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N° 3806

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME VIII

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Olivier JARDÉ,

Député.

___

Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 33).

INTRODUCTION 5

I.- LES PROGRAMMES RECHERCHE DE LA MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES) : UNE PRIORITÉ POLITIQUE DE LA LÉGISLATURE 6

A. DES ENGAGEMENTS PRIORITAIRES TENUS DEPUIS CINQ ANS 6

1. La loi de programme de 2006 et le redressement des dépenses de R&D 6

2. Les investissements d’avenir 12

B. LES MOYENS DE LA RECHERCHE EN 2012 18

1. Les crédits budgétaires 18

2. L’emploi scientifique public 22

II.- L’ÉVOLUTION DES PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES) ET DE LEUR RÔLE DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE 27

A. LES PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES) 27

1. Le cadre naturel du rapprochement entre enseignement et recherche ? 27

2. Deux approches de terrain, le PRES UniverSud-Paris et le PRES Sorbonne Universités 29

B. UNE STRUCTURE TRANSITOIRE ? 33

1. Des rapports critiques mais ouverts 33

2. Fusion, transition, adaptation, quelles perspectives ? 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

AUDITION DU MINISTRE 41

EXAMEN DES CRÉDITS 59

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 75

INTRODUCTION

Le financement des programmes et actions « recherche » de la « mission recherche et enseignement supérieur » (MIRES) traduit, depuis cinq ans, la priorité qui est donnée à ce secteur essentiel de l’action politique nationale.

À la suite de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, les engagements pris par le Gouvernement, qui la prolongent et l’amplifient, ont été tenus. La répartition interne de la croissance des moyens budgétaires s’est en revanche avérée plus nuancée, en particulier par la place prise par le remarquable dispositif de soutien à la recherche en entreprise qu’est le crédit d’impôt recherche, comme par l’évolution du rôle de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Par ailleurs, les investissements d’avenir constituent aujourd’hui le complément indispensable de l’examen des moyens dont dispose la recherche en France. Leur rôle structurant peut commencer à s’apprécier et leurs premiers résultats à être examinés.

Les seuls moyens de la recherche en 2012, présentés dans le projet de loi de finances, sont globalement stables, avec de légères variations suivant les programmes. Ils s’appuient sur un maintien de l’emploi scientifique, certes lui aussi conforme aux engagements, mais particulièrement bienvenu alors que près de la moitié des chercheurs actuels seront à la retraite dans les dix prochaines années.

Si le suivi de la programmation financière inscrite dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 méritait d’être étudié, il a semblé intéressant d’examiner l’un de ses aspects organisationnels, la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES.

Cadres naturels du rapprochement des établissements de formations supérieures, le sont-ils tout autant pour les activités de recherche ? À travers deux approches de terrain auprès des PRES UniverSud Paris et Sorbonne Universités, le rapporteur s’est efforcé de préciser ce point.

Comme d’autres créations récentes, les PRES ont initialement fait l’objet d’une certaine méfiance de la part des principaux intéressés, puis leur développement rapide s’est fait de façon très inégale, suscitant des rapports critiques, en particulier de la Cour des comptes.

Enfin, alors que certains PRES s’orientent, en région, vers une fusion pour constituer de grandes universités, les riches possibilités du cadre actuel des pôles semblent loin d’être épuisées, en particulier en matière de valorisation de la recherche ou d’établissement de synergies entre établissements à forte notoriété nationale et internationale, leur ouvrant ainsi de nouvelles perspectives.

I.- LES PROGRAMMES RECHERCHE DE LA MISSION RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES) : UNE PRIORITÉ POLITIQUE DE LA LÉGISLATURE

A. DES ENGAGEMENTS PRIORITAIRES TENUS DEPUIS CINQ ANS

1. La loi de programme de 2006 et le redressement des dépenses de R&D

L’adoption de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche faisait suite aux multiples débats, polémiques, concertations, réunions, conférences et propositions qui ont parcouru le monde de la recherche dans la première moitié des années 2000, culminant avec un mouvement des chercheurs original et sans précédent dans notre pays.

Quelles qu’aient été, alors, les positions des uns et des autres sur ces questions, la réflexion engagée, concrétisée par un riche travail législatif, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a fixé le cadre dans lequel est menée la politique de la recherche depuis cinq ans.

La présentation du projet de loi rappelait que « l’organisation actuelle de la recherche française a été mise en place progressivement après la seconde guerre mondiale, avec l’ambition de relancer la science française aux premiers rangs mondiaux de la compétition internationale. Cette ambition a été pour une large part satisfaite » mais que « durant ces dernières décennies, le monde a toutefois connu de profonds changements auxquels notre organisation de la recherche doit s’adapter ».

Il était en particulier souligné que « à mesure que les frontières de la connaissance étaient repoussées, les scientifiques se sont spécialisés alors même que les interactions entre les disciplines, à l’origine de nombre d’innovations, devenaient essentielles », rappelant ainsi que les découvertes se font aux interfaces.

Et, anticipant la place dévolue aux activités de recherche et d’innovation dans la sortie de crise, il était précisé que « dans une économie mondialisée, où la concurrence ne cesse de s’intensifier, il apparaît de façon évidente que le potentiel de recherche est un atout déterminant pour un pays comme le nôtre. De la qualité de notre recherche, de la pertinence de ses orientations, de la capacité réciproque de notre appareil de recherche et de nos entreprises à coopérer efficacement, dépend aujourd’hui très largement et dépendra davantage demain notre compétitivité économique. Il existe un lien étroit entre notre recherche et nos perspectives de croissance économique. En définitive, l’efficacité de notre recherche est garante de la qualité, de la pérennité et du nombre de nos emplois. »

La loi de programme s’appuyait sur deux volets, l’un, de programmation financière jusqu’en 2010, l’autre, organisationnel, visant à adapter le système français de recherche et d’innovation aux défis à venir.

Le tableau de programmation des moyens présenté ci-dessous était annexé à l’article 1er de la loi :

Programmation des moyens
consacrés par l’État à la recherche

(en millions d’euros*)

 

2004**

2005**

2006

2007

2008

2009

2010

Mission inter-ministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (hors programme « Vie étudiante »)

18 205

18 561

18 950

19 360

19 919

20 365

20 800

Agences de financement sur projets (hors Agence de l’innovation industrielle) ***

0

350

630

910

1 100

1 295

1 500

Dépenses fiscales

650

950

1 290

1 570

1 620

1 660

1 700

Total Recherche

18 855

19 861

20 870

21 840

22 639

23 320

24 000

Effort supplémentaire cumulé par rapport à 2004

-

1 006

3 021

6 006

9 790

14 255

19 400

* Les montants de ce tableau ne comprennent pas la contribution française aux programmes et actions communautaires en matière de recherche, de développement technologique et d’innovation.

** Périmètre reconstitué en 2004 et en 2005, sur une base constante 2006 hors programme « Vie étudiante ».

*** Financements de l’Agence nationale de la recherche et concours supplémentaires à OSEO-Anvar en faveur de la recherche.

Comme on peut le constater à la lecture des projets et des rapports annuels de performance de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), l’engagement pris en 2006 a été tenu et, s’agissant des dépenses fiscales associées, largement dépassé.

En revanche, la répartition interne de la croissance des moyens budgétaires s’est avérée plus nuancée.

Le présent avis examinera plus en détail le développement du financement des Agences de financements sur projets, essentiellement l’Agence nationale de la recherche (ANR) à travers, d’une part, les « investissements d’avenir », dont elle est le principal opérateur et, d’autre part, de sa programmation propre, tel qu’en figure le financement à l’action 02 du programme 172.

Mais il est important de préciser dès maintenant la place prise par les dépenses fiscales relevant de la mission et plus particulièrement, du crédit d’impôt recherche (CIR) dans le développement du soutien à la recherche privée en France et dans le maintien de sa part, en période de crise économique et financière, dans l’effort national de recherche et développement (R&D).

Le CIR a ainsi stimulé la R&D des entreprises en 2009 qui a pu augmenter de 1,1 % alors que le PIB diminuait lui de 2,6 %. Une étude d’impact a montré par ailleurs que la part volume dans le CIR, de 2004 à 2007, c’est-à-dire avant la réforme de la loi de finances pour 2008, a généré, sur le long terme, une hausse des investissements en R&D de 7 %.

Rappelons en effet que la loi de finances pour 2008 a assez nettement réformé le dispositif du crédit d’impôt recherche, suscitant d’ailleurs, comme toute modification de règles fiscales, une inquiétude certaine des bénéficiaires de la mesure. Le succès continu du CIR depuis a montré qu’elle n’était pas fondée.

La réforme a porté sur quatre points. La part d’accroissement des dépenses de recherche (à l’origine même de la création du dispositif et qui visait à susciter le développement de la recherche par la création de PME innovantes) est supprimée, seul le volume de recherche restant pris en compte, alors que les modifications antérieures successives avaient régulièrement fait varier le taux respectif de ces deux paramètres, de façon souvent assez confuse et pour des résultats aux interprétations complexes.

La part en volume a été, dès lors, sensiblement renforcée, pour être portée, au taux normal, à 30 % des dépenses exposées. Le crédit d’impôt est déplafonné, mais son taux réduit à 5 % pour la fraction de dépenses dépassant 100 millions d’euros. Enfin, le traitement des dépenses ayant fait l’objet d’un soutien public sous forme d’avances remboursables, par OSEO par exemple, est simplifié.

La loi de finances pour 2011 a modifié certaines règles applicables aux dépenses exposées, prenant en compte les recommandations ou les remarques des rapports de 2010 de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de l’Assemblée nationale, de la Commission des finances du Sénat et de l’Inspection générale des finances, comme les observations de la Cour des comptes. Les modifications portent principalement sur le renforcement des conditions pour bénéficier du taux majoré dont bénéficient les entreprises primo-déclarantes et le montant de la majoration, et sur la pérennisation du dispositif de remboursement immédiat des créances de crédit d’impôt recherche pour les PME, dispositif d’aide particulièrement bienvenu en période de crise majeure du crédit bancaire.

Le tableau ci-après présente une estimation des dépenses fiscales de 2006 à 2012, telles qu’elles figurent dans les rapports et projets annuels de performance de la mission. Les différences entre les dépenses inscrites ici et le coût global du CIR dans la présentation du budget tiennent à la description qui, dans un cas, prend en compte les décaissements annuels et dans l’autre les créances acquises et le coût final sur la base de la législation fiscale des lois de finances.

Estimation des dépenses fiscales de 2006 à 2012

(En millions d’euros)

Intitulé du programme

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

source des données*

RAP 2006

RAP 2007

RAP 2008

PAP 2011

PAP 2012

PAP 2012

PAP 2012

150 – Formations supérieures et recherche universitaire

990

1 075

1 260

1 406

1 468

1 602

1 592

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière subsidiaire

Réductions des impôts au titre des dons

820

835

925

989

1 000

1 080

1 080

Réductions d’impôt au titre des dons faits par l’entreprise à des œuvres ou organismes d’intérêt général

170

235

285

326

331

400

400

Réduction d’impôt au titre de certains dons

   

40

51

77

67

57

Exonération des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune

 

5

10

40

60

55

55

231 – Vie étudiante

1 146

1 171

1 327

1 404

1 678

1 723

1 773

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur

165

170

185

190

195

195

195

Exonération d’impôt sur le revenu des salaires perçus par les jeunes au titre d’une activité exercée pendant leurs études secondaires ou supérieures ou leurs congés scolaires et universitaires

10

10

50

50

200

200

200

Crédit d’impôt à raison des intérêts des prêts souscrits entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 en vue du financement de leurs études par les personnes âgées de 25 ans au plus

1

1

2

4

3

3

3

Sous-total

176

181

237

244

398

398

398

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière subsidiaire

Taux de 5,5 % pour les recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines d’entreprises ou d’administrations ainsi que les repas livrés par des fournisseurs extérieurs aux cantines, scolaires et universitaires

740

740

820

860

980

1 015

1 055

Exonération du salaire des apprentis

200

210

240

270

265

275

285

Exonération des indemnités de stage en entreprises versées aux élèves et étudiants

30

40

30

30

35

35

35

Sous-total

970

990

1 090

1 160

1 280

1 325

1 375

172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

800

1 045

1 577

6 258

4 907

2 283

2 308

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Crédit d’impôt en faveur de la recherche « crédit impôt recherche – CIR »

800

1 000

1 500

6 200

4 900

2 275

2 300

Exonération des établissements publics de recherche, des établissements publics d’enseignement supérieur, des personnes morales créées pour la gestion d’un pôle de recherche et d’enseignement supérieur et des fondations d’utilité publique du secteur de la recherche pour leurs revenus tirés d’activité relevant d’une mission de service public

 

5

5

5

5

5

5

Sous-total

800

1 005

1 505

6 205

4 905

2 280

2 305

Dépenses fiscales sur impôts locaux prises en charge par l’État contribuant au programme de façon principale

Dégrèvements afférents aux immobilisations affectées à la recherche : fin d’incidence budgétaire en 2009

 

40

71

51

     

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière subsidiaire

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement

   

1

2

2

3

3

142 – Enseignement scolaire et recherche agricoles

0

0

0

0

0

0

0

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Exonération des revenus patrimoniaux des établissements publics scientifiques, d’enseignement et d’assistance pour leurs revenus fonciers agricoles et mobiliers

             

190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

0

20

0

11

0

0

0

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Provision pour reconstitution de gisements d’hydrocarbures

 

20

 

11

0

   

192 – Recherche enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

474

809

899

939

974

965

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Taxation au taux réduit des plus values professionnelles à long terme et de certains produits de la propriété industrielle

 

320

         

Réduction d’impôt au titre de la souscription de part de fonds communs de placement sur l’innovation

 

135

160

118

108

100

90

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les jeunes entreprises innovantes existantes au 1er janvier 2004 ou créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013 et les jeunes entreprises universitaires

 

8

15

18

16

18

19

Report d’imposition de la plus value réalisée lors de l’apport, par un inventeur personne physique, d’un brevet, d’une invention brevetable ou d’un procédé de fabrication industriel à une société chargée de l’exploiter

 

5

         

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement

   

1

2

3

3

3

Abattement de 30 % sur les produits de cession de licences autres que ceux taxés au taux forfaitaire de 16 %

 

1

1

1

1

1

1

Exonération des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque

             

Imputation sur le revenu global du déficit provenant des frais de prise de brevet et de maintenance

             

Exonération des plus values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes ou de jeunes entreprises universitaires

   

2

 

1

2

2

Exonération des dividendes perçus par l’associé unique d’une société uni personnelle d’investissement à risque

             

Amortissement dégressif majoré pour les investissements de recherche scientifique et technique acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 2004

 

5

         

Taxation au taux réduit des plus values à long terme provenant des produits de cessions et des concessions de brevets

   

630

760

810

850

850

Exonérations des plus values de cession : - d’actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique ou technique ; - de titres de société financière d’innovations conventionnées

             

Total général

2 936

3 785

4 973

9 978

8 992

6 582

6 638

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le dispositif du crédit d’impôt recherche est attractif pour l’implantation de centres de recherche d’entreprises étrangères : les projets d’investissement en France en recherche et développement (R&D) ont triplé entre 2008 et 2010. En outre, il limite les délocalisations des centres de recherche français à l’étranger : les entreprises rencontrées par M. Philippe Adnot, lors de l’élaboration de son rapport d’information d’octobre 2010 pour la Commission des finances du Sénat sur la localisation des centres de recherche et développement et d’ingénierie, ont témoigné du fait que le CIR, dans ses nouvelles modalités, permettait notamment de mieux amortir les variations des taux de change et les différences de coût du travail entre la France et les autres pays, en particulier d’Asie.

Une récente étude internationale place ainsi la fiscalité française d’aide à la R&D des entreprises parmi les plus attractives et, pour les PME en forte croissance, en tête : derrière la Chine, mais devant la Russie et le Royaume-Uni.

En outre, la taxation au taux réduit des plus values à long terme provenant des produits de cessions et des concessions de brevets, associée au programme 192, dont la dépense fiscale est elle aussi en forte croissance, doit inciter à une valorisation nettement renforcée de la recherche et encourager l’innovation des entreprises.

Le volet organisationnel de la loi de programme pour la recherche sera examiné dans la partie thématique du présent avis à travers l’un de ses dispositifs phares qui avait, comme l’ANR, fait l’objet d’expérimentations préalables, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), abordé du point de vue « recherche ». Mais l’impulsion que la loi a donnée à la recherche depuis cinq ans est réellement perceptible.

En effet, les données statistiques fournies par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche montrent le redressement, opéré depuis 2007, du taux de la dépense intérieure de recherche par rapport au PIB. Si le tassement de ce dernier peut expliquer son accélération, il n’en demeure pas moins que l’impact de cinq ans de mesures en faveur de la recherche, tant publique que privée, se traduit par le renforcement des bases qui devraient permettre à notre pays d’être à même de se rapprocher de l’objectif de 3 %, fixé initialement par l’Union européenne pour 2010, dans le cadre de « la stratégie de Lisbonne » de 2000 d’une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance. Dans une réponse à la Cour des comptes en 2011, le Gouvernement estimait transitoirement possible le taux de 2,5 % en 2018. Les investissements d’avenir devraient en constituer un facteur clé.

Les tableaux ci-dessous présentent l’évolution du financement de la recherche en France et dans les principaux pays de l’OCDE. Pour la France, cette évolution rapportée au PIB, entre 2000 et 2009, traduit l’inflexion positive observée depuis trois ans et la part qu’y prend la recherche publique. Les estimations pour 2010, identiques à 2009, confirment ce redressement.


Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

2. Les investissements d’avenir

La loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010 a, rappelons-le, ouvert 35 milliards d’euros de crédits complémentaires sur le budget de l’État, destinés par le Gouvernement à financer des investissements devant accroître le potentiel de croissance de la France. Et la seule MIRES dispose de 21,9 milliards d’euros de ces crédits, soit 62,5 % du total. On distingue, pour les financements apportés au titre des programmes créés dans ce cadre, les dotations consomptibles (6,87 milliards d’euros) des dotations non consomptibles (15,03 milliards d’euros), les bénéficiaires finaux de ces dernières n’en recevant en effet que les produits financiers.

Le tableau ci-après en présente la répartition par action :

(en milliards d’euros)

Action

Dotation totale

Dotation non consomptible

Dotation consomptible

Opérateur

Programme « Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonnées »

Instituts d’excellence

1

0.75

0.25

ANR

Programme « Pôles d’excellence »

Initiatives d’excellence (Idex)

7.7

7.7

 

ANR

Opération Campus

1.3

1.3

 

ANR

Opération Plateau de Saclay

1

 

1

ANR

Valorisation – Instituts de recherche technologique (IRT)

2

1.5

0.5

ANR

Valorisation – Fonds national de valorisation

1

 

1

ANR

Valorisation – Instituts Carnot

0.5

0.5

 

ANR

Laboratoires d’excellence (Labex)

1

0.9

0.1

ANR

Instituts hospitalo-universitaires (IHU)

0.85

0.68

0.17

ANR

Programme « Projets thématiques d’excellence »

Équipements d’excellence (Equipex)

1

0.6

0.4

ANR

Santé et biotechnologie

1.55

1.1

0.45

ANR

Espace

0.5

 

0.5

CNES

Programme « Recherche dans le domaine de l’aéronautique »

Démonstrateurs technologiques aéronautiques

0.9

 

0.9

ONERA

Aéronefs du futur

0.6

 

0.6

ONERA

Programme « Nucléaire de demain »

Réacteur de 4e génération

0.65

 

0.65

CEA

Réacteur Jules Horowitz

0.25

 

0.25

CEA

Recherche en matière de traitement et de stockage des déchets

0.1

 

0.1

ANDRA

Total

21.9

15.03

6.87

 

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Il semble néanmoins pertinent de présenter de façon un peu plus explicite certains des investissements résumés, très synthétiquement, dans une ligne du tableau précédent.

Le programme des « pôles d’excellence », doté de 15,35 milliards d’euros, a pour objectif d’accélérer la transformation du système d’enseignement supérieur et de recherche engagée depuis cinq ans. Il comprend l’action majeure des « initiatives d’excellence ».

Celle-ci vise à développer 5 à 10 pôles pluridisciplinaires d’enseignement supérieur et de recherche, de rang mondial, sous la forme de regroupements territorialement cohérents d’établissements d’enseignement supérieur, d’universités et de grandes écoles, impliquant des organismes de recherche, associant des pôles de compétitivité, en partenariat avec des entreprises. L’initiative doit dynamiser un ensemble d’activités de formation, d’innovation et de valorisation directement liées aux forces de recherche concernées. Son périmètre englobera ou s’articulera avec les entités candidates dans le cadre des autres actions du programme. Ces projets devraient recomposer et transformer les territoires où ils se développeront.

La sélection des projets s’est déroulée en deux phases, une première étape ayant conduit à la présélection de 7 projets, sur 17 déposés (mars 2011), trois ont été retenus à l’issue de la phase de sélection (juillet 2011) :

– « Idex Bordeaux », portée par le PRES « Université de Bordeaux » rassemblant les quatre universités et l’Institut polytechnique de Bordeaux ;

– « Unistra » portée par l’Université de Strasbourg, issue de la fusion, en 2009, des trois universités de Strasbourg, Louis Pasteur, Marc Bloch et Robert Schumann ;

– « Paris Sciences et Lettres (PSL) » présentée par une fondation de coopération scientifique associant treize partenaires dont le Collège de France, l’École normale supérieure, l’Université Paris-Dauphine et l’École supérieure de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris - ESPCI ParisTech.

Les projets ont été retenus par le jury international au regard de leurs capacités actuelles, mais également de leur niveau d’ambition, et de leur aptitude à mettre en œuvre leur stratégie et donc de leur gouvernance, question qui sera soulevée dans la deuxième partie du présent avis.

En effet, la présélection et la sélection de ces projets s’articulaient autour de quelques critères principaux dont, certes, l’excellence en matière de recherche et de formation et la capacité à innover dans ce domaine, mais aussi l’intensité des partenariats avec l’environnement socioéconomique national et international et l’aptitude des structures de direction du porteur du projet à mettre en oeuvre efficacement la stratégie retenue en termes d’objectifs et de trajectoire, de politique des ressources humaines et d’allocation des moyens.

Il convient de souligner que le jury avait fait part de ses recommandations aux porteurs des projets présélectionnés afin qu’ils améliorent leur projet et finalisent leur dossier avant la phase de sélection.

Les trois lauréats ont donc su organiser leurs forces scientifiques et, notamment, nouer de nouvelles alliances universités – organismes de recherche, prendre en compte les recommandations issues de la présélection, crédibiliser leur ambition et leurs engagements et, finalement, convaincre le jury de leur capacité à atteindre les objectifs fixés par l’appel à projets et à devenir, chacun, au cours des dix prochaines années, une institution universitaire unifiée de rang mondial.

Un second appel à projets est en cours, selon les mêmes principes et les mêmes modalités. Comportant également deux phases, il doit aboutir début 2012.

L’action « laboratoires d’excellence » a pour objet de permettre à des laboratoires ou des groupes de laboratoires et d’équipes de qualité de disposer de financements pour le recrutement, ou le maintien en France, de scientifiques de haut niveau, pour l’amélioration et le fonctionnement des équipements leur permettant de renforcer leur excellence scientifique et leur positionnement international, ou pour la mise en place de projets pédagogiques innovants de niveau master ou doctorat. Les crédits de cette action ne sont pas cumulables avec ceux de l’action initiatives d’excellence.

241 projets ont été reçus pour l’appel lancé en août 2010. Sur la base des évaluations et recommandations d’un jury international, 100 projets ont été retenus. Ils recevront un soutien significatif, pour dix ans. De nature très variée, ces projets, portés le plus souvent par des laboratoires en réseau ou coopératifs, bénéficieront aux chercheurs, ainsi qu’au tissu industriel au travers de partenariats entre les laboratoires de recherche publics et les entreprises. L’ensemble des domaines de recherche est représenté dans les 100 projets retenus.

Les financements accordés et attribués aux 100 projets lauréats pour financer leurs projets d’ici 2020 vont de 3 à 30 millions d’euros, pour un montant moyen de 10 millions d’euros.

Les instituts hospitalo-universitaires (IHU) doivent rassembler une masse critique de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et de personnels hospitaliers au sein d’une structure intégrée associant une université, un centre hospitalo-universitaire ou un établissement de soins ayant une mission de service public et des structures de recherche publique, sur les thématiques de santé prioritaires.

19 projets ont été reçus pour cet appel lancé en juillet 2010. Sur la base des évaluations et des recommandations du jury international, 6 projets ont été retenus qui permettront de développer les liens entre la recherche fondamentale et ses applications cliniques et industrielles, dans des domaines thématiques variés : chirurgie mini-invasive guidée par l’image, maladies cardiaques, maladies rares, maladies infectieuses, maladies du système nerveux, pathologies du cardiométabolisme. Le montant versé aux 6 projets sera d’environ 348 millions d’euros sur la période 2011-2020.

Les instituts de recherche technologique (IRT), au travers de partenariats stratégiques publics privés en matière de formation, de recherche et d’innovation devraient permettre de renforcer les pôles de compétitivité et de contribuer au développement de produits innovants comme à l’insertion professionnelle des étudiants.

À l’issue de l’appel à projets IRT, lancé en juillet 2010, 6 projets ont été retenus sur les 15 projets présentés. Les projets labellisés sont le projet « Nano Elec » à Grenoble, le projet « AESE » à Toulouse (aéronautique, espace et systèmes embarqués), le projet « LyonBiotech » (infectiologie), le projet « M2P » à Belfort-Montbéliard (matériaux métalliques), le projet « Railenium à Valenciennes » (infrastructures ferroviaires) et le projet « Jules Verne » à Nantes (matériaux composites). Deux projets supplémentaires, recommandés par le jury pour faire l’objet d’un examen spécifique après nouvelle présentation, seraient susceptibles d’être labellisés : les projets « SystemX » à Saclay (ingénierie numérique des systèmes) et « B-COM » à Rennes (réseaux et infrastructures numériques).

Le Fonds national de valorisation doit assurer financement de sociétés d’accélérations du transfert de technologies (SATT). Les différentes SATT visent à accroître l’efficacité du dispositif français de la valorisation de la recherche publique en le professionnalisant dans des structures adaptées couvrant l’ensemble du territoire. Les SATT s’articulent avec les « consortiums de valorisation thématique » adossés aux Alliances et avec le fonds France Brevet.

Au terme du processus de sélection, sur les 15 projets déposés en réponse à l’appel lancé en juillet 2010, 5 projets ont d’ores et déjà été retenus et bénéficieront de financements sous forme de prises de participations et d’avances en comptes courants, en Alsace, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Midi-Pyrénées, et autour de laboratoires ou d’établissements scientifiques de Paris (« Lutech » et « Île de France Innov », SATT portée par le PRES Sorbonne Paris Cité et qui sera présentée dans la deuxième partie du présent avis).

Dans le même domaine de la valorisation, à l’issue des deux appels à projets spécifiques (action « international » et action « PME ») 13 projets ont été déposés, regroupant 30 des 34 instituts Carnot. Les dossiers sont en cours d’évaluation pour une décision à l’automne 2011.

Enfin, l’opération « plateau de Saclay » a vu l’engagement de 50,63 millions d’euros au deuxième trimestre 2011, dont 47,4 millions pour la construction d’un nouvel immeuble qui accueillera l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) et le Centre de recherche en économie et statistique et 3,2 millions pour des opérations de restauration visant à accompagner l’arrivée des premières opérations du campus du plateau de Saclay.

Deuxième grand axe des investissements d’avenir, les projets thématiques d’excellence sont destinés à financer les équipements de recherche indispensables. L’action « équipements d’excellence » vise ainsi à combler le déficit d’équipements scientifiques ou technologiques de taille moyenne en en permettant l’acquisition ou la construction, et en l’adossant à des équipes et des programmes de recherche de haut niveau.

336 projets ont été reçus pour le premier appel lancé en juin 2010. Sur la base des évaluations et recommandations d’un jury international, 52 projets ont été retenus. Ces projets qui s’insèrent entre les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et l’équipement de base des laboratoires devraient accélérer la recherche dans la plupart des domaines comme l’énergie solaire, le changement climatique, les nanotechnologies, le laser mais aussi les bases de données en sciences humaines et sociales ou la régulation financière…

Ces projets, plateformes ouvertes, projets en réseau ou coopératifs, pourront ainsi bénéficier à tous les chercheurs du territoire, au-delà de la localisation de l’équipement, ainsi qu’au tissu industriel, au travers de partenariats entre les laboratoires de recherche publics et les entreprises.

Un second appel à projets, publié en juin 2011, aboutira à la sélection d’une nouvelle série avant la fin de l’année 2011.

L’action « santé biotechnologies » regroupe 5 appels à projets distincts : les infrastructures nationales en biologie-santé, les démonstrateurs, testant le développement industriel de procédés en matière de thérapie génique et d’ingénierie enzymatique, les bioressources portant sur la connaissance du vivant et sur les valorisations des ressources biologiques renouvelables, la bioinformatique et les nanobiotechnologies.

Au terme de la première vague de sélection, 119 projets ont été déposés et 29 projets ont été sélectionnés sur la base des recommandations des jurys internationaux constitués pour chaque appel, une seconde phase de sélection est par ailleurs en cours.

Parallèlement, 44 projets de « cohortes » pour la recherche en santé ont été reçus en réponse à l’appel lancé en juin 2010. Rappelons qu’une cohorte consiste à suivre pendant plusieurs années, ou plusieurs décennies, une population de sujets, sains ou malades, afin d’étudier, sur le long terme, de nombreux déterminants de santé et leurs interactions avec les facteurs génétiques et environnementaux. Cet appel à projet vise donc à développer les cohortes existantes et en faire émerger de nouvelles. Sur la base des évaluations et de recommandations d’un jury international, 10 projets ont été retenus.

L’action « espace », gérée par le CNES, s’est traduite par la recapitalisation d’Ariane Espace à hauteur de 28 millions d’euros.

Pour le « lanceur de la nouvelle génération » 82,5 millions d’euros ont été débloqués en décembre 2010 afin de financer les projets d’études et de démonstrateurs.

Enfin, 252 millions d’euros sont investis dans des programmes satellitaires riches en applications avec 3 projets : « Swot », projet en collaboration avec la NASA, destiné à mesurer les hauteurs d’eau des océans, des grands fleuves, des lacs et des zones inondées pour 170 millions d’euros ; « satellite du futur » aux applications dans les domaines de l’Internet et de la sécurité des personnes pour 42,5 millions d’euros et « Myriade Évolutions » pour 40 millions d’euros, ce projet ayant pour objectif de mener à moindre coût des missions spatiales dans le domaine de l’environnement et des sciences de l’univers, grâce à un produit générique et compact. Les premiers décaissements en 2011 devraient ainsi atteindre 28,4 millions d’euros.

En 2012, au total, et sur l’ensemble des programmes et des actions des investissements d’avenir, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche estime que les sommes versées aux laboratoires devraient atteindre 1,269 milliard d’euros, hors « opération Campus ».

Il s’agit là, clairement, d’un élément fondamental de la dynamisation de notre recherche publique et de sa valorisation. Il est donc essentiel que les décaissements attendus interviennent au moment prévu.

Il serait également souhaitable que les candidats aux appels à projets soient en mesure d’être mieux accompagnés, au risque, sinon, d’un rôle trop important dévolu aux spécialistes des cabinets de conseil consultés pour constituer les dossiers de candidature, et de déceptions à la hauteur des enjeux, lorsque l’échec semble moins dû à l’excellence du projet qu’aux conditions techniques de sa présentation.

B. LES MOYENS DE LA RECHERCHE EN 2012

1. Les crédits budgétaires

L’évolution des crédits de la part « recherche » de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) telle qu’elle est présentée, c’est-à-dire hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) pensions, s’inscrit assez strictement dans le cadre de la loi n° 2010-1645 de programmation des finances publiques pour la période 2011 à 2014 du 28 décembre 2010. Elle doit bien sûr s’apprécier également en prenant en compte les investissements d’avenirs examinés précédemment.

Évolution de la part recherche de la MIRES (en CP)
au sein du budget de l’État en structure courante *

(en millions d’euros)

 

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

PLF 2012

Dépenses du budget général de l’État

266 605

266 850

271 285

277 063

285 213

286 390

291 740

Périmètre « recherche » de la MIRES*

11 445,59

11 690,62

13 588,44

13 194,08

13 439,46

14 087,27

13 924,26

Part du périmètre « recherche » de la MIRES sur le budget général de l’État

4,29 %

4,38 %

5,01 %

4,76 %

4,71 %

4,92 %

4,77 %

* Le périmètre recherche inclut les dépenses des programmes « recherche » : 172, 187,193,190,191 et 186 et la part recherche des programmes 142 (action 2), 192 (action 2 et 3) et 150 (actions n° 6 à 12).

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

La part du périmètre « recherche » de la mission dans le budget général de l’État, légèrement supérieure à 4 % lors de la précédente législature, se rapproche, depuis quatre ans, de 5 %. Ce maintien de l’effort public de recherche est d’autant plus nécessaire que, conséquence du difficile contexte économique, la part du secteur privé, s’il elle est maintenue comme on l’a constaté, grâce au puissant outil qu’est le crédit d’impôt recherche, s’appuie fortement sur le solide dispositif de la recherche publique.

En 2012, les crédits consacrés à la recherche, à périmètre constant, connaissent une légère hausse (+ 0,4 %) des autorisations d’engagement, (40,5 millions d’euros) et une légère baisse (– 0,79 %) des crédits de paiement (81 millions d’euros), ceux relevant du seul ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur étant stables (+ 0,15 %) dans les deux cas.

Le tableau suivant présente de façon détaillée, en périmètre courant, ces dépenses dans le projet de loi de finances pour 2012.

Présentation des crédits « recherche » de la MIRES, par programme

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Ouverts en LFI pour 2011

Demandés pour 2012

150 / Formations supérieures et recherche universitaire (actions recherche : 6 à 12)

3 824,772

3 744,296

3 824,772

3 744,296

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 124,607

5 122,481

5 124,225

5 122,481

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 244,058

1 250,149

1 243,966

1 250,149

193 / Recherche spatiale

1 392,128

1 398,540

392,024

1 398,540

190 / Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables (actions recherche : 10 à 15)

1 332,095

1 433,386

1 371,173

1 362,386

192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions recherche : 2 et 3)

782,687

712,887

770,724

688,100

191 / Recherche duale (civile et militaire)

196,710

196,869

196,695

196,869

186 / Recherche culturelle et culture scientifique (actions recherche : 1 et 3)

125,335

123,469

125,026

124,076

142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles (action recherche : 2)

38,663

37,365

38,663

37,365

Total des crédits recherche

14 061,055

14 019,442

14 087,268

13 924,262

Source : projet annuel de performances recherche et enseignement supérieur pour 2012, structure courante.

Les programmes et actions « recherche » de la mission sont donc maintenus. Ils correspondent aux crédits récurrents, essentiels au bon fonctionnement des structures de base de la recherche, mais dans un cadre dynamisé par les investissements d’avenir, et à la recherche sur projet, portée par l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Il importe à cet égard, que le taux de mise en réserve dérogatoire, pour les crédits de la recherche (0,25 % de la masse salariale et 2,5 % hors masse salariale), soit également préservé.

Les financements prévus au projet de loi de finances pour 2012 s’inscrivent ainsi complètement dans la logique de défense et de développement des moyens de la recherche qui caractérise cette législature, à une réserve près cependant.

Il convient en effet de remarquer que le budget de l’ANR, après avoir connu une nette progression de sa création, en 2005, jusqu’en 2008, stagne puis régresse depuis. Certes, si l’Agence est le principal opérateur intermédiaire de la partie des investissements d’avenir destinés à la recherche et à l’enseignement supérieur et si certains de leurs appels à projets thématiques ont couvert sélectivement une partie des besoins il n’en demeure pas moins que la recherche sur projets qu’elle structure par ses financements propres est d’une nature et d’une « granulométrie » toute différente des grands objectifs fixés à ces investissements.

L’évolution de la dotation annuelle, en autorisations d’engagement, critère de lecture important pour une agence de programmation, est passée de 827,8 millions d’euros en 2010 à 771,9 en 2011 et est de 759,8 en 2012.

Rappelons à cet égard que, dans une logique de dynamisation des thèmes de recherche les plus prometteurs, la loi de programme pour la recherche de 2006 avait prévu que les moyens des programmes des agences de financement sur projet, principalement l’ANR, complétés des concours supplémentaires en faveur de la recherche à ce qui était alors OSEO-Anvar, pourraient atteindre 1,5 milliard d’euros en 2010.

La conséquence immédiate est une baisse sensible du taux de réussite moyen des projets soumis à l’Agence : de 26 % à l’origine, il est nettement inférieur à 20 % aujourd’hui pour les appels sur ses programmes propres. Si la question n’est pas nouvelle, il est important d’en mieux prendre en compte l’impact sur les candidats aux appels d’offres de l’Agence. Le risque existe en effet clairement de décourager ou d’écarter les nouveaux talents au profit de concurrents davantage habitués à ce genre de procédure ou plus chanceux, en particulier pour les programmes non thématiques, ou blancs, laissés à l’initiative des chercheurs ou des équipes de recherche.

Ceux-ci sont prévus comme le cadre privilégié destiné à permettre d’encourager les démarches novatrices, en rupture avec des itinéraires de recherche plus classiques et de remarquer ainsi les meilleurs chercheurs de demain. Il serait regrettable qu’ils redeviennent, avec un tel rétrécissement des financements, des programmes thématiques déguisés.

Il deviendrait, dès lors, paradoxal de simplement maintenir les crédits récurrents des laboratoires qui ne se conçoivent qu’en articulation avec ceux de la recherche sur projet portés par l’agence, au risque sinon de retourner au système antérieur mais sans disposer des moyens pour renforcer les travaux de recherche.

Or les financements de l’Agence sont d’autant plus nécessaires que le succès aux appels à projets impose aux laboratoires des développements leur permettant d’honorer les contrats obtenus. Le développement des préciputs (« overheads ») sommes supplémentaires versées par l’Agence à l’établissement hébergeur initialement à hauteur de 5 %, puis de 11 % depuis 2008 et portées sous conditions strictes à 16 % cette année afin de financer l’accompagnement des recherches est, en effet, déjà jugé insuffisant par certains bénéficiaires. Ils font remarquer que les préciputs peuvent atteindre 30 %, voire même 50 % du contrat, comme pour le très convoité Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Dans son rapport public annuel de février 2011, la Cour des comptes constatait en outre que « la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 dispose explicitement que le préciput doit, dans le cas d’une équipe de projet dite "mixte", associant des enseignants-chercheurs d’une université et des chercheurs d’un ou de plusieurs organismes publics de recherche, être affecté à l’ensemble des établissements, au prorata de leur engagement financier. Ces équipes mixtes sont, le plus souvent, hébergées dans les locaux de l’université ». Or, « dans le cas de ces équipes mixtes et depuis 2008, le bénéfice du préciput était réservé, en contradiction avec la loi, à l’établissement hébergeant le porteur du projet. Cette décision répond au souhait du ministère de renforcer la place des universités dans le domaine de la recherche, à la suite de la loi d’août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. La Cour rappelle que la loi de programme doit être appliquée ou, si ses dispositions sont jugées obsolètes, qu’elle doit être mise en cohérence sur ce point avec la loi d’août 2007. » Dès lors « la question se pose de savoir s’il ne serait pas préférable de financer les projets des équipes publiques, à enveloppe constante, en intégrant des frais généraux plus élevés, conformément aux pratiques en usage à l’étranger. »

Enfin, en 2010, la part de la recherche sur projet n’était déjà estimée en France, par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qu’à 11 % du budget des organismes publics contre 60 % aux États-Unis et de 25 à 35 % pour les pays européens les plus dynamiques, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Suède. L’ANR, dont la création avait été fortement contestée, a su prendre une place centrale dans notre dispositif de recherche, il serait regrettable qu’elle soit fragilisée par des financements insuffisants.

2. L’emploi scientifique public

Le maintien des emplois est une autre des caractéristiques du budget de la recherche conforme aux engagements pris depuis la loi de programme. Cette dérogation à la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux est un élément essentiel de la poursuite de l’effort national dans le domaine de la recherche.

La pyramide des âges des chercheurs en France, telle qu’elle est présentée ci-dessous, montre en effet combien il est nécessaire de garder un haut niveau d’emploi, et donc de recrutement, dans ce secteur essentiel.



Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les deux tableaux suivants présentent les effectifs répartis par catégorie d’emplois, sous et hors plafonds, en équivalents temps plein travaillé (ETPT), des sept établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). Ils permettent de mieux apprécier les modifications en cours du rapport entre les personnels de recherche et de soutien scientifique, en 2011 pour les emplois de titulaires, et le 31 décembre 2010 pour les contractuels.

Emplois de titulaires dans les EPST

(*)

DR

CR

IR

IE

AI

TR

AJT
et AGT

Autres

Total

INRIA

232,7

344,3

158,1

145,8

126,1

200,3

23,6

3

1 233,9

INRA

738

1 072

763

940

842

2 670

1 242

3

8 270

INSERM

886

1 317,6

388,2

699,8

466

1 057,9

230,9

3

5 049,4

CEMAGREF

41,6

74,9

97,6

160,9

128,7

137

73

209

922,4

CNRS

4 527

6 793

2 897

3 592

2 682

3 868

689

93

25 141

INED

23

33

9

27,3

18,1

34,9

8,4

4

157,7

IRD

266,6

487,1

103,9

196,2

120,1

279

46,9

– 

1 499,8

Total

6 714,9

10 121,9

4 416,8

5 761,7

4 383

8 247,1

2 313,8

315

42 274,2

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

(*) DR : directeurs de recherche ; CR : chargés de recherche ; IR : ingénieurs de recherche ; IE : ingénieurs d’étude ; AI : assistants-ingénieurs ; TR : techniciens de la recherche ; AJT : adjoints techniques de la recherche ; AGT : agents techniques de la recherche.

Les EPST comptent donc 16 837 équivalents temps plein travaillé de chercheurs et de 25 437 d’ingénieurs, techniciens ou assimilés, soit, pour ces personnels sous statut de fonctionnaires, un rapport de 2 pour 3, traduisant le resserrement des équipes constituées autour des chercheurs.

Effectifs des agents non titulaires dans les EPST

(*)

TDC

CDD

PDM

CDDCR

D

CA

PO

CDI

Autres

Total

INRIA

0

0

69

 

106

7

0

 

261

443

INRA

 

468,7

28

726

510

   

54

302,1

2 089

INSERM

24,8

192,7

16,5

1 630,7

     

1

1 173,8

3 040

CEMAGREF

 

15

42,4

25,8

126,6

2,3

156,5

 

9

378

CNRS

 

6 311

   

2 973,9,

 

130

 

314

10 693

INED

 

75,9

1

         

13,4

90

IRD

16

35,9

6

120

     

355

123,4

656

Total

40,8

11 036,9

162,9

2 502,5

742,6

9,3

286,5

410

2 196,7

16 424

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

(*) TDC : titulaires détachés sur contrats ; CDD : contrats à durée déterminée ; PDM : post doctorants ministériels ; CDDCR : CDD sur contrat de recherche ; D : doctorants ; CA : contrats aidés ; PO : personnels occasionnels ; CDI : contrats à durée indéterminée

En décembre 2004, le nombre des non-titulaires dans les EPST s’élevait à un peu plus de 13 000 personnes physiques et, en décembre 2009, à 14 588 personnes physiques. Rapporté à l’ensemble des personnes physiques présentes dans les EPST en 2009, les personnels non-titulaires représentaient ainsi 28 % de l’effectif total.

Parallèlement, il convient de souligner que dans le projet de loi de finances pour 2012, les seuls emplois consolidés sous plafonds des EPST sont stables et s’élèvent à 50 064 équivalents temps plein, contre 50 048 en 2011.

L’augmentation des recrutements de non-titulaires s’explique par le processus de résorption puis d’extinction des libéralités mis en place par le ministère depuis 2004. Parmi les jeunes chercheurs, de nombreux doctorants et post-doctorants étaient en effet jusqu’à cette date rémunérés de cette façon et ne bénéficiaient pas d’une couverture sociale complète. Un dispositif transitoire pour accompagner la transformation des libéralités et aboutir à la signature d’un contrat a donc été mis en place. Parallèlement, l’augmentation des crédits destinés au financement de post-doctorants, portés par le programme 172, a permis de financer de nombreux contrats.

De même, les possibilités de recrutement par CDD dans les projets de l’ANR ont autorisé près de mille supports par an pour l’emploi de docteurs.

À cet égard, dans son rapport public de février 2011, la Cour des comptes remarquait que : « à l’exception des programmes "chaires d’excellence" et "jeunes chercheurs", les seules dépenses de personnel que finance l’ANR dans la recherche publique sont celles liées au personnel occasionnel. De tels critères d’éligibilité sont porteurs de risques de précarité. » Le contrôle de la Cour a ainsi constaté que l’ANR finançait, en 2008, plus de 15 000 contrats à durée déterminée (CDD). Consciente de ces risques, l’ANR a encadré en 2010 le recours aux CDD dans les programmes « blanc », en le limitant à la moitié du personnel affecté au projet et en le plafonnant à deux emplois en équivalent temps plein.

Il convient toutefois de remarquer que la création du contrat doctoral par le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche permet une amélioration réelle des conditions de début de carrière des jeunes chercheurs. Ce contrat vise principalement à établir un cadre contractuel unique, plus protecteur que les dispositifs précédents, applicable à tous les employeurs publics concernés, à intégrer, pour chaque doctorant, dans un seul contrat, non seulement l’ensemble des activités liées directement à la préparation de son doctorat mais aussi les activités annexes présentant un intérêt pour l’ouverture professionnelle du doctorant, à fixer un cadre unique à la rémunération, dont le montant minimal est fixé par arrêté conjoint des ministres de l’enseignement supérieur, de la recherche et du budget et à garantir une protection sociale complète, par l’application d’un régime reprenant l’essentiel du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’État.

Enfin, la loi de finances du 30 décembre 2009 a étendu aux EPST la possibilité de recruter des personnels de catégorie A sur contrat à durée indéterminée (CDI), comme le peuvent les universités en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. L’utilisation de ce mode de recrutement semble cependant rester très limitée, comme prévu, puisqu’il avait pour objectif de faciliter l’accueil de chercheurs internationaux de haut niveau dans des conditions salariales attractives et compétitives avec le marché mondial.

Dans ce cadre, l’examen par le Parlement du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique issu de la négociation ouverte avec l’ensemble des partenaires sociaux et les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers prend une importance cruciale. La négociation, qui s’est déroulée dans le cadre juridique nouveau posé par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique, a abouti à la signature, le 31 mars 2011, d’un protocole d’accord par six organisations syndicales représentatives de la fonction publique (UNSA, CGT, FO, CFDT, CGC, CFTC), transposé dans les deux premiers titres du projet de loi.

La situation très spécifique de la recherche dans ce domaine devra sans doute conduire à des précisions et à des amendements, afin de garantir la résorption de la précarité en particulier dans les emplois de soutien, tout en assurant un recrutement de chercheurs respectueux des règles de concours des organismes de recherche, la nature des emplois y étant extrêmement différente.

En outre, cette réflexion devrait inciter les différents acteurs à mieux prendre en compte la réforme des études doctorales et à limiter le temps consacré à la thèse conformément aux nouvelles règles dans ce domaine, les dérogations accordées n’ayant pas toujours pour objet le seul besoin de l’étudiant et conduisant à un volant déraisonnable d’emplois contractuels. Les différents contrats des étudiants chercheurs gagneraient beaucoup à être ainsi délimités et clarifiés.

Enfin, le projet annuel de performance pour 2011 prévoyait un total de 18 074 équivalents temps plein pour les cinq établissements à caractère industriel et commercial (EPIC), sous contrat de droit privé, subventionnés sur les enveloppes de crédits des programmes de la MIRES : le CEA civil (Commissariat à l’énergie atomique), le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), l’IFREMER (Institut français pour l’exploitation de la mer) et le CNES (Centre national d’études spatiales). Sur ce même périmètre, les emplois consolidés sous plafonds d’opérateurs s’élèvent à 18 072 dans le projet de loi de finances pour 2012. Comme pour les EPST, l’emploi scientifique dans les EPIC est donc préservé.

II.- L’ÉVOLUTION DES PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES) ET DE LEUR RÔLE
DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE

A. LES PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES)

1. Le cadre naturel du rapprochement entre enseignement et recherche ?

Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur ont été créés par l’article 5 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. L’objectif était de remédier à l’éparpillement des forces de la recherche française, et de la recentrer autour de l’université. Il était aussi de permettre aux entreprises ou aux autres partenaires de la recherche publique souhaitant collaborer ou identifier les laboratoires, de disposer d’interlocuteurs uniques dotés d’un réel pouvoir de décision au lieu de se perdre dans des organigrammes complexes aux responsabilités floues.

Pour cela il est offert aux établissements comme à la communauté universitaire ce nouvel outil de mutualisation de leurs activités et de leurs moyens. Les PRES constituent également le cadre souhaitable du rapprochement et du partenariat entre les universités et les grandes écoles. L’article L. 344-1 du code de la recherche, qui les définit, dispose en effet que « plusieurs établissements ou organismes de recherche ou d’enseignement supérieur et de recherche, publics ou privés, y compris les centres hospitaliers universitaires ainsi que les centres de lutte contre le cancer, et dont au moins un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, peuvent décider de regrouper tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens, notamment en matière de recherche, dans un pôle de recherche et d’enseignement supérieur afin de conduire ensemble des projets d’intérêt commun. »

Les PRES s’inscrivent aussi dans la volonté de mieux insérer le système et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français dans la compétition internationale dont témoigne, par exemple, le classement académique des universités mondiales établi par l’université de Shanghai. Les regroupements qu’ils permettent dessinent les contours des grands centres universitaires devant structurer l’enseignement supérieur et la recherche de notre pays, la souplesse offerte par cette forme de coopération autorisant une fédération plus ou moins grande des établissements qui les composent.

Les PRES sont également conçus comme un instrument de promotion des établissements qui en sont membres En matière de recherche, en effet, toutes les publications scientifiques des sites peuvent désormais être présentées sous la signature unique du pôle, ce qui améliore la visibilité internationale des productions scientifiques de ses différents membres.

Les PRES pourraient ainsi jouer, entre les établissements, le rôle stimulant des unités mixtes de recherche (UMR) à l’intérieur de ceux-ci et comme ce fut le cas avec les UMR dans les années 1960, renouveler fondamentalement, sur une base d’adhésion volontaire, l’organisation de notre dispositif, non seulement d’enseignement supérieur, mais aussi de recherche.

La loi de 2006 prévoit que les PRES peuvent prendre la forme d’un établissement public de coopération scientifique (EPCS) ou d’une fondation de coopération scientifique (FCS). Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a cependant initialement encouragé la forme d’EPCS, qui lui semblait l’instrument le mieux adapté pour articuler formation et recherche, notamment en permettant la délégation au PRES de la délivrance des diplômes.

Le système français d’enseignement supérieur et de recherche compte aujourd’hui vingt-et-un PRES. Dix-huit sont constitués sous forme d’établissement public : Aix-Marseille Université, Université de Bordeaux, Université de Lyon, Université de Lorraine, Université de Toulouse, Université européenne de Bretagne, UniverSud Paris, Université Paris Est et ParisTech, créés en mars 2007, Clermont Université, Université Nantes Angers Le Mans, Université Lille Nord de France, Université Montpellier Sud de France, Université de Grenoble, PRES Limousin Poitou-Charentes créés en 2008 et 2009, et Sorbonne Paris-Cité, Centre Val de Loire Université et HéSam (Hautes études Sorbonne Arts et métiers) créés en 2010. Trois, parmi les plus récents, puisque créés en 2010, l’ont été sous forme de fondation : Sorbonne Universités, Paris Sciences et Lettres et PRES Bourgogne Franche-Comté.

Dix-neuf des vingt-et-un PRES créés rassemblent des universités et des écoles, Paris Tech ne rassemblant que des grandes écoles, parmi les plus prestigieuses. D’autres sites se sont engagés dans une démarche de coopération renforcée qui pourrait déboucher sur la constitution de nouveaux PRES dont certains avant la fin de l’année 2011 : Caen, Rouen et Le Havre développent un projet Normandie Université ; Cergy-Pontoise et Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ont en commun un projet Université Paris Grand-Ouest.

Le champ de compétence des établissements qui le composent est un critère essentiel pour juger de la qualité et du bon fonctionnement d’un PRES. Les membres fondateurs des PRES retenus doivent en effet avoir opté pour une délégation de compétences dans des domaines clés, en particulier en matière de recherche, de formations doctorales et de relations internationales.

En terme de formation, la coordination des études peut ainsi donner lieu à la délivrance d’un diplôme correspondant à des formations assurées par une ou plusieurs écoles ou universités membres, sous le sceau du PRES. Allant plus loin, l’article 3 de la loi n° 2010-1536 du 13 décembre 2010 relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire permet aux PRES d’être habilités à délivrer des diplômes nationaux.

Cette évolution souhaitable était défendue dans l’avis présenté par le rapporteur, au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, sur le budget de l’enseignement supérieur pour 2011 et consacré au rapprochement entre les universités et les grandes écoles où il était souligné, nombreuses auditions à l’appui, que pour aller plus loin dans le rapprochement entre grandes écoles et universités, il conviendrait de conférer aux PRES la capacité de délivrer des diplômes nationaux.

La mesure était d’autant plus nécessaire que l’opposition entre universités et grandes écoles s’estompe, en particulier parce que les grandes écoles tendent à développer les activités de recherche qui leur faisaient nettement défaut et les universités à professionnaliser leurs filières de formation. De nombreuses écoles d’ingénieurs ont ainsi été habilitées à délivrer le diplôme de doctorat, à la suite d’un avis favorable de l’Agence nationale d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), soit en propre, en étant co-accréditées au sein d’une école doctorale, soit conjointement avec une université. Le PRES est l’échelon le mieux adapté à cette convergence des pratiques et des compétences dans le respect des particularités de chacun.

Actuellement, deux PRES ont été accrédités par le ministère à délivrer ces diplômes, l’Université Paris Est et l’Université de Lorraine. Les membres du PRES Université de Grenoble viennent de signer un protocole prévoyant le transfert des écoles doctorales au PRES et la délivrance du doctorat par celui-ci.

La procédure de délivrance des diplômes nationaux elle-même reste inchangée. Elle doit en effet faire l’objet d’une demande d’habilitation, que celle-ci émane d’un PRES ou d’un établissement d’enseignement supérieur.

En termes de gouvernance enfin, la délégation de compétences au PRES s’accompagne d’un transfert de moyens, notamment financiers et humains, des établissements fondateurs. Mais le code de la recherche n’en encadre que très partiellement le fonctionnement, qui reste extrêmement variable. Tous les PRES, cependant, sont administrés par un conseil d’administration et dirigés par un président, les fondations distinguant davantage le rôle de direction renforcé de ceux-ci d’une fonction d’orientation précisée et confiée à un conseil scientifique.

2. Deux approches de terrain, le PRES UniverSud-Paris et le PRES Sorbonne Universités

Les auditions du rapporteur se sont articulées autour de deux PRES : « UniverSud-Paris » et « Sorbonne Universités ».

L’un, UniverSud-Paris, à une vocation plutôt scientifique et la forme d’établissement public de coopération scientifique (EPCS). Il regroupe, autour des trois membres fondateurs initiaux : l’université de Paris Sud 11 (« Orsay »), l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, l’École normale supérieure de Cachan, trois autres membres l’ayant rejoint depuis : l’École centrale Paris, l’École supérieure d’Électricité (ces deux établissements formant un consortium) et l’Université d’Évry-Val d’Essonne et 15 membres associés.

Ces derniers sont : AgroParisTech, l’École nationale vétérinaire d’Alfort, l’École nationale du paysage de Versailles, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour le compte des centres de Paris, Jouy-en-Josas et Versailles, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref) pour le compte du centre d’Antony, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) pour le compte de ses laboratoires franciliens, (ces six établissements sont regroupés au sein du groupement d’intérêt scientifique « Sciences et technologies du vivant et de l’environnement »), Télécom & Management Sud-Paris, le Génopôle d’Évry, l’École nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise, l’École des Hautes études commerciales, l’École Polytechnique, l’Institut d’optique Graduate school (ces trois établissements forment un consortium), l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, le synchrotron SOLEIL et l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

L’autre à vocation mixte, littéraire, juridique et scientifique a pris la forme d’une fondation de coopération scientifique (FCS) : le PRES « Sorbonne Universités » qui constitue l’un des quatre regroupements du paysage universitaire parisien avec « Paris Sciences et Lettres » (PSL), « Hautes études, Sorbonne, Arts et métiers » (HéSam) et « Sorbonne Paris Cité ».

Il comprend : l’Université Panthéon-Assas, l’Université Paris-Sorbonne, l’Université Pierre et Marie Curie, membres fondateurs initiaux et le Muséum national d’histoire naturelle, membre fondateur non initial et, comme membres associés : l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires), l’École nationale de la magistrature (ENM), le Centre de formation professionnelle notariale de Paris (CFPNP), l’École de formation des barreaux (EFB), les Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, l’Ecole des officiers de la gendarmerie (EOGN), l’École nationale supérieure de la police (ENSP), l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), l’École des Chartes, l’Institut national d’histoire de l’Art (INHA).

L’importance des établissements réunis dans les deux PRES montre assez la complexité d’une approche détaillée de la place que chacun d’entre eux y prend et du rôle qu’il attend de la structure de regroupement ainsi mise en place. On remarquera aussi, en terme de clarté, que le fait que trois PRES parisiens comportent la mention Sorbonne dans leur intitulé comprenant l’un, « Sorbonne Paris Cité », les anciennes universités impaires : Paris 3, 5, 7, l’autre, « Sorbonne Université », les paires : Paris 2, 4, 6 et le troisième, « Hautes études, Sorbonne, Arts et métiers », Paris 1, laisse passablement perplexe.

Le PRES UniverSud-Paris, après des débuts prometteurs, s’est trouvé confronté, comme le PRES ParisTech qui rassemble, lui, douze des plus prestigieuses grandes écoles françaises, au projet du « Plateau de Saclay ». Or, les moyens mis au service d’une mutualisation des activités de ses établissements adhérents étant, dès lors, susceptibles de passer de 4 millions d’euros pour le PRES à 1 milliard d’euros pour le pôle d’excellence, des tendances centrifuges n’ont pas tardé à se révéler, alors même que ses membres sont des établissements ayant une très forte identité… De façon assez philosophique, les responsables du PRES font remarquer que l’objectif de la création d’une grande université de recherche au sud de l’Île de France, qui était le sien, peut être atteint de différentes façons, le pôle d’excellence en étant incontestablement une.

Il serait cependant souhaitable que certaines de ses réalisations comme les synergies, les acteurs et les projets qu’il portait puissent trouver leur place, sous une forme adaptée, dans le nouveau grand pôle structurant du plateau de Saclay. Une visite du Génopôle d’Évry a en effet montré au rapporteur que même un centre de recherche bien identifié et très structuré voit un intérêt à concilier autonomie et participation au cadre fédératif que propose le PRES.

La situation du PRES Sorbonne Universités est, elle aussi, atypique, mais existe-t-il un PRES type ? La souplesse même qui a présidé à leur mise en place, indépendamment des incitations plus ou moins fortes du ministère, conduit en effet d’emblée à une grande variété de projets et de structures. Ce PRES est le seul, avec Paris Sciences et Lettres et le tout nouveau PRES Bourgogne-Franche-Comté, à avoir fait le choix de se constituer sous la forme d’une fondation de coopération scientifique.

Le choix du cadre le mieux adapté par les membres du PRES illustre assez bien la nouvelle autonomie des universités. La fondation a semblé la forme la mieux adaptée au regroupement d’établissements qui ont vocation à travailler en synergie sans pour autant fusionner, et dont la réputation nationale et internationale est très supérieure à celle du PRES lui-même. Les mêmes raisons ont sans doute présidé au choix parallèle de Paris Sciences et Lettres, qui compte parmi ses membres, rappelons-le, le Collège de France et l’École normale supérieure mais aussi le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, l’École nationale supérieure des arts décoratifs ou l’École nationale supérieure des beaux-arts…

Les données statistiques pour 2011 concernant le PRES Sorbonne Universités sont imposantes. Il accueille environ 70 000 étudiants, cursus cumulatifs compris, dont 13 050 étrangers, plus de 23 000 étudiants en master et plus de 7 000 étudiants en doctorat (intégrés dans de nombreux laboratoires de recherche, dont les 2/3 sont associés aux organismes de recherche : CNRS, INSERM, IRD, INRA) et 110 sportifs de haut niveau. Le corps enseignant compte 4 700 membres dont 2 900 enseignants-chercheurs titulaires et 820 professeurs. Les enseignants associés sont au nombre de 3 585 et les personnels administratifs et d’appui, 3 810. Son budget global s’élève à 684 millions d’euros.

En terme de classements nationaux et internationaux et de publications, il doit à ses membres, dont les Universités Pierre et Marie Curie, Paris Sorbonne, ou le Muséum dhistoire naturelle, dêtre en tête des établissements français.

La gouvernance du PRES, liée à son statut particulier de fondation, est elle aussi intéressante. Elle repose sur la distinction entre un conseil dadministration restreint et un large conseil scientifique, pédagogique et de la vie universitaire, dit sénat académique, sinspirant ainsi des règles de fonctionnement des grands établissements universitaires anglo-saxons et de celles des sociétés. Les membres associés sont représentés quant à eux dans un conseil des membres associés.

Le président de la fondation – PRES, est élu pour une durée de quatre ans renouvelable et préside les trois instances.

Le conseil dadministration du PRES est composé de quatre collèges comprenant :

– pour le collège des représentants des membres fondateurs : trois membres représentant les membres fondateurs initiaux qui sont de droit les présidents respectifs de chacun des membres fondateurs initiaux ;

– pour le collège des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs : trois membres représentant des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant tout ou partie de leurs fonctions au sein de la fondation. Le conseil dadministration de chacun des membres fondateurs initiaux désigne un représentant des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs ;

– pour le collège des représentants des membres associés : deux représentants. Ces représentants sont désignés par le conseil des membres associés selon les modalités définies par le règlement intérieur, étant précisé que chaque membre associé ne peut avoir quun seul représentant ;

– pour le collège des représentants des personnalités scientifiques ou professionnels qualifiés : un représentant, de nationalité française ou étrangère, désigné par le conseil dadministration de chacun des membres fondateurs initiaux.

Le conseil scientifique, pédagogique et de la vie universitaire ou sénat académique est lui composé de dix représentants pour chaque membre fondateur initial, soit trente représentants. Ces représentants sont désignés par le conseil dadministration de chacun des membres fondateurs initiaux ou, le cas échéant, selon des modalités définies par chaque établissement, parmi les étudiants (deux représentants par membre fondateur), le personnel de bibliothèque, administratif, technique, ouvrier et de service (deux représentants par membre fondateur), les enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs (quatre représentants par membre fondateur), et les représentants des milieux socioprofessionnels (deux représentants par membre fondateur) pour une durée de quatre ans renouvelable. Lorsquun représentant perd la qualité au titre de laquelle il a été désigné, son mandat prend fin. Il est remplacé par le conseil dadministration de luniversité concernée pour la durée du mandat restant à courir.

Chaque nouveau membre fondateur peut désigner quatre représentants au sein du conseil scientifique, pédagogique et de la vie universitaire pour une durée de quatre ans renouvelable.

Enfin, le conseil des membres associés est composé de deux représentants de chacun des membres associés. Le conseil dadministration de chaque membre associé, ou à défaut son représentant légal, désigne deux représentants pour une durée de quatre ans renouvelable.

Cette structure équilibrée, partagée entre une direction exécutive restreinte et un cadre dorientation ouvert semble donner satisfaction à ses membres, même à ceux, comme le Muséum dhistoire naturelle, dont le champ dactivité et surtout lhistoire pouvaient sembler assez éloignés de la problématique universitaire et scolaire qui est à lorigine de la mise en place des pôles de recherche et denseignement supérieur.

Ses responsables, par ailleurs souvent professeurs à luniversité voisine Pierre et Marie Curie, soulignent lapport évident du PRES dans le domaine de la vie étudiante, que le Muséum navait pas les moyens de développer. En effet, comme le constatent les responsables du PRES, la santé, les moyens financiers, les logements, la restauration et les loisirs sont des éléments déterminants du quotidien des étudiants comme des enseignants et de lensemble des personnels. De leur qualité dépend le bien-être de toute la communauté universitaire. Sorbonne Universités a donc lobjectif de construire un vaste campus unifié et solidaire au bénéfice de tous.

Mais les chercheurs du Muséum font aussi remarquer que, de façon moins attendue, le champ de la recherche lui-même, comme la préhistoire par exemple, peut bénéficier du rapprochement entre établissements que le PRES autorise.

B. UNE STRUCTURE TRANSITOIRE ?

1. Des rapports critiques mais ouverts

Le rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (n° 2010-014 de mars 2010) sur les pôles de recherche et d’enseignement supérieur et la reconfiguration des sites universitaires, publié avant la loi du 13 décembre 2010 relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, laquelle répond à certaines de ses remarques, soulignait que l’état des lieux des PRES existants faisait apparaître des réalisations intéressantes mais aussi un engagement insuffisant des établissements fondateurs. Il constatait que leur intervention en matière de recherche était, malgré les ambitions affichées, très limitée et que moins de la moitié avait un rôle important en matière de valorisation.

Il établissait un parallèle avec la lente construction de l’intercommunalité, l’estimant riche d’enseignements pour les PRES, en particulier dans son aspect de coopération multi-outils.

Parmi les orientations proposées figurait la remarque que si « en premier lieu, il convient de confirmer que si l’établissement public de coopération scientifique (EPCS) n’est pas la seule formule juridique qui peut être retenue pour la création de PRES de coopération, la fusion d’établissements comme la création d’un PRES fédérateur de deuxième génération nécessite, aux yeux de la mission et dans l’état de l’opinion universitaire, de s’appuyer sur un établissement public et de lui conférer des compétences de plein exercice. » Il semble cependant que des formes durables de PRES peuvent aussi se fonder sur une structure de fondation de coopération scientifique, même si l’« établissement public de plein exercice, doit pouvoir exercer tous les types de compétences traditionnellement dévolues aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP) – les universités -, qu’il s’agisse notamment de la délivrance de diplômes, de l’affectation de personnels, de la responsabilité directe de structures de recherche, de la contractualisation avec des partenaires dans le champ des compétences déléguées, de la gestion des contrats doctoraux ou encore de la création de fondations partenariales ou d’établissement. Il doit également pouvoir bénéficier des compétences et responsabilités élargies. »

Quoi qu’il en soit, le rapport proposait en conclusion des outils variés de reconfiguration des sites universitaires.

Il était envisagé soit la fusion d’établissements, par constitution d’une seule université, soit le recours à la formule du grand établissement, lorsque les établissements souhaitent conserver une forme d’identification en son sein, soit en cas de difficultés de fusion, des établissements de coopération scientifique à coopération renforcée, devenant en quelque sorte des universités confédérales, soit enfin et pour mémoire, le maintien du cadre existant.

C’est à des conclusions parallèles que parvenait M. Jean Picq, présentant le rapport de la Cour des comptes sur la politique de regroupement et de coopération dans l’enseignement supérieur devant la Commission des finances de notre Assemblée, le 8 juin 2010. Il soulignait ainsi que « pour la Cour, le moment est peut-être venu de s’assurer que, dans ce paysage très évolutif, marqué par une succession d’annonces, la ligne stratégique du Gouvernement est bien claire. » Il suggérait, en conséquence, une mise en cohérence des initiatives législatives et financières qui se sont succédé, de donner aux PRES un contenu plus large en leur permettant de développer des projets plus ambitieux et de renforcer et clarifier le pilotage stratégique exercé par l’État en envisageant, par exemple, une contractualisation entre l’État et les PRES en coordination avec leurs membres. En matière d’organisation, il soulignait :

« Deux perspectives nous semblent envisageables : la première consiste à se placer dans une logique d’intégration, voire de fusion, qui ferait du PRES une forme transitoire d’accompagnement. Cette logique a prévalu à Strasbourg, même si l’on n’a pas eu recours au PRES, et c’est apparemment celle qui est retenue par les acteurs du terrain en Lorraine, à Marseille, à Montpellier et à Lille. Dans cette hypothèse, cinq pôles, parmi les plus importants du pays, disposeraient d’une véritable visibilité internationale. Quand la fusion n’est pas souhaitée ou quand elle ne paraît pas envisageable, une seconde option consiste à créer des ensembles confédéraux, fédéraux ou fédératifs, le terme choisi important peu : l’essentiel est qu’il existe une mécanique « à l’européenne », reposant sur des transferts de compétences et sur la constitution d’une capacité de coordination effective en matière de formation et de recherche. C’est, semble-t-il, ce que souhaitent les responsables des PRES de Lyon, de Toulouse, de Bordeaux, de Paris-Est et d’UniverSud. Dans ces deux hypothèses, une douzaine de sites pourraient, au total, atteindre la visibilité internationale souhaitée. »

Enfin, la Cour des comptes consacrait aux PRES une partie de son rapport public annuel de février 2011. Intitulée : « Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) : un second souffle nécessaire », la Cour y soulignait en effet que la situation apparaissait en demi-teinte. Constatant qu’une réelle dynamique avait été lancée depuis 2006 elle remarquait que « pour autant les résultats restent modestes. Les PRES ont un impact encore faible en matière de formation et de recherche. Ils éprouvent des difficultés à développer des actions de mutualisation structurantes. La gouvernance de nombre d’entre eux repose sur des compromis peu satisfaisants. La bonne utilisation des fonds alloués, pour des montants très importants, à l’enseignement supérieur et à la recherche, que ce soit dans le cadre de l’opération Campus ou dans celui des investissements d’avenir impose qu’il soit remédié à cette situation préoccupante par une nouvelle étape de la politique de regroupement. Les moyens financiers nouveaux accordés sont une opportunité à ne pas manquer pour orienter cette recomposition, à la condition que les diverses initiatives qui se sont succédé soient mises en cohérence. Pour impulser ce nécessaire second souffle, l’avenir des PRES, leur positionnement et leur évolution souhaitable doivent être précisés. Le pilotage et l’accompagnement de la démarche par l’État méritent aussi d’être renforcés. »

Les auditions auxquelles a procédé le rapporteur se sont bien sûr également inscrites dans les interrogations et les réflexions soulevées dans ces rapports. Elles le conduisent à suggérer de poursuivre la réflexion, sans, toutefois, proposer de conclusions définitives.

2. Fusion, transition, adaptation, quelles perspectives ?

En effet, il est clairement apparu qu’avec les PRES, notre système de recherche et d’enseignement supérieur s’est doté d’un outil sans précédent véritable, mais bien adapté au paysage assez éclaté et mouvant qui le caractérise. Après quelques tâtonnements et, il faut le remarquer, quelques oscillations entre un réflexe de dirigisme administratif et le laisser faire, le ministère de tutelle semble finalement s’accommoder des voies multiples prises par l’organisation des PRES.

En outre, la mise en place, au début de la législature, de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) renforçant l’autonomie des établissements les incitait à privilégier l’accès à des compétences et des responsabilités élargies et semblait rendre moins urgente la logique coopérative qui sous-tendait la politique de mise en place des PRES.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a d’abord fortement souhaité que les PRES prennent la forme d’un établissement public de coopération scientifique, au point d’en faire un critère déterminant, en terme de gouvernance, dans la présentation de sa politique dans ce domaine, s’inspirant, sur ce point, de sa gestion des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), eux aussi créés par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, mais portés par des fondations de coopération scientifique et qui ont fait l’objet de statuts-type et de conventions d’objectifs et ont bénéficié d’un suivi à travers, notamment, un forum d’échanges et la production de rapports annuels d’activité.

Or, il semble depuis, à en juger par les résultats de la première série des appels à projet des « Initiatives d’excellence » que, si les jurys ont été sensibles aux questions de gouvernance, les trois lauréats présentant, dans ce domaine, des formes aussi variées que le permettent les dispositions adoptées depuis 2006, elles n’ont pas, à elles seules, été déterminantes. En effet, l’université de Strasbourg est un établissement universitaire unique produit de la fusion des trois anciennes universités strasbourgeoises, le PRES Université de Bordeaux a la forme d’un établissement public de coopération scientifique et Paris Sciences et Lettres celle d’une fondation de coopération scientifique.

Si lintérêt dun PRES est évident pour les étudiants des établissements qui en sont membres, par la création de passerelles ou de cursus communs ou partagés comme, on la vu, en matière de vie universitaire, il le semblait moins en terme de recherche. La fusion en cours ou clairement envisagée des grandes universités non parisiennes, suivant lexemple de Strasbourg, comme à Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Nancy-Metz, ou encore Bordeaux, paraît dautant plus simple quelles couvrent chacune un domaine spécifique les rapprochant des facultés antérieures aux réformes de structure qui ont suivi 1968 et répond ainsi davantage aux besoins des étudiants.

Pour autant, une fois la fusion réalisée, en 2012 en principe, pour Aix-Marseille et Nancy-Metz, un PRES à vocation régionale peut aussi être mis en place. Les universités alsaciennes quant à elles, sans aller jusquà une nouvelle fusion, se sont prononcées en faveur dun rattachement de luniversité de Haute-Alsace (Mulhouse) à luniversité de Strasbourg.

La structure de PRES, sous forme de fondation, semble également parfaitement adaptée pour regrouper et mutualiser les activités de recherche détablissements à forte notoriété et aux personnalités ancrées dans lhistoire intellectuelle de notre pays.

À cela semble répondre, on la vu, le choix des deux grands PRES parisiens organisés en fondation de coopération scientifique, Paris Sciences et Lettres et Sorbonne Universités qui regroupent des établissements aussi divers que célèbres. Dans ce cadre, la mutualisation et les synergies prennent toute leur pertinence en terme de recherche.

Plus étonnant, lun des derniers nés, le PRES Bourgogne Franche-Comté, qui saffirme demblée comme un levier fort pour sa région et, au-delà de ses frontières, avec des partenaires suisses et des réseaux mondiaux, se définit comme lun des premiers PRES de la nouvelle génération constitué en fondation de coopération scientifique. Cette approche semble donc traduire une nette inflexion de lorientation initiale des tutelles de privilégier la constitution de PRES sous forme détablissements publics de coopération scientifique, ces derniers étant dès lors incités à se transformer, quand cest possible, en université fusionnée.

Exemple contraire, montrant, si cétait nécessaire, que le cadre PRES est protéiforme et on ne peut mieux adapté à lextrême diversité du monde de la recherche et de lenseignement supérieur français : la fondation de coopération scientifique Campus Condorcet qui réunit neuf partenaires de forte notoriété internationale, unis de longue date par détroites relations scientifiques et pédagogiques (le CNRS, lÉcole des hautes études en sciences sociales (EHESS), lÉcole nationale des chartes (ENC), lÉcole pratique des hautes études (EPHE), la Fondation maison des sciences de lhomme (FMSH), lInstitut national détudes démographiques (INED) et les Universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 8 Vincennes – Saint-Denis et Paris 13 Nord) qui ont vocation à rejoindre le Campus Condorcet créé à Paris et Aubervilliers pourrait, elle, évoluer vers un statut détablissement public de coopération scientifique… La plupart de ses membres participant, par ailleurs, à dautres PRES.

Parallèlement, les universités de Nice et de Toulon ont signé en partenariat avec les universités Pierre et Marie Curie, de Corte, de Gênes et de Turin une convention cadre de préfiguration dun PRES transfrontalier franco-italien sous le statut de groupement européen de coopération territoriale (GECT). De même, une convention cadre lie les universités de Perpignan et de nouveau Pierre et Marie Curie par lintermédiaire de lobservatoire océanologique de Banyuls avec des universités catalanes et des îles Baléares en vue de créer un PRES transfrontalier « Pyrénées-Méditerranée » qui pourrait également prendre le statut dun GECT.

Enfin, les PRES sont au cœur des stratégies de site dont le développement sinscrit dans le cadre du projet Strater, conduit par le ministère de lenseignement supérieur et de la recherche depuis deux ans, dans le but de proposer une vision territoriale du système denseignement supérieur, de recherche et dinnovation à lhorizon 2020, en renforçant le rôle de stratège du ministère afin de rééquilibrer et dharmoniser les initiatives des différents partenaires.

Une dimension des PRES semble cependant insuffisamment mise en évidence, il s’agit de leur rôle dans la valorisation de la recherche. En effet, le PRES semble le lieu et le niveau de structure le mieux adapté à la valorisation de la recherche publique. Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) devraient y trouver leur cadre naturel.

C’est ainsi que l’a conçu le PRES Sorbonne Paris Cité. Après une première phase de travail interne à Sorbonne Paris Cité, le projet de SATT « Île de France Innov », présenté en association avec le PRES Université Paris Est, l’université de Cergy-Pontoise, l’Inserm et le CNRS est l’un des 5 premiers lauréats financés par le Fonds national de valorisation des investissements d’avenir, comme on l’a noté dans la première partie du présent avis. Il bénéficiera d’une dotation de 68 millions d’euros pour les dix ans à venir.

Les faiblesses du dispositif de valorisation de la recherche publique française ont été soulignées par beaucoup, dont le rapporteur. Les causes en sont connues : les dispositifs de valorisation sont trop fragmentés, le financement de la phase de maturation est insuffisant, les conditions de contractualisation sont complexes pour les entreprises.

Ainsi, plus de 7 000 chercheurs et enseignants-chercheurs et 7 500 doctorants mènent des projets de recherche sur un large spectre de thématiques, au sein des 300 laboratoires qui composent le périmètre de la SATT du PRES Sorbonne Paris Cité. Avec un budget annuel de R&D de près de 700 millions d’euros, les actionnaires de la société jouent un rôle majeur dans la recherche francilienne. Néanmoins, avec moins de 400 brevets et 220 licences d’exploitation en portefeuille, pour des revenus d’à peine 3 millions d’euros, la marge de progression en matière de valorisation reste, on le voit importante.

Aussi, dans la présentation de son projet, le directeur de la recherche et de la valorisation du PRES remarquait que « face au défi de l’économie de l’innovation, et donc à celui du maintien des emplois sur notre territoire, la recherche publique, tout en poursuivant sa quête de la connaissance et de la qualité maximale, se doit de rendre plus accessibles et mieux exploitables, par le monde économique et particulièrement par les PME, les savoirs et les savoir-faire valorisables des équipes de recherche. »

Le projet du PRES s’appuyait sur la diversité des cultures et des domaines de compétences des établissements le composant. Il associe en effet quatre universités (Sorbonne Nouvelle, Paris Descartes, Paris Diderot et Paris 13) et quatre grandes écoles ou instituts (Sciences Po Paris, l’École des hautes études en santé publique, l’Institut national des langues et des civilisations orientales et l’Institut physique du globe de Paris).

À travers ce projet, le PRES s’était fixé deux objectifs : contribuer au rayonnement de la recherche conduite dans ses laboratoires publics et accroître les interactions entre le monde académique et le monde économique afin de participer au développement économique de l’Île de France et à la sauvegarde des emplois.

L’offre de services de la société doit donc répondre et s’adapter aux besoins de l’ensemble des disciplines présentes dans les établissements du PRES. Elle est vaste puisqu’elle comprend la gestion et la valorisation de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire l’élaboration et la négociation des contrats de recherche avec les industriels, le développement et la valorisation du portefeuille de propriété industrielle, mais aussi des solutions innovantes destinées à valoriser le potentiel des laboratoires de lettres et sciences humaines et sociales, et l’accompagnement et le financement de la création d’entreprises. Il s’agira d’inciter les chercheurs mais également les étudiants, à s’engager dans cette voie. Parallèlement sera développé l’accompagnement des PME dans leurs relations avec les laboratoires, la mise à disposition des offres de compétences et de savoir-faire des laboratoires et la valorisation des compétences des doctorants et docteurs de l’université afin de faciliter leur insertion dans le monde professionnel.

La SATT aura la forme d’une filiale de droit privé du PRES. Les établissements le composant demeurent propriétaires de leurs droits, la SATT intervenant au titre de conseils et de prestataire de services dans le cadre d’un mandat de gestion qui pourra être personnalisé par établissement.

La valorisation était une question dont les établissements s’étaient relativement peu saisis jusqu’ici, moins encore en sciences humaines et sociales que dans les autres champs disciplinaires. Elle devrait trouver dans ce cadre de vraies perspectives de développements.

Si, selon le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, les PRES continuent de constituer le moyen le plus efficace et le mieux adapté pour organiser le rapprochement entre les établissements d’un même site ou d’un large bassin, il apparaît clairement que cette structure reste suffisamment souple pour permettre l’exercice en commun d’un nombre plus ou moins grand de compétences dont la valorisation de la recherche publique, réalisée en son sein, n’est pas la moindre.

Plus largement, on le voit, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur ont acquis une légitimité et une place de référent pertinent parmi les multiples cadres récemment créés de mise en cohérence et de regroupement de la recherche et de l’enseignement supérieur en France.

Peut-on, dès lors, comme lécrit le président du PRES Sorbonne Universités, penser que « le bonheur est dans le PRES » ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au cours de sa séance du mardi 18 octobre 2011.

M. Christian Kert, président. Nous avons le plaisir d’accueillir pour la première fois M. Laurent Wauquiez dans ses fonctions de ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour une audition sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le budget pour 2012 présente deux caractéristiques : il continue d’accorder une forte priorité à l’enseignement supérieur et à la recherche tout en contribuant à l’effort collectif de réduction des déficits.

Il n’y a pas de rigueur aveugle : le Gouvernement a choisi de poursuivre le soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui constituent un des principaux moteurs face à la crise et le principal facteur de réponse aux questions d’ascenseur social, de compétitivité de nos entreprises et de capacité à créer à moyen terme les emplois dont nous aurons besoin.

Ce budget est destiné à consolider les réformes engagées, touchant notamment à l’autonomie des universités, à l’amélioration des conditions d’études, en particulier pour les enfants issus des classes moyennes, ou à l’accélération des grands chantiers tendant à stimuler l’excellence de la recherche française.

Plus de 9 milliards d’euros auront bien été investis – hors investissements d’avenir, hors plan de relance et hors opération campus – dans l’enseignement supérieur sur la période 2007-2012, conformément à l’engagement du Président de la République.

De ce fait, l’ensemble des leviers de financement sont mobilisés pour l’enseignement supérieur et la recherche en 2012.



D’abord, les autorisations d’engagement progresseront l’an prochain de 428 millions d’euros, soit + 1,7 %.

Deuxièmement, la montée en puissance du crédit d’impôt recherche (CIR) se poursuivra, avec 174 millions d’euros de crédits supplémentaires, notamment parce que nos PME en ont plus bénéficié et y recourent davantage. Ce dispositif favorise aussi le développement de partenariats public-privé (PPP), ce qui est très intéressant en termes d’approche de la recherche et de créations rapides d’emploi.

S’ajoutent, troisièmement, les moyens dédiés à des financements innovants : les intérêts de l’opération campus permettront de réaliser 167 millions d’euros d’investissements supplémentaires en 2012 et d’accélérer ainsi les chantiers, qui se sont multipliés sur les sites universitaires.

Enfin, au titre des investissements d’avenir, 1,2 milliard d’euros de crédits sera effectivement débloqué l’an prochain.

Il en résulte une augmentation de la dépense intérieure d’éducation. Pour l’université, elle s’établit à 10 180 euros par étudiant en 2010 contre 8 619 euros en 2006.

De même, la dépense intérieure de recherche, qui s’élève à 43,6 milliards d’euros, a progressé de 15 % depuis 2006, contre seulement + 10 % entre 2002 et 2006.

Cette politique ne consiste en aucun cas à allouer des moyens supplémentaires sans contrepartie : elle doit s’accompagner d’un certain nombre de réformes tendant à améliorer le fonctionnement de notre système pour le rendre plus opérationnel, plus performant pour nos étudiants, plus autonome, plus réactif pour nos universités, et permettre à l’enseignement supérieur et à la recherche de tisser des liens plus efficaces avec nos territoires.

Concernant l’enseignement supérieur, la première priorité pour 2012 est l’amélioration des conditions d’études.

Les bourses laissaient jusqu’ici de côté les classes moyennes, notamment les plus modestes. Le seuil d’obtention des bourses s’arrêtait, avant le début de ce quinquennat, à environ 2,2 SMIC. L’ensemble des réformes réalisées depuis a permis d’augmenter ce seuil à 3,3 SMIC, ce qui constitue un changement considérable. Parallèlement, nous finalisons l’octroi d’un dixième mois de bourse. Jusqu’ici, alors que les étudiants avaient besoin d’aide dès septembre, nous ne mobilisions les financements qu’en novembre : pour la première fois en France, les étudiants pourront cette année bénéficier de dix mois de bourse pour dix mois d’études. Cette mesure a été soutenue par l’ensemble des organisations étudiantes.

Au total, la politique de la vie étudiante bénéficie d’une augmentation de 91 millions d’euros.

Nous avons par ailleurs mis en place deux dispositifs : l’expérimentation dans deux régions d’un fonds de financement permettant d’aider les étudiants à payer les cautions de logement et le mois de garantie, ainsi qu’un partenariat pour les équipements numériques.

Au total, la revalorisation régulière des plafonds de revenus et des taux a permis d’augmenter de 25,4 % le nombre de boursiers – ce qui est historique – et d’avoir une progression du montant des bourses de 20 % en moyenne sur 2007-2011.

La deuxième priorité pour l’enseignement supérieur est la consolidation de l’autonomie des universités.

Les établissements d’enseignement supérieur verront leurs moyens augmenter de 237 millions d’euros.

En cinq ans, l’État aura fait progresser de 627 millions d’euros les moyens de fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur, contre 527 millions au cours des dix années précédentes. Cela traduit un véritable changement de rythme.

Enfin, troisième priorité : la construction des campus de demain, permettant d’offrir à nos étudiants les meilleures conditions d’études. Disposer de centres de e-learning, de salles de réunion interactives, de bibliothèques de haut niveau et fonctionnelles, de couplages avec des laboratoires ou d’équipements sportifs est important pour leur réussite.

Nous accélérerons nos grands chantiers, notamment ceux prévus dans le cadre de l’opération campus ou la rénovation du campus de Jussieu – qui est actuellement à l’avant-garde alors qu’il était emblématique de la paralysie passée.

Je ne sous-estime en rien l’effort demandé aux établissements, mais il faut mesurer aussi l’ampleur de celui consenti par l’État.

S’agissant de la recherche, nous voulons lui donner les moyens d’être compétitive au plus haut niveau mondial.

En 2012, l’État consacrera 214 millions d’euros supplémentaires en sa faveur. Les crédits budgétaires augmenteront de 40 millions.

Les organismes de recherche devront réaliser des efforts de gestion, mais ils bénéficieront d’une augmentation de leur masse salariale et de moyens pour tenir nos engagements sur les très grandes infrastructures de recherche notamment.

Nous souhaitons davantage orienter le CIR sur les PPP, ce qui appuie nos laboratoires et leur permet d’avoir des déclinaisons et des applications techniques rapides. Cela permet également à nos entreprises de prendre de l’avance dans la compétition internationale.

Les chercheurs sont très preneurs de ces partenariats et les ont développés de façon assez soutenue à Bordeaux ou à Strasbourg, qui sont à l’avant-garde à cet égard.

Dans le cadre des investissements d’avenir, 20,6 milliards d’euros – hors opération campus – sont dédiés à la recherche et à l’innovation. 9,6 milliards d’euros sont déjà engagés dans 220 projets. Il s’agit d’une mutation importante : elle a suscité l’enthousiasme de la communauté scientifique, qui a présenté beaucoup de projets. En 2012, les laboratoires bénéficieront de près d’1,3 milliard d’euros de crédits à ce titre.

En conclusion, le budget pour 2012 accorde, dans un contexte d’effort collectif de maîtrise de nos finances publiques, une priorité essentielle à l’enseignement supérieur et à la recherche. D’abord, car ce secteur a été capable de se réformer de façon extraordinaire – il a, au cours de ces cinq dernières années, effectué une révolution culturelle majeure –, mais aussi parce qu’il a montré son aptitude à s’imposer comme principal moteur d’espoir pour notre pays.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. La recherche est en effet essentielle pour notre avenir, notamment en cette période de crise.

Le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) stagne, alors qu’il s’agit d’un opérateur très important pour les investissements d’avenir. Si je suis conscient des efforts nécessités par la maîtrise des déficits, je suis aussi préoccupé par la baisse sensible du taux de réussite moyen des projets qui lui sont soumis, lequel est nettement inférieur à 20 % aujourd’hui, contre 26 % à l’origine. Cela risque de décourager les nouveaux talents, car dans les projets « blancs » laissés à l’initiative des chercheurs, peu de jeunes équipes sont retenues. Pouvez-vous nous éclairer, voire nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, cinq ans après leur création, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) présentent une grande hétérogénéité. À Strasbourg, une fusion s’est opérée, à Aix-Marseille ou Bordeaux, une transition en ce sens se dessine et, à Sorbonne Universités, on s’oriente vers une fondation, tandis que d’autres PRES se sont révélés infructueux. Le PRES est-il une structure définitive ou évolutive, pouvant aller jusqu’à la fusion ?

Ces pôles sont aussi un facteur de valorisation de la recherche publique, qui, il y a encore quelques années, était peu abordée dans les universités françaises. Une grande révolution culturelle s’est produite chez les chercheurs à cet égard. Ces pôles permettent également d’assimiler notre particularité fondée sur la séparation entre les grandes écoles, de haut niveau mais avec peu de recherche, et les universités, et de créer des passerelles indispensables entre les deux. De plus, certaines universités avaient de petits services de valorisation : la mutualisation de leurs moyens a eu à cet égard un effet positif, alors même que celui-ci n’avait pas été envisagé au départ.

Les auditions réalisées dans les établissements m’ont en outre permis de constater le caractère préoccupant de l’emploi contractuel. Si le Gouvernement envisage une loi sur la titularisation de ces emplois, on assiste parfois, alors qu’aucun texte n’a été adopté, à la suppression prématurée de ceux-ci, conduisant à l’interruption de certaines recherches. C’est le cas notamment à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), où certaines personnes ont vu leur contrat suspendu alors que leur programme de recherche n’était pas terminé. Ce problème doit être distingué de celui des thésards qui prolongent leurs recherches.

Enfin, si l’État fait un effort important pour la recherche, je regrette que l’École normale supérieure (ENS) soit passée de la 71e à la 69e place seulement dans le classement de Shanghai.

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur. Conformément aux usages de notre Commission, j’ai choisi un thème d’investigation – le plan licence – auquel l’essentiel de mon avis budgétaire sera consacré, la licence étant pour moi le maillon essentiel de l’enseignement supérieur car le plus fréquenté et le plus fragile.

Sur l’évolution des crédits de l’enseignement supérieur, je ferai simplement quelques remarques. D’abord, l’engagement du président de la République d’augmenter de cinq milliards d’euros en cinq ans le budget de ce secteur ne sera pas tenu.

Par ailleurs, ce budget est peu lisible, car construit sur des montages complexes et « concurrencé » par les investissements d’avenir. Sur ce dernier point, d’un côté, nous aurons quelques grands pôles universitaires et scientifiques choyés – Jussieu, Strasbourg, le pôle de Paris, Bordeaux I et Bordeaux II – ; de l’autre, des universités de proximité, peu gâtées par le modèle d’allocation des moyens qui est loin d’être « sympathique », contrairement à ce que pourrait laisser penser son acronyme SYMPA. Enfin, certains programmes semblent particulièrement mal traités, notamment ceux relatifs au personnel, à la recherche et à la vie étudiante.

En ce qui concerne la licence, les taux d’échec enregistrés frappent les bacheliers, souvent mal orientés.

Doté de 750 millions d’euros sur cinq ans, le plan licence – qui vise à mieux accompagner les étudiants par une meilleure orientation, des heures d’enseignement plus nombreuses, un tutorat et une pédagogie plus différenciée – a été ouvert à la demande des organisations étudiantes. C’est un bel investissement d’avenir mais, hélas, les vingt-huit personnes que j’ai auditionnées m’ont démontré que l’application de ce plan a été partielle et partiale, car freinée pour des raisons à la fois budgétaires et idéologiques.

Je souhaite vous interroger sur cinq points.

Le plan licence n’est-il pas trop soluble dans le budget global des universités aux compétences élargies ? Comment concilier le fléchage de ses crédits et la liberté d’allocation des moyens confiés aux établissements – qui conduit à ce que les crédits soient peu dépensés, saupoudrés et parfois utilisés à de toutes autres fins que la réussite en licence ? Que peut-on faire pour mieux encadrer l’exécution budgétaire de cette politique ?

Une trentaine de référentiels de formation devraient être prêts pour la fin de l’année. Pouvez-vous nous dire combien seront effectivement publiés ? Par ailleurs, il semble que leur élaboration ne soit pas très transparente alors qu’elle aurait pu être confiée au comité licence. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

Pour les organisations étudiantes, le point le plus décevant est que ce plan n’a pas révolutionné la pédagogie universitaire. Nous sommes encore, faute de personnels suffisants – je rappelle que la France est située au bas de l’échelle s’agissant du taux d’encadrement dans l’enseignement supérieur –, dans le modèle du « tout amphi ». Nos ambitions en la matière se heurtent également au fait que l’essentiel de la carrière et de l’évaluation des enseignants-chercheurs repose sur leur travail de recherche et non sur leur enseignement. Pourquoi ne pas prévoir des incitations collectives à l’investissement des enseignants-chercheurs dans la pédagogie ? Par ailleurs, les centres d’initiation à l’enseignement supérieur ne pouvant plus assurer leur rôle, ne faudrait-il pas confier la mission essentielle de formation initiale et continue des enseignants-chercheurs aux instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), en lien avec les PRES ?

S’agissant des instituts universitaires de technologie (IUT), la circulaire de 2009 sur leur autonomie de gestion et les contrats d’objectifs et de moyens entre les universités et ces instituts ne semblent pas suffisants pour préserver les spécificités de la filière. N’est-il pas temps de rappeler solennellement le droit aux universités en publiant un décret sur cette autonomie de gestion et en annexant les contrats d’objectifs et de moyens à ceux conclus entre les établissements et l’État ?

Enfin, la lutte contre l’échec en licence doit s’attaquer aux racines sociales de ce phénomène. 35 % des étudiants travaillent pour financer leurs études, les enfants d’ouvriers étant proportionnellement plus nombreux à travailler à plein-temps. Or notre système de bourses, malgré les améliorations apportées récemment, ne parvient pas à corriger cette inégalité devant la réussite. Le taux de poursuite d’études de nos bacheliers dans les filières de l’enseignement supérieur tend par ailleurs à se dégrader. Dans ce contexte très inquiétant, quelles mesures d’équité donnant les mêmes chances de réussite à tous seriez-vous prêt à prendre en urgence ?

M. Gérard Gaudron. Quels sont les exemples de réussite en matière de PPP ?

M. le ministre. Je précise d’emblée que je n’ai pas évoqué les PPP au sens juridique du terme, mais par allusion aux laboratoires de recherche constitués en couplage avec une entreprise pour essayer de développer une synergie rapide. C’est ainsi que sur les nanotechnologies, la France est leader dans le monde, grâce à un partenariat public-privé CNRS-entreprises, avec une start-up qui occupe aujourd’hui 75 % du marché.

Mme Marie-Hélène Amiable. Comme nous l’avons déjà souligné les années précédentes, la présentation de ce budget est trompeuse, car elle mélange les crédits de paiement et ceux du plan campus, du grand emprunt et du CIR.

La hausse affichée couvrira à peine l’inflation et ne semble pas tenir compte du glissement vieillesse-technicité (GVT). Quelles précisions pouvez-vous apporter sur ce point ?

Fin 2007, le Gouvernement a annoncé un effort financier exceptionnel pour remettre notre pays à niveau, mais cet engagement ne sera pas tenu.

Le CIR bénéficie encore cette année d’une augmentation sensible, malgré les critiques de la Cour des comptes, alors que le budget des universités semble le grand perdant.

Les établissements d’enseignement supérieur font de plus en plus part de difficultés après l’annonce d’économies inquiétantes. Ainsi, le président de l’université de Pau, que j’ai rencontré hier, ne voit pas comment il va pouvoir voter un budget en équilibre l’an prochain. Selon lui, cela n’est pas lié à une mauvaise gestion, mais on ressent durement le milliard d’euros manquant dans le budget de fonctionnement des universités. Pour maîtriser le GVT, il est contraint de geler des postes : il dispose d’une vingtaine d’emplois vacants et devra sans doute décider de différer dix recrutements. Il s’interroge aussi sur les marges de manœuvre annoncées et n’a pas caché qu’il serait obligé de prendre d’autres mesures impopulaires pour maintenir l’équilibre : retarder le paiement des heures complémentaires, bloquer la progression des régimes indemnitaires ou diminuer l’offre de formation. Il va aussi demander aux directeurs de laboratoire de faire de nouveaux efforts. Or cette situation de détresse existe dans de nombreuses autres universités.

Nous souhaiterions donc disposer d’informations sur la situation précise de chaque établissement, distinguant les variations liées au plan campus et au grand emprunt, pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

Je ne reviens pas sur le plan licence qui vient d’être évoqué, mais les résultats obtenus ne semblent pas satisfaisants en la matière alors qu’il était annoncé comme une priorité.

S’agissant de la vie étudiante et de l’aide sociale, dont vous dites faire aussi une priorité, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) connaissent une baisse de 5,5 % de leurs crédits. Le fonds d’urgence, créé en 2008, est en stagnation et toujours soumis à des critères discrétionnaires. Il doit être plus lisible afin d’en faire un véritable outil d’amélioration de la vie étudiante.

Pouvez-vous confirmer que le financement intégral des dix mois de bourse sera assuré ?

Par ailleurs, on ne peut que s’inquiéter des conséquences du doublement de la taxe sur les mutuelles sur la santé des étudiants.

En outre, les budgets des organismes de recherche publics sont en recul et ceux-ci sont contraints d’externaliser certaines fonctions et de réduire leurs personnels.

Enfin, divers rapports ont montré l’urgence d’une réforme de la formation des enseignants : quelles sont vos propositions à cet égard ? Quelle est leur traduction budgétaire en 2012 ?

M. Alain Marc. Les licences professionnelles donnent de très bons résultats et offrent une formation en adéquation avec le marché du travail. Ainsi, dans des petites villes comme Saint-Affrique, on enregistre sept emplois créés pour un élève. Comment entendez-vous développer ces licences ?

Mme Monique Boulestin. Le financement du dixième mois de bourse sera-t-il pérennisé ?

Je partage les inquiétudes exprimées par nos collègues sur les PRES, qui présentent de fait une grande hétérogénéité. C’est le cas notamment pour celui de Limoges-Poitiers-La Rochelle, pour lequel j’ai beaucoup travaillé et avais souhaité que l’on renforce la mutualisation entre les trois universités : comment voyez-vous son avenir ?

Enfin, à quoi va servir le fonds d’innovation pédagogique dont vous avez annoncé la création en juin dernier dans le cadre du grand emprunt ?

M. Bruno Bourg-Broc. La tendance est au regroupement dans de grands centres universitaires. Quelle est votre position sur l’enseignement supérieur et la place des universités dans les villes moyennes ?

Comment voyez-vous l’avenir des IUFM et quelle en est la traduction dans le budget ?

M. Pascal Deguilhem. On observe un décalage entre les montants annoncés – le Président de la République avait ainsi promis 1 milliard d’euros par an pour l’enseignement supérieur – et la réalité.

Pouvez-vous nous communiquer la liste des chantiers en cours sur les campus universitaires ?

Qu’en est-il des universités de territoires ?

Par ailleurs, tous les présidents d’université s’inquiètent du manque de moyens disponibles. D’autant que s’ajoute la prise en compte de l’arrêté d’août dernier sur la licence.

Une autre question concerne les universités qui, lors de leur passage à l’autonomie, ont été sous-dotées ou avaient effectué de mauvaises évaluations – ce dont on ne peut leur faire grief en raison des nouvelles dépenses engendrées par la réforme.

Enfin, la santé des étudiants, sur laquelle vous avez rédigé un rapport lorsque vous étiez député, pose un problème tant du point de vue des assurances complémentaires santé que de l’accès aux soins.

M. Dominique Le Mèner. On dit que le patrimoine immobilier des universités est utilisé 24 semaines par an. Des réflexions ont été engagées dans ce domaine, notamment sur l’allongement de cette durée : quelles ont été les avancées enregistrées ?

Mme Marietta Karamanli. La conférence des présidents d’université (CPU) n’exclut pas des difficultés pour boucler les budgets des établissements, notamment pour les universités assurant de nouvelles missions, sachant que la dotation qui leur est versée a un caractère global et ne tient pas suffisamment compte des différences démographiques concernant leurs personnels ni des conséquences en termes de GVT. Certaines d’entre elles seront donc pénalisées, et en tout cas dans l’impossibilité de voter un budget global équilibré.

Que ferez-vous si elles n’y parviennent pas ? L’intervention des recteurs pour y remédier ne risque-t-elle pas de conférer à ces établissements une autonomie moindre qu’avant la réforme ?

Certains des crédits de l’action relative à la formation initiale du bac à la licence sont en baisse : il faudrait rajouter 48 millions d’euros pour assurer le niveau souhaité. Quelles sont les raisons de cette baisse, alors que des efforts sont nécessaires dans ce domaine et que l’objectif de 1 500 heures d’enseignement pour chaque étudiant du premier cycle risque d’être difficile à atteindre ?

S’agissant de la santé des étudiants, l’enquête réalisée par les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé met en évidence sa dégradation, un tiers d’entre eux renonçant à des soins. Or les crédits correspondants sont en baisse !

De même, ceux relatifs à l’action sur la recherche dans les sciences de la vie diminuent de 104,9 millions d’euros ou -12 % : pourquoi ?

M. René Couanau. Au-delà des évolutions très positives touchant l’enseignement supérieur, je souhaiterais attirer votre attention sur trois difficultés.

S’agissant des IUT, si je suis favorable à l’autonomie des universités, le fait que certains crédits ne soient plus ciblés en leur faveur entraîne des problèmes d’arbitrage. Or ils donnent de bons résultats et favorisent la création d’emplois. L’université est un tout, qui doit tendre vers l’excellence : les grandes universités doivent disposer de tous les moyens nécessaires pour assurer une certaine masse critique, mais les IUT créés dans les villes moyennes participent à cette excellence, notamment au travers de l’insertion par l’emploi. Que comptez-vous faire pour remédier à ces problèmes sans remettre en cause l’autonomie des établissements ?

Les pôles universitaires de proximité (PUP) lancés par votre prédécesseur, tendant à regrouper les IUT, les établissements universitaires des petites ou moyennes villes et les formations post-bac de l’éducation nationale, se heurtent aujourd’hui à quelques obstacles. C’est le cas notamment à Saint-Malo. Or les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ne semblent pas avoir de doctrine bien définie dans ce domaine. Pourtant, on pourrait tirer des avantages à la constitution de ces pôles et les participations des collectivités locales seraient plus importantes si nous les réussissions.

Enfin, tout concorde à démontrer que la formation des enseignants constitue un échec grave. Nous avons ici un rapport, que je qualifierai de dormant, en ce sens : j’espère qu’il sera bientôt rectifié et publié. Chaque année qui passe engendre des générations de professeurs dont nous savons qu’ils n’auront pas été formés sur le plan pratique. Quand le Gouvernement va-t-il prendre des initiatives énergiques pour inverser ce phénomène ? Il en va du succès des générations à venir : les professeurs nommés aujourd’hui seront en service pendant au moins 35 ans. Certes, l’enseignement supérieur indique prodiguer la formation qu’il faut, mais on n’a pas arrêté avec l’éducation nationale les mesures correctrices nécessaires. Il s’agit d’une question à la fois importante et urgente.

Mme Martine Martinel. Le recours au grand emprunt pour augmenter le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a entraîné une révision de la carte universitaire, laquelle a conduit à une concentration de l’excellence mais aussi au risque de marginaliser de nombreux établissements. Comment remédier à cet état de fait qui accroît les inégalités entre les régions et parfois à l’intérieur de celles-ci ?

Par ailleurs, selon le dernier numéro du magazine Elle, le coût de la vie étudiante aurait augmenté de 4,1 % par rapport à l’an dernier. De plus, seuls 7 % des 2,3 millions d’étudiants bénéficieront d’un logement étudiant.

Quant au rapport « dormant » sur la formation des maîtres, il ne doit pas être réveillé ! Mais les universités chapeautent les écoles internes ayant remplacé les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) : au moment où l’on prône la nécessité de raffermir les connaissances des élèves, on est en train de sacrifier des générations d’entre eux faute d’enseignants formés et en nombre suffisant !

M. Jean-Louis Touraine. Il existe un contraste entre votre présentation optimiste et la morosité, voire l’angoisse ou la démobilisation de la plupart des chercheurs, dont beaucoup partent à l’étranger. La place de la France dans le monde en matière de recherche ne s’améliore pas, restant en proportion du PIB loin derrière des pays tels que le Japon, les États-Unis ou certains pays émergents.

Deux exemples attestent des difficultés rencontrées.

Le premier a trait à l’inclusion dans le budget de la recherche du CIR, dont la part augmente année après année. Si celui-ci peut être utile – notamment pour aider au développement, soutenir des entreprises en difficulté, appuyer les projets de très grosses structures réparties en filiales multiples pour en bénéficier –, le fait de le faire apparaître comme une contribution significative à la recherche peut avoir des effets pervers, car il n’incite guère à de nouvelles recherches. Ce faisant, il ne satisfait pas les besoins des chercheurs engagés dans la recherche fondamentale ou vraiment innovante.

Le deuxième exemple touche à la recherche universitaire, où une minorité d’établissements est en effet très choyée. Mais, dans l’ensemble, beaucoup de centres souffrent – et davantage que par le passé. De plus, on observe des inégalités de traitement selon les domaines : comment peut-on envisager une réduction aussi significative des crédits consacrés aux sciences de la vie, aux biotechnologies ou à la santé ? Cela est non seulement néfaste pour la santé de nos concitoyens, mais également pour la place de la France dans un domaine où elle avait un certain niveau d’excellence.

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pâtit lui-même de cette situation : si les plus grands laboratoires sont soutenus, il n’en est pas de même des petites ou moyennes unités et les nouvelles équipes sont peu nombreuses à être aidés. C’est pourtant là que réside le potentiel le plus important en termes d’innovation. Les budgets ont trop négligé ces aspects au fil du temps.

M. Jean-Luc Pérat. Dans le Réseau départemental des ruches d’entreprises du département du Nord que je préside, trois présidents d’université participent au conseil d’administration pour développer la création d’entreprises, mais les universités qui s’engagent dans le processus rencontrent des obstacles, liés notamment à la difficulté de susciter une motivation chez les étudiants. Comment entendez-vous inciter ceux-ci à se lancer dans la création d’entreprise – sachant par ailleurs que trop peu de jeunes femmes osent franchir le pas en la matière ?

Enfin, comment mieux faire connaître les universités dans les établissements scolaires, notamment en milieu rural, et démystifier ces dernières aux yeux des élèves pour permettre à ceux qui le peuvent d’aller le plus loin possible dans leurs études ?

M. Régis Juanico. Nous sommes, à la fin de ce quinquennat, à l’heure du bilan. Le Président de la République s’était engagé à accroître le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche d’1,8 milliard d’euros par an : cet engagement sera-t-il tenu ?

On a concentré les moyens sur les pôles d’excellence et les PRES. Or les taux d’insertion professionnelle sont très bons dans certains PUP tels Chambéry, La Rochelle, Chambéry ou Saint-Étienne. Ne pourrait-on accorder un soutien plus important aux universités ayant des projets de petite ou moyenne taille ?

Allez-vous prendre en compte l’évolution de la masse salariale dans les critères d’attribution des dotations accordées aux universités ?

M. le ministre. Monsieur Jardé, le taux de sélection des appels à projets est de 22 %, contre 26 % précédemment. Il faut tenir compte de la fluctuation normale liée aux réponses apportées aux investissements d’avenir et à l’épuisement de projets qui a pu en résulter dans certaines équipes. Nous n’avons pas atteint la cote d’alerte, mais nous devons rester vigilants dans ce domaine : nous en avons d’ailleurs discuté avec l’ANR.

Nous sommes très attachés aux projets « blancs », dont on a besoin et qui mobilisent 50 % des crédits classiques de l’ANR et 80 % des investissements d’avenir. Il faut laisser une marge de manœuvre aux chercheurs – beaucoup d’entre eux, avec lesquels je me suis entretenu, tels Gilles Hoffmann, y insistent – et mixer ce type de projets avec des appels à projet plus cadrés.

Les PRES jouent le rôle de nos communautés d’agglomération ou de communes sur nos territoires. Ils permettent de regrouper des forces dispersées et ont conduit à deux évolutions majeures : d’une part, dépasser l’opposition entre grandes écoles et universités – faiblesse congénitale de notre système – en les faisant travailler ensemble et, d’autre part, remédier à l’autre point noir que constituait le découplage entre l’université et les organismes de recherche. À l’intérieur des PRES, ceux-ci sont très impliqués, les grands laboratoires l’étant à plusieurs titres, d’autres de façon plus ciblée, tel l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier ou l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) qui est membre du PRES Université Paris-Est.

Mais le dispositif doit rester souple, à l’image des communautés d’agglomération ou de communes qui se saisissent de compétences différentes : chaque PRES doit trouver son chemin et le modèle n’est pas nécessairement l’émergence d’une université unique. Le cas de Strasbourg – dont l’université a remarquablement réussi au cours des dernières années – me réjouit parce qu’il est adapté à cette région, mais il n’a pas forcément vocation à s’appliquer aux autres territoires. Il ne faut pas enfermer les PRES dans un carcan !

Néanmoins, il faut éviter que chaque établissement reste dans son coin. Ainsi, à Lyon, l’école de commerce et l’école d’ingénieurs travaillent ensemble en partenariat avec l’université des sciences et, à Toulouse, l’école de commerce s’est rapprochée de la formidable école d’économie rattachée à l’université.

Concernant les questions de contractualisation et l’application du protocole de la fonction publique, l’enseignement supérieur présente des particularités. J’essaie de faire en sorte qu’elles soient prises en compte, au travers de l’élaboration d’une disposition spécifique sur les contrats de chercheurs ou d’ingénieurs et d’un texte permettant de conclure des contrats valables pour la durée d’une convention et renouvelables une fois. Il faut en effet suffisamment de temps pour permettre de réaliser un vrai travail de recherche spécialisé, notamment s’agissant des jeunes thésards.

Au sujet de la place de l’ENS, il faut s’attacher avant tout au baromètre de l’ensemble de notre système, qu’il faut tirer vers le haut, ce qui n’empêche pas d’avoir des vaisseaux amiraux, dont on a besoin.

Je n’aime pas l’expression d’universités de proximité, qui n’a pas de sens et peut être méprisante, dans la mesure où elle les enferme géographiquement. Les universités doivent s’appuyer sur leur territoire pour faire valoir une ambition nationale et internationale.

Madame Faure, 9,4 milliards d’euros auront été investis dans l’enseignement supérieur entre 2007 et 2012, notamment 4,5 milliards de crédits budgétaires, 3,5 milliards de CIR et 0,4 milliard d’intérêts liés à l’opération campus : l’engagement du Président de la République aura donc bien été tenu. Si l’on y ajoute les 730 millions d’euros du plan de relance, les 5 milliards d’euros de l’opération campus et les 11 milliards correspondant aux investissements d’avenir, l’objectif est même largement dépassé ! Sauf à considérer que seules les dépenses de fonctionnement valent et que les investissements ne comptent pas…

Par ailleurs, il ne faut pas confondre les pôles d’excellence et le choix des initiatives d’excellence (IDEX), consistant à faire émerger dix pôles universitaires, auxquels on consent certains moyens spécifiques. Ces initiatives ne doivent pas se limiter à la région parisienne mais concerner tout le territoire. Le jury a d’ailleurs retenu des universités qui n’étaient pas attendues : celle de Bordeaux – qui œuvre à un partenariat sur l’ensemble de la région Aquitaine – ou de Strasbourg – qui travaille étroitement avec Mulhouse et à un partenariat européen – à côté de Paris Sciences et Lettres (PSL).

Je répète que je ne crois pas aux universités de proximité au sens où elles s’enfermeraient. Des universités telles que celles de Clermont-Ferrand, dans le domaine de l’agroalimentaire, de la diversité des espèces ou de l’étude des volcans, de Limoges dans celui de la céramique, de Lorraine dans la résistance des matériaux ou d’Avignon, se sont astucieusement positionnées sur des créneaux, en osmose avec leur territoire, qui doit servir de tremplin à une excellence reconnue au niveau national ou international. On peut citer aussi les pôles universitaires du Grand Ouest sur les métiers de la mer ou de Savoie dans les métiers de la montagne. Tel est le modèle que je défends, qui n’est pas limité à quelques métropoles régionales d’équilibre.

M. René Couanau. Si la proximité ne doit pas enfermer, elle peut aussi élargir. Je ne sais si le terme de proximité était bien choisi, mais je suis convaincu qu’en liaison avec les grands centres universitaires, il n’est pas exclu que les territoires offrent, non seulement aux étudiants de la région, mais à tous, un support universitaire débouchant sur l’emploi. La professionnalisation est aussi un objectif de l’université. Cette question mérite d’être clarifiée, dans la mesure où certaines régions comme la mienne se sont engagées dans cette direction.

M. le ministre. L’université de proximité a été très mal ressentie par les présidents d’université, qui y voient une sorte de division d’honneur. Les universités doivent s’appuyer sur les forces de leur territoire, en partenariat avec les PME et les collectivités locales, pour viser le premier rang au plan national et international.

S’agissant de la vie étudiante, je rappelle que les crédits augmenteront de 91 millions d’euros. Il s’agit pour nous d’une mesure pérenne, qui est financée pour l’année universitaire en cours et la suivante.

Quant au plan pour la réussite en licence, il fait l’objet de crédits ciblés et ne devrait pas donner lieu à des confusions sur le plan budgétaire.

Son principal acquis est d’étendre la durée d’études universitaires et de permettre l’élaboration de plans d’accompagnement de la rentrée universitaire – le nombre d’universités organisant des sessions d’accompagnement a considérablement augmenté et le taux d’échec dans les premières semaines a été, de ce fait, nettement réduit. Il faut assurer cet accompagnement et permettre aux étudiants, par le biais de semestres « rebonds », de changer d’orientation en cours d’année. L’ouverture offerte en médecine en termes de passerelles et de choix me paraît intéressante à cet égard.

L’arrêté sur la licence a fait l’objet d’un soutien unanime de toutes les organisations étudiantes, ce qui ne s’était jamais vu. Il permet de définir des référentiels liés aux débouchés professionnels et d’assurer un niveau minimal de qualité ainsi que de volume horaire, alors que celui-ci allait de 600 à 1 200 heures jusqu’ici. Il permet aussi de faciliter l’accès des boursiers aux études supérieures, même si cela prendra un peu de temps : le dispositif montera progressivement en puissance dans le cadre d’un dialogue avec les universités.

Je suis très attaché à la place des IUT. Pour en avoir un en Haute-Loire, je sais combien ils constituent une chance pour les universités, de même que le fait de les avoir en leur sein. Ils développent de plus en plus des partenariats de recherche avec certains laboratoires. Ainsi, certains IUT spécialisés en imagerie font de la recherche conjointe avec une université de médecine sur l’imagerie médicale, ce qui n’était guère concevable il y a quelques années.

Il est vrai que des frictions existent à certains endroits, où le budget des IUT risque de faire l’objet de variables d’ajustement : j’ai demandé à la direction générale pour l’enseignement supérieur de veiller à ce que leurs moyens soient préservés. Mais il ne faut pas exagérer les difficultés : ces instituts ont globalement trouvé leur place au sein des universités. Il faut cependant rester vigilant à cet égard, car ils constituent un très bon modèle d’insertion professionnelle.

Madame Amiable, je vous remercie d’avoir souligné les progrès enregistrés sur les conditions de vie et d’étude des étudiants.

L’université de Pau m’est également chère : son président me rappelait récemment combien sa situation budgétaire était plus enviable que celle des universités espagnoles, portugaises ou grecques, qui ont subi des amputations de l’ordre de 15 %. Si l’on peut naturellement souhaiter toujours plus de moyens, les investissements consentis par l’État n’en demeurent pas moins importants. Je rappelle que la seule mission relative à l’enseignement supérieur bénéficie de 373 millions d’euros supplémentaires. Je suis conscient des efforts de gestion demandés aux universités, mais ce secteur reste une priorité du Gouvernement.

S’agissant de l’amélioration de la santé des étudiants, qui me préoccupe, j’y travaille avec le ministre du travail, de l’emploi et de la santé et les mutuelles et organisations étudiantes.

Sur les formations innovantes, nous œuvrons d’arrache-pied. L’excellence ne s’incarne pas uniquement dans des matériels de recherche ou dans des laboratoires : le but est avant tout de faire en sorte que les étudiants réussissent. Cette excellence pédagogique est illustrée par exemple en Bourgogne par la mise en place d’un système de e-learning ou à l’université de Grenoble par l’organisation de cours en petits amphis. De même, les projets prévoyant un système de tutorat plus important sont intéressants. Nous sommes encore en discussion sur le paquet global de mesures, mais nous devrions être en mesure de vous livrer davantage d’informations à cet égard à partir du 26 octobre.

Madame Boulestin, le PRES de Limoges-Poitiers-La Rochelle n’est en effet pas facile à gérer car il est situé sur un territoire très étendu, mais j’y suis très attentif et je crois en lui, de même qu’à la place de l’université de Limoges – j’en parlais encore tout à l’heure avec le recteur.

Par ailleurs, les crédits du fonds national d’urgence ont été rétablis à 40 millions d’euros en 2011-2012.

Monsieur Bourg-Broc, je crois naturellement à la place des villes moyennes dans le réseau des universités. Mais celle-ci ne peut être la même partout. Chaque ville doit trouver en quelque sorte sa carte d’identité appropriée. Mais, dans certaines régions, il faut travailler à améliorer la spécialisation des sites.

Monsieur Deguilhem, il est assez sain de délivrer le même message tout au long d’un quinquennat ! Il serait au contraire suspect d’avoir chaque année un discours différent en matière d’enseignement supérieur ! Ce secteur mérite une action dans la durée : la constance est nécessaire en la matière.

De nombreux chantiers sont en cours sur les campus, que ce soit à l’université de sciences humaines de Bordeaux, en centre ville, à Grenoble, à Jussieu, à Paris II, à Clermont-Ferrand, à Strasbourg, à Lyon, à Poitiers, qui dispose d’un très beau projet de campus sportif, à Aix-en-Provence pour un projet de belle résidence universitaire, en Avignon qui disposera d’un remarquable campus dans les zones industrielles, ou bien en Lorraine. Je vous invite à venir les voir.

La meilleure réponse à la question de l’utilisation du patrimoine des universités est le recours à la formation continue, qui est un véritable moteur d’ascenseur social et permet d’utiliser les sites dans la durée. On traite aujourd’hui plus de 470 000 dossiers de formation continue, contre moins de 400 000 il y a quelques années. Certaines universités ont une véritable appétence dans ce domaine.

L’autonomie des universités implique que certaines soient bien gérées et que d’autres rencontrent des difficultés financières. Celles-ci peuvent être dues à une sous-dotation initiale, à un impact du GVT lié à des mesures nationales, mais aussi à des mesures de gestion internes. Nous avons avec ces établissements un système partenarial consistant à les accompagner et à essayer, par le biais de missions d’expertise, de leur permettre de retrouver un équilibre. Ils font partie de l’État et cela relève d’un apprentissage naturel de l’autonomie. Mais il ne faut pas que des décisions nationales, y compris en matière de GVT, contrecarrent directement des choix faits par les universités dans le cadre de l’autonomie qui leur a été accordée.

S’agissant de la formation des maîtres, il ne me revient pas d’arrêter les programmes ni le contenu de celle-ci, qui relèvent du ministère de l’éducation nationale. Mon travail consiste à faire en sorte que les universités s’y investissent, de m’assurer qu’on offre la possibilité à nos étudiants d’être confrontés à la réalité du métier d’enseignant avant de passer des concours et de développer les formations en alternance.

Madame Martinel, le logement étudiant est un élément essentiel. Dans le budget des étudiants, le logement a une part importante. C’est d’autant plus le cas pour ceux qui doivent quitter le domicile familial pour poursuivre leurs études.

C’est la raison pour laquelle j’ai eu comme priorité de mettre en place un dispositif expérimental, d’abord à Lyon et Lille, pour prendre en charge la caution solidaire et le mois de garantie. Par ailleurs, nous prévoyons de dépasser pour la première fois les objectifs prévus par le plan Anciaux en termes non seulement de constructions de logements mais de réhabilitations.

J’invite fortement les régions à réaliser des investissements dans ce domaine. Certaines en font beaucoup, comme la région Rhône-Alpes, mais d’autres en font peu voire aucun, comme la région Auvergne, ce qui est regrettable. La mobilisation dans ce domaine doit être générale.

Monsieur Touraine, le CIR peut avoir un véritable effet de levier. Il en est ainsi par exemple pour le projet Wheat-8, portant sur les nouvelles variétés de blé, plus résistantes à la sécheresse et à l’humidité et permettant d’avoir un meilleur rendement, ou le projet de recherche fondamentale en macro-économie de l’école de Toulouse. Le CIR est un facteur de cohésion nationale autour de la recherche, car il permet de sortir de l’image caricaturale et absurde distinguant, d’un côté, des chercheurs enfermés dans leur laboratoire et déconnectés de la réalité, et, de l’autre, des entreprises investies dans la recherche appliquée efficace.

Par ailleurs, il n’y a aucune raison que les crédits de l’action sur la recherche dans le domaine de la santé et des biotechnologies diminuent : je vais m’assurer que ce n’est pas le cas. Nous avons beaucoup investi dans ce domaine, notamment dans le cadre des plans de lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer, qu’il s’agisse de la biologie de synthèse ou de la biologie structurale.

Monsieur Pérat, il convient de développer des start-up sur les campus universitaires, comme à Poitiers, et des sociétés d’accélération de transfert de technologies. De même, il faudrait mobiliser davantage les crédits pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour les créations d’entreprise : nous essayons d’avoir des partenariats dans ce domaine, que nous cherchons à décliner aussi sur les campus universitaires.

Tout ce qui permet de faire découvrir le monde de l’université aux lycéens va dans le bon sens. Il est important que les universitaires poussent la porte des lycées : on essaie de les y encourager, y compris dans le cadre du plan réussite en licence. Certaines universités, en Lorraine notamment, ont été très entreprenantes à cet égard.

Enfin, le PUP de Saint-Étienne constitue une excellente réussite. Il a donné lieu à six investissements d’avenir, concernant les laboratoires d’excellence (LABEX) et les équipements d’excellence (EQUIPEX). Il ne faut pas le réduire à l’appellation de pôle de proximité : c’est un très beau pôle, qui s’est appuyé sur un partenariat entre les grandes écoles et les universités en liaison avec le milieu économique ; il est capable d’un large rayonnement.

M. Christian Kert, président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Olivier Jardé (Recherche) et de Mme Martine Faure (Enseignement supérieur et vie étudiante) au cours de sa séance du mercredi 19 octobre 2011.

M. Christian Kert, président. Nous sommes réunis ce matin pour nous prononcer sur les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je vous rappelle que nous avons entendu hier M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a déjà répondu à un nombre important de questions. Je demanderai donc à nos rapporteurs de nous faire une présentation de leur avis, puis nous passerons aux explications de vote et au vote.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis. La recherche, c’est notre avenir, et d’autant plus en période de crise, puisque d’elle dépendent l’innovation et la valorisation. C’est un budget important et conforme aux engagements qui ont été pris, tant sur le plan financier que sur celui des recrutements. La mission n’étant pas concernée par le non remplacement d’un départ sur deux, les effectifs de la recherche sont complètement maintenus.

Le budget de la recherche représente 14 milliards d’euros, soit près de 5 % du budget de l’État, auquel il convient d’ajouter le crédit d’impôt recherche, qui fait la jonction entre la recherche académique et les entreprises. Il permet aux partenaires de mieux se connaître pour être plus efficaces.

À cela s’ajoutent les dotations du grand emprunt : sur 35 milliards d’euros, les investissements d’avenir dont bénéficie la recherche française atteignent 22 milliards, soit plus de 62 %. En 2012, les laboratoires devraient ainsi disposer de 1,2 milliard de crédits structurants.

Nous sommes devant des moyens consolidés, mais la recherche ne se réduit pas à des chiffres : pour faire partie d’équipes de recherche depuis de nombreuses années, je voudrais souligner que les scientifiques ont besoin d’une certaine reconnaissance de la Nation, en contrepartie de l’honneur d’être chercheur.

Beaucoup de jeunes n’envisagent pas, ou plus, de se diriger vers la recherche et il faut les y inciter. Une Nation a besoin de chercheurs de haut niveau, mais aussi des structures pour les accueillir. Je me réjouis, à cet égard, que des questions qui ont pu se poser naguère, comme le maintien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en tant que tel, par exemple, ne soient plus d’actualité. Cette grande et ancienne institution a su se réorganiser autour d’instituts qui permettent de mieux articuler des recherches menées, le plus souvent, à la jonction des domaines de la connaissance. Faut-il rappeler que l’IRM n’a pas été conçu en fonction de ses applications pour les diagnostics médicaux, pas plus que le Laser pour son utilisation industrielle ou médicale ?

La jonction entre les équipes de recherche, finalisée sous forme d’alliances, prend dès lors une grande importance.

Au-delà des chiffres, donc, il est important qu’existent des structures efficientes et que soit reconnu le travail des chercheurs.

Le maintien des effectifs est d’autant plus appréciable que l’âge des chercheurs devient une des questions cruciales des dix prochaines années. Je serai, comme 50 % des chercheurs, à la retraite dans dix ans. En effet, la moitié de nos chercheurs ont entre 50 et 60 ans. Se pose donc un problème de recrutement et de renouvellement des équipes, ce qui renforce le besoin de valoriser le métier de chercheur.

Le crédit d’impôt recherche que j’évoquais en introduction permet des développements à la jonction entre les universités et les entreprises. L’augmentation des activités de recherche et développement des entreprises a dépassé 1 % en 2009 alors que le PIB baissait. Le dispositif a connu un certain nombre d’aménagements dont une meilleure prise en compte de l’emploi des docteurs, ce qui me semble important, la France ne valorisant pas assez ses docteurs par rapport à ses ingénieurs.

La pérennisation du dispositif de remboursement immédiat des créances de crédit d’impôt recherche est une mesure utile pour les PME. Puisqu’il nous faut tenir compte du classement de Shanghai et des classements internationaux de ce type, le crédit d’impôt recherche donne à la recherche en entreprise en France une réelle attractivité, renforcée par la compétence de nos chercheurs.

En conclusion, le bon budget qui nous est proposé consolide notre capacité de recherche et d’innovation.

La partie thématique de mon avis porte sur les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES. Nous avons voté leur création en 2006, nous sommes en 2011. Cinq ans après, il me semble intéressant d’en faire une évaluation. Le PRES est-il une structure définitive ou intermédiaire ? Certains PRES conduisent à des fusions, après Strasbourg, qui n’est d’ailleurs pas passé par la forme PRES, comme à Aix-Marseille ou à Bordeaux : doit-on généraliser cette évolution ?

Nous avons en France deux niveaux d’enseignement supérieur, les universités et les grandes écoles, de très haut niveau, auxquelles je suis attaché mais qui sont essentiellement professionnalisantes. Elles nous sont très enviées, mais font relativement peu de recherche qui reste surtout universitaire. Le but des PRES était donc de regrouper les forces de recherche et de les recentrer autour de l’université en y associant les grandes écoles. Un étudiant issu d’une grande école française et titulaire d’un doctorat, diplôme reconnu partout, est évidemment très apprécié sur le plan international.

Je me suis intéressé à deux PRES représentatifs des deux formes qu’ils peuvent prendre : celle d’un établissement public et celle d’une fondation de coopération scientifique.

Le PRES Sorbonne Universités est très dynamique, il regroupe les universités Paris-Assas, Paris-Sorbonne, Pierre et Marie Curie et, plus surprenant, le Muséum d’histoire naturel. Son statut de fondation semble parfaitement adapté.

Le PRES UniverSud, constitué autour de l’université de Paris Sud – Orsay, est directement concerné par le projet du « Plateau de Saclay » et son fonctionnement s’en ressent largement. Le désengagement de ses dirigeants me semble néanmoins regrettable.

Depuis 2010, les PRES peuvent, comme c’était souhaitable, délivrer des diplômes, ce qui n’était possible, jusque-là, qu’aux universités.

La valorisation de la recherche publique n’avait pas été abordée directement dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 qui créait les PRES. Elle a un rôle important mais relève souvent de petits services des universités et n’est pas à la mesure des besoins. Faire du PRES le lieu de la valorisation me semble donc une excellente chose qui se met efficacement en place.

Le PRES est ainsi une structure souple bien adaptée à l’harmonisation de nos dispositifs de recherche et d’enseignement supérieur et qui permet toute une série d’actions partagées, allant de la fusion complète à la simple mutualisation de certaines actions, comme dans le domaine de la vie universitaire.

Je conclurai en citant le président du PRES Sorbonne Universités : pour les universités, « le bonheur est dans le PRES ! »

Madame Martine Faure, rapporteure pour avis. L’essentiel de mon avis budgétaire est consacré au plan licence.

Je ferai, quand même, quelques remarques sur le budget 2012, qui devrait augmenter, au total, de 540 millions d’euros.

Certes, l’enseignement supérieur constitue une priorité budgétaire du gouvernement, mais, ainsi que je le montre dans mon avis, l’engagement du Président de la République d’augmenter de un milliard d’euros par an les moyens de ce secteur n’a pas été tenu, quoi qu’en dise avec beaucoup d’assurance le ministre, M. Laurent Wauquiez.

Je rappelle en outre que ce budget ne « délivre » pas que des crédits de paiement, immédiatement consommables. Il repose aussi sur des autorisations d’engagement, étalées sur plusieurs années, et des montages financiers complexes, comme les partenariats public-privé et les intérêts de la cession par l’État d’une partie de sa participation dans EDF, tous deux destinés à financer les programmes immobiliers universitaires.

Je ne m’engagerai pas dans la bataille des chiffres, mais le tableau comparatif figurant dans mon rapport indique que les moyens ont augmenté de 922 millions d’euros en 2008, puis de 1 154 millions en 2009, puis de 995 millions en 2010, puis de 706 millions en 2011.

Ce budget est donc moins généreux qu’il n’y paraît et peu lisible.

Il ne permettra pas à notre pays de rattraper son retard en matière de financement de l’enseignement supérieur. Je rappelle que nos dépenses cumulées par étudiant – soit 56 597 dollars – se situent bien en dessous de la moyenne des pays européens membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) – soit 62 985 dollars. En outre, comme l’a établi un récent rapport du Centre d’analyse stratégique, la France se situe au bas de l’échelle en ce qui concerne le taux d’encadrement dans l’enseignement supérieur, avec seulement 5 enseignants pour 100 étudiants.

Deux derniers chiffres enfin : la dépense par étudiant s’élevait, en 2009, à 14 850 euros en classe préparatoire et à 10 220 euros seulement à l’université.

Venons-en au plan pluriannuel pour la réussite en licence, un chantier ouvert par le ministère de l’enseignement supérieur à la demande des organisations étudiantes.

Je rappellerai au préalable que le cursus de licence a accueilli en 2010 750 000 étudiants, hors instituts universitaires de technologie.

Couvrant les années 2008 à 2012, ce plan appuie les initiatives des universités, déclinées autour de quatre grands axes : l’orientation et l’accueil des nouveaux étudiants ; le renforcement de l’encadrement pédagogique, avec la mise en place d’enseignants référents, l’augmentation des horaires d’enseignement, la réduction de la taille des groupes de travaux dirigés et la diversification des méthodes pédagogiques ; le suivi des étudiants en difficulté ; enfin, la professionnalisation, notamment par la mise en place de stages.

Quel bilan peut-on tirer de tous ces efforts ?

Le plan a eu, incontestablement, un effet « déclencheur ». Mais cette « mobilisation » en faveur de la réussite en licence, loin d’être totale, est, en réalité, très brouillonne, très disparate et très décevante.

Dans certains établissements, elle s’est traduite par la réactivation de mesures déjà mises en œuvre et dans les autres, on constate soit qu’il ne se passe rien soit que les dispositifs mis en place souffrent d’une extrême « dispersion », faute de vision globale de la stratégie à mener au niveau de l’établissement. Par ailleurs, les mesures adoptées ne sont ni suivies ni – c’est plus grave – évaluées.

Par ailleurs, le plan licence n’a pas permis d’enclencher la révolution pédagogique attendue par les étudiants. Par exemple, la pédagogie de projet, la plus susceptible de motiver les étudiants, occupe, contrairement à ce qui se pratique au lycée, une place qui reste marginale. Les cours en amphithéâtre continuent en outre d’être très présents. Outre les contraintes budgétaires, qui seront évoquées plus loin, le principal obstacle à de nouvelles modalités pédagogiques est, selon plusieurs de mes interlocuteurs, le statut des enseignants-chercheurs, qui ne valorise pas assez leur investissement dans l’enseignement. Seule grande réussite à noter à ce niveau d’études, les licences professionnelles, qui sont un vrai sujet de satisfaction.

Sur le plan financier, le plan licence représente un effort pour l’État, cumulé sur cinq ans, de 730 millions d’euros. Cet effort doit être cependant relativisé, la progression des moyens dans l’enseignement supérieur restant concentrée sur les autres filières, en particulier celle du master. Or le développement des volumes horaires d’enseignement, la réduction de la taille des groupes et le recours aux enseignants référents ont un coût qui rend problématique le « modèle économique » du plan licence. À ce contexte budgétaire défavorable s’ajoutent des contraintes techniques. En effet, les crédits du plan sont « fléchés », tandis que le budget des établissements ayant accédé aux compétences élargies de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « LRU », lui, est « global ». Les universités étant ainsi libres de répartir, entre leurs composantes et leurs filières, les moyens attribués par l’État, ce processus d’allocation est inadapté au financement d’une politique aussi transversale que celle de la réussite en licence. L’absence de comptabilité analytique rendant de surcroît difficile la « traçabilité » des crédits, ceux-ci ont pu être utilisés pour financer des heures complémentaires ou… la rénovation du parking d’une université.

Pour que le plan licence soit une réussite, il faudrait donc changer d’échelle, en agissant sur plusieurs leviers, tout en écartant les fausses bonnes idées.

Ainsi, il ne faut surtout pas « secondariser » l’université – ce serait nier la spécificité du premier cycle –, mais faire en sorte que tous les élèves de seconde puissent être considérés comme des étudiants potentiels et que la transition du lycée à l’université soit organisée dans les meilleures conditions. On pense inévitablement au dispositif d’orientation qui nous fait cruellement défaut.

De même, l’établissement de pré-requis, la mise en place d’une année de propédeutique, supprimée en 1968, les contrats d’études imposées aux étudiants décrocheurs et la licence en quatre années devraient être écartés, car ces solutions sont soit stigmatisantes, soit irréalistes.

En revanche, l’orientation devrait commencer dès la classe de première et concerner l’ensemble des filières post-bac. Mais il conviendrait d’aller plus loin en matière d’orientation, en mettant en place, avec l’appui des régions, un service public facilitant l’accès à une information et un conseil de qualité sur les formations et les métiers.

Par ailleurs, l’augmentation des places en section de technicien supérieur (STS) et en institut universitaire de technologie (IUT) est préférable à la fixation, au niveau national, de quotas pour les bacheliers technologiques. Des semestres « tremplins » et des « secondes rentrées » devraient par ailleurs être proposés à ces deniers afin de faciliter leur réorientation entre l’université et les filières courtes.

Quant aux étudiants décrocheurs, des mesures d’accompagnement diversifiées, à condition de les inscrire dans une stratégie cohérente, devraient être mises en œuvre. Des semestres « rebonds » pourraient être notamment institués, afin de consolider les acquis des étudiants fragiles, par exemple au cours de l’été, entre le deuxième et le troisième semestre, mais de telles mesures devraient être concertées et travaillées.

Enfin, la pluridisciplinarité devrait être encouragée en licence, car elle faciliterait les réorientations et préparerait les étudiants aux études en master.

Un dernier mot sur les moyens et la pédagogie. L’abandon du modèle « tout amphi » postulé par le plan licence devrait conduire à des créations de postes supplémentaires, tandis que le système d’allocation des moyens aux universités devrait être réformé afin qu’un rééquilibrage des pondérations entre universités littéraires et scientifiques rende possible la mise en place, dans toutes les formations, d’une licence à 1 500 heures d’enseignement, car nous sommes très loin du compte aujourd’hui.

Surtout, la nouvelle licence devrait s’attacher – ce point étant essentiel – à créer de nouvelles modalités pédagogiques, qui fassent appel au travail de l’étudiant, tout en proposant des enseignements plus ou moins conceptualisés. Ceci suppose de valoriser l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs en évaluant cet aspect de leur travail au moment de leur titularisation et de leur passage du corps de maître de conférences à celui de professeur des universités. Ceci implique également d’identifier, notamment auprès des PRES, des structures de formation des doctorants à la pédagogie qui pourraient être les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), ce travail devant donner lieu à une large concertation.

Enfin, il faudrait lutter contre les racines sociales de l’échec, notamment le travail étudiant, souvent plus subi que choisi, en instaurant une allocation d’études, versée sous conditions de ressources, afin d’aider les jeunes issus de milieux défavorisés à construire leur autonomie.

Ce chantier est urgent, car l’ascenseur social n’est plus en panne mais commence à redescendre. En 2005, M. Laurent Wauquiez, alors député, écrivait dans un rapport que « la vie étudiante n’est pas une parenthèse enchantée ». Aujourd’hui, six ans après, pour certains d’entre eux du moins, la situation s’est dégradée.

Pour toutes ces raisons et d’autres que je n’ai pas voulu développer, je donnerai un avis défavorable à l’adoption des crédits 2012.

M. Christian Kert, président. Nous en venons aux explications de vote.

M. Pascal Deguilhem. Le vote du groupe SRC sera conforme à la position exprimée par Mme Martine Faure. Nous n’avons en effet aucune raison objective d’adopter ce projet de budget qui est le plus drastique, depuis le début du quinquennat, pour l’enseignement supérieur et la recherche. Des efforts ont pu être accomplis en début de législature, peu après l’adoption de la loi « LRU ». Mais il est manifeste – en particulier dans ce projet de budget – qu’on a, depuis, laissé en l’état le chantier de la remise à niveau de l’université.

Se pose un véritable problème d’opacité que nous avons d’ailleurs souligné auprès du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche lors de son audition par la Commission. Opacité des chiffres, en premier lieu : à périmètre budgétaire constant, nous sommes très loin de la progression des crédits dont faisait état le ministre. On peut certes mêler des crédits d’origine diverse en une « mauvaise soupe » pour afficher que les ambitions et les objectifs fixés ont été atteints, mais en réalité, les moyens sont en retrait, qu’il s’agisse des budgets de fonctionnement, essentiels pour assurer les enseignements, ou de la masse salariale. Je confirme donc l’analyse de Mme Martine Faure : les objectifs ambitieux du plan licence ne pourront pas être tenus. Aujourd’hui, près d’une vingtaine d’universités sont incapables de « boucler » leur budget de fonctionnement pour l’année universitaire en cours faute de moyens suffisants ; des négociations sont d’ailleurs en cours avec le ministre. On ne peut donc pas adresser un satisfecit au projet de budget lorsqu’on connaît les données réelles.

En deuxième lieu, je déplorerai l’opacité de la gouvernance, que nous avions déjà dénoncée lors de l’examen de la loi « LRU ». Elle a aujourd’hui pour conséquence une extrême défiance du monde universitaire à l’égard des autorités décisionnaires.

Je souhaite aussi souligner l’opacité des nouvelles structures mises en place. Les PRES ont été évoqués. Mais s’il n’y avait qu’eux… Un nombre incalculable de nouvelles entités ont été créées dans l’enseignement supérieur. Plus personne ne s’y reconnaît !

J’en viens aux moyens consacrés à la vie étudiante, fondamentaux pour que ne s’aggravent pas les déséquilibres dans l’accès à la qualification universitaire. Certes, le dixième mois de bourse a été mis en place et devrait, semble-t-il, disposer de financements dans le projet de budget pour 2012. Mais il demeure insuffisant pour procéder aux rattrapages nécessaires.

Je ferai enfin part d’une forte inquiétude : nous constatons, au plan territorial, une accélération de la concentration du paysage universitaire, très préoccupante quant à l’accès de tous aux formations supérieures.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous émettrons un avis défavorable à l’adoption des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche. Plus encore, nous dénonçons vigoureusement la communication gouvernementale : les chiffres annoncés ne reflètent pas la réalité budgétaire.

M. Jacques Grosperrin. Une fois n’est pas coutume, je citerai Lénine qui a dit je crois : « les faits sont têtus ! » Le groupe UMP salue, pour sa part, les efforts budgétaires consentis en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur. Le groupe Socialiste, radical et citoyen conteste les chiffres du Gouvernement ; mais lors de son audition hier, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a très précisément présenté l’effort consenti en matière de recherche. Nous avons écouté avec satisfaction la présentation des crédits qui y sont consacrés par notre rapporteur pour avis Olivier Jardé. En revanche, le groupe UMP ne partage pas les propos de Mme Martine Faure sur le budget de l’enseignement supérieur, ceux-ci lui semblant reposer sur une analyse inexacte des crédits. Le groupe UMP est donc favorable à l’adoption des crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur.

M. Michel Vaxès. Le Gouvernement s’est enorgueilli de présenter cette année un projet de budget en croissance pour l’enseignement supérieur et la recherche. Ce n’est pas tout à fait faux sur un plan formel : les autorisations d’engagement augmenteront de 1,7 % et les crédits de paiement progresseront de 1 %. Mais si l’on neutralise l’opération de transfert progressif à la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) du paiement des pensions, la croissance annoncée est beaucoup plus modeste : elle n’est plus que de 1 % en autorisations d’engagement et est presque nulle en crédits de paiement puisqu’elle s’élève à 0,008 %.

Les moyens consacrés spécifiquement à la recherche régressent, hors paiement des pensions, de 0,1 % en autorisations d’engagement et de 1,4 % en crédits de paiement. Au total, les moyens de la mission interministérielle auront chuté de plus de 4 % en euros constants ces deux dernières années et se situeront finalement, en 2012, à un niveau inférieur à celui qu’ils atteignaient en 2007.

La situation n’est donc guère reluisante. Aucun emploi statutaire n’a été créé, ce que la France n’avait jamais connu auparavant. Le nombre de contrats de travail à durée déterminée et de contrats précaires a explosé : il est de 15 000 pour la seule Agence nationale de la recherche ! Vous n’avez pas réussi à développer la recherche privée qui reste une des grandes carences de notre pays ; le soutien à la recherche industrielle stratégique diminue d’environ 21 %. Nous déplorons ces orientations, sachant l’état de nos industries et des emplois qui y sont attachés et connaissant la faiblesse des moyens que les entreprises françaises consacrent à la recherche et au développement : ils n’atteignent que 1,3 % de notre produit intérieur brut, à comparer à un taux de 7 % au Japon, de 1,9 % aux États-Unis et de 1,8 % en Allemagne.

Votre politique visant à encourager les laboratoires de recherche publics à devenir des prestataires de services aux entreprises a échoué. Elle a parfois conduit, comme chez Sanofi, à la fermeture des centres de recherche de grandes entreprises privées. Nous retrouvons le même effet d’aubaine dans le crédit d’impôt recherche, niche fiscale qui a coûté à la recherche 5,8 milliards d’euros en 2009 et n’a pas permis le « bond en avant » attendu des moyens consacrés à la recherche et développement. Nous estimons donc que cette mesure doit être mise en cause et remplacée par des subventions favorisant la création d’emplois et les petites et moyennes entreprises innovantes.

La France occupe aujourd’hui le quatorzième rang mondial en termes d’effort de recherche. L’objectif, qui avait été fixé par le Président de la République, de le porter rapidement à 3 % de notre produit intérieur brut n’a aucune chance d’être atteint. Cela supposerait de l’augmenter de 5 % par an pendant dix ans. Ce n’est pas le chemin que vous prenez… La France risque donc d’occuper durablement le vingt-sixième rang – sur trente-deux – pour son budget civil de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Concernant les pôles d’excellence, on constate une croissance des inégalités territoriales. Dans le contexte actuel de dégradation, il est permis de s’interroger sur la pertinence du privilège qui est accordé à ces structures. Une quinzaine de projets devraient être retenus et financés – leur liste a été complétée au printemps dernier pour intégrer des projets portés par des laboratoires de renom de la recherche française –, mais la répartition spatiale des laboratoires pose question. Le président de la Conférence des présidents d’université s’en est ému en avril dernier pour regretter que les lauréats se concentrent essentiellement en région parisienne, en Alsace, en région Rhône-Alpes et, dans une moindre proportion, dans le Sud – au profit de Montpellier et au détriment d’Aix-Marseille.

Le financement de pôles d’excellence par la voie du grand emprunt a, dans les faits, conduit à promouvoir un système universitaire à deux vitesses. Il se traduira par un renforcement des inégalités territoriales et mettra la moitié des universités « sur la touche ». De surcroît, il soumet à une gouvernance rigide et contrainte les universités sélectionnées, en excluant les représentants des personnels et des étudiants du conseil d’administration. Ce n’est pas notre conception de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes favorables à des financements adossés au budget de l’État, en conformité avec les missions de production et de transmission des savoirs de l’université.

Il convient de garantir l’autonomie des universités. Mais l’autonomie que vous préconisez, de même que celle des présidents d’université à l’égard du personnel, signifient en réalité une perte d’autonomie des laboratoires de recherche.

Si nous disons « oui » à l’autonomie des universités, c’est parce que nous disons « non » à la dépendance de la recherche publique, notamment à l’égard des marchés. C’est pourquoi le groupe GDR votera contre l’adoption du projet de budget de la recherche.

Mme Marie-Hélène Amiable. S’agissant de l’enseignement supérieur, le budget des universités semble être le grand perdant du projet de loi de finances. Sa légère augmentation ne couvrira même pas l’inflation. Le ministre nous a fait part, hier, de son plaisir de voir se multiplier les grues sur les campus universitaires. Le tableau est ainsi bien brossé, car à l’exception notable des crédits octroyés aux établissements d’enseignement supérieur privés, les crédits pour l’immobilier et les bibliothèques sont quasiment les seuls à augmenter dans le programme. Il est clair que cette politique est très profitable aux partenariats public-privé, mais moins aux étudiants fréquentant les établissements qui n’ont pas été sélectionnés pour ces chantiers. Je rappelle, sur ce point, que la Cour des comptes avait déploré l’absence d’efficacité et de cohérence de ces dispositifs, tandis que le Conseil constitutionnel avait recommandé que les contrats de partenariat gardent un caractère dérogatoire.

Il est toujours procédé à l’allocation des moyens selon des critères de performance, ce que nous continuons à condamner : ce sont les établissements dont le taux d’échec est le plus élevé qui sont les plus pénalisés. J’ai cité hier M. Jean-Louis Gout, président de l’université de Pau qui témoignait de sa détresse pour maintenir l’équilibre budgétaire ; le ministre a sobrement reconnu des « frictions » dans certains établissements…

Concernant les moyens consacrés à la vie étudiante, le projet de budget est très mauvais. Les œuvres universitaires étudiantes sont encore amputées, avec une baisse de 5,5 % pour les centres régionaux, ce qui est particulièrement inquiétant pour leurs personnels et témoigne d’une volonté de réduire le périmètre de ces structures pour laisser le champ libre à des intervenants extérieurs.

La pérennisation du dixième mois de bourse n’est pas acquise. Les crédits du fonds d’aide d’urgence créé en 2008 stagnent et demeurent soumis à des décisions discrétionnaires.

Enfin, même si ce point ne relève pas directement du budget de l’enseignement supérieur, je souhaite souligner que nous sommes très inquiets du doublement de la taxe qui pèsera sur les mutuelles et donc sur la santé des étudiants, alors que les données concernant leur accès aux soins sont alarmantes.

Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, les membres du groupe GDR voteront contre les crédits de l’enseignement supérieur.

M. Olivier Jardé. Je serai bref en déclarant que les députés du groupe du Nouveau centre émettront, pour leur part, un avis favorable à l’adoption des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Marcel Rogemont. M. Pascal Deguilhem a indiqué qu’à périmètre et euros constants, on constatait une diminution des crédits consacrés à la recherche. Le rapporteur pour avis s’est-il livré au même exercice et en a-t-il tiré les mêmes conclusions ? Sinon, la commission ne pourrait-elle procéder aux mêmes calculs pour confirmer – ou infirmer – les propos tenus par notre collègue ?

Par ailleurs, nous observons une croissance importante du nombre d’acronymes dans le domaine de la recherche qui en compte quarante-sept nouveaux… Je citerai à cet égard les propos de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes : « pour la Cour, le moment est peut-être venu de s’assurer, dans ce paysage très évolutif marqué par une succession d’annonces – il s’agit des quarante-sept acronymes – que la ligne stratégique du Gouvernement est claire ». Le rapporteur pour avis a-t-il établi un bilan de toutes les créations de structures intervenues depuis 2007 ?

Enfin, ma dernière question concerne les pôles d’excellence, qui sont en quelque sorte la « Rolex » des universités. Mais qu’en est-il des autres pôles universitaires ? Sont-ils les pôles de la médiocrité ?

Mme Monique Boulestin. Monsieur le rapporteur pour avis, nous avons, hier, longuement interrogé le ministre sur la constitution et l’évolution des PRES. J’aurais apprécié que la présentation que vous en avez faite soit conforme aux propos qu’il nous a tenus. Il a ainsi déclaré qu’il ne souhaitait pas seulement des fusions d’universités, mais qu’il était aussi favorable à des mutualisations, ne serait-ce que pour assurer un équilibre entre territoires. Je n’ai pas entendu de telles nuances dans vos propos. Je rejoins ainsi M. Marcel Rogemont, puisque dans ses recommandations, la Cour des comptes a indiqué qu’il fallait donner aux PRES un second souffle. Monsieur le rapporteur, quelle est votre position sur ce point ?

Ma deuxième question porte sur les premiers usagers de l’université que sont les étudiants et les enseignants chercheurs. Monsieur le rapporteur pour avis, vous n’avez pas évoqué les « thésards », alors qu’aujourd’hui, le nombre de thèses n’augmente pas. Cela pose question en termes de formation et de statut des enseignants-chercheurs. Celui-ci doit évoluer, notamment pour assurer la survie et l’évolution des PRES. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, pourriez-vous nous indiquer le montant du financement accordé aux centres régionaux des œuvres universitaires ? Leurs moyens sont en baisse de 7,6 %, ce qui pénalise les étudiants en situation de précarité, d’autant qu’au vu des évolutions touchant le secteur des assurances complémentaires santé, leur budget dédié à la santé est dans une situation très préoccupante. Des études récentes montrent en effet que les étudiants sont deux fois plus nombreux que le reste de la population à devoir renoncer à des soins, faute de moyens.

Mme Marie-George Buffet. Mme Martine Faure a évoqué, dans son rapport, les questions relatives à la vie quotidienne des étudiants et propose la mise en place d’une allocation de formation, délivrée sur conditions de ressources.

De nombreux étudiants rencontrent, en effet, de nombreuses difficultés. 35 % d’entre eux doivent travailler pour financer leurs études ; 10 % sont obligés de travailler à temps plein, ce qui emporte évidemment des conséquences sur leur cursus universitaire.

Mme Amiable a souligné la baisse des budgets alloués aux œuvres universitaires. Je voudrai, pour ma part, insister sur le poste logement, particulièrement important. À chaque rentrée universitaire, sont diffusés des reportages télévisés sur la recherche par les étudiants de logements privés. On voit fleurir dans les villes universitaires des résidences étudiantes privées, dans lesquelles les loyers évoluent entre 430 et 800 euros. On voit aussi apparaître de nouvelles initiatives, comme la suggestion de loger des étudiants chez des familles ou des personnes âgées, moyennant la délivrance de services. Mais on ne parle plus du tout des cités universitaires. Or, celles-ci sont synonymes d’accessibilité, même si les loyers commencent à être élevés – 200 à 400 euros par mois. Elles sont aussi le lieu d’une vie sociale importante et d’une vie associative ; elles permettent aux étudiants de se rencontrer et de travailler ensemble ; elles offrent des services sociaux. Or on voit que des cités universitaires, comme celle d’Antony qui accueillait des étudiants célibataires ou en couple et mettait à leur disposition des crèches, sont désormais laissées à l’abandon ; des bâtiments sont même détruits. Je n’ai pas connaissance d’un plan de construction de nouvelles cités pour répondre au besoin de logement ; pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?

M. Régis Juanico. Mme Martine Faure a eu raison de mettre le doigt sur ce qui est aujourd’hui la question principale en matière de vie étudiante, à savoir la création d’une allocation d’études sous conditions de ressources. La situation financière des étudiants et les problèmes de santé et de logement qu’ils rencontrent sont très préoccupants. Comme l’a indiqué Mme Buffet, plus de 30 % d’entre eux doivent travailler pour payer leurs études. La moitié des étudiants vivent avec moins de 400 euros par mois ; un quart ont du mal à « joindre les deux bouts ».

S’agissant de leur santé, l’enquête récemment menée par la mutuelle des étudiants est extrêmement alarmante : aujourd’hui, 20 % des étudiants renoncent à se faire soigner en raison de difficultés financières ; 19 % ne disposent pas d’une assurance complémentaire santé. Une mesure forte est donc nécessaire pour répondre aux besoins.

Ma question portera sur la pratique sportive à l’université : il y a trois ans, a été remis à Mme Valérie Pécresse, alors ministre chargée de l’enseignement supérieur, un très bon rapport de MM. Stéphane Diagana et Gérard Auneau sur le développement du sport à l’université. Il montrait que 70 % des étudiants souhaitaient faire du sport, mais que seulement 20 % avaient effectivement une pratique sportive, cet écart étant imputable au manque d’infrastructures mais aussi à l’absence de réelle volonté politique de faire entrer le sport à l’université et, plus largement, dans l’enseignement supérieur. Madame la rapporteure pour avis, que pensez-vous de la proposition qui consisterait à encourager la pratique sportive à l’université en attribuant aux étudiants des crédits ECTS ?

M. Jean-Louis Touraine. Je pense que nous pouvons saluer les efforts de communication et de prestidigitation visant à faire croire à la population – et parfois aux députés – que les moyens destinés aux universités et à la recherche progresseraient de manière significative. Lorsqu’on interroge les universitaires et les chercheurs, on constate au contraire une profonde dépression.

Le budget qui nous est soumis est en trompe-l’œil ; nous ne pourrons donc pas l’approuver. D’un côté, nous entendons des annonces et l’autosatisfaction ; de l’autre, on constate qu’à périmètre et euros constants, les moyens régressent.

Le crédit d’impôt recherche a certes certaines vertus, mais son champ s’est progressivement étendu pour englober des activités sans lien avec la recherche. Il a été très largement dénoncé par la Cour des comptes. Entend-on tenir compte de ses remarques acerbes et critiques ?

Comme cela a été rappelé, « les chiffres sont têtus ». En voici quelques-uns : la France occupait en 1995 la sixième place en matière d’enseignement et de recherche au sein de l’OCDE ; elle n’occupe plus aujourd’hui que la treizième place. Pour la seule recherche civile, la France ne détient que le vingt-sixième rang, ce qui est franchement humiliant. Je pose donc la question : va-t-on engager une remise à niveau ? Nous ne comptons que 6 enseignants pour 100 étudiants ; la moyenne au sein de l’OCDE se situe entre 8 et 9 enseignants pour 100 étudiants. Il nous faudrait donc au moins un tiers de plus d’enseignants.

Enfin, on constate dans le projet de budget une régression très significative et inquiétante des moyens de la recherche universitaire en sciences de la vie, biotechnologies et santé qui sont des domaines clefs. Monsieur le rapporteur pour avis, pouvez-vous le confirmer, ou bien s’agit-il, comme l’a suggéré hier le ministre, d’une erreur de présentation ?

Mme Marietta Karamanli : Je souhaitais compléter la question de M. Touraine concernant le crédit d’impôt recherche. Je ne reviendrai pas sur le fait que le crédit d’impôt recherche témoigne tout particulièrement de l’effort fait en faveur de la recherche – 4,7 milliards d’euros lui étaient consacrés en 2010 –, mais je soulignerai qu’a contrario, les dépenses de recherche-développement des entreprises progressent très modestement – 1 % en 2009. Je rappellerai les deux recommandations que formulait le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle déposé en juin 2010 par MM. Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes : d’une part, créer des équipes de contrôle du crédit d’impôt recherche communes aux services fiscaux et aux services du ministère de la recherche tant au niveau central qu’au niveau régional – pour les grandes régions – et, d’autre part, mettre en place des outils qualitatifs de suivi de la performance du crédit d’impôt recherche. En tant que rapporteur de ce budget, avez-vous pu vérifier quelles suites ont été données à ces deux recommandations qui émanent de parlementaires?

Mme Colette Langlade : Mme Martine Faure a insisté sur le recentrage autour de l’université, et notamment sur l’absence de passerelles entre le lycée et l’université. Or, la pluridisciplinarité en tant que passerelle entre les différentes formes de connaissances académiques devrait être encouragée car elle pourrait faciliter les orientations. Qu’en pensez-vous ?

Mme Françoise Imbert : Notre pays compte 2,3 millions d’étudiants. Seuls 20 % d’entre eux bénéficient d’une bourse du sixième échelon alors que trois sur quatre doivent trouver des « petits boulots » pour assumer le coût de leurs études. Le niveau des bourses a augmenté au bénéfice des classes moyennes et défavorisées, mais ce n’est certainement pas suffisant dans la mesure où à Paris et dans nos régions, le logement représente un poste lourd dans le coût des études, les capacités d’accueil en cité universitaire étant toujours très faibles, comme l’ont signalé plusieurs collègues. Le budget consacré à ces postes ne répond toujours pas aux énormes besoins. Nous ne pourrons donc pas le voter mais nous souhaitons connaître les projets du ministère en ce domaine.

Mme Martine Martinel : Ma question porte sur le plan licence. Mme Martine Faure souligne que le plan licence propose une exigence académique, à savoir 1 500 heures. Comment ces heures sont-elles assurées ? Le sont-elles à budget constant ?

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis : Je répondrai d’abord à Mme Martine Martinel que la mise en place des 1 500 heures prendra de longues années s’il n’y a pas d’augmentation de crédits permettant de créer des postes. Cette création de postes est pourtant indispensable si l’on veut passer de 450 à 1 500 heures, mais elle est actuellement impossible à budget constant.

Mme Françoise Imbert relève que la vie étudiante est toujours aussi difficile malgré l’augmentation du montant des bourses. C’est la raison pour laquelle il conviendra d’envisager la création d’une allocation d’autonomie car on ne peut pas éternellement constater la panne de l’ascenseur social sans agir.

La question des passerelles a été évoquée par Mme Colette Langlade. Les passerelles constituent à mon sens un outil d’orientation indispensable, qu’il importe de mettre en place si l’on veut prévenir l’échec en licence. Il faut créer des occasions d’échanges voire de travaux communs entre enseignants des lycées et professeurs d’université.

Pour répondre à M. Marcel Rogemont sur les acronymes, je dirai que celui que j’ai trouvé le plus surprenant est celui du modèle d’allocation des moyens aux universités, « SYMPA », parce qu’il est en complet décalage avec sa signification ; il s’agit en effet d’ajouter aux difficultés des universités en mettant l’accent sur les compétences et les résultats.

Comme Mme Marie-George Buffet, je suis préoccupée par les conditions de travail des étudiants, le prix des logements et la vie en cité universitaire dont le caractère déprimant était déjà dénoncé dans le rapport qu’avait rédigé en 2005 M. Laurent Wauquiez, aujourd’hui ministre. On ne s’est toujours pas attaqué à l’heure actuelle au problème structurel que constituent ces conditions faites aux étudiants.

Mme Marie-Hélène Amiable a évoqué le modèle d’allocation des moyens qui n’est pas appliqué et dont l’augmentation demeure en deçà de l’inflation pour beaucoup d’établissements. Je rappellerai en outre que les crédits consacrés aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) sont réduits de 5,5 % dans ce budget, ce qui est consternant ; cela représente une baisse de 80 millions d’euros ! De plus, le dixième mois de bourse, qui n’est pas pérenne, pourra être remis en cause en 2013.

S’agissant de la place du sport à l’université, je partage l’avis de M. Régis Juanico : les étudiants n’ont pas la possibilité de faire du sport à l’intérieur des campus, bien que cela soit essentiel à leur équilibre. Je ne peux donc que préconiser de mettre l’accent à l’avenir sur cet aspect de la vie à l’université.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis. Monsieur Rogemont, les crédits de la recherche figurent dans les tableaux de mon rapport provisoire qui est en distribution. Effectivement les crédits de paiement à périmètre constant sont en baisse de 80 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2012 par rapport au budget de 2011, sur 14 milliards d’euros je le rappelle. La croissance apparente sur certains documents budgétaires est due à l’intégration de la contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) destiné aux pensions.

Les 47 sigles sont développés dans mon rapport lorsqu’ils y figurent, Idex, Labex, Equipex et autres, mais les professionnels et les syndicalistes semblent apparemment s’y retrouver.

S’agissant enfin des pôles d’excellence, il me semble légitime de s’interroger sur la place de la recherche dans l’aménagement du territoire. Les chercheurs doivent d’abord faire de la recherche. La mise en réseau, afin de favoriser la proximité des laboratoires de recherche, est importante, pour autant il ne me semble pas que le premier critère en matière de recherche soit l’aménagement du territoire. Il convient en revanche de développer les laboratoires performants, c’est par exemple le cas à Amiens avec un laboratoire spécialisé dans les cellules pluripotentes dont j’ai favorisé la mise en réseau avec le Professeur Peschanski du Génopôle d’Évry.

Madame Boulestin, comme vous, je regrette la baisse du nombre de thésards et des scientifiques, et pas seulement en France d’ailleurs. De plus, certains étudiants en sciences abandonnent ensuite ce domaine, pour rejoindre les banques, ce qui pose d’autres problèmes… Il faut multiplier les initiatives comme la Fête de la science qui permettent à des jeunes de visiter des laboratoires et suscitent souvent des vocations. Je milite également pour une chaîne de télévision scientifique. On connaît, à cet égard, le succès de la série « Urgences » et son impact sur les vocations d’urgentistes. Des émissions de télévision sont un bon appui au développement des études scientifiques.

Sur les conditions d’études j’avais, à titre personnel, déposé un amendement exonérant les mutuelles étudiantes de taxation. Je regrette qu’il n’ait pas été voté. La santé des étudiants est un problème important. De fait : ils ne se soignent pas.

Monsieur le professeur Touraine et Madame Karamanli, des remarques de la Cour des comptes et de la mission d’évaluation et de contrôle sur le crédit d’impôt recherche ont été prises en compte dans la loi de finances pour 2011, en resserrant certains aspects du dispositif mais les contrôles de son utilisation optimale sont encore perfectibles.

S’agissant des moyens de la recherche en sciences de la vie et en biotechnologies, je ne peux que vous citer le ministre qui estimait hier soir que les chiffres publiés étaient inexacts.

Madame Langlade, la pluridisciplinarité que vous souhaitez à juste titre me semble pouvoir trouver sa place dans les PRES. Elle permet par exemple aux étudiants ayant échoué au concours de fin de première année de médecine, souvent très doués, de poursuivre leurs études dans un autre domaine avec une prise en compte de cette année.

M. Christian Kert, président. Je remercie les rapporteurs et je vous propose de passer au vote de l’avis de la commission sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012. J’ai retenu que notre rapporteur pour avis concernant la recherche donne un avis favorable et que notre rapporteure pour avis sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante émet un avis défavorable.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Hôpital Necker – Enfants malades : Fondation « Imagine » – Institut des maladies génétiques : Pr Alain Fischer, directeur et M. Guillaume Huart, directeur administratif et financier

Ø Genopole Evry – Pr Marc Peschanski, directeur scientifique de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-stem), M. Pierre Tambourin, directeur général et Mme Laurence Tiennot-Herment, présidente du conseil d’administration de l’AFM (Association Française contre les Myopathies)

Ø Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) « Universud Paris, US » – MM. Xavier Chapuisat, président, Jean-Michel Lourtioz, vice-président et coordinateur du pôle nanosciences nanotechnologies, Mmes Antoinette Lemoine, coordinatrice du pôle biothérapies, Elsa Cortijo, coordinatrice du pôle climat, environnement, développement durable et santé, et Marie-Joëlle Virolle, coordinatrice du pôle microbiologie-infectiologie

Ø Syndicat national des chercheurs scientifiques-Fédération syndicale unitaire (SNCS-FSU) – M. Patrick Montfort, secrétaire général

Ø Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique-confédération générale des travailleurs (SNTRS-CGT) – M. Daniel Steinmetz, secrétaire général

Ø Syndicat national de l’enseignement supérieur – Fédération syndicale unitaire (SNESUP-FSU) – M. Pierre Duharcourt, membre du bureau national

Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Alain Fuchs, président

Ø Muséum national d’histoire naturelle – MM. Gilles Bœuf, président, Thomas Grenon, directeur général, Pierre Dubreuil, directeur général des services, Guillaume Lecointre, directeur du département « systématique et évolution », Éric Pasquet, directeur adjoint du département « systématique et évolution », et Mme Fabienne Galangau-Querat, maître de conférences, muséologue du département « hommes, nature, sociétés »

Ø Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) « Sorbonne Universités » et « Panthéon-Assas » – MM. Louis Vogel, président et Alain Abécassis, délégué général de la Conférence des présidents d’universités

Ø Agence nationale de la recherche (ANR) – Mmes Jacqueline Lecourtier, directeur général, Martine Latare, directeur général adjoint « ressources » et M. Jean-François Baumard, responsable du département « investissements d’avenir »

Ø Syndicat général de l’Éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) - Mme Colette Guillopé, secrétaire fédérale, MM. Michel Deyme et Philippe Hedrich, secrétaire fédéral

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