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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mardi 14 octobre 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 06

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Communication de Mme Michèle Tabarot, députée, sur son rapport au Premier ministre sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance 2

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 14 octobre 2008

La commission entend une communication de Mme Michèle Tabarot, députée, sur son rapport au Premier ministre sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance.

La séance est ouverte à dix-sept heures

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission

M. le président Pierre Méhaignerie. Il nous a semblé important d’aborder la question de l’accueil de la petite enfance avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), afin de savoir si l’on pouvait infléchir certaines positions.

Mme Michèle Tabarot. Le Premier ministre, M. François Fillon, ainsi que M. Xavier Bertrand et Mme Nadine Morano, ont bien voulu me confier une mission sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sujet passionnant qui correspond à une demande réelle de nos concitoyens.

Sur les 2,4 millions d’enfants de moins de trois ans, 1,4 million sont gardés par leurs parents ou par un membre de leur famille, et 1 million ont trouvé une place, soit dans une crèche collective (265 000) ou une crèche familiale (63 000), soit auprès d’une assistante maternelle agréée (690 000). Les efforts consentis sont importants – 7,5 milliards d’euros, soit 0,4 % du PIB – et placent la France en troisième position des pays de l’OCDE, derrière le Luxembourg et le Danemark.

La décentralisation a oublié de préciser les compétences dans ce domaine, si bien que les responsables – département, commune ou caisses d’allocations familiales (CAF) – ne sont pas toujours bien identifiés. Une clarification était nécessaire ; ce rapport a tenté d’y procéder.

Les études montrent que 25 % des parents gardant leur enfant le font par nécessité et non par choix. Sept parents sur dix avouent qu’ils auraient préféré se voir proposer une solution de garde plutôt que de recevoir une prestation financière.

La mission avait pour objectif d’analyser les différentes possibilités de développement des modes de garde, en conciliant au mieux la nécessité d’assurer la sécurité et l’épanouissement de l’enfant, l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et l’égalité entre les hommes et les femmes. Les solutions proposées devaient être innovantes et, pour l’État et les collectivités impliquées, d’un coût raisonnable.

Nous avons procédé à une cinquantaine d’auditions, aussi bien de représentants d’institutions que d’acteurs de terrain. L’analyse des politiques menées par une douzaine de pays européens et deux déplacements en Norvège et en Suède ont enrichi cette étude.

Il reste 320 000 places à créer sur le territoire. Les coûts sont connus : une place auprès d’une assistante maternelle agréée représente 7 500 euros, une place en crèche 10 000 euros, tandis que la garde à domicile revient à 25 000 euros. Il faut 4 700 euros pour accueillir à l’école maternelle – pendant 140 jours – un enfant de plus de deux ans. Le coût d’une place en jardin d’éveil a été évalué à 6 200 euros.

Notre approche se veut pragmatique. Nous proposons de créer avec la CNAF un site internet répertoriant toutes les offres de garde existantes et permettant notamment de simuler le coût restant à la charge des parents. Un numéro unique d’inscription permettrait de mieux évaluer le nombre d’enfants en attente, souvent inscrits dans plusieurs crèches à la fois, pour augmenter les chances de trouver une solution de garde.

Nous prônons un desserrement des normes, particulièrement rigides en France. Il serait ainsi souhaitable de rendre possible l’accueil en surnombre dans les crèches collectives, aujourd’hui dérogatoire mais peu utilisé par les services de protection maternelle et infantile (PMI) car il engage la responsabilité du président du conseil général. Il est également proposé de faire passer de 3 à 4 le nombre d’enfants confiés à une assistante maternelle – deux bébés et deux enfants en âge de marcher – étant entendu que cela se fait déjà de manière dérogatoire ou officieuse.

Les professions de la petite enfance n’étant pas suffisamment valorisées, il est important de se pencher sur la question des carrières. Ainsi, il faudrait rendre possible l’accès à un poste d’encadrement cinq ans après l’obtention d’un CAP petite enfance. Le panel de profils pouvant occuper un poste de direction pourrait être plus large.

D’ici à 2015, 80 000 assistantes maternelles devraient partir à la retraite. En 2005, des efforts ont été faits pour rendre la profession plus attractive, mais il est possible d’aller plus loin encore. Ainsi, nous proposons de créer des maisons d’assistantes maternelles, regroupant trois professionnelles, qui ne souhaitent plus recevoir les enfants à leur domicile parce que la structure de leur foyer a évolué ou parce que leur environnement ne le permet pas. Les locaux pourraient être mis à leur disposition par la commune, par une entreprise, ou loués par elles-mêmes. Enfin, elles continueraient de bénéficier des avantages fiscaux liés à l’accueil au domicile.

En 2000, 35 % des enfants entre deux et trois ans étaient scolarisés. Ils n’étaient plus que 20 % en 2007. Il existe plusieurs raisons à cela, notamment le fait que les enfants n’ont pas tous acquis la propreté à cet âge. Nous proposons donc de créer des jardins d’éveil pour les accueillir. Les locaux pourraient être ceux des écoles et des crèches existantes. L’encadrement serait assuré par des éducateurs pour jeunes enfants, à raison d’un adulte pour douze enfants – contre un adulte pour cinq enfants ne marchant pas ou un adulte pour huit enfants en âge de marcher en crèche. Ces jardins d’éveil présentent l’avantage d’être peu coûteux – 6 200 euros par enfant –, d’être rapides à mettre en place – les locaux existent déjà –, de libérer des places en crèche et de constituer une passerelle pour l’école maternelle.

M. le président Pierre Méhaignerie. Qui financera ces jardins d’éveil ?

Mme Michèle Tabarot. Nous proposons que le financement soit prélevé sur l’excédent de la branche famille.

M. le président Pierre Méhaignerie. Quel sera le rapport entre les collectivités locales et la CAF ?

Mme Michèle Tabarot. Cela reste à définir, comme le rapport avec le ministère de l’éducation nationale, qui a accepté le principe des jardins d’éveil.

Nous proposons également d’ouvrir ces structures aux personnes âgées de plus de soixante ans, dans le cadre du cumul emploi-retraite. En plus de l’intérêt relationnel, cela permettra de fournir un renfort de personnel apprécié, notamment durant la période sensible de mars-juin.

Le complément de libre choix d’activité, qui permet de garder son enfant pendant trois ans, s’est révélé une trappe à inactivité pour de nombreuses femmes. À l’instar de l’Islande ou de l’Allemagne, nous proposons de limiter le congé parental à un an – congé maternité inclus – et de le compléter par un congé de deux mois, à prendre par le conjoint, ce qui permet d’impliquer les pères. Ce dispositif, mieux rémunéré – 67 % du salaire brut, plafonné à 1 800 euros – se rapprocherait de celui mis en place en Suède, pays où la majorité des parents s’occupent de leur enfant pendant sa première année et qui organise l’accueil de tous les enfants âgés de plus d’un an.

S’agissant des incitations financières, nous proposons de majorer de 10 % le complément de libre choix du mode de garde pour les personnes ayant opté pour la garde partagée à domicile. Il faut également aider les entreprises, prêtes à agir dans ce domaine, mais dont ce n’est pas le métier : un crédit d’impôt « crèche » pourrait leur permettre de bénéficier de prestations de conseil, de développer les places d’accueil dans leurs locaux et d’indemniser les frais de garde pour les employés travaillant en horaires décalés.

Tel est, résumé en quelques mots, le fruit d’un travail passionnant, mené sous le regard attentif de nos concitoyens et des professionnels, soucieux de voir évoluer leurs métiers.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il est certain que les excédents de la branche famille sont très convoités, notamment pour financer les majorations pour enfants des pensions mais il restera peut-être une petite marge pour financer des modes de garde innovants.

M. Denis Jacquat. Il existe une marge et par ailleurs nous savons que l’excédent de la branche famille va encore progresser.

M. Hervé Féron. En tant que rapporteur, dans le cadre de l’examen du PLFSS, de la branche famille, je crains que cet excédent ne soit consommé dès cette année par d’autres propositions.

S’agissant de la scolarisation des enfants de deux ans, vous avez évoqué la propreté. Cela ne permet en aucune façon d’expliquer la chute inquiétante du taux de scolarisation, passé depuis 2000 de 30 % à 21 %. Cette déscolarisation est en fait organisée : l’éducation nationale ne comptabilise pas les enfants de moins de trois ans présents dans une classe et ne crée pas de poste en conséquence, ce qui incite les directeurs d’école à refuser de façon quasi systématique les tout-petits.

Pourquoi avez-vous prévu de n’accueillir que les enfants entre deux et trois ans dans les jardins d’éveil alors que le problème de garde se pose dès la fin du congé maternité ?

Vous avez dit que les coûts seraient raisonnables, du fait notamment de l’existence de locaux. Mais les crèches, comme les écoles maternelles, sont occupées !

Par ailleurs, qui va payer, quel sera le rapport entre les communes et la CAF et que restera-t-il à la charge des familles ?

Vous avez évoqué un congé parental plus court. Les associations de familles que nous avons auditionnées sont opposées à la remise en cause du dispositif existant, car cela reviendrait à le remplacer par le traitement social du chômage.

Vous semble-t-il opportun de clarifier les compétences respectives du conseil général, des communes et des CAF ? N’est-il pas préférable de régler la question par la voie conventionnelle, ce qui permettrait une organisation différente selon les départements ? Est-il souhaitable de faire évoluer les missions du conseil général et des services de PMI ? Ne serait-il pas utile de créer un référentiel national pour harmoniser les pratiques de ces services, notamment en ce qui concerne les ouvertures de crèche et la délivrance des agréments des assistants maternels ? Enfin, ne faudrait-il pas faire évoluer les compétences des commissions départementales de l’accueil des jeunes enfants, les CDAJE ?

M. Bernard Perrut. Ce rapport nous renvoie à ce que nous vivons chaque jour sur le terrain : les efforts déployés dans le domaine de la politique familiale restent malgré tout insuffisants. Nous constatons une mauvaise répartition des modes de garde sur le territoire et des limites géographiques trop strictes, qui se limitent à celles de la commune. Pourquoi ne pas faire garder son enfant sur son lieu de travail ou sur le trajet entre le domicile et le travail ?

Les normes sont bien trop rigides – je pense notamment aux assistantes maternelles qui ne peuvent plus accueillir d’enfants supplémentaires en périscolaire. Par ailleurs, les professionnels de la petite enfance sont confrontés à une absence de mobilité et de carrière. En outre, les problèmes de logement ne sont pas sans conséquences : les personnes souhaitant accueillir des enfants à domicile devraient être prioritaires sur les listes des communes pour obtenir un logement social.

Enfin, vous n’avez pas évoqué une évolution très importante qui se fait jour, celle des micro-crèches créées par le secteur associatif ou par des entreprises privées.

Mme Michèle Tabarot. Le rapport y fait allusion.

M. Bernard Perrut. Elles représentent, je crois, une réponse tout à fait adaptée.

Il me semble également nécessaire de développer les relais d’assistantes maternelles – les RAM – qui permettent à ces personnes exerçant leur métier de manière isolée de se retrouver régulièrement, ce qui est bénéfique pour elles et pour les enfants.

Par ailleurs, il me paraît souhaitable de mieux adapter nos structures aux horaires de travail, en particulier à ceux des femmes, souvent décalés. Il faut faire en sorte que les entreprises s’impliquent, notamment en créant des places pour leur personnel dans les crèches communales.

Enfin, la composante intergénérationnelle est importante. Pourquoi réserver la garde d’enfants aux personnes jeunes ? Les retraités peuvent jouer un rôle important dans ce domaine.

Mme Françoise de Panafieu. Ce rapport touche à une question essentielle, dont dépend en grande partie la natalité de notre pays.

Je suis très sensible à l’idée des crèches d’entreprises car, si les entreprises – dont ce n’est pas le métier – se font aider, notamment par des sociétés dont c’est la spécialité, cela peut fonctionner. C’est le cas dans le XVIIe arrondissement de Paris, où une crèche d’entreprise de quarante lits a ouvert, réservant cinq lits pour la municipalité.

Quant aux jardins d’éveil, ils peuvent s’installer aussi en dehors des crèches ou des écoles. Mon arrondissement en compte deux, situés au rez-de-chaussée d’HLM et destinés à l’accueil d’enfants âgés de deux à six ans. Ils remportent un grand succès, aussi bien auprès des parents que des enfants, qui bénéficient d’un accueil pédagogique bien plus personnalisé qu’à l’école maternelle.

Je prône un assouplissement des horaires afin que les modes de garde puissent davantage correspondre à une nouvelle génération de métiers, notamment dans le tertiaire.

Ce qui est demandé pour l’aménagement des crèches est tout bonnement inimaginable. Il faut désormais des home cinémas et des jeux d’eau qui ressemblent à des piscines ! Il me semble pourtant possible de proposer un accueil correct sans tomber dans de tels excès qui grèvent les budgets. Cela me choque d’autant plus que, dans mon arrondissement, nous ne pouvons répondre qu’à une demande sur douze.

M. Georges Colombier. Je remercie notre collègue Michèle Tabarot pour son excellent travail.

Pour suivre au conseil général de l’Isère la délivrance des agréments par la PMI, je connais la sévérité des normes désormais exigées. Plus de souplesse serait nécessaire, de même qu’une uniformisation des normes entre collectivités.

Dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, certaines des propositions concrètes de ce rapport ont-elles quelque chance d’être reprises ? Le risque est en effet que, comme tant d’autres, ces intéressantes propositions ne demeurent lettre morte.

Mme Isabelle Vasseur. Je remercie à mon tour Mme Michèle Tabarot, même si je dois avouer la frustration qui est la nôtre de devoir travailler sur des rapports dont nous n’avons pas pu prendre connaissance préalablement.

L’offre quantitative et la diversité des modes de garde proposés pour les jeunes enfants est déterminante pour le taux de fécondité, pour lequel nous nous situons au premier rang en Europe. Une directive européenne visant à allonger la durée du congé de maternité est en préparation, qui devrait encore améliorer la situation. L’offre de garde est toutefois très mal répartie sur le territoire. Ainsi, dans l’un des cantons de ma circonscription, certaines assistantes maternelles manquent d’enfants à garder, quand dans un autre, des parents ne trouvent pas d’assistante maternelle pour leur enfant ! Il faudrait remédier à cette situation.

Une revalorisation de la profession d’assistante maternelle a été engagée. Il faut poursuivre dans cette voie, notamment sur le plan financier. Comme mes collègues, je suis effarée de la sévérité des normes imposées, parfois par nous-mêmes, législateurs ! Bien des jeunes mères qui pourraient être assistantes maternelles tout en gardant leurs propres enfants se voient refuser leur agrément pour non-respect de ces normes. Une harmonisation des exigences entre conseils généraux serait indispensable.

À quoi tient la disparité sur le territoire national dans les pourcentages de familles bénéficiant du CLCA, le complément de libre choix d’activité ? Comment cette prestation est-elle allouée ? Qui décide de son taux ? Le conseil général ? La CAF ?

Il faut développer les structures multi-accueil – relais d’assistantes maternelles, lieux d’accueil enfants-parents, haltes-garderies – en un même lieu, de façon à pouvoir proposer une palette de solutions de garde, adaptées aux besoins spécifiques de chaque famille.

Mme Pascale Gruny. Je félicite à mon tour notre collègue pour la conduite de cette mission très utile.

Je suis, pour ma part, toujours étonnée des difficultés que rencontrent encore mes jeunes collaboratrices – j’ai conservé une partie de mon activité professionnelle – pour faire garder leurs enfants. Force est de constater que la situation ne s’est pas beaucoup améliorée depuis les années 80, au cours desquelles j’ai eu mes propres enfants. Dans mon département, l’Aisne, nous manquons encore cruellement de places de crèches, vu le coût de ces structures. La diversification des modes de garde serait donc particulièrement bienvenue, pour que nous puissions répondre à toutes les demandes que nous recevons dans nos permanences. La création d’un site internet serait très utile, car nous-mêmes avons parfois du mal à orienter les parents.

Un assouplissement des normes est nécessaire. Dans nos secteurs ruraux, beaucoup de personnes gardent encore des enfants sans être agréées. Il faut à la fois garantir la sécurité indispensable et veiller à ne pas imposer de normes trop rigides ou inutiles.

Je suis très favorable à l’idée de développer les jardins d’éveil, qui me paraît l’une des principales innovations du rapport, et d’associer les seniors à leur fonctionnement. Pour avoir eu la chance d’être élevée auprès de mes grands-parents, je sais toute l’importance du lien avec ses grands-parents pour se construire dans la vie. Cette innovation permettrait sans doute de remédier, pour partie, au manque de racines dont souffrent tant de nos jeunes.

Pour ce qui est du congé parental, dont je pense moi aussi qu’il devrait être à la fois plus court et mieux rémunéré, je m’interroge sur l’accueil qui sera réservé dans les entreprises aux salariés hommes qui le prendront. Le congé de paternité n’y est déjà souvent pas vu d’un très bon œil. Cela pose évidemment des problèmes d’organisation, mais que les hommes soient plus nombreux à prendre ce congé peut aussi contribuer à faire évoluer les mentalités. En effet, beaucoup d’employeurs sont réticents à embaucher des femmes au motif qu’elles risquent d’être moins disponibles du fait notamment des congés de maternité. Mais vu le ratio hommes-femmes dans certaines entreprises, en valeur absolue le nombre de jours de congé de paternité y est bien supérieur à celui de congé de maternité. Ces entreprises hésitent-elles pourtant à embaucher des hommes ?

Il faut aussi être attentif à ce que le coût de la garde restant à la charge des familles ne soit pas trop élevé et à ce que les horaires d’ouverture des structures soient adaptés aux horaires de travail, qui ont beaucoup évolué.

M. Jean-Luc Pérat. N’étant pas membre de cette commission, je n’ai pas lu le rapport mais, comme je suis maire depuis longtemps, le thème de l’accueil de la petite enfance m’intéresse tout particulièrement.

Je souhaiterais savoir si vous avez travaillé en liaison avec l’Association des maires de France (AMF). Dans mon département, le Nord, nous sommes très attentifs à la mise en place de lieux-passerelles, associant notamment les parents, permettant une préscolarisation des deux-trois ans. Un enseignant coûte en moyenne 30 000 à 35 000 euros pour 15 à 20 élèves, ce qui ramène le coût d’accueil par enfant de 1 500 à 2 000 euros. Cela mérite d’être pris en considération.

Les départements devraient s’impliquer davantage dans le développement de structures d’accueil où pourraient notamment se développer les liens intergénérationnels.

Mme Martine Pinville. Avez-vous évalué les possibilités concrètes de créations permises par la diversification des modes de garde envisagée ?

Un pilotage, dont l’échelon le plus pertinent reste à déterminer – départemental, intercommunal ou autre –, est indispensable sur un territoire assez vaste afin que les dispositifs proposés répondent parfaitement aux attentes.

S’agissant des offres de garde pour les parents ayant des horaires de travail décalés, là encore une approche locale s’impose pour que l’offre soit vraiment adaptée aux besoins. Ainsi, dans mon département, en Charente, nous n’avons presque pas de demandes à ce sujet.

Pour ce qui est de la profession d’assistante maternelle, il faut la professionnaliser et la structurer davantage. Les assistantes maternelles apprécient de travailler en crèche familiale où les procédures administratives leur sont facilitées.

M. le président Pierre Méhaignerie. Si nous avons demandé à Michèle Tabarot de venir nous faire cette communication, c’est bien pour passer des propositions du rapport à leur mise en œuvre concrète. Même si le contexte financier est difficile, trois progrès sont possibles rapidement.

Le premier consiste à alléger les normes.

Le deuxième est de développer les crèches d’entreprise, encore qu’il ne faille pas en sous-estimer le coût pour les entreprises. Si cela ne pose pas de problème au siège social d’un grand groupe international, il n’en va pas de même dans une entreprise de production industrielle, soumise à la compétition internationale, où les salariés travaillent souvent en 2×8. Négocions avec le Gouvernement pour que l’excédent de la branche famille soit cette année en partie utilisé pour financer de nouveaux progrès dans la politique familiale.

La troisième voie de progrès passe par la création des jardins d’éveil, qu’il faut trouver le moyen de financer. Les maires sont partants, souhaitant toutefois savoir ce qui restera exactement à la charge des communes.

Les horaires atypiques posent un vrai problème. Est-il bon de réveiller systématiquement un enfant à cinq heures du matin pour l’emmener à la crèche ? Il est possible que des assistantes maternelles se rendent au domicile des familles à ces heures si matinales mais le coût de ce dispositif est onéreux et atteint 19 euros de l’heure. Une étude a montré que sur les 60 familles qui, dans mon département, bénéficient de ce dispositif, les deux tiers, en particulier les familles monoparentales, ne pourraient pas travailler sans ce mode de garde innovant.

Il faudrait également rationaliser et unifier les aides à la personne qui, aujourd’hui, manquent de lisibilité tant les dispositifs sont nombreux, ce qui fait d’ailleurs perdre en efficacité et en justice. Des redéploiements s’imposent et ils sont possibles.

Quelques centaines de millions d’euros pourraient être dégagés pour conforter la politique familiale, laquelle a fait l’objet d’un engagement de la part du Président de la République. Même si nous n’avons pas à rougir par rapport à nos partenaires européens en ce domaine, 2009 doit être l’occasion d’un progrès supplémentaire.

Mme Michèle Tabarot. Nous avons cherché à clarifier les compétences entre acteurs, tout en veillant à laisser assez de souplesse. Celle-ci est en effet indispensable car les besoins et, partant, les réponses pertinentes, diffèrent selon les territoires. Il est bien entendu des secteurs où le département doit conserver cette compétence, d’autres au contraire où les structures intercommunales sont un échelon plus pertinent, d’autres encore où les communes sont assez importantes pour se saisir du problème. Dans mon département, par exemple, la PMI joue sans doute un rôle trop important en amont et n’intervient pas assez en aval.

Nous avons donc proposé que les communes puissent, si elles le souhaitent, avoir compétence pour délivrer les agréments des assistantes maternelles ou valider l’ouverture d’une structure, la PMI assurant ensuite le contrôle nécessaire. Si nous souhaitons créer rapidement les 320 000 places nécessaires, il faudra de toute façon décharger certains acteurs d’une partie de leurs missions actuelles.

Je suis tout à fait favorable à l’élaboration d’un cahier des charges commun à tous les départements pour la délivrance des agréments. Les exigences diffèrent en effet aujourd’hui fortement de l’un à l’autre, voire d’un agent à un autre dans un même département. Les assistantes maternelles ont ainsi parfois le désagréable sentiment d’une inégalité de traitement. La mise au point d’un « référentiel » commun, connu de tous, les rassurerait.

La profession d’assistante maternelle a connu des avancées. Il faut poursuivre dans la voie de la professionnalisation et de l’encadrement. Leur regroupement dans des relais d’assistantes maternelles serait un moyen de leur ouvrir des horizons en leur faisant rencontrer des collègues tout en leur laissant l’entière responsabilité des enfants qui leur sont confiés, de faciliter leur évolution professionnelle et de leur offrir une perspective de carrière, notamment dans les nouvelles structures qu’il est proposé de créer. La validation des acquis professionnels est bien entendu déterminante pour susciter des vocations dans ce secteur et y fidéliser les personnes qui s’y seront engagées.

Pour ce qui est des crèches, en un an seules 11 000 places ont été créées. Il importe donc élargir la palette de solutions proposées pour répondre assez vite à la demande de nos concitoyens.

Il faut distinguer les jardins d’éveil, qu’il est proposé de créer, des jardins d’enfants qui existent actuellement, où un adulte peut s’occuper de quinze enfants mais où n’est pas vraiment mis l’accent sur les aspects pédagogiques. Nous proposons au contraire que ces aspects priment dans les futurs jardins d’éveil. Ceux-ci pourront être ouverts dans une école ou une crèche, dont une aile pourrait être spécifiquement réservée aux deux-trois ans, pour lesquels l’encadrement requis est moindre que pour les trois mois-deux ans, ou encore au rez-de-chaussée d’un immeuble, un accord pouvant être passé avec un bailleur social.

C’est volontairement que nous n’avons pas défini de modèle type du jardin d’éveil, afin de laisser toute la souplesse nécessaire pour pouvoir en créer rapidement en nombre. Nous laissons de même une large latitude pour la direction de ces structures. Les directeurs d’école pourront, s’ils le souhaitent, diriger un jardin d’éveil si celui-ci est situé dans une école.

M. le président Pierre Méhaignerie. Est-ce possible sur le plan juridique ?

Mme Michèle Tabarot. Oui, nous en avons discuté avec le ministère de l’éducation nationale.

M. Hervé Féron. Je ne pense pas quant à moi que ce soit juridiquement possible. Aujourd’hui, dans un même groupe scolaire où une école maternelle manque de place et une école élémentaire a des salles disponibles, la première ne peut utiliser les salles de la seconde, pour des raisons juridiques tenant à la responsabilité du directeur.

Mme Michèle Tabarot. Aujourd’hui, certains directeurs d’école volontaires assurent la direction du centre de loisirs périscolaire de leur école, et cela ne pose pas de problème juridique.

S’agissant des dispositions qui pourraient être mises en œuvre dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, on retrouve le complément de garde majoré pour les familles travaillant en horaires atypiques – c’est l’article 71 –, la possibilité pour les assistantes maternelles de garder au maximum quatre enfants, et non pas trois – article 72, alinéa 1 – et, à titre expérimental, de garder des enfants hors de leur domicile dans le cadre d’un regroupement d’assistantes maternelles – article 72, alinéa 3.

M. Hervé Féron. Pourriez-vous d’ailleurs préciser les dispositions de l’article 72 ? Rien n’y est dit, par exemple, du nombre maximal d’assistantes maternelles pouvant se regrouper, et donc d’enfants pouvant être gardés ensemble.

Mme Michèle Tabarot. Notre idée, que nous pourrons préciser dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est que trois assistantes maternelles agréées puissent se regrouper au sein d’un même local, soit mis à leur disposition par une commune ou une entreprise, soit loué par elles-mêmes après qu’elles se seront organisées en association. Elles conserveraient bien sûr leur statut et les avantages, notamment fiscaux, qui y sont attachés.

M. le président Pierre Méhaignerie. Dans le cas d’une crèche d’entreprise ou inter-entreprises, le coût résiduel pour l’entreprise oscille entre 1 200 et 2 000 euros. Quel serait le montant acceptable pour que ce type de crèches se développe véritablement ?

Mme Michèle Tabarot. Il est difficile de répondre. Les entreprises ont parfois été à l’initiative de projets qui sont, par la suite, devenus associatifs. Elles les ont parfois menés en association avec des collectivités. Une grande entreprise a parfois lancé un projet auquel se sont ensuite greffées des PME qui ont réservé quelques places pour les enfants de leurs salariés. Je crois personnellement beaucoup dans le développement de ces structures, au-delà de tout ce qui pourra être fait par les collectivités.

Ce qui a nous guidés dans toute notre démarche, c’est bien entendu l’intérêt de l’enfant et le souci de l’égalité professionnelle ; mais c’est aussi le fait que l’arrivée d’un enfant doit être un heureux événement et non le début d’une galère…

M. le président Pierre Méhaignerie. …et que les solutions proposées soient d’un coût moindre pour la collectivité.

Mme Michèle Tabarot. Tout à fait.

M. Bernard Perrut. A-t-on recensé les hôpitaux qui possèdent une crèche ? Ils ne sont pas aussi nombreux que cela, bien que leurs personnels aient des horaires atypiques. Alors qu’on s’apprête à demander beaucoup aux entreprises privées, il faudrait que les établissements publics, à l’instar des collectivités, développent eux aussi une véritable politique d’accueil de la petite enfance et donnent l’exemple.

M. le président Pierre Méhaignerie. N’oublions pas que beaucoup d’hôpitaux sont en déficit !

Mme Françoise de Panafieu. Le taux d’absentéisme des salariés, notamment des femmes, milite pour la création de crèches d’entreprises car il a été clairement établi que, là où existe une crèche d’entreprise, ce taux diminue.

Mme Michèle Tabarot. Pour ce qui est du congé parental, il est vrai que cela peut poser un problème qu’un salarié s’absente durant plusieurs mois de son entreprise, mais que le congé puisse être partagé entre les deux parents nous a paru très positif pour les enfants.

Nous avons prévu d’instituer un entretien obligatoire entre le salarié, homme ou femme, et son employeur pour lui annoncer l’arrivée d’un enfant au foyer, qui exigera des adaptations pour concilier au mieux vie familiale et vie professionnelle. Je rappelle que 70 % des pères se disent intéressés par ce congé – certes, il y a certes loin du discours aux actes. Mais en Allemagne, où un congé parental plus court mais mieux rémunéré a été mis en place depuis un an, 10 % de pères l’ont pris.

M. Hervé Féron. De nos échanges ressort que les besoins diffèrent fortement selon les territoires. Il faudrait donc identifier une autorité publique chargée de la planification et de l’organisation de l’offre d’accueil de la petite enfance, en partenariat avec les départements et les collectivités locales. Il faudrait notamment que les schémas départementaux d’accueil de la petite enfance, aujourd’hui facultatifs, soient rendus obligatoires et deviennent de véritables schémas directeurs permettant de garantir la cohérence territoriale indispensable.

Mme Michèle Tabarot. Nous n’avons pas souhaité que la CAF soit opérateur pour le compte des collectivités, afin de laisser à celles-ci toute liberté. Mais la CAF doit avoir cette vision d’ensemble, dresser l’état des lieux des besoins et des possibilités selon les territoires, en un mot jouer le rôle d’observatoire départemental de l’accueil de la petite enfance de façon à orienter utilement les parents, et organiser des rencontres entre tous les acteurs concernés.

Nous avons auditionné l’AMF. L’inquiétude était grande parmi les élus locaux, s’agissant notamment de la mise en œuvre d’un droit opposable à la garde d’enfant. Il est plutôt question ici d’un droit à l’accompagnement que d’un droit opposable.

Soyez pleinement rassurés : nous avons travaillé en étroite concertation avec les élus, au niveau national comme au niveau local. Ainsi, dans mon département, les Alpes-Maritimes, j’ai réuni tous les élus chargés de la petite enfance, les responsables de structure et les acteurs de terrain.

La séance est levée à dix-huit heures trente