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Commission des affaires étrangères

Mardi 16 octobre 2007

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Avenir de la politique étrangère et de sécurité commune – M. Roland Blum, rapporteur d’information

Avenir de la politique étrangère et de sécurité commune

La commission a examiné le rapport d’information de M. Roland Blum sur l’avenir de la politique étrangère et de sécurité commune et son financement.

M. Roland Blum, rapporteur, a tout d’abord rappelé que l’examen de la contribution française au budget européen était chaque année l’occasion de revenir, plus globalement, sur la situation de l’Europe. Il a indiqué s’être intéressé cette année plus particulièrement au financement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Présentant tout d’abord les grandes lignes du projet de budget européen pour 2008, il a précisé que le Conseil des ministres de l’Union européenne s’était prononcé en juillet dernier sur un avant-projet de budget présenté par la Commission qui s’élevait, en crédits de paiements, à 121,6 milliards d’euros, soit 0,97 % du revenu national brut de l’Union, légèrement en dessous du seuil des 1 % accepté par les Etats membres lors des négociations sur les perspectives financières, mais en hausse de 5,3 % par rapport au budget 2007. La contribution de la France est évaluée à 18,4 milliards d’euros, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur net au budget de l’Union. Pour autant, le rapport sur l’exécution du budget européen 2006 révèle que la France est l’Etat membre qui, en volume, a reçu le plus de financements européen, avec 13,5 milliards d’euros, devant l’Espagne et l’Allemagne Cependant, le solde budgétaire net de la France – si l’on raisonne en termes exclusivement comptables – sera de moins en moins favorable au fur et à mesure de la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel. Il a rappelé que perspectives financières devront faire l’objet d’un réexamen à mi- parcours en 2008-2009, en même temps qu’une évaluation de la PAC. La Commission européenne a lancé le mois dernier une consultation sur le cadre financier pluriannuel et la France pourrait, sous sa présidence de l’Union, avoir à engager les négociations.

Puis le rapporteur a abordé le thème de la politique étrangère et de sécurité commune, soulignant la faiblesse crédits de la PESC, qui ne s’élèvent en effet qu’à 200 millions d’euros par an, même si le projet de budget européen pour 2008 prévoit une augmentation de 25 % par rapport à 2007. Au Sommet d’Hampton Court, en octobre 2005, la France avait, en effet, obtenu l’engagement d’une augmentation progressive des moyens financiers de la PESC sur la période 2007-2013. Il a alors distingué le budget de la PESC strico sensu de celui des actions extérieures de l’Union, qui représentent près de 6,5 milliards d’euros. Cette enveloppe budgétaire très importante est gérée par la Commission et concerne notamment les politiques de développement, les aides de pré-adhésion et l’élargissement.

La majeure partie du budget de la PESC qui, lui, est géré par le Conseil, est aujourd’hui destinée aux opérations civiles de gestion des crises. Une distinction doit en effet être établie entre les actions civiles financées sur le budget de la PESC et les interventions militaires relevant de la PESD et financées directement par les Etats membres dans le cadre d’un mécanisme spécifique appelé « Athena ».

Actuellement, la PESC sert essentiellement à financer diverses opérations de police de l’Union européenne, pour environ un tiers du budget total de la PESC. La mission EUPOL Afghanistan est ainsi dotée de plus de 45 millions d’euros en 2007.

Par ailleurs, on assiste à un développement important des missions de résolution des conflits d’intervention en matière de sécurité. La future mission de l’Union européenne au Kosovo devrait constituer, avec près de 1900 personnels déployés, la plus grande opération de gestion civile de crise jamais entreprise à ce jour dans le cadre de la PESC ; elle est évaluée à près de 180 millions d’euros par an, ce qui va nécessiter un financement au-delà du seul budget de la PESC.

Afin de pallier le faible montant des crédits de la PESC, d’autres sources de financement sont mobilisées pour concourir à la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Union européenne. Il en découle une importante complexité des circuits institutionnels et financiers, comme l’illustre la mission de surveillance de l’Union Africaine (UA) au Darfour. Pour une seule opération, quatre circuits financiers sont concernés : le budget PESC, le mécanisme Athena, les budgets des Etats membres et celui du secrétariat général du Conseil.

Cette complexité financière peut se doubler d’une complexité institutionnelle liée à l’absence de définition précise du périmètre de la PESC, dès lors que les volets extérieurs des politiques internes de l’Union participent pleinement de l’action de l’Europe dans le monde. La lutte antiterroriste et la surveillance des frontières intéressent la PESC ; elles sont cependant financées par la rubrique « politiques internes » et disposent de près de quatre fois plus de ressources que la PESC. Parallèlement, le Haut Représentant pour la PESC ne cantonne pas son action au deuxième pilier (intergouvernemental) et intervient sur les questions sécuritaires liées à la politique européenne de voisinage, une politique qui dépend du premier pilier (communautaire) et dont les mécanismes de financement sont distincts de ceux de la PESC.

Le rapporteur a alors déclaré que le temps lui semblait venu de reconsidérer la place de la PESC au sein de la structure budgétaire, face à un volet action extérieure très important qui dissimule mal le caractère artificiel d’une distinction entre ces deux dimensions inégales d’une même politique étrangère. De plus, une coordination entre la PESC et le volet sécurité des politiques internes apparaît souhaitable pour aborder les problématiques sécuritaires de manière globale.

Il a ensuite évoqué les dispositions relatives à la PESC qui devraient figurer dans le futur traité modificatif européen si celui-ci fait l’objet d’un accord politique au prochain Conseil européen. L’innovation majeure est la création d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui aura une « double casquette ». Il présidera désormais la formation « Affaires étrangères » du Conseil de l’Union et sera simultanément l’un des vice-présidents de la Commission. En fusionnant ces deux postes, l’objectif recherché vise à renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union en mettant fin à la concurrence institutionnelle et budgétaire susceptible de se développer entre le pilier intergouvernemental d’une part, et le pilier communautaire de l’autre.

Quant à savoir si l’entrée en vigueur du futur traité permettra de répondre à la question posée en son temps par Henry Kissinger : « l’Europe, quel numéro de téléphone » ? Il a estimé qu’il était trop tôt pour le dire car nombre de questions restent en suspens. Tout dépendra en effet des relations entre les titulaires des postes dont la dimension internationale est forte, à savoir :

– le futur président stable du Conseil européen. La question se pose en effet des activités de ce président stable au-delà de la seule présidence des quatre réunions annuelles du Conseil européen ;

– le président du pays exerçant la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne. En effet, l’instauration d’une présidence stable du Conseil européen ne met pas fin à l’existence de la présidence tournante du Conseil de l’Union ;

– le président de la Commission européenne.

Une répartition claire des rôles entre ces différentes fonctions et un modus vivendi entre les titulaires des postes sera indispensable pour assurer la cohérence et l’efficacité de l’action extérieure de l’Union. La question se pose ainsi du juste équilibre qui devra être trouvé entre les dimensions intergouvernementale et communautaire de l’action extérieure de l’Union. A cet égard, la configuration du futur « service européen d’action extérieure » sur lequel s’appuiera le Haut Représentant pourrait fournir des indications décisives. Ce service européen d’action extérieure présentera l’originalité d’être composé à la fois de fonctionnaires européens issus du Conseil et de la Commission, mais aussi de diplomates provenant directement des Etats membres. In fine, l’enjeu de la création de ce service consiste à favoriser l’émergence d’une culture diplomatique commune à l’Union européenne et à ses Etats membres.

Or le rapporteur a indiqué que les auditions qu’il avait réalisées à Bruxelles et à Londres avaient révélé la diversité des approches sur la physionomie de ce service, selon que l’on se place du côté du Conseil ou de celui de la Commission.

Puis il a abordé le sujet du nécessaire contrôle politique – et en particulier parlementaire – de l’action extérieure de l’Union.

Cette question se pose tant au niveau européen – s’agissant des compétences du Parlement européen – qu’à celui des Etats membres, dans le cadre des procédures de contrôle parlementaire internes à chaque pays.

La PESC fait traditionnellement l’objet de tensions entre le Parlement européen et le Conseil et la discussion sur le projet de budget européen 2008 ne déroge pas à la règle. Dans une résolution adoptée en février 2006, les députés européens ont déploré le manque de consultation du Parlement européen en matière de PESC et des garanties ont depuis été obtenues, à l’occasion de la négociation de l’accord interinstitutionnel du 14 juin 2006 sur le cadre financier pluriannuel de l’Union pour la période 2007-2013. Ces garanties de consultation, couplées à la création d’un Haut Représentant également vice-Président de la Commission européenne devraient conduire à renforcer l’influence politique du Parlement européen sur la PESC, sans pour autant empiéter sur un champ de compétences intergouvernementales. Mais il est prévisible que plus la PESC sera amenée à se développer, plus le contrôle politique qu’exercera le Parlement européen sera conduit à s’intensifier.

S’agissant du contrôle exercé par les Parlements nationaux, il a indiqué que le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République que préside M. Edouard Balladur pourrait faire des propositions dans ce domaine. Dans l’attente des conclusions de ce comité, le rapporteur a repris à son compte deux suggestions, dont la mise en œuvre ne nécessite pas de révision constitutionnelle, et qui ont été formulées par M. Balladur dans son bilan d’activité de la précédente législature :

– La première serait l’instauration, une fois par trimestre, d’une séance de questions d’actualité consacrée aux questions internationales et à la politique étrangère de la France. Cette séance permettrait notamment d’interroger le Gouvernement sur les initiatives prises dans le cadre de la PESC ;

– La seconde est relative à la création de groupes de suivi au sein de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Ne serait-il pas judicieux d’envisager la création d’un groupe de suivi sur la PESC ? Il a alors ajouté, comme l’a suggéré le Président Axel Poniatowski, qu’il serait justifié de donner la possibilité au Parlement français d’autoriser l’envoi de ses troupes à l’étranger, notamment dans le cadre de missions de PESD.

En conclusion, le rapporteur a estimé qu’à travers la PESC, c’était en réalité tout l’équilibre institutionnel européen qui se trouvait en jeu. Rappelant qu’à l’initiative du Président Nicolas Sarkozy, un groupe de sages devrait prochainement être constitué pour réfléchir à l’Europe des 30 ou 40 prochaines années, il a souhaité indispensable que l’avenir de la PESC et de son financement figure parmi les sujets de réflexion de ce groupe.

Le Président Axel Poniatowski a remercié le rapporteur pour la qualité de son exposé et s’est déclaré d’accord avec sa proposition visant à créer au sein de la Commission des affaires étrangères, au cours du premier semestre 2008, un groupe de suivi sur la PESC. Puis il a interrogé le rapporteur sur la contribution financière de la France dans le cadre du mécanisme Athena et a demandé des précisions sur la participation de notre pays à la mission de l’Union européenne au Kosovo.

Le rapporteur a répondu que la participation financière des Etats membres dans le cadre du mécanisme Athéna était répartie selon une « clé PNB » fixée à 16 % pour la France. En 2008, les coûts communs pour l’opération européenne envisagée au Tchad devraient s’élever à près de 100 millions d’euros, ce qui entraînera une participation financière de la France à hauteur d’environ 16 millions d’euros. S’agissant de l’opération civile au Kosovo, entièrement financée sur le budget européen, son coût est estimé à 180 millions d’euros, et la France devrait envoyer 10 à 15 % des 1 900 personnels envisagés. Indiquant avoir rencontré à Bruxelles M. Javier Solana, Haut Représentant de l’Union pour la PESC, le rapporteur a déclaré que le budget de la PESC ne suffisant pas à financer l’opération au Kosovo – 180 millions d’euros – des négociations complémentaires complexes avaient été nécessaires.

M. Jacques Myard a rendu hommage au rapporteur qui a essayé de rendre clair ce qui ne l’est pas. C’est, en matière européenne, un défi permanent. Beaucoup de questions ont été abordées, sauf la plus fondamentale d’entre elle : à quoi sert la PESC ? Il a estimé que l’on faisait fausse route avec la création prochaine d’un service européen d’action extérieure, qui n’est pas dans l’intérêt de la France. Nous y serons minoritaires et l’anglais en sera sans aucun doute la langue unique de travail. Pour définir une politique étrangère commune, encore faut-il trouver des sujets d’accords. Il en a alors appelé au réalisme : si les Européens peuvent se mettre d’accord pour envoyer des fleurs à la veuve de Yasser Arafat, il est clair que tous les « petits » partenaires en matière de politique étrangère sont fortement alignés sur un atlantisme forcené. S’agissant d’éventuels rapprochements dans les domaines de la sécurité et de la défense, ils n’ont d’yeux que pour la Chimène américaine. L’avenir de la politique étrangère de la France est-il condamné à l’alignement ? Regrettant qu’on enclenche un processus qui se retournera contre nos intérêts, il a indiqué qu’il n’approuvera pas les crédits relatifs à la contribution de la France au budget européen. On ne saurait parler de politique étrangère de la France et se caler sur des partenaires qui ne sont pas sur nos positions et nos lignes.

Puis il a évoqué le dispositif Athena, qui repose sur une base intergouvernementale et permet de monter des opérations ad hoc. Il a alors estimé qu’en matière de politique étrangère, les Etats européens qui comptent sont avant tout le Royaume-Uni et la France. Il a également cité l’Allemagne, dans certains cas, ainsi que l’Espagne et l’Italie s’agissant plus particulièrement des sujets méditerranéens. L’important est de bien s’entendre avec ces pays et de coopérer sur des sujets d’intérêt commun. Il a en revanche assimilé la création d’un service diplomatique européen à une utopie complète et à de l’argent gaspillé pour rien. Le futur traité européen est une occasion manquée et cette approche ne correspond pas à nos objectifs en matière de politique étrangère.

M. Jean-Pierre Kucheida a nuancé le propos de M. Myard en affirmant l’utilité de la PESC. Citant les exemples du Congo et du Kosovo, il a considéré que l’intervention européenne avait permis d’éviter une dégradation de la situation. Ces opérations qui sauvent des vies humaines doivent bénéficier d’instruments plus efficaces.

M. Jacques Myard a affirmé que l’institutionnalisation de ces interventions, dont le bien-fondé n’est pas en cause, n’est pas souhaitable. Il a ainsi jugé que la mission forme la coalition.

M. Roland Blum a rappelé que M. Myard défendait sa position de longue date. Il a estimé que la mise en œuvre de la PESC n’était pas contradictoire avec le maintien des politiques étrangères des États membres. La France demeure, en effet, maîtresse de sa politique étrangère. En revanche, les pays européens sont parvenus à des positions communes sur de nombreux sujets : le Darfour, l’Afghanistan et le Kosovo, qui ont permis d’y mener des interventions dans l’intérêt des populations locales. Le Traité modificatif pourrait, en outre, apporter la clarification du mécanisme institutionnel et des instruments financiers de la PESC qui s’impose.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que ce budget s’inscrivait dans la continuité des précédents. Il a précisé que la Commission serait particulièrement attentive aux discussions sur l’architecture du futur service diplomatique européen ainsi qu’à l’élaboration du budget de 2009 qui devra se prononcer sur le chèque britannique.

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