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Commission des affaires étrangères

Mercredi 19 septembre 2007

Séance de 11 h 30

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Application de l’article 65 de la convention sur les brevets européens (protocole de Londres) (n° 151) – M. Henri Plagnol, rapporteur.

– Accord France-Canada champs d’hydrocarbures transfrontaliers (n° 118) – M. Gérard Voisin, rapporteur

Application de l’article 65 de la convention sur les brevets européens (protocole de Londres)

La commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Plagnol, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord sur l’application de l’article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 (n° 151).

M. Henri Plagnol, rapporteur, a présenté les enjeux de la ratification du protocole de Londres, précisant qu’il avait travaillé sans a priori, dans un esprit d’ouverture, en auditionnant tant les partisans que les adversaires de ce texte.

Il a tout d’abord déclaré que l’élargissement à 32 Etats membres de l’Organisation européenne des brevets avait provoqué une augmentation sensible du nombre des langues puisque le brevet européen se déploie dans une aire géographique qui compte 23 langues différentes. Parmi elles, trois disposent d’un statut privilégié de langues officielles de l’Office européen des brevets (OEB) : l’allemand, l’anglais et le français. Pour que l’augmentation du nombre d’Etats n’ait pas pour effet de diminuer l’attractivité du brevet européen – ce qui représente un enjeu économique essentiel – l’Accord de Londres vise à instaurer un régime linguistique fondé sur une limitation des exigences de traduction.

M. Henri Plagnol a alors rappelé les principales étapes de la délivrance d’un brevet européen :

– Premièrement, le dépôt d’une demande de brevet européen, qui doit obligatoirement s’effectuer dans l’une des trois langues officielles de l’OEB. C’est la première phase de la procédure susceptible d’aboutir à la délivrance d’un brevet. Toute demande de brevet européen doit comporter des revendications, une description et, le cas échéant, des dessins. Ces trois éléments composent ce qu’ont appelle le fascicule du brevet. Les revendications (en général 3 à 4 pages) définissent l’objet de la protection demandée et déterminent l’étendue de la protection juridique, selon les termes mêmes du Code de la propriété intellectuelle. Quant à la description (généralement 15 à 20 pages), elle expose l’état antérieur de la technique, le problème technique et la solution apportée. La description n’a pas de valeur juridique par elle-même. Le rapporteur a indiqué que moins de 6% des demandes des brevets européens étaient déposées en français, contre environ 25 % en allemand et 70 % en anglais.

– Deuxièmement, la publication de la demande, qui s’effectue dans un délai de 18 mois après son dépôt. C’est cette publication qui est déterminante pour effectuer une veille technologique. La publication de la demande intervient dans la langue du dépôt.

– Troisièmement, la délivrance du brevet, qui n’intervient que trois à quatre ans après la première publication de la demande. Au stade de la délivrance, les revendications du brevet (qui définissent l’étendue de la protection conférée) doivent obligatoirement être disponibles dans chacune des trois langues officielles de l’OEB, à savoir l’allemand, l’anglais et le français.

– Quatrièmement, la validation du brevet délivré, dans les Etats désignés par son titulaire. La validation consiste à faire en sorte qu’un brevet délivré par l’OEB produise des effets juridiques dans chacun des Etats désignés par le breveté. Dans l’état actuel du droit, cette validation implique le dépôt auprès de l’office national de la propriété industrielle de chacun des Etats désignés et la traduction intégrale – revendications et description – dans une langue officielle de cet Etat. Ainsi, pour être valable en France, un brevet européen doit être intégralement traduit en français.

M. Henri Plagnol a insisté sur le fait que c’est à ce dernier stade de la validation, et seulement à ce stade, qu’intervient le protocole de Londres qui confirme l’obligation de traduction des revendications dans les trois langues officielles de l’OEB (donc le français) mais exonère le titulaire du brevet d’une traduction la description. Cela signifie qu’un brevet partiellement traduit pourra être valable en France. Toutefois, en cas de litige (on recense environ 300 cas chaque année dans notre pays), une traduction de l’intégralité du fascicule du brevet reste exigée.

M. Henri Plagnol a alors mentionné le caractère facultatif du protocole de Londres puisque seulement 13 Etats sur les 32 que compte l’OEB l’ont signé. Son entrée en vigueur est soumise à la ratification par au moins 8 Etats membres dont les trois pays enregistrant le plus grand nombre de brevets européens, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En conséquences, notre pays dispose d’un pouvoir de blocage et l’entrée en vigueur du Protocole de Londres est actuellement suspendue à sa ratification par la France.

M. Henri Plagnol a alors détaillé les principaux enjeux d’une ratification par la France.

– S’agissant tout d’abord de l’enjeu juridique, il a évoqué l’argument avancé par les adversaires de l’accord qui l’estiment contraire à l’article 2 de la Constitution française selon lequel « la langue de la République est le français ». Or cet argument a été rejeté tant par le Conseil d’Etat, dans son avis du 24 septembre 2000, que par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 28 septembre 2006, levant ainsi toute ambiguïté sur la conformité du Protocole de Londres à la Constitution française.

– Évoquant l’enjeu linguistique, le rapporteur a fait part des inquiétudes légitimes exprimées par des personnalités éminentes. Mais il a considéré que placer le débat sur le terrain de la francophonie n’était pas à propos. En effet, qui peut raisonnablement prétendre que le rayonnement de la langue française passe par la traduction obligatoire de milliers de pages de descriptions de brevets européens qui ne sont consultées que pour 2 % d’entre elles ? Le débat sur le statut du français comme langue de la science et de la technologie se situe en réalité ailleurs. Il a indiqué que l’Office européen des brevets tenait à jour, en français, un registre des termes techniques qui comporte plus de 150 000 mots. Il y a là un moyen formidable d’enrichir notre champ lexical au fur et à mesure des progrès et des innovations, mais à la condition que ces données soient diffusées et fassent l’objet d’une saisine officielle de la commission générale de terminologie et de néologie et de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. C’est ainsi que l’on fera vivre intelligemment la langue française, et non en s’obstinant à refuser un compromis avantageux pour notre langue. Car loin d’affaiblir le français, le protocole de Londres permet de pérenniser la position privilégiée de notre langue dans le domaine des brevets. Car à l’avenir, les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traduction, ce qui n’est pas possible actuellement. Il a alors mentionné la récente prise de position de l’OAPI (organisation africaine de la propriété industrielle) en faveur de la ratification, car l’accord de Londres facilitera l’accès au marché européen des brevets rédigés en français.

– Du point de vue économique, le rapporteur a fait par du soutien des entreprises à la ratification, comme en témoigne les prises de positions d’organisations représentatives comme le Medef et la CGPME. L’entrée en vigueur de l’Accord de Londres favorisera le dépôt de brevets par les entreprises françaises, et ce particulièrement pour les petites et moyennes entreprises pour lesquelles le coûts du brevet peut se révéler dissuasif. Il a jugé paradoxal que nombre d’opposants au protocole se fondent sur la menace qui pèserait sur les PME, alors les PME elles-mêmes plaident en faveur de la ratification. Sans entrer dans une querelle de chiffres, l’estimation des économies de coût de traduction varie selon les sources, entre 15 % et 45 %. La vérité est probablement entre les deux, autour de 30 %. Évoquant un éventuel « effet d’aubaine » pour les entreprises non européennes lié à l’abaissement du coût du brevet, le rapporteur a souligné que l’effet d’aubaine jouerait avant tout pour les entreprises européennes elles mêmes, et en particulier les PME ! En effet, de l’avis général des experts, les entreprises américaines, japonaises, coréennes, chinoises ou indiennes qui obtiennent des brevets européens sont très majoritairement des multinationales qui recherchent une protection au niveau mondial. Dans ce contexte, les coûts d'obtention du brevet européen ne sont pas leur première préoccupation. C’est pourquoi rejeter l'Accord de Londres au motif d'un effet d'aubaine pour les titulaires non-européens aboutirait en définitive à pénaliser les PME européennes. En outre, le dépôt de brevets par des entreprises étrangères est avant tout le signe de l’attractivité d’un territoire et notre croissance économique se nourrit des transferts de technologie.

– En ce qui concerne l’enjeu scientifique et technologique, la question qui se pose est celle de la veille effectuée par les entreprises, et en particulier du moment auquel intervient cette veille. Le bon sens commande, pour les entreprises qui veulent être innovantes et performantes, de rechercher une information le plus tôt possible, dès qu’elle est disponible, c’est-à-dire lors de la publication de la demande de brevet, et non au moment de la délivrance qui n’intervient que plusieurs années plus tard. Les statistiques étayent cette pratique puisque le taux de consultation des traductions des brevets délivrés est inférieur à 2 %. Il est un fait que les entreprises innovantes travaillent d’ores et déjà quotidiennement en trois langues et cela serait bien méconnaître le monde de l’entreprise que de prétendre le contraire. A cet égard, l’entrée en vigueur du protocole ne changera rien à la situation actuelle puisqu’il ne modifie le régime linguistique du brevet européen qu’au stade de sa délivrance. Beaucoup de progrès restent à faire pour aider les entreprises – notamment les PME – dans leur activité de veille technologique. Il a alors suggéré d’encourager la traduction des revendications dès la publication de la demande de brevet, c’est-à-dire dix-huit mois après le dépôt. A cet égard, le recours à des logiciels de traduction automatique fonctionnant avec des mots-clé pourrait se révéler efficace, à l’instar de qui se développe en Espagne. Il est également indispensable de développer en France une culture de la propriété industrielle, notamment dans les PME.

Les entreprises françaises investissent moins que leurs concurrentes étrangères en matière de R&D. Or il est avéré que le dépôt et l’exploitation d’un brevet par une PME se traduit dans les cinq ans par un triplement du chiffre d’affaires et, dans les petites structures, par un doublement des effectifs. L’entrée en vigueur du protocole de Londres est ainsi vivement souhaitée par les entreprises et par la communauté scientifique – notamment le CNRS, l’Académie des Sciences , l’Inserm – mais elle doit s’inscrire dans le cadre d’une politique plus globale de soutien à la recherche et à l’innovation. Le développement d’une culture de la propriété industrielle suppose également d’agir le plus en amont possible, au stade de la formation initiale, c’est-à-dire dans les écoles d’ingénieurs. De même, l’entrée en vigueur du protocole de Londres devrait s’accompagner d’une campagne de sensibilisation des entreprises aux nouvelles règles en vigueur.

– Évoquant les enjeux professionnels, le rapporteur a fait état des conséquences d’une ratification pour un certain nombre de professions dont il a auditionné des représentants. Il s’agit des traducteurs, des avocats et des conseils en propriété industrielle.

S’agissant des traducteurs, il a considéré que la ratification ne saurait intervenir sans l’adoption de mesures d’accompagnement pour les professionnels dont l’activité est directement tournée vers la traduction de brevets européens. Il faudrait réfléchir à favoriser la traduction et la diffusion des revendications par l’INPI dès le stade de la publication de la demande de brevet (et non plus seulement au stade de la délivrance du brevet). Dans ce cadre, l’INPI pourrait mettre à la disposition des ses clients que sont les entreprises une liste de traducteurs spécialisés dans les brevets. La mise en place d’un réseau de traduction des descriptions « à la demande » pourrait également être envisagée, avec le concours des traducteurs et conseils en propriété industrielle.

En ce qui concerne les avocats et les conseils en propriété industrielle, un consensus semble se dégager en faveur d’un rapprochement entre les deux professions. Ce rapprochement permettrait de renforcer la veille en matière de brevets grâce au développement de pôles de propriété industrielle. Ceci contribuerait à renforcer la culture de la propriété industrielle.

– Enfin, le rapporteur a souligné l’enjeu diplomatique de la ratification, rappelant que le protocole de Londres résultait d’une initiative française. S’il ne pouvait entrer en vigueur du fait d’un blocage par la France, il est probable que les Etats l’ayant déjà ratifié rechercheraient d'autres moyens d'arriver au même but, c’est-à-dire la simplification du brevet européen et la réduction de son coût. Rien ne leur interdit en effet de conclure entre eux un accord qui marginaliserait la position de la langue française. Nos partenaires allemands, qui ont bien compris l’enjeu pour le statut de leur langue, ont ratifié l’accord de Londres. En rejetant le protocole de Londres, la France s’isolerait alors même qu’elle pourrait se mettre en situation de relancer les négociations sur le brevet communautaire, dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne. La création d’un « brevet communautaire », distinct du « brevet européen », est un projet ancien dont la négociation se trouve cependant bloquée depuis trente ans en raison, notamment, de divergences entre les États membres sur le régime linguistique. L’entrée en vigueur du protocole de Londres ouvrirait enfin la voie à un règlement de la question linguistique du brevet communautaire, conforme aux intérêts français.

A l’issue de son exposé, le rapporteur a recommandé l’adoption du présent projet de loi.

M. Jacques Myard a déclaré qu’il s’opposerait résolument à la ratification de cet accord et s’est inscrit en faux à l’égard d’un certain nombre d’arguments développés par le rapporteur qui peuvent être aisément renversés :

– tout d’abord, s’il y a effectivement 23 langues officielles au sein de l’OEB, dans la pratique, la moyenne des brevets européens – et, en réalité, la quasi-totalité – est validée dans quatre ou cinq pays. Ainsi, en application d’une jurisprudence de la Cour européenne de Luxembourg, quand un brevet est déposé en Allemagne, en Grande-Bretagne ou encore en Italie, tout le système est bloqué. Dans ces conditions, la question de la multiplicité des langues est un faux problème en raison de la nature du fonctionnement des brevets dans l’espace européen, sanctionné par la Cour de justice ;

– ensuite, la question du coût du brevet ne relève pas d’un problème de traduction, comme cela a d’ailleurs été explicité par le Gouvernement dans un article de presse paru cet été. En réalité, si la France souffre d’un manque de brevets, c’est en raison de l’absence d’enseignement sur les règles de la propriété intellectuelle dans les écoles d’ingénieurs françaises, contrairement aux écoles américaines. En outre, les entreprises interrogées font souvent part d’un manque de confiance dans le système judiciaire français, en matière de contrefaçon ;

– en outre, la décision du Conseil constitutionnel qui a été évoquée repose sur des arguments qui ne sont guère convaincants. Elle assimile, en effet, le protocole à un acte sous seing privé alors qu’il porte sur les relations entre les individus et l’administration française et doit donc être considéré comme un acte public. Le code de la propriété industrielle confirme cette interprétation dans la mesure où il sanctionne pénalement le délit de contrefaçon ;

– par ailleurs, si seulement 2 % des brevets sont consultés à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), c’est parce qu’ils sont gérés par une administration obsolète qui n’est pas en mesure de les mettre en ligne. Il faut également relever que ces 2 % représentent tout de même 2.000 consultations par an ;

– l’argument selon lequel les entreprises sont favorables au protocole de Londres tient au fait que seules les grandes entreprises ont été consultées. Or, très souvent, ces entreprises déposent des brevets directement en anglais ;

– en ce qui concerne le coût de la traduction, il s’élève, en réalité, à 10%. Si l’on prend le cas d’un brevet valable pour 20 ans, son coût s’élève à 60.000 euros et les frais de traduction ne représentent que 6.000 euros. Autrement dit, les frais de traduction ne représentent pas un obstacle ;

– il est surprenant que le rapporteur n’ait pas mentionné le projet d’accord EPLA (« European Pattern Litigation Agreement ») ;

– d’une manière générale, les entreprises françaises risquent d’être fort pénalisées par l’entrée en vigueur du protocole. Ainsi, si une entreprise dépose un brevet en français et souhaite s’implanter en Irlande, elle est contrainte de le traduire car ce pays n’a pas ratifié le protocole de Londres. Si cette même entreprise souhaite étendre son brevet aux Etats-Unis, elle doit également le traduire. A l’inverse, les grandes multinationales américaines peuvent déposer à l’OEB un bouquet de brevets, sans obligation de traduction, ce qui introduit une réelle asymétrie dans la concurrence et constitue un avantage considérable pour ces dernières. Dans ces conditions, adopter le protocole de Londres relève d’un véritable « lavage des cervelles » ;

– s’agissant de l’OEB, il est décrit comme une institution rigoureuse. Mais, en réalité, il ne fait qu’engranger les redevances au fur et à mesure que des brevets sont déposés et mène donc une politique de « boutiquier » ;

– en matière de veille technologique, on peut effectivement faire l’effort de traduire un brevet relatif à un produit donné mais, comment une petite entreprise française peut-elle faire face à plus d’une dizaine de brevets déposés en langue allemande, par exemple ? Il s’agit d’un véritable obstacle à leur développement qu’il faut prendre en compte ;

– en ce qui concerne les professionnels, le rapporteur propose qu’une liste de traducteurs soit communiquée aux PME, ce qui revient à renverser la charge de la preuve dans la mesure où elles disposaient jusqu’à présent de brevets traduits. Par ailleurs, il est inexact de considérer que les descriptions ne font qu’illustrer les revendications. En réalité, elles commandent l’invention et leur traduction est vitale. Enfin, un réel problème d’accès au droit est soulevé dans la mesure où une entreprise peut se trouver condamnée pour contrefaçon alors même qu’elle n’était pas en mesure de savoir qu’elle se trouvait dans cette situation. Cet aspect a d’ailleurs été souligné par le barreau et contrevient aux dispositions de la convention européenne des droits de l’homme ;

– dans le domaine diplomatique, enfin, il est également inexact de considérer qu’une absence d’adoption du protocole par la France conduirait à l’isoler tout en mettant péril la langue française, qui demeure une langue officielle.

Récusant les arguments en faveur de l’adoption du protocole de Londres, il a conclu en jugeant ce texte néfaste aux intérêts français.

Se déclarant également défavorable au protocole, M. Pascal Clément a rappelé que son contenu faisait l’objet de discussions depuis plus de 7 ans et qu’aucun gouvernement n’avait souhaité son adoption, à l’exception du gouvernement actuel qui se fait l’écho des grands groupes. Lorsqu’il était ministre de la Justice, il s’était d’ailleurs opposé au texte et avait finalement obtenu gain de cause lors d’un arbitrage interministériel. Il a ajouté que l’adoption du protocole de Londres ne présentait aucun avantage pour la France. En réalité, si l’on veut encourager davantage de dépôts de brevets, il est tout fait possible de réduire le montant des taxes qui doivent être payées chaque année pour maintenir la validité du brevet. Dans la mesure où environ 27% des brevets sont déposés en allemand et près de 70% en anglais, la ratification du protocole annonce clairement la fin de partie pour notre pays.

Puis, M. Pascal Clément a jugé que le rapporteur ne prenait en compte que le point de vue du breveté qui attend effectivement une protection de l’extérieur. Or, un brevet s’applique également aux tiers, qui sont contraints de traduire, non pas les revendications mais la description d’un brevet, afin d’éviter de se retrouver en situation de contrefaçon. En outre, ces tiers sont très nombreux et il faut les prendre en compte. Quand on parle de 2% de consultation de l’INPI, cela représente 2.000 entreprises par an qui doivent engager des frais de traduction, très en amont, afin d’éviter d’être contrefacteur, ce que l’on peut facilement devenir sans le savoir. Il a ajouté que l’adoption du protocole faisait la part belle aux grandes entreprises du CAC 40 mais défavorisait les petites entreprises françaises. Au premier abord, le protocole semble permettre une économie des frais de traduction – d’environ 10% - mais c’est un calcul fallacieux sur la durée de vie d’un brevet : il ne permet donc aucune économie significative. Enfin, l’adoption de ce protocole sera calamiteuse pour la mémoire scientifique en langue française. En définitive, ce n’est pas un dépôt de brevets dans les trois langues qui sera, in fine, encouragé mais un dépôt dans l’une des trois langues qui prévaudra. Au regard des pourcentages actuels, le français sera marginalisé tandis qu’un formidable cadeau est offert à l’outre-atlantique.

M. François Loncle a estimé que le protocole de Londres soulevait plusieurs questions difficiles d’efficacité économique dans un contexte de mondialisation et de maintien de la diversité culturelle et linguistique. Au regard de ces enjeux, il a déploré que l’adoption du protocole fasse l’objet d’un examen en session extraordinaire, selon un calendrier très serré, alors qu’il aurait été nécessaire de disposer du temps nécessaire pour approfondir les conséquences possibles de ce texte (implications pour les PME, économie financière du dispositif notamment par rapport aux instituts de recherche, etc.). Il aurait également été souhaitable de connaître les raisons pour lesquelles 19 pays n’ont pas signé ce texte ainsi que sa compatibilité avec le dispositif envisagé pour la mise en place d’un brevet communautaire. Enfin, il aurait sans doute été nécessaire de s’intéresser aux raisons pour lesquelles si peu de brevets sont déposés en France. Dans ces conditions, il a indiqué que le groupe socialiste voterait contre la ratification du protocole de Londres par la France.

M. Claude Birraux a déclaré que, malgré un « lavage de cervelle », les arguments avancés le surprenaient au regard, notamment, des conclusions de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques qui indiquent que les PME sont favorables à l’adoption du protocole de Londres. D’autres organismes sont également en faveur de ce texte comme le CNRS, l’INSERM ou le CEA, autrement dit, la majorité des instituts de recherche en France. Il a, par ailleurs, rappelé les arguments de M. Christian Pierret, ministre dans le gouvernement de M. Lionel Jospin, en faveur du protocole. En premier lieu, celui-ci encourage les efforts de recherche et développement qui représentent un atout essentiel pour la compétitivité des entreprises. Or, 40 % des PME françaises renoncent au dépôt de brevets pour des raisons linguistiques, ce qui représente un handicap par rapport à des pays comme le Japon ou les Etats-Unis. En second lieu, si la France ne ratifie pas le protocole, la tendance observée à l’érosion de ses dépôts de brevets à l’OEB ne fera que s’accentuer. La situation actuelle, qui exige un délai de 18 mois en moyenne pour la traduction de brevets dans les trois langues, fragilise la position française. D’autres moyens doivent être mobilisés pour défendre l’usage de notre langue comme le développement des lycées français à l’étranger, la mise en place d’une télévision numérique et l’accueil d’étudiants étrangers dans notre pays. En troisième lieu, l’adoption du protocole favorisera la réduction du coût de la propriété intellectuelle. Or, c’est précisément en raison de ce coût élevé que 40% des entreprises françaises renoncent à déposer des brevets. Enfin, le protocole soulève de réels enjeux en matière d’intelligence économique dans un contexte de concurrence croissante à l’échelle mondiale. Dans la mesure où l’INPI traduit tous les brevets publiés par l’OEB, les entreprises françaises devraient être encouragées dans leur développement.

M. Pierre Lequiller a rappelé que la délégation pour l’Union européenne avait étudié le protocole de Londres en mai 2006 et que, à l’exception de M. Myard, tous les membres présents l’avaient approuvé. Les arguments avancés au nom de la défense de la langue française sont paradoxaux puisque la ratification du protocole permettra de graver dans le marbre le fait que le français, l’anglais et l’allemand sont les trois langues officielles des revendications des brevets, c’est-à-dire de ce qui en constitue l’essence. C’est justement parce que le protocole consolide le rang de ces trois langues – et donc du français – que des pays comme l’Italie ou l’Espagne, dont la langue ne fait pas partie des langues officielles, sont réticents à signer le protocole. Il serait très dommageable pour la France de se mettre en marge d’un processus qui la favorise.

Ce n’est pas à travers la description des brevets que l’on va défendre la langue française. Il y a bien d’autres voies plus efficaces pour ce faire. En revanche, c’est en ratifiant le protocole que l’on va favoriser le dépôt de brevets par les petites et moyennes entreprises et les chercheurs isolés pour lesquels les coûts de traduction posent problème. L’enjeu du protocole de Londres est dans la compétitivité des entreprises françaises pas dans la protection du français, protection à laquelle il contribue néanmoins en consolidant sa place de langue officielle.

M. François Rochebloine a indiqué avoir signé le recours introduit par M. Jacques Myard devant le Conseil constitutionnel pour des raisons linguistiques mais avoir changé de position depuis. Il a dit avoir pris conscience des avantages que le protocole de Londres constitue pour les petites et moyennes entreprises françaises. Le Nouveau Centre est en faveur de sa ratification, notamment parce que si celle-ci est refusée par la France, une solution nettement moins favorable aux intérêts français ne manquera pas d’être élaborée.

M. Rochebloine a néanmoins interrogé le rapporteur sur la différence de traitement entre les Etats que l’entrée en vigueur du protocole de Londres va instaurer : est-il exact que les Etats qui ne seront pas parties au protocole pourront continuer de conditionner la validité des brevets européens sur leur territoire à leur traduction intégrale dans leur langue nationale ?

Après avoir exprimé son accord avec M. François Loncle, M. Didier Mathus a souligné que l’enjeu ne se résumait pas à l’efficacité économique mais concernait la bataille mondiale actuellement en cours pour la propriété intellectuelle. L’adoption du protocole constituerait une première étape vers la disparition du français comme langue technique. Les raisons économiques alimentent le mouvement vers la généralisation du « globish » que la France ne doit pas contribuer à favoriser. De même que la communauté internationale protège son patrimoine naturel, elle doit entreprendre de protéger son patrimoine linguistique. Les actions volontaristes en faveur de la langue menées dans certains pays comme le Québec ont fait preuve de leur efficacité. L’usage de la langue française ne s’est-il pas généralisé dans notre pays à la suite de l’édit de Villers-Cotteret ! Les intérêts d’entreprises mondialisées ne sauraient primer sur la diversité linguistique.

M. Renaud Dutreil a estimé que l’efficacité économique ne pouvait pas être reléguée au second plan. La France manque d’entreprises à fort potentiel de croissance ; nos PME ont du mal à grandir. Des travaux d’économistes, parmi lesquels un récent rapport du Conseil analyse économique de MM. Jean-Paul Betbèze et Christian Saint-Étienne, ont mentionné le coût des brevets parmi les obstacles au développement des PME françaises. Toute notre croissance économique en dépend. De l’avis de tous les dirigeants d’entreprises « gazelles », c’est-à-dire dont la croissance annuelle dépasse 15 %, tout ce qui facilite le dépôt des brevets doit être mis en œuvre. Les entreprises françaises doivent accéder à la mondialisation même si c’est en anglais.

M. Jean-Claude Guibal a fait part de son indécision sur le protocole. L’économie ne saurait primer sur tout, tandis que de nombreux autres facteurs que le coût des brevets interviennent dans la bataille économique. Même si seulement 5 % des brevets européens sont actuellement déposés en français, il faut défendre la langue française comme langue scientifique et technique. Les arguments présentés par le rapporteur sont eux aussi très pertinents. Peut-il confirmer que toutes les revendications continueront à être traduites en français en application du protocole de Londres ? M. Jean-Claude Guibal a conclu qu’il s’abstiendrait sur le présent projet de loi.

Mme Henriette Martinez a rappelé que la défense de la langue française était une responsabilité partagée par tous les commissaires. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie, réunie du 30 juin au 3 juillet à Rabat, a adopté sur proposition de la commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles, une résolution contre le protocole de Londres. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie a ainsi rappelé que les exigences de traduction continueraient à exister pour les pays qui, comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou la Grèce, se sont d’ores et déjà opposés au Protocole de Londres. Cette Assemblée s’est dite convaincue que le Protocole de Londres représente un grand danger pour l’avenir de la langue française dans le domaine scientifique. Elle a considéré que le Protocole était contraire à l’impératif de défense de la diversité linguistique qu’elle a constamment affirmé et qu’il contredisait notamment la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée par l’UNESCO en octobre 2005. Demande a été faite aux Parlements membres de cette Assemblée parlementaire de sensibiliser leurs gouvernements sur les dangers d’un texte qui accentue le recul de la diversité linguistique en Europe.

L’Assemblée parlementaire de la francophonie a donc appelé tous les Parlements et les Gouvernements concernés à refuser la ratification du Protocole de Londres relatifs aux brevets européens.

M. André Schneider a indiqué que, bien que militant en faveur de la francophonie, il constatait qu’une division idéologique s’était créée sur un texte intervenant dans une matière qui devait être gouvernée par des objectifs essentiellement scientifiques. Or, d’un point de vue pragmatique, le développement des grandes entreprises françaises, que ce texte favorise, contribuera sans doute au développement de l’usage du français dans le monde.

Le Président Axel Poniatowski s’est prononcé en faveur de la ratification du Protocole pour deux raisons. D’abord, pour des raisons économiques. Cet accord aura pour conséquence d’augmenter le nombre de brevets déposés en France par les grandes entreprises. En effet, ces dernières allouant une somme annuelle à la gestion de leurs brevets, la diminution du coût de chaque dépôt permettra d’en obtenir davantage pour le même montant. Le Protocole de Londres devrait également augmenter le nombre de brevets déposés par les petites et moyennes entreprises, et donc aider à leur développement. Une étude menée par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises a montré un lien évident entre le dépôt de brevet et le développement de ce type d’entreprises, tant de leur chiffre d’affaires que du nombre de leurs emplois.

Par ailleurs, du point de vue linguistique, le rejet du Protocole de Londres risque de favoriser la création d’un mécanisme parallèle de brevets européens qui exclura le français.

M. Henri Plagnol, rapporteur, a rappelé que le débat se poursuivrait en séance publique. L’Espagne et l’Italie ont vu le nombre de brevets déposés sur leur territoire diminuer fortement depuis leurs refus de signer le Protocole de Londres, preuve de l’enjeu que ce texte représente. La ratification par la France permettra sans doute de faire évoluer les autres pays.

Il n’est pas exact de dire que la discussion est précipitée : le débat dure depuis sept ans, et de nombreux rapports officiels ont été publiés.

La place des concepts français dans les domaines scientifique et technique sera précisément garantie si la France défend le statut privilégié et envié au sein de l’Office européen des brevets que lui offre le Protocole de Londres. Le point crucial du débat est précisément l’obligation de traduire en français, en anglais et en allemand les revendications des brevets européens. Le rejet du protocole par la France aurait des conséquences négatives.

Le véritable enjeu pour les entreprises, qui disposent déjà de compétences linguistiques nombreuses, est la qualité de leur veille économique, scientifique et technique. Il est donc crucial d’aider les petites et moyennes entreprises françaises à assurer ces missions.

La qualité reconnue dans le monde entier du travail et du contrôle exercé par l’Institut national de la propriété intellectuelle et de l’Office européen des brevets rend illusoire les risques de dépôts massifs de brevets injustifiés.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 151).

Accord France-Canada champs d’hydrocarbures transfrontaliers

La commission a examiné, sur le rapport de M. Gérard Voisin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur l'exploration et l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers (n° 118).

M. Gérard Voisin, rapporteur, a estimé que le potentiel d’hydrocarbures dans le sous-sol au large du Canada et de Saint Pierre-et-Miquelon ainsi que la configuration particulière de cet espace maritime, liée à l’enclavement de la zone économique exclusive (ZEE) française dans les eaux canadiennes, justifient la signature d’un accord qui organise l’exploration et l’exploitation de futurs gisements communs.

L’accord vise, d’une part, à préciser les contraintes imposées par le caractère transfrontalier ou non d’une accumulation d’hydrocarbures et, d’autre part, à encadrer les accords qui devront être conclus pour chaque champ transfrontalier.

En contribuant à approfondir la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique, l’accord favorise non seulement le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon mais aussi des relations apaisées entre la France et le Canada.

L’histoire récente des relations franco-canadiennes a été marquée par plusieurs différends relatifs à l’Atlantique Nord. Les revendications françaises à l’égard du plateau continental ainsi que la contestation de la zone économique exclusive autour de l’archipel traduisent la concurrence entre les deux États côtiers sur les espaces maritimes qui les bordent.

Le contentieux opposant la France et le Canada après l’instauration en 1977 d’une zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait l’objet d’une décision du tribunal arbitral de New York le 10 juin 1992. Celle-ci reconnaît à Saint-Pierre-et-Miquelon le droit de disposer d’une zone économique de 12 400 km² et délimite avec précision une zone enclavée dans les eaux sous juridiction canadienne qui entoure l’archipel et comprend un étroit couloir au sud, lui ouvrant l’accès aux eaux internationales.

Depuis l’arbitrage, la délimitation de la ZEE française a fait l’objet d’une modification unilatérale de la part du Canada en 1996 ayant pour conséquence de priver Saint-Pierre-et-Miquelon de l’accès aux eaux internationales.

Aux termes de l’article 76 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les États côtiers peuvent étendre leur juridiction au-delà de la zone économique exclusive en fixant la limite de leur plateau continental.

En effet, le plateau continental comprend les fonds marins et leur sous-sol depuis le prolongement naturel du territoire terrestre de l’État jusqu’au re-bord externe de la marge continentale. Il s’étend au minimum jusqu’à 200 milles marins des lignes de base.

Lorsque la marge continentale s’étend au-delà des 200 milles, les États peuvent prétendre exercer leur juridiction soit jusqu’à 350 milles marins, soit jusqu’à 100 milles de l’isobathe 2500 mètres, en fonction de certains critères géologiques.

Afin de revendiquer cette extension, la France doit déposer, avant le mois de mai 2009, un dossier technique et juridique devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC), organisme dépendant des Nations unies. Il appartient ensuite à l’État demandeur de fixer la limite de son plateau continental sur la base des recommandations formulées par la CLPC.

Saint-Pierre-et-Miquelon figure sur la liste préparatoire en vue de la présentation d’une demande d’extension du plateau continental à laquelle l’archipel est particulièrement attaché. A cet égard, l’absence de contestation de la modification unilatérale opérée par le Canada en 1996 pourrait constituer un argument majeur en faveur d’une exploitation exclusive du plateau continental par le Canada.

Le recul des activités économiques liées à la pêche impose de diversifier les ressources économiques de l’archipel, l’exploitation des hydrocarbures présentant à cet égard un potentiel faiblement exploité jusqu’à présent.

Les premiers travaux d’exploration du bassin laurentien dont relève Saint-Pierre-et-Miquelon ont confirmé l’existence de structures susceptibles de recéler des hydrocarbures. Actuellement, seul un titre d’exploration est en cours de validité au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’accord franco-canadien constitue le socle d’une coopération nouvelle dans le domaine des hydrocarbures.

Bien qu’il n’en porte pas le nom, il s’apparente à un accord-cadre en ce qu’il prévoit la procédure permettant d’établir le caractère transfrontalier d’une accumulation d’hydrocarbures, d’une part, et les modalités ainsi que le contenu de futurs accords propres à chaque champ transfrontalier, d’autre part.

L’article 1er définit de nombreux termes techniques et juridiques indispensables à la mise en œuvre de l’accord.

Les champs d’hydrocarbures transfrontaliers désignent ainsi les accumulations transfrontalières « faisant l’objet d’un projet d’exploitation ou d’une exploitation des hydrocarbures à des fins commerciales », qui elles-mêmes correspondent à une accumulation souterraine d’hydrocarbures d’origine naturelle s’étendant de part et d’autre de la frontière maritime.

L’accord prévoit la procédure que les différentes parties doivent respecter en présence d’accumulation transfrontalière depuis sa découverte jusqu’au règlement des différends pouvant résulter de l’exploitation des hydrocarbures.

La procédure repose d’abord sur la communication de l’information (article 2) relative aux forages pouvant donner lieu à la découverte d’une accumulation transfrontalière (article 3).

Les annexes I et II déterminent les informations que chaque partie doit fournir à l’autre selon deux critères : la zone de forage et le caractère transfrontalier ou non de l’accumulation.

Lorsqu’un forage est réalisé à moins de dix milles marins de la frontière maritime, dans la mer territoriale ou la ZEE d’une des parties, celle-ci doit communiquer à l’autre partie les renseignements décrits dans l’annexe I.

Dès lors que l’exploitation des données recueillies permet de conclure à la présence d’une accumulation, elle doit être notifiée dans un délai maximal d’un an. Si la partie foreuse conclut au caractère non transfrontalier de l’accumulation, elle doit motiver cette affirmation par des éléments techniques.

Le groupe de travail technique peut être réuni pour examiner les données relatives au caractère transfrontalier, quelles que soient les conclusions qui en ont été tirées.

En cas de désaccord persistant, un expert peut être commis conformément à l’annexe III ; sa décision s’impose aux parties.

Lorsque l’existence d’une accumulation transfrontalière a été entérinée par les deux parties ou déterminée par un expert, chaque partie fournit à l’autre les informations décrites dans l’annexe II et relatives à la zone qu’elles auront délimitée ensemble.

Dès qu’un détenteur de titre minier a avisé l’une des parties de son intention de procéder à la production d’hydrocarbures dans l’accumulation, celle-ci doit notifier cette intention à l’autre partie sans délai et lui demander de conclure un accord d’exploitation à ce sujet.

L’exploitation de chaque champ transfrontalier nécessite donc la signature d’accords entre les parties française et canadienne ainsi qu’entre les détenteurs de titre minier.

L’accord d’exploitation (article 4), signé entre les parties française et canadienne dans les 180 jours suivant la notification du détenteur de titre minier, précède toute activité de production commerciale.

A la demande des parties, les détenteurs de titre minier concluent un accord d’union (article 5) qui comporte notamment des dispositions relatives à la mise en commun de leurs droits respectifs sur les ressources d’hydrocarbures et sur le partage des coûts et bénéfices liés à l’exploitation.

En vertu de l’article 9, le début de la production est suspendu à l’approbation par les parties d’un plan de développement et d’un plan de valorisation économique, proposés par l’exploitant unitaire et prévus respectivement par les annexes V et VI. Le plan de valorisation économique comprend notamment des dispositions de nature à garantir des retombées économiques favorables aux collectivités concernées.

L’exploitant unitaire présente également aux parties des propositions relatives à la détermination des réserves estimées d’hydrocarbures ainsi qu’à leur répartition afin de garantir une évaluation équitable et actualisée régulièrement des ressources.

L’article 14 rappelle les règles en matière de sauvetage en mer et soumet les éventuels déversements d’hydrocarbures à un plan d’urgence conjoint en cas de pollution en mer qui reste à conclure. La préoccupation environnementale est également prise en compte dans l’article 13. Les parties doivent ainsi veiller à ce que l’exploitation permette de « minimiser tout impact négatif significatif sur l’environnement marin ou côtier et tout dommage aux infrastructures se trouvant à terre ou en mer, aux navires ou aux engins de pêche ». L’article 15 précise le cadre fiscal dans lequel s’inscrira l’exploitation.

Un groupe de travail technique est chargé, à la demande des parties, d’examiner les questions techniques découlant de la mise en œuvre de l’accord, qu’il s’agisse du cadre géologique régional ou des plans de développement ou de valorisation économique.

Les différends portant sur la découverte d’une accumulation et la détermination des réserves sont soumis à un expert selon les règles prévues par l’annexe III tandis que ceux relatifs à l’accord d’exploitation et aux plans de développement et de valorisation économique font l’objet d’une procédure d’arbitrage conformément aux règles fixées par l’annexe IV.

L’article 21 précise enfin les modalités d’entrée en vigueur et de durée. Le Canada n’a pas à ce jour procédé à la ratification de l’accord.

En conclusion, le rapporteur s’est félicité de la signature de cet accord en espérant qu’il augure d’autres collaborations afin de favoriser le développement économique de l’archipel saint-pierrais-et-miquelonnais. Il a donc recommandé à la commission d’adopter le projet de loi autorisant son approbation.

M. Paul Giacobbi a rappelé que le tribunal arbitral avait précisé que sa décision sur la zone économique exclusive ne préjugeait nullement de la délimitation du plateau continental au-delà des 200 miles marins.

Il a relevé que le Canada avait fait valoir un argument unilatéral pour étendre depuis 1996 sa zone exclusive à au moins 300 milles marins des côtes de la Nouvelle-Ecosse. Le Canada se fonde en effet sur la loi sur les Océans de 1996 pour considérer que la ligne de base de ses eaux se situe non pas sur la côte de la Nouvelle-Ecosse mais sur un vaste haut fonds émergé, « Sable Island », situé approximativement à 100 milles marins de ladite côte.

Le Canada tire argument de cette affirmation scientifiquement contestable pour revendiquer une portion de plateau continental qui empiéterait sur la future demande d'extension du plateau continental français.

Si l’accord, en vertu de son article 19, ne peut porter atteinte aux droits des parties dans leur zone économique, son préambule pourrait être interprété comme une validation de la modification unilatérale opérée par le Canada

Alors que l’accord n’appelle pas de critiques particulières, il serait donc vital que la France réaffirme ses droits en contestant par une déclaration unilatérale appropriée la revendication du Canada relative à sa ligne de base. S’en abstenir ne laisserait qu’une alternative : renoncer par avance à toute extension de notre plateau continental ou entrer à nouveau dans une phase contentieuse préjudiciable aux bonnes relations franco-canadiennes.

Le président Axel Poniatowski a jugé cette remarque pertinente et a indiqué qu’il alerterait le gouvernement sur cette question dont il saisirait le ministre au nom de la commission.

M. Gérard Voisin, rapporteur, a précisé qu’il partageait entièrement cette préoccupation.

M. François Loncle a rappelé que la relation franco-canadienne était excellente, et s’est inquiété de ce que le Canada n’ait pas ratifié l’accord soumis à la commission.

M. Gérard Voisin, rapporteur, a indiqué que cette question n’avait pas encore reçu de réponse et qu’il convenait de veiller à la résolution de cette difficulté pour ne pas nuire à la relation entre ces deux pays.

Mme Annick Girardin a fait part à la commission de sa satisfaction de voir la revendication unilatérale canadienne de 1996 prise pour la première fois en compte dans des travaux parlementaires. Le dépôt par la France d’un dossier visant à l’extension de sa zone économique exclusive est un facteur essentiel de revitalisation de l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui s’est effondrée suite à l’arbitrage du 10 juin 1992, défavorable aux intérêts français.

Une prise de position officielle du gouvernement contre la revendication unilatérale canadienne et pour l’extension de la zone française, à l’occasion de la ratification de cet accord, est une étape cruciale de ce dossier, sans remettre en cause l’accord en question.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 118).

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