009 pour une durée de trois ans, période au terme de laquelle l’objectif était que l’essentiel du basculement vers le portage ait été réalisé, via une augmentation moyenne de 33 % pour toutes les familles de presse concernées. Dans son rapport pour avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2011, le rapporteur pour avis avait dénoncé le fiasco qu’a constitué la mise en œuvre de ce plan, « un scandale » selon M. Bruno Mettling.

Le gâchis d’argent public est d’autant plus inacceptable que le développement du portage constitue indéniablement une priorité stratégique pour la presse française.

La France se caractérise en effet par la faiblesse relative du nombre de points de vente par habitants : ce ratio est de 1 point de vente pour 2 000 habitants, alors qu’il est respectivement de 1 pour 800 et de 1 pour 1 000 en Allemagne et en Grande-Bretagne. La rémunération des diffuseurs est l’une des plus faibles que l’on puisse observer dans les pays européens. L’abonnement revêt donc un enjeu essentiel pour une majorité de titres.

En ce qui concerne la diffusion par abonnement, l’acheminement par portage présente des avantages importants par rapport au postage, tant en termes de service rendu (le journal arrive plus tôt chez l’abonné) qu’en termes de prix.

Deux facteurs contribuent cependant à limiter le développement du portage en France : d’une part, le fort taux de subventionnement dont bénéficie la distribution postale de la presse quotidienne d’information politique et générale, qui réduit mécaniquement l’avantage comparatif du portage, et, d’autre part, le coût élevé de ce dernier, la situation précaire des porteurs, la fragmentation des réseaux et la faiblesse du portage multi-titres.

Au surplus, alors que le constat selon lequel le développement du portage constitue un enjeu majeur pour l’avenir de la presse avait été établi de longue date, en 2008, les aides de l’État s’élevaient à 242 millions d’euros pour le transport postal contre 8 millions pour le portage ! Le système français d’aide à la presse n’était donc clairement pas orienté vers le développement du portage.

Il en résulte une faiblesse structurelle du portage en France : sur les 5,2 milliards d’exemplaires de journaux diffusés par an, 48 % le sont par la vente au numéro, 33 % par le postage et seulement 19 % par portage. Le portage est mieux implanté dans d’autres pays européens puisqu’il représente 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % au Royaume Uni.

Compte tenu de ces éléments, on ne peut que regretter que l’effet incitatif de l’aide mise en place à l’issue des États généraux ait été presque annulé par ses modalités de calcul, qui ont entraîné un effet d’aubaine majeur pour la presse quotidienne régionale (PQR).

Rappelons que l’aide au portage est divisée en deux parts, dont la première est fonction de la progression du nombre d’exemplaires portés au cours des deux années précédant celle de l’attribution de l’aide (« aide au flux ») et la seconde est fonction du nombre total d’exemplaires portés au cours de l’année précédant celle de l’attribution de l’aide (« aide au stock »). Le niveau du montant unitaire de l’aide au stock a été fixé à un niveau élevé, au moins en 2009. Quant à l’aide au flux, elle a été calculée sur la base des données de « stock » datant de 2008. Il en est résulté un effet très peu incitatif de l’aide et surtout un effet d’aubaine massif pour la PQR qui avait déjà largement recours au portage.

Au lieu d’inciter au basculement du postage vers le portage, l’enveloppe a ainsi servi à subventionner massivement, sur la base du portage existant, les titres de la PQR qui ont capté 72 % du montant de l’enveloppe en 2009. La presse quotidienne nationale (PQN), qui devait en être la principale bénéficiaire, n’en a pratiquement pas bénéficié, comme le montre le tableau suivant.

Répartition des crédits du fonds par famille de presse en 2009

Type de presse

Montant total de l’aide

Pourcentage par rapport à la dotation du fonds

Presse quotidienne nationale (PQN)

11 586 501 €

17,81 %

Presse quotidienne régionale (PQR)

46 723 894 €

71,83 %

Presse quotidienne départementale (PQD)

6 554 179 €

10,08 %

Presse hebdomadaire régionale (PHR)

122 621 €

0,19 %

Hebdomadaires nationaux (France et étranger)

64 825 €

0,10 %

Montant total de l’aide

65 052 021 €

100 %

Source : DGMIC.

Les conditions d’attribution de l’aide ont été réformées en 2009, afin de limiter l’effet d’aubaine. Pour 2010, les valeurs de référence de l’aide au portage ont été déterminées afin de corriger autant que possible l’effet d’aubaine que peut impliquer un montant unitaire élevé d’aide au stock. Cependant la prévision de répartition des crédits par famille de presse pour l’année 2011 montre que la PQR continue de capter l’essentiel de l’enveloppe.

Répartition des crédits du fonds par famille de presse en 2011

Type de presse

Montant total de l’aide

Pourcentage par rapport à la dotation du fonds

Presse quotidienne nationale (PQN)

17 127 261 €

25,36 %

Presse quotidienne régionale (PQR)

41 347 378 €

61,23 %

Presse quotidienne départementale (PQD)

6 748 527 €

9,99 %

Presse hebdomadaire régionale (PHR)

1 341 817 €

1,98 %

Hebdomadaires nationaux
(France et étranger)

711 612 €

1,05 %

Presse quotidienne d’outre mer (PQOM)

243 773 €

0,36 %

Hebdomadaires régionaux

184 €

0,00027 %

Montant total de l’aide

67 520 552 €

100 %

L’objectif annoncé par le Président de la République était de porter entre 200 et 300 millions d’exemplaires supplémentaires en trois ans, soit une augmentation moyenne d’un tiers pour toutes les familles de presse concernées. Dans les faits, le nombre d’exemplaires portés est passé de 954 273 760 en 2008 à 1 018 109 240 en 2010, soit une progression de 6,6 %. Si le volume de portage 2011 ne sera connu qu’en 2012, on peut d’ores et déjà affirmer qu’on sera malheureusement très loin des objectifs.

2. L’application concomitante d’un moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux : une mesure non ciblée, coûteuse, et en contradiction avec le soutien au développement du portage

L’effet incitatif de l’aide aura été également anéanti par l’application d’un moratoire concernant l’entrée en vigueur des hausses de tarifs postaux prévues par les accords État-presse-Poste. Rappelons que l’intensité de l’aide postale contribue mécaniquement à freiner le développement du portage.

L’aide au transport postal étant sans doute la mesure la moins ciblée qui soit, l’IGF a mis en évidence que le coût du moratoire a représenté pour 4 titres de presse télévision deux fois plus que pour la totalité des titres de la presse quotidienne nationale !

Outre qu’en favorisant les tarifs postaux préférentiels, on utilise l’argent du contribuable pour favoriser une forme de diffusion qui n’est plus d’avenir, l’application stricte des augmentations tarifaires prévues par les « accords Schwartz » est une condition clé du redéploiement des aides vers les titres qui en ont vraiment besoin et contribuent à l’enjeu premier qu’est le soutien de la démocratie et du pluralisme.

3. Le retrait de Neopress et l’insuffisante mutualisation des réseaux de la PQR

Autre facteur d’échec du plan d’aide au portage, ce dernier devait s’accompagner d’une mutualisation croissante des réseaux de diffusion de la presse quotidienne régionale (PQR) et de la presse quotidienne nationale (PQN), le but étant, pour la PQN, de développer ses ventes et d’améliorer le service à ses abonnés, et, pour la PQR, de partager ses coûts logistiques avec la PQN. Les auditions menées l’an dernier par le rapporteur pour avis l’avaient mené à la conviction de l’insuffisante volonté de la PQR de mettre son réseau de portage à disposition de la PQN.

Dans le même temps, Neopress, filiale de la Poste chargée du portage à domicile des abonnés, a annoncé en juillet 2010 la fermeture de six sites de province (Bordeaux, Marseille, Rennes, Strasbourg, Saint-Étienne et Nice). La mutualisation des réseaux de portage de la PQR est impérative, d’autant que des crédits publics sont venus subventionner massivement ce réseau.

On rappellera que Neopress, filiale du groupe La Poste créée en 2007, propose désormais aux éditeurs une offre de portage multi-titres des publications de presse quotidienne et des hebdomadaires d’information politique et générale.

Après s’être positionné sur Paris et Lyon, Neopress a ouvert progressivement des sites dans six villes de province (Bordeaux, Marseille, Nice, Rennes, Saint-Étienne et Strasbourg) afin d’accompagner le développement du portage des titres de presse quotidienne.

En distribuant à la fois des publications quotidiennes et des magazines, Neopress a apporté une offre de portage à un grand nombre d’éditeurs et de titres de la presse quotidienne nationale (Libération, Le Figaro, Les Échos, Le Monde, La Tribune, La Croix) et de la presse magazine (titres du groupe Lagardère Active, Express Roularta, Télérama), dans le cadre des engagements pris de développement accéléré du portage lors de la signature du protocole d’accord État-presse-Poste du 23 juillet 2008.

Cette activité a atteint l’équilibre économique à Paris et Lyon, sites où le volume et la densité de distribution sont conformes aux objectifs. Toutefois, sur les autres sites, un déséquilibre économique trop important aurait contraint Neopress à l’arrêt de son activité en juillet 2010. L’arrêt de la distribution sur les six sites précités a concerné huit éditeurs de PQN (pour une moyenne de 50 exemplaires par jour, par site et par titre) et 2 éditeurs de magazines (pour une moyenne de 700 exemplaires par semaine, par site et par titre).

Quelles que soient les raisons, évidemment différentes selon les interlocuteurs, qui ont conduit Neopress à fermer six sites de province, le rapporteur pour avis n’est pas convaincu par la décision de confier le portage, métier très particulier et qui se joue dans la proximité, à une grande filiale nationale de La Poste.

La solution se situe clairement dans la mutualisation des réseaux de la PQR, qui existent et sont efficaces. L’IGF a finement étudié ce dossier pour conclure qu’aucun argument majeur, ni en termes de faisabilité, ni en termes de concurrence, ne s’oppose à une mutualisation du réseau de portage de la PQR. Cependant, l’IGF estime souhaitable que soit mise en place une autorité régulatrice chargée de vérifier que les tarifs pratiqués par la PQR ne sont ni prohibitifs ni manifestement excessifs par rapport aux coûts.

À cet égard, le rapporteur pour avis avait estimé qu’on ne pouvait tolérer que la PQR continue de bénéficier d’aides publiques massives et notamment de l’essentiel des crédits de l’aide au portage, si l’on doit constater qu’elle fait obstacle à la mutualisation de son réseau.

Les efforts de restructuration que doit mener La Poste passent forcément par des économies de coûts de distribution, qui vont la conduire à concentrer ses points de distribution et à étaler la tournée des facteurs, dans des conditions qui à l’évidence ne sont pas compatibles avec les besoins de la presse quotidienne nationale. Il faut donc prendre acte du divorce stratégique programmé entre La Poste et la distribution de la presse quotidienne nationale et faire, comme d’autres pays l’ont fait, du portage la référence dans notre pays. Le basculement vers le portage constitue à l’évidence l’objectif majeur à réussir à côté de la mutation numérique.

4. Au moment même où il s’avère particulièrement nécessaire, le soutien au portage est en recul

Les chiffres montrent que la progression du portage contribue à limiter la baisse de la diffusion totale enregistrée par l’ensemble du secteur PQR et PQN.

Sur la période juillet 2009-juin 2010, le nombre d’exemplaires portés de la presse régionale a augmenté de 50 000 exemplaires par jour au total, soit 2 % supplémentaires, dans un marché globalement baissier. Le contraste est encore plus spectaculaire pour les seuls quotidiens nationaux : le nombre d’exemplaires portés a augmenté de 15 % au premier semestre 2010, alors que les abonnements postés baissaient de 6 % et la diffusion globale de 1,6 %. Les quotidiens nationaux ont comblé l’an dernier une partie de leur retard par rapport à la presse régionale, où le portage est historiquement plus élevé (47 % de la diffusion entre juillet 2009 et juin 2010, contre moins de 10 % pour la PQN en 2009).

Depuis 2010, il semblerait que le portage multi-titres se mette progressivement en place. S’agissant d’une activité nouvelle et complexe, elle a nécessité un nécessaire temps d’étude et de négociation (étude de faisabilité, choix des zones, organisation logistique, développement de systèmes informatiques…).

Seize millions d’exemplaires de quotidiens nationaux sont portés en 2010 par les structures de portage de la PQR dans les principales grandes villes et leurs agglomérations : Paris, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Montpellier, Tours, Rennes. La mutualisation des structures de portage a été également profitable dans et tout autour des villes de taille moyenne : Mulhouse, Pau, Perpignan, Nîmes, Poitiers, et jusque dans les territoires ruraux ou semi-ruraux : Midi, Languedoc, Bretagne, Loire-Atlantique, Centre.

Il convient de relever que la distribution par portage représente un coût encore élevé pour les éditeurs de presse, compte tenu des multiples opérations que nécessite sa mise en œuvre : comptabilisation, préparation et enlèvement des journaux, prise en compte des modifications de l’adresse du destinataire, acte de portage, suivi opérationnel, etc. Ce coût s’élève à environ 0,20 euro par exemplaire porté dans les meilleures hypothèses (cas de zones d’habitat dense à fort taux d’abonnement), et peut s’élever de 1,22 euro à 1,52 euro par exemplaire dans les cas les plus défavorables (zones rurales comptant un faible nombre d’abonnés).

Si l’on peut se féliciter que de nouvelles actions destinées à favoriser le développement du portage multi-titres puissent être soutenues à partir de 2012, dans le cadre du fonds stratégique pour le développement de la presse mis en place, on ne peut que regretter que l’effort soit relâché au moment où le portage décolle et a le plus besoin d’être soutenu et alors même que l’aide versée en 2009 n’aura servi à rien.

C. BILAN DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA VENTE AU NUMÉRO

La distribution a été identifiée par les États généraux comme étant l’un des problèmes n° 1 de la presse française. Au-delà de l’impératif de développement du portage, le Président de la République avait donc fixé l’objectif de « mettre les diffuseurs au centre de tout », de changer leurs conditions de travail et de modifier la répartition de la chaîne de valeur pour revaloriser leur rémunération. Parallèlement, le Président de la République avait appelé de ses vœux le développement du réseau et des points de vente.

1. L’échec de la politique de revalorisation du métier de diffuseur de presse

L’aide à la modernisation des points de vente de presse (modernisation de l’espace de vente, du mobilier, et de l’informatique de gestion) instituée par l’article 134 de la loi de finances rectificative pour 2004 a été significativement renforcée à l’issue des États généraux de la presse écrite, passant d’un peu moins de 2 millions d’euros en 2008 à 13,3 millions en 2009, parallèlement à une évolution de ses modalités de calcul et d’attribution. Le montant de crédits nécessaires pour financer cette aide en 2011 est estimé à 10,67 millions d’euros.

Rappelons par ailleurs que l’année 2009 avait vu la mise en place d’une aide directe exceptionnelle destinée à la revalorisation de la rémunération des vendeurs de presse. Cette mesure a concerné 12 650 diffuseurs individuels qui ont bénéficié d’un versement unique et forfaitaire de 4 000 euros.

Il s’agissait d’un soutien transitoire, le temps que les réformes structurelles du système de distribution permettent une redistribution de la valeur tout au long de la chaîne de distribution au bénéfice du vendeur de presse.

L’objectif consistait à augmenter la rémunération du réseau des diffuseurs spécialistes pour la hisser au niveau des rémunérations pratiquées dans les réseaux de vente de la presse en Europe, soit au-delà 20 %.

Force est de constater que l’aide a bien été versée mais que les réformes structurelles n’ont parallèlement pas permis de revaloriser la rémunération des vendeurs de presse…

En réponse au questionnaire posé par le rapporteur pour avis, la Direction générale des médias et des industries culturelles reconnaît que, « malgré les efforts engagés tant par l’État que par les différents acteurs du secteur de la presse, la « meilleure répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne de distribution » ne s’est pas encore réalisée. »

L’évolution du marché est au contraire marquée par une baisse continue des ventes et une dégradation de la qualité et de la rémunération des acteurs. En 2009, les exemplaires fournis au réseau ont baissé de 5,5 % ; au total, le volume d’activité sur l’ensemble des produits messageries était en baisse en 2009 de - 5,6 %, après une année 2008 à - 3,2 %. L’activité 2010 s’est établie à  6,1 %, toutes messageries confondues :  7,8 % pour les quotidiens, - 4,4 % pour les magazines, et - 15 % pour le « hors presse ».

La profession estime qu’au mois d’octobre 2010, un diffuseur qualifié avait perdu en moyenne 2 016 euros de commissions cumulées par rapport à la période équivalente en 2009.

C’est pourquoi le ministre de la culture et de la communication a annoncé, lors de ses vœux à la presse le 25 janvier 2011, la mise en œuvre d’un « plan de soutien conséquent aux diffuseurs de presse ». Il a pu en préciser le contenu auprès de la profession à l’occasion du congrès annuel de l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) le 16 janvier 2011, en posant en particulier le principe de la reconduction d’une aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse spécialisés, sous forme d’une enveloppe individuelle d’environ 1 500 euros versée à 8 000 diffuseurs spécialistes, pour un montant total de près de 12 millions d’euros. Le décret n° 2011-1086 du 8 septembre 2011 instituant cette aide exceptionnelle au bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants est paru le 10 septembre 2011.

2. L’évolution préoccupante du réseau de vente de presse

En 2010, 1 412 nouveaux agréments ont été attribués par la Commission du réseau (CDR) du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). 927 fermetures ont été enregistrées, soit un solde positif de 485 nouveaux agréments. Le nombre d’agréments a été cependant moins important en 2010 (1 412 agréments) qu’en 2009 (1 676 agréments), ce qui traduit un retrait significatif des projets de créations de points de vente présentés par les diffuseurs de presse.

De plus, au 31 décembre 2010, seuls 29 291 points de vente étaient réellement actifs, contre 29 746 en 2009, soit une perte de 455 points de vente actifs, ce qui représente le plus mauvais chiffre depuis 2006.

D’autre part, comme en 2009, les créations ont surtout concerné les « points de vente complémentaires » (PVC) à offre réduite (50, 100 ou 300 titres), présents notamment dans les grandes surfaces alimentaires et qui représentent désormais 12 % du niveau 3. Dans le même temps, le « réseau traditionnel » (tabac-presse, librairies-papeteries, etc.) a perdu 302 points de vente.

Ainsi, le réseau du niveau 3 a poursuivi en 2010 sa reconfiguration au détriment des spécialistes, dans la continuité de l’année 2009 qui avait vu une baisse du nombre de mètres linéaires de presse mis à la disposition du public (perte de 13 kilomètres d’exposition au total sur le territoire).

En effet, quand un point de vente spécialisé réalise un chiffre d’affaires annuel moyen de 150 000 euros, le chiffre d’affaires « presse » d’un PVC s’établit pour sa part à seulement 15 000 euros. L’évolution de la structure du réseau en faveur des PVC conduit donc à une réduction du chiffre d’affaires moyen de la filière.

Cette double tendance, de diminution des projets de création des points de vente et de perte de qualité du réseau, semble se poursuivre en 2011. La CDR a souligné cette préoccupation en juin 2011, dans un communiqué sur l’évolution du réseau du niveau 3 intitulé « Motion d’information et d’alerte ».

La CDR a fait état d’une baisse de 31 % des dossiers de création de points de vente au premier semestre 2011, avec seulement 539 propositions de diffuseurs contre 778 sur la même période en 2010. De plus, le poids des PVC dans le total des créations de points de vente atteint désormais 44 % au premier semestre 2011, contre 39 % sur la même période en 2010.

3. L’avenir incertain de Presstalis

Les quotidiens nationaux d’information politique et générale sont distribués sur tout le territoire par une seule société de messagerie, Presstalis, seule messagerie à supporter les contraintes logistiques et d’urgence attachées à cette activité et dont l’avenir n’apparaît plus assuré…

a) Le plan DÉFI 2010

Les marchés sur lesquels intervient Presstalis peuvent être considérés comme des marchés en déclin. Face à cette situation, Presstalis a engagé en 2007 la mise en œuvre d’un plan stratégique ambitieux, baptisé DÉFI 2010, qui avait pour objectif de redresser la tendance constatée ces dernières années.

Ce plan s’articulait autour de trois axes majeurs :

– la participation à la reconquête des ventes, par le développement du réseau de points de vente, la hausse de la rémunération des diffuseurs, l’adaptation de l’offre dans les points de vente et la mise en œuvre d’une politique d’animation du réseau ;

– la réalisation d’économies significatives, notamment par une réforme en profondeur de l’organisation de la distribution ;

– la mise en valeur du savoir-faire de Presstalis en matière de logistique par une politique de diversification des activités.

Mais l’ampleur de la crise qui touche la distribution de la presse a exigé la recherche de sources de revenus complémentaires, destinés à compenser la dégradation de l’activité Presse.

De fait, l’année 2009 a vu une forte accélération de la baisse des ventes et a entraîné, en fin d’année 2009, de très fortes tensions de trésorerie, une aggravation des déficits et une diminution des capitaux propres.

b) L’aggravation de la situation de Presstalis et le rapport Mettling

Dans cette situation, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État et le ministre de la culture et de la communication ont demandé, fin 2009, à MM. Bruno Mettling et David Lubek, de l’Inspection générale des finances, d’établir un rapport relatif à la situation de Presstalis. Ce rapport, rendu en mars 2010, a proposé plusieurs modalités de redressement de la situation de Presstalis.

En l’absence de perspectives d’augmentation de son activité (réévaluation radicale des barèmes, diversification), la mission IGF a estimé que Presstalis devait réduire ses surcoûts d’exploitation par une révision de l’organisation du travail qui comporterait deux piliers : la réorganisation de la distribution sur Paris, principale source d’économie à court terme, et la rationalisation du siège.

Considérant qu’en termes de réorganisation du travail, une intervention sur le niveau 1 (messagerie) comme sur les autres filiales du niveau 2 n’apporterait pas d’évolution notable, la mission a recommandé de concentrer les efforts d’adaptation en priorité sur SPPS (Société Presse Paris Service, qui distribue l’intégralité des titres dans l’Île-de-France) dont la fermeture devait permettre une économie annuelle récurrente de 24 millions d’euros.

c) Les interrogations sur l’avenir de Presstalis

À la suite de la mission de l’Inspection générale des finances, les messageries Presstalis/Transport Presse, la société Hachette et les éditeurs de presse actionnaires et clients de Presstalis ont signé le 27 mai 2010 un « accord cadre » pour le redressement de Presstalis/TP, reprenant les préconisations du rapport Mettling en vue de leur mise en œuvre.

Pour l’État cela s’est traduit par le versement d’une contribution exceptionnelle de 20 millions d’euros et la majoration de ses concours annuels au titre de l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale (fixés à 18 millions d’euros à compter de 2009).

Un nouveau plan stratégique de réduction des charges d’exploitation aux niveaux 1 et 2 a été engagé à l’automne 2010, suivant des modalités adaptées par rapport à celles prévues par le rapport Mettling, et induisant globalement des économies d’environ 61 millions d’euros principalement sur deux volets : d’une part, le siège de l’entreprise, avec le départ de plus de 100 personnes, et d’autre part, la restructuration de SPPS. Alors que la mission avait préconisé la fermeture de SPPS, le plan a conduit au maintien d’une partie de la société. En effet, des obstacles techniques à la suppression de tous les dépôts de l’entreprise, conjugués à un important mouvement social au sein de SPPS à partir du 1er décembre 2010, ont conduit la direction de l’entreprise et les partenaires sociaux à un accord le 23 décembre 2010 prévoyant une réforme de SPPS plutôt que sa suppression. L’économie générée est de l’ordre de 17 millions d’euros, contre 24,5 millions d’euros de surcoûts identifiés par le rapport Mettling.

Dans le prolongement de ces mesures entamant une restructuration globale de l’entreprise, Presstalis élabore actuellement la poursuite de ce plan stratégique, qui pourrait s’étaler jusqu’en 2015, avec l’approfondissement des mesures d’allégement des charges d’exploitation, notamment via la réorganisation de la distribution au niveau 2. Cependant son avenir ne paraît pas assuré à ce stade.

4. La mutualisation des réseaux de vente au numéro : une alternative à Presstalis ?

En complément du réseau de vente classique, la presse quotidienne régionale dispose en effet d’un réseau de vente spécifique de plus de 20 000 points de vente, ce qui porte le nombre total de points de vente de la PQR à 60 000.

Ce réseau complémentaire étant principalement alimenté par une logistique propre à la PQR n’entrant pas dans le cadre coopératif des messageries, il a été décidé d’étudier les possibilités :

- pour la PQR, d’assurer la logistique de livraison de la PQN aux points de vente traditionnels ;

- pour la PQN, d’accéder au réseau des points de vente complémentaires développé par la PQR.

Le rapport d’Arnaud de Puyfontaine consacré aux Six mois de modernisation de la distribution de la presse (2009) proposait ainsi d’une part de donner la possibilité aux éditeurs de s’organiser par eux-mêmes pour livrer certains points de vente (par exemple dans les grandes surfaces spécialisées) après un premier refus des messageries de presse, d’autre part de donner la possibilité à la PQR de mettre à disposition son réseau de distribution à disposition de la PQN.

Des projets de rapprochement sont en cours entre éditeurs de PQN et de PQR concernant les réseaux de vente au numéro. Depuis le début de l’année 2011, ces organisations travaillent sur des études de faisabilité technique et juridique portant sur cet aspect spécifique de la mutualisation des réseaux.

Le résultat de ces études pourrait avoir une influence sur l’activité de Presstalis, dont le modèle est fortement structuré par la distribution des quotidiens nationaux que la messagerie est la seule à assurer sur l’ensemble du territoire.

Le rapporteur pour avis estime que si l’avenir de Presstalis est compromis et partant le modèle de distribution fondé sur la péréquation entre la presse magazine et la presse quotidienne, péréquation déjà partiellement battue en brèche par la concurrence des Messageries lyonnaises de presse (MLP), il n’y aura plus aucune justification à l’attribution d’un taux de TVA réduit à la presse récréative.

C. LA CONQUÊTE DE NOUVEAUX LECTORATS

Les aides au lectorat occupent une place périphérique au sein du système d’aides à la presse. Si cet aspect relève avant tout de la responsabilité des éditeurs, le système d’aides ne cherche guère à encourager l’innovation rédactionnelle et l’amélioration du contenu. Or, les journaux ne se soucient pas assez du lecteur. On écrit pour ses confrères, pour le pouvoir politique, économique, voir pour les publicitaires. Les États généraux ont toutefois mis en place deux initiatives destinées à inciter les éditeurs à mieux tenir compte des attentes du lecteur, dont il convient de dresser un premier bilan.

1. L’encouragement des jeunes à la lecture de la presse : renforcer l’efficacité de l’aide en touchant un public plus jeune

Les crédits accordés au fonds d’aide à la modernisation de la presse écrite (FDM) ont été augmentés pour les projets en faveur des jeunes : 15 millions supplémentaires ont été alloués sur 3 ans pour financer le projet intitulé « Mon journal offert », qui consiste à proposer à tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement hebdomadaire gratuit d’un an à un journal quotidien de son choix.

S’agissant du bilan que l’on peut tirer de cette opération, les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis indiquent que « cette opération a rencontré, deux années de suite, un succès exceptionnel auprès des jeunes de 18-24 ans puisque chaque année, ce sont près de 7 % de cette classe d’âge qui se sont inscrits sur le site Mon Journal Offert. »

Il est évident que l’efficacité de la mesure, dont il avait été précisé qu’elle devrait faire l’objet d’une évaluation précise avant d’être reconduite, ne saurait être mesurée à l’aune du nombre de jeunes ayant souhaité bénéficier d’un abonnement gratuit. Le seul critère d’évaluation pertinent est l’évolution du comportement de lecture de la presse des jeunes ayant bénéficié de l’abonnement.

Une enquête audipresse datant de 2011 montre que 27 % des jeunes bénéficiant en 2011 de l’opération Mon Journal Offert auraient l’intention de s’abonner à l’une des offres payantes d’abonnement au quotidien qu’ils reçoivent. 32 % des jeunes affirmant qu’ils n’envisageraient pas de s’abonner auraient l’intention d’acheter en kiosque régulièrement ou occasionnellement le quotidien qu’ils reçoivent.

Si ces bons résultats sont confirmés, le rapporteur pour avis estime qu’il serait opportun, voire plus efficace, de toucher un public plus jeune, les études ayant démontré que les habitudes de lecture de la presse se prennent bien avant 18 ans. Une étude de la WAN (World Association of Newspapers) réalisée dans le cadre du projet « Youth Media DNA » en 2008 dans trois pays (États-Unis, Pays-Bas et Finlande) a ainsi révélé que les jeunes qui lisent un journal ont commencé à lire lorsqu’ils avaient moins de 11 ans. Cette période est décisive pour attirer les jeunes et les habituer à la lecture d’un journal. À cet effet, il pourrait être envisagé de faire entrer la presse jeunesse éducative, qui constitue une exception culturelle française, dans le champ de la mesure. Notre pays bénéficie en effet de l’offre de presse destinée aux enfants et adolescents la plus riche et la plus diversifiée au monde. Pourraient notamment être concernées les publications des éditeurs Bayard, Fleurus et Play Bac Presse qui participent à l’éducation et au développement critique des enfants et des jeunes.

2. L’échec de la mission confiée à Bruno Frappat en matière de déontologie des journalistes

Les États généraux de la presse avaient constaté l’écart grandissant entre le public et les journalistes. L’indépendance et la crédibilité des journalistes sont régulièrement mises en cause. Ce phénomène est notamment mis en évidence par La Croix depuis 1988 à travers la publication de son baromètre sur la confiance des Français dans les médias.

Cette méfiance progresse à l’occasion de grands dérapages : de l’affaire Villemin à l’affaire d’Outreau en passant par l’affaire Baudis, les exemples sont nombreux. Les Français supportent de moins en moins les « bavures journalistiques ». Des textes anciens, comme celui de 1918, ou plus récents - celui rédigé par les assises du journalisme de 2008 - ont proposé des règles pour encadrer l’exercice du métier mais aucun n’a de valeur impérative, contractuelle ou légale.

De plus, les conditions d’exercice du métier de journaliste ont changé avec les progrès de la technologie, en particulier avec la révolution numérique : rapidité de l’information, profusion, immédiateté d’accès, règne de la rumeur et de l’à-peu-près, risques de manipulations de toutes sortes, multiplication des canaux d’information. Ce nouveau paysage médiatique rend encore plus urgente la nécessité d’établir un cadre clair pour la pratique et l’exercice du journalisme professionnel.

Pour restaurer la confiance des Français dans leur presse, le groupe dédié à « l’avenir des métiers du journalisme » des États généraux de la presse, présidé par M. Bruno Frappat, avait ainsi préconisé la rédaction d’un code de déontologie des journalistes partagé par les éditeurs et les syndicats de journalistes et annexé à leur convention collective.

Malgré son caractère équilibré, le « code Frappat » n’a pas réussi à fédérer autour de lui l’ensemble de la profession et la mission a échoué. Malgré l’absence de divergences de fond, il n’a pas été possible d’aboutir à un document commun accepté par tous les acteurs de la profession. Dans la période qui a suivi la présentation du projet de « code de déontologie », les différentes organisations professionnelles n’ont pas marqué leur volonté de se rapprocher d’une position commune.

Les représentants des éditeurs de la presse quotidienne régionale (PQR) et de la presse quotidienne départementale (PQD) ont par exemple fait valider par leurs titres en avril 2011 une version modernisée des « règles et usages » en vigueur au sein des rédactions qui dataient de 1991. Le syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL), qui représente certains services de presse en ligne, a pour sa part opté pour la « Charte de Munich » des syndicats européens de journalistes (1971). Certains syndicats d’éditeurs l’ont intégré à leurs statuts (syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR), syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion (SPPMO)). De nombreux journaux ou médias se sont dotés de chartes éditoriales ou d’instance spécialisées en leur sein (Libération, La Tribune, Le Monde, Ouest France, Le Canard enchaîné par exemple). Le syndicat de la presse magazine (SPM) est d’accord avec les dispositions du code mais ne souhaite pas l’annexer à la convention collective et prône une adhésion volontaire de chaque rédaction.

Pourtant, plus que jamais, face à l’avalanche des images et des informations relayées notamment par internet, nul ne conteste l’importance capitale, pour l’exercice de la démocratie et du débat public, d’une presse écrite de qualité, qui analyse et mette en perspective une actualité vérifiée et hiérarchisée. C’est là la justification première du système d’aides à la presse et c’est pourquoi, s’agissant des éditeurs de titres IPG, le rapporteur pour avis estime que le respect d’un code de déontologie pourrait être une condition au bénéfice des aides de l’État.

III.- L’AVENIR DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Les crédits consacrés par l’État au financement des abonnements qu’il souscrit auprès de l’Agence France-Presse (AFP) figurent également au sein du programme « Presse, livre et industries culturelles ».

Un contrat d’objectifs et de moyens (COM), liant l’Agence à l’État pour la période 2009-2013, a été signé le 18 décembre 2008. Il doit permettre à l’Agence de conforter et de moderniser son statut d’agence d’information à vocation mondiale dans un contexte international marqué par de fortes mutations technologiques et économiques.

L’AFP s’est notamment engagée à accroître les recettes commerciales engendrées par les marchés et les produits à fort potentiel de croissance, et à améliorer ses principaux indicateurs de rentabilité économique. En contrepartie, l’engagement de l’État se traduit par une revalorisation des crédits inscrits au titre de ses abonnements à l’AFP sur toute la durée du COM. Le montant des abonnements de l’État à l’AFP pour 2012 est ainsi fixé à 117,5 millions d’euros et correspond à une augmentation de 1,8 % par rapport au montant accordé à l’Agence en 2011, conformément aux engagements du COM.

Le COM prévoyait également que l’AFP engage une réflexion en vue d’une modernisation de son statut et de sa gouvernance, en étudiant notamment les avantages et les inconvénients d’une évolution vers un statut de société. Depuis lors, s’est ouvert un débat particulièrement improductif sur l’avenir de l’AFP, la réforme de son statut et de sa gouvernance.

La présente législature aura été jalonnée par une suite d’annonces sur la nécessité, voire l’urgence, d’une réforme de l’Agence France-Presse. Diverses propositions, discutées et discutables, ont été successivement avancées, présentées à chaque fois comme des priorités incontournables, sur la base d’arguments plus ou moins clairs ou convaincants. Il en résulte aujourd’hui une situation de malaise et de blocage, qui est d’autant plus regrettable que certaines questions semblaient pouvoir être abordées de manière consensuelle, mais aussi une incompréhension aggravée non seulement entre la direction et les salariés, mais aussi entre l’Agence et ses clients.

Il convient aujourd’hui de bien distinguer les problématiques en jeu (clarification des relations financières entre l’État et l’Agence, réforme de la gouvernance et réforme du statut, c’est-à-dire de la forme juridique de l’Agence), toutes ne présentant pas le même degré d’urgence ou de nécessité.

A. DIVERSES PROPOSITIONS DE RÉFORME DE L’AGENCE FRANCE PRESSE QUI N’ONT PAS SU CONVAINCRE

1. Rappel : le statut particulier de l’AFP

L’AFP est l’héritière de la première agence de presse mondiale, l’agence Havas, créée en 1835 sous la forme de société commerciale. À l’issue de la seconde guerre mondiale, elle est créée par l’ordonnance du 30 septembre 1944, sous forme d’un établissement public autonome. Dotée de la personnalité civile, elle bénéficie d’une certaine autonomie financière, un décret de 1947 lui attribuant un mode de gestion de type commercial.

Il s’est rapidement avéré que le statut d’établissement public ne permettait pas à l’AFP d’avoir un niveau d’autonomie suffisant par rapport au pouvoir politique pour asseoir sa crédibilité et sa légitimité à l’international. Aussi a-t-elle été dotée d’un nouveau statut par la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957.

Ce nouveau statut fait de l’AFP un « organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré selon les règles commerciales ». Si elle exerce des missions d’intérêt général, son statut se rapproche :

- des coopératives par le poids des clients, principalement éditeurs de presse, dans le processus décisionnel alors même qu’ils ne participent que marginalement à son financement ;

- de la société anonyme de droit commun, par le rôle et les modalités de fonctionnement du conseil d’administration, instance collégiale disposant du pouvoir d’administrer l’Agence.

Bien qu’immatriculée au registre du commerce et des sociétés, l’Agence déroge au droit commun des sociétés, notamment par l’absence d’un capital social, l’absence corrélative de contrôle du conseil d’administration par une assemblée générale et des dispositions spécifiques en cas de cessation de paiement, puisqu’elle ne peut être dissoute que par la loi.

Par ailleurs, elle supporte des contraintes particulières liées à sa mission d’intérêt général en termes d’indépendance, de déontologie, de continuité du service et de couverture territoriale.

Aussi le Conseil d’État a-t-il été conduit à préciser sa nature juridique. Dans un avis rendu le 10 juin 2004, il a estimé qu’« il résulte des dispositions de la loi du 10 janvier 1957, rapprochées des termes de l’exposé des motifs et éclairées par les travaux parlementaires, que l’Agence France-Presse présente le caractère d’un organisme de droit privé sui generis ».

2. Les projets de Pierre Louette

Conformément aux engagements pris dans le cadre du COM, M. Pierre Louette, alors président de l’AFP, a remis, le 30 mars 2009, un rapport dans lequel il estimait que l’Agence devait se « réinventer pour faire face aux mutations du monde de l’information » et « disposer pour ce faire des moyens financiers et du cadre juridique à même de porter ses ambitions ». Il observait que « le statut de l’Agence, conçu pour garantir l’indépendance de sa rédaction était devenu un frein à son développement ».

Le rapport de Pierre Louette déplorait également que les abonnés médias soient majoritaires au sein du conseil d’administration alors que les intérêts qu’ils défendent sont différents de ceux de l’Agence.

Il relevait enfin que « les missions d’intérêt général au service de tous qu’elle doit assurer (…) ne sont pas toujours explicitement énoncées et ne sont jamais rémunérées per se. »

Il en concluait que la forme juridique de l’Agence devait évoluer et proposait de la doter d’un statut de société anonyme à capitaux publics.

Lors d’une table ronde consacrée à la modernisation du statut de l’AFP le 18 juin 2009, Pierre Louette avait présenté l’intérêt d’une réforme du statut de l’AFP de la manière suivante : « le financement de l’AFP serait facilité par la possibilité d’avoir recours à des financements en fonds propres ; le recours au crédit bancaire serait facilité par un statut plus lisible ; l’AFP disposerait d’un actionnaire vers lequel se tourner en cas de besoin de financement et la modernisation du statut permettrait d’assurer la conformité du financement de l’agence au droit communautaire ».

S’agissant de la menace qu’une réforme du statut constituerait pour l’indépendance de l’Agence, cet argument n’était, selon M. Louette, pas imparable, dans la mesure où « l’Agence est traditionnellement considérée comme une agence liée à l’État à l’étranger ».

Ces arguments n’ont pas convaincu, au regard notamment des risques de privatisation et d’étatisation de l’Agence soulevés par divers observateurs.

3. Le rapport de la commission de réflexion sur l’avenir de l’AFP d’avril 2010

Le « rapport Louette » ayant suscité de fortes réserves de la part notamment des organisations syndicales de l’AFP, le ministre de la culture et de la communication a souhaité s’entourer de l’avis de « personnalités qualifiées ». Aussi a-t-il installé, le 10 décembre 2009, un comité de réflexion sur l’avenir de l’AFP dont les travaux ont été coordonnés par M. Henri Pigeat, ancien président de l’Agence.

Le rapport de ce comité a été rendu public après l’élection à la présidence de l’Agence, le 15 avril dernier, de M. Emmanuel Hoog. Pour la troisième fois en un peu plus de 10 ans, le PDG de l’AFP, M. Pierre Louette, avait en effet choisi d’interrompre son mandat, faute de pouvoir remplir les objectifs fixés, sur sa proposition, par le conseil d’administration.

Après une série de constats qui rejoignaient largement ceux de Pierre Louette, la question la plus sensible, celle du changement de statut, faisait l’objet de la dernière partie du rapport du comité d’experts. En termes de « présentation politique », le comité insistait sur la « préservation du statut » que permettrait la réforme proposée, par opposition à celle de Pierre Louette.

Il était en effet proposé de maintenir l’AFP en l’état, en tant qu’organisme sui generis sous le régime inchangé du statut de 1957, ce qui permettait d’affirmer que le statut était « préservé », non pas « modifié » mais « enrichi »…

Mais l’AFP ainsi préservée dans son statut était parallèlement largement vidée de sa substance, devenant en grande partie une « coquille vide », dont le rôle se limitait à définir les orientations du groupe, et à veiller au contrôle de l’usage de la « marque AFP » ainsi qu’au respect de ses obligations fondamentales, mission qui est actuellement dévolue au conseil supérieur de l’Agence par la loi de 1957, organe qu’il était logiquement proposé de supprimer et dont les compétences auraient été confiées au conseil d’administration de l’AFP.

Facialement, l’AFP ne changeait pas de statut mais l’exécution de ses missions était confiée à une société éditrice créée sous la forme d’une société par actions simplifiées (SAS), détenue majoritairement par l’AFP (à 51 % au moins) et à 49 % par la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, il était proposé de modifier la composition du conseil d’administration pour tenir compte des critiques quant au rôle prépondérant des représentants de la presse écrite en son sein (aujourd’hui huit sur seize membres), à la confusion des genres, et aux éventuels conflits d’intérêts que cela peut engendrer. Le conseil d’administration serait composé de 2 représentants des entreprises éditrices de presse, 2 représentants des médias audiovisuels, l’un du secteur public et l’autre du secteur privé, 1 représentant de la presse en ligne, 3 représentants désignés par l’administration, 2 salariés de l’Agence. Ces administrateurs pourraient décider de s’adjoindre les compétences d’au plus 4 personnalités qualifiées françaises ou étrangères.

4. Les propositions d’Emmanuel Hoog

Sur la base de ces différents rapports et des réactions qu’ils ont pu susciter, l’actuel président-directeur général de l’AFP, M. Emmanuel Hoog a estimé que le changement de statut juridique ne répondait pas aux priorités immédiates de l’Agence. Il a proposé des aménagements destinés à clarifier la composition du conseil d’administration de l’Agence, ainsi que les relations que l’Agence entretient avec l’État, notamment au travers de la définition de ses missions d’intérêt général.

C’est dans ce contexte que le sénateur Jacques Legendre, alors président de la commission de la culture et de la communication du Sénat, a déposé, le 17 mai 2011, une proposition de loi qui aborde notamment ces deux problématiques.

La proposition de loi propose d’allonger la durée des mandats des membres du conseil supérieur, du conseil d’administration et celui du président-directeur général pour les porter de trois à cinq ans afin d’inscrire leurs actions dans la durée. Cette durée correspond également à celle du contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et l’AFP.

En ce qui concerne le conseil d’administration, la proposition de loi tend à réduire fortement la représentation des médias d’information au sein de ce conseil, dont ils occupent aujourd’hui la moitié des sièges. Ils ne seraient plus que trois (un pour la presse écrite papier, un pour la presse écrite numérique et un pour l’audiovisuel), à parité avec les représentants de l’État.

Pour compléter le conseil d’administration, il est proposé de faire appel à des personnalités qualifiées choisies par les autres membres du CA à raison de leur compétence reconnue en France ou à l’international dans les domaines culturel, économique et social. Comme auparavant, des élections professionnelles permettraient de désigner les deux représentants des salariés de l’Agence.

Pour garantir la compatibilité des sources de financement de l’AFP avec les règles européennes, il est proposé de clarifier les relations financières entre l’Agence et l’État.

Aujourd’hui l’État verse à l’AFP le prix des abonnements annuels qu’il a souscrits au profit de certains de ses services par convention du 18 septembre 1958 modifiée à plusieurs reprises par avenants. Afin d’améliorer l’euro-compatibilité du dispositif, il convient de distinguer plus clairement le montant de ces abonnements et les sommes correspondant aux compensations dues par l’État au titre de l’accomplissement de missions d’intérêt général préalablement définies.

La proposition de loi s’efforce donc de définir les grandes lignes des missions d’intérêt général dans la loi : il est proposé de compléter l’article 2 de la loi de 1957 pour intégrer aux missions de l’Agence « le rayonnement de la langue et de la culture françaises grâce à la production d’une information francophone et dans d’autres langues d’intérêt régional ou mondial » puis de les préciser dans le contrat d’objectif et de moyens.

Dans une lettre adressée le 7 juin dernier aux parlementaires les syndicats de l’AFP ont jugé « l’examen dans l’urgence d’une proposition de loi de la commission de la culture et de la communication du Sénat à la fois prématuré et contraire au climat de consensus qui devrait prévaloir pour toute réforme d’une loi qui a été adoptée en son temps à l’unanimité des Chambres et qui a fait en 54 ans la preuve de son efficacité, malgré ou grâce à son originalité. »

Il semblerait aujourd’hui que cette proposition de loi ne soit pas suivie d’effet, le Gouvernement ayant fait de la seule question de la clarification des relations financières entre l’État et l’AFP au regard du droit européen de la concurrence son unique priorité dans l’immédiat.

B. LES POSITIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Le rapporteur pour avis estime qu’il convient de bien sérier les sujets.

1. La clarification des relations financières entre l’Agence et l’État : une exigence de compatibilité avec le droit européen

Le Gouvernement se déclare dans l’obligation d’opérer une clarification du mode de financement de l’AFP afin de sécuriser les financements publics de cette dernière. Une plainte d’une agence allemande a en effet été déposée auprès de la Commission européenne qui considère que les modalités de financement de l’AFP ne sont pas conformes au droit communautaire, dans la mesure où le montant des abonnements de l’État à l’AFP constituerait en partie une subvention déguisée.

La solution consisterait à identifier plus clairement la mission d’intérêt général de l’AFP afin de justifier le versement de crédits publics qui ne doivent pas subventionner l’activité de nature commerciale de l’AFP, laquelle entre incontestablement dans le champ concurrentiel. Cette clarification pourrait s’effectuer par voie réglementaire ou législative.

Dans leur lettre adressée le 7 juin dernier aux parlementaires les syndicats de l’AFP ont déclaré qu’ils comprenaient le souci de répondre aux obligations imposées par Bruxelles mais voient « un péril mortel à définir d’une manière comptable et liée aux contraintes budgétaires le périmètre des missions d’intérêt général remplies par l’Agence. » Si l’objectif, qui ne peut être que partagé par tous, est bien de sécuriser juridiquement le financement de l’Agence, qui plus est sans remise en cause de sa forme juridique actuelle, le rapporteur pour avis ne peut souscrire à ces objections.

2. La réforme de la gouvernance : un vrai problème qui doit pouvoir trouver une solution consensuelle

L’évolution de la clientèle de l’AFP a rendu sa gouvernance inadaptée : sur les 15 membres de son conseil d’administration, qui reflète la clientèle de 1957, 8 représentent la presse française (qui génère 7 % du chiffre d’affaires de l’Agence). En revanche, aucun représentant des télévisions et radios privées ne siège au sein de ce conseil.

La présence majoritaire de représentants des médias clients de l’agence au sein du conseil d’administration paralyse fortement cet organe compte tenu des conflits d’intérêt qui peuvent en résulter. Cette situation pose ainsi des difficultés sur le plan économique, notamment lors de la négociation des tarifs d’abonnements. En effet, les abonnés médias, majoritairement décisionnaires en vertu des règles de gouvernance actuelles, exigent de l’Agence qu’elle favorise la réalisation d’économies d’échelles à leur profit, sans considération des impératifs de développement de l’Agence. Les représentants des médias sont donc principalement intéressés en tant que clients et non en tant qu’actionnaires.

L’ensemble des propositions de réforme avancées au cours des trois dernières années proposaient ainsi, à juste titre, de limiter le nombre de représentants de la presse imprimée ou en ligne d’information politique et générale au sein du conseil d’administration. Si la présence de représentants de la presse peut se justifier, elle doit en revanche être à la fois fortement réduite et diversifiée.

Dans leur lettre du 7 juin 2011 adressée aux parlementaires, les syndicats de l’AFP ont indiqué être « d’accord avec l’idée de dépoussiérer le statut de 1957 de l’AFP. » « Nous sommes d’accord pour que la composition du conseil d’administration tienne mieux compte de la société civile et citoyenne d’aujourd’hui. »

Toutefois, la nouvelle composition du conseil d’administration doit être consensuelle et constituer un progrès incontestable par rapport au statut actuel : en effet, s’il est clairement souhaitable que la part des représentants des clients soit réduite, il n’est pas souhaitable que le rapport évolue nettement en faveur des représentants de l’État.

Se pose en outre la question de la stabilité de la gouvernance. Il est souhaitable de mettre fin à la valse incessante des PDG (3 PDG démissionnaires dans les 10 dernières années) afin d’inscrire leur action dans la durée. Le pilotage heurté et la gouvernance instable qui résulte de la situation actuelle constituent un frein à la modernisation de l’Agence. Le PDG est dans une situation de grande solitude face à un conseil d’administration qui ne joue pas son rôle de défense des intérêts de l’Agence. Enfin, la nature ayant horreur du vide, on ne peut s’étonner que les personnels, très attachés à leur agence, se considèrent comme les garants des intérêts de l’agence et occupent l’espace laissé vacant.

Outre la réforme de la composition du conseil d’administration, le Rapporteur pour avis est donc favorable à un allongement de la durée des mandats des membres du conseil supérieur, du conseil d’administration et du président-directeur général pour les porter de trois à cinq ans.

3. Le développement d’une offre gratuite à destination du grand public : une fausse bonne idée

Si M. Emmanuel Hoog a renoncé à une réforme du statut juridique de l’agence, il a souhaité que cette dernière offre de l’information directement au grand public et soit davantage présente sur les nouveaux supports numériques, notamment internet.

« Il serait absurde » a-t-il indiqué dans une interview au Monde du 3 septembre 2010 « que la troisième agence mondiale n’ait pas une application sur l’iPad, sur les smartphones, ainsi qu’un site internet. On ne peut pas dire à la fois que l’AFP est une marque forte, mettre en avant son rôle public et civique, et lui interdire l’accès au Web. Comment imaginer qu’Associated Press et Reuters lancent des applications en français sur les appareils mobiles et pas l’AFP ? »

La perspective de développement par l’AFP d’une offre gratuite à destination du grand public a provoqué une réaction très hostile de la presse quotidienne. Le SPQN a fait réaliser une étude juridique confiée au cabinet d’avocats Smilevitch & Associés, qui concluait à une double impossibilité juridique (le statut de l’AFP ne lui permettant pas de développer une telle activité) et de principe (fragilisation des entreprises d’information, risque de remise en cause de la liberté et du pluralisme des entreprises d’information).

Ces craintes légitimes ont conduit le PDG de l’agence à renoncer à ce projet. Il n’est en effet pas souhaitable que le développement de l’agence se fasse au détriment des acteurs de la presse écrite.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi précité, M. Jacques Legendre souligne qu’il considère comme « inconcevable toute transformation de la relation historique « fournisseur/client » entre l'AFP et la presse quotidienne en une relation « concurrent/client ». (…) Au-delà de ces biais de concurrence, toute perspective de mise à disposition d’une information en français, à titre gratuit, par l’AFP auprès du grand public, en France, semble incompatible avec sa qualité d’agence de presse définie par l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans les termes suivants : « sont considérées comme agences de presse, au sens de la présente ordonnance, les organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages, photographies et tous autres éléments de rédaction et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures ». De plus, l’article 3 de l’ordonnance précitée interdit explicitement la fourniture d’information à titre gratuit par une agence de presse aux journaux et périodiques. »

Un compromis pourrait toutefois s’ébaucher autour d’une offre payante en français, qui ne viendrait pas concurrencer les clients francophones de l’AFP, et d’une offre gratuite en langues étrangères (anglais, espagnol, arabe, etc.).

4. La réforme du statut juridique de l’Agence : une réforme dont ni l’urgence ni l’utilité ne sont avérées

S’agissant de la réforme du statut juridique de l’AFP, les arguments avancés par les uns et les autres n’ont jusqu’à présent pas convaincu de son ardente nécessité, ni même de son utilité au regard notamment des risques soulevés. C’est d’ailleurs le constat établi par le successeur de Pierre Louette, M. Emmanuel Hoog, qui a considéré qu’il ne s’agissait pas d’une priorité pour l’agence.

Le premier argument avancé par M. Louette était que le statut avait été un frein au développement de l’agence, les besoins de financement n’étant pas satisfaits dans le cadre de son statut actuel.

Le rapport de février 2010 commandé à M. Frédéric Filloux par Pierre Louette, au titre particulièrement alarmiste : « Pérenniser l’AFP ; comment rendre l’AFP à nouveau indispensable dans le contexte d’une information surabondante et dévalorisée », semblait même affirmer que la réforme du statut de l’AFP était une question de vie ou de mort : « Comme toutes les agences de presse, l’AFP voit son modèle économique menacé.(…) L’avènement des vecteurs numériques a fait perdre une grande part de sa valeur à l’information chaude . Désormais, celle-ci est disponible partout, simultanément, rapidement et gratuitement. »

Ce constat alarmiste peut néanmoins être largement contesté. On peut considérer au contraire que les missions de l’Agence, l’objectivité de l’information, sa vérification, la densité de son réseau, sont plus que jamais indispensables dans un univers numérique où la surinformation non hiérarchisée fait la part belle à la rumeur, à l’information non vérifiée, voire à la désinformation.

Contrairement à l’idée trop souvent répandue d’un « paquebot figé dans l’espace-temps », et s’il est vrai que l’Agence doit combler son retard dans plusieurs domaines, notamment la vidéo et le « rich media », il convient de souligner que de nombreux progrès ont été accomplis ces dernières années.

Tout d’abord, l’AFP est de plus en plus internationale. Cela vaut pour son équipe, qui n’a jamais été aussi diversifiée, comme pour la structure de son chiffre d’affaires. Entre 1990 et 2009, le chiffre d’affaires international a augmenté de 225 % : la part de ses revenus commerciaux provenant de l’international est aujourd’hui équivalente à celle réalisée en France.

Contrairement à l’idée selon laquelle le modèle économique de l’agence est menacé (mais n’en est-il pas de même pour tous les médias traditionnels ?), sa situation financière s’est assainie : après six exercices déficitaires (2000-2005), l’AFP enregistre un résultat positif depuis 2006. Dans le même temps, la trésorerie a été restaurée et l’endettement réduit.

L’Agence a lancé des produits très appréciés par les clients comme la vidéo internationale (dont le chiffre d’affaires a été multiplié par 6 en quatre ans) ou l’infographie, deux activités à fort potentiel.

Elle a aussi gagné en indépendance vis-à-vis de l’État avec une contribution dont la part dans le chiffre d’affaires de l’Agence s’est considérablement réduite : celle-ci est aujourd’hui inférieure à 40 % alors qu’elle atteignait 51 % en 1990, 64 % en 1975 et 70 % en 1970.

Enfin et surtout, l’AFP a maintenu sa place parmi les trois grandes agences mondiales grâce notamment à la taille de son réseau et à la qualité de l’information produite et elle est vue comme l’alternative de référence à la vision anglo-saxonne de l’actualité.

Le projet de réforme de Pierre Louette a été désavoué par le Gouvernement lui-même puisque ce dernier a installé, en décembre 2009, le comité d’experts précité, chargé de proposer une solution « alternative » aux propositions de M. Louette. Lors de son installation, le ministre avait ainsi demandé au comité d’« être inventif en matière de financement » en évitant deux écueils – étatisation et privatisation –, une façon de reconnaître que le projet « Louette » était bel et bien porteur de ces deux risques, soulignés par les syndicats. Le ministre avait alors formulé l’espoir qu’un projet de réforme puisse être présenté avant l’été au Parlement sur la base des propositions du « Comité Pigeat ».

Les options proposées par le rapport Pigeat, dont la clé de voûte était le contournement du problème du statut par la création d’une filiale elle-même dotée d’un capital, et qui par conséquent ne levaient pas les risques d’étatisation ou de privatisation n’ont été retenues ni par le Gouvernement ni par M. Emmanuel Hoog qui a estimé que l’Agence avait d’autres priorités.

En réponse aux questions du Rapporteur pour avis sur les avantages et les inconvénients d’une évolution du statut de l’AFP, la DGMIC répond que « du point de vue de l’État, si une réforme des statuts doit avoir lieu, elle ne doit pas déstabiliser la dynamique de redressement global de l’Agence entamée ces dernières années. Il conviendra avant tout de s’assurer que l’Agence a les moyens de conserver son rôle prépondérant dans la collecte, la vérification et la diffusion d’informations au niveau mondial, dans le respect des règles communautaires, et du principe d’indépendance éditoriale qui en font aujourd’hui une agence de référence internationale. »

Au vu de l’imprécision de cette réponse, on peut en effet considérer que la réflexion n’est pas suffisamment mûre pour une réforme du statut.

Pour M. Claude Moisy, ancien PDG de l’AFP de 1990 à 1993, entendu par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation le 9 décembre 2009, « faire croire qu’on assurera l’avenir de l’Agence en modifiant son statut est une supercherie. Le statut de 1957 est un « ovni » mais il a toujours fonctionné et lui a permis de prendre beaucoup de virages indispensables à son développement (développement de l’outil informatique, de la photographie internationale…). La pérennité de l’Agence ne dépend que de la volonté de l’État. »

Or, comme l’indique M. Frédéric Filloux dans son rapport précité, « l’AFP en tant que telle est protégée par sa taille et surtout par sa symbolique. Au même titre que l’arme nucléaire ou le siège au Conseil de sécurité, une agence d’information mondiale fait partie des attributs classiques d’une grande nation dont aucun gouvernement n’acceptera de se passer. »

L’AFP ne peut être ni une officine de communiqués successifs, ni la voix officielle de la France. Mais elle doit incontestablement être l’une des voix par lesquelles la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de nos frontières.

Comme toutes les agences et les médias traditionnels, l’AFP est bouleversée par la révolution numérique. Elle ne saurait survivre à l’inertie totale et à l’immobilisme, et, s’il est démontré qu’elles sont nécessaires, l’Agence ne peut faire l’économie de réformes de sa gouvernance et de son statut. La modernisation de l’Agence n’implique cependant pas qu’elle cherche à ressembler, trait pour trait, à Reuters ou Associated Press. Sa valeur ajoutée réside en effet en grande partie dans le regard alternatif qu’elle porte sur les événements par rapport aux autres agences et son refus de l’uniformisation.

En tout état de cause, le rapporteur pour avis estime qu’un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter, comme le statut de 1957, d’un compromis entre toutes les forces politiques de la Nation.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au cours de sa séance du mardi 25 octobre 2011.

M. Michel Herbillon, président. Nous avons le plaisir de recevoir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, pour la présentation des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Nous nous retrouverons une seconde fois cette semaine, en commission élargie, pour la présentation des crédits de la mission « Culture ». Je précise que nous voterons sur les crédits de la mission « Médias » demain matin, l’examen en séance publique étant prévu lundi 7 novembre dans l’après-midi.

Nous allons maintenant entendre M. le Ministre, après quoi je donnerai la parole aux deux rapporteurs pour avis.

Je souhaiterais, quant à moi, poser deux questions. Que retirez-vous, Monsieur le ministre, du débat concernant le taux de TVA applicable à la presse en ligne qui a eu lieu à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances ? Nous avons été un certain nombre à déposer un amendement sur le sujet. Nous avions déjà eu ce débat l’an dernier et notre interlocuteur gouvernemental de l’époque, M. François Baroin, s’était montré ouvert sur cette question. Nous n’avons pas ressenti la même ouverture cette année. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, quelle est la position du Gouvernement face aux intentions de certains députés membres d’autres Commissions de priver France Télévisions d’une partie de sa dotation publique ? Je rappelle en effet que notre commission a approuvé le contrat d’objectifs et de moyens (COM) dans lequel l’État s’engage à laisser France Télévisions bénéficier d’un éventuel surcroît de ressources.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Voici tout d’abord quelques éléments de réponse aux deux questions posées par M. Michel Herbillon.

En ce qui concerne la TVA sur la presse en ligne, vous le savez, le décalage entre le taux normal qui lui est actuellement appliqué et le taux réduit en vigueur pour la presse papier, qui est de 2,1 %, pose problème. L’application de ce taux réduit à la presse en ligne serait logique et légitime, mais cette problématique n’a pas vraiment évolué depuis l’an dernier. En effet, pour obtenir une telle modification, nous devrions obtenir un consensus à Bruxelles, ce qui, comme vous pouvez le deviner, est loin d’être évident. Même si nous faisons beaucoup d’efforts et continuerons à en faire, je ne suis pas certain que nous puissions obtenir ce résultat. Le contexte était difficile l’an dernier, il l’est encore plus aujourd’hui. Je tiens cependant à vous préciser que je ne pars pas battu, loin de là.

En ce qui concerne la dotation publique versée à France Télévisions, cette question doit être traitée sur deux niveaux : d’une part, l’affectation éventuelle au budget de l’État du surcroît de ressources que pourrait apporter la publicité et, d’autre part, le report sur l’exercice 2012 des fruits de l’excellente gestion de la direction actuelle de France Télévisions qui a permis de dégager 28 millions d’euros. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponse aujourd’hui car, demain, nous nous réunissons avec le rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez et le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Nous débattrons de ce sujet dans le contexte d’orthodoxie budgétaire qui prévaut aujourd’hui et qui incite à la sévérité.

En tant que ministre de la culture et de la communication, j’appuie totalement l’action de Rémy Pflimlin dans son grand travail de réorganisation et d’amélioration du service public, lequel s’est traduit par cet excédent de 28 millions d’euros. Par ailleurs, les ressources publicitaires sont évaluées, comme vous le savez, à un niveau élevé, soit 426 millions d’euros dans la tranche où la publicité est maintenue. Ce chiffre ne sera probablement pas dépassé.

Quant aux 28 millions d’euros que je souhaite voir réaffectés au budget 2012, ils sont destinés à soutenir fortement la production de fictions télévisées de qualité et innovantes. Le Gouvernement est en effet attaché à une politique de soutien à la création télévisuelle plus en phase avec l’évolution de la société et plus à même de concurrencer les séries américaines.

Certes, les fictions françaises souffrent d’un certain nombre de problèmes, notamment en matière d’écriture de scénarios par exemple, qui ont été identifiés par le rapport Chevalier. Mais, si ces aspects doivent être retravaillés, le renouveau des séries françaises passe aussi par une enveloppe supplémentaire dont le montant correspond précisément aux 28 millions d’euros que j’évoquais.

J’en viens maintenant au budget 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles, qui se veut à la fois réaliste et ambitieux.

Après l’effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits sont stables, à 4,6 milliards d’euros, ce qui est une gageure dans le contexte actuel. Voilà pour le réalisme.

L’ambition, pour 2012, c’est d’accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux COM de France Télévisions et d’ARTE France, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF).

Ce budget clôture une période de cinq années au cours desquelles les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs, qui traversent une phase de transition sans précédent, ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d’un milliard d’euros, et l’effort cumulé de l’État s’est élevé à près de 4 milliards d’euros sur la période. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les États généraux de la presse, la réforme de l’AEF ou celle du modèle économique de France Télévisions.

En ce qui concerne la presse, nous accompagnerons étroitement les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. En 2012, 390 millions d’euros seront consacrés aux aides à la presse sur le budget de mon ministère.

Le plan exceptionnel mis en œuvre pour la période 2009-2011 à l’issue des États généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une décrue. Je me suis engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous ; je rappellerai par ailleurs qu’ils demeurent à un niveau historiquement élevé – nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique.

La trentaine de mesures mises en œuvre entre 2009 et 2011 ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, au moment où elle traverse la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis l’après-guerre. Ces mesures favorisent par ailleurs l’adaptation de son modèle économique à la convergence numérique. Avec ces trois années de soutien exceptionnel, le secteur de la presse a ainsi bénéficié d’actions structurantes, visant à lui donner un regain de compétitivité industrielle, à permettre le rééquilibrage des coûts liés à la distribution, à redéfinir enfin un nouveau cadre juridique et économique pour le développement numérique.

Ces orientations, nous les avons confortées dans le budget 2012, après avoir fait un premier bilan des mesures prises à l’issue des États généraux. Elles s’appuient également sur une gouvernance des aides à la presse écrite rénovée et plus efficace pour les éditeurs, fidèle à ses principes fondamentaux : la défense du pluralisme, l’indépendance des entreprises de presse et des rédactions, la neutralité, la liberté du commerce et de l’industrie. Cette réforme se traduira par la création d’un espace de dialogue rénové entre la presse et l’État – la conférence nationale des éditeurs de presse –, et la définition d’un partenariat public-privé renouvelé autour du principe de contractualisation, afin d’optimiser les aides, en cernant mieux les objectifs des projets qu’elles viennent financer. Dans cet esprit, un fonds stratégique pour le développement de la presse va être créé, en concertation avec les éditeurs.

Les crédits de l’audiovisuel public progressent quant à eux de 1,4 % à périmètre constant – hors l’effort budgétaire exceptionnel réalisé en 2011 pour accompagner le passage à la télévision tout numérique.

En 2012, la France sera entièrement passée à la télévision tout numérique, avec l’extinction définitive de la diffusion en mode analogique le 30 novembre 2011. Ce défi, nous l’aurons relevé avec succès, grâce notamment aux moyens importants que l’État y aura consacrés, et à l’excellente gestion de France Télé Numérique. On peut évaluer à environ 160 millions d’euros le coût total de ce passage, ce qui représente de substantielles économies par rapport aux montants initialement prévus. Dans l’ensemble, aucune difficulté substantielle n’a été rencontrée et les opérations de passage à la télévision tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. C’est une véritable révolution, comparable au passage du noir et blanc à la couleur, qui s’est passée en douceur. Elle est synonyme d’un enrichissement considérable de l’offre télévisuelle pour tous les Français, qui reçoivent désormais 19 chaînes gratuites par leur antenne râteau, avec une meilleure qualité de son et d’image, et peuvent accéder à des services innovants et interactifs, comme la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande.

À la suite des décisions prises par le Gouvernement il y a deux semaines et que je préconisais, de nouvelles chaînes seront lancées dans les prochains mois, que les Français pourront recevoir avec l’équipement dont ils disposent déjà. Ces décisions permettent de tracer une route claire pour l’avenir de la télévision numérique terrestre (TNT), tout en conservant la ligne qui nous anime : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la TNT, dont nous pouvons tous être fiers.

Le total des crédits alloués aux organismes de l’audiovisuel public – France Télévisions, ARTE France, Radio France, Institut national de l’audiovisuel (INA) et l’audiovisuel extérieur de la France – progresseront de 1,4 % entre la loi de finances initiale 2011 et le projet de loi de finances 2012, pour atteindre près de 3,9 milliards d’euros. Le budget 2012 permet donc de financer l’ensemble de leurs missions de services public et notamment les priorités stratégiques portées par les nouveaux COM de France Télévisions, en cours de signature, et d’ARTE France, qui sera très prochainement adressé au Parlement.

Pour France Télévisions, le projet de COM 2011-2015, sur lequel votre Assemblée a été consultée, reflète un engagement de l’État dans la durée, avec une croissance annuelle moyenne de 2,2 % de la ressource publique, pour accompagner la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics. Cette croissance est orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira au minimum 420 millions d’euros par an dans les œuvres dites patrimoniales : fiction, documentaire, animation, spectacle vivant. Priorité est globalement donnée aux dépenses dans les programmes, qui croîtront plus rapidement que les ressources, au rythme de 2,8 % par an.

Je tiens par ailleurs à préciser que les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont à la fois élevés et réalistes. De 2008 à 2010, le marché publicitaire a connu une crise profonde. Parallèlement, la publicité en soirée a disparu des antennes du groupe. Cette période, pendant laquelle il était très difficile de disposer d’une prévision efficace des revenus publicitaires, est aujourd’hui derrière nous.

Pour ARTE France, le Gouvernement a proposé une hausse exceptionnelle de 7,3 % en 2012 de sa dotation publique, à 270 millions d’euros. Alors que la chaîne connaît depuis quelques années une lente érosion de ses audiences, cet effort financier marque l’attachement de l’État à son modèle singulier de télévision. Le projet de nouveau COM pour la période 2012-2016 que nous finalisons porte l’ambition de relance de la chaîne culturelle franco-allemande, avec comme objectif principal la reconquête de son public, via la mise en place d’une nouvelle grille de programmes et le développement de son offre numérique.

Pour ce qui concerne la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée en 2008, elle est en voie d’achèvement. De nombreuses étapes ont été franchies pendant le quinquennat : le groupe AEF a été créé ; France 24 est montée en puissance depuis 2008 ; elle est distribuée mondialement depuis 2010 – à la fin du 1er trimestre 2011, elle peut ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde. France 24 est par ailleurs diffusée 24 heures sur 24 en langue arabe depuis 2010, et elle enregistre de bons résultats au Maghreb, avec un pic de fréquentation lors des événements en Tunisie, en Égypte et en Libye.

Je n’ignore pas les troubles qui ont traversé l’AEF, d’autant plus que j’ai œuvré à leur résolution. Mais je n’ai pas de doute sur l’achèvement en 2012 de la réforme voulue par le Président de la République en 2008, car les différents chantiers restants avancent de façon satisfaisante : cette année 2012 sera notamment marquée par l’aboutissement des négociations relatives au COM, le rapprochement physique de France 24 et RFI, l’accomplissement du plan stratégique 2009-2012 de TV5 Monde, le développement de la distribution mondiale de France 24 et de la diffusion multilingue de RFI sur tous les supports.

Au plan budgétaire, après un effort soutenu pour accompagner la constitution du groupe, les économies résultant des synergies entre les différentes sociétés du groupe AEF permettent de réduire légèrement les ressources publiques qui lui sont allouées entre 2011 et 2012, tout en maintenant ses objectifs de développement. Le total de la dotation publique de l’AEF s’élève ainsi à 319 millions d’euros dans le projet de budget 2012.

S’agissant de Radio France, la dotation publique proposée en 2012 progresse de 3,8 % pour s’élever à 630 millions d’euros, conformément au COM signé l’année dernière, afin notamment d’accompagner les travaux de réhabilitation de la Maison de Radio France. L’identité de chacune des antennes sera davantage affirmée, le réseau des antennes de France Bleu étendu, et la présence sur les vecteurs de diffusion numérique renforcée.

S’agissant de l’INA, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à 94 millions d’euros, soit une progression de 2,1 %, en ligne là encore par rapport au COM. Cette dotation permettra à l’INA la réalisation en 2012 de plusieurs objectifs stratégiques : la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site ina.fr, et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet.

Pour ce qui est du soutien du ministère aux radios associatives, le projet de loi de finances pour 2012 confirme l’effort initié en 2010, avec un maintien des crédits à 29 millions d’euros.

J’en viens maintenant au budget de la politique en faveur du livre et de la lecture.

À compter de 2007, la politique de numérisation de masse engagée par la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec un soutien exceptionnel de l’État, a conduit, sur quatre années – 2007-2010 –, à la numérisation de plus de 36,2 millions de pages, grâce à la mobilisation d’un budget d’environ 25 millions d’euros. Par ailleurs, la période 2007-2012 aura vu la mise en place d’une nouvelle stratégie d’ensemble pour la BNF, dont l’essor de Gallica, une bibliothèque numérique de niveau désormais mondial, et l’apport exceptionnel au portail européen Europeana, sont d’indéniables réussites.

En matière de lecture publique, un domaine qui relève à la fois de la compétence des collectivités et des impulsions de l’État au niveau national, l’action du ministère sur la période 2007-2012 a dû s’adapter aux nouveaux enjeux du numérique. En mars 2010, j’ai fait 14 propositions pour le développement de la lecture qui vont dans ce sens.

Enfin, notre action en direction de l’économie du livre s’est structurée pendant la période 2007-2012 sur les grands axes du « plan livre » présenté le 14 novembre 2007 en conseil des ministres. Ce plan prévoyait notamment la mise en place d’un label de librairie indépendante de référence. De ce label découle la possibilité pour les collectivités territoriales d’exonérer les établissements distingués de la fiscalité locale. Près de deux tiers des librairies qui ont obtenu un label bénéficient en 2011 d’une telle exonération à au moins un échelon territorial.

Pour 2012, les crédits de la politique du livre et de la lecture progressent de 4 %, afin de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture ; assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. Près de 265 millions d’euros seront ainsi engagés en 2012, venant ainsi conforter le soutien apporté à l’ensemble des acteurs du livre et de la lecture, et aux investissements associés, qu’ils relèvent du secteur public ou privé : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques.

La rénovation du quadrilatère Richelieu est un grand projet ministériel engagé dans une phase opérationnelle depuis 2001 qui s’achèvera en 2017. Il représente pour l’État un coût global de l’ordre de 211 millions d’euros, dont 171 millions à la charge du ministère de la culture ; il a pour objectif de moderniser les services offerts aux publics pour constituer un grand pôle de ressources en histoire de l’art. 20 millions d’euros sont prévus sur le budget du ministère pour la réalisation des travaux en 2012.

La politique en faveur du livre et de la lecture passe également par une action spécifique en direction de la filière du livre, avec pour ambition la perpétuation d’une production éditoriale diversifiée et de qualité dans un environnement marqué par le développement du livre numérique. À ce titre, le Centre national du livre (CNL), opérateur du ministère, continuera d’accompagner les bibliothèques dans leurs projets de numérisation à travers notamment son partenariat avec la BNF. Les crédits de soutien à la numérisation s’élèveront au total à 10 millions d’euros : 6 millions d’euros pour la numérisation patrimoniale de la BNF et 4 millions d’euros pour accompagner les projets des éditeurs.

En ce qui concerne notre politique en matière d’industries culturelles, vous n’êtes pas sans savoir que nos principales industries culturelles sont aujourd’hui toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet. Aux opportunités formidables de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles, se superposent les menaces pesant sur la rémunération des créateurs et sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans le domaine de la musique enregistrée, le développement de ces pratiques a eu un impact particulièrement lourd, puisque ce secteur a perdu plus de 60 % de sa valeur entre 2003 et 2010 et plus de la moitié de ses emplois.

Nous avons voulu y répondre en proposant une politique qui comporte deux volets indissociables, dont le bilan est largement positif : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive de contenus culturels en ligne. La protection des œuvres s’appuie ainsi sur la mise en œuvre de la loi HADOPI ; quant au soutien à la consommation légale et au développement d’une offre légale diversifiée et attractive, la « carte musique » pour les jeunes a été lancée en octobre 201 pour une durée de deux ans, avec un budget alloué de 25 millions d’euros. Une version physique de la carte musique sera disponible dès novembre dans les grandes surfaces, avec une nouvelle interface internet qui fonctionnera également sur les smartphones – une vaste campagne de communication va être lancée en novembre afin de mieux faire connaître le dispositif.

Compte tenu de l’importance de la crise que connaît le secteur, et en particulier ses acteurs les plus fragiles, j’ai confié en avril dernier une mission de réflexion consacrée au financement de la diversité musicale à l’ère numérique à MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles. Ces derniers m’ont remis, il y a quelques semaines, leurs conclusions sur la mise en place d’un soutien plus structurel de l’ensemble des acteurs de la filière de la musique enregistrée. J’ai ainsi proposé au Président de la République la création, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC), d’un Centre national de la musique qui verra donc le jour en 2012. Une mission de préfiguration sera lancée dans les prochains jours.

M. Michel Herbillon, président. Je donne maintenant la parole à nos rapporteurs pour avis.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Monsieur le ministre, j’interviens aujourd’hui parce que la situation de France Télévisions s’est dégradée.

Vous aviez, en maintenant la publicité sur le service public, la possibilité de ne pas engager davantage financièrement l’État au moment même où le Gouvernement réduit ses dépenses. Vous en avez décidé autrement.

Avec le système mixte publicité-redevance, nous avions pourtant un système de financement qui garantissait une certaine stabilité à France Télévisions sans entraîner nécessairement davantage d’aides publiques.

Le Gouvernement a en outre compensé la perte de recettes publicitaires avec l’instauration d’une taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Or celle-ci est mise en péril par la Commission européenne et, plus encore, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a ouvert une procédure d’infraction. Rappelons que si la CJUE confirmait l’analyse de la Commission, l’État français devrait rembourser des sommes astronomiques.

Par ailleurs, il faut tenir compte de données nouvelles : la montée en puissance de la TNT et l’arrivée d’une nouvelle équipe à la tête de France Télévisions. Cette nouvelle équipe, avec à sa tête Rémy Pflimlin, premier président de France Télévisions nommé directement par l’Élysée, a procédé à une réorientation éditoriale qui, pour le moment, se caractérise par une baisse inquiétante de l’audience et qui, je cite votre euphémisme, « ne fidélise pas tous les publics ». Cette baisse est si considérable qu’elle aura nécessairement un impact sur le coût de l’écran publicitaire. Il y a fort à parier que France Télévisions aura moins d’écrans publicitaires et que ceux-ci risquent de voir leur prix dévalué du fait d’audiences basses.

D’autre part, France Télévisions serait menacée, par voie d’amendement, d’une amputation de 50 millions d’euros au nom de la péréquation des économies sur les dépenses publiques. Si l’amendement proposé par nos collègues de la Commission des finances pour que la dotation budgétaire de France Télévisions soit révisée à la baisse au motif d’un prétendu excédent des ressources publicitaires venait à être adopté, cette décision contraindrait le groupe à revoir à la baisse l’ensemble de ses engagements de service public que nous sommes nombreux à trouver déjà insuffisants.

Monsieur le ministre, j’espère que vous saurez user de votre pouvoir pour éviter de sacrifier le service public.

S’agissant de l’AEF, vous avez indiqué que la réforme en cours serait achevée en 2012. Cependant, alors que l’objectif de cette réforme était d’améliorer le pilotage de la politique audiovisuelle extérieure de la France et de lui donner plus de cohérence, nous sommes en droit de nous interroger sur sa légitimité et son utilité. Les auditions de notre mission d’information consacrée à ce sujet ne sont guère rassurantes…

L’AEF vit dans une situation de non-droit : absence persistante de COM avec des justifications diverses, multiplications de crises et de conflits étalés de manière un peu sordide sur la place publique : du départ de Christine Ockrent à la récente démission de M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24, et au vote de défiance à une forte majorité des salariés de France 24 contre leur président directeur-général, Alain de Pouzilhac.

En ce qui concerne l’avenir de la TNT, la loi attribuant des chaînes dites « bonus » à TF1, M6 et Canal + a été jugée contraire au droit européen par Bruxelles. Le Gouvernement, favorable aux chaînes « bonus », s’est incliné devant le jugement de la Commission européenne et s’est engagé à abroger le dispositif des canaux compensatoires.

De plus, le Gouvernement a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de lancer un appel à candidatures pour six chaînes supplémentaires diffusées sur la TNT en haute définition, de quoi permettre à TF1, M6 et Canal +, mais aussi à Nextradio, L’Équipe ou NRJ de développer leurs nouveaux projets.

Nous sommes en droit, après l’affaire des chaînes « bonus » octroyées à discrétion en 2007 à TF1, M6 et Canal +, de nous interroger sur le fait que les pouvoirs publics n’aient pas poussé l’avantage pour l’audiovisuel public et que ce soient toujours les mêmes opérateurs qui sont privilégiés. On ne peut que s’interroger sur l’équilibre du paysage audiovisuel que vous avez évoqué, Monsieur le ministre, dans un entretien accordé à La Tribune.

Enfin, s’agissant du CNC, je souhaiterais savoir quelles sont les conclusions de la réunion interministérielle qui s’est tenue hier et qui portait sur l’amendement « surprise » limitant le financement à venir du CNC. Je rappelle que le maintien de cet amendement - qualifié d’ « errement de Bercy », semble-t-il, par le Président de la République et plafonnant les taxes prélevées sur les distributeurs de service de télévision, d’internet ou de mobile au profit du fonds de soutien à la création du CNC - mettrait gravement en péril le dispositif unique d’aide au cinéma qui permet à notre pays de conserver son indépendance en matière cinématographique.

Ce n’est pas un hasard si les cinq organisations représentant auteurs, réalisateurs et producteurs ont dénoncé unanimement cette initiative.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Monsieur le ministre, vous avez déclaré avec force et détermination que jamais autant d’argent n’avait été consacré à aider la presse. C’est exact. Le problème est qu’en n’ayant jamais bénéficié d’autant d’argent public, la presse ne s’est jamais portée aussi mal. Je n’invente pas le problème de La Tribune, ni celui de France Soir. Vous connaissez mieux que moi les difficultés de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse et de Paris Normandie. Ne peut-on pas dès lors se demander si ces aides sont bien ciblées ? Ne peut-on pas utiliser cet argent de façon plus intelligente ? Pensez-vous que huit magazines télévisés doivent bénéficier de 53 millions d’avantage tarifaire postal, soit plus que le total des aides à la modernisation et à la modernisation sociale de la presse, qui représentent au total 50 millions d’euros ? Est-il normal que la presse magazine récréative, qui se porte bien, bénéficie de 35 % de l’effort public, alors que la presse quotidienne nationale d’information politique générale, qui se porte mal, ne bénéficie que de 15 % du total de la contribution publique ? Est-il acceptable que la presse d’information politique et générale en ligne se voie appliquer un taux de TVA de 19,6 % alors que le magazine Voici bénéficie d’un taux super réduit de 2,1 % ? Est-il normal, alors que nous voulons défendre le portage, et c’est là l’une de vos priorités, que ce dernier ne représente que 19 % de la distribution dans notre pays alors qu’il représente 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % au Royaume-Uni ? N’y a-t-il pas un très grand décalage entre les intentions affichées et les résultats ?

S’agissant de l’Agence France-Presse (AFP), où en est-on de la clarification des relations financières entre l’État et l’Agence ? On nous avait dit qu’il y avait urgence, qu’il fallait impérativement une loi. Aujourd’hui on n’entend plus rien. Si cette question ne constitue plus un problème absolument urgent, nous ne pouvons que nous en réjouir mais pouvez-vous nous le confirmer ?

Que pensez-vous par ailleurs de la position d’un ministre de la République, en l’occurrence la ministre du budget, qui, pour rejeter notre proposition d’alignement du taux de TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, nous affirme que « la presse en ligne n’est pas assimilable à la presse imprimée. Elle ne fonctionne pas de la même façon, c’est un service et pas un bien culturel. » Il va à l’évidence falloir lui faire une petite fiche pour lui expliquer les choses… Elle aurait été en outre bien inspirée de ne pas ajouter, à court d’arguments, que le Gouvernement avait déjà « fait preuve d’une grande bénévolence vis-à-vis de la presse en maintenant et en prorogeant toute une série de niches… ». Si l’on veut chercher des niches, on peut en trouver ailleurs, mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui.

Je souhaiterais que l’on engage une vraie réflexion sur le déclassement social des journalistes, qui, indirectement, a des répercussions sur la qualité des journaux et la diffusion de la presse. C’est pourquoi il serait intéressant que les aides prennent davantage en compte l’amélioration du contenu, la formation des journalistes…

Enfin, quelle est votre position sur les nouveaux producteurs indépendants dans le domaine de l’audiovisuel qui sont de plus en plus nombreux et qui sont tous des amis du pouvoir en place et du Président de la République ? Combien coûte une émission comme Midi en France qui a moins de 200 000 téléspectateurs ? Combien coûte une émission comme Vendredi sur un plateau, qui n’a que 300 000 téléspectateurs ? Le service public doit-il privilégier à ce point les producteurs indépendants ?

M. le ministre. En ce qui concerne l’amendement sur le CNC, nous y travaillons. La profession cinématographique s’est fortement mobilisée. J’ai bon espoir d’arriver à obtenir un infléchissement tout à fait conséquent de cet amendement. Les perspectives sont optimistes.

S’agissant de la question des canaux compensatoires, nous étions confrontés à une procédure de la Commission européenne qui était très contraignante. La solution retenue, consistant à abroger les dispositions prévoyant l’attribution de canaux compensatoires aux chaînes historiques et à remettre à disposition six canaux, me semble une solution de justice et de raison. Il incombe néanmoins au CSA de procéder à l’attribution de ces canaux. Il ne m’appartient pas d’influer sur cette procédure. Nous devons tenir compte du fait que le « gâteau publicitaire » n’est pas extensible à l’infini. Les nouveaux canaux devront donc plutôt privilégier les chaînes thématiques mais encore une fois, cela relève du CSA. J’ai toujours été hostile au projet d’instaurer immédiatement une nouvelle norme permettant l’attribution de deux chaînes supplémentaires, compte tenu de l’effort très important d’équipement qui a déjà été demandé à nos concitoyens pour le passage à la TNT. Nous attendrons donc que le parc se renouvelle naturellement pour lancer la nouvelle norme, ce qui peut prendre quatre ou cinq ans.

En ce qui concerne l’AEF, je ne vais pas revenir sur le feuilleton que tout le monde a pu suivre et qui s’est déroulé de manière assez vive, certaines séquences fortes ayant d’ailleurs eu lieu dans mon bureau. France 24, malgré les difficultés, n’a pas cessé de progresser dans le rendu de l’information et dans son implantation locale. Depuis 24 heures, je suis très attentivement, en tant que citoyen, l’évolution de la situation en Tunisie sur France 24, qui est selon moi, la chaîne qui couvre le mieux les événements. Bien sûr, il aura fallu plus de trois ans pour établir un COM, avec des évaluations différentes entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget. Bien sûr, il y a eu des événements complexes et d’une particulière gravité. Mais j’ai le sentiment que l’ensemble progresse. Le travail de conception et de négociation du COM de l’AEF devrait reprendre de manière plus active à partir du mois de novembre. J’espère avancer vite car évidemment il n’est que trop temps d’y parvenir.

En ce qui concerne les questions de Mme Martine Martinel sur France Télévisions, j’ai le sentiment d’y avoir déjà répondu en répondant aux questions préalables de M. Michel Herbillon. Ce que je constate, même si cela ne répond pas vraiment à votre question, c’est que le contact avec la direction actuelle de France Télévisions est très enrichissant et fonctionne. Quand on pose une question, que ce soit une question sur la gestion ou sur les programmes, on peut véritablement établir un dialogue et un échange. Je souhaite leur rendre hommage. C’est une des configurations les plus favorables pour le fonctionnement de l’entreprise et pour la qualité des programmes. S’il est vrai que la grille de rentrée a connu des difficultés d’audiences pour certains programmes, il faut laisser le temps au temps et ces difficultés n’entament en aucun cas le capital de confiance que l’on peut avoir envers la direction et la ligne qu’elle s’est fixée.

S’agissant de la procédure engagée par la Commission européenne contre la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, elle fait l’objet de réponses et de contre-expertises de notre part et pour l’instant, on peut dire que cette procédure est sous contrôle.

M. Françaix m’a interpellé sur les producteurs indépendants. La confiance que je porte à la direction de France Télévisions m’interdit de l’incriminer a priori pour la gestion des budgets de telle ou telle émission. La production audiovisuelle implique un grand nombre de sociétés et autant d’emplois, sans comporter aucune garantie d’activité à long terme, c’est donc un métier difficile. Les budgets du groupe sont surveillés de très près, le gâchis dont vous faites état me paraît donc peu vraisemblable. En revanche, il peut arriver que même avec de gros budgets, l’audience ne soit pas au rendez-vous.

S’agissant du déclassement social des journalistes, dont vous avez parlé dans votre intervention, j’en ai très concrètement pris la mesure il y a une semaine lorsque j’étais aux côtés des journalistes de L’Indépendant de Perpignan. J’ai été ému par le courage de ces jeunes journalistes défendant l’autonomie financière de ce vieux journal récemment acheté par un groupe, alors qu’eux-mêmes se trouvent dans une situation personnelle délicate que leur pudeur leur a interdit d’évoquer. Pour autant, la situation d’ensemble des journalistes est une question complexe qui ne se pose pas de la même manière dans tous les journaux.

En ce qui concerne les 120 millions d’euros versés à l’AFP, dont les projets de réforme connaissent, comme vous l’avez souligné, des fortunes diverses, je rappellerai le désaccord de la Commission européenne sur les modalités du financement de l’Agence par l’État. Nous disposons néanmoins d’un petit délai pour surmonter cette difficulté.

J’aborderai maintenant le sujet des aides à la presse : nous avons tous en tête les images, véhiculées par les films américains, des pas-de-porte où sont livrés chaque matin la bouteille de lait et le journal. Le portage, malgré une image désuète, est une solution pleinement efficace qui crée de l’emploi, notamment pour les jeunes, et constitue une solution d’approvisionnement sûre. Il représente 19 % de la distribution de la presse en France contre 90 % aux Pays-Bas. Nous disposons donc d’une marge de progression importante, même si cette progression devrait se tasser cette année. S’agissant de l’attribution des aides de manière générale, les préconisations du rapport Cardoso ont été mises en œuvre, c’était un élément important de clarification : 41 % des aides sont versées à la presse magazine, 29 % à la presse quotidienne régionale et 15 % à la presse quotidienne nationale.

M. Christian Kert. Je souhaiterais tout d’abord répondre à Mme Martine Martinel et récuser l’idée selon laquelle France Télévisions serait aujourd’hui une sorte de continent à la dérive. France Télévisions respecte les objectifs que le législateur lui a assignés, c’est-à-dire la constitution d’une société unique mais aussi le lancement d’un certain nombre de chantiers longs et parfois onéreux. Je citerai tout d’abord le rôle central de France Télévisions dans la création et la production cinématographique et audiovisuelle : 54 % de la production de fiction en France sont financés par France Télévisions ! Nous avons également demandé au groupe de combler son retard dans le domaine du numérique, la précédente direction ayant été accaparée par d’autres chantiers qui ne lui ont pas permis d’investir cet axe de développement. C’est un processus long, qui est en cours. Nous avons demandé le développement de l’offre régionale et nous avons souhaité mieux arrimer les territoires ultramarins à la métropole. Enfin, nous avons demandé des efforts importants dans le domaine de l’accessibilité aux non-voyants. On ne peut pas investir France Télévisions de toutes ces missions, qui sont des missions de service public, et se plaindre en même temps de la baisse des audiences. Celle-ci est due à la transformation des programmes, mais aussi à la concurrence des chaînes de la TNT. Nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour expliquer que si on veut un audiovisuel public fort, il n’est guère opportun de diminuer ses ressources.

Au sujet des six chaînes nouvelles qui vont apparaître sur la TNT, on entend que beaucoup pourraient être des chaînes thématiques. Je souhaiterais pour ma part que nous fassions connaître au CSA les orientations que nous aimerions voir soutenues dans le cadre de l’attribution de ces chaînes.

S’agissant de l’AEF, je ne partagerai pas complètement votre optimisme, et je dois admettre que dans la rédaction du rapport qui m’a été confié sur ce sujet dans le cadre de la mission d’information créée par notre Commission et celle des affaires étrangères, je me heurte à de fortes difficultés. La question qui se pose est en fait celle du périmètre. Quelle est la place de TV5 Monde ? Qu’attendons-nous des chaînes, comme Euronews, qui contribuent à porter la voix de la France à l’international ? Quelle place pour les efforts entrepris par France Télévisions ?

En ce qui concerne la presse, je voudrais relativiser le constat dressé par M. Michel Françaix, selon lequel on donnerait beaucoup à celle-ci sans en être payé en retour. On aurait tort de sous-estimer le bouleversement que connaît ce secteur, avec l’apparition des journaux gratuits, l’éparpillement des recettes publicitaires ou l’apparition de nouveaux supports sur internet. Il faut maintenir ces aides, quitte peut-être à en revoir certaines modalités.

M. le ministre. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la désaffection dont souffre la presse écrite n’est pas une fatalité. Le succès de l’opération « mon journal offert » en témoigne.

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, si vous étiez encore réalisateur ou producteur, signeriez-vous la pétition de soutien à M. Rémy Pflimlin ? Ne partageriez-vous pas nos inquiétudes sur l’avenir de France Télévisions ? Nous avons voté contre un COM que nous jugeons insincère : afficher une prévision de 450 millions d’euros de recettes publicitaires à l’horizon 2015, alors qu’on atteindra au mieux 400 millions, signifie que le financement de la création ne dépassera pas le niveau plancher fixé par le COM à 420 millions d’euros. Dans ce contexte, on peut d’ailleurs se demander s’il était bien opportun de lancer maintenant six chaînes supplémentaires sur la TNT.

Par ailleurs, si vous étiez journaliste de France 24, auriez-vous signé la motion de défiance contre Alain de Pouzilhac ? Je rappelle que depuis trois ans, pas moins de 4 directeurs de l’information ont démissionné, sans parler du déménagement et de la réorganisation à marche forcée de RFI.

Si vous étiez un acteur économique, vous inquiéteriez-vous en outre du fait que d’ici peu, notre pays ne comptera plus qu’un seul quotidien économique, alors qu’à l’occasion du rachat de La Tribune par Bernard Arnault, le Gouvernement en place avait pris des engagements précis ?

Enfin, si vous étiez artiste ou interprète de la filière musicale, que penseriez-vous de l’échec de la carte musique, dont 50 000 exemplaires seulement avaient été distribués en août, et pour laquelle 1,25 million d’euros a pu être dépensé sur un budget de 25 millions ? Ne vous interrogeriez-vous pas sur la manière dont le Centre national de la musique, dont la création est préconisée par notre collègue Franck Riester dans son rapport, va être financé ? Ne seriez-vous pas inquiet à l’idée qu’une partie de ce financement puisse provenir de la redevance pour copie privée, qui pourrait être intégrée au budget de l’État, alors qu’elle finance 5 000 manifestations culturelles en région ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Plus qu’une question, j’émettrai une opinion et surtout un souhait à M. le Ministre, que je réitérerai d’ailleurs demain devant M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, pour défendre l’intégrité du COM de France Télévisions. D’abord deux remarques, une sur la forme et une sur le fond.

Sur la forme, il est un peu surprenant de voir des arbitrages qui datent du mois de juillet, avec un avis favorable sur le COM de la Commission des affaires culturelles mais aussi de la Commission des finances datant de moins de trois semaines aujourd’hui, éventuellement remis en cause. Ce n’est pas de votre fait, mais de ce qu’on a pu en lire dans la presse, je suis un peu surpris que la Commission des affaires culturelles n’ait pas été associée à ces discussions.

Sur le fond, il est important de ne pas pénaliser la réussite économique et de laisser à France Télévisions la maîtrise de sa gestion à condition de flécher, comme indiqué dans mon rapport sur le projet de COM, les éventuels surplus publicitaires soit vers la création, soit vers le numérique.

En ce qui concerne les chances que le groupe dégage des surplus publicitaires, permettez-moi d’être très dubitatif non seulement en raison de la conjoncture économique et de la chute des audiences mais aussi en raison de l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT. S’agissant de l’éventuelle baisse de la dotation publique dès la première année du COM, alors qu’on demandait un peu de visibilité et de stabilité pour France Télévisions, si cette baisse devait intervenir, ce serait dangereux parce qu’il n’y a pas de surplus publicitaire ni de cagnotte et que nous ne savons même pas s’il y aura un bénéfice l’année prochaine. Sachant que le COM prévoit une progression du coût de grille estimée à 2,8 % alors que la dotation publique ne devrait augmenter que de 2,2 %, si on venait à rogner encore sur ces 2,2 % d’augmentation, cela deviendrait très problématique et remettrait en question les engagements de France Télévisions en matière de financement de la création et du plan numérique.

Mme Marie-George Buffet. En ce qui concerne la presse, hors abonnement AFP, nous sommes sur une décrue de plus de 12 % au moment où la presse doit faire face au développement du numérique et mener un véritable combat pour maintenir son lectorat, la qualité de ses informations et le statut de ses personnels, notamment les journalistes. J’étais hier avec les manifestants de France Soir : la solution, prônée par la direction, du passage au « tout numérique » fait obstacle à l’hypothèse d’un repreneur. J’aurais aimé savoir la position de la tutelle et connaître l’action du ministère par rapport au patron de France Soir. La Tribune et d’autres journaux sont également en grand danger.

C’est la crise la plus grave depuis des décennies. Aussi le système d’aide à la presse est-il à revoir, mais pas dans le sens du rapport Cardoso qui va contribuer à une plus grande concentration des titres et à moins de pluralisme. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Vous avez évoqué les objections de Bruxelles concernant le financement de l’AFP. J’aimerais avoir plus de précisions sur le délai qui nous est imparti pour agir.

Êtes-vous dans le même état d’esprit au sujet de la taxe créée pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Vous dites avoir mis en route une série de procédures et de réponses permettant de faire reculer la décision de la Commission européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Votre vision de la situation de l’AEF n’est pas tout à fait celle que nous avons eue lors des auditions de la mission d’information, d’ailleurs suspendues sans que le rapport ait pu être rendu. J’étais, il y a moins de deux heures, avec différents représentants syndicaux de France 24 et de RFI. Je voudrais souligner la très grande souffrance au travail dans ces deux entreprises. Il y a eu déjà deux plans sociaux : le premier a coûté 41 millions d’euros, le second va coûter 27 millions d’euros. Ce dernier prévoit 126 suppressions de postes, dont 80 journalistes. Le déménagement a déjà coûté 12 millions d’euros sans garantie que cet immeuble puisse être occupé par le personnel de RFI. Nous avions critiqué le caractère bicéphale de la direction, mais nous nous apercevons qu’après la disparition d’une tête, ni la gestion ni les rapports au personnel ne se sont améliorés. Nous avons donc beaucoup de doutes sur le périmètre et les conditions de cette fusion. Nous allons continuer à travailler pour rendre un rapport qui posera beaucoup de questions et de critiques sur la façon dont se règle ce problème.

J’espère que vous agirez pour contrer un amendement qui priverait France Télévisions de ressources, car nous en avons besoin pour la fiction et la création et pour relever les différents défis auxquels est confronté le service public, parmi lesquels l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT ; et nous connaissons également les difficultés que connaît France Ô. Je pense donc qu’il faut laisser cet argent à France Télévisions.

Vous avez dit que vous étiez solidaire du monde du cinéma. Face à l’amendement qui vise à plafonner les taxes affectées au CNC, je préfère que vous soyez solidaire du cinéma plutôt que de Mme Pécresse et M. Baroin.

Mme Françoise de Panafieu. Comme Christian Kert, j’interviens sur les menaces qui pèsent sur le COM de France Télévisions. En effet, je veux souligner l’importance que nous attachons à son respect. Il me semble que le remettre en cause d’emblée alors que nous venons de rendre notre avis, il y a à peine un mois, créerait un climat d’incertitude très nuisible pour cette entreprise publique. Je crains aussi que si ce COM, fruit de six mois de tractations, était remis en cause, ce soient les producteurs qui fassent les frais de cette opération. Nous connaissons tous la fragilité de ce secteur qui vit pour l’essentiel de France Télévisions. Plus qu’une question, c’est une inquiétude que je voulais là exprimer. Nous comptons donc sur vous, Monsieur le ministre, pour plaider demain ce dossier et faire en sorte que France Télévisions ne soit pas déstabilisée.

M. Marcel Rogemont. Je voudrais aborder la question de la presse très sommairement, puisque l’essentiel a déjà été dit. Il n’en reste pas moins que notre collègue Michel Françaix a eu l’occasion de rappeler que le ciblage des aides à la presse devait être au cœur des décisions à prendre et que la diffusion par La Poste bénéficiait essentiellement à la presse magazine. Je veux rappeler que l’aide au portage, qui est ciblée sur la presse d’information politique générale, va donc dans le bon sens. J’aimerais savoir pourquoi, alors que les effets du portage sont plutôt positifs, au lieu d’augmenter les crédits, vous les diminuez ?

Sur la question du financement de l’AFP, qui reste en apesanteur, vous avez dit que nous avions du temps. J’aimerais savoir quelles initiatives vous entendez prendre sur cette question.

Je voudrais aussi aborder la question du CNC et des taxes spécifiques qui permettent le soutien fructueux d’un secteur économique. Dans l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, on mêle des types de taxes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Par exemple, on vise la taxe sur les jeux en ligne qui va financer le Centre des monuments nationaux. Il n’y a, dans ce cas, pas de lien direct entre la taxe et l’objet pour lequel le financement est accordé. En revanche, avec le CNC, nous avons des taxes qui favorisent une auto-organisation et à partir du moment où on enlève un centime de cette auto-organisation, cela signifie que vous créez une taxe sur les industries cinématographiques. Qu’en est-il du Centre national du livre qui, lui aussi, bénéficie d’une taxe de 1 % du chiffre d’affaires de l’édition ? Les éditeurs financent un accompagnement de la filière du livre, qui est fragile. Si le plafonnement existe aussi pour le livre, vous créez une taxe sur les éditeurs dès lors que vous détournez la taxe existante de son sens. C’est plus grave que vous ne le pensez.

D’autre part, il me semble avoir entendu – peut-être s’agit-il de bruits de couloir – qu’il serait possible que l’on prélève sur les taxes affectées au CNC une partie pour financer le Centre national de la musique. J’ose espérer que ce sacrilège n’existe pas dans votre esprit car ce serait transformer le CNC en pompe à financement qui n’a pas lieu d’être et, là encore, cela constituerait un détournement.

Je souhaite donc être rassuré quant à l’éventuel financement du Centre national de la musique indépendamment des financements du CNC.

Je veux parler ensuite de l’audiovisuel public. La réforme de 2009 devait être la réforme totale. Le financement de l’État était naturellement garanti. Nous sommes attachés au COM, même si nous ne l’avons pas voté car il n’était pas suffisant, et ne pouvons accepter que la dotation du groupe soit réduite de 50 millions. C’est là la parole de l’État qui est en cause.

De même la parole de l’État est en cause par son refus d’appliquer un taux de TVA super réduit à la presse en ligne.

Vous allez créer six chaînes de plus sur la TNT. L’expérience montre que la volonté d’ouvrir le paysage audiovisuel français a échoué puisque pratiquement toutes les chaînes ont été rachetées par des grands groupes audiovisuels. Allez-vous augmenter le nombre de chaînes que peut détenir un groupe audiovisuel afin que les grands groupes puissent racheter dans un an ou deux lesdites chaînes ? Ou allez-vous mettre en place des règles claires afin qu’il n’y ait pas de concentration supplémentaire sur ces nouvelles chaînes et qu’elles ne soient pas revendues à la petite semaine ?

Mme Monique Boulestin. Le seul budget consacré au livre et aux industries culturelles représente aujourd’hui près de 275 millions d’euros. Il est en baisse de 29 millions d’euros par rapport à l’année dernière, soit une baisse réelle de 8,5 %.

Vous avez déclaré, lors de votre dernière conférence de presse, que vous aviez l’ambition de poursuivre votre politique en faveur du livre. Pour ne citer qu’un exemple, le seul projet du quadrilatère Richelieu – que nous ne contestons pas – représente pour l’État un investissement de 211 millions d’euros dont 171 millions à la charge du ministère de la culture. Dans ces conditions, comment comptez-vous poursuivre cette ambition, notamment votre soutien au secteur de l’édition ? En outre, seuls 10 millions d’euros seront destinés à l’accompagnement de projets de numérisation pour la modernisation de ce secteur.

Par ailleurs, comment poursuivre le soutien aux librairies et aux professions du livre avec seulement 3 millions d’euros ?

Comment développer la lecture et l’aide à sa diffusion par les bibliothèques avec une dotation globale de décentralisation en baisse partout sur notre territoire ?

Nous sommes loin, Monsieur le ministre, des valeurs fondatrices du ministère de la culture : démocratisation, décentralisation et innovation.

Seul votre ministère peut garantir la poursuite de la politique de décentralisation culturelle attendue tant par les Français que par les collectivités territoriales.

Nous comptons sur vos engagements pour revoir la désorganisation née de la refonte de l’administration centrale du ministère de la culture en 2010 et que nous avons dénoncée en son temps, et pour repenser une politique culturelle ambitieuse avec une véritable politique du livre.

M. Patrick Lebreton. Je voulais profiter de votre venue en Commission pour vous interroger sur l’action 3 du programme « diversité radiophonique » de la mission « Médias », à savoir « le soutien à l’expression radiophonique locale ».

Dans l’exposé de votre action, vous affirmez que le « maintien des crédits permettra de faire face, comme en 2011, à l’augmentation du nombre de radios associatives, suite aux autorisations accordées par le CSA en FM ».

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que le nouveau plan de fréquences prévu pour La Réunion a provoqué de vives tensions.

Dénonçant une concertation tronquée, une vingtaine d’opérateurs représentant les radios locales et associatives, réunis au sein du Front des Ondes Réunionnaises, s’inquiètent de l’arrivée de mastodontes commerciaux comme Fun Radio, RTL2 ou RMC et la consolidation des antennes liées à des grands groupes locaux existants.

Alors que le marché publicitaire de notre région est naturellement restreint et que les coûts de diffusion sont élevés, en raison du contexte géographique très accidenté, c’est tout simplement la mort inéluctable de ces petites stations qui font l’identité réunionnaise que ce nouveau plan de fréquences programme.

Nombreux ont été les opérateurs à alerter le CSA. Je l’ai moi-même saisi au mois de juillet et je n’ai d’ailleurs, à ce jour, toujours pas reçu la moindre réponse. Je crains donc que l’esprit de la loi de 1982 sur les radios soit fortement altéré.

Y a-t-il, Monsieur le ministre, une réelle cohérence entre votre objectif louable affiché de soutenir les radios associatives et les décisions du CSA qui programment, à La Réunion, la mort de ces radios ?

Mme Françoise Imbert. Plusieurs sujets ont déjà été abordés, comme les difficultés et le coût de la distribution de la presse en France ou bien l’avenir des librairies indépendantes sur notre territoire, qui offrent une garantie de conseil aux lecteurs, de possibilités de rencontres et de contacts avec les auteurs, d’organisation de cafés littéraires…

Je voudrais évoquer la situation du photojournalisme. Ce secteur connaît actuellement une grave crise qui s’illustre aujourd’hui par une grande précarité de ses professionnels. Comment le ministère s’engage-t-il plus précisément dans ce budget 2012 pour soutenir la photographie de presse et le photojournalisme ?

M. le ministre. Pour avoir eu des activités dans ce domaine, le photojournalisme m’est très cher. Je me rends chaque année au festival de Perpignan qui est une manifestation absolument remarquable. Comme vous le savez, j’ai réalisé dans une vie antérieure un film sur les photojournalistes. Je suis frappé aujourd’hui par la réduction terrible des possibilités de développement de leurs ressources économiques du fait de la diminution des commandes des magazines, de la multiplication d’autres sources d’illustrations, notamment les photos réalisées au moyen de téléphones portables, et de l’utilisation excessive de la mention « droits réservés » qui va à l’encontre de leurs intérêts. Je pense que le photojournalisme représente ce qu’est la haute couture par rapport au prêt-à-porter, c’est-à-dire qu’il s’agit de la création de prototypes essentiels dans le domaine de la photographie. Le photojournalisme est à la rencontre du rendu d’une situation objective et du regard d’un photographe : c’est Sebastião Salgado voyant les travailleurs de la mine au Brésil.

Nous avons construit un plan d’aide au photojournalisme avec la mise en place au sein du Centre national des arts plastiques (CNAP) d’un fonds destiné à contribuer au montage financier des opérations de photojournalisme, puisque les reportages se préparent, à l’instar des films, et il faut pouvoir effectuer cette préparation avant qu’un journal accepte ou achète les photos - dans la mesure où les journaux sont désormais moins souvent producteurs de reportages dès l’origine. Ce fonds fonctionnera à l’image de la commission d’avance sur recettes pour le cinéma. C’est une première réponse importante aux questions posées par la situation du photojournalisme.

Avec les librairies, Mme Imbert met le doigt sur une question qui va tarauder le domaine de la culture dans les années à venir. C’est un très grand motif d’inquiétudes. Assistant au congrès des libraires qui s’est tenu à Lyon, j’ai eu le sentiment que chacun prend conscience désormais de la gravité du problème, dans une sorte de moment de catalyse. Il convient de rappeler que la principale chaîne de librairies aux États-Unis, Barnes & Noble, a déposé son bilan et que dans, le même temps, l’extension rapide des tablettes de lecture, le développement des services fournis par Amazon ainsi que l’accroissement de la lecture sur internet sont source d’une rude concurrence pour les librairies.

Nous avons en France un label qui permet de distinguer et de signaler en quelque sorte les librairies qui sont des lieux d’échanges et de lien social un peu particuliers. De même, aux États-Unis, un certain nombre de librairies indépendantes supportent le choc en développant des services annexes : conseils de lecture, rencontres avec des écrivains, signatures… Il est certain, néanmoins, que le métier est amené à changer. Actuellement, la prise de conscience, par la profession, du danger et des contraintes de cette situation est forte. Le ministère de la culture est réellement à l’écoute afin de construire avec les libraires un plan qui permette de contrecarrer les premières attaques très virulentes auxquelles nous pouvons assister. Il convient néanmoins de constater, sans s’en réjouir pour autant, que pour l’instant le livre numérique sur tablette n’a pas en France l’expansion qu’on lui connaît ailleurs. Mais tôt ou tard, il exercera une très forte concurrence. Je suis personnellement en alerte sur ce sujet et je pense que nous pourrons prendre des mesures pour parer au danger qui se précise.

En ce qui concerne La Réunion, je dois dire à M. Lebreton qu’il ne peut pas affirmer que le CSA programme la mort des chaînes associatives réunionnaises. Sans doute la réponse que vous attendiez tarde-t-elle de manière trop importante, mais on ne peut suspecter le CSA ne serait-ce que d’indifférence vis-à-vis de La Réunion. Quant à moi-même, tant par l’attachement que j’éprouve pour La Réunion que pour le formidable vivier de diversité que ce département constitue dans notre pays avec son million d’habitants et la beauté de ses paysages, il est évident que je suis totalement attentif au maintien et à la protection des radios associatives. Je vous promets que je serai l’ambassadeur de La Réunion auprès du CSA à ce sujet.

En matière de livres, je voudrais compléter les observations de Mme Boulestin. S’agissant de la numérisation, nous avons réussi à mettre en place un financement par l’emprunt national pour les investissements d’avenir. C’est important : rappelez-vous il y a deux ans la polémique considérable à propos de la numérisation des fonds de la Bibliothèque nationale de France. Cette numérisation d’une partie importante des fonds va être rendue possible dans le cadre des investissements d’avenir, sans lesquels le financement aurait dû être obtenu par redéploiement d’autres actions. Il ne faut pas négliger non plus le plan en quatorze points pour la lecture qui donne des résultats appréciables. Je prends l’exemple d’un village dans les Ardennes où je suis allé récemment et dans lequel une bibliothèque itinérante vient deux jours par semaine en apportant une offre de prêt et de lecture qui n’existait pas auparavant. Le plan en faveur des bibliothèques fonctionne également. L’ensemble des actions est suivi constamment et la politique du livre est une chose essentielle pour moi et pour le ministère. Certes, la taxe affectée au CNL risque d’être plafonnée, mais ce sera à un niveau suffisamment élevée pour le CNL puisse continuer à bénéficier de l’enveloppe budgétaire sécurisée dont il a besoin. Il suffit d’entrer dans le détail des crédits pour constater que la politique du livre ne souffre pas d’une diminution des moyens dont elle dispose, tout au plus peut-il s’agir de redéploiements.

À Mme Buffet, j’indique qu’il y a bien sûr une décrue à l’issue de trois ans d’aides à la presse d’un montant sans précédent à la suite des États généraux de la presse écrite. Mais cette décrue n’est que de 7 %. Par ailleurs, si l’État a fourni un effort gigantesque, il faut également que la presse, de son côté, accomplisse un certain nombre de gestes d’une manière conséquente. Il y a le cas de France Soir pour lequel j’ai approuvé les aides, malgré mes doutes, car il s’agissait de tenir un engagement. Je ne sais pas comment ce journal a été géré, mais je me demande aujourd’hui à quoi tout cet argent a servi – outre à protéger les emplois. Mais à côté de cet exemple, des transformations fantastiques ont été opérées, par exemple à la rédaction de Sud Ouest dont la volonté de faire remonter un journal qui souffre est manifeste. On a donné là un signal positif à une grande partie des journalistes dont on soulignait tout à l’heure les inquiétudes en termes de déclassement social.

Compte tenu notamment du tsunami que représente l’avènement du numérique, tout n’a pas fonctionné mais une grande partie de l’énorme travail de remise en ordre a été effectuée. Les crédits pour 2012 permettent de maintenir un dispositif conséquent qui continue à accompagner la presse tout en évitant de mettre en place un système d’assistance permanent. Il fallait que les organes de presse prennent leur part de l’effort considérable que l’État a mis en œuvre.

En ce qui concerne l’AEF, je ne néglige pas du tout ce que Mme Buffet a dit de la souffrance au travail ressentie par beaucoup de personnels de RFI qui ont vécu dans l’inquiétude en raison de la restructuration importante imposée à cet organisme. Je rappelle simplement que RFI était vraiment en situation d’obsolescence s’agissant de la répartition des langues et de la couverture des pays ; il y avait une rénovation de fond à opérer pour en assurer la pérennité. Effectivement, le déménagement est coûteux, mais lorsque l’ensemble RFI et France 24 sera réuni, il faut souhaiter qu’il en découle des mutualisations et une efficacité sources d’un certain nombre d’économies.

J’ai déjà évoqué les raisons de la lenteur avec laquelle le COM a été élaboré. Les choses sont compliquées et tout a dû être remis sur la table. À partir du mois de novembre, on pourra entrer dans le vif du sujet. Tout n’est certes pas parfait à l’AEF, mais je dis simplement que cela va mieux – sans compter que l’arrivée à l’AEF de mon ancien directeur de cabinet est pour moi un signe positif car il apportera à l’entreprise une compétence et une humanité très importantes. Tout cela fait que nous en aurons fini avec le feuilleton que nous avons connu auparavant.

Je suis d’accord avec M. Rogemont pour dire que la taxe sur les jeux en ligne n’a pas grand-chose à voir avec les monuments nationaux. Vous mettez par ailleurs le doigt sur une particularité de la création en France qui suscite un fort intérêt à l’étranger : je veux parler du fonctionnement du CNC qui, en quelque sorte, s’autofinance et s’autogère. Cela a assuré la pérennité du cinéma français quand tant de cinématographies étrangères s’effondraient. C’est une chose à laquelle il ne faut pas toucher. Ce dispositif a montré son efficacité et il faut continuer à le défendre. Je suis sur la même longueur d’onde que vous et les professionnels du cinéma pour considérer qu’il s’agit d’un élément fondamental de soutien à la création et de la vie artistique. Il ne faut pas commencer à y toucher, sous peine notamment d’amener par exemple les autorités européennes à s’intéresser au dispositif de manière négative et à nous poser des questions sur lesquelles nous ne serions pas embarrassés – puisque nous avons raison –, mais qui nous feraient perdre du temps et inquiéteraient de surcroît énormément la filière cinématographique.

M. Patrick Bloche. Justement, le fait que l’on réforme la TST pour adapter son barème et son taux à la réalité des opérateurs de télécommunications et que l’on plafonne son produit à 700 millions d’euros s’agissant de la somme qui reviendra au CNC afin que 70 millions d’euros puissent abonder le budget de l’État ne fragilise-t-il pas ce dispositif à l’égard de la Commission européenne, qui pourrait le considérer comme une taxe sur les opérateurs destinée à combler le déficit budgétaire ?

M. le ministre. Les conversations exploratoires que nous avons menées sur ce sujet nous laissent à penser que nous n’aurions pas de difficultés de cet ordre s’agissant de la TST distributeurs. Pour l’instant, il n’y a pas de mise en cause sur ce terrain. En revanche, si la même chose était appliquée aux autres taxes affectées au CNC, nous prendrions un grand risque. En tout état de cause, il convient de réaffirmer ce sur quoi nous sommes en phase, c’est-à-dire une philosophie de la création artistique et cinématographique en France.

Pour répondre notamment à Mme de Panafieu, il est vrai que le COM de France Télévisions a été signé très récemment après avoir fait l’objet de beaucoup de réflexions et de travaux, tout particulièrement au sein de cette Commission, et M. Gaultier l’a souligné de manière très pertinente. Il y a des points sur lesquels on peut encore se poser des questions, mais tout a été étudié de manière sérieuse et approfondie, notamment la vision très volontariste des ressources publicitaires. Remettre en cause le COM quelques semaines seulement après l’avoir signé serait un très mauvais service rendu à la télévision publique.

M. Bloche m’a interrogé sur la destination des 25 % de la rémunération pour copie privée consacrés au spectacle vivant. Sur ce sujet, un texte de loi est en préparation afin de prendre en compte les décisions du Conseil d’État. Nous ne prélèverons pas d’argent sur la copie privée pour financer la filière musicale. Un dispositif de préfiguration sera mis en place pour assurer ce financement, et je précise également que cela ne viendra pas non plus du CNC.

Je reconnais que la première version de la carte musique jeunes n’a pas eu de succès. Nous en revenons à la question de savoir comment concilier la liberté et la gratuité. La carte musique jeunes implique un achat, même si l’État participe à son financement. Il est vrai qu’elle s’adresse à un public de jeunes qui, désormais, obéissent pour une partie d’entre eux au principe de la gratuité absolue. Il est donc difficile de leur faire admettre le message pédagogique que représente le paiement de la carte, alors même que cette carte leur ouvre l’accès à des capacités d’écoute considérables. Sur le plan ergonomique, la carte musiques n’était pas optimale ; j’en prends une part importante de responsabilité dans la mesure où c’est moi-même qui avais poussé à une réalisation rapide. La nouvelle version étant établie sur d’autres bases, avec notamment une carte physique, une ergonomie plus simple et une meilleure communication, elle a de plus grandes chances de succès. Si c’est le cas, nous aurons remporté une victoire.

Sur la question de la presse économique, il faut constater que trois titres sont aujourd’hui en présence : Les Échos, La Tribune et les pages « saumon » du Figaro. Y a-t-il de la place pour ces trois titres en France à l’heure actuelle ? La question se pose. L’évolution de La Tribune, si elle se traduit par le plan social que l’on sait, n’entraîne pas la disparition du titre. Le passage à une édition internet sera peut-être une solution pour maintenir cette publication.

Si j’étais à l’AEF, pour reprendre l’interpellation de M. Bloche, je ne signerais pas la motion de défiance et puisque Pierre Hanotaux est désormais aux côtés d’Alain de Pouzilhac, ce serait faire preuve d’une grande inconséquence compte tenu de l’amitié et de la confiance que je porte à un haut fonctionnaire d’une qualité exceptionnelle.

Quant à Rémy Pflimlin à France Télévisions, je signerais bien sûr la motion de soutien qui n’est nullement un aveu de faiblesse. Dire aux gens qu’on les aime est au contraire le moyen de construire avec eux quelque chose de neuf et de plus fort. Et, au-delà des raisons qui ont pu être avancées précédemment, ayant vu tellement de dirigeants à France Télévisions depuis trente ans, avec beaucoup de certitudes et souvent de l’arrogance, vivant dans les rumeurs et les intrigues, j’ai le sentiment par contraste d’avoir en Rémy Pflimlin quelqu’un avec qui je peux vraiment échanger. Il a une vision de la presse, de l’Europe ; il a laissé un fort souvenir à France 3 ; ses auditions à l’occasion de sa nomination ont également laissé une forte impression. Il dirige aujourd’hui ce monstre qu’est France Télévisions, où l’on trouve une culture d’entreprise propre à chaque secteur du groupe, ce qui est un handicap pour l’ensemble de l’entreprise. L’homme qui est capable par ses qualités personnelles de surmonter cet obstacle en plus de toutes les questions qui se posent à France Télévisions, c’est certainement Rémy Pflimlin.

M. Patrick Bloche. Je précise qu’il n’était nullement dans mon intention de mettre en cause personnellement M. Pflimlin.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède ensuite à l’examen, pour avis, des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel (Audiovisuel ; Avance à l’audiovisuel public) et de M. Michel Françaix (Presse) au cours de sa séance du mercredi 26 octobre 2011.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous avons entendu hier M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je voudrais m’associer tout d’abord aux compliments adressés à notre collègue Jean Roatta que j’ai toujours beaucoup apprécié.

J’en viens maintenant au rapport que j’ai consacré aux réformes en cours de l’audiovisuel public, concernant plus particulièrement France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France (AEF). Vous comprendrez que je ne partage pas tout à fait ce que nous a dit hier le ministre de la culture et de la communication. S’agissant de France Télévisions, le bilan très négatif de la suppression de la publicité se confirme. Son impact sur l’audience et sur les programmes est nul, voire négatif. Le seul effet incontestable était normalement l’avancement des horaires des programmes. Or, il semblerait, d’après nos minutages et les informations qui nous ont été transmises par divers observateurs, que ces derniers commencent de plus en plus tard et je regrette que France Télévisions ne m’ait pas apporté les précisions demandées sur ce point.

Le nouveau financement n’est absolument pas garanti à l’euro près, contrairement à ce qu’avait affirmé notre collègue Jean-François Copé, la main sur le cœur, au moment de l’adoption de la loi. Ce financement se traduit au contraire par un recul inquiétant de l’indépendance financière du groupe, comme en témoignent les initiatives très préoccupantes annoncées par nos collègues Patrice Martin-Lalande et Gilles Carrez.

Rappelons que l’objectif affiché de la loi de 2009 était de renforcer le service public audiovisuel. Si nos collègues de la Commission des finances cherchent désespérément à dégager des ressources pour l’État, je leur suggérerais bien volontiers de revenir sur la suppression de la publicité pour laquelle ils ont voté, eu égard à son bilan très négatif, plutôt que de mettre le service public dans l’incapacité d’accomplir sa mission. Je soutiendrais d’ailleurs une telle initiative. Je rappellerai également aux orthodoxes budgétaires que la « taxe télécoms » qu’ils ont mise en place est une véritable bombe à retardement pour les finances publiques.

S’agissant des évolutions intervenues en 2011, avec le changement de direction, au mieux elles déçoivent, et au pire inquiètent. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) est bâti sur une prévision insincère de ressources publicitaires et, comble d’hypocrisie, la Direction du budget et la régie publicitaire de France Télévisions m’ont confirmé que cette trajectoire avait été établie comme si la publicité en journée était maintenue, solution à laquelle le Gouvernement s’est opposé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 !

La nouvelle organisation interne a certes eu le mérite de mettre fin au guichet unique, mais certains constatent une trop grande décentralisation des responsabilités, qui aurait quelque peu, je cite, « cassé la logique de l’entreprise commune » et mis les chaînes en concurrence.

Outre le financement, la principale préoccupation porte évidemment sur la nouvelle stratégie éditoriale. On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace et pour une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement ambitieuse et exigeante. Dans un article récent et sur la base d’un décryptage minutieux des nouvelles grilles de programme, le quotidien Le Monde parlait même de « racolage public ». On ne peut d’ailleurs pas exclure que la baisse récente de l’audience vienne au contraire sanctionner une volonté trop forte d’augmenter cette dernière.

En ce qui concerne le numérique, l’effort financier, qui n’est que de 55 millions en 2011, est évidemment très décevant au regard des enjeux, de la priorité affichée et des quelque 300 millions qu’y consacre la BBC.

Je reviens également sur la grave anomalie que représente l’absence de chaîne consacrée à la jeunesse, d’autant que le groupe en a pris conscience et reconnaît le bilan très mitigé de sa programmation jeunesse. J’avais proposé l’an dernier de faire de France 4 la chaîne jeunesse. Cette proposition me semblait à même de remplir l’objectif de rajeunissement de l’audience et de renforcement de l’identité de la chaîne. Lors de son audition, M. Jean-Louis Missika a estimé que la mission de France 4 était perdue d’avance. La cible visée – les 15-40 ans – est en effet la plus disputée par les chaînes privées, celle dont le lien avec le service public est le plus ténu et dont la consommation de médias se fait avant tout sur internet. Je rejoins Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, qui a déclaré devant nous : « il ne sert à rien de tenter de toucher les jeunes adultes sur la télévision classique : ils sont déjà partis ailleurs ».

Le groupe envisagerait plutôt le rachat des parts de Lagardère dans Gulli. Cette solution apparaît peu réaliste dans la mesure où le groupe Lagardère, que j’ai auditionné, a clairement déclaré qu’il serait bien volontiers acheteur des parts de France Télévisions, mais absolument pas vendeur des siennes.

Je propose également que le groupe s’investisse davantage dans une autre mission de service public qu’est la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, dont la numérisation a fait l’objet d’un financement de grande ampleur, notamment dans la perspective de la télévision connectée.

S’agissant de l’audiovisuel extérieur de la France, au-delà des scandales à répétition que nous avons évoqués hier, nous ne pouvons plus tolérer, en tant que députés représentants de la Nation, l’absence illégale de COM et le tissu de mensonges que constitue la communication de la direction sur la situation financière et les résultats de l’entreprise. Voici une liste non exhaustive des justifications mensongères avancées successivement par la direction devant les parlementaires pour expliquer l’absence de COM. Ce fut d’abord l’intégration difficile des sociétés qui composent l’AEF, puis la nécessité d’un retour préalable à l’équilibre de RFI. Le problème est ensuite devenu le statut particulier de TV5 Monde au sein de l’AEF, puis la demande de rallonge budgétaire pour financer TV5 Monde et, élément nouveau, la suppression d’une émission de prêche évangéliste sur Monte Carlo Doualiya. De là à penser qu’on se moque de nous, le chemin n’est pas long.

En 2011, il est apparu au grand jour que la direction avait également menti sur les perspectives financières de l’AEF, obligeant l’État, qui lui avait accordé une confiance aveugle, à demander à l’Inspection générale des finances de l’éclairer.

Aujourd’hui, M. de Pouzilhac, que j’ai auditionné, estime que les crédits qui lui sont attribués ne sont pas à la hauteur des besoins. Il conteste très fortement les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances et a indiqué que si ce rapport devait servir de base à la négociation d’un COM, on pouvait – pour être un peu familier – toujours attendre.

S’agissant de l’impact de la réforme et donc des résultats d’audience, depuis l’arrivée de M. de Pouzilhac, les chiffres avancés font largement polémique. Lors de son audition, M. de Pouzilhac s’est d’ailleurs ému que l’Inspection générale des finances puisse l’accuser de « truquer » – je reprends son expression – ses chiffres d’audience, information qui m’a évidemment fortement troublée. Il me semble qu’on peut exiger par conséquent du Gouvernement qu’il infirme ou qu’il confirme au plus vite cette information – puisque nous n’avons pas connaissance du rapport de l’Inspection générale des finances – et, si elle est confirmée, qu’il en tire les conséquences qui s’imposent en révoquant sans plus tarder M. de Pouzilhac.

Sur le fond, je souhaite faire part de mes interrogations sur deux points qui me paraissent d’une urgence et d’une gravité particulières : le projet de fusion entre France 24 et RFI et l’avenir de TV5 Monde au sein de l’AEF. Je suis plus que réservée, comme beaucoup d’entre vous, me semble-t-il, sur l’opportunité de ce projet de fusion qui est mené à marche forcée, sur la base d’arguments fallacieux.

Pour justifier son projet, M. de Pouzilhac renvoie systématiquement à l’exemple de BBC World où, après vérification, on constate qu’il n’y a pas de fusion entre les rédactions radio et télévision. Le président fonde également son argumentaire sur les prétendus succès du pôle arabophone qui a rapproché Monte Carlo Doualiya et France 24 arabophone. L’argument se retourne contre lui-même puisqu’il montre bien que les synergies peuvent être réalisées sans fusion. Je pense surtout que les métiers sont différents, s’agissant en particulier d’une ancienne chaîne de radio généraliste et d’une jeune chaîne de télévision d’information en continu. Je rappelle que, même au sein de groupes comme France Télévisions et Radio France, dont les antennes font toutes le même métier, il n’y a pas de fusion des rédactions.

J’en viens maintenant à l’avenir de TV5 Monde. Non seulement TV5 Monde est particulièrement marginalisée dans les préoccupations de l’AEF, mais la direction présente systématiquement TV5 Monde comme un problème. À son tour, TV5 Monde ne se satisfait pas de son intégration au sein de l’AEF et on peut le comprendre : la chaîne n’est pas représentée au conseil d’administration de l’AEF et n’est pas associée aux négociations du COM qui doit prévoir l’essentiel de son financement. Quant à nos partenaires francophones, un peu froissés depuis le rapport Benamou, ils ne comprennent toujours pas la présence de TV5 Monde au sein de l’AEF et souhaitent que la question soit de nouveau ouverte.

Compte tenu de ces éléments, j’estime, comme de nombreux spécialistes, que la question de la place de TV5 Monde au sein de l’audiovisuel extérieur de la France mérite d’être sérieusement posée et repensée.

La question se pose aussi sérieusement d’un rapprochement avec France Télévisions. Je suis persuadée, en tant que rapporteure pour avis, que l’un des défauts majeurs de France 24 est d’avoir été créée ex nihilo, en dehors de l’audiovisuel public. Les synergies entre France 24 et le groupe audiovisuel public pourraient pourtant être substantielles. En effet, le COM de France Télévisions, sur lequel nous avons formulé un avis il y a peu de temps, réaffirme la priorité que constitue le renforcement du rôle de France Télévisions à l’international. Environ 200 personnes travaillent à l’international au sein de France Télévisions. Le groupe France Télévisions dispose de onze bureaux à l’étranger dans toutes les grandes capitales du monde et de l’Agence internationale de télévision (AITV), rédaction dotée d’un réseau très dense de correspondants en Afrique et qui a joué un rôle majeur pour couvrir la crise en Côte-d’Ivoire. Dans les pays francophones du Maghreb, le rôle de France Télévisions est aussi, voire plus important, que celui de l’AEF.

Rappelons également que France Télévisions est quasiment la base de données de France 24. Un adossement de l’AEF à France Télévisions aurait une logique qui, pour le coup, serait véritablement celle de la BBC, où BBC World Service fait bien partie de la grande maison BBC.

L’argument selon lequel France Télévisions a suffisamment de travail avec sa propre réforme et la nécessité prétendue de disposer d’un pôle dédié autonome ne paraît pas recevable, eu égard à l’exemple de la BBC et dans la mesure où le groupe France Télévisions inscrit le développement à l’international parmi ses priorités, alors que ce n’est pas foncièrement son rôle.

En ma qualité de rapporteure pour avis, j’aurais d’ailleurs jugé une rationalisation de l’audiovisuel extérieur en fonction des métiers - France 24 étant rattachée à France Télévisions et RFI à Radio France - plus pertinente que l’organisation retenue. Cette répartition n’aurait évidemment pas fait obstacle à la mise en place de synergies entre les uns et les autres.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Lors de son audition hier par notre Commission, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, nous a déclaré avec justesse que les aides à la presse étaient particulièrement importantes et en progression. Je ne le contredirai pas sur ce point, même si leur montant a légèrement diminué cette année. J’insisterai en revanche sur une question : à quoi servent des aides ciblées sur les mauvais bénéficiaires, privilégiant le « lecteur consommateur » au détriment du « lecteur citoyen » ? Si les aides étaient bien ciblées, pourquoi des crises telles celles de La Tribune, de France Soir, de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse, ou encore de Paris Normandie ?

La raison en est simple : les aides sont tellement intégrées au modèle économique de certaines publications qu’elles les ont trop souvent incitées à différer les ajustements nécessaires, le remède ayant, dès lors, pour effet d’aggraver le mal. Si nous continuons en ce sens, la presse va « mourir guérie ». J’irai même jusqu’à dire qu’accroître le montant de certaines aides revient à aggraver la maladie.

Par ailleurs, au vu de la situation de Presstalis, les spécialistes du secteur ne peuvent jurer de la pérennité du système de distribution de la presse en France. En effet, Presstalis n’étant plus capable d’assurer la totalité de cette distribution, chacun « se débrouille ». Or si, demain, chaque titre devait disposer de son propre système de distribution, le principe de l’aide à la presse magazine récréative serait définitivement remis en cause. En effet, si cette presse a été aidée dans les mêmes proportions que la presse dite « citoyenne », c’est-à-dire les quotidiens ou les hebdomadaires politiques, c’est parce que la mise en œuvre d’un système coopératif permettait que la presse quotidienne puisse être distribuée dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, nous laissons mourir les quotidiens et nous continuons à aider ceux qui se portent le mieux et ont décidé de ne plus participer à ce système coopératif.

La situation des diffuseurs, dont l’amélioration était l’un des objectifs principaux des États généraux de la presse écrite, n’a jamais été aussi mauvaise. Le réseau des points de vente dont on annonçait le développement est en régression, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. Notre collègue Christian Kert déclarait hier, en Commission, que cette situation alarmante était exclusivement imputable à la situation économique et au développement d’internet. Il n’a pas tout à fait tort, mais son raisonnement est un peu court. Les éditeurs ont eux aussi une part de responsabilité. L’offre n’est pas toujours adaptée à la demande. Les journaux ne se soucient pas toujours assez du lecteur : on écrit trop souvent pour ses confrères, le pouvoir politique, le pouvoir économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc de plus de cinquante ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel. En outre, la paupérisation et la précarisation croissantes du métier de journaliste ne sauraient être sans effet sur la qualité de l’offre.

Je suis pourtant convaincu que la situation serait meilleure si le 1,2 milliard d’euros d’aides publiques consacrées chaque année à la presse avait été mieux employé et ciblé. Ainsi, le total des aides à la presse en ligne ne s’élève qu’à 20 millions d’euros ! Cela n’empêche pas que l’on se gargarise d’en faire une priorité… Des députés, issus de tous les bancs de notre Assemblée, se sont battus pour abaisser le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pesant sur cette catégorie de presse, en vain : le taux restera fixé à 19,6 %. Heureusement, Voici n’est assujetti à la TVA qu’à un taux de 2,1 %… Vous pouvez constater, avec moi, que la situation est sur certains points totalement invraisemblable !

Le développement du portage était présenté comme « la priorité des priorités ». On lui a consacré des moyens importants l’année dernière, ce qui était peu judicieux car on n’avait pas encore eu le temps d’organiser cette activité, d’où des effets d’aubaine importants pour la presse régionale. Maintenant que ce secteur est en cours de structuration, on réduit ses aides. Le portage présente pourtant un réel intérêt, notamment en raison de la mutualisation des moyens qu’il permet. Alors qu’il était considéré comme un enjeu fondamental, la situation est aujourd’hui la suivante : 43 % de la distribution se fait au numéro, 38 % par voie postale, 19 % par portage. Je rappelle que la part du portage atteint 88 % aux Pays-Bas et 60 % en Allemagne. Nous savons tous que le développement de la presse passe par une augmentation de l’aide au portage. Il n’en sera rien. En revanche, nous allons continuer à aider, dans des proportions considérables, la distribution par voie postale. Cette situation est très inquiétante.

Enfin, les États généraux de la presse écrite devaient déboucher sur une profonde réforme des aides à la presse, appelée de ses vœux par le Président de la République. Le ministre chargé de la culture et de la communication a mis en place à cet effet une « instance de concertation » – vous remarquerez, mes chers collègues, que notre présence dans cette structure était sans doute inconvenante puisque nous n’y avons pas été conviés. Après les constats alarmants établis par les missions confiées à l’Inspection générale des finances et à M. Aldo Cardoso sur l’efficacité des aides à la presse, qui appelaient une action de grande ampleur, nous voilà donc sauvés : sur 1,2 milliard d’euros, 30 millions d’euros seront concernés par la réforme des aides à la presse. Ladite réforme consiste à fusionner deux fonds, qui n’étaient distincts que pour des raisons d’affichage, en un seul fonds, qui comportera autant de sous-sections qu’en avaient les deux anciens fonds fusionnés… Vive la révolution !

Sont également annoncées des mesures d’amélioration de la gouvernance des aides, qui constituent le seul point positif de ce budget. Nous avons en effet obtenu quelque chose d’extraordinaire : les montants des aides attribuées à chaque bénéficiaire seront rendus publics – c’est du moins ce que l’on nous annonce ; nous verrons dans un an si cette mesure est appliquée. Jusqu’à présent, il nous était soutenu qu’une telle publicité était impossible au regard du secret des affaires. Le rapporteur pour avis que je suis n’a pas pu, l’année dernière, avoir communication de ces montants ! Je vous livre néanmoins quelques chiffres : l’aide attribuée à France Soir s’élève à 0,50 euro par numéro, soit 50 % du chiffre d’affaires de ce titre ; celle octroyée à Libération est de 0,09 euro par numéro. Voilà des aides attribuées avec bien du discernement…

J’en viens maintenant à l’Agence France-Presse (AFP). La présente législature aura été jalonnée par une succession d’annonces et de propositions discutées et discutables, présentées systématiquement comme des priorités incontournables sur la base d’arguments plus ou moins clairs et convaincants. Il en résulte aujourd’hui une situation de malaise et de blocage d’autant plus regrettable que certaines questions devraient pouvoir être abordées de manière consensuelle. Il en résulte également une réelle incompréhension, non seulement entre la direction et les salariés, mais aussi, parfois, entre l’Agence et ses clients.

Pour sortir de l’impasse, j’estime qu’il convient de bien distinguer les vrais enjeux des fausses priorités. Oui, une réflexion sur la gouvernance est nécessaire, de même que sur le statut et les relations financières entre l’État et l’Agence. Oui, c’est tout de suite qu’il faut assurer la stabilité du président-directeur général. Celui-ci ne peut être nommé pour trois ans et changer au même rythme que les ministres chargés des sports – vous voyez bien que cela n’est pas très sérieux. Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, la situation de l’Agence ne pourra que s’aggraver. L’AFP n’est pas une officine chargée de diffuser des communiqués successifs, comme l’a cru M. Frédéric Lefebvre lorsqu’il était encore député. Elle n’est pas non plus la voix officielle de la France. En revanche, elle doit être une voix par laquelle la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de nos frontières.

Comme toutes les agences, l’AFP doit faire face au bouleversement du numérique. Elle ne pourra survivre ni à l’inertie, ni à l’immobilisme. Mais elle doit conserver un regard alternatif par rapport aux autres agences et refuser l’uniformisation.

En conclusion, je soulignerai qu’il faut veiller à ne pas céder à la tentation de diaboliser internet. Internet appartient à tous, comme la culture. Méfions-nous donc des tentatives d’en restreindre l’accès. La frustration face aux « chambardements » en cours ne sert à rien, surtout si l’on continue de proposer des contenus et des produits du XIXe siècle. Pour offrir la meilleure expérience dans une société de l’interaction, les médias devront réconcilier la dynamique sociale offerte par internet et des contenus de qualité. Ils devront préserver ce qui fait leur force : leur capacité reconnue pour enquêter sur des terrains difficiles et vérifier l’information. Ils restent récipiendaires d’une certaine confiance. Pour combien de temps ? Nous n’en sommes qu’au tout début de cette révolution de l’information et personne ne sait – du moins, pas moi – où elle nous mènera.

M. Christian Kert. L’analyse des propos des deux rapporteurs pour avis est malaisée : partant d’un bon constat, ils n’en tirent pas toujours les bonnes conclusions.

Concernant l’audiovisuel, Mme Martine Martinel a établi un bilan intéressant mais, me semble-t-il, un peu sévère. La philosophie générale de son rapport devrait consister à étudier comment France Télévisions répond aux exigences qui lui ont été fixées par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Il me semble que tant l’ancienne équipe de direction que l’actuelle ont bien tenu compte de l’esprit de la réforme : créer une société unique soumise à un certain nombre d’obligations que seul le service audiovisuel public peut assumer en termes de commandes, de création et de production audiovisuelles, de régionalisation, y compris ultramarine, des programmes, ou d’accessibilité de ceux-ci aux personnes handicapées. Nous devons être conscients que ces obligations induisent une charge financière qui peut avoir un impact sur les autres missions que le groupe doit accomplir. En tant que législateurs, nous ne pouvons faire l’économie de cette réflexion. Là réside le défaut dans la « cuirasse » de l’argumentation de Martine Martinel, à laquelle je souhaiterais par ailleurs poser deux questions.

En premier lieu, vous avancez que d’après M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, les prévisions de recettes publicitaires inscrites dans le COM de France Télévisions auraient été établies comme si la publicité était maintenue ; cela me paraît impossible, puisque la suppression de la publicité en soirée a été décidée il y a déjà deux ans. Madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous revenir sur ce point ?

En second lieu, je partage votre analyse concernant l’absence de politique pour se doter d’une chaîne de télévision consacrée à la jeunesse. Il faut d’ailleurs savoir ce que l’on entend par « jeunesse ». Comme vous, j’estime que France 4 n’a pas su, pour l’instant, trouver son identité. On nous dit que cette chaîne est destinée aux personnes âgées de 15 à 40 ans. Cela ne veut, en réalité, pas dire grand-chose : je pense en effet qu’entre les deux extrêmes de cette fourchette d’âge, les besoins télévisuels sont différents. Qu’est donc une chaîne dédiée à la jeunesse ? Est-ce Gulli, à destination des enfants, ou bien une chaîne ciblant les jeunes âgés de 15 à 25 ans, choix qui semble partagé par un certain nombre de diffuseurs européens ? France 4 ne peut pas tout faire, il lui faut choisir le concept qu’elle développera.

S’agissant du constat dressé par Martine Martinel sur l’audiovisuel extérieur, je signale que nous allons tenter, M. Didier Mathus et moi-même, de proposer des orientations dans le cadre de la mission d’information commune avec la Commission des affaires étrangères. L’analyse de la rapporteure pour avis sur France 24 peut être partagée, même si elle me semble un peu sévère quant à l’appréciation qu’elle porte sur les personnes. Il est vrai que le contexte est mouvant et complexe, caractérisé par une concurrence très importante, et que France 24 est entrée tardivement sur le marché. Il ne faut en outre pas confondre la mission de cette chaîne avec celle de TV 5 Monde – ainsi, notre collègue Bernard Debré qui souhaitait regarder un programme d’information aurait sans doute dû sélectionner France 24 plutôt que TV 5 Monde qui privilégie les programmes ludiques. En tout état de cause, notre mission d’information, dont est d’ailleurs membre Mme Martine Martinel, aura à mener une réflexion approfondie sur cette question.

J’en viens maintenant au rapport de M. Michel Françaix. J’ai effectivement déclaré que le contexte actuel était particulier, ce qui ne tient d’ailleurs pas qu’à internet : alors que pendant une vingtaine d’années, existait une concurrence entre titres de la presse papier, cette concurrence s’est maintenant déportée, sur le marché publicitaire, avec la presse en ligne mais aussi les journaux gratuits. Je partage le sentiment du rapporteur pour avis : nous devons, lors de nos débats, garder constamment cette mutation à l’esprit. Il ne faut évidemment pas diaboliser internet ; nous devons en revanche aménager tant le secteur de la presse écrite que celui de la presse en ligne car nous tenons tous au maintien d’une presse écrite qui devra sans doute évoluer pour privilégier les analyses plutôt que l’immédiat, traité sur internet.

S’agissant de l’AFP, je tiens à souligner qu’existent, en interne, des freins importants au changement, qui sont peu comparables avec ce qui existe dans d’autres entreprises. Il faut malheureusement en tenir compte dans nos analyses.

M. Patrick Bloche. Je tiens à remercier notre rapporteure pour avis Martine Martinel pour son excellent travail qui permet de faire le bilan des deux réformes engagées dans le domaine de l’audiovisuel par la majorité actuelle : celle, en 2008, de l’audiovisuel extérieur et celle, en 2009, de France Télévisions. Force est de constater que ces deux réformes sont des échecs patents. La mise de France Télévisions sous une double dépendance politique et budgétaire nous conduit à nous inquiéter aujourd’hui de ses besoins de financement et de la pérennité de ses moyens. Je ne reviendrai pas sur notre opposition au mode de désignation du président du groupe, que vous connaissez bien. En revanche, j’aborderai plus précisément la question du financement de l’audiovisuel public. Celui-ci devrait disposer de ressources dynamiques pour affronter la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT), qui représente 38 % des audiences, et celle d’internet, fort justement évoquée par Martine Martinel et Michel Françaix. Les écrans connectés sont déjà une réalité. Alors que les opérateurs privés tels que Canal Plus, TF1 et M6 se préparent à résister à Google TV, Apple TV ou Netflix, l’audiovisuel public constate, pour sa part, semaine après semaine, sa baisse d’audience et son manque de marge de manœuvre.

Le mauvais coup qui se prépare visant à systématiquement « raboter » les surplus et des recettes publicitaires dynamiques est donc, selon moi, une mauvaise démarche. Avec la suppression de la publicité en soirée, France Télévisions voit ses marges de manœuvre restreintes ; je ne crois pas qu’il soit de bonne politique d’être ainsi « au taquet ». En outre, dans le rapport dynamique que l’État actionnaire entretient avec France Télévisions, il aurait tout à fait été possible de prévoir une discussion entre les deux parties en cas de surplus, par exemple pour l’affecter au développement du numérique. On a bien vu, dans le COM établi pour la période 2011-2015, que les sommes mobilisées en sa faveur étaient largement insuffisantes compte tenu de l’enjeu et du retard accumulé par France Télévisions, notamment en matière de télévision de rattrapage. Aucune décision n’a été prise en ce sens.

Je ne reviendrai pas sur le COM de France Télévisions qui a été bâti sur une hypothèse fausse : les recettes publicitaires n’atteindront jamais 450 millions d’euros en 2015 ; elles s’établiront, au mieux, à 400 millions d’euros, surtout dans le contexte économique et social actuel.

Enfin, que dire de la bombe à retardement que constitue la disparition de la contribution de la taxe sur les opérateurs de télécommunications au financement de France Télévisions, pour compenser le manque à gagner en termes de recettes publicitaires ? Elle conduira l’État à rembourser une somme évaluée à 1,3 milliard d’euros – c’est-à-dire les sommes indûment perçues auprès des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès à internet, et les intérêts. Des nuages menaçants s’amoncellent donc sur l’avenir financier de France Télévisions.

Je souhaite par ailleurs remercier Michel Françaix pour son rapport dynamique qui a bien mis en perspective les enjeux de la presse face à la révolution numérique. Je regrette vivement que n’ait pas été adopté l’amendement dont il était premier cosignataire – notre collègue Patrice Martin-Lalande avait déposé un amendement comparable – pour aligner le taux de la TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, à 2,1 %. Les explications de la ministre Mme Valérie Pécresse sur ce point mériteraient d’ailleurs d’être relues tant elles étaient savoureuses, si l’avenir de la presse en France n’était pas si sombre !

Je tiens à saluer la justesse des propos du rapporteur pour avis concernant l’AFP et la nécessité d’associer tous les intéressés à sa réforme.

Je terminerai en évoquant l’audiovisuel extérieur de la France, seconde réforme ratée du quinquennat. Notre mission d’information doit, je pense, reprendre ses travaux pour dresser le constat lucide qui s’impose, notamment sur la gouvernance, afin d’assurer l’avenir de l’ensemble des salariés de France 24 et RFI, sans oublier TV 5 Monde qui doit sans doute gagner en autonomie.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Il me semble utile de préciser que la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France reprend ses auditions le jeudi 3 novembre au matin, et entendra le ministre des affaires étrangères le jeudi 17 novembre, comme le demandaient ses membres, l’examen et le vote du rapport et de ses conclusions intervenant ultérieurement.

M. Marcel Rogemont. Il est important en effet de s’intéresser à l’audiovisuel extérieur de la France et les propositions de Martine Martinel d’un rapprochement entre France 24 et France Télévisions et entre RFI et Radio France, tout en conservant la singularité de TV5 Monde, me semblent tracer une perspective intéressante.

S’agissant de la presse, après le souhait exprimé par les États généraux de « réenchanter la presse », je crains que ce ne soit le désenchantement qui soit au rendez-vous. La situation de la presse quotidienne en France tourne à la catastrophe, probablement en raison notamment d’un mauvais ciblage des aides publiques. Ainsi, sur 1,2 milliard d’euros, près de la moitié vont à La Poste. Le plan qui nous a été proposé de réforme des aides à la presse s’appuie sur la création annoncée d’un fonds, qui pour l’instant ne change rien, et d’une conférence annuelle des éditeurs de presse qui est une bonne initiative pour autant qu’elle dispose des moyens nécessaires à l’évaluation et à la transparence des aides.

La presse citoyenne, pour reprendre les termes de notre rapporteur, me semble davantage aidée par le soutien au portage qui, à 95 %, aide directement la presse quotidienne régionale ou nationale, contrairement aux aides versées en application des accords avec La Poste qui bénéficient surtout aux magazines et à la presse professionnelle. Cette dernière, notamment la presse d’entreprise, uniquement servie par abonnement, est ainsi subventionnée à 100 %, ce qui ne manque pas de poser question. Or, alors qu’un effort doit être fait en matière de portage, les crédits qui lui sont consacrés passent de 67,9 millions d’euros à 45 millions d’euros.

Face au défi du numérique, notre rapporteur souligne que ne sont dégagés que 20 millions d’euros de crédits. Il ne s’agit, dès lors, au mieux que de préparer une priorité pour demain et non de la considérer comme actuelle… Or il y a urgence, notamment sur les kiosques numériques. Face à ceux que propose Apple, imposant une commission de 30 % sur toutes les transactions, d’où l’absence complète des quotidiens nationaux français, des initiatives sont nécessaires, comme celle qui se développe pour la presse quotidienne régionale. À défaut, l’avenir même de la presse française est en cause.

S’agissant enfin de l’AFP, l’incertitude est complète, tant en termes de financements durables, ce qui la rapproche d’ailleurs de France Télévisions, que de management. Je remercie donc Michel Françaix pour son excellent rapport sur toutes ces questions.

Mme Marie-George Buffet. L’audition du ministre de la culture et de la communication hier m’a déjà permis de m’exprimer sur les questions de la presse, mais je voudrais souligner, en approuvant le rapport de notre collègue Michel Françaix, la gravité de la situation. J’ai rencontré les salariés de France Soir, vous connaissez la situation de La Tribune, il est urgent de réorienter les aides vers les titres nationaux ou régionaux qui connaissent des difficultés, au risque sinon de les voir disparaître avant même l’examen de la prochaine loi de finances.

S’agissant de l’AFP, nous avons eu des auditions sur une réforme inexpliquée puis une proposition de loi a été déposée au Sénat ; la situation semble maintenant en attente de projets dont la préparation, si elle est toujours en cours, échappe complètement à la concertation avec les personnels de l’Agence et leurs représentants.

Je remercie Mme Martinel pour la clarté et le courage de la partie de son rapport consacrée à l’audiovisuel extérieur de la France. Je pense également que la solution serait de rapprocher France 24 de France Télévisions et RFI de Radio France, parallèlement à une autonomie de TV5 Monde. Les dysfonctionnements de l’audiovisuel extérieur nous étaient expliqués par l’incompatibilité du duo dirigeant, or depuis le départ de Mme Christine Ockrent, il ne semble pas que la situation se soit améliorée. La raison en est que la réforme elle-même s’est faite sans que soient définis les objectifs et le rôle de chacune des entités de l’audiovisuel extérieur, RFI ou France 24. S’y sont ajoutés de graves problèmes de gestion dont des plans sociaux et des déménagements très coûteux. Ce serait inimaginable dans une entreprise privée. On peut s’étonner que les ministères de tutelle s’en soient aussi peu alarmés. Enfin, la gestion des personnels est déplorable et lorsque j’évoque leur souffrance, non seulement à RFI mais aussi à France 24 où les départs se multiplient, le ministre me répond, comme hier soir encore, que la situation est rétablie. Ce n’est pas vrai, rien ne marche dans l’AEF, il est essentiel d’entendre ce que dit notre rapporteure à ce sujet. J’espère également que la mission qui lui est consacrée, dont les travaux vont reprendre – ce dont je me félicite – puisse déboucher sur des conclusions permettant la mise en place d’un véritable audiovisuel extérieur de la France.

M. Michel Herbillon. La tonalité du rapport de notre collègue Martine Martinel m’a un peu surpris. Elle nous a habitués à un jugement pondéré, sensible et fin, or nous nous trouvons là devant des jugements péremptoires, dans un rapport certes intéressant, mais au vitriol sur l’ensemble des questions traitées.

Il en est ainsi de son bilan très négatif de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, jugement que je respecte tout en lui faisant remarquer que les Français, pensent exactement l’inverse. On peut estimer avoir raison contre le peuple, mais un parlementaire doit, me semble-t-il, tenir compte de l’opinion des Français dont beaucoup apprécient que leur soirée télévisuelle débute à 20 heures 35, de disposer d’une deuxième partie de soirée et d’être dispensés des tunnels publicitaires.

Ce jugement n’est pas davantage partagé par un certain nombre d’entre nous, y compris parmi les membres de l’actuelle opposition, chantres en leur temps de la suppression de la publicité, je tiens les citations à votre disposition.

J’ai le même étonnement devant la partie du rapport touchant l’audiovisuel extérieur de la France, qui comporte en outre une séquence « vintage », nous reportant trente ans en arrière au congrès de Valence : « il ne suffit pas de dire que les têtes doivent tomber, il faut dire lesquelles et quand ». Nous avons aujourd’hui la réponse pour M. de Pouzilhac, même si manque pour le moment la date de l’exécution, le rapport se contentant de demander sa révocation. Il ne me semble pas qu’il soit du rôle d’un rapport parlementaire de proposer de telles conclusions. Je crains qu’en l’espèce ne s’applique l’adage : trop de critiques tuent la critique. L’AEF fait l’objet d’une mission d’information, laquelle n’a pas interrompu ses travaux, et de toute notre attention, il mérite mieux qu’un commentaire aussi radical. J’attends des propositions concrètes, par exemple sur le rapprochement entre l’AEF, TV5 Monde et Euronews. Ce rapport sera sans doute une contribution à la réflexion de notre mission à laquelle appartient d’ailleurs Mme Martinel. Si je partage son regret de l’absence de contrat d’objectifs et de moyens et de vision claire de la politique financière, il me semble dommage qu’on préempte ainsi les conclusions à venir de la mission.

Le rapport de M. Michel Françaix est beaucoup plus modéré ; j’en relève en particulier, concernant l’AFP, la dernière phrase, toute de finesse : « En tout état de cause, le rapporteur pour avis estime qu’un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter, comme le statut de 1957, d’un compromis entre toutes les forces politiques de la Nation. » Nous sommes touts attachés, bien sûr, à ce qu’une réforme, si elle doit se faire, soit consensuelle. Mais peut-il nous dire ce qu’il préconise finalement pour l’AFP ?

Je pense enfin que le portage est une très bonne initiative et je regrette par conséquent que les crédits qui lui sont destinés soient diminués.

Mme Monique Boulestin. Ces deux rapports me sont apparus aussi clairs que sont préoccupantes les situations qu’ils examinent. La réforme de l’audiovisuel public, comme le souligne Martine Martinel dans son rapport, montre que les inquiétudes que nous avions au moment de l’adoption de la loi étaient fondées, qu’il s’agisse de la précarisation des ressources avec la suppression de la publicité après 20 heures, de la remise en cause de l’indépendance éditoriale par la nomination et en conséquence la révocation du président de France Télévisions par le Président de la République, de l’indépendance remise en cause par des budgétaires annuels, de son impact sur les programmes ou enfin des conséquences de la création d’une société unique sur les conditions de travail.

La présentation par Michel Françaix de la réforme des aides à la presse à la suite du rapport de la mission Cardoso me conduit à lui demander quelles recommandations de la mission devraient être, selon lui, impérativement mises en œuvre. Je souhaiterais également avoir des précisions sur l’insuffisante mutualisation des réseaux de distribution de la presse quotidienne régionale qu’il a relevée.

M. Jacques Grosperrin. Je félicite nos rapporteurs de leur travail, même s’il me semble que la situation n’est pas aussi sombre que leur emploi très fréquent des mots « échec » et « difficultés » tendrait à le montrer.

L’insuccès de la mission confiée à M. Bruno Frappat et qui devait réunir l’ensemble de la presse conduit Michel Françaix à suggérer le respect d’un code de déontologie comme condition au bénéfice des aides de l’État : quelle pourrait en être la forme, alors que le développement d’internet tend à rendre le respect de telles dispositions assez compliqué ?

Mme Martine Faure. Je remercie Mme Martinel pour la précision et la lucidité de son rapport et suis en complet désaccord avec les critiques qui lui ont été faites, comme je félicite M. Françaix pour la force et la clarté du sien. Je ne poserai pas de questions mais je reprends à mon compte les remarques de Martine Martinel, en particulier sur la publicité après 20 heures, qui n’a pas donné les résultats attendus alors que la rigueur budgétaire à laquelle nous sommes soumis rend de simple bon sens le retour des recettes ainsi perdues. S’agissant de la chaîne « jeunesse », la constatation du désintérêt du public ne doit pas nous y faire renoncer, à nous de proposer aux jeunes, plutôt de 12 à 25 ans d’ailleurs que de 15 à 40 ans, un rendez-vous attractif et de qualité.

Mme Valérie Fourneyron. Je remercie également nos deux rapporteurs pour la qualité, la lisibilité et la précision des rapports qu’ils nous présentent sur les sujets qu’ils ont choisi d’aborder. Ma question s’adresse à Michel Françaix : a-t-il pu, au cours de ses auditions, apprécier l’avenir du groupe Hersant Média, dont la dette est estimée à près de 300 millions d’euros et qui compte aujourd’hui en France, y compris en outre-mer, 27 journaux. Or, il serait cédé à la holding belge Rossel. Les inquiétudes pour la presse quotidienne régionale, dont Paris Normandie, sont fortes pour les territoires concernés comme pour les salariés du groupe.

Mme Françoise Imbert. Madame la rapporteure, vous avez évoqué dans votre rapport la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, cela me semble en effet primordial. La sécurité de l’exploitation des archives fait-elle toujours partie des priorités de l’Institut national de l'audiovisuel (INA) et dispose-t-il des moyens pour l’assurer ?

M. Jean Ueberschlag. M. Michel Françaix écrit notamment dans son rapport que la diffusion des titres les plus aidés est en recul, alors que l’on constate de nouveau en France une tendance à la concentration des titres. Or, cette problématique ne me semble pas abordée dans votre rapport. Quelle est votre position sur cette question et sur la constitution de ces nouveaux monopoles, à laquelle il pourrait être répondu, me semble-t-il, par une modulation des aides de l’État ?

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Michel Françaix a-t-il pu faire un point, à la suite de ses auditions, sur la réforme du Conseil supérieur de messageries de presse, même si elle est encore très récente, puisque nous l’avons votée au mois de juillet dernier ? Comme lui, je regrette totalement la diminution des aides de l’État au portage qui me semble une erreur.

M. Jean-Luc Pérat. Je félicite nos rapporteurs pour leurs rapports « poil à gratter », ce qui est le rôle même d’un rapport. Mes observations s’adressent à Mme Martine Martinel. La place de France 3 dans le dispositif de France Télévisions s’appuie sur la volonté de renforcer son image et son identité régionales, ce qui me semble capital en effet. À cet égard, l’augmentation de 20 % de l’offre régionale dans l’offre de France 3 destinée aux territoires et qui s’adresse notamment à des populations d’un certain âge peut-elle être précisée ? Il importe que les références de proximité y soient préservées et que soit renforcée la qualité de la chaîne par le développement de la haute définition, par respect pour les territoires et les spectateurs de la chaîne qui leur est consacrée. ARTE, que j’ai découverte depuis quelque temps, comporte une dimension pédagogique qui me semble particulièrement intéressante et qu’on pourrait développer davantage. ARTE junior à cet égard peut proposer des programmes remarquables et de qualité. Il conviendrait de réfléchir à des créneaux horaires plus adaptés à un large public, notamment aux jeunes.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Françoise Imbert m’a interrogée sur l’INA. Je vous renvoie à mon rapport : ses moyens en 2012 s’élèveront à 93,9 millions d’euros, pour assurer la sécurité de l’exploitation des archives, lutter contre l’obsolescence des supports, consolider l’activité de formation continue ou encore agir en faveur de l’insertion des diplômés. Cette institution me paraît accomplir correctement ses missions.

M. Jean-Luc Pérat a évoqué ARTE. Je me félicite de la progression de 7,8 % de ses moyens. L’analyse de M. Pérat concernant les actions de la chaîne en direction de la jeunesse et les changements d’horaire de ses programmes correspond en tout point aux propos tenus par Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, lorsqu’elle a été auditionnée il y a une quinzaine de jours. Je pense que nous pouvons être rassurés quant aux intentions et à l’action de cette femme remarquable.

Concernant France 3, je me félicite des projets en cours mais ils restent imprécis. J’observe avec inquiétude un certain manque de clarté des indicateurs qui ne m’ont pas permis de m’attarder davantage sur cette question à laquelle l’ensemble de la représentation nationale accorde de l’importance. Je souligne par ailleurs que France 3 sera, comme cela avait été précisé par M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, la dernière chaîne du groupe à être diffusée en haute définition, ce que l’on peut regretter.

M. Christian Kert a rappelé les missions qui incombent à France Télévisions. Je suis évidemment sensible, comme vous tous, à la nécessité d’assumer des obligations de service public, notamment en termes de régionalisation des programmes, de création, d’accessibilité des programmes aux handicapés ou de développement du numérique. Je ne fais pas, dans mon rapport, le procès de France Télévisions : je me suis bornée à émettre des remarques constructives. Je suis naturellement convaincue de l’importance des missions de service public de la société. Je pense avoir évoqué la problématique de leur financement dans mon rapport. Et c’est précisément parce que j’ai conscience des obligations particulières qui pèsent sur France Télévisions que je regrette l’instabilité stratégique et financière qu’a entraînée pour le groupe la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision dont M. Christian Kert était rapporteur.

S’agissant de l’insincérité de la trajectoire financière sur laquelle est bâti le COM, selon les propos qui m’ont été tenus par la Direction du budget et M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, elle a été établie comme si la publicité en journée ne devait pas être supprimée en 2016, alors que le Gouvernement s’est opposé à cette solution lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 – je rappelle d’ailleurs que nous avions alors déposé des amendements pour maintenir la publicité en journée et que le Gouvernement y a été défavorable. La trajectoire financière ne prévoit donc pas de diminution des recettes publicitaires en 2014 et 2015, ce qui se produira pourtant fatalement si la publicité est supprimée en 2016. J’ajoute que lors de son audition, M. Philippe Santini a confié ne pas avoir été consulté sur les perspectives d’évolution des recettes publicitaires… On aura donc établi une trajectoire de recettes publicitaires sans même consulter la régie publicitaire du groupe.

Concernant l’absence d’une chaîne consacrée à la jeunesse, Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes et directrice de France 4, a reconnu que l’offre de programmes en direction de ce public n’était pas satisfaisante et que les enfants se tournent plus volontiers vers des chaînes dédiées. Cela est fort dommage, la France disposant d’une industrie de l’animation exceptionnelle.

Je répondrai maintenant à Michel Herbillon qui a salué ma « douceur » et ma « finesse » mais s’est déclaré interloqué et troublé par mon ton péremptoire. Je pense que les rapports parlementaires n’offrent d’intérêt que si on y prend position sans se contenter « d’eau tiède ». J’ai donc préféré vous livrer ma réflexion, étayée par des éléments précis et de données chiffrées, plutôt que de tenir des propos visant le consensus alors que la situation de France Télévisions et de l’AEF est très problématique et fait largement débat. Par ailleurs, nous avons rendu les têtes Maori, je ne vais pas réclamer celle de M. Alain de Pouzilhac…

M. Michel Herbillon. Vous avez déclaré qu’il fallait le révoquer ! Vous avez simplement omis de nous préciser la date de l’exécution en place de Grève…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. J’ai simplement jugé que si les informations indiquées par M. Alain de Pouzilhac lui-même lors de son audition étaient confirmées par l’exécutif – je rappelle qu’il a mis en cause le rapport de l’Inspection générale des finances qui l’accusait de « truquer » des données –, il ne mérite pas d’être maintenu à son poste. Le départ de nombreux salariés de l’AEF et le vote d’une motion de défiance à l’encontre de M. de Pouzilhac par 85 % des personnels devraient également nous conduire à nous interroger.

Permettez-moi de citer M. Hervé Bourges, homme équanime qui n’a rien d’un coupeur de têtes. Ancien Président de TF1, de France Télévisions et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans une interview accordée au Monde le 31 mars 2011, il avait qualifié de « scandale la guerre que se livraient depuis des mois sur la place publique M. Alain de Pouzilhac, PDG de la holding, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée. Désavoués, de plus, par un vote de défiance de la part des salariés, ils donnent un spectacle public totalement scandaleux qu’aucune entreprise n’accepterait. Mais, bizarrement, l’État qui a nommé ces deux dirigeants tolère cette situation. Or, il aurait fallu trancher ce conflit depuis longtemps avant qu’il ne s’envenime. On ne peut s’abriter derrière de petits arrangements politiques. Il faut tourner la page et repartir sur de bonnes bases. La seule solution serait de nommer de nouveaux responsables. (…) Ils ont failli et, aujourd’hui, ils n’ont plus la capacité d'exercer leurs responsabilités. On peut être une grande journaliste ou un excellent homme de communication, mais un piteux manager. J’ajoute, qu'à l’étranger, cette situation donne une image déplorable de la France. Personne ne comprend que l’on puisse étaler sur la place publique des querelles domestiques d’une telle violence sans que l’État y mette fin. » Je pense que ces propos permettent de souligner que d’autres personnes respectables et nuancées ont pu partager mon point de vue.

J’en viens à la question de la suppression de la publicité. Michel Herbillon a contesté mon analyse selon laquelle celle-ci avait accéléré l’érosion de l’audience de France Télévisions, ainsi que le vieillissement de son public – constat sur lequel est d’ailleurs fondé le COM de la société. Michel Herbillon a pour sa part évoqué la « satisfaction » des Français. Ces derniers sont alors vraiment curieux : ils sont tellement satisfaits qu’ils regardent de moins en moins les chaînes du groupe. Le même constat sur la nouvelle stratégie éditoriale a été dressé par l’ensemble de la presse écrite, toutes tendances confondues, alors que la suppression de la publicité devait permettre une amélioration sensible des programmes.

S’agissant de l’heure de début de diffusion des programmes, celle-ci est en réalité plus tardive qu’il n’était prévu. J’ai demandé des informations précises sur ce point à France Télévisions ; elles ne m’ont pas été communiquées. Des « tunnels » ont été reconstitués avec des successions de programmes courts parrainés ; cela n’était pas prévu.

Enfin, si vous souhaitez des chiffres précis sur le volume de publicité en journée, je vous engage à vous reporter à mon avis budgétaire de l’an dernier. J’y avais notamment montré comment la dégradation des programmes en était le corollaire.

Michel Herbillon a par ailleurs regretté que je ne propose pas de synergies avec Euronews. Selon la direction de l’AEF, la difficulté de créer des synergies avec TV 5 Monde est liée à son caractère multilatéral. Or, l’actionnariat d’Euronews est lui aussi multiple et international. Un rapprochement avec France Télévisions m’apparaîtrait infiniment plus porteur de synergies. Cela étant, si M. Herbillon a des propositions concrètes à émettre sur cette question, nous serions sans doute très intéressés.

Par ailleurs, Michel Herbillon a déclaré que la mission d’information sur l’audiovisuel extérieur de la France n’avait jamais interrompu ses travaux. J’ai pourtant le sentiment inverse. Je rappelle qu’elle devait initialement rendre ses conclusions au mois de juillet.

M. Michel Herbillon. Permettez-moi, sans polémique, de préciser ma pensée : j’ai regretté que vous ayez « préempté », dans votre rapport pour avis, la question de l’audiovisuel extérieur de la France, alors même qu’existe sur ce thème une mission d’information – dont vous êtes d’ailleurs membre – qui n’a pas encore achevé ses travaux. Elle compte poursuivre ses auditions et nous aurons un échange de vues afin de parvenir à des conclusions si possible consensuelles. Nous sommes évidemment tous d’accord avec votre analyse concernant la querelle sur la place publique entre M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, et sur la nécessité de doter l’AEF d’un COM ou encore d’ajuster ses prévisions financières. Ces questions ne font pas débat. L’enjeu est de faire des propositions pour constituer un véritable pôle de l’audiovisuel extérieur de la France. Je suis donc surpris que vous présentiez des conclusions alors que la mission d’information n’a pas achevé ses travaux.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis moi aussi un peu déçue qu’on ait parlé d’interruption des travaux de la mission d’information. Nos travaux ont simplement été suspendus cet été, puis nous avons eu à siéger en session extraordinaire alors que tous les membres n’étaient pas présents. En ma qualité de présidente de cette mission, j’ai ensuite tenu, avec les deux rapporteurs, une réunion pour programmer la suite des travaux de la mission ; je rappelle que lors d’une réunion intermédiaire, des divergences étaient apparues entre les membres de la mission sur cette question. Il nous a semblé important d’auditionner le ministre des affaires étrangères dans la mesure où il souhaite exercer la tutelle sur l’audiovisuel extérieur ; nous l’entendrons le 17 novembre. Je vous rappelle en outre que nous sommes en période budgétaire, qui nous sollicite tout particulièrement, de même que le secrétariat de la Commission.

Enfin, concernant France Télévisions, je tiens à préciser que nous avons mis en place en 2010 un groupe de travail et commandé un sondage. Celui-ci a montré la satisfaction des téléspectateurs de France Télévisions s’agissant de la suppression de la publicité. Sans doute Michel Herbillon y faisait-il référence dans son propos.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Il me semble très heureux qu’il y ait débat. Je n’émets aucune critique sur la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France ni sur l’organisation de ses travaux, mais en tant que rapporteure des crédits de l’audiovisuel, c’est mon droit et même mon devoir que de m’intéresser à l’utilisation des quelque 315 millions d’euros de crédits attribués à l’AEF. Il me semble également qu’il avait été convenu avec les responsables de l’AEF qu’en attendant les conclusions de notre mission, un moratoire serait établi sur les réformes, en particulier la fusion de France 24 et RFI. Or, il n’en est rien, la fusion se prépare à marche forcée et les dirigeants de l’AEF semblent, selon moi, se soucier fort peu des travaux de la représentation nationale. Je ne sais pas si c’est une raison suffisante pour m’imaginer comme un Fouquier-Tinville en jupons, mais l’image est amusante. M. Herbillon nous fait remarquer que nous sommes tous d’accord sur les dirigeants de l’AEF, il me semble que ce n’est pas le cas. Lorsque j’ai auditionné M. de Pouzilhac, cette audition étant ouverte à tous d’ailleurs, il a tenu des propos qui indiqueraient qu’il a fourni à l’État et à l’AEF des chiffres truqués, ce qui ne me paraît pas digne d’un dirigeant de cette importance, quels que soient ses dons de communicant par ailleurs.

Mes propositions sur TV5 Monde ne me sont pas personnelles, mais sont celles d’un certain nombre de spécialistes entendus par la mission : il convient de sortir TV5 Monde de l’AEF, les dirigeants eux-mêmes de TV5 Monde comme de l’AEF conviennent qu’ils sont l’un pour l’autre un problème. Sans préjuger des conclusions de notre mission, il me semble du rôle d’un rapporteur du budget de l’AEF d’aborder cette question aussi, comme de souligner qu’il est pour le moins curieux de voter des crédits énormes pour l’AEF sans disposer d’un contrat d’objectifs et de moyens ou d’une communication cohérente sur la stratégie et encore moins sur sa situation et ses perspectives financières. Comme le remarque Mme la Présidente, à laquelle je rends hommage sur ce point, nous avons deux rapporteurs pour la mission, de tendance différente, permettant de traduire des opinions et des avis éventuellement divergents. Nous sommes tous ici défenseurs des missions de service public, ce n’est pas, je crois, être coupeuse de têtes que de le réaffirmer.

M. Christian Kert. Vous avez évoqué les longs « tunnels » de parrainage, il me semble cependant qu’il serait possible de nuancer cette affirmation depuis l’intervention de la Commission auprès de France Télévisions il y a quelques mois et qui semble s’être traduite par une diminution du nombre de passages de messages à caractère général. Une lettre, qui nous a été adressée par France Télévisions, nous précise, je crois, que leur nombre est limité à trois pour toute la soirée.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Une charte du parrainage a en effet été mise en place mais France Télévisions, qui devait nous donner des indications très précises sur l’heure de début des programmes, ne l’a pas fait tout en reconnaissant que les programmes commençaient plus tard que 20 h 35, contrairement à l’engagement pris dans la charte, du fait de ces « tunnels ». Mes constats ne sont donc pas des « extravagations », si je peux me permettre ce néologisme.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis.  Ma responsabilité était de dire que nous n’aurons pas plus de moyens pour la presse dans les quatre prochaines années qu’actuellement. Nous devons donc parvenir à de meilleurs résultats avec les mêmes aides. Je pars ainsi du principe qu’avec 1,2 milliard d’euros, c’est-à-dire beaucoup plus que dans les autres pays européens, nous devons arriver à des résultats très différents de ceux d’aujourd’hui, à condition toutefois que nous changions les schémas.

J’en viens aux trois exemples qui ont été évoqués. Il n’est effectivement pas normal que la presse nationale reçoive seulement 15 % du total des aides et que la presse récréative en perçoive pour sa part 35 %. Par ailleurs, l’aide à la modernisation correspond à 50 millions d’euros, ce qui n’est pas beaucoup si l’on met cette somme en regard du montant précité d’1,2 milliard d’euros. Il n’est pas normal qu’il n’y ait rien sur la formation et sur la valorisation des contenus en ce qui concerne un certain nombre de journaux.

S’agissant des concentrations, la vérité est que nous ne sommes pas capables de les éviter dans notre pays. Nous devrions les éviter mais nous n’y arrivons pas. La question qui se pose est de savoir s’il peut exister du pluralisme lorsqu’il y a des concentrations. Qui dit pluralisme dit chartes d’éthique et codes de déontologie. Si l’objectif des patrons de presse – qu’il s’agisse par exemple du groupe Hersant en Belgique ou encore du Crédit mutuel –, n’est pas de maintenir le pluralisme, alors il faut leur retirer les aides. Ce faisant je n’attente en rien à leurs droits. Les aides à la presse n’ont pas d’autre sens que d’être des aides à la réflexion pour les personnes qui n’auraient pas les moyens d’acheter les journaux à leur juste prix. Si le travail consistant à éclairer les citoyens lecteurs n’est pas fourni, les aides à la presse n’ont plus lieu d’être.

Mon troisième point concerne le portage. Je suis en accord avec ce qui a été dit par les uns et les autres. En 2009, des sommes considérables ont été octroyées, dont la presse régionale a bénéficié quasi-exclusivement. Nous sommes quelques uns à être intervenus pour dire qu’il fallait donner plus au portage à condition qu’il y ait une mutualisation des réseaux, c’est-à-dire que la presse régionale distribue en même temps des journaux de la presse quotidienne nationale. En effet, le but n’est pas que la presse quotidienne régionale s’en sorte seule avec le portage et que la presse nationale soit oubliée. Heureusement, nous sommes désormais sur la bonne voie. C’est pourquoi il est d’autant plus regrettable que les seules aides qui aient baissé soient celles-là. L’explication donnée par le ministre est qu’on avait beaucoup trop donné il y a deux ans, et que les montants actuels sont plus adaptés. Je prends acte de ce que le ministre reconnaît qu’il y a eu des gâchis épouvantables. Toutefois, à présent que les effets d’aubaine ont été éliminés, je pense que les aides auraient pu être maintenues à leurs niveaux antérieurs.

Pour ce qui est de l’AFP, il est vrai que le sujet est compliqué. La première chose dont il faudrait s’occuper, c’est le conseil d’administration. Le patron et les salariés sont de qualité, mais il n’y a pas de conseil d’administration au milieu. Le conflit entre ce patron de qualité et ce personnel de qualité est ainsi exacerbé. La première réforme à engager consisterait à mettre en place un conseil d’administration qui suscite l’adhésion de tous. Permettez-moi de vous rappeler que l’on était arrivé à un consensus en 1957, à une époque où le ministre en charge était François Mitterrand, le président de l’AFP, M. Jean Marin – un gaulliste, alors que Jacques Chaban-Delmas était également présent. Au lieu de cultiver les antagonismes, cultivons le consensus. Les autres débats sont intéressants, mais secondaires.

M. Michel Herbillon. Envisagez-vous de présenter une proposition de loi à ce sujet ?

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. C’est compliqué. Le problème le plus urgent est la clarification du financement de l’AFP par rapport au droit européen. Il serait nécessaire d’identifier plus clairement les missions de service public qui peuvent faire l’objet d’un financement public. J’aimerais avoir davantage d’éléments à ce sujet, mais je ne suis pas sûr d’en obtenir. En l’état, il est donc difficile d’aller plus loin.

J’en viens maintenant à la conférence annuelle des éditeurs de presse. Elle me paraît indispensable. Néanmoins, elle n’a d’intérêt que si elle ne se réduit pas à des États généraux permanents ni à un lieu de pleurs et de réclamations. Par ailleurs, il ne serait pas incongru que quatre ou cinq parlementaires y participent. C’est en effet là que l’on discute de l’argent appelé à être dépensé.

Je terminerai sur une note optimiste concernant la transparence. J’espère avec confiance que celui qui sera rapporteur l’année prochaine connaîtra avec exactitude le montant des aides accordées à chaque journal.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le rapporteur, de la même façon que Mme Martinel, je suppose que vous émettez un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Je crains que ce ne soit le cas, Madame la présidente.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) – M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur

Ø M. Patrick Eveno, professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne en histoire des médias

Ø Association de la presse étrangère – M. Gideon Kouts, président

Ø Agence des participations de l’État (APE) – M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l’État et M. Alexis Kholer, sous-directeur transport audiovisuel

Ø France soir – M. Alexandre Pugachev, président et directeur de la publication

Ø Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) – M. Jean Viansson Ponté, président, et Mme Haude d’Harcourt, conseillère chargée des relations avec les pouvoirs publics

Ø M. Bertrand Eveno, ancien président-directeur général de l’Agence France Presse

Ø Le Monde – M. Louis Dreyfus, président du directoire

Ø Direction du budget – Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice

Ø Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) – M. Maurice Botbol, président d’Indigo publications, M. Laurent Mauriac, membre de rue 89, et M. Edwy Plenel, secrétaire général de médiapart

Ø Syndicat de la presse magazine (SPM)M. Rik de Nolf, président, président-directeur général du groupe Express-Roularta

Ø M. Bruno Mettling, chargé d’une mission sur l’efficacité des aides à la presse, directeur exécutif de France Télécom

Ø Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS) – M. Christian Bruneau, président, M. Jean-Michel Huan, directeur général, et Mme Marianne Bérard-Quélin, vice-présidente

Ø Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication (CGMIC) Mme Laurence Franceschini, directrice générale, et Mme Sylvie Clément Cuzin, directrice de la presse écrite

Ø Lagardère active – M. Bruno Lesouëf, directeur général des publications

Ø Agence France Presse (AFP) – M. Emmanuel Hoog, président, M. Rémi Tomaszewski, directeur général, et M. Philippe Massonnet, directeur de l’information

Ø M. Frédéric Filloux, auteur d’un rapport sur la réforme de l’Agence France Presse

Ø Syndicat national des journalistes (SNJ) – Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe Capdevielle, secrétaire, représentant au comité d’entreprise, Mme Joëlle Garrus, journaliste, déléguée du personnel, Mme Katell Prigent, journaliste, déléguée du personnel, et M. François Bougon, membre du bureau de la section syndicale

Ø Intersyndicale de l’AFP

– Confédération générale du travail (CGT)Mme Maria Carmona, journaliste, déléguée syndicale, et M. Philippe Faye, ouvrier des transmissions, secrétaire du comité d’entreprise

– Force ouvrière (FO) M. Jean-Pierre Rejeté, journaliste, délégué syndical

– Syndicat national des journalistes (SNJ) M. Fabrice Randoux, journaliste, délégué syndical

– SUD M. David Sharp, journaliste, représentant du personnel au comité d’entreprise

Ø Cabinet du ministre de la CultureM. Vincent Peyregne, conseiller presse

Ø M. Henri Pigeat, ancien président-directeur général de l’Agence France Presse

Ø M. Michel Muller, auteur du rapport Garantir le pluraliste et l’indépendance de la presse quotidienne pour assurer son avenir, Conseil économique et social, Paris, 2005

Ø Bayard Presse – M. Georges Sanerot, président du directoire, M. Arnauld de La Porte, administrateur général de La Croix, et M. Hubert Chicou, directeur général, administrateur de Presstalis et président de la coopérative de distribution des magazines

Ø Syndicat des journalistes de l’Agence France Presse – M. Olivier Baube, président

Ø Libération – M. Philippe Nicolas, coprésident du directoire

Ø Presstalis – Mme Anne-Marie Couderc, présidente du conseil d’administration, et M. Stéphane Bribard, directeur des relations extérieures et institutionnelles

Ø Neopress – M. Stéphane Sentis, président, et Mme Simone Sampieri, directeur des activités presse au groupe La Poste

Ø M. Jean-Claude Charon, sociologue, spécialiste des médias

Ø Association de défense de l’indépendance de l’Agence France Presse (ADIAFP) – M. Jean-Michel Cadiot, président, et M. Samir Douaihy, membre du conseil

Ø Instance de concertation destinée à définir les modalités de mise en œuvre de la nouvelle gouvernance des aides publiques à la presse – M. Roch-Olivier Maistre, président

Ø Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) – M. Marc Feuillée, président, et M. Denis Bouchez, directeur

© Assemblée nationale

1 () Les sites internet de ces publications sont en revanche éligibles au fonds d’aide au développement des services de presse en ligne.

2 () Presse IPG non hebdomadaire (mensuels comme Le Monde Diplomatique) ; presse IPG illustrée (Paris Match) ; titres satiriques (Canard Enchaîné, Charlie Hebdo...) et presse IPG locale non hebdomadaire (n’entrant pas dans la PHR).

3 () IGF, analyse de l’efficacité des aides à la presse, décembre 2009.

4 () Patrick Le Floch, Bilan des 10 ans du FDM, étude commandée par la DGMIC, IEP de Rennes, 31 janvier 2010.

5 () Si le fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger est abrogé en 2012, les crédits favorisant la diffusion de la presse française à l’international, intégralement maintenus, sont répartis pour une part vers le fonds stratégique pour le développement de la presse, et pour une autre part vers une deuxième section, nouvellement créée, de l’aide à la distribution de la presse.