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N
° 3805

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 3011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 3775),

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 38


REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

Rapporteur spécial : M. Jean-Yves COUSIN

Député

____

SYNTHÈSE 5

I.– LES PARTICULARITÉS DE LA MISSION 6

A.– UN VOLUME IMPORTANT, DES NATURES DE DÉPENSE VARIÉES 6

B.– DES CRÉDITS SOUMIS AU RÉGIME DE L’ARTICLE 10 DE LA LOLF 7

II.– LE TRAITEMENT DES DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX DOIT ÉVOLUER 8

A.– LES DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX SONT DES DÉPENSES D’INTERVENTION « CLASSIQUES » 8

B.– UN TEL CONSTAT APPELLE DES AMÉLIORATIONS IMPORTANTES DE L’INFORMATION DU PARLEMENT 11

1.– Modifier la présentation de l’article d’équilibre 12

2.– L’évolution souhaitable du traitement des dégrèvements d’impôts locaux dans la nomenclature budgétaire 12

a) À court terme, une intégration dans la mission Relations avec les collectivités territoriales 13

b) À long terme, une répartition plus fine pourrait être envisagée 16

3.– Améliorer la mesure de la performance des dégrèvements d’impôts locaux 17

a) La légitimité de la mise en place d’indicateurs « d’efficacité socio-économique » 17

b) Mesurer l’efficacité des dégrèvements d’impôts locaux 18

C.– LES EFFETS DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2011 ET 2012 20

III.– LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS D’ÉTAT SONT DES DÉPENSES EN ATTÉNUATION DE RECETTES 23

A.– DES DÉPENSES À PRENDRE EN COMPTE POUR COMPRENDRE LES RECETTES FISCALES 23

B.– UNE PRÉVISION 2012 EN LIGNE AVEC CELLE DES RECETTES FISCALES 24

C.– UNE MESURE INCOMPLÈTE DE LA PERFORMANCE 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 11 octobre 2011, seulement 65 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial. Une telle proportion est bien faible compte tenu du nombre volontairement restreint  17 – des questions envoyées.

SYNTHÈSE

Alors qu’elle est la plus importante, en volume, du budget de l’État avec 84,8 milliards d’euros prévus en 2012, la mission Remboursements et dégrèvements n’a guère profité des effets bénéfiques de la loi organique relative aux lois de finances.

Pourtant, les dégrèvements d’impôts locaux, retracés sur le programme 201, sont des dépenses d’intervention semblables à celles que l’on peut retrouver dans d’autres missions du budget général. À ce titre, il n’est pas justifié que les principales avancées de la LOLF – regroupement des crédits par politiques publiques, évaluation de l’efficacité de la dépense – ne leur soient pas appliquées.

Parce qu’elles ont, jusqu’à présent, été considérées comme de simples dépenses en atténuation de recettes – ce qu’elles ne sont pas –, elles ont été isolées sur une mission qui regroupe des dépenses sur le seul critère de leur nature et ne bénéficient d’aucune mesure de leur efficacité. Les dégrèvements d’impôts locaux ne sont pourtant pas des dépenses en atténuation des recettes de l’État. Ce sont des dépenses qui poursuivent des objectifs de politique publique – protéger les ressources des collectivités territoriales, favoriser l’industrie et les PME, aider l’accès au logement des ménages modestes – et dont le montant dépend de mesures discrétionnaires, adoptées par l’État par voie législative.

Dans ces conditions, leur traitement doit faire l’objet d’une double évolution pour garantir le respect de l’esprit de la LOLF. D’une part, le programme 201 doit être intégré dans une mission partageant le même objectif de politique publique. Parce que l’objectif commun à tous les dégrèvements d’impôts locaux est de protéger le financement des collectivités territoriales, le programme 201 doit rejoindre la mission Relations avec les collectivités territoriales. D’autre part, l’efficacité « socio-économique » de ces dépenses doit être mesurée. Les indicateurs de performance n’ont pas pour vocation de porter sur la seule activité des services mais également sur l’efficacité des dispositifs votés par le Parlement au regard des objectifs qu’ils poursuivent.

Le montant des dégrèvements d’impôts locaux est en forte diminution de 2010 à 2012 en raison de l’impact de la réforme de la taxe professionnelle qui conduit à la chute des dégrèvements pris en charge par l’État. Il atteindrait 10,3 milliards d’euros en 2012.

Les remboursements et dégrèvements d’État sont des dépenses en atténuation de recettes de l’État. Leur évolution est corrélée à celle des recettes fiscales nettes. En lien avec la hausse attendue de celles-ci en 2012, leur montant serait en hausse de 4,4 % en 2012, à 74,6 milliards d’euros.

I.– LES PARTICULARITÉS DE LA MISSION

A.– UN VOLUME IMPORTANT, DES NATURES DE DÉPENSE VARIÉES

La mission Remboursements et dégrèvements est la plus importante du budget général de l’État s’agissant du volume de crédits concernés.

En 2012, elle engloberait pour 84,8 milliards d’euros de crédits évaluatifs dont 83,9 milliards d’euros de crédits d’intervention – soit près de 57 % des dépenses d’intervention de l’État – et 1 milliard d’euros de crédits de fonctionnement qui correspondent à diverses opérations comptables – admissions en non-valeur, intérêts moratoires, remises et annulations de majorations, remises de débets, se rapportant tant aux impôts d’État qu’aux impôts locaux. Toutefois, comme le note plus bas le Rapporteur spécial, seuls les dégrèvements d’impôts locaux peuvent être considérés comme des dépenses d’intervention « classiques ».

Les caractéristiques des dépenses sont variées. Comme le Rapporteur spécial le note plus loin, il semble exister une différence substantielle entre la nature des remboursements et dégrèvements d’impôt d’État – intrinsèquement liés aux recettes fiscales – et les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux qui poursuivent, directement ou indirectement, des objectifs de politique publique et doivent être traités, à ce titre, comme des dépenses d’intervention « classiques ».

Les dépenses de remboursements et dégrèvements d’État ont des justifications fort diverses. En premier lieu, elles peuvent ne constituer que l’expression mécanique du processus de recouvrement de l’impôt lorsqu’il s’agit de rendre compte des régularisations d’acomptes, de paiements provisionnels et de trop-perçus. En deuxième lieu, il peut également s’agir de versements de la partie restituée de crédits d’impôt, comme la prime pour l’emploi. Enfin, le troisième volet comprend des dépenses auxquelles recourent les comptables publics dans la gestion de l’impôt : remboursements suite à rectifications et opérations comptables entraînant généralement des dépenses pour ordre (1) – admissions en non-valeur, rectifications, remises ou annulations de majorations, remises de débets… Cette troisième partie comprend également des dépenses diverses, telles que les versements au titre des conventions internationales ou de condamnations de l’État à l’occasion de contentieux fiscaux.

Les dégrèvements d’impôts locaux regroupent les dépenses assumées par l’État du fait de dégrèvements législatifs – dégrèvement barémique de contribution économique territoriale, dégrèvement de taxe d’habitation en fonction des revenus... – ainsi que les dépenses constatées par le comptable public dans sa gestion de l’impôt local – rectifications, remises, admissions en non valeur...

Les crédits de personnel sont retracés au sein du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

B.– DES CRÉDITS SOUMIS AU RÉGIME DE L’ARTICLE 10 DE LA LOLF

Les crédits relatifs aux remboursements et dégrèvements d’impôt – d’État ou locaux – sont soumis aux dispositions de l’article 10 de la loi organique.

ARTICLE 10 DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
DU 1ER AOÛT 2001

« Les crédits relatifs aux charges de la dette de l’État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l’État ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.

« Les dépenses auxquelles s’appliquent les crédits évaluatifs s’imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d’exécution jusqu’à la fin de l’année.

« Les dépassements de crédits évaluatifs font l’objet de propositions d’ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée.

« Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l’objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13 (virements, transferts et décrets d’avances) ni des mouvements de crédits prévus à l’article 15 (reports). »

À ce titre, les crédits des programmes 200 et 201 sont évaluatifs. Une telle disposition se justifie du point de vue, retenu jusqu’à présent, selon lequel l’ensemble de ces dépenses obéit à une logique de recettes dont la prévision est, par nature, estimative. Les remboursements et dégrèvements d’impôt d’État relèvent, en effet, de dépenses en atténuation de recettes, intrinsèquement liées aux mécanismes fiscaux. Même si leur support budgétaire est celui des crédits et des dépenses, leur évolution, donc leur prévision, obéissent à une logique de recettes, lesquelles, par nature, font l’objet de simples évaluations. En revanche, comme le note le Rapporteur spécial plus bas, l’assimilation des dégrèvements d’impôts locaux à des dépenses dont les caractéristiques sont celles de recettes est plus contestable.

Le caractère évaluatif des crédits de la mission emporte plusieurs conséquences dont trois peuvent être plus particulièrement remarquées. En premier lieu, ces crédits sont ouverts sur des programmes distincts, de façon à éviter un « mélange », au sein d’un même programme, de crédits limitatifs et de crédits évaluatifs. En deuxième lieu, les remboursements et dégrèvements sont exclus de la norme de dépenses laquelle est constituée autour des seules dépenses nettes du budget général ainsi que des prélèvements sur recettes et des transferts de recettes à des tiers. Enfin, le dispositif d’évaluation de la performance est réduit à sa plus simple expression et se contente de mesurer la rapidité de traitement des opérations par l’administration fiscale.

On constate donc que les remboursements et dégrèvements ne sont pas considérés comme des dépenses traditionnelles mais comme des dépenses obéissant à une logique de recettes. Cette caractéristique explique l’ensemble des dérogations au régime de droit commun, qui s’appliquent à ces crédits.

Toutefois, si une telle approche est justifiée pour les remboursements et dégrèvements d’État, elle semble contestable pour les dégrèvements d’impôts locaux. Une telle critique conduit le Rapporteur spécial à envisager une évolution de la place de ces dépenses dans la nomenclature budgétaire et une amélioration sensible du dispositif d’évaluation de la performance.

II.– LE TRAITEMENT DES DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX DOIT ÉVOLUER

Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux entrent dans le champ de l’article 10 de la LOLF. À ce titre, les crédits y afférents sont évaluatifs et isolés sur un programme ad hoc, le programme 201.

Le Gouvernement a prolongé « l’isolement » des dégrèvements d’impôts locaux au sein du budget de l’État en les intégrant à la mission Remboursements et dégrèvements qui a la triple particularité de regrouper des crédits partageant une nature commune, et non un objectif commun de politique publique, de disposer d’une mesure de la performance particulièrement lacunaire et de voir ses dépenses exclues de la norme de dépense.

Les dégrèvements d’impôts locaux ne sont pourtant pas des dépenses obéissant à une logique de recettes, comme les remboursements et dégrèvements d’impôt d’État, mais des dépenses voulues et assumées par l’État, dont le montant dépend de décisions qu’il prend discrétionnairement et qui poursuivent des objectifs clairs de politique publique.

Elles constituent donc des dépenses d’intervention « classiques » au sein du budget de l’État et, à ce titre, doivent bénéficier d’une place plus adaptée dans la nomenclature et d’une mesure plus complète de leur efficacité. Une telle évolution passe par une simple décision du Gouvernement et ne nécessite aucune modification de la loi organique.

A.– LES DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX SONT DES DÉPENSES D’INTERVENTION « CLASSIQUES »

Les dégrèvements d’impôts locaux sont aujourd’hui considérés, comme les remboursements et dégrèvements d’impôt d’État, comme des dépenses obéissant à une logique de recettes. À ce titre, elles échappent à une grande partie des acquis de la LOLF en terme d’information du Parlement – regroupement des dépenses par objectif de politique publique, mesure de la performance – et à l’effort de maîtrise de la dépense traduit par l’instauration, en 2003, de la norme de dépense.

Pourtant, il semble que trois éléments tendent à corroborer l’idée selon laquelle les dégrèvements d’impôts locaux pourraient être considérés comme n’importe quelle autre dépense du budget général.

 En premier lieu, du point de vue de l’État, les dégrèvements d’impôts locaux ne sont pas des dépenses en atténuation de recettes. Ils constituent, en effet, des dépenses dont le niveau n’a aucun impact sur celui des recettes fiscales nettes du budget général, bien que la présentation traditionnelle des recettes et des dépenses conduit à ce que celles-ci soient présentées nettes de l’ensemble des remboursements et dégrèvements, y compris d’impôts locaux.

Certes, en comptabilité nationale, les dégrèvements d’impôts locaux viennent en atténuation des recettes fiscales de l’État. Toutefois, il n’existe pas de principe voulant que la présentation du budget de l’État soit réalisée selon les règles de la comptabilité nationale – sans quoi certaines dépenses, notamment d’équipement militaire, n’y seraient pas retracées du fait de leur nature patrimoniale. En l’espèce, compte tenu de l’absence de lien entre dépense et recette, il semble plus logique de ne pas considérer les dégrèvements d’impôts comme des dépenses en atténuation de recettes de l’État. Une telle approche permettrait, au demeurant, de rendre plus sincère la présentation du budget de l’État dont les dépenses et les recettes sont aujourd’hui présentées nettes des dégrèvements d’impôts locaux, ce qui tend à les minorer artificiellement.

 En deuxième lieu, le montant des dégrèvements législatifs d’impôts locaux varie certes en fonction des évolutions des taux décidées par les collectivités territoriales. Néanmoins, ces dégrèvements sont, avant tout, des dépenses discrétionnaires de l’État et leur montant dépend d’abord de dispositions législatives que le Gouvernement et le Parlement sont en mesure de modifier dans chaque loi de finances, de la même manière que le montant des crédits des autres programmes peuvent l’être. À titre d’exemple, la réforme de la taxe professionnelle s’est accompagnée d’une forte diminution des dégrèvements de l’action n° 1 du programme 201, qui passeraient de 13 milliards d’euros en 2009 à 5,6 milliards d’euros en 2012. Elle est la preuve que de telles dépenses sont à la discrétion de l’État.

L’État est donc en mesure de « calibrer » son intervention au titre des dégrèvements d’impôts locaux, comme il le fait pour des dépenses d’intervention classiques. Il subit en revanche entièrement les évolutions des remboursements et dégrèvements d’impôt d’État dont les variations s’imposent à lui sans qu’il ne soit en mesure d’en modifier le montant – le montant plus ou moins important des restitutions d’acomptes d’impôt sur les sociétés ou de restitutions de crédit d’impôt relevant de facteurs propres aux recettes fiscales, comme le produit brut de l’imposition ou les modalités d’imputation des crédits d’impôt.

Il est néanmoins vrai que les rectifications, remises et admissions en non valeur s’imposent à l’administration fiscale et ne relèvent pas de la même logique de dépense discrétionnaire. Elles pourraient toutefois représenter seulement 1 milliard d’euros en 2012, soit environ 10 % du montant total des dégrèvements d’impôts locaux.

 En troisième lieu, à la différence des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État qui sont justifiés par la mécanique et la gestion de l’impôt, les dégrèvements d’impôts locaux poursuivent des objectifs de politique publique et sont, à ce titre, des dépenses d’intervention « classiques ».

D’une part, l’ensemble des dégrèvements d’impôts locaux se justifie par l’objectif de solvabiliser les contribuables locaux pour garantir les ressources des collectivités territoriales.

La prise en charge par l’État des rectifications, remises et admissions en non valeur est justifiée par un tel objectif de préservation des ressources des collectivités territoriales. Il convient de noter à cet égard qu’une telle prise en charge ne va pas de soi et qu’elle justifie la perception par l’État de frais prélevés sur le produit des impôts locaux. En d’autres termes, le fait que l’État supporte les rectifications, remises et admissions en non valeur d’impôts locaux relève d’une décision discrétionnaire ayant pour objet la protection des ressources fiscales des collectivités territoriales.

La plupart des dégrèvements législatifs ont également pour objectif, direct ou indirect, la protection des recettes des collectivités territoriales, par exemple les dégrèvements en faveur des contribuables ayant de faibles revenus – PME, ménages ayant peu de ressources, jeunes agriculteurs... – et pouvant ne pas être en mesure de supporter la charge fiscale locale.

D’autre part, certains dégrèvements législatifs poursuivent des objectifs de politique publique qui leur sont spécifiques et qui ont souvent la préséance sur la protection des ressources des collectivités territoriales. À titre d’exemple, le dégrèvement de contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée a pour objet de préserver l’industrie dans la compétition internationale. Le dégrèvement de taxe d’habitation en fonction du revenu a pour but d’alléger l’imposition pesant sur les plus démunis et de faciliter leur accès au logement. Les dégrèvements de taxe foncière pour les jeunes agriculteurs ou pertes de récolte ont pour objet le soutien à l’agriculture.

Le tableau ci-après récapitule l’ensemble des dégrèvements d’impôts locaux retracés sur le programme et les objectifs qu’ils poursuivent.

OBJECTIFS PRINCIPAUX DE POLITIQUE PUBLIQUE POURSUIVIS PAR CHACUN DES DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX

 

Dispositif

Objectif principal poursuivi par le dispositif

Action n° 1 - CET

Plafonnement de la CET à 3 % de la valeur ajoutée

Soutenir l'industrie dans la compétition internationale

CVAE - Dégrèvement barémique

Soutenir les PME

Zone de restructuration de défense

Soutenir les territoires en difficulté

CFE - Dégrèvement pour diminution des bases

Solvabiliser les contribuables locaux

CET - Dégrèvement transitoire "perdants de la réforme de la TP"

Solvabiliser les contribuables locaux

Rectifications et remises

Solvabiliser les contribuables locaux

Action n° 2 - Taxes foncières

Jeunes agriculteurs

Soutenir l'agriculture

Pertes de récolte

Soutenir l'agriculture

Vacance d'une maison destinée à la location

Solvabiliser les contribuables locaux

Contribuables de 65 à 75 ans

Solvabiliser les contribuables locaux

Disparition d'un immeuble non bâti

Solvabiliser les contribuables locaux

Rectifications et remises

Solvabiliser les contribuables locaux

Action n° 3 - Taxe d'habitation

Dégrèvement en fonction du revenu

Aider l’accès au logement

Relogement - programme ANRU

Aider l’accès au logement

Rectifications et remises

Solvabiliser les contribuables locaux

Action n° 4 - Admissions en non valeur

Admissions en non valeur

Solvabiliser les contribuables locaux

Les dégrèvements d’impôts locaux constituent donc bien des dépenses d’intervention « classiques » et sont les seules dépenses de la mission pouvant être considérées comme telles. Si les restitutions de crédit d’impôt d’État sont considérées comme des remboursements en lien avec des politiques publiques, elles ne peuvent, en effet, être considérées comme des dépenses d’intervention dès lors qu’elles ne sont qu’une partie de la dépense fiscale poursuivant un objectif de politique publique et que leur montant peut varier fortement en fonction du produit brut de l’impôt et des modalités d’imputation du crédit d’impôt.

B.– UN TEL CONSTAT APPELLE DES AMÉLIORATIONS IMPORTANTES DE L’INFORMATION DU PARLEMENT

Dès lors que l’on considère que les dégrèvements d’impôts locaux doivent être traités comme des dépenses « classiques », un effort important d’information du Parlement sur ces crédits doit être réalisé. Il passe par trois séries d’évolution.

Il concerne d’abord le contenu de la loi de finances et la présentation du budget de l’État à l’article d’équilibre.

Il a également trait à la place des dégrèvements d’impôts locaux dans la nomenclature budgétaire. Leur réintégration au sein du « droit commun » de la nomenclature constitue une recommandation récurrente des commissions des Finances des deux assemblées, sans qu’il soit nécessaire, pour cela, de modifier la loi organique.

La meilleure information du Parlement doit enfin passer par une amélioration de la mesure de la performance de ces dépenses. Compte tenu du volume des dégrèvements d’impôts locaux – 10,3 milliards d’euros – et des objectifs qu’ils poursuivent – soutien à l’industrie et aux plus modestes, protection des ressources des collectivités territoriales... –, une telle évolution semble absolument nécessaire.

1.– Modifier la présentation de l’article d’équilibre

En ce qui concerne le contenu de la loi de finances, la présentation de l’équilibre du budget de l’État à l’article d’équilibre doit évoluer.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux doivent être uniquement comptabilisés en dépenses brutes, comme une dépense « classique » du budget général. Ils ne doivent plus venir en déduction des recettes brutes car il n’existe aucun lien entre ces dégrèvements et les recettes fiscales de l’État. Plus largement, toute présentation des recettes fiscales nettes, tant dans l’exposé des motifs du projet de loi que dans les documents budgétaires, doit exclure la prise en compte des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

Il est vrai que, facialement, une telle évolution aura pour effet d’augmenter le volume du budget de l’État, c’est-à-dire le niveau de ses recettes et dépenses nettes. Elle semble toutefois nécessaire pour faciliter la compréhension du budget et le rapprocher de l’image sincère et fidèle vers laquelle il doit tendre.

2.– L’évolution souhaitable du traitement des dégrèvements d’impôts locaux dans la nomenclature budgétaire

En tant que dépenses d’intervention discrétionnaires poursuivant des objectifs de politique publique, le régime dérogatoire qui est appliqué aux dégrèvements d’impôts locaux et qui consiste à les isoler dans une mission regroupant des dépenses de même nature doit être supprimé. Conformément à l’esprit de la LOLF, les dégrèvements d’impôts locaux doivent être intégrés dans les missions du budget général partageant les mêmes objectifs de politique publique.

L’intégration du programme 201 au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales et de la norme de dépense pourrait se faire immédiatement si le Gouvernement le décidait.

Une répartition plus fine des dégrèvements en fonction des objectifs de politique publique poursuivis nécessiterait une évolution des systèmes informatiques et pourrait se faire de manière satisfaisante sans modification de l’article 10 de la loi organique.

a) À court terme, une intégration dans la mission Relations avec les collectivités territoriales

Comme indiqué plus haut, si certains dégrèvements législatifs peuvent poursuivre des objectifs qui leur sont propres, la caractéristique de l’ensemble des dégrèvements d’impôts locaux – législatifs mais également rectifications, remises et admissions en non valeur – est qu’ils contribuent à solvabiliser le contribuable local et à protéger les ressources des collectivités territoriales.

Sur la base d’un tel constat, le transfert du programme 200 vers la mission Relations avec les collectivités territoriales, qui porte sur l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, ferait sens.

En maintenant l’ensemble des crédits évaluatifs de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux sur un même programme, une telle solution ne poserait pas de problème de conformité à l’article 10 de la LOLF.

Le transfert du programme 201 vers la mission Relations avec les collectivités territoriales impliquerait une évolution du programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et de la mission Remboursements et dégrèvements. Dans le but de garantir le droit des parlementaires à modifier les crédits, le Conseil constitutionnel censure la création de missions composées d’un seul programme (2). En conséquence, on pourrait imaginer que les trois actions composant actuellement le programme 200 soient élevées au rang de programme.

Sans qu’il ne soit besoin de modifier la loi organique, la nomenclature du budget de l’État pourrait donc évoluer, à court terme, de façon à mieux respecter l’esprit de la LOLF. Le tableau ci-après récapitule les évolutions qui pourraient être engagées pour améliorer le traitement des dégrèvements d’impôts locaux.

ÉVOLUTION SOUHAITABLE À COURT TERME DU TRAITEMENT DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX DANS LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

 

Programmes composant actuellement la mission

ÉVOLUTION souhaitable des programmes composant la mission

Mission Remboursements et dégrèvements

P200 : Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

P200 : Remboursements et restitutions d'impôts d'État liées à la mécanique de l'impôt

P201 : Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

P200 bis : Remboursement et dégrèvements d'impôts d'État liés à des politiques publiques

 

P200 ter : Remboursements et dégrèvements des produits de l'État

Mission Relations avec les collectivités territoriales

P119 : Concours financiers aux communes et groupements de communes

P119 : Concours financiers aux communes et groupements de communes

P120 : Concours financiers aux départements

P120 : Concours financiers aux départements

P121 : Concours financiers aux régions

P121 : Concours financiers aux régions

P122 : Concours spécifiques et administration

P122 : Concours spécifiques et administration

 

P201 : Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

Il convient de noter qu’une telle option s’accompagnerait logiquement de l’intégration des dégrèvements d’impôts locaux, dépense « classique » du budget général, dans la norme de dépense.

Le Gouvernement s’oppose à une telle évolution en soulignant le fait que le montant des dégrèvements d’impôts locaux dépend notamment des taux votés par les collectivités territoriales. Une telle caractéristique constitue, en effet, une différence majeure par rapport aux autres compensations de pertes de recettes subies par d’autres administrations publiques que l’État, du fait de décisions prises par celui-ci – exonérations de fiscalité locale et compensations d’exonérations de charges ciblées ou générales. Le mécanisme du dégrèvement implique, en effet, que l’État, qui se substitue au contribuable, soit conduit à supporter les hausses de taux des impôts locaux.

Sur la base d’un tel constat, le Gouvernement estime que l’incertitude ainsi créée par les modifications de taux rendrait la norme de dépense « totalement impilotable » et ne pourrait être mise en œuvre « qu’en parallèle d’une réforme du fonctionnement (des dégrèvements d’impôts locaux), de manière à neutraliser l'impact des accroissements de taux votés par les collectivités locales sur ces remboursements et dégrèvements ».

S’il est vrai que la prévision de dégrèvements d’impôts locaux est soumise à cet aléa particulier lié aux décisions des collectivités territoriales, l’impact de leur intégration dans la norme de dépense paraît toutefois largement exagéré et la conséquence qu’en tire l’administration – la réforme de ces dispositifs – paraît, en tout état de cause, hors de propos. Si elle est réelle, l’incertitude pesant sur le montant de la dépense du fait des variations des taux des impôts locaux doit être relativisée pour deux raisons.

D’une part, l’impact des hausses de taux sur les dégrèvements d’impôts locaux sera, à l’avenir, moins prononcé que par le passé car, alors que les collectivités territoriales fixaient le taux s’appliquant à la base « équipements et biens mobiliers » de la taxe professionnelle, elles ne sont plus en mesure, aujourd’hui, de déterminer le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, la fiabilité de la prévision de dégrèvements d’impôts locaux pourra probablement s’améliorer. L’entrée en régime de croisière, à compter de 2012, des dégrèvements de contribution économique territoriale, devrait encore accroître la capacité de l’administration à anticiper de manière précise le montant des dépenses du programme 201.

D’autre part, l’incertitude pesant sur la prévision de dégrèvements d’impôts locaux paraît de même nature que les aléas affectant les prévisions de dépenses sociales « à guichet ouvert ». Les décisions des collectivités territoriales relatives aux taux sont assimilables à un facteur externe, non maîtrisé par l’État, au même titre que l’évolution de la conjoncture économique ou les choix faits par les bénéficiaires de prestations sociales.

Comme l’illustre le tableau ci-après, l’aléa inhérent à la prévision de dégrèvements d’impôts locaux semble même inférieur à celle des dépenses à guichet ouvert. La prévision des crédits de l’action n° 3 du programme Handicap et dépendance, qui retracent les crédits finançant l’allocation pour adulte handicapé et l’allocation supplémentaire d’invalidité, semble en effet moins fiable que celle des dégrèvements d’impôts locaux. Sur l’action n° 3 du programme 157, les écarts entre exécution et prévision dépassent, trois années sur quatre, 5 % du montant initialement prévu. Sur les dégrèvements d’impôts locaux, en revanche, exception faite de l’année 2007 qui connaissait le début de la montée en charge du dégrèvement pour investissements nouveaux et du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, les écarts à la prévision sont plus faibles et ne dépassent pas 3,5 % du montant initialement prévu.

ÉCARTS À LA PRÉVISION DE DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX ET DE DÉPENSES DE L’ACTION N° 3 DU PROGRAMME HANDICAP ET DÉPENDANCE

(en millions d’euros)

   

2007

2008

2009

2010

   

Prévision

Exéc.

Prévision

Exéc.

Prévision

Exéc.

Prévision

Exéc.

R&D d'impôts locaux (P201)

Montants prévus et exécutés

14 088

13 490

16 030

16 213

17 190

17 800

16 380

16 148

Écart

– 598

183

610

– 232

Écart en %

– 4,2 %

1,1 %

3,5 %

– 1,4 %

Action n° 3 du programme 

157

Montants prévus et exécutés

5 304

5 667

5 718

5 941

6 112

6 442

6 524

6 876

Écart

363

223

330

352

Écart en %

6,84 %

3,90 %

5,40 %

5,40 %

Il convient de noter que le principal aléa pesant sur la prévision de dégrèvements d’impôts locaux réside dans les rectifications, remises et admissions en non valeur. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, le déploiement des systèmes d’information Chorus et Copernic rendrait possible la distinction, au sein de la nomenclature d’exécution, entre les dégrèvements législatifs d’impôts locaux et les rectifications, remises et admissions en non valeur. Dans ces conditions, si le Gouvernement estimait que ce dernier type d’opérations faisait peser une trop grande incertitude sur l’évolution de la norme de dépense, il serait envisageable de regrouper les crédits qui leur sont afférents avec ceux relatifs aux opérations de même nature portant sur les impôts d’État
– soit le programme « 200 ter » du tableau inséré plus haut.

Une telle solution ne serait pas pleinement satisfaisante dans la mesure où la prise en charge par l’État des rectifications, remises et admissions en non valeur a pour objectif la protection des ressources des collectivités territoriales. Elle semblerait néanmoins acceptable si elle contribuait à rassurer le Gouvernement sur l’inclusion des dégrèvements législatifs d’impôts locaux dans la norme de dépense et son impact sur le pilotage de celle-ci.

b) À long terme, une répartition plus fine pourrait être envisagée

À long terme, l’évolution des systèmes informatiques pourrait permettre une répartition plus fine des dégrèvements d’impôts locaux au sein de la nomenclature budgétaire. Comme indiqué plus haut, les systèmes Copernic et Chorus devraient permettre, dans un premier temps, la distinction entre dégrèvements législatifs et dégrèvements liés à la gestion de l’impôt. Une étape supplémentaire consisterait, dans un second temps, à permettre la distinction entre les différents dégrèvements législatifs.

Si une telle évolution était réalisable, les principaux dégrèvements législatifs, justifiés, à titre principal, par des objectifs de politique publique distincts de celui de préservation des ressources des collectivités territoriales, pourraient être intégrés, dans des programmes ad hoc, au sein des missions partageant les mêmes objectifs, conformément aux principes posés par la LOLF.

Plus précisément, les modifications suivantes pourraient être réalisées :

– les crédits relatifs au dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – 3,6 milliards d’euros prévus en 2012 – et au plafonnement à la valeur ajoutée – 0,8 milliard d’euros prévu en 2012 – pourraient être regroupés sur un programme ad hoc, intégré à la mission Économie et consacré au soutien de l’État aux entreprises industrielles et aux petites et moyennes entreprises ;

– les crédits relatifs au dégrèvement de taxe d’habitation en fonction du revenu fiscal de référence et au dégrèvement pour les personnes relogées dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine seraient regroupés sur un nouveau programme au sein de la mission Ville et logement sur le fondement de l’allègement du coût du logement dont les ménages modestes bénéficient du fait de ces dispositifs.

Les autres dégrèvements législatifs demeureraient sur le programme 201, au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales sur le fondement de leur objectif de solvabilisation des contribuables locaux. Leur montant
limité – souvent quelques dizaines de millions d’euros – ne permettrait pas de les répartir de la même manière au sein des missions partageant leurs objectifs de politique publique – par exemple, le soutien aux territoires en difficulté pour le crédit d’impôt « zones de restructuration de défense » ou le soutien à l’agriculture apporté par les dégrèvements de taxes foncières pour les jeunes agriculteurs ou pour pertes de récolte. Il conviendrait, en effet, d’éviter la constitution de programmes dotés d’un faible volume de crédits.

En regroupant les dégrèvements d’impôts locaux dans les missions partageant les mêmes objectifs de politique publique, les évolutions ainsi décrites assureraient une meilleure information du Parlement et garantiraient le respect de l’esprit de la LOLF, qui postule le regroupement des crédits par politiques publiques. Elles pourraient être réalisées à la condition que les systèmes informatiques le permettent et sans qu’il ne soit besoin de modifier l’article 10 de la loi organique.

Ce dernier point implique que, bien qu’ainsi répartis sur des programmes ad hoc au sein du budget de l’État, les crédits afférents aux dégrèvements d’impôts locaux conserveraient leur caractère évaluatif. Une double conséquence s’en suivrait.

D’une part, comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 10 de la LOLF, les crédits évaluatifs ne peuvent faire l’objet de mesures de régulation budgétaire et ne peuvent notamment être modifiés par décret d’avance. D’éventuelles économies constatées sur ces nouveaux programmes ne pourraient donc pas être utilisées comme gage d’ouverture de crédits en décret d’avance. En revanche, en loi de finances rectificative, elles pourraient être utilisées pour gager des dépassements sur d’autres programmes et ainsi garantir le respect de la norme de dépense à laquelle ils seraient intégrés.

D’autre part, en étant intégrés au sein de missions composées de programmes dotés de crédits limitatifs, les dégrèvements d’impôts locaux pourraient, semble-t-il, faire l’objet d’amendements parlementaires tendant, par exemple, à diminuer leur montant pour gager de nouvelles dépenses. Il ne semble pas que la LOLF ait prévu un tel cas de figure, ce qui laisse penser qu’une telle pratique serait conforme à la loi organique. Toutefois, le principe de sincérité requerrait, dans un tel cas, que la diminution de ces crédits évaluatifs soit fondée sur une proposition de modification du régime des dégrèvements législatifs. Dans le cas contraire, ces amendements devraient être considérés comme des amendements non gagés, et rejetés, voire déclarés non conformes à l’article 40 de la Constitution.

3.– Améliorer la mesure de la performance des dégrèvements d’impôts locaux

Indépendamment de l’évolution de la nomenclature du budget de l’État, l’amélioration de la mesure de la performance des dépenses de dégrèvements d’impôts locaux paraît nécessaire dès lors que l’on considère comme des dépenses d’intervention « classiques ».

a) La légitimité de la mise en place d’indicateurs « d’efficacité socio-économique »

L’objectif aujourd’hui fixé au responsable de programme est d’améliorer le service offert par l’administration fiscale et plus particulièrement la rapidité de traitement des demandes faites par les contribuables. Sa mesure passe par un indicateur portant sur le taux de réclamations contentieuses, en matière de taxe d’habitation, traitées dans un délai inférieur à un mois.

Si un tel objectif fait sens pour la direction générale des finances publiques, il apparaît néanmoins qu’il doit être complété pour prendre en compte le fait que les dégrèvements d’impôts locaux ne renvoient pas seulement à une relation entre contribuables et administration fiscale mais également à la poursuite d’objectifs de politique publique.

L’administration s’oppose à une telle évolution en soutenant le fait que la seule raison d’être des indicateurs est le suivi de l’activité des services. Le Rapporteur spécial remarque néanmoins que, parmi les indicateurs de performance, les indicateurs « d’efficacité socio-économique » occupent une place éminente. De tels indicateurs mesurent l’efficacité d’un dispositif législatif au regard des objectifs qui lui sont assignés.

À titre d’exemple, l’efficacité des aides pour le logement au regard de son objectif d’allègement de la part des dépenses de logement dans le budget des ménages est mesurée par l’évolution du taux d’effort net moyen des ménages en locatif – indicateur 1.1 du programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Ville et logement. De même, l’efficacité de l’allocation adulte handicapé au regard de son objectif de retour au travail de ses bénéficiaires est mesurée par l’évolution de la proportion d’allocataires percevant une rémunération d’activité – indicateur 3.1 du programme 157 Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Dans le même esprit, l’information du Parlement bénéficierait grandement de la mise en place d’indicateurs permettant de mesurer l’efficacité des dégrèvements de contribution économique territoriale destinés à protéger l’industrie ou des dégrèvements de taxe d’habitation destinés à préserver les ménages les plus modestes.

b) Mesurer l’efficacité des dégrèvements d’impôts locaux

Les dégrèvements d’impôts locaux poursuivent des objectifs de politique publique, que l’on peut classer dans deux catégories différentes et qui justifient la mise en place d’indicateurs destinés à mesurer leur atteinte.

Le premier objectif poursuivi par les dégrèvements d’impôts locaux est l’allègement de l’imposition de certains contribuables. L’efficacité de la dépense faite au titre des trois principaux dispositifs devrait être mesurée par de nouveaux indicateurs.

En premier lieu, le dégrèvement de contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée a été mis en place principalement pour alléger la charge fiscale pesant sur l’industrie au titre de l’imposition locale des entreprises. Il pourrait être envisagé de mesurer son impact via l’évolution de la part des entreprises industrielles dans le produit total de contribution économique territoriale ou par une mesure de l’économie moyenne ainsi réalisée par les entreprises industrielles. De tels indicateurs offriraient d’autant plus d’intérêt que le principal objectif de la réforme de la taxe professionnelle – protéger l’industrie dans la compétition internationale – s’y rapporte.

La part de l’industrie dans le produit de la contribution économique territoriale est connue – environ 24 % en 2010 (3). La mise en place de l’indicateur ne rencontrerait donc aucun obstacle technique particulier.

En deuxième lieu, le dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a pour objet de préserver les petites et moyennes entreprises. L’atteinte de cet objectif pourrait être mesurée par des indicateurs construits de la même manière que les précédents et appliqués aux PME.

La part des PME dans le produit de la contribution économique territoriale est connue – environ 15 % en 2010. La mise en place de l’indicateur ne rencontrerait donc aucun obstacle technique particulier.

Enfin, le dégrèvement de taxe d’habitation en fonction des revenus a pour objet d’alléger l’imposition des ménages disposant de faibles revenus. Un indicateur d’une grande simplicité pourrait mesurer l’impact d’un tel dispositif en calculant l’économie moyenne réalisée par les ménages du fait de ce dispositif
– à savoir le rapport entre le montant total du dégrèvement et le nombre de ses bénéficiaires. Une telle information a été fournie au Rapporteur spécial – l’économie moyenne s’établissant à 375 euros en 2010. Il n’existe donc aucun obstacle technique à la mise en place d’un tel indicateur.

Le second objectif poursuivi par les dégrèvements d’impôts locaux est la solvabilisation des contribuables locaux et la protection des ressources fiscales des collectivités territoriales. Sur le premier point, les dégrèvements mentionnés ci-dessus ainsi que d’autres tels que les dégrèvements de taxe foncière pour les jeunes agriculteurs ou pour pertes de récolte permettent probablement de rendre solvables des contribuables qui ne seraient pas en mesure de supporter la fiscalité locale. Sur le second point, la prise en charge par l’État des rectifications, remises et admissions en non valeur évite aux collectivités territoriales d’importantes pertes de ressources fiscales.

On peut considérer que la substitution de l’État aux contribuables locaux est un pis-aller et que l’objectif doit être une diminution progressive de l’effort de l’État. À cet égard, la création d’un indicateur mesurant la part des dégrèvements dans le produit total des impositions locales permettrait d’en apprécier l’évolution. Un tel indicateur serait d’autant plus justifié que l’un des objectifs de la taxe professionnelle était d’amoindrir la part supportée par l’État dans le produit de l’imposition locale des entreprises.

Aucune difficulté technique ne s’oppose à la production d’une telle information, retracée dans le tableau suivant.

PART DES IMPÔTS LOCAUX ASSUMÉE PAR L’ÉTAT

(en % du produit des émissions des collectivités territoriales et groupement)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (p)

Taxe d’habitation

29,2

28,5

27,6

26,5

26,2

24,1

Taxes foncières

7,3

7,1

7,3

6

5,7

5,1

TP-CET-IFER

38,8

39

44,6

45,4

Ns *

32,6

Ensemble

26,4

26,3

28,7

28,3

43,3

19,5

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

* En 2010, l’État perçoit, de manière transitoire, le produit de la nouvelle contribution économique territoriale et des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau.

On constate, à cet égard, que la réforme de la taxe professionnelle a permis une forte chute de la part assumée par l’État dans le produit des impôts locaux. Il semble que l’objectif de stabilité de cette part, dans les années à venir, doive être fixé pour que l’acquis de la réforme soit préservé.

C.– LES EFFETS DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2011 ET 2012

Après 16,1 milliards d’euros en 2010 et 11,7 milliards d’euros prévus pour 2011, les dégrèvements d’impôts locaux atteindraient 10,3 milliards d’euros en 2012.

Comme l’illustre le tableau ci-après, cette forte diminution est due à la réforme de la taxe professionnelle, qui entraîne la disparition des dégrèvements afférents à cette imposition, en particulier le plafonnement à la valeur ajoutée. Les nouveaux dégrèvements de contribution économique territoriale, retracés sur l’action n° 1, sont d’un montant nettement inférieur et s’établiraient à 5,6 milliards d’euros en 2012.

DÉGRÈVEMENTS DE TAXE PROFESSIONNELLE ET DE CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE ET TERRITORIALE (ACTION N° 1)

(en millions d’euros)

 

2010

LFI 2011

Révisé 2011

LFI 2012

Plafonnement à la valeur ajoutée TP

10 506

687

834

87

Plafonnement à la valeur ajoutée CET

2

632

686

828

Dégrèvement barémique

SO

4 248

3 600

3 559

Dégrèvement recherche

SO

SO

1

1

Écrêtement des pertes

SO

470

710

533

Crédits d’impôt

1

10

(4)

1

Restitution CVAE

SO

SO

600

300

Autres dégrèvements

1 142

411

652

301

Total Action n° 1 du P201

11 651

6 458

7 084

5 610

Source : Ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

La révision à la hausse de 0,6 milliard d’euros de la prévision de dégrèvements d’impôts locaux pour 2011 s’explique en grande partie par l’évolution des dépenses retracées sur cette action n° 1. La prévision n’avait, en effet, pas intégré les restitutions d’acompte de cotisation sur la valeur ajoutée. Selon un mécanisme semblable à celui en vigueur pour l’impôt sur les sociétés, les entreprises peuvent se voir retourner, au printemps de l’année N, une partie des acomptes versés au cours de l’année N-1 dès lors que la valeur ajoutée dégagée en année N-1 est inférieure à celle sur laquelle elles avaient calculé leur impôt et donc le montant des acomptes versés. Leur prise en compte conduit à un surplus de dépense de l’ordre de 600 millions d’euros qui explique la plus grande partie de l’écart entre prévision initiale et prévision révisée.

Le tableau ci-après récapitule les principaux éléments chiffrés relatifs aux dégrèvements de contribution économique territoriale et de la taxe professionnelle.

DÉGRÈVEMENTS DE CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE, TAXE PROFESSIONNELLE ET TAXES ANNEXES

(en millions d’euros)

 

2010

2011 (e)

2012 (e)

Produit des émissions au profit des collectivités

2 511

25 089

25 319

Frais d’assiette et de recouvrement

190

186

124

Frais de dégrèvements et non—valeurs (y compris les reversements pour dégrèvements indus)

382

192

199

Frais de gestion CVAE et TA-CVAE

104

118

123

Dégrèvements (sans les non-valeurs)

11 651

7 084

5 610

Compensations

1 116

588

ND

Compensations relais

32 431

   

Cotisation minimale de TP

685

250

50

Recette nette allouée aux collectivités

36 058

25 677

ND

Coût à la charge des redevables

9 990

18 988

20 354

Montant net pris en charge par l’État

26 068

6 689

ND

(e) signifie « estimations ».

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Les dégrèvements de taxe foncière, retracés sur l’action n° 2, consistent essentiellement en rectifications et remises, dont la prévision est aléatoire. Pour 2011, leur prévision est revue à la hausse, à 825 millions d’euros, contre 750 millions d’euros initialement prévus. La prévision pour 2012 est en léger retrait, à 800 millions d’euros.

Le tableau suivant récapitule les principaux éléments chiffrés relatifs aux dégrèvements de taxes foncières.

DÉGRÈVEMENTS DE TAXE FONCIÈRE

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011 (e)

2012 (e)

Produit perçu par les collectivités

25 762

26 907

29 212

30 714

33 561

35 303

Coût à la charge des redevables

27 362

28 574

31 031

32 682

34 051

35 886

Frais d’assiette et de recouvrement

1 138

1 187

1 289

1 358

547

576

Frais de dégrèvements et non-valeurs (y compris les reversements pour dégrèvements indus)

1 045

1 206

1 193

1 288

767

807

Dégrèvements (sans les non-valeurs))

583

726

663

678

825

800

Compensations

879

849

753

732

575

ND

Recette nette allouée aux collectivités

26 641

27 756

29 965

31 446

34 136

ND

Montant net pris en charge par l’État

-721

-819

-1 065

-1 236

85

ND

(e) signifie « estimations ».

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Les dégrèvements de taxe d’habitation seraient, en 2011, en ligne avec la prévision, à près de 3,4 milliards d’euros. En 2012, ils poursuivraient leur progression et atteindraient 3,5 milliards d’euros, soit une progression de 4,8 % supérieure à la croissance annuelle moyenne de 3,8 % constatée entre 2006 et 2011. Il est probable que ce dynamisme soit dû au dispositif de plafonnement en fonction du revenu fiscal de référence, qui constitue l’essentiel de la dépense retracée sur l’action n° 3.

Le tableau ci-après récapitule les principaux éléments chiffrés relatifs aux dégrèvements de taxe d’habitation.

DÉGRÈVEMENTS DE TAXE D’HABITATION

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011 (e)

2012 (e)

Produit perçu par les collectivités

14 880

15 534

16 679

17 517

18 996

19 806

Coût à la charge des redevables

12 731

13 388

14 476

15 281

15 912

16 572

Frais d’assiette et de recouvrement

658

687

738

775

217

226

Frais de dégrèvements et non-valeurs (y compris les reversements pour dégrèvements indus)

221

230

239

256

38

39

Dégrèvements (sans les non-valeurs)

3 028

3 063

3 181

3 267

3 339

3 500

Compensations

1 207

1 227

1 233

1 319

1 237

1 304

Recette nette allouée aux collectivités

16 087

16 761

17 912

18 836

20 233

21 110

Montant net pris en charge par l’État

3 356

3 373

3 436

3 555

4 321

4 538

(e) signifie « estimations ».

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Les admissions en non valeur atteindraient, en 2011, 460 millions d’euros, soit une baisse de 60 millions d’euros qui compenserait le surcoût anticipé sur les dégrèvements de taxes foncières. La prévision pour 2012 anticipe une diminution de même ampleur que celle anticipée en 2011 et s’établit à 400 millions d’euros.

La performance du programme est mesurée par un unique indicateur, dont les limites ont été exposées plus haut. Son analyse montre que les délais de traitement des réclamations contentieuses en matière de taxe d’habitation sont, en 2011, un peu plus longs qu’en 2010 mais en ligne avec la prévision. Pour 2012, une très légère progression est visée.

III.– LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS D’ÉTAT SONT DES DÉPENSES EN ATTÉNUATION DE RECETTES

A.– DES DÉPENSES À PRENDRE EN COMPTE POUR COMPRENDRE LES RECETTES FISCALES

Les remboursements et dégrèvements d’impôt d’État, retracés sur le programme 200, sont des dépenses en atténuation de recettes. Ces dépenses peuvent être liées :

– à la mécanique de l’impôt, principalement les restitutions d’acompte d’impôt sur les sociétés et les remboursements de crédit de TVA, retracés sur l’action n° 1 ;

– à la partie restituée de crédits d’impôt, retracée sur l’action n° 2. Si ces dépenses ont un lien avec des politiques publiques, elles ne peuvent être considérées comme des dépenses d’intervention « classiques ». Ce sont en effet les montants totaux des crédits d’impôts – parties restituées et imputées – qui sont à considérer comme tels, et non la seule partie restituée dont le montant peut fluctuer en fonction du produit brut de l’imposition et des modalités d’imposition des crédits d’impôts ;

– à la gestion des produits de l’État – action n° 3 – qui regroupe diverses opérations telles que les admissions en non-valeur, intérêts moratoires, remises et annulations de majorations, remises de débets, versements au titre des conventions internationales.

Du fait de l’ensemble de ces éléments venant en déduction de leur montant, les recettes fiscales brutes sont, d’un point de vue budgétaire, dépourvues de signification et la compréhension des ressources passe par les seules recettes fiscales nettes, qui intègrent l’effet des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État. À titre d’exemple, le montant brut de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu à 186,6 milliards d’euros en 2012, ne fournit aucune indication sur le rendement de l’impôt, lequel correspond au montant net de l’imposition, soit 136,9 milliards d’euros prévus en 2012.

Pour ces raisons, il convient de privilégier, tant dans le corps de la loi de finances que dans la documentation budgétaire, la notion de recettes fiscales nettes.

En premier lieu, l’état A devrait fournir, à titre indicatif, pour chaque recette fiscale, son montant net des remboursements et dégrèvements y afférents. Dès lors que le montant brut y est conservé, il semble ne pas exister de risque d’entorse au principe de non-contraction prévu à l’alinéa 2 de l’article 6 de la loi organique. Un tel risque semble d’autant moins menaçant que l’objectif poursuivi par la proposition du Rapporteur spécial – une meilleure information du Parlement – est le même que celui justifiant le principe de non-contraction.

Une telle évolution serait porteuse d’une double amélioration. D’une part, il éviterait certaines confusions tendant à assimiler le produit brut de l’impôt à son rendement réel, alors qu’il peut exister une différence de plusieurs dizaines de milliards d’euros entre les deux montants. D’autre part, il permettrait de connaître bien plus aisément l’impact, sur le produit net de chacune des recettes fiscales, des amendements adoptés au cours de la discussion parlementaire et des éventuelles révisions de prévision par les lois de finances rectificative. Dans les deux cas, le Parlement constate des modifications du produit brut des impositions. En revanche, l’évolution du produit net est particulièrement difficile à suivre en raison du fait que l’information sur les remboursements et dégrèvements est souvent lacunaire, notamment lorsque leur montant est modifié en cours d’exercice par un collectif budgétaire qui n’est pas toujours accompagné de l’ensemble des commentaires utiles.

En second lieu, l’exposé des motifs des projets de loi de finances et la documentation budgétaire devraient systématiquement traiter des recettes fiscales nettes, à l’exclusion des recettes fiscales brutes. Un tel effort est très souvent réalisé dans les exposés des motifs des projets de loi de finances mais le tableau de synthèse qui les conclut porte uniquement sur les recettes brutes. À cet égard, il serait utile que ce tableau ne connaisse que le montant net des recettes fiscales et que, dans le cadre des projets de loi de finances rectificatives, il soit repris et modifié de façon à faciliter le suivi de l’évolution des recettes fiscales nettes.

Dans le cadre du présent projet de loi, le tome I de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens a été enrichi d’une mention du produit net des principales impositions. Une telle évolution est à saluer et permet une meilleure compréhension des recettes fiscales de l’État.

B.– UNE PRÉVISION 2012 EN LIGNE AVEC CELLE DES RECETTES FISCALES

Après 73,7 milliards d’euros en 2010 et 73,8 milliards d’euros prévus pour 2011, le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État atteindrait 74,6 milliards d’euros en 2012, soit une hausse de 4,4 % en ligne avec celle des recettes fiscales nettes.

Compte tenu du lien étroit entre remboursements et dégrèvements d’impôt d’État et recettes fiscales, la révision à la baisse de celles-ci ne serait pas sans effet sur le montant de ceux-là. Les variations qui seraient constatées pourraient être à la hausse – par exemple, de plus fortes restitutions d’acompte d’impôt sur les sociétés en raison d’une croissance du bénéfice fiscal 2011 moindre qu’escompté – ou à la baisse – par exemple, de moindres remboursements de crédits de TVA en lien avec un moindre dynamisme de cette imposition.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, après le pic de 2009 dû à de massives restitutions d’acompte d’impôt sur les sociétés et aux mesures fiscales de relance, la part des remboursements et dégrèvements d’impôt d’État dans les recettes fiscales brutes retrouverait son niveau d’avant-crise, à 20,8 %.

REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS D’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011 (e)

2012 (e)

Recettes fiscales brutes

351,4

357,3

325,9

343,5

339,4

358

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

67,5

76

93,9

73,7

73,8

74,6

Part des R&D d'impôt d'État dans les recettes fiscales brutes

19,2%

21,3%

28,8%

21,5%

21,7%

20,8%

 Pour 2011, la prévision révisée est fixée à 73,8 milliards d’euros. Elle ressort en hausse de 2,8 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale pour trois raisons principales.

En premier lieu, un versement de 900 millions d’euros, qui était initialement prévu pour 2010, serait finalement réalisé en 2011. Par un arrêt du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a statué sur les questions préjudicielles posées par le Conseil d'État dans l'affaire dite du « précompte mobilier ». Elle a considéré que l'octroi d'un avoir fiscal aux seules distributions réalisées par des filiales françaises, à l'exclusion de celles opérées par des filiales d'autres États membres, s'avérait contraire au droit communautaire. Il a, par ailleurs, jugé qu'il appartenait au contribuable de justifier qu'il remplissait les autres conditions auxquelles était subordonnée l'application de cet avantage.

Le Conseil d’État devrait rendre prochainement un arrêt sur cette affaire, qui conduira probablement l’État à verser les 900 millions d’euros dus. Cette dépense serait non récurrente et n’aurait plus d’impact en 2012.

En deuxième lieu, le montant des remboursements de crédits de TVA a été progressivement revu à la hausse par les différentes lois de finances rectificatives et par le révisé associé au présent projet de loi. Il s’établirait à 46,3 milliards d’euros, en hausse de 2,3 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale, en lien avec le dynamisme de l’imposition.

Enfin, la révision à la hausse de la partie restituée des crédits d’impôt sur les sociétés constituerait un dernier facteur. Ils s’établiraient à 2,9 milliards d’euros, contre 2 milliards d’euros initialement prévus, en raison de la faiblesse du produit de l’impôt, qui conduit à accroître les restitutions – même si le montant total des crédits d’impôt est conforme à la prévision.

 Pour 2012, la prévision s’établit à 74,6 milliards d’euros en hausse de 0,8 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2011. La prévision appelle plusieurs remarques.

En premier lieu, les mesures de réduction de dépenses fiscales porteraient leurs fruits, avec une diminution de l’ordre de 300 millions d’euros des restitutions de crédits d’impôt sur le revenu. Cette évolution serait principalement due aux mesures adoptées en loi de finances pour 2011 – réaménagement du crédit d’impôt en faveur du développement durable et « rabot ». Rappelons que l’économie totale générée par ces mesures est supérieure à l’impact que l’on constate sur le programme 200 puisque la partie imputée des crédits d’impôt serait également en diminution.

En deuxième lieu, du fait de la réforme de l’imposition du patrimoine adoptée en première loi de finances rectificative pour 2011, le montant du bouclier fiscal chuterait fortement, de 851 millions d’euros en 2011 à 162 millions d’euros en 2012.

Enfin, en lien avec le dynamisme anticipé de cette imposition, les remboursements de crédits de TVA poursuivraient leur hausse, de près de 3 milliards d’euros en 2012, pour atteindre 49,3 milliards d’euros.

C.– UNE MESURE INCOMPLÈTE DE LA PERFORMANCE

 Le dispositif de performance du programme 200, concentré sur les délais de traitement des demandes des usagers, pourrait être utilement complété en inscrivant, dans la stratégie du programme, des objectifs de la fiabilité et de régularité des opérations de remboursements et dégrèvements ainsi qu’à la lutte contre la fraude. De tels objectifs sont doublement justifiés.

D’une part, en mesurant la seule rapidité des opérations, la performance de la mission marche actuellement « sur une seule jambe ». Or, un tel objectif peut introduire un biais au détriment de la régularité et de la fiabilité.

D’autre part, les cibles des indicateurs actuels sont déterminées de telle manière qu’aucun progrès en terme de rapidité ne puisse être fixé. L’administration est en effet consciente du biais qu’introduit un indicateur unique de rapidité et vise ainsi à l’équilibrer par des objectifs peu ambitieux, pour ne pas sacrifier la régularité à la rapidité. La mise en place d’indicateurs de fiabilité permettrait d’évaluer précisément dans quelle mesure la rapidité peut être obstacle à la régularité et ainsi de pouvoir éventuellement relever les cibles des indicateurs actuels. Elle aurait été particulièrement utile dans le contexte du plan de relance, qui a prévu d’importantes restitutions dans des délais restreints, ce qui augmente les risques d’erreurs.

En réponse à une question du Rapporteur spécial, l’administration évoque l’hypothèse d’un renforcement du contrôle interne a posteriori portant sur la fiabilité des remboursements et dégrèvements effectués. Un indicateur fondé sur le résultat de ces contrôles internes pourrait, par exemple, mesurer l’atteinte de ce nouvel objectif qui serait fixé à l’administration fiscale.

Par ailleurs, la lutte contre la fraude pourrait également faire l’objet d’un objectif, car les remboursements de crédits de TVA peuvent donner lieu à des tentatives, par les contribuables, de percevoir des sommes indues.

L’administration oppose un double argument à une telle proposition. D’une part, elle estime que la lutte contre la fraude relève du programme 156 Gestion et contrôle des finances publiques et qu’il existerait un risque de stratégies concurrentes si le programme 200 comprenait un objectif de même nature. D’autre part, elle souligne le fait que l’évaluation de l’efficacité de la lutte contre la fraude est malaisée du fait de son importante composante qualitative. On peut toutefois noter que le programme 156 comporte un indicateur 4.1 mesurant la part des contrôles réprimant les fraudes les plus caractéristiques. Son application au cas particulier des remboursements de TVA pourrait être bienvenue à la condition que les éventuelles adaptations techniques qu’elle entraînerait ne soient pas trop coûteuses.

D’après les informations transmises au Rapporteur spécial, des indicateurs de contrôle de gestion, existants ou en cours de construction, pourraient correspondre à la demande ainsi formulée. Pour éviter une éventuelle surcharge de travail de l’administration, la mise en place des nouveaux indicateurs pourrait être compensée par la suppression de l’indicateur relatif à l’ancienneté des demandes de remboursement de crédits de TVA non imputable qui ont fait l’objet d’un remboursement dans un délai strictement supérieur à 30 jours. Un tel indicateur présente en effet un intérêt mineur dans la mesure où il porte sur une partie très marginale des remboursements effectués.

 Le tableau suivant récapitule les indicateurs de performance associés au programme.

INDICATEURS DE PERFORMANCE DE LA MISSION

Indicateur

2010

LFI 2011

Révisé 2011

LFI 2012

1.1 : Taux de demandes de remboursement de crédit de TVA non imputable et de restitutions d’IS remboursées dans un délai inférieur ou égal à 30 jours

91,5 %

80 %

80 %

80 %

1.2 : Ancienneté des demandes de remboursement de crédit de TVA non imputable qui ont fait l’objet d’un remboursement dans un délai strictement supérieur à 30 jours

60,45 jours

60 jours

60 jours

60 jours

1.3 : Taux de réclamations contentieuses en matière d’IR et de contribution à l’audiovisuel public traitées dans le délai d’un mois

97,2

96,2

96,2

96,3

Pour les raisons évoquées plus haut, la fixation de la cible de l’indicateur 1.1 semble trop basse compte tenu des résultats – de plus de 90 % – régulièrement obtenus dans le passé.

En ce qui concerne les indicateurs 1.2 et 1.3, le manque d’ambition des cibles – caractérisées par une absence de progrès par rapport aux performances passées – est justifié par l’administration par la nécessité d’équilibrer la rapidité avec la régularité. On constate que la mise en place d’indicateurs de régularité des opérations permettrait de résoudre cette contradiction et de fixer des objectifs ayant davantage de signification.

Il convient de noter que, pour les indicateurs 1.1 et 1.2, une distinction entre procédure courte de remboursement de crédits de TVA – procédure la plus courante – et procédure longue – utilisée en cas de suspicion de fraude – ferait sens. Toutefois, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, les systèmes informatiques ne permettraient pas de réaliser une telle séparation.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme. Valérie Pécresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, et de M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 4 novembre 2011 à 15 heures) (5) sur les missions Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Régimes sociaux et de retraites, Remboursements et dégrèvements et Provisions et sur les comptes d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État et Pensions, la commission des Finances examine les crédits de ces missions et comptes d’affectation spéciale.

Suivant l’avis favorable de M. Jean-Yves Cousin, Rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements sans modification.

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© Assemblée nationale

1 () C’est-à-dire des dépenses passées pour des raisons comptables et ne se traduisant pas par des sorties de trésorerie.

2 () Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005.

3 () L’industrie au sens large comprend les industries agricoles et alimentaires, les industries de biens de consommation, l’industrie automobile, l’industrie des biens d’équipement et l’industrie des biens intermédiaires.

4 () Il s’agit du crédit d’impôt pour les micro entreprises implantées en zone de restructuration de la défense.

5 () Voir le compte rendu de la réunion de la commission élargie du 4 novembre 2011, à 15 h, disponible sur le site Internet de l’Assemblée nationale  à l’adresse :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/commissions_elargies/cr/c015.asp et dans le rapport spécial de M. Thierry Carcenac (rapport n° 3805, annexe n° 23).