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N
° 3807

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi
de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME X
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :

RECHERCHE INDUSTRIELLE

PAR M. Daniel PAUL,

Député.

——

Voir le numéro : 3805 (annexe 33)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— EXAMEN DES CRÉDITS PRÉSENTÉS POUR LE PROGRAMME 192 6

A.— LA PRÉSENTATION AVANTAGEUSE DES CRÉDITS DÉVOLUS À LA RECHERCHE OU L’ART DU "TROMPE-L’œIL" 6

B.— LES CRÉDITS DES TROIS ACTIONS 10

C.— LES DÉPENSES FISCALES 11

II.— LES TROIS ACTIONS DU PROGRAMME 17

ACTION N° 1 : ORGANISMES DE FORMATION SUPÉRIEURE ET DE RECHERCHE 17

1. Le groupe des écoles des mines (GEM) 17

2. Institut TÉLÉCOM 18

3. SUPÉLEC - École supérieure d’électricité 20

4. Le GENES 23

ACTION N° 2 : SOUTIEN ET DIFFUSION DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE 24

1. OSEO innovation 25

2. Le programme CAP’TRONIC 26

ACTION N° 3 : SOUTIEN DE LA RECHERCHE INDUSTRIELLE STRATÉGIQUE 27

Les pôles de compétitivité : un essai transformé ? 28

III.— PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE FRANÇAISE 32

A.— LA DÉSILLUSION DU MONDE DE LA RECHERCHE 32

1. L’Agence nationale de la recherche (ANR) 32

2. Le "Grand emprunt" et les investissements d’avenir 36

3. L’Institut Français du Pétrole Energies Nouvelles (IFPEN) 39

B.— LES AVATARS DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE 41

1. Un dispositif maintenu en l’état malgré bien des alarmes 41

2. Une vigilance qui demeure de rigueur 44

EXAMEN EN COMMISSION 47

– AUDITION DE M. LAURENT WAUQUIEZ, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 47

– EXAMEN DES CRÉDITS 63

INTRODUCTION

« Aucun document budgétaire de synthèse ne rend compte du financement global de l’enseignement supérieur et de la recherche, ni en prévision, ni en exécution (1) ».

À l’occasion de l’examen des crédits du programme 192 Recherche industrielle prévus par le projet de loi de finances pour 2012, votre rapporteur ne peut que partager le constat fait par la Cour des comptes.

Cherchant à répondre à la question : la France atteint-elle ses objectifs dans le domaine de la recherche et du développement, il a une fois de plus constaté que l’empilement, voire l’enchevêtrement, des structures et des crédits (extrabudgétaires compris), ne rendait pas la tâche aisée.

Il faut donc encore rappeler qu’il avait été prévu, dans le cadre de la stratégie européenne pour la croissance et l’emploi, dite « stratégie de Lisbonne », d’atteindre en 2010 un volume de dépenses de recherche et développement de 3 % du produit intérieur brut. En janvier 2008, cet objectif a été réaffirmé par la France à l’horizon 2012 mais, en 2009, les dépenses de recherche et de développement françaises représentaient 2,21 % de l’activité économique alors qu’en 1990 ce ratio était de 2,32 %.

Un autre impératif de la stratégie de Lisbonne était d’obtenir que 2 % de ces 3 % de R&D seraient le fait de la recherche privée, qu’en est-il aujourd’hui ?

D’après le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en 2008, la hausse de la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) résulte d’une contribution équivalente des secteurs des administrations et des entreprises. La hausse de la DIRD attendue pour 2009 serait, quant à elle, essentiellement portée par le secteur des administrations, leur contribution étant estimée à +1,6 % contre +0,4 % pour les entreprises.

Votre rapporteur constate donc que le principal de l’effort de recherche dont bénéficie le secteur privé est toujours le fait du secteur public.

Après l’examen des crédits présentés pour le programme 192, le présent rapport s’interrogera sur les perspectives de la recherche française. L’Agence nationale de la recherche (ANR), les investissements d’avenir, l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles feront l’objet d’un examen. Enfin, le crédit d’impôt recherche (CIR) retiendra toute l’attention.

I.— EXAMEN DES CRÉDITS PRÉSENTÉS POUR LE PROGRAMME 192

A.— LA PRÉSENTATION AVANTAGEUSE DES CRÉDITS DÉVOLUS À LA RECHERCHE OU L’ART DU « TROMPE-L’œIL »

Comme à l’accoutumée, le Gouvernement présente de façon faussement ingénue le budget de la recherche pour le dernier exercice de la XIIIe législature.

La mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) constitue la première priorité du Gouvernement. Cette priorité s’est traduite par une augmentation inédite des moyens de plus de 9 milliards d’euros sur cinq ans (2007-2012), conformément aux engagements du Président de la République. Soit une augmentation de 40 % en cinq ans des moyens dédiés à la recherche.

La MIRES est en outre la première mission bénéficiaire des investissements d’avenir, pour un montant de 21,9 milliards d’euros (et 20,6 milliards d’euros hors opération Campus) sur un total de 35 milliards d’euros. A ce jour, près de 9,5 milliards d’euros ont déjà fait l’objet d’engagement (hors opération Campus) pour 219 projets lauréats, à l’issue d’appels à projets compétitifs, dans le secteur de l’enseignement supérieur et à la recherche.

Les crédits de paiement 2012 de la mission sont conformes à l’annuité 2012 de la loi de programmation des finances publiques. Ils progressent à périmètre constant et hors pensions, de + 200 millions d’euros par rapport à 2011. A périmètre courant et avec pensions, ces progressions s’établissent à + 428 millions d’autorisations d’engagement et + 256 millions de crédits de paiement ».

Pour sa part, le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle est présenté comme suit :

« La recherche industrielle et l’innovation constituent l’un des leviers principaux de renforcement de la compétitivité des entreprises, donc de croissance et de développement de l’emploi, pour faire face à une concurrence internationale accrue. En l’absence de matières premières abondantes, le niveau d’innovation et de maîtrise des technologies est un déterminant majeur de la compétitivité de l’économie. Les moyens de soutien financier de l’État qui y sont consacrés visent, de façon ciblée pour les crédits budgétaires et de façon plus horizontale pour le crédit d’impôt recherche, à améliorer la part de la R&D réalisée par les entreprises, qui reste inférieure à celle de nos principaux concurrents (1,3 % du PIB contre 1,9 % aux États-Unis, 2,7 % au Japon, 1,8 % en Allemagne) alors que la R&D publique place la France aux premiers rangs des pays de l’OCDE. Les filières industrielles les plus innovantes et à forte croissance constituent des priorités fortes ».

Les actions conduites dans le cadre de ce programme visent à renforcer la compétitivité de notre industrie par la recherche, l’innovation et les transferts de technologie, selon trois axes :

– Le soutien aux pôles de compétitivité et aux projets de R&D industrielle (Fonds de compétitivité des entreprises) : les pôles de compétitivité regroupent, dans une démarche partenariale, entreprises, centres de formation et organismes de recherche, sur des projets communs et innovants relevant d’une stratégie commune, avec l’objectif d’atteindre une taille critique suffisante pour acquérir une visibilité internationale et des positions clés sur les marchés concernés. Les pôles de compétitivité visent ainsi à développer un environnement favorable au développement des entreprises, particulièrement des PME, et de l’emploi, ainsi qu’à l’attractivité du territoire. En s’appuyant sur le réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), conjointement avec la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), pilote l’animation et le soutien des 71 pôles de compétitivité, dont 7 mondiaux et 11 à vocation mondiale.

La seconde phase des pôles de compétitivité, initialement engagée pour une période de trois ans, puis portée à quatre ans (2009-2012) par une décision du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), vise ainsi à faire des pôles de compétitivité de véritables écosystèmes de l’innovation au profit des PME, autour de projets collaboratifs de recherche et développement, et de projets structurants renforçant les moyens et l’ancrage territorial des pôles. Cette seconde phase a bénéficié d’une dotation de 720 millions d’euros entre 2009 et 2012 dans le cadre du Fonds unique interministériel (615 millions d’euros sous forme d’aides aux projets de R&D collaboratifs des pôles et 105 millions d’euros d’appui à la mise en place de plates-formes d’innovation). Une nouvelle évaluation de la politique des pôles sera réalisée en 2012. Parallèlement une réflexion sera conduite sur le lancement d’une troisième phase, avec une perspective de diversification des sources de financement.

Le soutien à la R&D industrielle porte aussi spécifiquement sur le maintien de l’excellence de la filière nanoélectronique française, dont l’existence contribue notamment à l’émergence de technologies logicielles génériques pour les systèmes électroniques et informatiques. Par ailleurs, la France participe aux programmes européens de soutien à la R&D stratégique, notamment au travers des clusters Eurêka, qui permettent de développer des coopérations technologiques, en Europe dans les secteurs les plus innovants et les plus porteurs en termes de développement d’activité (nanotechnologies, logiciels, microsystèmes, eau, énergie notamment).

– Le soutien au développement des PME innovantes et à la diffusion de l’innovation : il vise au renforcement de la compétitivité de l’ensemble des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment au travers des deux programmes de soutien à l’innovation gérés par OSEO : le programme « Innovation stratégique industrielle » (ISI), destiné notamment aux entreprises de taille intermédiaire qui travaillent sur des innovations de rupture, et le programme « Aide à l’innovation » (AI), qui soutient des projets de moindre envergure portés par des PME.

Le dispositif d’exonérations sociales à destination des jeunes entreprises innovantes (JEI) permet également de soutenir l’effort de recherche et d’innovation des jeunes entreprises, ainsi que la création ou le maintien corollaire de l’emploi. Afin d’améliorer l’efficience des dépenses budgétaires en faveur de l’innovation des PME, ce dispositif a été recentré en 2011 sur les premières années des JEI.

– Les actions d’enseignement supérieur, de recherche et de soutien à la création d'entreprises mises en œuvre par les établissements sous tutelle du ministère de l'économie, des finances et de l’industrie, qui sont particulièrement engagés dans le soutien au développement économique et l'amélioration des performances des entreprises :

– en formant des cadres de haut niveau, capables d’innover en coopération avec des équipes pluridisciplinaires, et d'évoluer dans un contexte international,

– en développant des activités de recherche en partenariat avec les entreprises sur les technologies de pointe les plus porteuses d'avenir, en particulier au sein des pôles de compétitivité,

– en soutenant la création d'entreprises au sein des différentes régions dans lesquelles ils sont implantés, par l'incubation de projets et le transfert technologique.

Les cinq objectifs de performance retenus dans le cadre du programme s’insèrent dans ces axes stratégiques :

– la politique des pôles de compétitivité est illustrée par l’objectif 1 « Contribuer à améliorer la compétitivité des entreprises par le développement des pôles de compétitivité » ;

– l’action des organismes de formation supérieure et de recherche du programme est mesurée dans les objectifs 2 « Optimiser la valorisation de la recherche des organismes de formation supérieure et de recherche » et 5 « Développer l’efficience et l’attractivité des formations d’écoles du programme » ;

– l’innovation est présentée dans les objectifs 3 « Contribuer au développement des entreprises technologiquement innovantes » et 4 « Développer l’efficience dans la gestion des aides à l’innovation ».

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DEMANDÉS

(en euros)

Programme 192

Recherche et enseignement supérieur

AE 2012

AE 2011

Évolution AE

CP 2012

CP 2011

Évolution

CP

Action 1 : organismes de formation supérieure et de recherche

306 653 765

304 323 690

+ 0,8 %

310 653 765

305 323 690

- 1,7 %

Action 2 : soutien et diffusion de l’innovation technologique

426 700 000

418 981 366

+ 1,8 %

368 100 000

418 981 386

- 12,4%

Action 3 : soutien de la recherche industrielle stratégique

286 166 619

363 706 045

- 21,3 %

320 000 000

351 742 142

- 9 %

Total

1 022 540 384

1 087 011 121

- 5,9 %

998 753 765

1 076 047 218

- 7,2

La part « recherche » du programme 192 (actions 2 : « soutien et diffusion de l’innovation technologique » et 3 : « soutien de la recherche industrielle stratégique ») s’élève pour 2012 à 712,89 millions d’euros en AE et 688,1 millions d’euros en CP. Elle est en repli de 8,9 % en AE et de 10,7% en CP, soit une diminution de 69,6 millions d’euros en AE et de 82,4 millions d’euros en CP.

Cette évolution est principalement liée à la diminution des crédits du Fonds unique interministériel (FUI) et du Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) consacrés au soutien de la recherche industrielle stratégique : dotés d’une enveloppe de 363,5 millions d’euros d’AE et 351,6 millions d’euros en CP en LFI 2011, leurs crédits s’élèvent pour 2012 à 286,2 millions d’euros en AE et 320 millions d’euros en CP, soit une baisse de 77,3 millions d’euros en AE et de 31,6 millions d’euros en CP.

Les crédits de l’opérateur OSEO Innovation s’élèvent pour 2012 à 327,3 millions d’euros en AE et 268,7 millions d’euros en CP dont 277,5 millions d’euros en AE et 218,9 millions d’euros en CP pour les crédits d’interventions. Cette part affiche, en CP, une baisse de 58,6 millions d’euros par rapport au montant défini lors de la programmation triennale. Cette diminution de ressources sera cependant intégralement compensée par l’affectation de produits issus des fonds de garantie de la société.

Les crédits sont en partie redistribués au sein du programme vers les crédits de recherche du Laboratoire national de métrologie et d’essai pour un montant de 15,6 millions d’euros.

Le montant des crédits consacrés à l’ACOSS au titre de la compensation de l’allègement des cotisations sociales patronales pour les personnels participants aux projets de recherche des jeunes entreprises innovantes est stable par rapport à 2011 (80 millions d’euros contre 79,9 millions d’euros en LFI 2011), reconduisant le montant prévisionnel des économies escomptées par la réforme du dispositif entré en vigueur en 2011. Celle-ci a, en effet, instauré des plafonds relatifs à la rémunération mensuelle brute, au montant annuel des cotisations éligibles et une diminution progressive des exonérations au cours de la vie de l’entreprise.

Votre rapporteur observe qu’une fois de plus, c’est OSÉO (qui gère le Fonds unique interministériel) qui consomme le plus de crédits. En y ajoutant les crédits dévolus au Fonds de compétitivité des entreprises qui concerne les pôles de compétitivité on constate que les entreprises seront les principales bénéficiaires de ces deniers publics.

Par ailleurs, la documentation budgétaire indique que : « la poursuite de la phase 2 des pôles de compétitivité, prolongée jusqu’à fin 2012 par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 conduit les dotations à être ramenées de 187 millions d’euros à 120 millions d’euros. La baisse des crédits s’explique notamment par le recours aux Investissements d’avenir. En effet, au sein de ce programme, 300 millions d’euros sont prévus pour accompagner et financer les projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC). Une partie des projets de R&D des pôles de compétitivité les plus structurants, habituellement financés par le FUI, seront ainsi financés par cette action des Investissements d’avenir ». Si besoin était, cette manipulation montre à quel point les intérêts du « grand emprunt » prétendument investis dans la recherche ne servent qu’à combler des baisses de crédits inscrits au budget de la Nation.

B.— LES CRÉDITS DES TROIS ACTIONS

La documentation budgétaire présente comme suit les trois actions du programme 192 :

« Ce programme est placé sous la responsabilité du directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services au sein du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Il est mis en œuvre :

– pour l’action 1, par les organismes de formation supérieure et de recherche : écoles des Mines, Institut télécom (ex-Groupe des écoles des télécommunications), École supérieure d’électricité (SUPÉLEC), École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), Groupe des écoles nationales d’économie et statistique (GÉNES) ;

– pour les actions 2 et 3, par les services de la DGCIS et par OSÉO.

L’accomplissement de ces deux dernières actions passe par :

– le développement des pôles de compétitivité, instruments de dynamisation de secteurs innovants sur certains territoires et de synergie locale entre grandes entreprises, PME et centres de recherche d’un même secteur, avec le soutien financier de l’État et des collectivités territoriales. La politique des pôles de compétitivité vise à mobiliser en réseau les acteurs économiques et académiques, dans un espace géographique donné, autour de stratégies de développement et de projets communs à fort contenu innovant et à haute valeur ajoutée ;

– le soutien aux projets coopératifs (recherche publique et industrielle) d’émergence ou de développement de nouvelles technologies, le soutien à l’innovation associant des partenaires français et européens, principalement au travers des clusters Eurêka ;

- l’accompagnement du transfert et de l’appropriation de technologies et de services innovants par les entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire ;

– l’accès au financement pour les PME et les jeunes entreprises technologiques, y compris le renforcement en fonds propres, le développement du capital-risque et la création d’entreprises innovantes (incubateurs, fonds d’amorçage…) ;

– des allègements fiscaux et sociaux favorables à l’innovation : crédit d’impôt recherche (relevant du programme n° 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires »), statut de jeune entreprise innovante (JEI) et de fonds communs de placement, orientation de l’épargne privée vers l’innovation »

RÉPARTITION PAR ACTION DES CRÉDITS DEMANDÉS

 

2012

2011

Action n° 1 : organismes de formation supérieure et de recherche

30,28 %

28 %

Action n° 2 : soutien et diffusion de l’innovation technologique

41,73 %

38,5 %

Action n° 3 : soutien de la recherche industrielle stratégique

27,99 %

33,5 %

C.— LES DÉPENSES FISCALES

Dans le document intitulé Notes sur l’exécution budgétaire, rendu public en mai 2011, la Cour des comptes s’attache à examiner les dépenses fiscales de la MIRES. Elle considère qu’en 2010, 18 mesures sont rattachées à titre principal à un programme de la MIRES, pour un montant évalué à 5,77 milliards d’euros. Le tableau suivant en récapitule le coût par programme sur la période 2008-2011.

En moyenne sur la période, 70 % des dépenses fiscales principales de la MIRES sont imputables au coût du crédit impôt recherche (CIR), rattaché au programme 172 (57 % en 2008, 83 % en 2009, 78 % en 2010, 64 % en 2011).

Ainsi, l’impact des mesures de relance de 2009 et 2010 sur le coût 2010 du CIR peut être évalué à 1 500 millions d’euros (l’impact de la mesure de remboursement accéléré sur 2010 est atténué par la diminution de la créance sur l’État dû au remboursement accéléré de 2009).

L’évolution du CIR depuis 2008 a, compte tenu du poids relatif de ce dispositif, accru la part des dépenses fiscales dans l’ensemble des financements de la MIRES, bien au-delà des estimations qui figuraient dans la loi de programme pour la recherche de 2006.

En dehors du CIR, les dépenses fiscales rattachées aux programmes de la MIRES sont relativement stables. Elles appellent trois remarques, qui rejoignent les constats généraux effectués par la Cour.

En premier lieu, bien que pour 50 % des mesures le chiffrage soit présenté dans l’évaluation annuelle des voies et moyens comme bon ou très bon, la stabilité des évaluations de certaines mesures, tout comme les écarts constatés entre la prévision et l’exécution invitent à considérer ce chiffrage avec prudence. C’est le cas notamment du CIR pour les raisons évoquées précédemment :

En second lieu, 7 mesures, dont le coût global est évalué à 2,7 milliards d’euros en 2010, bénéficient à titre subsidiaire aux programmes de la MIRES. Leur chiffrage, tel qu’il est présenté dans le Projet annuel de performances (PAP) MIRES 2010 et dans l’évaluation des voies et moyens 2010, est global (tous programmes confondus). C’est ce montant qui figure, à titre indicatif, dans les PAP des programmes concernés de la MIRES. Si une note de bas de page précise que ce montant « n’est indiqué qu’à titre d’ordre de grandeur et ne saurait être considéré comme une véritable sommation des dépenses fiscales du programme », cette note figure tout autant dans les programmes qui ne comportent que des dépenses fiscales principales (exemple programme 190). La dépense fiscale totale rattachable aux programmes la MIRES n’est donc pas correctement estimée.

Enfin, si les dépenses fiscales sont, en application de l’article 51 de la LOLF, rattachées à un programme, leurs responsables n’en ont pas de connaissance précise, l’évaluation et le suivi relevant du ministère des finances. Ainsi, les documents budgétaires ne retracent pas l'impact des mesures. L'indicateur relatif au CIR élaboré en 2009 n'est pas renseigné, bien que le dispositif fasse l’objet d’un suivi statistique et d’évaluations annuelles transmises au Parlement.

Le tableau figurant pages suivantes retrace l’ensemble des dépenses fiscales imputables à la MIRES.

Intitulé du programme

2007

2008

2009

2010

2011

2012

source des données*

RAP 2007

RAP 2008

PAP 2011

PAP 2012

PAP 2012

PAP 2012

 

 

 

 

 

 

 

150 - Formations supérieures et recherche universitaire

1 075

1 260

1 406

1 468

1 602

1 592

Réductions des impôts au titre des dons (110201)

835

925

989

1 000

1 080

1 080

Réductions d'impôt au titre des dons faits par l'entreprise à des œuvres ou organismes d'intérêt général (210309)

235

285

326

331

400

400

Réduction d'impôt au titre de certains dons (400203)

 

40

51

77

67

57

Exonération des dons ouvrant droit à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (520121)

5

10

40

60

55

55

 

 

 

 

 

 

 

231 - Vie étudiante

1 171

1 327

1 404

1 678

1 723

1 773

Réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur P231 et 142 (110242)

170

185

190

195

195

195

Exonération d'impôt sur le revenu des salaires perçus par les jeunes au titre d'une activité exercée pendant leurs études secondaires ou supérieures ou leurs congés scolaires et universitaires (120132)

10

50

50

200

200

200

Crédit d'impôt à raison des intérêts des prêts souscrits entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 en vue du financement de leurs études par les personnes âgées de 25 ans au plus (110238)

1

2

4

3

3

3

Taux de 5,5% pour les recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines d'entreprises ou d'administrations ainsi que les repas livrés par des fournisseurs extérieurs aux cantines, scolaires et universitaires (730207)

740

820

860

980

1 015

1 055

Exonération du salaire des apprentis (120109)

210

240

270

265

275

285

Exonération des indemnités de stage en entreprises versées aux élèves et étudiants (120110)

40

30

30

35

35

35

 

 

 

 

 

 

 

172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

1 045

1 577

6 258

4 907

2 283

2 308

Crédit d'impôt en faveur de la recherche (200302)

1 000

1 500

6 200

4 900

2 275

2 300

Exonération des établissements publics de recherche, des établissements publics d'enseignement supérieur, des personnes morales créées pour la gestion d'un pôle de recherche et d'enseignement supérieur et des fondations d'utilité publique du secteur de la recherche pour leurs revenus tirés d'activité relevant d'une mission de service public (300208)

5

5

5

5

5

5

Dégrèvements afférents aux immobilisations affectées à la recherche (80204) (fin d'incidence budgétaire en 2009)

40

71

51

 

 

 

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement (200308)

 

1

2

2

3

3

 

 

 

 

 

 

 

190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

20

0

11

0

0

0

Provision pour reconstitution de gisements d'hydrocarbures

20

 

11

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

192 - Recherche enseignement sup en matière économique et industrielle

474

809

899

939

974

965

Taxation au taux réduit des plus-values professionnelles à long terme et de certains produits de la propriété industrielle

320

 

 

 

 

 

Réduction d'impôt au titre de la souscription de part de fonds communs de placement sur l'innovation (110218)

135

160

118

108

100

90

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les jeunes entreprises innovantes existantes au 1er janvier 2004 ou créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013 et les jeunes entreprises universitaires (230604)

8

15

18

16

18

19

Report d'imposition de la plus value réalisée lors de l'apport, par un inventeur personne physique, d'un brevet, d'une invention brevetable ou d'un procédé de fabrication industriel à une société chargée de l'exploiter

5

 

 

 

 

 

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de recherche et de développement et implantées dans une zone de recherche et de développement (200308)

 

1

2

3

3

3

Abattement de 30% sur les produits de cession de licences autres que ceux taxés au taux forfaitaire de 16% (160102)

1

1

1

1

1

1

Exonération des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (300207)

 

 

 

 

 

 

Imputation sur le revenu global du déficit provenant des frais de prise de brevet et de maintenance (160103)

 

 

 

 

 

 

Exonération des plus values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes ou de jeunes entreprises universitaires (150711)

 

2

 

1

2

2

Exonération des dividendes perçus par l'associé unique d'une société uni personnelle d'investissement à risque (140124)

 

 

 

 

 

 

Amortissement dégressif majoré pour les investissements de recherche scientifique et technique acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 2004

5

 

 

 

 

 

Taxation au taux réduit des plus values à long terme provenant des produits de cessions et des concessions de brevets (320139)

 

630

760

810

850

850

Exonérations des plus values de cession : - d'actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique ou technique; - de titres de société financières d'innovations conventionnées (230504)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL GÉNERAL

3 785

4 973

9 978

8 992

6 582

6 638

 

 

 

 

 

 

 

*évaluations figurant sur les documents indiqués et fournies par la Direction de la législation fiscale

 

 

 

 

 

 

II.— LES TROIS ACTIONS DU PROGRAMME

ACTION N° 1 : ORGANISMES DE FORMATION SUPÉRIEURE ET DE RECHERCHE

Cette action regroupe l’ensemble des financements dévolus aux différents organismes de formation supérieure et de recherche sous la tutelle, exclusive ou non, du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi : l’Institut Télécom, l’École des Mines, le Groupe des écoles nationales d’économie et statistique (GÉNES), l’École supérieure d'électricité (SUPÉLEC) et l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI-Les Ateliers).

 

PLF 2012

PLF 2011

Évolution

Montant des crédits AE

306 653 765

304 323 690

+ 0,8 %

Montant des crédits CP

310 653 765

305 323 690

- 1,7 %

Part des crédits du programme (AE)

30,28 %

28 %

 

1. Le groupe des écoles des mines (GEM)

Six écoles des mines sont des établissements publics à caractère administratif placés sous la tutelle du ministère chargé de l’industrie : les écoles nationales supérieures des mines (ENSM) de Paris et de Saint-Étienne et les écoles nationales supérieures des techniques industrielles et des mines (ENSTIM) d’Albi- Carmaux, Alès, Douai et Nantes.

Ces écoles ont constitué avec l’école des mines de Nancy une association (Groupe des écoles des mines – GEM), pour mutualiser certaines activités et porter la marque « Mines ». Outre leur activité de formation, ces écoles développent une forte activité de recherche et participent au développement économique, à la création d’activités et d’entreprises, à l’innovation et au transfert technologique. Elles contribuent ainsi directement à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, notamment des PMI, avec lesquelles de nombreux partenariats sont noués.

Le développement des écoles des mines s’inscrit dans le cadre du plan stratégique intitulé « OSEM 2 » (Orientations stratégiques des écoles des mines) dont les principaux axes sont :

– le développement de la présence à l’international ;

– la stratégie d’alliances et de partenariats en matière de recherche ;

– l’élaboration d’une politique scientifique et de recherche commune dans le cadre de l’institut Carnot M.I.N.E.S. et le renforcement de la place du doctorat ;

– le développement des relations avec les entreprises et les territoires ;

– l’ouverture sociale et la validation des acquis de l’expérience (VAE) ;

– la mise en place d’une gouvernance adaptée à une stratégie coordonnée du Groupe des écoles des mines.

À compter de 2012, cette stratégie sera actualisée dans le cadre du regroupement des écoles des mines de l’Institut Télécom.

Chiffres clés pour 2010 :

– 1 989 diplômes délivrés en 2010, dont 1 241 diplômes d’ingénieurs, 182 diplômes nationaux de master, 374 mastères spécialisés et diplômes de formation spécialisées, 192 doctorats ;

– 6 234 étudiants (année 2010-2011), dont 4 683 élèves ingénieurs (parmi lesquels 878 apprentis et 177 élèves en formation continue sous statut salarié), 198 élèves en formation de diplôme national de master, 404 étudiants en mastères spécialisés ou formations spécialisées, ainsi que 949 doctorants ;

– plus de 54 millions d’euros de ressources propres en recherche (y compris l’association « Armines ») ; 682 publications dans des revues de rang A et 8 brevets déposés ;

– activité recherche mobilisant plus de 2 350 personnes (doctorants inclus) ;

– l’effectif total des écoles des mines au 31 décembre 2010 était de 1 963 ETP, dont 163 CDD sur ressources propres (hors personnel de l’association « Armines »).

2. Institut TÉLÉCOM

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des communications électroniques, l’Institut TÉLÉCOM (ex groupe des écoles des télécommunications) est l’un des principaux acteurs français de la formation, de la recherche et de l’innovation dans le domaine des télécommunications et plus largement des sciences et technologies de l’information et de la communication. Il est composé de 4 grandes écoles :

– TELECOM ParisTech (à Paris et à Sophia Antipolis) ;

– TELECOM Bretagne (à Brest et à Rennes) ;

– TELECOM SudParis (École d’ingénieurs) et TELECOM (École de Management), ces deux écoles étant regroupées sur un même campus à Évry (anciennement INT).

L’Institut TÉLÉCOM est également membre fondateur de deux établissements d’enseignement supérieur et de recherche créés sous forme de GIE : Télécom Lille 1 (en partenariat avec l’Université de Lille) et l’Institut EURECOM implanté à Sophia-Antipolis, regroupant différents partenaires académiques européens (École polytechnique fédérale de Lausanne, Politecnico de Turin, universités technologiques de Munich et d’Helsinki) et une dizaine d’industriels.

Deux plans stratégiques successifs ont permis de consolider la croissance de l’Institut depuis 2000 (+ 40 % pour les effectifs en formation, + 90 % pour les ressources propres, avec un doublement des contrats de recherche). La stratégie adoptée pour la période 2008-2012 vise à ce que le groupe soit reconnu au niveau international pour l’excellence de ses formations de niveau master et doctorat, comme un moteur de la recherche académique dans le champ des Sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) pour le domaine des communications, ainsi qu’un centre de prospective et d’expertise sur le développement technologique, économique et social de la société de la connaissance et de la vie numérique et, enfin, comme une référence pour l’innovation et le soutien à la création d’entreprise.

Chiffres clés pour 2010 :

– 1 588 diplômes délivrés en 2010 : 940 diplômes d’ingénieurs ou de managers, 198 doctorats, 68 diplômes nationaux de master, 53 masters of science et 329 mastères spécialisés de la conférence des grandes écoles et autres diplômes de formations spécialisées ;

– 5 405 étudiants (année 2010-2011), dont 3 751 élèves ingénieurs ou managers et 734 doctorants ;

– budget total de recherche 81,7 millions d’euros (y compris GIE), dont 41,5 millions d’euros de ressources propres ; 423 publications dans des revues de rang A et 57 brevets déposés ;

– activité recherche mobilisant 1 690 personnes (600 enseignants-chercheurs, 800 doctorants et « post doc », 290 ingénieurs techniciens et administratifs) ;

– chiffre d'affaires en formation continue : 3,6 millions d’euros ;

– ressources : 156 millions d’euros dont 106 millions d’euros de subvention de l'État et 50 millions d’euros de ressources propres ;

– personnels : 1 533 ETP, dont 484 enseignants chercheurs et 461 CDD sur ressources propres.

Le regroupement des écoles des mines et de l’Institut Télécom

Dans un contexte de forte évolution du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’accroissement des enjeux de la performance de notre « écosystème » d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation pour l’économie, le regroupement des écoles des mines et de l’Institut Télécom vise à constituer un institut faisant référence en matière de développement de nouvelles technologies, de politiques publiques et de régulation économique, de formation d’entrepreneurs, ainsi que de création d’activités et d’entreprises nouvelles. Cet institut sera un établissement public qui intégrera les écoles des télécommunications, comme le fait actuellement l’Institut Télécom, les écoles des mines lui étant rattachées. Cette démarche devant permettre à chacune des écoles de répondre à une double ambition :

– contribuer de manière déterminante au développement économique, technologique et scientifique du pays dans les domaines relevant du ministère par un enseignement supérieur et des activités de recherche d’excellence ;

– s’engager pleinement dans la dynamique des partenariats locaux et visant à renforcer notre système d’enseignement supérieur et de recherche face aux exigences de compétitivité de notre économie et à la concurrence internationale.

Ce regroupement, qui est préparé depuis octobre 2009, a été confirmé par le Conseil de modernisation des politiques publiques le 30 juin 2010, avec l’objectif d’une mise en place de l’Institut Mines-Télécom au 1er janvier 2012.

Une nouvelle fois, votre rapporteur souligne que ce type de regroupement, mené à marche forcée dans le cadre de la « révision générale des politiques publiques » est contreproductif et ne concourt qu’à augmenter les situations de précarité.

En ce qui concerne les chercheurs par exemple, entre 1997 et 2007, leur nombre a augmenté de 45 % (chercheurs et enseignants chercheurs des secteurs public et privé). En revanche, au cours de la même période, celui des personnels de soutien n’a augmenté que de 4,5 %. Cela déstabilise le travail des chercheurs, les conduisant à s’engager toujours plus dans des tâches administratives tout en augmentant la charge de travail des ingénieurs, techniciens et personnels administratifs (personnels ITA). Il est urgent de recruter de nouveaux personnels ITA. La notion de « cœur de métier » ne saurait que conduire à l’externalisation de nombreuses tâches pour ne recruter que des chercheurs.

3. SUPÉLEC - École supérieure d’électricité :

L’École supérieure d’électricité (Supélec) est une école d'ingénieurs intervenant dans le domaine des sciences de l'information, de l'énergie et des systèmes : informatique, télécommunications, électronique, traitement du signal, automatique et génie électrique.

Le statut d’association loi de 1901 de Supélec et son implantation géographique sur trois campus délivrant un même diplôme (Gif-sur-Yvette, Rennes et Metz) la particularisent parmi les grandes écoles d’ingénieurs. Supélec est placée sous la double tutelle des ministères chargés de l’enseignement supérieur et de l’industrie, chacun contribuant pour environ 25 % à son budget. L’École est liée par une convention de fonctionnement avec l’État (industrie, enseignement supérieur et défense), EDF, la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) et le Syndicat des sociétés d’études et de conseil (Syntec) ; elle fait également l’objet de contrats d’objectifs. Après un contrat 2002-2005 centré sur la croissance des promotions d’ingénieurs (portées de 360 à 440), le contrat 2006-2009 mettait l’accent sur l’internationalisation des formations dans le contexte européen du LMD et prévoyait une croissance des effectifs en formation de 1600 à 2000, reposant essentiellement sur l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers et de doctorants. Les points marquants de la stratégie de Supélec pour la période 2010-2013 sont :

– le renforcement des liens avec Centrale Paris, sous la forme d’une « Alliance » annoncée fin 2008, complétant notamment le partenariat créé dans l’institut C3S ;

– la participation au Campus de Saclay ;

– des opérations immobilières : essentiellement de rénovation, Supélec étant situé dans une des 3 zones prévues pour les opérations de développement de ce Campus (zone Moulon concernant Centrale Paris, ENS Cachan et l’IUT d’Orsay) ;

– la participation au futur Collège des sciences de l’ingénieur du PRES UniverSudParis avec notamment Centrale, participation aux RTRA Digitéo et Triangle de la physique ;

– la poursuite de la rénovation des formations, notamment en renforçant les formations « par et à la recherche » (diplôme national de master et doctorat) et en développant l'internationalisation des formations.

Supélec forme principalement des ingénieurs, admis sur un concours commun avec les écoles centrales, sur titres (environ 10 %) ou dans le cadre d’échanges avec des universités étrangères ; une voie de formation d’ingénieur par apprentissage qui conduit au diplôme d’ingénieur de l’école a été ouverte à la rentrée 2008 et comptait 27 apprentis pendant l’année scolaire 2010-2011, ce qui contribue à l’ouverture sociale de l’école. Supélec est habilitée, avec des universités partenaires (Paris Sud, Rennes, Metz et Nancy), à délivrer des diplômes de Master Recherche en « Information, Energie et Système » dans 11 spécialités.

Par ailleurs Supélec propose des formations continues diplômantes (mastères spécialisés de la Conférence des grandes écoles) ou des formations qualifiantes, inter ou intra entreprises correspondant à un chiffre d’affaires de 1,51 million d’euros.

Disposant de partenariats avec une centaine d'universités sur les 5 continents, Supélec met l’accent sur son ouverture à l’international : les deux tiers des élèves ont acquis une expérience significative à l'étranger, un élève sur trois terminant ses études avec un double diplôme d'une université étrangère (plus d’un diplômé de Supélec sur cinq est étranger).

Académique ou industrielle, la recherche effectuée par Supélec est marquée par ses liens étroits avec la formation et son contenu technologique, la valorisation industrielle constitue un objectif prioritaire. Supélec dispose d’équipes propres et d’unités mixtes avec le CNRS et des universités partenaires (Paris 6 et 11, Metz). Supélec participe également à 5 écoles doctorales avec ses partenaires universitaires (Paris-Sud 11, universités de Rennes 1, Nancy 1 et 2 et Metz) et a accueilli 246 doctorants en 2009.

Supélec est membre fondateur de deux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) : Digiteo (en sciences et technologies de l’information) et Triangle de la physique, qui ont été labellisés en octobre 2006. Le RTRA Digiteo dont les autres membres fondateurs sont le CEA, le CNRS, l’INRIA, l’Ecole polytechnique et l’université Paris-Sud 11, se positionne comme un centre de recherche amont du pôle de compétitivité System@tic Paris-région, dans lequel Supélec est également engagée.

Supélec participe aussi au Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Université européenne de Bretagne et au pôle de compétitivité Images et Réseaux. L’institut C3S : Supélec et l’École Centrale de Paris se sont regroupées au sein du consortium C3S (Centrale-Supélec Science des Systèmes), auquel est associé le CNRS sous forme d’un GIS. Cet ensemble couvre les domaines de technologies de l’information et de la communication, de l’énergie et des procédés.

Chiffres clés pour 2010 :

– Supélec a délivré 475 diplômes d’ingénieur Supélec, 8 diplômes de spécialisation, 65 diplômes de Master Recherche (essentiellement comme double diplôme à des élèves ingénieurs, ainsi qu’à 8 étudiants étrangers), 53 diplômes de mastères spécialisés et 61 thèses de doctorat ont été soutenues ;

– 1 969 étudiants (année 2010-2011), dont 1 622 élèves ingénieurs, 60 étudiants en mastères spécialisés et 246 doctorants ;

– ressources des contrats de recherche : 8,3 millions d’euros (en augmentation sensible par rapport à 2009) ;

– chiffre d’affaires en formation continue : 1,51 million d’euros ;

– 310 salariés permanents dont 132 enseignants-chercheurs (ETP). Supélec contribue à la réalisation des objectifs n° 2 « Optimiser la valorisation de la recherche des organismes de formation supérieure et de recherche » et n° 5 « Développer l’efficience et l’attractivité des formations des écoles » du programme 192.

4. Le GENES

Le Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (GÉNES) est un nouvel établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, créé par décret le 1er janvier 2011. Placé sous la tutelle du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, il résulte de la transformation juridique de ce qui était jusque-là la direction des enseignements supérieurs et de la recherche de l’INSEE. Ce nouveau statut marque la volonté du ministère en charge de l’économie et de l’INSEE de consolider un centre d’enseignement supérieur et de recherche de premier plan consacré aux métiers de l’économie, de la finance, de la statistique et des sciences humaines et sociales.

Le groupe des écoles nationales d’économie et statistique (GÉNES) rassemble plusieurs établissements assurant des activités de formation initiale, de recherche et de formation continue. Il est ainsi constitué de deux écoles, l’ENSAE (École nationale de la statistique et de l’administration économique) à Malakoff et l’ENSAI (École nationale de la statistique et de l’analyse de l’information) à Rennes, d’un centre de recherche, le CREST (Centre de recherche en économie et statistique), présent sur les deux sites, et d’un centre de formation continue, le CEPE (Centre d’études des programmes économiques). Pour assurer l’ensemble de ses missions, le GENES emploie au total 160 personnels permanents.

Principaux axes d’orientations stratégiques :

– Le développement du Centre d’accès sécurisé distant aux données (CASD pour la recherche en sciences sociales, créé en 2010 et qui a été lauréat d’un Equipex (2). Le GÉNES est le partenaire-coordinateur avec un consortium comprenant l’INSEE, l’ENS Cachan, l’Ecole polytechnique, HEC et le GIS Réseau Quételet. Ce centre permet, grâce à une solution technologique originale brevetée, d’ouvrir à la communauté scientifique l’accès le plus large possible à des données détaillées et confidentielles, de manière totalement sécurisée.

– l’implantation à l’horizon 2014 de l’ENSAE ParisTech et des laboratoires parisiens du CREST sur le campus de Paris-Saclay ;

– la mise en place par le CEPE d’une offre sur les techniques statistiques appliquées à la finance, en actuariat et en marketing ;

– l’ENSAI poursuivra son développement en cherchant à accroître sa visibilité et sa notoriété de niveau local en développant les partenariats avec les grandes écoles de la métropole rennaise, au niveau international en développant les coopérations avec les écoles et les universités étrangères et notamment africaines.

ACTION N° 2 : SOUTIEN ET DIFFUSION DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE

 

PLF 2012

PLF 2011

Évolution

Montant des crédits (AE)

426 700 000

418 981 366

+ 1,8 %

Montant des crédits (CP)

368 100 000

418 981 386

- 12,4%

Part des crédits du programme (AE)

41,73 %

38,5 %

 

L’action repose sur la mobilisation des services et opérateurs de l’État : DGCIS et réseau déconcentré des DIRECCTE (pôle 3E, OSÉO…), en liaison et partenariat avec les réseaux territoriaux et organismes dédiés (centres régionaux d’innovation et de transfert de technologies (CRITT), centres techniques industriels (CTI), instituts Carnot, sociétés de recherche contractuelle, réseau européen Enterprise Europe Network (EEN), etc.).

Les activités et dispositifs suivants sont mobilisés :

– l’accompagnement financier et en conseil des projets d’innovation technologique et industrielle, au travers des programmes de soutien à l’innovation confiés à OSÉO : les programmes « innovation stratégique industrielle » (ISI), pour les entreprises de moins de 5 000 salariés, et « aide à l’innovation » (AI), pour les entreprises de moins de 2 000 salariés, soutiennent des aides aux transferts de technologie et aux primo-innovants (prestation technologique réseau….). Il s’agit pour l’État d’accroître le nombre de projets en assurant une partie du risque pris par l’entreprise pour développer une nouvelle technologie ou un nouveau produit ou service, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de véritables ruptures. La volonté du gouvernement de favoriser l’émergence d’entreprises à fort potentiel de croissance a conduit à recentrer les interventions de l’activité innovation d’OSÉO sur les entreprises de taille moyenne et sur le soutien à des projets risqués ;

– la stimulation de la diffusion des technologies de l’électronique et des microsystèmes dans les produits des PME de tous les secteurs, au travers du programme national CAP’TRONIC. Le développement, le transfert et la diffusion des technologies et services innovants auprès des PME représentent, en effet, un enjeu très important pour l’ensemble de l’économie en constituant un débouché pour les entreprises qui réalisent ces innovations et une condition de rentabilité sur le long terme pour les autres ;

– le dispositif d’aide aux projets de jeunes entreprises innovantes (JEI), mis en place en janvier 2004 et réformé en 2011, afin de le recentrer sur les premières années d’activité pour en accroître le caractère incitatif. Ce dispositif réservé aux PME permet, sous conditions, à de jeunes entreprises créées depuis moins de 8 ans et indépendantes, qui consacrent au moins 15 % de leurs charges annuelles à des projets de R&D, de bénéficier d’allègements fiscaux et d’exonérations de cotisations sociales patronales, pour les personnels participants aux projets de recherche de l’entreprise. Cette exonération de charges sociales est compensée par l’État aux organismes de sécurité sociale.

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche (CIR) diminue l’impôt sur les sociétés des entreprises qui réalisent des dépenses de R&D. Cet instrument, qui se caractérise par son caractère transversal à tous les secteurs d’activité, relève du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Si l’aide aux PME et aux jeunes entreprises innovantes doit, bien entendu, demeurer un axe important de notre politique de recherche, votre rapporteur s’étonne de lire dans le projet annuel de performance que le CIR à vocation à diminuer l’impôt sur les sociétés des entreprises. Son étonnement est d’autant plus grand lorsqu’il considère que seuls 20,3 % du CIR va aux PME indépendantes.

1. OSÉO innovation.

Une dotation de fonctionnement d’un montant de 49,8 millions d’euros en AE et en CP versée à OSÉO est destinée à financer :

– le fonctionnement d’OSÉO pour l’activité « Innovation », pour 46,2 millions d’euros Près de 70 % de la dotation sont consacrés à la couverture des charges de personnel (environ 440 ETP pour un total de 1 640 sur l’ensemble du groupe). La majorité de l’effectif est affecté, au niveau des délégations régionales, à l’instruction et au suivi des financements sur projet, ainsi qu’aux actions de soutien au tissu économique. Les effectifs du siège d’OSÉO exercent, au niveau national, des fonctions support ainsi que des missions d’expertise et de veille nationale et européenne, d’une part, et d’instruction des dossiers les plus structurants, d’autre part. La dotation de fonctionnement permet de faire face aux charges liées à la mise en œuvre du programme « aides à l’innovation » (AI), correspondant à l’activité historique (ex-ANVAR) et du programme « innovation stratégique industrielle » (ISI), mis en place suite à la fusion au 1er janvier 2008 de l’ex-Agence de l’innovation industrielle avec OSÉO innovation. Elle contribue également à financer la gestion des aides aux projets de R&D des pôles de compétitivité soutenus par le Fonds unique interministériel (FUI). L’activité d’OSÉO est guidée par le contrat de performance 2009-2012, signé le 6 mars 2009 avec l’État. Ce contrat fixe les grandes orientations d’OSÉO sur ses trois métiers : innovation, financement et garantie ;

– les réseaux régionaux de développement technologique (RDT), instruments de coopération essentiels au niveau régional en matière d’innovation sont cofinancés par l’État à hauteur de 2,7 millions d’euros et les collectivités territoriales. L’essentiel de la dotation de l’État couvre des frais de fonctionnement et, pour 5 %, est affectée à la couverture de coûts externes nationaux (supports et outils communs des RDT). Le fonctionnement des RDT, les coûts salariaux de l’animation et du pilotage sont inclus dans le budget de fonctionnement de l’activité « innovation » d’OSÉO ;

– le secrétariat français d’Eurêka, pour un montant estimé à environ 0,9 million d’euros. Les dépenses sont constituées de frais de personnel et des frais de fonctionnement associés, inclus dans le budget de fonctionnement de l’activité innovation d’OSÉO. La répartition effective de la dotation sera fixée par son conseil d’administration à la fin de l’année 2011. Les montants indiqués ne sont donc, à ce stade, qu’indicatifs.

Une dotation de 277,5 millions d’euros en AE et de 218,9 millions d’euros en CP destinée à financer les interventions de l’activité « Innovation » d’OSEO. Les moyens résiduels de l’Agence de l’innovation industrielle, ont permis de couvrir une partie des dotations d’interventions en 2008, 2009 et 2010. Ces reliquats de dotation étant épuisés, la dotation d’intervention d’OSEO a été inscrite en totalité sur le programme 192 en 2011.

En 2012, 58,6 millions d’euros d’AE seront couverts en CP par l’affectation de produits issus des fonds de garantie de la société, les moyens d’intervention d’OSÉO innovation seront donc maintenus à un niveau comparable à celui atteint en 2011 et lui permettront de financer :

– le programme « aides à l’innovation » (AI) qui est orienté prioritairement vers les PME de plus de 50 salariés et les projets d’innovation de rupture, conformément au contrat de performance 2009-2012 d’OSÉO ;

– le programme « innovation stratégique industrielle » (ISI) qui soutient des projets de recherche collaborative portant sur des innovations de rupture pour des montants d’aide de 3 et 10 millions d’euros par projet. Les entreprises de moins de 5 000 salariés (PME et ETI) sont la cible privilégiée de ce programme.

2. LE PROGRAMME CAP’TRONIC

Une dotation de 3,8 millions d’euros en AE et en CP est prévue pour la mise en œuvre du programme CAP’TRONIC, dans le cadre des actions de diffusion de la politique d’innovation. Ce programme apporte aux PME des prestations de conseil et d’expertise pour renforcer l’intégration de solutions électroniques à leurs produits, afin d’accroître leur compétitivité. Une évaluation du programme a été menée par le cabinet WMI à la demande de l’État en 2010. Il en ressort que le programme bénéficie d’un excellent niveau de satisfaction auprès des PME concernées par ce dispositif (97 % des PME interrogées).

En 2010, 1 892 PME ont bénéficié d’actions menées du programme ; parmi celles-ci, 264 ont été aidées en expertise ou en suivi représentant un total de 2 048 jours d’intervention.

ACTION N° 3 : SOUTIEN DE LA RECHERCHE INDUSTRIELLE STRATÉGIQUE

 

PLF 2012

PLF 2011

Évolution

Montant des crédits AE

286 166 619

363 706 045

- 21,3 %*

Montant des crédits CP

320 000 000

351 742 142

- 9 %

Part des crédits du programme (AE)

27,99 %

33,5 %

 

Les interventions de cette action relèvent intégralement du Fonds de compétitivité des entreprises (FCE), sous la responsabilité de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Il permet de soutenir, par le biais de subventions, la recherche et le développement réalisés au sein de partenariats public/privé, dont la vocation est de faire « sauter des verrous » technologiques. Il intervient dans deux domaines :

– pour des projets de recherche et développement stratégiques, relevant du secteur industriel. Le FCE finance les partenaires français participant aux projets du programme européen Eurêka, au titre de clusters, organisés par grands domaines stratégiques : micro et nano électronique avec CATRENE (anciennement MEDEA+), micro systèmes, interconnexion et packaging avec EURIPIDES, logiciel « middleware » avec ITEA2, télécommunications avec CELTIC et protection de l’eau avec ACQUEAU. Ce dispositif est complété, depuis 2008, par les Initiatives technologiques conjointes (ITC), nouvelles formes de partenariats public-privé associant les industriels, les États et la Commission européenne, dans les secteurs de la nanoélectronique (ENIAC) et des systèmes informatiques embarqués (ARTEMIS). Des soutiens exceptionnels sont également apportés, soit dans le cadre d’appels à projets sur des thématiques spécifiques (aéronautique en 2007, écotechnologies en 2009), soit à des projets de R&D dite « stratégique sur le territoire », au titre de laquelle est soutenue l’opération « Nano 2012 » à Crolles dans le domaine de la nanoélectronique ;

– pour l’ensemble des projets de recherche et développement des 71 pôles de compétitivité labellisés depuis 2005 par le biais du Fonds unique interministériel (FUI). Les projets soutenus sont sélectionnés à l’issue d’appels à projets (2 appels à projets lancés chaque année) et font l’objet d’une instruction interministérielle commune.

Les autorisations d’engagement et une partie des crédits de paiement du FUI (couverture des engagements selon un échéancier de 20 % par an pendant 5 ans) sont transférés à OSÉO, qui assure, depuis l’appel à projet lancé fin 2009, la gestion des aides à la R&D des projets collaboratifs des pôles, conformément à la décision prise par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 12 décembre 2007.

Les interventions du FCE se font uniquement sous forme de subventions, à un taux compris entre 25 et 30 % pour les entreprises. Elles couvrent au maximum les coûts marginaux pour les laboratoires publics. Les PME répondant à la définition communautaire et activent des travaux dans la zone de R&D du pôle de compétitivité qui a labellisé le projet, bénéficient d’un taux bonifié (45 %).

Sur la base de l’exécution 2010, les projets financés sur le FCE hors FUI (128 projets pour 158,8 millions d’euros) présentent les caractéristiques suivantes :

– chaque projet reçoit en moyenne une aide de 1,2 million d’euros.

Pour les clusters Eurêka, le montant moyen d’aide par projet constaté en 2010, a été de 2,15 millions d’euros, soit une aide moyenne par partenaire de 0,4 million d’euros.

Les pôles de compétitivité : un essai transformé ?

La documentation budgétaire fournie à votre rapporteur présente comme suit les pôles de compétitivité : « Un pôle de compétitivité rassemble sur un territoire donné, des entreprises, des laboratoires de recherche et des établissements de formation pour développer des synergies et des coopérations.

D’autres partenaires dont les pouvoirs publics, nationaux et locaux, ainsi que des services aux membres du pôle sont associés.

L’enjeu est de s’appuyer sur les synergies et des projets collaboratifs et innovants pour permettre aux entreprises impliquées de prendre une position de premier plan dans leurs domaines en France et à l’international. La politique nationale des pôles de compétitivité, initiée par le Gouvernement en 2004, s’inscrit dans le cadre d’une politique économique fondée sur le renforcement de la compétitivité de l'économie française par l’accroissement des efforts d’innovation et de recherche et développement.

Les pôles de compétitivité animent un réseau d’acteurs économiques et académiques, sur un territoire donné, autour de stratégies communes de développement et de projets partenariaux innovants à fort contenu en valeur ajoutée. Leur objectif est d’accroître les capacités d’innovation de notre tissu économique en dépassant les schémas traditionnels de recherche et de production et en créant de nouvelles relations industrielles par la coopération entre membres. L'originalité de cette approche réside dans la coopération effective de trois types d'acteurs : entreprises, laboratoires de recherche et organismes de formation. Cet objectif de croissance par l’innovation vise tout particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME) afin de favoriser leur développement et leur pérennité.

La France compte 71 pôles de compétitivité dont sept pôles mondiaux et onze à vocation mondiale. Ces pôles, issus d’initiatives locales, concernent la plupart des secteurs d’activité (domaines technologiques en émergence, domaines plus matures tels que l’automobile ou l’aéronautique) y compris les écotechnologies depuis la labellisation de six nouveaux pôles par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 ».

Lors du lancement de l’opération en 2005, 1,5 milliard d’euros ont été investis par l’État jusqu’en 2008. Au cours de l’été 2008, le Gouvernement a décidé de prolonger cette dynamique pour une nouvelle période de trois ans dite « Pôles 2.0».

Cette deuxième phase, initialement prévue sur la période 2009-2011, a été prolongée d’un an par le CIADT du 11 mai 2010. La phase 2.0 s’étend donc jusqu’à fin 2012 et devrait faire l’objet d’une nouvelle évaluation externe.

Une autre préoccupation des promoteurs des pôles était la construction d’un maillage géographique de la recherche et de l’innovation plus équilibré sur l’ensemble du territoire national.

Les interlocuteurs de votre rapporteur ont cependant fait état de l’opacité pouvant régner dans la répartition des rôles de chacun des acteurs au sein des pôles, voir dans leur gouvernance.

Par ailleurs, 50 % des crédits qui leur sont dévolus sont répartis entre les sept principaux, dits « pôles de compétitivité mondiaux » tels que System@tic Paris-Région (Ile-de-France), Minalogic (Grenoble), ou Aerospace Valley (sud-ouest). Ces grands pôles demeurent sous la domination des grands groupes industriels qui ont tout loisir de se désengager et de délocaliser des activités où bon leur semble.

Une fois de plus, c’est la rentabilité immédiate qui est recherchée, des ingénieurs faisant office de chercheurs, des chercheurs étant recrutés pour des tâches de courte durée.

Une autre conception des pôles de compétitivité devrait s’imposer, plus propice à la recherche fondamentale, garante des succès technologiques de demain, et non au service, peu coûteux pour eux, de certains groupes industriels dont les vues ne dépassent guère le quinquennat. Autant de raisons de transformer ces « pôles de compétitivité » en « pôles de développement et de coopération », de développer leur mise en réseau pour dynamiser leurs activités régionales, nationales et internationales.

En ce qui concerne la répartition géographique des efforts de recherche, les cartes figurant pages suivantes montrent clairement que la répartition des efforts et des crédits bénéficie aux régions déjà dotées en équipements lourds.

OPERATION CAMPUS : CARTE DES DOSSIERS RETENUS

EQUIPEX ATTRIBUÉS

IDEX DEMANDÉES

PÔLES DE COMPÉTTITIVITÉ


III.— PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE FRANÇAISE

A.— LA DÉSILLUSION DU MONDE DE LA RECHERCHE

1. L’Agence nationale de la recherche (ANR)

La documentation budgétaire présente l’ANR comme un outil de financement de la recherche. « Le financement de la recherche sur projets permet de favoriser l’excellence scientifique, en apportant un soutien particulier aux meilleures équipes et aux projets les plus innovants et les plus ambitieux. Mécanisme très répandu dans de nombreux pays étrangers et facteur de dynamisme pour explorer les frontières de la science, ce mode de financement s’adapte tant à la recherche fondamentale qu'à la recherche finalisée, qu'elle soit conduite dans la sphère publique ou en partenariat public-privé. Ce financement a bénéficié d’une remarquable évolution au cours de ces dix dernières années, au moins pour ce qui concerne la part publique, et ce tant au niveau national qu’à celui de l’Union européenne. Un saut quantitatif a été franchi avec la création en 2005 de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui a bénéficié depuis de moyens significatifs.

L’ANR oriente son action vers les établissements publics de recherche et les entreprises, en France comme à l’étranger, dans le cadre d’une double mission : produire de nouvelles connaissances en cohérence avec les priorités nationales définies en matière de recherche et favoriser les interactions entre laboratoires publics et laboratoires d'entreprise en développant les partenariats.

Dans ce contexte, son budget d’intervention finance deux grandes catégories d’opérations :

- les appels à projets (AAP) sur des critères d’excellence scientifique auxquels s'ajoute la pertinence économique pour les entreprises ;

- des actions plus ciblées visant notamment au développement du partenariat public-privé et au soutien des dynamiques locales en matière de recherche et développement (dans le cadre des pôles de compétitivité par exemple) ».

L’Agence dispose d’un budget annuel d’intervention d’environ 800 millions d’euros ; elle gère, par ailleurs une enveloppe de 18,9 milliards d’euros au titre des « investissements d’avenir » et distribue du crédit d’impôt recherche.

L’ANR a été constituée sous la forme d’un groupement d’intérêt public majoritairement contrôlé par l’État groupant huit autres membres (le CEA, le CNRS, l’INRA, l’INSERM, l’ANVAR, l’ANRT et l’ACPUR).

Une des réponses à apporter sera de savoir si l’ANR regroupe ou phagocyte ses membres.

L’Agence nationale de la recherche a-t-elle apporté de nouveaux fonds à la recherche ?

L’ANR est devenue puissante parce que, dans la période durant laquelle elle a accumulé son budget, elle a redéployé à son bénéfice le financement des établissements, principalement à partir de deux sources : la baisse des crédits finançant directement les laboratoires, qui ont chuté fortement avant et après sa création (- 30 % au CNRS en 2003) ; la baisse relative des salaires, qui n’ont pas suivi l’inflation (- 1 % par an en moyenne). Dans son rapport annuel 2011, la Cour des comptes a consacré une étude à l’ANR. On y lit « « Pour les laboratoires privés, l’ANR finance une part du coût complet du projet. (...). Le coût complet inclut toutes les dépenses directement liées au projet, y compris les dépenses de personnel permanent, auxquelles s’ajoutent des frais de structure évalués de manière forfaitaire à hauteur de 68 % des dépenses de personnel et 7 % des autres dépenses ».

Dans le cas des laboratoires publics, l’agence finance 100 % du « coût marginal » du projet (...). Ce coût exclut donc les dépenses de personnel permanent et n’inclut que les dépenses de fonctionnement et d’investissement directement liées au projet, y compris les charges de personnel occasionnel » (plus 4 % de frais généraux et le préciput (3)).

Le contrôle réalisé par la Cour (...) a montré que ces taux de concours de l’ANR à un projet s’élevaient à 25 % environ du coût total du projet pour les laboratoires publics, contre 50 % pour les laboratoires privés des grandes entreprises (...). L’écart observé (...) s’explique par les assiettes différentes retenues en matière de dépenses de personnel, mais aussi par un financement nettement plus généreux des « frais généraux » pour les laboratoires privés. »

On peut, par ailleurs, s’interroger sur l’utilité pour la recherche des 800 millions d’euros de l’Agence. L’encadré, ci-dessous, reprend le calcul fait par un chercheur du CNRS.

Le problème majeur que pose ce mode de financement concerne donc les coûts considérables qui se rattachent au temps de travail des personnels impliqués dans cette procédure (membres du comité de pilotage, chercheurs, experts évaluateurs, etc.). Prenons par exemple le cas d’un appel d’offre typique dans le domaine des Sciences de la Vie. Ce programme, doté de 4 millions d’euros de financement, mobilisera un comité de pilotage constitué de 25 personnalités scientifiques. En réponse à l’appel d’offre, ce comité de pilotage recevra environ 250 projets, envoyés pour évaluation à 500 ou 600 experts français ou étrangers. A la fin de la procédure, 20 projets auront été financés et les laboratoires de leurs auteurs auront reçu chacun une somme de 200 000 euros. Le coût caché de l’appel d’offre s’obtient alors en multipliant le nombre d’heures par le coût horaire d’un chercheur, que celui-ci soit membre du comité de pilotage, expert, ou scientifique ayant décidé de répondre à l’appel d’offre. Dans l’exemple évoqué plus haut, le coût est un peu inférieur à 3 millions d’euros, soit l’équivalent de 75 % des montants distribués aux chercheurs. Si l’on prend maintenant en compte le « taux de réussite » (probabilité d’un projet d’être financé), on s’aperçoit que la grande majorité des coûts investis en préparation des appels d’offres auront été dilapidés. Ainsi avec un taux moyen de succès de 20 %, 80 % des projets soumis ne seront pas financés et auront été préparés et évalués en pure perte.

Source : Site Internet Sauvons la recherche

La situation n’est donc absolument pas satisfaisante, pire, la Cours des comptes considère qu’il n’y a pas d’indicateurs permettant de mesurer de façon précise la valeur ajoutée de l’ANR en tant qu’instrument de financement au service de la politique de la recherche.

Une autre pratique pour le moins contestable est celle de l’ANR concernant le préciput ; la Cour observe que « La loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 dispose explicitement que le préciput doit, dans le cas d’une équipe de projet dite « mixte », associant des enseignants-chercheurs d’une université et des chercheurs d’un ou de plusieurs organismes publics de recherche, être affecté à l’ensemble des établissements, au prorata de leur engagement financier. (...) La Cour a constaté que, dans le cas de ces équipes mixtes et depuis 2008, le bénéfice du préciput était réservé, en contradiction avec la loi, à l’établissement hébergeant le porteur du projet ».

Mais cela n’est pas tout, le fonctionnement de l’ANR conduit celle-ci à devenir une machine à précariser. De fait, elle veut devenir un opérateur pour ses propres contrats et rapatrier en son sein toutes les fonctions administratives liées à la gestion des contrats, précédemment dans des unités au sein des établissements : les « unités supports ».

D’après la Cour des comptes, pour cet objectif « les prévisions de l’agence, fondées sur des ratios d’activité pour le moins volontaristes, paraissent optimistes : en tenant compte de la réintégration des unités supports, l’agence a prévu de contenir son effectif à 200 emplois seulement, en sachant qu’à la mi-2009, 230 personnes au total travaillaient pour l’ANR (dont 80 au sein de l’agence et 153 dans les unités supports) et 20 recrutements étaient en cours, soit un total de 250 personnes. En outre, les personnels concernés par la réintégration des unités supports n’ont pas de perspectives claires. 24 agents seulement sur les 153 agents employés par les unités supports ont été repris à ce jour par l’ANR ; l’agence procède simultanément à des recrutements pour pourvoir aux fonctions qu’ils exerçaient. L’ANR estime qu’elle portera à terme ce chiffre à 30 personnes, soit 20 % des effectifs ; 80 % des effectifs des unités supports verront donc leurs contrats non renouvelés ou devront faire l’objet, au cours des trois années d’extinction du dispositif, de mesures de reclassement par les établissements de rattachement. Au total, l’ANR met en œuvre un processus de recrutement d’une ampleur exceptionnelle en réponse à un transfert d’activité au sein de la sphère publique, ce qui est contestable. La Cour déplore que la méthode retenue et les résultats n’optimisent pas l’affectation des personnes et ne prennent pas en compte les compétences déjà disponibles ».

« Enfin, cette décision écarte l’ANR des orientations tracées par le législateur qui en faisait une structure légère » conclut la Cour qui ajoute : « Elle va donc devoir renforcer significativement ses services d’appui et se trouvera ainsi majoritairement constituée de personnels administratifs et financiers. Il ne serait, en outre, pas souhaitable que l’ANR recourt à des recrutements à durée déterminée lorsque les missions à assurer sont pérennes ».

« Les seules dépenses de personnel que finance l’ANR dans la recherche publique sont celles liées au personnel occasionnel. De tels critères d’éligibilité sont porteurs de risques de précarité. Le contrôle de la Cour a révélé que l’ANR finançait, en 2008, plus de 15 000 contrats à durée déterminée (CDD) ».

« Les statistiques produites en 2009 par l’ANR sur la trajectoire des personnes recrutées en CDD dans le cadre des appels à projet de 2005 montrent que, si 35 % d’entre elles ont depuis lors trouvé un emploi permanent, 43 % sont restées en CDD ».

Trois programmes « partenariaux » (PPP) ont été analysés dans une étude faite par l’ANR : RIAM (audiovisuel, multimédia), Émergence (biotechnologie) et Pnano (Nanosciences et Nanotechnologies). Dans ce choix pourtant très favorable, seul un programme affiche une moitié de passage en CDI. La situation est bien pire encore pour ce que l’ANR appelle le « Programme non-thématique dans le secteur biologie-santé » : 16 % obtiennent un CDI à l’issue de quelques années de CDD-ANR. L’ANR et ses CDD, pour beaucoup sans avenir, sont l’un des facteurs importants expliquant la désaffection des carrières pour l’enseignement supérieur et la recherche.

RIAM

CDI 44 %

CDD 36 %

Autres 20 %

Émergence

CDI 51%

CDD 41 %

Autres 8 %

Pnano

CDI 29%

CDD 31 %

Autres 40 %

Biologie-Santé

CDI 16 %

CDD 66 %

Autres 20 %


Ainsi, des milliers d’équivalents temps plein sont :

- phagocytés par la préparation et l’évaluation des dossiers ;

- soustraits à la recherche par l’absence de créations d’emplois pour assurer le « plan licence » (financés sur heures supplémentaires), et pour assurer la « mission d’insertion » et la recherche de stages ;

- supprimés dans les organismes, car transformés en « crédits » : des centaines d’emplois statutaires ont subi ce sort, grâce à la disposition dénommée « fongibilité asymétrique ».

Au terme de ce bref examen, plutôt que d’apporter une réponse, votre rapporteur préfère poser une question.

L’ANR aurait-elle atteint les trois objectifs qui lui avaient été fixés : ôter aux organismes la possibilité réelle de faire une politique scientifique ; rendre fictive l’autonomie des universités en matière de recherche et faire toujours plus fonctionner la recherche en employant des CDD (ce qui explique en partie la désaffection pour le doctorat) ?

2. Le Grand emprunt et les investissements d’avenir

Dans la continuité des travaux de la commission co-présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard intitulée « Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national », la loi de finances rectificatives pour 2010 a ouvert, au titre des investissements d’avenir, 21,9 milliards d’euros en AE et en CP sur cinq nouveaux programmes crées au sein de la MIRES.

PRÉSENTATION PAR L’EXÉCUTIF DES INVESTISSEMENTS CONSACRÉS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE

Onze milliards d'euros en faveur de l'enseignement supérieur et de la formation.

Onze milliards d’euros sont mobilisés en faveur de l’enseignement supérieur et de la formation, et constituent la première des priorités, conformément aux préconisations d’Alain Juppé et de Michel Rocard :

• 7,7 milliards d’euros sont consacrés aux campus d’excellence. Après l’opération campus qui a permis de financer de grands projets immobiliers et d'amorcer de grands rapprochements entre universités, il s’agit désormais de financer les dépenses immatérielles (enseignement, recrutement, formation, partenariats, gouvernance, etc.) et de donner aux universités les moyens de leur autonomie. A l’issue d’un processus de sélection rigoureux, les universités se verront "dotées pour la première fois de fonds propres en pleine propriété", a insisté le chef de l'État ;

• par ailleurs, 1,3 milliard d’euros permettront de "compléter et accélérer" le plan campus, qui atteindra ainsi les cinq milliards d’euros annoncés en 2007 ;

• l’État va aussi consacrer « un milliard d’euros tout de suite pour créer à Saclay un gigantesque campus regroupant sur un seul site les écoles de Paris Tech aujourd'hui dispersées dans la capitale, ainsi que l’École centrale de Paris, l’École normale de Cachan et l’Université Paris XI », a annoncé le président de la République ;

• 500 millions d’euros seront mobilisés en faveur de l’apprentissage, notamment pour rénover les centres de formation et les doter d'équipements modernes ;

• 500 millions d’euros seront dédiés à l'égalité des chances, permettant par exemple la création de 20 000 places supplémentaires dans les internats d'excellence.

Huit milliards d'euros en faveur de la recherche.

Sur les 8 milliards d’euros consacrés à la recherche, 3,5 milliards seront alloués aux sociétés de valorisation, "interfaces entre les grands industriels et la recherche". Les secteurs de la biotechnologie et de la santé recevront 2,5 milliards. Cinq centres hospitaliers universitaires, dans un premier temps, recevront 850 millions d’euros. Enfin, un milliard sera consacré aux laboratoires d'excellence et un autre aux équipements de la recherche.

Les organismes gestionnaires sont l’Agence nationale de la recherche (ANR) et la Caisse des dépôts (CDC), le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Office national d’études et de recherche aérospatiales (ONERA), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

Seize conventions ont été signées entre ces opérateurs et l’État, auxquelles s’ajoutent les deux conventions signées pour l’action « opération campus » : une convention au titre du programme investissement d’avenir pour 1,3 milliard d’euros, une convention au titre de la gestion de la dotation provenant des produits de cession des titres de participation de l’État au capital d’EDF pour 3,7 milliards d’euros. Ces conventions ont été publiées entre le 3 juillet et le 7 décembre 2010.

Comme le prévoient toutes les conventions, les dotations ont été versées aux opérateurs et déposées sur les comptes spécifiques ouverts à cet effet dans les écritures du comptable du Trésor (arrêté du 15 juin 2010). Elles sont suivies en comptes de tiers dans leur comptabilité. Ces dotations sont de deux natures : une partie consommable (6,87 milliards d’euros, soit 31 % du total) et une partie non consommable (15,03 milliards d’euros, soit 69 % du total), dont seuls les intérêts peuvent être versés par l’opérateur aux bénéficiaires finaux des projets sélectionnés.

Ces pratiques ont suscité quelques commentaires de la part de la Cour des comptes : « Ce programme exceptionnel a été mis en place par l’intermédiaire d’un montage particulièrement hétérodoxe au regard des principes budgétaires. En outre, ces crédits ont été exclus du périmètre sur lequel est apprécié le respect de la norme d’évolution des dépenses de l’État. Ainsi conçu, le mécanisme des investissements d’avenir affectera durablement la lisibilité du solde budgétaire ».

La première constatation est que l’attribution de ces crédits, dits extrabudgétaires, ne relève en aucun cas des prérogatives du Parlement.

Une autre question se pose naturellement : quel est l’apport financier réel de ces mesures ?

Cet apport est négligeable puisque les sommes imparties aux investissements d’avenir sont compensées par autant de réduction de crédits votés par le Parlement en loi de finances destinés aux organismes publics de recherche. La Cour des comptes déplore cette situation : « des risques de substitution entre programmes du budget général et les investissements d’avenir ont été identifiés. Si les crédits ouverts à ce dernier titre constituent de nouveaux moyens, ils ne financent pas tous de nouveaux projets. (…) Ils sont destinés parfois à financer des opérations antérieurement annoncées mais qui n’avaient pas obtenu de financements, à apporter des ressources complémentaires à des opérations lancées mais dont les plans de financement étaient incomplets, voire à se substituer à des crédits budgétaires annulés en gestion 2010 ou devant être réduits en 2011. Ces constats mettent en évidence le caractère contestable d’avoir placé les investissements d’avenir en dehors de la norme de dépenses ».

Les investissements d’avenir induisent un fort déséquilibre en termes de répartition géographique des moyens. De fait, il s’agit de concentrer les ressources sur « 5 à 10 pôles d’excellence ». Telle est la logique dans laquelle il faut replacer les appels d’offre « investissements d’avenir » (Équipements d’excellence, Laboratoires d’excellences, Initiatives d’excellence, Instituts hospitalo-universitaires, etc.) pour comprendre leur fonction : faire émerger ces pôles d’excellence. M.  Louis Vogel, président de la conférence des présidents d’universités, a d’ailleurs considéré que « les lauréats (des labex) se concentrent en région parisienne, en Alsace, en Rhône-Alpes et un peu dans le Sud. En revanche, le Grand Ouest, une partie de l’Est ou le nord de la France sont désertés ».

Il s’agit encore d’une transformation majeure de la carte universitaire. Plus de 80 universités françaises sont réparties dans 27 régions ; une poignée sont sélectionnées, qui vont bénéficier du dispositif, quid des autres qui risquent de se voir marginalisées à terme ? Enfin, pour des raisons géographiques et financières, une partie des étudiants n’auront plus accès aux grandes universités. Il est donc pour le moins singulier que des choix dont les retombées économiques et sociales sont considérables aient pu échapper à tout débat.

Il résulte de l’examen du dispositif Investissements d’avenir une impression de malaise et d’opacité. La Cour des comptes écrit à cet égard : « Le défaut d’articulation d’ensemble de plusieurs actions, associé à l’empilement actuel des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation comportent deux types de risques : un risque opérationnel, le suivi et l’évaluation de projets en multi partenariats reposant sur l’efficacité des opérateurs, au premier rang desquels l’ANR, un risque budgétaire et financier, dès lors que la traçabilité des fonds n’est pas parfaitement assurée et conduit potentiellement au financement de dépenses non éligibles et à la création d’emplois publics ».

Faudrait-il encore s’assurer que ces emplois publics ne soient pas précaires, ce que ne confirment pas les faits.

3. L’Institut Français du Pétrole Énergies Nouvelles (IFPEN)

IFP Énergies Nouvelles (IFPEN) est l’ancien Institut Français du Pétrole (IFP). Créé le 13 juin 1944 comme Institut du pétrole, des carburants et des lubrifiants, il a été renommé en 2010 par la loi Grenelle II qui a également changé son statut. Autrefois organisme professionnel chargé par la loi de la « gestion des intérêts professionnels ou interprofessionnels » créé en application du titre III de l’acte dit Loi n° 43-612 du 17 novembre 1943 sur la gestion des intérêts professionnels, il devient un établissement public national à caractère industriel et commercial avec des missions de recherche et de formation.

La mission de l’Institut est d’apporter aux acteurs publics et à l'industrie des technologies performantes, économiques, propres et durables pour relever les défis sociétaux liés au changement climatique, à la diversification énergétique et à la gestion des ressources en eau.

IFP Énergies nouvelles est lié à l’État par un nouveau contrat d’objectifs et de performance pour la période 2011-2015 qui se traduit par des programmes de recherche et de développement structurés autour de cinq priorités stratégiques :

– Énergies renouvelables (biocarburants, énergies marines),

– Production éco-responsable (captage et stockage du CO2, traitement des eaux de production pétrolière),

– Transports innovants (motorisations thermiques, hybrides et électriques),

– Procédés éco-efficients (amélioration des procédés de raffinage, carburants de synthèse),

– Ressources durables (technologies innovantes d’exploration et de production des hydrocarbures).

Ce nouveau contrat accroît donc le rôle de l’établissement dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie. Il couvre également, les activités de l’établissement dans le développement industriel et la valorisation de la recherche, dans le domaine de la formation, et le positionnement européen et international d’IFP Énergies nouvelles.

L’activité de l’IFPEN en 2010 a porté sur :

- 179 premiers dépôts de brevet en 2010 dont 98 dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie et 1 134 droits créés à l’étranger ; soit un portefeuille total de 12 900 brevets vivants. IFP Énergies nouvelles est ainsi classé parmi les 10 premiers déposants en France selon le nombre de brevets délivrés par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) en 2010. Par ailleurs, IFP Énergies nouvelles est le 10e déposant français de brevets aux États-Unis (avec 76 brevets délivrés en 2009).

- 252 articles publiés dans les revues scientifiques internationales dont 221 indexés dans la base de données de Thomson-Reuters ISI. Par ailleurs, trois nouveaux ouvrages de chercheurs d'IFP Énergies nouvelles ont été publiés en 2010.

- 28 projets européens dans lesquels IFP Énergies nouvelles est impliqué pour le 6e PCRD et 20 pour le 7e, dont trois qu'il coordonne.

Cependant, Les cadrages budgétaires imposés à l’Institut mettent en péril son action. Par rapport à 2010, la subvention pour charges de service public affectée à IFPEN est en effet en recul de :

-12 % en 2011 (-20 millions d’euros),

-15% en 2012(-26 millions d’euros) selon le projet de loi de finances pour 2012,

- et 18 % pour 2013 (loi de programmation des Finances publiques pour les années 2011 à 2014).

Les efforts réalisés par IFPEN sur ses dépenses et ses recettes sont en tous points conformes aux recommandations issues de la RGPP en 2010, augmentation prévisionnelle de ses ressources propres de près de 8 % entre 2010 et 2012, diminution de ses charges d'exploitation de 5,3 % en 2012 par rapport à 2010, tout en produisant un effort financier considérable en terme d’investissements (démonstrateurs de l’Ademe, Programme investissements d’avenir, etc.) en appui aux politiques publiques (6 millions d’euros en 2010, 8,4 millions d’euros en 2011 et 10,3 millions d’euros en 2012), maîtrise des dépenses de personnel qui restent stables en euros courants…

Ces efforts ne permettent cependant ni d'équilibrer ses comptes, ni d’infléchir la pression que fait peser une réduction drastique de sa dotation budgétaire qui aura baissé en 2012 de 40 % en euros constants par rapport à 2002. Résultat, l’IFPEN indique une réduction des emplois de chercheurs (- 120 emplois à échéance 2012 par rapport à 2010 et une prévision de -150 emplois à l’échéance de 2013).

B.— LES AVATARS DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE

1. Un dispositif maintenu en l’état malgré bien des alarmes

Dans son précédent rapport pour avis, votre rapporteur s’était livré à un examen du dispositif crédit d’impôt recherche. Il s’agissait particulièrement de savoir si le CIR atteignait bien ses objectifs qui sont d’être « le principal financement public des activités de R&D des entreprises en France et le soutien à la R&D qui touche chaque année le plus grand nombre d’entreprises (4) ». Certes, ses objectifs sont louables. Las, la pratique montrait une réalité plus complexe, trop souvent les milliards du CIR venaient pallier les carences de la R&D du secteur privé. Par ailleurs, dans le cadre de partenariats public/privé, la recherche publique était régulièrement conduite à travailler pour le privé, cela sans contrepartie. Et si des centres de recherche étaient « relocalisés » en France grâce à l’effet d’aubaine du CIR, cela ne profitait que trop rarement à la production sur le territoire national, bref, l’hémorragie de l’externalisation se trouvait loin d’être jugulée. Enfin, le dispositif n’avait pas réellement abouti à l’embauche de docteurs ni à une augmentation du nombre d’emplois fermes, bien au contraire, de nombreux ingénieurs furent embauchés aux lieux et places de chercheurs et la précarisation des statuts aggravée. La tendance constatée était celle de la quête du profit immédiat au détriment de la recherche nécessitant du long terme.

Cadeaux fiscaux, délocalisation, précarisation des emplois, mépris des statuts, profits rapides… La ritournelle d’une économie en pleine déconstruction s’égrenait.

Ce triste tableau se trouve-t-il éclairci un an après ? La réponse est négative. Toutes les dérives du CIR, qui ne font qu’accompagner le mauvais sort fait à la recherche en France, se sont poursuivies et aggravées. Votre rapporteur se voit donc amené à remettre l’ouvrage sur le métier et rappeler les perspectives du crédit d’impôt recherche.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires

Ÿ Le chiffrage du dispositif

La dépense fiscale annuelle correspondant à la somme des créances de CIR acquise lors des années antérieures est ainsi évaluée pour la période 2006-2012.

En millions d’euros

Année

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Dépense fiscale CIR

800

1 00

1 500

6 200

4 900

2 275

2 300

Source : Documents budgétaires

La dynamique de ce dispositif doit cependant être appréciée en tenant compte de sa réforme en 2008 ainsi que des ajustements successifs de ses modalités, qui ont eu pour effet de modifier régulièrement l’évaluation de son coût.

Ainsi, l’impact des mesures de relance en 2009 puis en 2010 sur le coût 2010 du CIR peut être évalué à 1 500 millions d’euros (l’impact de la mesure de remboursement accéléré sur 2010 est atténué par la diminution de la créance sur l’État suite au remboursement accéléré de 2009).

Source : Cour des comptes

L’évolution du CIR depuis 2008 a, compte tenu du poids relatif de ce dispositif, accru la part des dépenses fiscales dans l’ensemble des financements de la MIRES, bien au-delà des estimations qui figuraient dans la loi de programme pour la recherche de 2006.

En millions d’euros

Année

Montant du CIR

En 2004 au titre de l’année 2003

428

En 2005 au titre de l’année 2004

890

En 2006 au titre de l’année 2005

982

En 2007 au titre de l’année2006

1 495

En 2008 au titre de l’année 2007

1 687

En 2009 au titre de l’année 2008

4 155

En 2010 au titre de l’année 2009

4 700

Source : Documents budgétaires

2. Une vigilance qui demeure de rigueur

S’il est donc constaté que le CIR constitue une dépense fiscale en augmentation constante, la question de son utilisation concrète reste posée.

Ÿ Quel financement de la R&D ?

INDICATEURS DE L’EFFORT DE RECHERCHE DES PRINCIPAUX PAYS DE L’OCDE

Source : OCDE

La dépense intérieure de recherche et développement a baissé continûment depuis 1993 en pourcentage du PIB, à l’exception de la période 1999-2002, pour se situer en 2007 à 2,07 %, loin derrière l’Allemagne (2,63 %), les États-Unis (2,76 %) et le Japon (3,44 %), des données provisoires laissant toutefois penser que ce déclin serait désormais enrayé (2,08 % en 2008). Cependant, on peut lire dans le rapport au Parlement sur le crédit d’impôt recherche 2010 (avril 2011) présenté par le MESR « Pour l’année 2008, la somme des financements publics directs et fiscaux à la R&D des entreprises en France a atteint 0,37% du PIB, soit un montant sensiblement plus élevé qu’aux États-Unis ou au Canada, deux pays qui soutiennent aussi fortement les dépenses de R&D des entreprises. Le taux de soutien public à la R&D des entreprises est sensiblement plus faible dans les autres pays de l’OCDE ».

La seule constatation possible est donc bien qu’en France, la R&D des entreprises est massivement financée par des fonds publics et que les milliards du CIR (principal instrument de ce financement) ne font que pallier les carences de la recherche privée. Pire, la plupart de l’effort de recherche public bénéficie en dernier ressort au secteur privé, particulièrement par le biais des « partenariats public/privé ».

Le commentaire suivant du rapport ne dit d’ailleurs rien d’autre : « Les dépenses de R&D des entreprises en France ont été peu dynamiques depuis une décennie. En conséquence, l’intensité en R&D privée de la France a eu tendance à baisser jusqu’en 2007, avant de se redresser en 2008 et 2009, atteignant respectivement 1,31 % et 1,37 %. Au cours des années récentes, l’augmentation du montant des dépenses de R&D des entreprises a été moindre que celle du montant total des financements publics à la R&D des entreprises. Par exemple, entre 2007 et 2008, les financements publics à la R&D ont augmenté de 2,9 milliards d’euros alors que la DIRDE a augmenté de 1 milliard ».

Ÿ Un financement au profit des PME ?

D’après la documentation produite par le MESR, le CIR est l’une des mesures qui favorise les petites entreprises.

Elle expose : « Le tableau suivant indique que le taux d’aide représenté par le CIR décroît avec la taille de l’entreprise, de 24 % pour les moins de 250 salariés, jusqu’à 14 % pour les plus de 2000. Cette relation entre la taille et le taux d’aide s’explique très directement par les modalités de calcul du CIR qui accorde des taux majorés aux nouveaux entrants qui sont le plus souvent des petites entreprises et prévoit un taux réduit pour les dépenses déclarées au-delà de 100 millions d’euros ».

Tableau 3. Taux de financement public total par taille d’entreprises, 2008

Le même document considère par ailleurs que les entreprises de moins de 250 salariés représentent 20 % de la DIRDE, mais seulement 17 % des financements publics directs. A l’inverse, les entreprises de plus de 2000 salariés ont généré 52 % de la DIRDE mais reçu 69 % des financements publics directs. Le tableau indique clairement que le poids important des grandes entreprises dans ces financements directs est dû aux aides à la R&D militaire. En effet, le taux de financement public à la R&D civile (en % de la DIRDE) est relativement plus élevé pour les petites entreprises.

Cette présentation, si elle peut être apaisante pour l’esprit, masque mal le fait que la plupart de la R&D des PME bénéficie aux grands groupes. Ainsi, le rapport Localisation des centres de R et D : mythes et réalités fait par M. Phillipe Adnot, sénateur, en date du 26 octobre 2010 constate que les PME françaises souffrent d’un manque de R&D : « votre rapporteur spécial a pu s’interroger sur un éventuel glissement des besoins de R&D des grands groupes vers leurs sous-traitants, souvent des PME, glissement inquiétant lorsque l’on connaît les difficultés de ces dernières à développer durablement un département de R&D. Les grands groupes de l’automobile ou de l’aéronautique se comporteraient plutôt en assembleurs et bénéficieraient de plus en plus de la plus-value produite par les équipementiers, souvent des PME, via les composants qu’elles fournissent. Ce glissement serait entièrement aux frais des sous-traitants qui, une fois la solution trouvée au problème posé, ne maintiennent pas l’effort de recherche pour des raisons de coût. Cette situation mérite d’être étudiée avec attention car la pression qui peut alors peser sur ces PME, notamment en termes de coût, peut conduire ces dernières à délocaliser partiellement certaines activités de R&D afin de garder leurs marchés. A cet égard, il serait opportun de réfléchir à une éventuelle mutualisation de ces dépenses afin que l’assembleur partage les coûts et les risques de la recherche et du développement dont il retire les bénéfices ».

Un autre rapport d’information sénatorial, par M. Christian Gaudin en date du 25 mai 2010 et consacré au CIR, constate de son côté que : « la part du crédit impôt recherche a augmenté en 2009, pour atteindre près de 44 %, même si ce constat doit être nuancé lorsque l’on prend en compte les seules PME indépendantes, qui ont reçu 20,3 % au total ».

Aussi le constat demeure-t-il le même : le CIR finance massivement les grands groupes, par le biais de R&D conduite à leur profit par des PME, filialisées ou non comme par les centres de recherche publics. Bien plus, on constate que c’est la course au profit le plus immédiat qui est poursuivie au détriment de la recherche fondamentale.

Si le CIR n’est pas un dispositif en soi condamnable, tout indique, année après année, la nécessité de le recentrer sur l’aide à la recherche dans les PME et les PMI, de mettre en œuvre des moyens réels d’évaluation et de contrôle, aussi bien au plan scientifique qu’au plan financier et de favoriser l’emploi de chercheurs.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

I.— AUDITION DE M. LAURENT WAUQUIEZ, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Au cours de sa réunion du 18 octobre 2011, la Commission des affaires économiques procède à l’audition de M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Serge Poignant. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de l’examen pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2012, comme chaque année, à ceci près que nous examinons ces crédits au sein de la Commission des affaires économiques, et non plus en commission élargie, avec la Commission des finances.

Notre réunion portera plus particulièrement sur les crédits consacrés aux grands organismes de recherche et à la recherche industrielle, dont les rapporteurs respectifs sont M. Pierre Lasbordes et M. Daniel Paul. J’attache, en effet, une importance particulière à la recherche car je sais combien notre pays dispose d’atouts considérables qu’il nous appartient de consolider et de faire fructifier. De notre capacité à investir massivement dans la recherche et à valoriser ses applications dépendra la vitalité de la croissance française au cours des prochaines années. À cet égard, l’examen des crédits budgétaires doit nous permettre de dresser un premier bilan des réformes d’ampleurs engagées depuis cinq ans.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je suis ravi de retrouver des parlementaires dont certains sont particulièrement au fait des questions liées au monde de la recherche, y compris dans le domaine spatial.

Même si vous êtes particulièrement attentifs aux crédits concernant la recherche au sein de cette mission, je tiens tout d’abord à souligner combien nous avons tenu à rapprocher ces deux domaines que sont l’enseignement supérieur et la recherche : ce sont en effet les pays capables de les concilier qui réussissent.

Si le budget de 2012 est marqué par une volonté de réduction des déficits publics, les gouvernements successifs, depuis le début du quinquennat, ont considéré l’enseignement supérieur et la recherche comme des secteurs prioritaires sur le long terme : il n’y a pas, en effet, de rigueur aveugle, pas plus qu’un rabotage indistinct des dépenses publiques. L’enseignement supérieur et la recherche constituent notre levier de croissance pour demain et une réponse aux doutes qui sont les nôtres. C’est d’eux que dépend notre capacité à construire notre compétitivité et à trouver notre place dans la société du XXIe siècle.

L’engagement qui avait été pris visant à accorder 9 milliards supplémentaires à notre politique de la recherche et de l’enseignement supérieur a été tenu : entre 2007 et 2012, 9,4 milliards auront été en fait investis, sans compter les dépenses d’investissements d’avenir, le plan de relance, l’opération Campus – ce qui revient à ajouter quasiment 17 milliards. La dépense intérieure d’éducation par habitant est quant à elle passée de 8 600 à 10 200 euros en cinq ans, ce qui représente une hausse de 18 % ; avec 43,6 milliards, l’augmentation de la dépense intérieure de recherche a été de 15 %.

Je ne prétends évidemment pas qu’aucun effort n’ait été demandé à l’enseignement supérieur et à la recherche et que nos universités et nos organismes de recherches n’aient pas dû réfléchir à une meilleure allocation de leurs moyens. Mais, comparativement à d’autres secteurs relevant des politiques publiques et à d’autres pays comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre ou la Grèce, la priorité qui leur a été accordée sur le long terme a néanmoins été maintenue. Pour 2012, les crédits budgétaires progressent ainsi à hauteur de 428 millions et le crédit d’impôt recherche (CIR) poursuit quant à lui sa montée en puissance avec 194 millions dédiés. Enfin, des moyens sont consacrés à des financements extrêmement innovants dans le cadre du plan Campus – lequel irrigue l’ensemble de nos territoires – ou les investissements d’avenir dotés de 1,2 milliard de crédits pour la seule année 2012.

Cet accroissement des moyens n’est toutefois pas aveugle : nous ne sommes plus au temps où il était possible d’injecter de l’argent sans se soucier d’une quelconque efficience. En l’occurrence, la contrepartie d’une telle augmentation a été la véritable révolution culturelle qu’ont accomplie l’enseignement supérieur et la recherche dont, en cinq ans, le mode de fonctionnement a été entièrement métamorphosé. Ce n’est d’ailleurs pas là la réussite du Gouvernement, mais celle de l’ensemble des acteurs d’un secteur qui a su renouer avec la compétition mondiale et s’approprier ces nouveaux outils que sont l’autonomie, l’instauration de passerelles entre les disciplines ou les partenariats entre les secteurs public et privé (PPP), lesquels étaient jusqu’à présent relativement tabous.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous avons amélioré les conditions d’étude des étudiants, notamment de ceux issus des classes moyennes modestes : si les bourses, jusqu’ici, n’étaient accessibles qu’à des étudiants dont les familles gagnaient jusqu’à 1,5 SMIC, elles le sont aujourd’hui pour celles qui gagnent 3,3 SMIC.

En outre, avec les 237 millions supplémentaires qui lui sont dédiés, nous confortons l’autonomie des universités. La mise en place d’un programme de recherches, de dix heures d’enseignement supplémentaires, ou même un simple coup de peinture au plafond impliquaient de se rendre à Paris pour négocier avec l’administration centrale. Un tel système, absurde, avait conduit à la paralysie. Aujourd’hui, l’autonomie est devenue un bien commun, même s’il est toujours possible d’améliorer tel ou tel point de détail.

Parce que nous ne pouvons croire en l’avenir de notre système d’enseignement supérieur si nos campus se trouvent dans un état misérable, nous avons entrepris une politique de rénovation en multipliant les chantiers – je me suis ainsi rendu à Grenoble, où les nouvelles universités et les nouveaux organismes de recherche prennent forme.

En 2012, l’État consacrera 214 millions supplémentaires en faveur de la recherche – certains renvoient aux crédits budgétaires, d’autres au soutien de la recherche privée. Alors qu’en période de crise cette dernière a tendance à s’effondrer plus encore que la croissance, la réforme du CIR lui a permis de se maintenir à un niveau équivalent à celui de la croissance, voire de progresser, en particulier au sein de ce secteur déterminant que sont les PME. En la matière, même si nous pouvons investir encore plus fortement dans les PPP, le CIR a pleinement joué son rôle : aujourd’hui - c’est du jamais vu -, près de 10 000 PME en bénéficient. Notre objectif, toutefois, est d’aller encore plus loin en partant à la rencontre de nos PME afin de les aider et de les accompagner dans leurs investissements.

Ne nous y trompons pas : la différence de compétitivité résulte de la capacité à faire de la recherche, à traduire ses résultats sur un plan industriel, à protéger le produit industriel à travers la propriété intellectuelle et artistique et, enfin, à créer des emplois. De ce point de vue-là, nous avons encore beaucoup à faire, même si notre outil de benchmark compte parmi les plus performants. Cet après-midi, les responsables d’une entreprise canadienne envisageant d’investir en France, en Allemagne ou en Hongrie m’ont assuré que le CIR, atout compétitif par rapport à nos concurrents, constituait le principal facteur de décision.

Enfin, nous consacrons 20,6 milliards aux investissements d’avenir – lesquels ont été conçus au même moment par la France et l’Allemagne à travers les Zukunftprojekt – afin d’identifier les principaux secteurs dans lesquels nous sommes leaders. Le campus de recherche de Grenoble, grâce à eux, a ainsi été hissé à un niveau de compétitivité mondiale tel qu’il nous permet d’avoir une longueur d’avance. Si vous le souhaitez, je pourrai faire état de comparaisons dans les domaines agronomique, nanotechnologique ou médical. Plus précisément, cette année, 9,6 milliards ont été engagés dans 219 projets.

Au final, je considère donc que le budget de 2012 est responsable car il tient compte à la fois de la nécessité collective d’assainir les dépenses publiques et du maintien de l’enseignement supérieur et de la recherche comme secteurs hautement prioritaires : c’est en effet grâce à eux que la France sortira de la crise et renouera avec l’optimisme et la compétitivité.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie pour cette présentation dont je partagerai le constat et les objectifs en rappelant que les pôles de compétitivité avaient préfiguré les investissements d’avenir. L’innovation et, donc, notre avenir dépendent en effet de la mise en place de telles synergies.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis pour les grands organismes de recherche. Je m’étais félicité l’année dernière de la constance de l’effort financier engagé par l’État en faveur de la recherche. Le projet de budget que vous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, en constitue une nouvelle illustration. En effet, après une hausse de 470 millions dans le PLF pour 2011 et malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits de paiement (CP) en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur progressent à hauteur de 200 millions, hors pensions. Si l’on prend en compte le seul périmètre « Recherche », pour la période 2007-2012, ils ont augmenté de 19 %. Je vous félicite pour avoir continué sur cette exceptionnelle lancée !

De surcroît, les auditions des représentants des organismes de recherche témoignent de la responsabilité dont ils font preuve face aux efforts demandés afin de réduire les dépenses de fonctionnement. Ils ont « joué le jeu » et j’espère que l’on en tiendra compte dans les budgets à venir.

Quelques points doivent être cependant améliorés et, tout d’abord, le programme des investissements d’avenir (PIA). Dispositif remarquable – tous les organismes se précipitent pour répondre aux appels à projets – auquel des sommes importantes sont consacrées, il n’en souffre pas moins d’une certaine complexité, illustrée par la création de structures redondantes dans le domaine des transferts technologiques et par la non-prise en compte des coûts complets au sein des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). En effet, le règlement financier de l’Agence nationale de la recherche (ANR) prévoit la prise en charge de 4 % des seuls crédits de fonctionnement, ce qui oblige les organismes de recherche à puiser dans leur dotation de base.

Plus particulièrement, deux organismes importants rencontrent des difficultés.

Il s’agit, tout d’abord, du fleuron de notre informatique : l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Employant plus de 1 100 personnes, il a doublé de taille en dix ans – trois nouveaux centres ont été construits. Mais ce projet de budget ne risque rien de moins que d’en briser net l’élan : compte tenu de la baisse de la dotation de 0,8 million, de la mise en réserve de 6 % des crédits hors masse salariale et de la nouvelle tranche de remboursements de crédits accordée au titre du plan de relance, l’INRIA sera amené à geler près de 3,4 millions. Le secteur du numérique mérite mieux que cela !

Par ailleurs, la subvention pour charges de service public de l’IFP-Énergies-nouvelles est en recul de 6 M€ après une baisse de plus de 20 M€ en 2011. Je vous saurais gré de bien vouloir examiner sa situation ; comme l’année dernière, il conviendrait de l’aider.

Par ailleurs, les efforts accomplis par les organismes de recherche afin de réduire leurs dépenses de fonctionnement sont importants. Ainsi, le CEA a-t-il réduit ces dernières de 20 % par salarié entre 2007 et 2011 et a-t-il redéployé 237 emplois en cinq ans des fonctions support vers les programmes de recherche. Le CNES les a quant à lui réduites de 67 millions entre 2005 et 2010. Malgré cela, ces deux organismes ont subi en 2011 des annulations de crédits substantielles, s’élevant respectivement à 8 et 13 millions. Si l’impératif de réduction du déficit justifie pleinement les économies de fonctionnement demandées, il doit également être tenu compte de la spécificité des situations ainsi que des efforts de gestion déjà réalisés. Mieux encore : de tels efforts doivent être encouragés et récompensés par la modulation de la subvention de l’État.

De surcroît, plusieurs organismes ont été surpris de constater que les crédits accordés au titre du plan de relance constituaient en fait des avances remboursables, ce qui n’a pas manqué de les mettre en difficulté au point que leur dotation de base ait parfois baissé d’une année à l’autre. Ils ont donc besoin d’être rassurés.

Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie pour la force de votre engagement dans le domaine spatial. Cela est très encourageant pour l’ensemble des acteurs concernés, ce secteur constituant l’un des fleurons de notre industrie, lequel, jusqu’à présent, ne bénéficiait d’ailleurs pas de toute la reconnaissance qu’il était en droit d’attendre – je signale, à ce propos, l’article remarquable que vous avez publié dans La Tribune de ce jour et la chance que j’aurai quant à moi, demain, de vous accompagner à Kourou pour le lancement du premier Soyouz.

Maintenez donc un tel engagement car la coopération avec nos partenaires européens, dans les prochaines années, sera difficile !

Je donnerai un avis favorable à l’adoption des crédits des grands organismes de recherche.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis pour la recherche industrielle. Je ne ferai pas preuve du même enthousiasme.

Il est presque banal, de nos jours, d’associer dans la même phrase la recherche, l’innovation et le développement économique, tant leurs liens semblent en effet évidents : le but de la recherche n’est-il pas de développer l’innovation, cette dernière devant assurer la compétitivité et, donc, de formidables perspectives économiques ? Un tel discours, en outre, n’est pas nouveau puisqu’il a été au cœur de la stratégie de Lisbonne décidée au mois de mars 2002 avec les quinze États membres de l’Union européenne d’alors. Cette dernière visait à développer « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi ainsi que d’une plus grande cohésion sociale. » Ainsi, la France s’était-elle engagée à apporter 1,8 milliard de plus par an à la recherche et à l’enseignement supérieur – 9 milliards en cinq ans –, l’objectif étant d’atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche en 2012.

En 2008, les dépenses de recherche et de développement (R&D) françaises représentaient 2,08 % de l’activité économique alors qu’en 1990 ce ratio était de 2,32 % ; en 2009, Mme Pécresse affirmait que l’effort s’élevait à 2,21 %, mais elle y intégrait ce cadeau fiscal qu’est le CIR, lequel avait explosé durant cette période. Pour atteindre 3 % du PIB en 2012, il aurait été nécessaire de passer, non de 2,07 % à 2,21 % entre 2007 et 2009, mais de 2,07 % à 2,44 %. Et pour ce faire, une croissance près de trois fois supérieure aurait été nécessaire.

En 2008 toujours, les entreprises et les administrations françaises ont dépensé plus de 40 milliards en faveur de leur R&D, les premières réalisant 63,5 % de ces dépenses contre 36,5 % pour les secondes, les entreprises n’en finançant que 54,3 %. La recherche industrielle représente 1,16 % du PIB, la France étant le premier pays de l’OCDE pour les aides fiscales et publiques apportées à la R&D des entreprises, mais notre pays se caractérise aussi par un faible niveau de dépenses privées – en la matière, notre effort est en effet inférieur d’un tiers à celui de l’Allemagne. Les dispositifs présentés jusqu’à présent comme puissamment incitatifs, tels que le CIR, n’ont finalement pas permis de redresser la situation parce qu’ils ont été trop souvent utilisés à de simples fins d’optimisation fiscale. Nous ne sommes certes pas favorables à sa suppression, mais tous les rapports présentés l’an dernier ont insisté sur la nécessité de réviser son mode de distribution et de revoir les modalités de son attribution ainsi que de son contrôle : comment les dépenses de fonctionnement sont-elles prises en compte dans son calcul ? Comment les grands groupes l’utilisent-il à des fins d’optimisation fiscale via leurs différentes filiales ? Comment justifier qu’une entreprise bénéficie du CIR et que les résultats obtenus en matière de recherche soient produits ailleurs ?

M. Alfred Trassy-Paillogues.  Des noms !

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis. Je vous renvoie aux rapports auxquels je viens de faire allusion.

Un dirigeant d’entreprise a même affirmé que le CIR servait à abonder les recettes de son groupe alors que les PME et les PMI devraient bénéficier de l’essentiel de cet effort – même si nombre d’entre elles se situent aujourd’hui dans le giron de tels grands groupes, lesquels peuvent quant à eux profiter d’autres dispositifs. Quoi qu’il en soit, Bercy dispose des moyens permettant de séparer le bon grain de l’ivraie.

J’ajoute que Mmes Pécresse et Lagarde ont régulièrement insisté sur l’impact du CIR pour localiser ou relocaliser certains centres de recherches d’entreprises, dont j’ai essayé à plusieurs reprises et sans succès d’obtenir les noms. Pouvez-vous donc nous en communiquer la liste, Monsieur le ministre, car cela ne manquerait pas de donner du corps à vos propos ! Précisément, combien d’emplois ont-ils été créés grâce à ces localisations ou relocalisations et combien les entreprises bénéficiant du CIR ont-elles recruté de docteurs depuis 2008 ?

L’IFP, quant à lui, accomplit un très bon travail, mais sa dotation budgétaire a baissé de 40 % en euros constants par rapport à 2002. Une telle situation est d’autant plus incompréhensible que le Gouvernement martèle l’importance de la R&D et que les efforts déployés par l’IFP sont importants pour soutenir l’innovation technologique. Elle est de surcroît d’autant moins acceptable qu’elle implique l’arrêt de projets de recherches, en particulier de ceux qui sont à plus hauts risques et qui concernent le développement des énergies vertes. Plus encore : une telle réduction des crédits implique la suppression de 150 postes de chercheur en formation de doctorat et de post-doctorat en 2013 par rapport à 2010. Prendrez-vous donc en compte les protestations et les remarques de ceux qui suivent et soutiennent les efforts de cet organisme ?

M. François Brottes. Ce débat budgétaire doit être l’occasion de faire un point plus général sur la stratégie ou l’absence de stratégie du Gouvernement en matière de recherche.

À vous entendre, nous sommes au pays de Candy alors qu’en euros constants le budget que vous défendez, sur un même périmètre, est inférieur à celui de 2007 – il conviendrait d’ailleurs de ne pas évoquer en termes financiers des sujets aussi décisifs pour l’avenir.

Vous évoquez une « révolution culturelle » et, en un sens, vous avez raison : comme les Chinois d’alors, vous n’y avez pas été de main morte, à tel point que vous avez déstructuré ce secteur en privant les établissements de formation et de recherche de la sérénité qu’ils sont en droit d’attendre. Ces derniers répondent aux appels d’offres et aux différentes propositions qui leur sont faites afin d’être financés, mais comment auraient-ils le choix, à moins de cesser de fonctionner ? Je ne saurais quant à moi parler d’« effet d’aubaine » – ceux qui répondent à de tels appels sont capables de mobiliser assez rapidement les talents nécessaires pour acquérir les financements qui se présentent –, mais je note que la déstructuration à laquelle vous avez procédé a entraîné une modification sensible de la carte universitaire sans forcément que cela résulte d’un choix, et certains secteurs en profitent, d’autres non. Quelle sera donc la situation dans les années à venir ?

Il en est de même s’agissant de la formation des chercheurs, laquelle est souvent très longue sans qu’ils puissent pour autant bénéficier de perspectives de carrière et de salaires extraordinaires. Animés par leur vocation et leur passion, ils sont néanmoins parfois si désespérés que l’on peut nourrir quelques craintes pour l’avenir même de notre recherche.

Le benchmarking est sans doute nécessaire en matière d’innovation et de R&D, mais quid de la recherche en amont permettant de trouver des solutions d’avenir ? Au sein du pôle de compétitivité Grenoble-Crolles – qui fut d’ailleurs précurseur comme en atteste le rapport de M. Blanc – les liens entre recherche amont et R&D, laboratoires publics, entreprises privées et la production industrielle montrent que partenariat ne signifie pas mélange des genres. Or, aujourd’hui, tout le monde semble être logé à la même enseigne, la rémunération à l’activité se profilant, comme dans l’hôpital public !

La course au CIR, quant à elle, entraîne parfois des tricheries : outre que la multiplication des PME cache la présence de grands groupes, cet argent n’est pas toujours affecté à la recherche.

Enfin, vous souciez-vous de développer une approche par filières, en particulier s’agissant du secteur des énergies renouvelables et des réseaux de communication ?

Même si les sommes en jeu sont importantes – je ne prétends pas que la paupérisation s’installe à tous les étages – la déstructuration en cours suscite des angoisses qui risquent d’être extrêmement dommageables.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre exposé. Nous savons combien le contexte est contraint et à quel point il était difficile de boucler ce budget. Il est donc temps de privilégier la qualité sur la quantité, tant l’augmentation des crédits n’implique pas toujours une amélioration de la situation.

Sans doute cette période de crise est-elle l’occasion de s’interroger sur quelques paramètres fondamentaux à partir de comparaisons établies avec nos concurrents.

Le triptyque « université-recherche-entreprise », à l’image de celui qui existe aux États-Unis, est-il dans notre pays une réalité ?

La recherche allemande contribue-t-elle aux performances industrielles de l’Allemagne ?

Combien avons-nous de chercheurs et d’ingénieurs pour 1 000 ou 10 000 habitants – peu importe l’échelle – proportionnellement à la Chine ou à l’Inde ? Combien de brevets sont-ils déposés pour 1 000 ingénieurs comparativement aux États-Unis, à l’Allemagne, à la Chine et à l’Inde ?

La recherche publique profite-t-elle exclusivement aux grands groupes ou, également, aux PME indépendantes ?

Les domaines de recherches dans lesquels nous sommes « défaillants » – dont celui des énergies renouvelables, se superposent-ils à ceux dans lesquels notre industrie n’excelle guère ?

Une telle analyse qualitative se justifie parce que le progrès passe par la déclinaison de nos atouts et la résorption de nos handicaps.

Mme Geneviève Fioraso. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’allusion que vous avez faite à Grenoble où, comme vous avez pu le voir, les collectivités territoriales sont très engagées.

Le nombre d’étudiants en licence me semble insuffisant dans notre pays puisque seule 25 % d’une classe d’âge est concernée chaque année, contre 44 % au Danemark.

Les jeunes issus de milieux modestes, de surcroît, ont de plus en plus de mal à faire des études universitaires. Sans doute des efforts doivent-ils être accomplis afin de développer des pédagogies personnalisées – ce devait être le cas grâce au Plan pour la réussite en licence, mais 17 % seulement des universités qui ont reçu des subsides à cette fin ont diminué le nombre d’heures de cours en amphithéâtre. Il convient également de réaliser des efforts importants en matière d’insertion et d’orientation, ce qui suppose un encadrement digne de ce nom, quand nous ne disposons que de 5 enseignants pour 1 000 étudiants – soit le taux le plus faible des pays membres de l’OCDE.

Les docteurs étant quant à eux aujourd’hui insuffisamment insérés dans notre économie, certaines aides – dans le cadre du CIR et des pôles de compétitivité – devraient sans doute être conditionnées à une évolution de la situation. Leur intégration dans les grands corps d’État, par exemple, permettrait de rendre ces derniers plus réceptifs aux progrès scientifiques et technologiques ainsi qu’à l’innovation.

S’agissant du CIR, certains grands groupes bénéficient d’un effet d’aubaine. Dans le secteur du pétrole, l’un d’entre eux ne paie ainsi pas d’impôt sur les sociétés, il a multiplié les sociétés par actions simplifiées (SAS) pour optimiser ce crédit d’impôt et, dans le cadre de sa diversification photovoltaïque, il s’est adressé à un laboratoire belge – directement concurrent d’un laboratoire public français –, lequel opère des transferts de technologie directs en Asie et a racheté une entreprise américaine alors que des entreprises françaises étaient tout aussi compétitives. De tels groupes ne devraient plus bénéficier du CIR !

Les investissements d’avenir, quant à eux, constituent une bonne initiative… pour l’avenir, mais ils s’accompagnent de baisses de crédits pour les organismes de recherche. De nécessaires et importants efforts de mutualisation ont été réalisés mais que leur reste-t-il, hors la gestion des ressources humaines, dès lors que c’est l’ANR qui détermine les programmes de recherches et que les investissements d’avenir abondent tous les projets structurants ? Le risque de déséquilibres est patent. Si la recherche fondamentale ne dispose pas de crédits pérennes et d’une vision à moyen et long termes afin de favoriser l’innovation, nous irons au devant de grandes difficultés.

Par ailleurs, j’insisterai sur les problèmes que rencontrent le CEA, la Direction de la recherche technologique (DRT) ou le CEMAGREF, lesquels sont contraints de multiplier les CDD et ne peuvent plus répondre aux expertises qui leur sont demandées : non seulement ils sont ainsi privés de financements extérieurs, mais ils ne disposent plus d’une vision à moyen et long termes.

Trente-cinq pôles de compétitivité sont en panne. Quand bénéficieront-ils d’une dynamisation à travers leur mise en réseau, notamment afin d’accroître leur visibilité et de favoriser les exportations ?

Enfin, en matière de culture scientifique et technique, Universcience est par trop centralisateur alors que les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) travaillent remarquablement en région. Un rééquilibrage s’impose. De même convient-il d’améliorer ce type d’enseignement dès la maternelle et le primaire : en effet, les disciplines scientifiques ne doivent plus être considérées comme des instruments de sélection, mais comme un outil favorisant la curiosité et l’ouverture d’esprit.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout le monde souhaite que la recherche bénéficie de moyens supplémentaires – le CIR est de ce point de vue-là très efficace – mais les chercheurs ont-ils toute latitude pour travailler dès lors que certains prônent la décroissance et détruisent des travaux qui représentent des années de recherche ? Leur protection me semble indispensable.

Mme Corinne Erhel. Quid du financement des CCSTI, structures permettant de rapprocher la recherche, les entreprises et les citoyens ? Les financements de l’association bretonne pour la recherche technologique (ABRET) diminuent depuis 2009 puisqu’ils sont passés de 192 000 euros à 160 000 euros l’année suivante et qu’ils s’élèvent en 2011 à 75 000 euros. Le programme 186, quant à lui, fait état de 3,6 millions affectés au budget de l’opérateur Universcience pour financer les CCSTI, alors que le financement de ce dernier, créé en 2010, est en baisse par rapport à cette année. Comment expliquer l’évolution de cette enveloppe ? Quels sont les critères de distribution d’une telle somme ?

Enfin, s’agissant des investissements d’avenir, pourriez-vous faire le point sur les deux instituts de recherche technologique (IRT) dédiés au secteur du numérique – B-Com et System X – et qu’en est-il des problèmes liées à la propriété intellectuelle ?

M. Daniel Fasquelle. Voilà quatre ou cinq ans, j’avais été frappé de constater qu’au sein d’un classement européen relatif à la recherche et à l’innovation la France se situait à l’intersection des pays innovateurs et suiveurs et qu’elle ne figurait donc pas à la place qu’elle aurait dû occuper. Même si, depuis lors, beaucoup a été fait pour stimuler la recherche publique et privée, qu’en est-il de notre position par rapport aux autres pays européens dans ces domaines ?

Les universités ont tendance à se regrouper – ce qui est plutôt positif – mais en marge de celles qui, parmi elles, sont les plus puissantes, les universités de proximité nourrissent des craintes quant à leur avenir. J’enseigne encore quelques heures par semaine dans un établissement comptant 11 000 étudiants et je perçois les inquiétudes qui se font jour. Pouvez-vous donc rassurer les différents acteurs ?

Qu’en est-il de la recherche dans les sciences humaines, secteur où la France peut exceller ?

Enfin, quels sont les résultats du Plan pour la réussite en licence engagé par Mme Pécresse afin de lutter contre l’échec pendant le premier cycle universitaire et quels sont les différents moyens qui ont été mobilisés à cette fin ?

M. Jean Gaubert. Qu’en est-il du pôle de Saclay, dont il a été beaucoup question dans le cadre de la préparation du Grand Paris ? Le renforcement de ses centres de recherche, en l’occurrence, ne risque-t-il pas de s’effectuer au détriment d’autres centres français, certaines entreprises de Lannion, Sophia-Antipolis ou Mulhouse faisant état de leur volonté de « rapatrier » des activités vers ce pôle ?

De plus en plus de chercheurs travaillant dans le secteur public sont soumis à des appels d’offres, ce qui accroît la précarité de leurs conditions de travail. Ne seront-ils donc pas tentés de gagner le secteur privé, voire de partir à l’étranger, et n’est-ce pas, au fond, ce qui est recherché ?

M. Francis Saint-Léger. Pourriez-vous dresser le bilan de l’autonomie des établissements trois ans après l’application de la loi ? Certains établissements importants demeurent-ils encore en marge de ce nouveau régime ?

En tant qu’élu rural de Lozère, je constate que l’autonomie des universités pose des problèmes quant à la pérennité des IUFM au sein de certains départements, la volonté de centralisation au siège universitaire étant patente. Qu’en pensez-vous ?

M. le ministre. Une quarantaine de questions ont été posées, auxquelles je vais essayer de répondre de façon synthétique.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis pour les crédits des grands programmes de recherche, a souligné l’importance de la constance dans la politique de la recherche. Il a raison : ce domaine, comme on le voit avec le crédit d’impôt recherche, supporte mal les à-coups et les changements de cap d’une année à l’autre. C’est pourquoi nous avons choisi trois objectifs sur la durée : l’autonomie, l’investissement et le partenariat entre secteur public et secteur privé. En dépit du contexte de crise, nous avons maintenu cette ligne.

Comme lui, j’ai déploré la trop grande complexité des procédures régissant les investissements dans la recherche, qui en ralentissait la poursuite. J’ai donc demandé que l’on mette en place un suivi des différentes procédures, puis que l’on fasse sauter à la barre à mine l’excès de rapports exigés pour aboutir à la contractualisation d’un projet et au versement des fonds correspondants. Ainsi avons-nous pu labelliser 150 laboratoires d’excellence (labex) en trois semaines, quand aucun ne l’était auparavant, ainsi qu’une centaine d’instituts universitaires en deux mois, et mettre en place un mécanisme d’acomptes systématiques afin que tous les labex, les équipements d’excellence Equipex) et les pôles de recherche médicale puissent également bénéficier de versements d’acomptes. Rien n’est pire pour un chercheur que de déposer un dossier, de recevoir un accord de principe et d’attendre ensuite pendant deux ans. Notre politique a donc principalement consisté à fluidifier, accélérer et simplifier les procédures qui s’appliquent aux chercheurs. Nous pouvons encore progresser dans cette voie. Mais une première étape essentielle vient d’être franchie et nous continuerons de nous battre contre tous les inventeurs d’usines à gaz.

Il en va de même des partenariats entre secteur public et secteur privé, comme à l’intérieur du secteur public avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations.

L’Institut national de recherche en informatique et en automatique a bénéficié d’une augmentation relativement substantielle de ses moyens depuis 2007, pour un montant de 23,6 millions d’euros, ce qui a notamment permis la création de 205 emplois statutaires. Cet organisme constitue déjà une référence dans un domaine où nous avons tout intérêt à investir. Il lui faut cependant améliorer sa gestion. Et, comme plusieurs d’entre vous l’ont d’ailleurs indiqué, les organismes de recherche doivent, d’une manière générale, accomplir un effort de mutualisation. L’INRIA peut y procéder sans nuire à son efficacité.

Je vous remercie de votre engagement, en tant qu’élus, en faveur de la politique spatiale. Car l’accès autonome à l’espace fait aujourd’hui l’objet d’une compétition internationale très vive, qui conditionne une partie de la compétitivité de nos entreprises. Nous ne pouvons dépendre de la Chine ou des États-Unis pour la recherche dans des secteurs aussi déterminants que les télécommunications, le secteur agro-alimentaire ou la surveillance des changements climatiques. Nous en avons déjà fait les frais avec le programme « Symphonie » de satellites franco-allemands. Tirons-en la leçon !

Les propos de M. Daniel Paul ont fait apparaître plusieurs divergences entre nous, mais aussi un point commun : nous croyons ensemble à la nécessité de conserver des emplois industriels sur notre territoire. Cela fait partie des engagements constants de sa famille politique, y compris dans des domaines tels que celui de l’énergie nucléaire, où ses alliés ne l’ont pas toujours suivi. Et il faut, bien sûr, pour cela, investir massivement dans la recherche.

Vous vous interrogez sur les parts respectives de la recherche publique et de la recherche privée. Malgré la crise, le secteur privé a maintenu, et même légèrement accru, son effort. Mais la situation n’est pas encore totalement satisfaisante si nous voulons atteindre l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement. Le secteur public a parcouru un chemin considérable dans ce but : il revient maintenant au secteur privé de faire de même.

L’incidence du crédit d’impôt recherche sur la localisation d’activités et sur l’emploi ne saurait être mesurée sans tenir compte de la règle du secret fiscal. Je ne peux donc parler des entreprises bénéficiant de cet avantage, mais je peux mentionner les entreprises étrangères dont les activités de recherche ne se situaient pas en France avant 2007 et qui, depuis lors, les ont installées chez nous : Microsoft, Google, les laboratoires pharmaceutique Glaxo Smith Kline (GSK), auxquelles s’ajoute Michelin, qui en a rapatrié une partie. C’est aussi le cas d’entreprises de taille intermédiaire, telles que Linamar.

Grâce à ce dispositif, plus de 1 500 jeunes docteurs ont été embauchés par près de 780 entreprises. En 2007, 1 300 entreprises confiaient des travaux de recherche-développement à des institutions publiques ; elles sont aujourd’hui 2 300, et la part des PME ne cesse de croître. On pourrait aller plus loin et démarcher directement les entreprises pour leur exposer l’intérêt des dispositifs publics existants. Avec votre collègue M. Jean Proriol, nous avons récemment vu le cas d’une PME de Beauzac, en Haute-Loire, qui avait considérablement investi en R&D sans avoir sollicité les instituts publics de recherche installés non loin de là, à Saint-Étienne. Nous essayons donc actuellement de démultiplier notre effort et d’élaborer des offres clés en main pour ce genre d’entreprises dans ce genre de situation.

M. François Brottes, vous avez fait référence à Candy. Je m’attendais plutôt à ce que, en tant qu’élu de la montagne, vous citiez Heidi, en jouant le rôle du grand-père un peu bougon qui finit par s’apercevoir que sa petite-fille marche bien, comme l’enseignement supérieur et la recherche dans la France d’aujourd’hui.

Vous avez aussi fait part de vos interrogations concernant la recherche fondamentale. Celle-ci est nécessaire et avance grâce aux projets blancs, c’est-à-dire à ceux qui laissent aux chercheurs la liberté de choisir leurs objectifs. C’est pourquoi, nous avons maintenu près de 50 % des appels d’offres lancés par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour des projets de ce type, et 80 % dans le cadre des investissements d’avenir. Maintenir une part de recherche fondamentale est une exigence absolue.

L’évolution du pôle de Grenoble résume à elle seule tout ce qui a changé dans la recherche française au cours des dernières années. Voulu par le Gouvernement, le changement est surtout porté par la communauté des chercheurs. Les instituts de recherche technologiques (IRT) étendent leurs activités à de nouveaux domaines, notamment la biologie. De nouveaux équipements et de très grandes infrastructures de recherche se mettent en place, comme le synchrotron de Grenoble et ses déclinaisons industrielles.

M. François Brottes. C’est le résultat d’un travail de quarante ans !

M. le ministre. Certes, mais l’effet d’accélération des dernières années est incontestable. Il ne résulte pas seulement de l’action du Gouvernement, mais aussi d’un travail conjoint avec le monde de la recherche et de l’industrie.

Les alliances ont permis de reconfigurer notre recherche en lui assignant certaines priorités.

Comme l’a indiqué M. Alfred Trassy-Paillogues, les comparaisons européennes constituent la meilleure façon d’appréhender le niveau de notre recherche nationale : il est meilleur que ce que l’on croit couramment. Ainsi, la France compte-t-elle près de 7,7 chercheurs pour 1 000 actifs, ce qui la place au troisième rang mondial, après le Japon et les États-Unis, mais devant l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne.

Au cours des trois dernières années, le nombre de brevets déposés par le CEA et le CNRS a augmenté de 30 %. Le nombre total de brevets déposés en France s’est accru de 3 % par an depuis 2009.

Il faut encourager les partenariats entre recherche publique et privée, comme le montre le projet Green Wheat visant à nourrir la planète grâce à des recherches sur la diversification, hors OGM, des espèces de blé : il s’agit de les rendre plus résistantes à l’humidité comme à la sécheresse, et d’améliorer leurs rendements. Les investissements correspondants sont assurés par l’INRA, en partenariat avec des entreprises privées, notamment auvergnates. Voilà un bel exemple d’association entre la recherche fondamentale et ses déclinaisons rapides en faveur de l’emploi.

Vous nous avez encore montré, Mme Geneviève Fioraso, votre excellente connaissance de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une société meurt quand elle n’est plus capable de faire fonctionner l’ascenseur social et quand ses élites entrent dans un processus de reproduction. Signe encourageant, le nombre d’enfants d’ouvriers dans l’enseignement supérieur s’est maintenu au cours des dernières années, voire a légèrement progressé, alors que le nombre d’ouvriers continue de régresser dans la population active. L’université a donc un rôle essentiel à jouer en la matière, plus particulièrement dans les disciplines scientifiques.

Je crois beaucoup aux formations en alternance, qui favorisent le brassage social. Nous devons également mieux aménager le sas entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Nous accompagnons plutôt bien les élèves entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire, mais insuffisamment du lycée à l’université, alors que le choc est alors plus important car il se double d’un choc familial. Le Plan pour la réussite en licence a mis en place des dispositifs d’accompagnement au cours des premiers mois à l’université, ce qui devrait diminuer le taux d’échec, aujourd’hui trop important.

Je vous approuve totalement en ce qui concerne les embauches de docteurs, ayant été très choqué par les propos de certains grands industriels, pourtant supposés intelligents, déclarant qu’ils n’avaient pas l’intention de recruter des ingénieurs docteurs. Cela témoigne d’un esprit à très courte vue : le modèle allemand nous montre au contraire l’utilité d’ingénieurs ayant suivi une formation de recherche car ils exercent une fonction de passerelle entre l’univers de la recherche et celui de l’entreprise. J’ai demandé que l’on examine les pratiques d’embauche et de gestion des ressources humaines afin, notamment au niveau des doctorats, de faciliter les passages entre la recherche privée et la recherche publique.

Je suis favorable à la préférence nationale et, plus encore, à la préférence européenne.

Mme Geneviève Fioraso, Mme Corinne Erhel et M. Jean-Charles Taugourdeau ont parlé de la culture scientifique et technique. En France, sur des sujets tels que les OGM, l’énergie nucléaire ou les énergies renouvelables, le débat public risque de tomber dans l’irrationnel. Or il est essentiel que celui-ci, en restant fondé sur la raison et sur le principe d’objectivité, laisse à la science le temps de faire son travail. Je ne crois pas à une société fondée sur les intuitions et les instincts. Je crois au principe de précaution, mais je ne crois pas à un principe de précaution tant galvaudé qu’il deviendrait un instrument de régression scientifique. Ce serait une erreur de civilisation.

À ce sujet, nous travaillons actuellement avec Universcience, dans le cadre d’une stratégie nationale, mais comportant aussi des déclinaisons territoriales. Car il convient d’associer à notre démarche les collectivités locales qui entendent s’investir dans les politiques de recherche et mieux allouer les différents moyens.

Les projets B-Com et System X, retenus dans le cadre des investissements d’avenir, répondent aux questions précises posées sur les IRT.

La part des sciences humaines constitue aujourd’hui un enjeu important de l’enseignement supérieur car il s’agit de concilier la spécialisation et la transdisciplinarité. Par le passé, les sciences humaines et les sciences « dures » vivaient isolément dans leurs domaines respectifs. Nous assistons maintenant à des brassages : dans un sens, la médecine fait de plus appel à la philosophie et à l’éthique, l’énergie atomique fait appel à la sociologie ; dans l’autre sens, l’histoire de l’art recourt aux techniques du synchrotron. Je crois, pour l’avenir, au modèle des fertilisations croisées. Il faut, pour cela, abandonner l’approche stéréotypée selon laquelle, en France, le terme de science est synonyme de science dure : les sciences humaines sont aussi des sciences, qu’il s’agisse de la recherche juridique ou de la recherche historique, pour lesquelles il faut manier des bases de données scientifiques. Notre pays a souvent rayonné dans les sciences humaines, et nos grands scientifiques furent souvent de grands humanistes : il faut réactiver ce modèle grâce à des chercheurs qui, travaillant ensemble, croisent leurs disciplines et leurs approches. C’est pourquoi je serai attentif à ce que la deuxième vague des investissements d’avenir donne toute sa place aux sciences humaines.

La question de M. Jean Gaubert sur le pôle de Saclay m’a un peu surpris. Je pensais qu’il me demanderait pourquoi Saclay n’était pas apparu parmi les premières initiatives d’excellence (idex), alors qu’on craignait que le pôle ne rafle tous les labex et les Equipex. J’ai regardé comme une très bonne chose que, parmi les trois premier idex, deux ne soient pas parisiens : on n’attendait pas Bordeaux, non plus que Strasbourg. Je ne crois en effet ni à une recherche concentrée en région parisienne, ni appuyée sur quelques mégalopoles et désertant les territoires. Ceux-ci peuvent aussi porter l’excellence, avec des universités et des pôles de recherche appuyés sur les forces vives locales tout en possédant une compétitivité internationale. Ainsi, se trouve à Limoges le pôle d’excellence internationale dans le domaine de la céramique. L’université de Savoie profite à plein de sa situation afin de développer des politiques d’excellence sur les questions relatives à la montagne, ce qui la positionne, elle aussi, au niveau international. L’université de Clermont-Ferrand possède le laboratoire le plus performant du monde pour la recherche sur les questions volcaniques et sismiques, devant les laboratoires japonais.

Tel est le modèle auquel je crois : une université et une recherche sur tout le territoire de la République, chacune puisant sur place les ressources d’excellence lui permettant ensuite de tenir son rang dans la compétition internationale.

M. le président Serge Poignant. Merci, monsieur le ministre, de vos réponses, de votre engagement et de vos fermes convictions.

II.— EXAMEN DES CRÉDITS

Au cours de sa réunion du 18 octobre 2011, la commission des affaires économiques a examiné pour avis les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de et M. Daniel Paul.

Contre l’avis de M. Daniel Paul, rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la recherche industrielle (programme 192) pour 2012.

© Assemblée nationale

1 () Notes sur l’exécution du budget de l’État annexe au rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État, mai 2011

2 () Équipement d’excellence

3 () (part du contrat versée aux établissements)

4 () Rapport au Parlement sur le crédit d’impôt recherche, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, avril 2011.