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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mardi 13 janvier 2009

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 30

Présidence de M. Pierre Méhaignerie Président

– Examen de la proposition de loi relative aux recherches sur la personne (n° 1372) (M. Olivier Jardé, rapporteur) 2

– Information relative à la commission 7

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 13 janvier 2009

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine le rapport de M. Olivier Jardé sur la proposition de loi relative aux recherches sur la personne (n° 1372).

M. le président Pierre Méhaignerie. La proposition de loi que nous examinons donnera un socle juridique commun, donc plus simple, aux recherches sur la personne, qu’elle sécurisera. Elle sera examinée en séance publique, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Nouveau Centre, le jeudi 22 janvier à neuf heures trente.

M. Olivier Jardé, rapporteur. En 1988, la loi Huriet, première loi à réglementer la recherche biomédicale, a constitué une avancée de taille. Elle visait la recherche avec risques et mettait la personne, donc sa protection, au centre de la recherche clinique. Se sont ensuite succédé la directive européenne de 2001, la loi Kouchner sur les droits des malades de 2002, les deux lois de 2004 – l’une révisant les lois de bioéthique, l’autre relative à la politique de santé publique –, et la loi de 2006 consacrée à la recherche.

On peut distinguer trois niveaux de recherche : la recherche biomédicale, relativement lourde, avec utilisation de produits susceptibles d’entraîner des complications, voire la mort, comme ce fut le cas en Angleterre cet automne pour un jeune homme à la suite d’une insuffisance rénale ; la recherche interventionnelle quasiment sans risques, à laquelle je me suis personnellement beaucoup intéressé dans ma pratique de la chirurgie percutanée, qui évite de souffrir, mais à propos de laquelle j’ai été confronté à la complexité rédhibitoire des textes, au point que je n’ai pas pu publier mes travaux de recherche ; enfin, la recherche observationnelle, qui se développe beaucoup, et qui consiste à suivre dans le temps une population précise, par exemple pour évaluer l’incidence des comportements alimentaires sur l’obésité. Or, actuellement, seul le premier niveau est considéré comme de la recherche ; les deux autres, comportant pourtant peu ou pas de risques pour la personne, relèvent de règles beaucoup trop complexes.

C’est pourquoi je vous propose tout d’abord d’adopter un cadre unique, en conditionnant toute recherche à l’avis favorable du comité de protection des personnes. Je vous propose aussi d’inscrire dans la loi que, à l’instar de la greffe d’organe, le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale, afin d’encourager cette recherche – qui permet aussi de préserver des emplois qualifiés et de créer de la valeur ajoutée.

D’autre part, je vous propose de définir trois catégories de recherche, assorties de règles différenciées suivant le risque encouru par les personnes qui s’y prêtent.

Pour la recherche biomédicale, la loi Huriet continuera de s’appliquer, notamment en ce qui concerne l’autorisation de l’AFSSAPS.

En ce qui concerne la recherche interventionnelle ne comportant que des risques négligeables, qui relève en partie de la loi de santé publique de 2004, celle-ci doit absolument être étendue aux recommandations des sociétés savantes, qu’il est actuellement très difficile d’évaluer.

Quant à la recherche observationnelle, elle impose aujourd’hui un véritable parcours du combattant, avec pas moins de cinq dossiers différents à remplir – pour le comité de protection des personnes, pour l’agence régionale de l’hospitalisation, pour le ministère de la recherche, pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés et pour le Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé. Les contraintes sont telles que les recherches sont menées sans être déclarées, ce qui empêche toute publication ; c’est évidemment très regrettable. Les collections sont un autre problème : l’AP–HP en compte entre 600 et 900 qui ne sont pas déclarées, en raison des dispositions contradictoires figurant dans les deux lois de 2004, de santé publique de bioéthique ; pour être en règle, elle devrait constituer un dossier auprès du ministère de la recherche pour la déclaration de conservation et de préparation, mais également, auprès des CPP, un dossier sur le même sujet pour la totalité des collections ainsi qu’un autre contenant le recueil des consentements pour chacune des collections. Comme on ne sait pas par où commencer, rien ne se fait, si bien que les collections ne sont pas utilisées, ce qui est fort dommageable.

La clarification viendrait du principe général d’autorisation par les CPP, assorti d’une gradation dans la forme du consentement en fonction du niveau de risques : en cas de risques importants, un consentement écrit serait recueilli ; les recherches interventionnelles ne comportant que des risques négligeables nécessiteraient, dans le cadre de la loi Kouchner, un « consentement libre et éclairé » ; enfin, les recherches observationnelles devraient obligatoirement faire l’objet d’une information, le patient restant libre de refuser de s’y soumettre.

Bref, il s’agit par ce texte de réaliser une simplification, par l’adoption d’un cadre unique qui fait obligation de passer devant les CPP, tout en distinguant trois niveaux de recherche qui conditionnent la forme du consentement.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous plongez dans l’embarras ! Il s’agit d’un texte important, et même très important à la fois pour le droit des personnes et pour la recherche. Il met en jeu la confiance qui doit exister entre la recherche ou le soin médical de très haut niveau et les patients, au moment même où certaines déclarations sur les erreurs médicales sont de nature à inquiéter nos compatriotes. Or nous travaillons de façon pour le moins précipitée. Certes, j’étais au courant de l’existence de cette proposition de loi et, sous réserve d’une relecture approfondie, je la crois utile et bonne. Mais nous n’avons pas eu le temps d’en parler au sein de notre groupe – et le 22, je serai au Haut conseil de l’assurance maladie. Nous n’avons pas non plus organisé d’auditions communes. En outre, cette proposition résulte d’un démembrement de la version initiale du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Franchement, et sans aucun esprit polémique, cette façon de procéder n’a rien de glorieux, au moment où l’opposition reçoit beaucoup de leçons sur la façon dont il faudrait travailler, et alors qu’il s’agit d’un texte fondamental.

M. Jean-Pierre Door. Je me réjouis que Jean-Marie Le Guen ne soit pas défavorable à un texte dont nous avons besoin depuis les premières lois de bioéthique. L’empilement législatif – loi Huriet, loi Kouchner, révision des lois de bioéthique, loi de santé publique – a gêné la recherche clinique française, longtemps classée parmi les plus innovantes. Les grands laboratoires sont obligés d’aller faire leurs essais à l’étranger, en Europe de l’Est ou en Asie. Mme Barré, prix Nobel de médecine, nous a relaté les difficultés auxquelles se heurtait la recherche pour effectuer des essais cliniques de vaccin, en particulier contre le sida. Ce texte apporte la simplification nécessaire en prévoyant un cadre unique, tout en renforçant la protection des personnes puisque l’avis favorable du CPP sera requis. Cela redonnera à notre recherche une ambition sur le territoire national – ce qui est important pour notre croissance, comme le Président de la République l’a rappelé. Les difficultés dont le Lancet a fait état à propos du Plavix montrent bien qu’il est urgent simplifier le système. Néanmoins, que pourra-t-on répondre à ceux qui nous demanderont pourquoi nous n’avons pas attendu la révision des lois de bioéthique ?

Mme Dominique Orliac. Ce texte, bien que je n’aie pas eu le temps d’en faire une analyse fine, me semble vraiment très pertinent et très utile. Il est important d’avancer dans ce domaine, même si je me pose la même question que Jean-Pierre Door.

Mme Catherine Lemorton. J’irai dans le même sens que mes collègues. Si ces dispositions étaient restées dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », nous aurions eu tout le temps d’auditionner les personnes concernées. La révision des lois de bioéthique aurait pu elle aussi nous fournir l’occasion de les examiner. Mais on nous demande de travailler dans l’urgence, et c’est bien dommage. Pour ma part, j’avais quelques idées sur le sujet et je regrette de ne pas avoir le temps d’auditionner certaines personnes. C’est un rendez-vous manqué.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je rejoins l’observation de principe de mes collègues, mais j’ai néanmoins plusieurs remarques à formuler.

Un : le fait d’affirmer que la « recherche sur la personne » est une «  priorité nationale » – article 1er, alinéa 4 – ne risque-t-il pas d’apparaître aux yeux des juristes comme une forme d’appropriation de l’individu par le corps social ?

Deux : je suis très surpris que la forme de l’accord de la personne soit définie en fonction du caractère, interventionnel ou non, de la recherche – les sanctions pénales étant ensuite, comme c’est normal, adaptées en conséquence. Les textes de référence en matière d’éthique médicale, qu’ils soient internationaux ou nationaux, font du « consentement éclairé » un principe quasi intangible, que les lois de bioéthique ont consacré. Pourquoi avoir suivi une démarche qui pourrait, au contraire, le fragiliser ? En médecine, le risque encouru ne se mesure-t-il pas essentiellement a posteriori ?

Trois : je ne comprends pas très bien l’alinéa 2 de l’article 3, évoquant la procédure à suivre non seulement pour obtenir le consentement éclairé, mais aussi pour, le cas échéant, recueillir l’opposition de la personne ; il me semble en effet que, lorsque le consentement éclairé est exigé, il va de soi que la personne a la possibilité de ne pas l’accorder.

Quatre : pourquoi l’alinéa 15 du même article supprime-t-il des dispositions concernant la conservation et la préparation de tissus humains, qui me paraissent protectrices des personnes ?

Cinq : pourquoi l’alinéa 2 de l’article 4 donne-t-il aux comités de protection des personnes la personnalité juridique de droit public ? Est-ce pour qu’ils puissent disposer d’un budget, ou pour une autre raison ?

Enfin, il me semble que ces CPP manquent de spécialistes, notamment de juristes.

M. le rapporteur. Leur composition a été revue et comprend des juristes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Alors je m’en réjouis.

M. le président Pierre Méhaignerie. Trouve-t-on, chez les membres de l’Union européenne, matière à asseoir cette réforme ?

M. le rapporteur. L’un des problèmes actuels est précisément que le droit français reconnaît la seule recherche biomédicale, alors que nos partenaires européens, de même que les États-Unis, distinguent trois niveaux, comme je propose de le faire.

Pourquoi ne pas avoir attendu la révision des lois de bioéthique ? C’est une excellente question, à laquelle je ferai la réponse suivante : la révision de 2004, la loi relative à la politique de santé publique, la directive européenne, la loi Kouchner, la loi de 2006 sur la recherche ont touché au sujet ; il paraissait nécessaire de simplifier et d’unifier le dispositif au sein d’un texte autonome et cohérent, au profit de la recherche française, qui souffre de cette complexité.

Faire de la recherche une priorité nationale, c’est une bonne chose. La personne reste au cœur du dispositif puisque l’accord des comités de protection des personnes sera obligatoire avant d’entamer des recherches, quel que soit leur niveau.

Quant au consentement, il sera toujours nécessaire mais prendra diverses formes. S’agissant par exemple de suivre le comportement alimentaire d’un groupe de personnes pendant dix ans, les personnes seront informées, et elles auront la possibilité de se soustraire à l’observation. Actuellement, les gens ne sont même pas informés qu’ils font partie d’un groupe d’observation.

S’agissant des collections, les lois de bioéthique issues de la révision de 2004 et la loi relative à la politique de santé publique, publiée la même année, sont en opposition. Aujourd’hui, l’AP-HP doit déclarer ses collections à la fois au ministère de la recherche et aux CPP pour leur conservation et leur préparation par les laboratoires, mais aussi chaque collection avec son protocole et ses consentements. Personne ne sachant par quoi commencer, rien ne se fait. À quoi bon une déclaration globale aux CPP s’ils ont à connaître de toute recherche sur une collection particulière ?

Enfin, la composition des CPP a été modifiée. Ils comportent dorénavant 50 % de médecins, et parmi les autres membres, qui sont notamment des représentants des associations, figure au moins un juriste.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je reviendrai sans doute en séance sur la question de la priorité nationale car je m’interroge sur la portée symbolique de la formulation retenue.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait qu’en l’état actuel du droit, tout protocole ou toute étude requiert un consentement préalable de la personne concernée. Ce principe, qui remonte au code de Nuremberg, n’est-il pas fragilisé par la gradation du consentement en fonction de ce qu’on estime être le risque de l’expérimentation ? Poser cette question ne signifie évidemment pas que je sois contre l’information des personnes !

M. le rapporteur. Concernant la recherche biomédicale – avec risques –, rien ne change ; la loi Huriet continue de s’appliquer. Il s’agit simplement de tenir compte du développement depuis vingt ans de la recherche interventionnelle ne comportant que des risques négligeables et de la recherche observationnelle.

M. Jean-Pierre Door. Il faut se recentrer sur la recherche biomédicale en France. Notre pays a longtemps été le premier dans ce domaine, mais il s’est laissé distancer parce que les essais cliniques ont été transférés à l’Est – en Hongrie, en Roumanie ou encore en Russie – et en Asie – en Inde, en Chine, en Indonésie. Les grands chercheurs se plaignent des formalités qu’ils doivent accomplir. À cause de l’empilement des textes, il leur faut plusieurs années avant d’obtenir l’autorisation de lancer leurs essais cliniques. En simplifiant radicalement les procédures, ce texte remettrait du carburant dans le moteur des laboratoires qui veulent faire de la recherche en France, tout en conservant les règles des lois Huriet et Kouchner. Il faudra lutter contre les résistances administratives, mais la recherche en sortira gagnante.

M. le rapporteur. Ce texte vise la recherche interventionnelle ne comportant que des risques négligeables et la recherche observationnelle. Actuellement, ou bien cette dernière se fait sans être déclarée, ou bien elle est paralysée par la multiplicité des démarches administratives.

M. Pierre Morange. Je soutiens notre rapporteur, dont la proposition de loi est excellente. L’objectif, c’est bien de combler un vide réglementaire qui touche deux compartiments de la recherche. Ne pas voter ce texte, ce serait laisser perdurer une situation dont on ne peut se satisfaire. Pour le moment, la personne suivie dans le cadre de la recherche observationnelle n’est même pas informée, ce qui est en contradiction avec les principes de la loi de 2002 sur les droits des patients.

Par-delà la clarification et la simplification, le but est aussi l’harmonisation du droit au niveau européen.

Enfin, il n’y aucune contradiction avec les lois de bioéthique et la loi de santé publique dans la mesure où cette proposition aborde un domaine qui n’avait pas été traité, hormis le cas des collections.

Abstraction faite de nos méthodes de travail qui devraient s’améliorer avec la loi organique découlant de la réforme constitutionnelle, le dispositif proposé s’intègre harmonieusement aux réflexions approfondies qui présideront à la révision des lois de bioéthique.

M. le président Pierre Méhaignerie. Avant de passer à l’examen des amendements, je voudrais saluer l’arrivée dans notre commission de Mme Anne Grommerch, à qui je souhaite la bienvenue.

Article 1er : Création de trois catégories de recherches sur la personne dans un cadre législatif unique

La Commission adopte successivement dix-sept amendements du rapporteur, seize de nature rédactionnelle et un visant, dans un souci de clarification, à conserver la possibilité actuelle, dans le cas de certaines recherches interventionnelles sur des mineurs non émancipés, de ne recueillir l’accord que du seul titulaire de l’autorité parentale présent, tout en précisant que cette autorisation unique suffit pour les recherches comportant des risques négligeables et pour les recherches non interventionnelles.

Puis elle adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Définition des recherches interventionnelles à finalité non commerciale

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Simplification et mise en cohérence du régime d’autorisation et de déclaration des recherches utilisant des collections d’échantillons biologiques humains

La Commission adopte deux amendements du rapporteur, l’un de nature rédactionnelle, l’autre de cohérence, visant à supprimer la référence aux agences régionales de santé, les dispositions législatives relatives à celles-ci n’ayant pas encore été examinées par le Parlement.

Puis elle adopte l’article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Statut juridique et conditions de retrait d’agrément des comités de protection des personnes

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

La séance est levée à 17 heures 50.

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Information relative à la Commission

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné M. Olivier Jardé rapporteur sur la proposition de loi relative aux recherches sur la personne (n° 1372).