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Commission des affaires étrangères

Mardi 16 octobre 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » du projet de loi de finances pour 2008

Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » du projet de loi de finances pour 2008

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a remercié la commission d’avoir bien voulu tenir compte de ses contraintes d’emploi du temps pour organiser cette audition sur le projet de budget pour 2008 du Quai d’Orsay.

Avant de répondre aux questions des membres de la commission, il a souhaité donner des indications générales sur les principaux éléments du budget et aussi faire part de quelques réflexions plus personnelles sur l’outil diplomatique de la France et sur ses évolutions souhaitables.

Sans vouloir accabler la commission de chiffres – qui ont cependant leur importance –, il a évoqué la modestie de la part du budget consacré aux affaires étrangères dans le budget de l’État : 4,5 milliards d’euros en 2008, soit environ 1,5 % du budget de l’État, et 16 000 « équivalents temps plein ». Le Quai d’Orsay n’est donc pas un gros enjeu en masses budgétaires, même si on attend beaucoup –et même de plus en plus– de lui.

Les objectifs de M. Kouchner en préparant le présent budget ont été de trois ordres.

La première priorité est de remettre à niveau les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix.

La France est membre de plus de 150 organisations internationales. Elle prend en charge de l’ordre de 6 % du coût des opérations de maintien de la paix décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Son devoir est, bien évidemment, de vérifier qu’elle est en mesure de tenir son rang sur le plan international et d’acquitter les sommes qu’elle doit à l’ensemble de ces organisations. Comme la commission l’a très justement mis en avant, il y a un décalage, qui s’est accru ces dernières années, entre ce que coûte à la France sa participation à l’ensemble de ces institutions internationales et les crédits qui sont ouverts en loi de finances initiale. M. Kouchner a fait part de sa détermination et de celle du ministre du budget avec lequel cette question a été longuement débattue, de mettre strictement en concordance les crédits du ministère et ses besoins.

En 2008, il agira en ce sens : une mesure nouvelle de 40 millions d’euros est proposée à ce titre. C’est une étape importante dans ce mouvement de rattrapage. M. Kouchner souhaite, bien entendu, être en mesure, si possible dès le budget 2009, d’achever ce processus de remise à niveau. Il a précisé, à cet égard, que la question du financement par la France de l’opération de maintien de la paix au Darfour devra faire l’objet de décisions budgétaires en 2008 car personne ne sait à l’heure actuelle quel va être son coût, mais ce sera sans doute beaucoup plus que ce qui est évoqué.

La deuxième priorité est l’aide publique au développement puisqu’une partie importante du budget que la France lui consacre fait partie des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes.

La commission entendra demain M. Jean-Marie Bockel sur l’ensemble de la mission interministérielle « Aide publique au développement ». L’équation est connue : il faut à la fois viser l’objectif d’une aide publique représentant 0,7 % du revenu national tout en tenant compte des contraintes budgétaires. Le Président de la République et le Premier ministre ont décidé qu’en 2008, les crédits budgétaires en faveur de l’aide publique au développement seraient intégralement stabilisés. M. Kouchner considère, pour sa part, que les priorités de la France doivent aller clairement vers davantage d’aide bilatérale, plus visible sur le terrain et de nature à mieux accompagner sa relation politique avec les pays en développement.

M. Bernard Kouchner a précisé que cela n’était pas simple car, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, un ambassadeur qui déciderait de consacrer plus de crédits à une opération qui fonctionnerait bien aurait beaucoup de difficultés à le faire compte tenu de la verticalité des budgets. C’est un problème qu’il faudra aussi aborder.

Une autre priorité qui lui est chère est la santé, notamment et surtout en Afrique.

Il faut en particulier penser à l’effort que la France doit continuer à maintenir dans la lutte contre le sida. Elle a annoncé, lors de la Conférence de Berlin fin septembre, qu’elle contribuerait à hauteur de 900 millions d’euros sur les trois prochaines années en faveur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il paraît essentiel que la France puisse aussi engager dès 2008 une initiative en faveur de l’assurance-maladie dans les pays d’Afrique car ils ne pourront pas vivre éternellement de charité.

La troisième grande priorité du budget concerne les lycées français à l’étranger.

C’est un réseau incomparable, non seulement pour les Français qui vivent à l’étranger mais aussi pour les partenaires de la France puisque les lycées accueillent près de 55 % d’élèves étrangers, lesquels constitueront les élites francophones de demain. Durant la campagne présidentielle, le Président de la République avait pris à l’égard des Français de l’étranger un engagement sur la prise en charge des frais de scolarité pour les lycées français. Cette promesse sera mise en œuvre avec une première étape en 2008. Par ailleurs, M. Kouchner a été très sensibilisé à la nécessité d’une remise à niveau du parc immobilier des lycées français à l’étranger qui se dégrade. Cette action constituera une forte priorité en 2008 puisque le ministère y consacrera près de 30 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2007.

M. Bernard Kouchner a signalé à l’attention de la commission deux éléments du budget.

Premièrement, 2008 sera la dernière année d’exécution du contrat de modernisation qui a été passé par ses prédécesseurs avec le ministère des finances. Ce contrat porte surtout sur les moyens de fonctionnement du ministère et sur la programmation des réductions d’effectifs avec un retour des gains de productivité ainsi dégagés. C’est une bonne démarche et M. Kouchner compte, en accord avec M. Eric Woerth, proposer un nouveau contrat à l’échéance de celui-ci, qui donnera ainsi une plus grande prévisibilité aux moyens du ministère.

Deuxièmement, le ministre a évoqué les conséquences en 2008 de la création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Le ministère des affaires étrangères et européennes lui a transféré les crédits de codéveloppement, pour un montant de l’ordre de 25 millions d’euros –étant entendu que la politique d’aide au développement continue de relever intégralement de la responsabilité de M. Kouchner–, la subvention à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), compte tenu du changement de tutelle sur cet établissement public, et les personnels en charge, à Paris et à Nantes, des visas, même si le ministère des affaires étrangères et européennes continue à gérer ces agents pour le compte du nouveau ministère.

M. Bernard Kouchner a ensuite fait part de quelques réflexions personnelles sur les perspectives d’évolution de l’outil diplomatique français.

Il a reçu du Président de la République et du Premier ministre une lettre de mission qui lui fixe un certain nombre d’objectifs précis. Dans quelques jours, il réunira la commission du Livre blanc qui permettra d’éclairer, sous la présidence de MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, les priorités de l’action française et les missions de son appareil diplomatique, qui doivent être à l’évidence reformulées. Il a d’ailleurs souhaité que l’Assemblée puisse être représentée au sein de cette commission du Livre blanc.

Les deux chantiers de la « revue générale des politiques publiques » qui concernent la politique étrangère –celui sur l’action extérieure de l’État et celui sur l’aide publique au développement– permettront de mettre en œuvre les réorganisations qui semblent indispensables au moins dans quatre secteurs.

Le premier est le réseau français à l’étranger.

Il doit être beaucoup plus flexible et beaucoup plus interministériel. Il devra probablement être allégé dans certains pays, notamment en Europe, pour que la France tire enfin les conséquences de la construction européenne. Les chiffres sont en effet très parlants : chacun des quatre plus grands pays qui entourent la France accueille plus de 250 agents français expatriés, tous services de l’Etat confondus. Dans le même temps, au Soudan, où se développe, comme il est à espérer, malgré les assassinats qui ont eu lieu, l’opération hybride, il y a seulement trois agents diplomatiques. Il peut sembler facile de déplacer un des 250 agents de l’un des pays limitrophes de la France au Soudan. Or c’est impossible : d’abord, cela pose des problèmes familiaux, notamment pour la scolarité des enfants ; ensuite, les agents ne le souhaitent pas parce qu’ils ont l’impression d’y perdre en termes de carrière. Lorsqu’en Angleterre, le Foreign Office a besoin d’un technicien pour trois semaines, qu’il soit dans le public ou dans le privé, il peut faire appel à lui puis le rendre à son corps d’origine. Il faut parvenir à cela en France.

Bien entendu, ces agents ne dépendent pas tous du ministère des affaires étrangères. Parmi les 250, il y a des agents du ministère de la défense, du ministère des finances. Il faut considérer non seulement leur nombre, mais également l’harmonisation entre les différents secteurs.

Le deuxième secteur où une réorganisation semble nécessaire est celui des services consulaires.

A l’évidence, il faut aussi redéfinir les missions prioritaires de la France ainsi que le niveau de protection et de service qu’elle doit assurer pour les Français qui résident à l’étranger ou qui s’y rendent en déplacement. Il faut aussi, dans ce domaine, mettre les moyens à l’échelle européenne.

Le troisième secteur à réorganiser est l’action culturelle de la France à l’étranger.

Tout comme le rapporteur de la commission, M. François Rochebloine, M. Bernard Kouchner considère que c’est une composante essentielle de la diplomatie française et de son action politique. Là aussi, les réorganisations sont indispensables dans le sens de la souplesse, du redéploiement, de la modernisation de la diplomatie d’influence et de la capacité des institutions culturelles de la France à ne pas dépendre exclusivement du budget de l’État. Une réforme profonde de l’audiovisuel extérieur, à laquelle M. Kouchner travaille intensément, est en outre indispensable. Des décisions seront arrêtées d’ici à la fin de l’année.

Le quatrième secteur à réorganiser est l’immobilier à l’étranger.

M. Bernard Kouchner sait que c’est un dossier auquel s’intéressent la commission et son rapporteur pour avis, Mme Geneviève Colot. Des remises en ordre ont été engagées résolument ces derniers mois. Elles seront amplifiées. C’est un sujet sur lequel M. Kouchner compte s’investir personnellement. Il envisage en particulier de confier la gestion du patrimoine immobilier français à l’étranger à un opérateur extérieur, que le ministère contrôlera de très près. Les situations, les pays et les opérations sont tellement différents qu’une vision extérieure s’impose en fonction du marché et des possibilités de regroupement. Les Anglais l’ont fait et ils y ont gagné non seulement de la souplesse, mais également des disponibilités financières. M. Kouchner a également signalé à la commission l’importance que revêt à ses yeux le projet de regroupement des services du ministère des affaires étrangères et européennes à Paris sur les deux sites du Quai d’Orsay et de la rue de la Convention, sans oublier la construction en partenariat public-privé de son nouveau centre des archives à La Courneuve.

M. Bernard Kouchner a, enfin, précisé, que le budget de la présidence française de l’Union européenne sera rattaché au Premier ministre, car le secrétariat général est interministériel ; il s’élève à 190 millions d’euros. Malgré ce rattachement, le ministère des affaires étrangères et européennes aura une responsabilité éminente.

Le président Axel Poniatowski a d’abord posé une question sur l’organisation de l’appareil diplomatique de la France.

Le Conseil des affaires étrangères créé par le prédécesseur de M. Kouchner avait proposé la mise en place d’un « réseau unique arborescent », organisé autour d’ambassades régionales, d’ambassades de plein exercice et d’ambassades à gestion simplifiée, un lien hiérarchique pouvant être établi entre elles. Cette proposition va-t-elle être suivie d’effet ?

La commission a récemment discuté du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre la France et l’Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires. Des réticences ont été exprimées par la commission à ce sujet. Le président Axel Poniatowski, après avoir rappelé qu’il était personnellement très favorable à la généralisation des postes consulaires communs avec les partenaires européens, mais opposé à un rapprochement des postes diplomatiques comme des missions économiques, a demandé à M. Kouchner son sentiment à ce sujet.

M. le ministre a répondu qu’il a évoqué, avec le Conseil des affaires étrangères, il y a deux ou trois mois, la création d’ambassades régionales. Il y travaille dans la perspective du Livre blanc. Il a précisé que tout dépendait des régions. Il y a eu des tentatives d’ambassades franco-allemandes, comme à Oulan-Bator, où les ambassadeurs se succédaient auparavant tous les six mois. Le regroupement d’un certain nombre de postes doit être exploré, expérimenté et rapidement mis en place. Des ambassades communes franco-allemandes, dans les mêmes locaux, verront le jour en 2008 à Maputo et à Dacca.

Le réseau diplomatique français est tel dans les pays limitrophes de la France que l’on peut s’interroger sur son volume. L’organisation d’un réseau arborescent ne doit pas être faite dans les pays où les postes sont peu nombreux car ils ne coûtent pas cher. La suppression des 40 plus petites ambassades ne dégagerait que 1 % d’économie sur le budget du Quai d’Orsay.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis, a demandé un bilan de l’accord de modernisation conclu au printemps 2006 par le ministère des affaires étrangères avec le ministère du budget pour la période 2006-2008. Quelles améliorations M. Bernard Kouchner pense-t-il proposer pour un futur accord après 2008 ?

Dans le respect de ce contrat de modernisation du ministère, les effectifs de celui-ci devraient encore se réduire de 234 équivalents temps plein en 2008. M. Kouchner pense-t-il que ce mouvement pourra se faire sans suppression de postes diplomatiques ?

M. Jacques Myard s’est déclaré scandalisé qu’il soit prévu de supprimer encore 234 postes après la diminution des effectifs du ministère des affaires étrangères de 11 % depuis une dizaine d’années. A un moment où notre position internationale se détériore, réduire cet outil paraît tout à fait suicidaire. Il a souhaité connaître la nomenclature des postes supprimés. Il espère qu’il n’est pas prévu de remplacer des nationaux par des recrutés locaux.

Il s’est enquis du ratio entre action multilatérale et bilatérale. Le multilatéral est politiquement sans influence, car anonyme. Le bilatéral, par contre, doit, comme M. Kouchner l’a indiqué, être favorisé.

M. Jacques Myard a indiqué qu’il était en désaccord total avec le président de la commission sur les consulats communs. Ces derniers ne s’occupent pas simplement de problèmes d’état civil ou de la délivrance de passeports et de visas. Ce sont des postes d’influence. Aux États-unis, par exemple, ils font de la prospection économique. Les Français n’ont donc pas intérêt à se rapprocher des Allemands, qui sont leurs concurrents. C’est de la politique de gribouille.

En ce qui concerne le coût du Quai d’Orsay dans l’appareil d’État, il faut savoir ce que l’on veut. Pour se donner les moyens d’une politique d’influence, il faut, vis-à-vis de Bercy, maintenir le pavillon un peu plus haut que ne le fait le ministre.

Mme Elisabeth Guigou a demandé ce que M. Kouchner comptait faire pour préserver le réseau culturel français à l’étranger qui coûte moins cher que le seul Opéra de Paris et qui constitue le vecteur de la francophonie et du rayonnement de la France à l’étranger. Elle a exprimé des doutes sur le fait que l’aide publique au développement puisse atteindre 0,7 % du PIB en 2012 compte tenu de son niveau actuel –0,45 %– et de l’état des finances publiques.

M. Pierre Moscovici s’est déclaré très étonné par le budget alloué à la présidence française. Celui de la précédente présidence, en 2000, établi à un niveau sept fois inférieur, avait été dépassé, mais il s’était stabilisé, selon un rapport de la Cour des comptes, à 80 millions d’euros. A quoi seront consacrés les 190 millions d’euros ?

M. Hervé de Charrette a exprimé également son étonnement que, dans une période où la France consent des efforts de gestion et de rigueur, 190 millions d’euros soient consacrés pour un événement qui dure six mois et se trouve oublié le lendemain. La commission devrait, non seulement donner son avis sur le budget prévisionnel, mais aussi s’occuper de son exécution. Il est prévu d’organiser beaucoup d’événements sympathiques, mais pas vraiment nécessaires.

Il a considéré que le budget présenté par M. Kouchner était un bon budget. Après des périodes difficiles, les crédits du ministère sont, depuis quelques années, honorablement traités. Il a remarqué que si les affaires étrangères sont une des premières missions régaliennes de l’État, c’est l’une des plus petites de la nomenclature budgétaire. Il a néanmoins considéré que les moyens qui y étaient consacrés permettaient de mener à bien la politique étrangère française.

Il a abondé dans le sens de M. Kouchner au sujet du besoin de souplesse. Le premier problème de la diplomatie française est, en effet, sa rigidité.

Il a insisté sur l’importance des crédits culturels. Si le ministre des affaires étrangères et européennes ne les défend pas, personne ne le fera. L’administration du Quai d’Orsay préfère préserver les crédits de fonctionnement. Le Gouvernement généralement s’en désintéresse. Le ministre de la culture cherche à s’en débarrasser. Or, quand tout est passé, ce qui reste, c’est la culture. Quand l’influence économique a disparu, quand l’influence politique est faible, ce qui reste, c’est un centre culturel qui fonctionne bien. Il a, dès lors, regretté, pour prendre un exemple, que la bibliothèque de Sarajevo compte moins de livres que celle de son petit village de Saint-Florent-le-Vieil aujourd’hui. Quand on vide les centres culturels de leurs personnels et de leurs moyens, ceux-ci dépérissent et sont ensuite vite menacés de fermeture.

Les missions consulaires auront besoin de plus en plus de crédits compte tenu du poids de la politique de l’immigration et des moyens qu’elle exige sur le terrain. Force est de constater qu’elle ne fonctionne pas très bien : elle est longue, incertaine, ne suit pas une doctrine précise. On refuse d’admettre des personnes dont le dossier est irréprochable alors qu’on permet à d’autres de venir sans motif particulier. Une partie de la politique d’immigration est entre les mains du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le réseau diplomatique français n’est pas adapté à la réalité. Il est présent où la France était forte au XVIIIe siècle et il est absent où elle devrait être forte au XXIe siècle. La politique étrangère française devrait se concentrer sur l’Asie puisque c’est là que se trouve la moitié de l’humanité et de l’économie mondiale, au lieu d’être surreprésentée dans des petits pays charmants, que l’ancien président de la République adorait mais où les enjeux sont limités.

M. Paul Giacobbi a demandé des précisions sur les mises en commun envisagées des services consulaires à l’échelle européenne. Quels seront les délais et les économies escomptées ?

Concernant la francophonie, il existe des indicateurs de moyens. Serait-il possible de disposer également d’indicateurs de résultats ? Sur le papier, la francophonie semble progresser alors que ce n’est pas le sentiment que l’on a sur le terrain.

La mise en concordance des crédits et des besoins des organisations internationales paraît un excellent objectif. Il faudrait également mettre en place un contrôle de la gestion de ces organisations internationales car beaucoup d’entre elles ne sont pas des modèles de rigueur.

M. Giacobbi a douté que les partenaires européens de la France, qui sont très critiques sur ses déficits publics budgétaires, apprécient que soient engagés 190 millions d’euros pour la présidence française. Ce budget risque, au contraire, d’être contre-productif. Il faut en appeler à moins d’ostentation et à plus d’austérité.

Il a enfin rappelé que le plus vaste empire que le monde ait jamais connu était parti des environs d’Oulan-Bator et s’est étonné des sarcasmes de certains collègues sur le fait d’y avoir implanté une ambassade.

M. Jean-Marc Roubaud a demandé comment la France pouvait prétendre à l’efficacité en participant à 150 organisations internationales. Par ailleurs, le fait qu’il soit envisagé de reformuler les missions de l’appareil diplomatique français revient à faire le constat que son efficacité n’est pas optimale. M. Kouchner a cité en exemple les Britanniques qui ont réussi certaines mutations que la France n’avait pas encore réalisées. Comment faire ?

Le pouvoir politique semble cadenassé par une technostructure qui reconduit d’année en année l’existant.

A une époque où l’accent est mis sur la croissance, le déficit du commerce extérieur est inquiétant. Il s’est posé la question, à cet égard, de l’efficacité des conseillers économiques des ambassades. Sont-ils des spécialistes des enjeux économiques et commerciaux ou seulement des cocktails mondains ?

Concernant l’action culturelle, il a suggéré d’augmenter les crédits de l’audiovisuel, compte tenu de l’importance que celui-ci ne cesse de prendre.

M. Jean-Pierre Dufau s’est inquiété de l’évolution des crédits à l’avenir et, notamment, du gel de ceux-ci en 2008, compte tenu du processus de réduction budgétaire qui conduit cette année à la suppression de 234 postes.

Il est indispensable d’adapter les moyens à la politique souhaitée, mais il faut également garder à l’esprit que les objectifs doivent constamment être redéfinis dans un monde qui bouge. Il n’est donc pas obligatoire de reconduire systématiquement ce qui était fait la décennie précédente. Où faut-il faire les coupes claires ? La France doit être présente en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Si la France veut garder son rayonnement, elle doit, comme toutes les grandes nations, être présente dans la quasi-totalité des États. La façon d’être présente peut être différente : présence européenne, actions bilatérales. Quels objectifs poursuit-on avec un déficit du commerce extérieur aussi important ?

Qu’entend-on par rayonnement culturel français ? Est-ce un rayonnement passé, un rayonnement dépassé, ou un rayonnement du présent et de l’avenir ? Y a-t-il incompatibilité à développer la culture, la francophonie et la présence économique ? Les Français ont souvent le cerveau partagé entre l’action politique et l’action culturelle. N’y a-t-il pas une synergie à mettre en oeuvre comme certains autres pays savent le faire ?

Si les opinions peuvent être diverses sur la politique d’immigration de la France, il doit y avoir convergence en matière d’aide au développement et des actions doivent être menées dans un cadre bilatéral pour que la politique de la France reste conforme à ce qu’elle a toujours été.

M. Yves Nicolin a fait remarquer que la baisse des effectifs était nécessaire par solidarité vis-à-vis du reste de l’Etat. Il ne serait pas compris que le ministère des affaires étrangères et européennes ne fasse pas, comme les autres, des efforts. Cela étant, il est indispensable, comme l’a souligné M. Hervé de Charrette, d’adapter ceux-ci selon les pays et selon l’évolution de ces derniers. Les enjeux pour le rayonnement de la France se situent moins en Afrique et plus en Asie et en Amérique du Sud. Comment le ministre a-t-il affecté les crédits en fonction de cette nécessaire adaptation ?

Par ailleurs, la diplomatie française en Europe devrait être plus forte à Bruxelles que dans les capitales des vingt-sept pays européens.

En Russie et en Chine, les demandes de visas de la part des ressortissants de ces pays ont augmenté de manière exponentielle. Des ajustements d’effectifs ont-ils été prévus à cet effet dans le budget pour 2008 ?

Certains agents de l’État, tels ceux de la direction départementale de l’équipement, étant désormais en partie rémunérés en fonction des affaires qu’ils ramènent, il pourrait être proposé qu’il en soit de même pour les agents de l’État censés aider le commerce extérieur. La question méritera d’être posée aux ministres du budget et du commerce extérieur.

M. Jean-Pierre Kucheida a demandé à M. Kouchner de tenir compte également, en matière d’aide publique au développement, des aides apportées par les communes, les départements et les régions et a plaidé pour une coordination de l’ensemble de ces actions afin qu’elles soient plus efficaces sur le terrain.

Il s’est félicité du petit effort –8 millions d’euros– pour rénover l’immobilier scolaire à l’étranger, mais a insisté sur les besoins en ce domaine, d’autant qu’il serait souhaitable, au-delà de la remise en état, de créer de nouveaux établissements pour essayer de rétablir l’influence française. Il ne faut pas seulement préserver et maintenir l’outil culturel, il faut aussi le développer.

Si la répartition des agents consulaires et des ambassades doit être adaptée aux changements et aux besoins nouveaux, leur qualité est également importante. Les mondanités l’emportent souvent sur l’efficacité. La condescendance qui avait cours au XIXe n’est plus de mise au XXIe siècle.

M. Jean-Pierre Kucheida a évoqué la façon dont un ressortissant français avait été effroyablement mal traité par le consulat de France à Tanger, alors que ce dernier éprouvait les plus grandes difficultés à faire rapatrier le corps de son épouse qui s’était noyée en sauvant des enfants.

M. Michel Vauzelle a déclaré ne pas comprendre comment on pouvait parler d’un bon budget alors que tout le monde souhaiterait plus d’argent pour la culture, pour créer des consulats, et être présent en Asie. Supprimer des diplomates ou fermer des consulats ou des ambassades n’est pas une perspective réjouissante. De quels charmants petits pays a-t-il été question ?

La politique est, certes, décidée à Bruxelles, mais il n’en est pas moins indispensable d’être à Lisbonne, à Madrid, à Rome, en Afrique et en Amérique latine.

Parler des petits fours des ambassades est complètement déplacé. M. Michel Vauzelle a dit avoir eu un sentiment d’humiliation pour la France lorsque, à l’ambassade d’Alger, il y a quelques années, la région Provence-Côte-d’Azur qu’il préside a été priée de payer le cocktail organisé en son honneur, parce que l’ambassadeur n’avait pas les moyens de le faire. Il a assisté à d’autres cocktails dans d’autres ambassades qui étaient payés par des entreprises privées. Cela donnait l’impression que la France était sponsorisée, l’ambassadeur apparaissant en second plan derrière un chef d’entreprise qui recevait. Peut-être est-ce la nouvelle façon de concevoir les choses dans un monde ultra-libéral ? En tout cas, les petits fours servis dans les ambassades ne présentent plus la qualité d’antan ! On peut donc laisser de côté cette critique.

De même, demander que l’on réduise les 190 millions d’euros prévus pour la présidence française de l’Union européenne lui paraît indéfendable. Pour enlever quoi, au profit de quoi et pourquoi ? La France doit faire les choses correctement. Il ne faut pas faire des économies de bouts de chandelle sur des éléments essentiels pour l’image de la France.

On parle, depuis plusieurs années, de représentation commune à l’Allemagne et à la France. Il existe certes une amitié franco-allemande solide mais l’image des deux pays n’est pas la même de par le monde et ils ne transmettent pas le même message politique. Le rapprochement des deux peut être néfaste.

Le Président de la République a lancé un immense espoir dans un espace déchiré avec l’idée d’Union méditerranéenne mais il règne depuis un silence préoccupant sur ce thème, à moins qu’il ne soit le signe d’une grande activité secrète.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis, a posé deux autres questions.

Une augmentation des crédits du ministère de 40 millions est prévue pour la participation de la France aux organisations internationales. Cette hausse s’ajoute aux 60 millions d’euros de l’année dernière. Or l’opération Darfour n’est pas financée et l’enveloppe s’annonce importante. Comment M. Kouchner compte-t-il la financer ?

Elle s’est félicitée que 20 millions d’euros soient prévus pour la scolarité des enfants des Français de l’étranger. Cela fait suite à l’engagement du Président de la République sur la gratuité de l’enseignement pour les enfants scolarisés à l’étranger. Sera-t-elle donnée directement aux familles sous forme de bourses, ou délivrée aux lycées ? Selon quel calendrier ?

M. Bernard Kouchner a apporté les éléments de réponse suivants.

Concernant les suppressions de postes, il a fait remarquer que le contrat de modernisation passé avec le ministère du budget planifiait sur 3 ans les réductions d’effectifs. En dix ans, les effectifs ont été réduits de 11 %. C’est le seul ministère à s’être montré aussi vertueux et il est cité comme modèle par Bercy. L’accord a donné satisfaction, sur le plan du fonctionnement comme de l’immobilier, et sera reconduit au-delà de 2008.

Des discussions ont été menées avec M. Eric Woerth, qui ont abouti à une réduction cette année de 234 équivalents temps plein, sur un total de 16 000. Cela représente un nouvel effort du ministère des affaires étrangères et européennes dans le cadre du non-remplacement intégral des agents partant en retraite.

Le Livre blanc, qui doit être rédigé pour le milieu de l’année prochaine, donnera lieu à de nombreuses auditions et sera l’occasion de reconsidérer l’ensemble du dispositif diplomatique afin de voir ce qui peut être amélioré et ce qui peut gagner en efficacité pour que la présence française soit renforcée. Le nombre d’agents n’est pas tout. Les moyens de communication ont formidablement changé. Une conception moderne des choses s’impose, comme celle que les Britanniques sont en train de mettre en œuvre.

D’autres rapports doivent être institués avec les postes consulaires et les ambassadeurs et même à l’intérieur des ambassades où l’ambassadeur devrait pouvoir disposer de son budget de façon plus efficace et plus souple.

Le maître mot est la flexibilité. Il faudrait une sorte de poste de réserve où les gens qui se retrouveraient hors d’un poste permanent où ils auraient passé trois ou quatre ans pourraient être employés, avec leur accord, dans les pays où une présence française est nécessaire, afin d’introduire de la souplesse et de l’efficacité dans le dispositif.

Pour l’opération hybride au Darfour, la plus grande jamais organisée par les Nations unies et dans laquelle la France a joué un rôle non négligeable, opération qui mobilise 26 000 soldats sans compter le corps administratif, la moitié des ambassades européennes ont envoyé un agent à Al-Facher. La France est seulement en train de le faire. Il faudrait pouvoir, en accordant des primes et en assurant des points positifs pour leur carrière, détacher des agents pour les situations de ce type.

Les réductions de postes concerneront les contractuels et les recrutés locaux. Lorsqu’il faut réduire la voilure, c’est d’abord ces personnels qui sont touchés.

Il est à noter que, parallèlement, des consulats ont été ouverts ou réouverts à Ekaterinburg, Erbil, Oran et Chengdu, mobilisant des crédits et des agents. D’autres vont être ouverts en Inde, à Bangalore et à Calcutta, avec une répartition des missions avec le ministère des finances.

Le ministère cherche à diminuer le nombre des agents en Europe. Il faut, certes, augmenter leur nombre à Bruxelles. D’ailleurs il est envisagé d’y ouvrir une Maison de la France car les locaux dont notre pays dispose auprès des organisations bruxelloises ne sont pas suffisants. En revanche, dans les pays environnants, en particulier l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre et l’Allemagne, il n’est pas nécessaire qu’il y ait mille agents. Cela étant, parmi ces mille personnes, toutes ne relèvent pas du ministère des affaires étrangères. Il y a également des conseillers, financiers, des agents du ministère de la défense,….

En Russie, la France a eu recours à l’externalisation pour les visas et cela lui est reproché. Toutes les démarches réalisées avant de délivrer les visas peuvent être faites à l’extérieur. Les queues dès cinq heures du matin pour obtenir un visa pour la France sont une honte pour celle-ci. Elles doivent disparaître et elles ne le pourront que par l’externalisation du recueil des renseignements nécessaires, d’autant que la biométrie permettra de le faire.

A Moscou, alors qu’il fallait quinze jours aux hommes d’affaire pour obtenir un visa, ils ont maintenant un rendez-vous dès le lendemain et leur visa trois jours après. M. Kouchner a félicité le consulat pour cette performance. Ce n’est pas encore le cas à Saint-Pétersbourg, mais cela ne saurait tarder. Sans augmenter trop les effectifs, il sera possible de raccourcir les délais.

Un gel des crédits est prévu en 2008 : 0,15 % sur les salaires et 6 % sur les autres crédits. C’est une règle générale qui touchera le ministère des affaires étrangères et européennes comme les autres. M. Kouchner demandera leur dégel en fonction des besoins.

Le réseau culturel français, qui coûte 120 millions d’euros, est essentiel. C’est une présence de la France, qui est souvent très sentimentale. Les personnes qui fréquentent ce réseau le font de manière habituelle et s’y attachent. Il n’est pas question de l’abandonner.

M. Kouchner s’engage à défendre personnellement les crédits culturels. Il les a maintenus intégralement pour 2008. Le réseau culturel de la France et les Alliances françaises parviennent heureusement à trouver, en dehors de l’argent public, près de la moitié de leur budget. Le ministère doit les aider en cela et diriger des mécènes vers eux.

Dix nouvelles Alliances françaises se sont ouvertes en Chine. Le fonctionnement des alliances françaises est plus souple et plus autonome. Elles sont un bon exemple.

L’aide publique au développement ne pourra sans doute atteindre 0,7 % du PIB avant 2015. M. Kouchner est le premier à le déplorer. Le ministre a salué l’efficacité de l’Agence française du développement.

L’aide au développement doit se concrétiser en des actions davantage bilatérales et sur des opérations très visibles, très contrôlées, impliquant non seulement les agents sur place, mais aussi les populations locales. Si, un jour, l’assurance maladie peut être proposée dans certains pays d’Afrique, ce sera à l’échelon communautaire, avec du micro-crédit et sous la responsabilité des gens du pays.

M. Kouchner a cité un autre exemple où la souplesse était requise.

Il y a quelques mois, le président du Bénin a décidé la gratuité de la scolarité. Tous les petits Béninois se sont précipités pour aller à l’école car, auparavant, leurs parents ne pouvaient pas payer les droits, mais il n’y avait pas assez de classes et d’instituteurs. La France a trouvé un peu d’argent pour les aider, bien qu’il soit très difficile, maintenant, de déplacer des crédits d’un secteur à l’autre, d’un budget à l’autre et même d’un pays à l’autre.

La France a souhaité que ce soit les villageois eux-mêmes qui s’impliquent dans la réalisation de ce projet, comme elle l’avait fait au Kosovo. Elle a donné l’argent en exerçant un contrôle rigoureux. Les ONG étaient à leurs côtés et conseillaient, mais ce sont non pas elles, mais les villageois, qui doivent construire les écoles. En même temps, il a fallu former les instituteurs. La réalisation est en cours, mais il faudrait construire mille écoles.

En impliquant des capitaux privés et les gens eux-mêmes, il est possible d’avoir un résultat plus performant tout en dépensant moins d’argent.

M. Kouchner se félicite de l’aide croissante des collectivités locales. La coopération décentralisée fonctionne. Les gens sont plus proches les uns des autres. Il existe une commission nationale de la coopération décentralisée qu’il faudra un peu améliorer et renforcer. L’éparpillement des aides nuit, en effet, à leur visibilité et à leur coordination.

Depuis des années, une coordination est souhaitée avec les ONG, mais les cas restent très exceptionnels. Lorsqu’il y a ONG, cela est difficile, que se soit en coopération décentralisée ou coopération centralisée. Tout dépend des agents. S’ils se connaissent bien, cela fonctionne. S’ils ont uniquement des relations administratives, cela ne marche jamais.

La politique de l’immigration n’est pas de la responsabilité du ministère des affaires étrangères et européennes. Il faut toutefois que le ministère des affaires étrangères puisse montrer sa détermination politique à accueillir des étrangers en France en fonction des pays et des individus La politique de l’immigration est du ressort du ministre Brice Hortefeux. Les deux ministères ont une responsabilité commune sur les visas et l’introduction de la biométrie demande d’importants moyens.

M. Kouchner a découvert lors de son voyage à Bagdad que 1,2 million de Chaldéens vivaient en Irak ; ils y sont présents depuis un siècle après Jésus-Christ et beaucoup parlent français. Ils ont été exterminés ou chassés. Aujourd’hui il n’en reste plus que 400 000 dont beaucoup se sont réfugiés dans la seule région relativement calme d’Irak, le Kurdistan. Certains d’entre eux demandent à venir en France. Une antenne diplomatique, destinée à devenir consulat, est ouverte à Erbil car un déplacement à Bagdad représente pour eux un péril de mort. C’est un exemple de ce que peut faire, en matière de politique de l’immigration, le ministère des affaires étrangères et européennes.

Nul n’ignore que M. Kouchner ne partage pas l’orientation de la politique d’immigration, mais il attend au moins qu’elle ait fait ses preuves avant d’en juger. Tous ceux qui connaissent le Tiers monde savent qu’on n’empêchera jamais les gens les plus pauvres de quitter leur famille dès lors qu’on leur fait miroiter le meilleur, ou que, très légitimement, ils pensent pouvoir trouver un travail ailleurs.

M. Kouchner n’est pas partisan des tests ADN. Il l’a dit sans faire d’esclandre parce qu’il sait que d’autres pays les emploient et que, dans certains cas limites, entre le crime et l’immigration, ils peuvent être utiles. Néanmoins ce sera au ministère des affaires étrangères et européennes qu’il reviendra de les mettre en œuvre. Cela nécessitera un budget particulier et M. Kouchner a attiré l’attention du Premier ministre à ce propos. Si cela se faisait à une grande échelle, alors que l’appareil diplomatique est en réduction et que la politique consulaire demande d’autres agents, ce serait très difficile. Le dispositif prévu par le parlement pour les tests ADN est pratiquement inapplicable par nos consulats.

M. Kouchner est partisan du codéveloppement et c’est ce qu’il a approuvé dans le projet de M. Brice Hortefeux. Le ministère des affaires étrangères et européennes a cédé à ce dernier les personnels en charge du codéveloppement avec les 25 millions d’euros qui lui sont affectés. M. Kouchner a assuré M. Hortefeux que, dans ce domaine, il l’aiderait. Il souhaite aider ceux qui, à partir de la France, cherchent à développer leur village d’origine. Cela donne parfois d’excellentes réussites.

En ce qui concerne le budget de la présidence française, M. Kouchner a fait remarquer que l’Europe comptait maintenant vingt-sept Etats membres et non plus quinze et qu’il y avait cinquante réunions obligatoires. C’est effectivement un événement qui est oublié très vite, mais on s’en souvient davantage quand il est réussi. La présidence allemande a marqué les esprits, non seulement à cause de l’accord sur le traité modificatif, mais surtout grâce aux possibilités de dialogue et de rencontre qu’elle a offertes.

Il a précisé que le budget de la présidence française de l’Union européenne relevait non pas du ministère des affaires étrangères et européennes, mais des services du Premier ministre et que toutes les réunions thématiques organisées dans ce cadre seront prises en charge sur ce budget.

La présence de la France en Asie est indispensable mais, en même temps, elle ne peut pas être absente d’Afrique en ce moment, et elle doit être également en Amérique latine. Il faut moduler le réseau diplomatique pour le rendre plus rationnel, plus efficace et plus adapté au monde moderne ; cela passe par la flexibilité.

Depuis 2005, la France a ouvert deux postes consulaires en Chine –à Chengdu et à Shenyang– ce qui a contribué à l’accroissement de 31 % des effectifs français dans ce pays. En Inde, l’ouverture de deux nouveaux consulats à Bangalore et à Calcutta est envisagée en 2008, en collaboration avec le ministère des finances. La France est proche de l’Inde en raison de son régime démocratique et de ses attitudes politiques depuis plusieurs années.

Dans le même temps, le réseau consulaire a été réorganisé dans les pays frontaliers : l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. La France envisage l’ouverture d’une colocalisation avec l’Allemagne pour la délivrance des visas à Yaoundé en 2008 et l’installation d’un guichet français au consulat allemand de Melbourne en 2009. Ce sont des exemples de l’effort de regroupement.

La France reçoit de la part de ses partenaires européens, en particulier des pays nouvellement adhérents, des demandes de participation dans l’autre sens. Il y a quelques jours, l’Estonie a demandé à la France de délivrer en Arménie des visas en son nom. Cela charge d’autant les services français. La Slovénie, dont la présidence commencera le 1er janvier prochain, a demandé à 110 ambassadeurs français d’être ses représentants à travers le monde. L’effort demandé à la diplomatie française est non seulement maintenu mais souvent amplifié.

Une réflexion commune se révèle nécessaire à ce sujet ; elle sera menée lors de la présidence française.

Il existe un contrôle très étroit de nos contributions aux organisations internationales, exercé par le ministère des affaires étrangères et européennes mais aussi pour d’autres ministères dont celui des finances. Dans le cadre de l’AMIS, la mission de l’Union africaine au Soudan, les salaires n’étaient pas versés aux soldats depuis janvier-février derniers. La France a protesté véhémentement et n’a pas versé sa cotisation. Les choses sont rentrées dans l’ordre. M. Louis Michel, le commissaire européen au développement, a fait le nécessaire pour que des audits soient organisés. Ils sont plus nombreux que les organisations internationales elles-mêmes.

La participation de la France aux organisations internationales est modulée et suit un certain nombre de priorités. Elle ne peut pas sortir de certaines organisations parce que ce serait mal compris. La France se situe, en général, entre le dixième et le vingtième rang parmi les contributeurs. On attend plus d’elle. Par exemple elle ne figure pas parmi les premiers pays pour le soutien à l’Organisation mondiale de la santé ou au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Pour 2008, 40 millions supplémentaires sont destinées aux opérations de maintien de la paix et aux organisations internationales, pour lesquelles il manque cette année 100 millions au ministère. On est encore loin du compte. Les opérations au Darfour ne seront comptabilisées qu’à partir de 2008.

Une réflexion est en cours sur l’audiovisuel extérieur. L’objectif est d’avoir une organisation de notre audiovisuel extérieur qui combine information et en même temps culture, contrairement à CNN ou Al Jazira. C’est un projet ambitieux qui ne sera sans doute pas réalisé tout de suite, mais il ne coûtera pas très cher.

La diplomatie ne se cantonne pas dans les murs des consulats et des ambassades. Elle constitue un instrument d’influence important.

La rationalité britannique est surtout financière. Les murs des ambassades de Grande-Bretagne ne lui appartiennent pas tous. Les Britanniques vendent et louent. Les nominations de leurs ambassadeurs interviennent après un appel à candidatures qui ne concerne pas que les diplomates. Ce n’est pas exactement ce que la France fait. Pour autant cela ne signifie pas que la diplomatie anglaise soit plus efficace. Elle est seulement plus rationnelle financièrement.

Comme M. Kouchner l’a indiqué, la France va faire appel à des professionnels du privé pour la gestion des bâtiments qu’elle possède dans les 180 pays du monde où elle est représentée.

M. Kouchner a assuré M. Kucheida que le ministère s’occupait de l’affaire qu’il lui a soumise et a partagé son émotion à ce sujet.

M. Kouchner a rappelé qu’il avait instauré les attachés humanitaires, chargés d’être auprès des populations avant même les catastrophes. Le métier d’ambassadeur a changé. De nouveaux rapports doivent s’installer. Il faut que les ambassadeurs soient beaucoup plus proches des associations locales et des ONG.

Il leur appartient de représenter à la fois les idées de la France, sa culture, et également l’entreprise française. L’ambassade doit être en même temps la maison des Droits de l’Homme et le bureau conseil de la France.

Pour ce qui est de la francophonie, M. Kouchner a indiqué que le nombre de locuteurs et de personnes qui veulent apprendre le français augmente dans le monde, et pas seulement en Afrique et au Maghreb. La demande de cours de français est forte. S’il n’y avait pas une certaine idée de la France ni une pertinence de la politique française, il n’y aurait pas de goût pour la francophonie. Ce sont aussi une atmosphère et une vision du monde différentes.

C’est la première fois que le ministère dispose de 8,5 millions d’euros supplémentaires pour l’immobilier scolaire à l’étranger. Beaucoup de bâtiments sont dégradés et il faudra un nouvel effort l’année prochaine.

S’agissant de la scolarité des ressortissants français à l’étranger, 5 millions d’euros seront attribués dès cette année, puis 20 millions en 2008 pour la gratuité des frais d’inscription en classe de Terminale. La promesse du Président de la République est la gratuité à partir de la seconde, et commence donc à être appliquée dès cette rentrée. La gratuité s’appliquant ensuite en première puis en seconde. Il faut aussi encourager les élèves locaux à s’inscrire dans les établissements français. L’enseignement français doit se tourner vers l’extérieur et pas seulement vers les Français.

Il existe, c’est vrai, une différence culturelle entre la France et l’Allemagne qui peut rendre difficiles les missions diplomatiques communes. M. Kouchner est partisan de créer des ambassades européennes.

En ce qui concerne l’Union méditerranéenne, quelques progrès ont été enregistrés. Ainsi M. Kouchner a signalé que les membres de la commission devaient recevoir prochainement M. Alain Le Roy, l’ambassadeur chargé de ce projet. Il a constitué un groupe de travail et dispose désormais d’interlocuteurs en Italie et en Espagne.

Le président Axel Poniatowski a remercié le ministre.

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