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Commission des affaires étrangères

Mercredi 17 octobre 2007

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie

Audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie

Après avoir été chaleureusement accueilli par le président Axel Poniatowski, M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie, qui a déjà été entendu au Sénat, a évoqué ses nombreuses rencontres avec des députés membres de la commission des affaires étrangères et indiqué qu’il soulignerait en préambule les grandes orientations de sa politique.

L’aide publique au développement (APD) est une composante essentielle de la diplomatie de la France. A cet égard, une forte structuration des politiques publiques est indispensable.

L’engagement en faveur de l’APD doit d’abord avoir pour priorité une action forte et constante envers les pays les plus pauvres, au premier rang desquels figurent les pays africains. Il convient toutefois de trouver un équilibre entre la réalité dans ces pays qui ne fonctionnent pas toujours comme ils devraient, nos intérêts légitimes et la volonté de faire de l’APD un levier pour l’action en faveur de la défense des Droits de l’Homme et de la lutte contre la corruption, tout en obtenant une efficacité durable sur le terrain.

Il convient aussi d’agir résolument pour combattre la désertification et répondre aux défis climatiques.

La dimension de la gouvernance est également importante, même si l’on sait que l’on ne pourra pas obtenir de résultats probants en un jour ! S’il ne faut pas s’ériger non plus en donneurs de leçons, il est indispensable de se concentrer sur certaines priorités pour montrer que l’aide peut être plus efficace.

Il faut encore moderniser l’appareil français de coopération, en travaillant en liaison avec d’autres organismes afin d’éviter les redondances. En la matière, l’influence de la France est insuffisante dans les instances de coopération multilatérale, notamment européennes, comme le Fonds européen de développement (FED). Pourtant, par exemple, la France est le second contributeur, après les Etats-Unis dans la lutte contre le sida et les pandémies

Une véritable coalition des acteurs du développement est nécessaire afin d’assurer la cohérence des différentes actions engagées, en particulier entre les intervenants du monde économique, les fondations, les ONG, les collectivités territoriales –qui agissent dans le cadre de la coopération décentralisée–, ainsi que les migrants nationaux qui sont parfois des acteurs individuels du développement de leur pays d’origine où ils sont prêts à investir.

En ce qui concerne les chiffres, le montant de l’APD pour 2007 n’est pas encore connu, mais il sera sans doute inférieur aux ambitions affichées par le gouvernement précédent qui l’avait chiffré à 0,5 % du PIB pour cette année. En réalité il a été de 0,47 % en 2006 et il sera plutôt de l’ordre de 0,42 % en 2007.

Cela tient à plusieurs facteurs : évaluation à la baisse de certaines dépenses comptabilisées dans l’APD, comme les frais d’accueil des réfugiés ; stagnation de l’aide bilatérale ; report de l’annulation de deux dettes importantes engagée dans le cadre du processus PPTE (pays pauvres très endettés), celles de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo. Si ces deux annulations étaient concrétisées en 2008, l’APD pourrait atteindre 0,45 % du PIB l’an prochain.

L’effet de levier des prêts de l’Agence française pour le développement (AFD), pour un certain nombre de pays intermédiaires ou émergents devrait également jouer un rôle positif pour atteindre cet objectif.

Par ailleurs le Président de la République a réaffirmé l’engagement français en faveur de l’objectif 0,7 % à l’horizon 2015, échéance retenue par tous nos partenaires européens.

Il serait également souhaitable que soit pris en compte dans l’APD, sous une forme restant à définir, le produit de la taxe sur les billets d’avion. On ne doit pas oublier non plus tout ce que fait la France dans ces pays, mais dans des domaines qui ne sont pas pris en compte dans l’APD, en particulier pour la coopération militaire et l’aide au maintien de la paix.

En ce qui concerne l’aide programmable, celle que le Parlement approuve en votant la loi de finances et qui porte les moyens d’intervention sur le terrain et notre capacité d’influence dans les instances multilatérales, l’essentiel sera préservé en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement tendu. Cette décision a été prise lors d’un conseil restreint qui a réuni, au cours de l’été, autour du Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble des ministres concernés.

La situation aurait pu être plus difficile mais l’APD est dans une phase de pause que l’on peut qualifier de « dynamique ».

En effet, si le montant des crédits de paiement restera stable pour les trois programmes du ministère, avec une légère progression liée à la création du programme Codéveloppement que gèrera M. Brice Hortefeux, il y aura une augmentation importante des autorisations d’engagement. Ainsi les graines de l’APD 2009, 2010, 2011 sont bien plantées, les autorisations d’engagement d’aujourd’hui constituant l’APD de demain.

La parole de la France sera bien tenue ; elle sera au rendez-vous de ses engagements internationaux.

Le niveau des crédits de paiement du programme Aide économique et financière au développement restera stable à 985 millions d’euros contre 988 en 2007, 3 millions étant transférés au programme Codéveloppement pour le financement d’un fonds fiduciaire dans une banque de développement multilatéral. En particulier les crédits de paiement nécessaires au financement de l’activité de prêt de l’AFD ont été sécurisés par une affectation de 100 millions d’euros du résultat de l’Agence à cet effet.

Quant aux autorisations d’engagement, leur augmentation de 13 %, soit 2,25 milliards d’euros, permettra de faire face aux reconstitutions en cours de la facilité d’Aide internationale au développement (AID) de la Banque mondiale et du Fonds africain de développement (FAD). La France pourra ainsi respecter les engagements internationaux pris lors du G8 à Gleaneagles : maintenir en valeur réelle les contributions pour l’AID et le FAD. Celles de la France devraient, en conséquence, augmenter de 6,5 % par rapport aux précédentes reconstitutions de ces fonds.

Le programme Solidarité à l’égard des pays en développement, préparé par la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), présente les mêmes caractéristiques : stabilité des crédits de paiement et progression des autorisations d’engagement. Si l’on prend en compte l’affectation du résultat de l’AFD à certaines dépenses incontournables, comme celles qui découlent des contrats de désendettement et de développement (C2D), les décaissements d’APD de ce programme seront même supérieurs en 2008 à ceux de 2007.

Cette utilisation du résultat de l’AFD pour compléter les efforts de la France en matière d’APD dans les pays africains les plus pauvres est parfaitement légitime. Ainsi ce sont, dans une certaine mesure, les clients « riches » de l’AFD, les pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde, dans lesquels l’Agence va défendre les intérêts de la France, qui nous permettent d’aider les partenaires les plus pauvres, les plus démunis, ceux que l’on appelle les orphelins de l’aide.

Les crédits de paiement du programme Solidarité à l’égard des pays en développement resteront stables par rapport à 2007 avec 1,873 milliard d’euros avant transfert de 25 millions au programme Codéveloppement, et les autorisations d’engagement passeront de 1,897 milliard en 2007 à 1,943 milliard, après transfert de 35 millions au programme Codéveloppement.

Dans le cadre de cette enveloppe très contrainte la France conservera, avec une contribution de 900 millions pour les trois prochaines années au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, son second rang derrière les Etats-Unis, mais devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Elle pourra également répondre à un appel de contribution accru du Fonds européen de développement, en essayant de lisser cette contribution afin d’assurer une augmentation plus modeste mais constante et régulière.

La France sera également en mesure d’accroître, notamment en autorisations d’engagement, son aide bilatérale, avec un effort significatif en faveur de l’AFD pour laquelle est prévue une augmentation de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 67 millions en crédits de paiement. La coopération bilatérale est essentielle.

Conformément à l’engagement renouvelé du Président de la République, les moyens mis à la disposition des ONG seront accrus. Le ministère veillera à ce que soit réalisée une véritable évaluation des programmes financés.

Comme il n’est évidemment pas possible de tout faire et partout, le niveau des contributions volontaires de la France au système des Nations unies n’a pu être amélioré : il restera à 90 millions d’euros.

La création du programme Codéveloppement a suscité bien des appréhensions chez certains quant à un risque accru de dispersion de l’APD. Cela correspond pourtant à l’expression d’une cohérence accrue. Certes l’ADP ne doit pas se réduire au codéveloppement, mais ce dernier a toute sa place dans cette action ; il doit faire l’objet d’une gestion concertée. D’ailleurs M. Brice Hortefeux aura tout intérêt à s’appuyer sur les outils du secrétariat d’Etat pour mettre ce programme en œuvre. Cette cohérence permettra d’aller plus loin et il faudra travailler dans le meilleur esprit avec les 60 millions d’euros en autorisations d’engagement et les 29 millions en crédits de paiement.

Le président Axel Poniatowski a souligné que, pour la première fois depuis dix ans, l’aide au développement allait, au niveau mondial, subir cette année une baisse sensible de l’ordre de 5 % par rapport à 2006. Comment cela s’explique-t-il dans le contexte mondial actuel ?

L’apport de la France va également diminuer. Cela semble pouvoir être expliqué par le report de l’annulation de deux dettes importantes. Cependant, comme les possibilités d’annulation de dettes s’épuisent, le maintien, sinon l’accroissement, des moyens mis en œuvre par la France passera par une augmentation budgétaire, surtout si l’on veut respecter l’objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2015. Cela nécessitera donc un effort important dès l’an prochain.

En ce qui concerne la taxe sur les billets d’avions quel est le premier bilan en termes de ressources financières et quelles sont les perspectives ? Dans quelle mesure cette ressource pourrait-elle être comptabilisée dans l’APD ?

Enfin, qu’en est-il de la mise en vente de l’immeuble du ministère rue Monsieur ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie, a rappelé que l’aide mondiale avait connu des hausses record au cours des années précédentes pour atteindre 104 milliards en 2006, en particulier du fait de l’annulation de la dette de la République démocratique du Congo et du Nigeria. Cela devrait aller mieux à l’avenir, notamment dans le cadre de la lutte contre les pandémies, de l’accès à l’eau et de l’assainissement. L’objectif est de consolider ces efforts en 2008.

Dans le domaine de l’aide bilatérale, les autorisations d’engagement sont un gage, mais il persiste une certaine inquiétude pour l’avenir. Il faut donc parler vrai et traiter de toutes les formes d’aide avec nos partenaires. A une certaine époque, le distinguo opéré pouvait être judicieux et certains types de présence qui coûtaient pourtant cher n’étaient pas considérés comme des aides au développement. Cela n’est plus vrai aujourd’hui.

Un exemple en est donné par l’installation d’une école « Eiforce » (Ecole internationale des forces de sécurité) au nord de Yaoundé où sont stationnés mille soldats français chargés du maintien de la paix

La démarche UNITAID a été soutenue par 47 pays, mais ils sont moins nombreux à avoir instauré la taxe nécessaire pour alimenter ce fonds. Dans le cadre de discussions intervenues à Londres sur la modernisation des outils d’aide au développement, il a été dit qu’existait déjà en Grande-Bretagne une taxe sur les billets d’avions dont le produit alimentait directement le budget de l’Etat. La ministre allemande chargée des transport est également convaincue du bien fondé de cette idée, mais elle n’a pas encore emporté l’adhésion des membres de la coalition gouvernementale.

En conséquence, depuis le 1er juillet 2006, la contribution de la France constitue l’essentiel des ressources de ce fonds dont le montant atteindra entre 160 et 180 millions d’euros en 2007, contre 45 millions en 2006. Cela n’est pas marginal, comme en témoigne la comparaison avec les 900 millions alloués au fonds mondial sida. Initialement toutes les compagnies françaises étaient hostiles à l’instauration de cette taxe, mais chacun a pu constater qu’elle n’avait eu aucune incidence négative sur le transport aérien.

Grâce à cette action la baisse des coûts des traitements de seconde ligne contre le sida a atteint de 25 à 50 % selon les pays. Elle a été de 40 % pour le traitement des pandémies. L’initiative française a donc un réel impact.

Pour les bâtiments de la rue Monsieur, un accord sur le prix est intervenu avec un acheteur à hauteur de 142 millions d’euros (sélectionné à l’issue d’un appel d’offre), mais le ministre du budget n’a pas encore signé l’acte. L’offre a été faite par un groupe qui se propose de transformer une partie de l’immeuble en résidence hôtelière. Le processus est en cours.

En conséquence les services seront installés dans les anciens locaux de l’Imprimerie nationale au début de 2009. Il faut œuvrer pour que cette entité ministérielle de la coopération et de l’aide au développement reste groupée et distincte du Quai d’Orsay, comme cela est le cas dans tous les pays européens.

En tant qu’élue du VIIe arrondissement de Paris, Mme Martine Aurillac a souligné combien elle regrettait cette vente.

Comment seront conciliées la volonté de réalisme et d’être au plus proche du terrain et la réduction des moyens alloués à l’aide bilatérale ?

Le lieu des interventions prioritaires sera encore l’Afrique, mais y aura-t-il des changements dans la liste de ce que l’on appelle les pays du champs ?

M. Jean-Louis Christ a relevé que le niveau de l’AFD était encore loin des 0,5 % du PIB. Cependant l’efficacité de l’aide peut être améliorée par l’accroissement de la cohérence dans les actions : on peut être plus performants à moyens constants, d’où l’idée de la coordination de l’APD avec les acteurs du développement. Ainsi, en Grande-Bretagne, Tony Blair a rassemblé tous les organismes au sein d’un ministère du développement international, ce qui a amélioré la gestion et l’efficacité de l’action. Cela est-il transposable en France ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie, a d’abord répondu à Mme Aurillac que les contributions de la France aux organismes de coopération multilatérale, en particulier le FED, seraient en progression en 2008 puisqu’elles passeront de 680 à 725 millions d’euros. En revanche les contributions onusiennes seront stables et les moyens alloués à l’aide bilatérale vont stagner. Quant aux aides accordées aux ONG, elles connaîtront une forte progression malgré le contexte de stagnation budgétaire.

Le respect des engagements internationaux pris demandera du temps. Les pays concernés se posent tous les mêmes questions et certaines attitudes incitent à la prudence en matière d’aide multilatérale. Sauf bond significatif dans l’aide bilatérale, ce n’est qu’année après année que l’on pourra inverser la tendance.

En ce qui concerne les pays du champs, l’accent sera mis, en dehors de l’Afrique, sur la francophonie : Vietnam, Cambodge, Laos, Liban, Maghreb, pour ces deux derniers dans le cadre euro-méditerranéen. Apparaît également la nécessité d’agir, y compris pour la dimension culturelle, dans certains pays importants, même s’ils sont difficiles, comme le Nigeria.

M. le secrétaire d’Etat a ensuite indiqué à M. Jean-Louis Christ que, lors de sa dernière visite à Londres, il s’était rendu dans les locaux du ministère de la coopération internationale, placé sous l’autorité de M. Douglas Alexander. L’expérience est intéressante et mérite d’être étudiée de près.

L’objectif de ce ministre est clair : adopter une ligne de conduite et concentrer l’action sur une quinzaine de pays. Ceux-ci ont ainsi reçu 92 % des sommes engagées en 2002-2003 dans le domaine de l’éducation.

Cela étant, ce processus n’est pas forcément transposable en France. Ainsi les Britanniques sont très conformistes dans leur approche : seuls sont concernés les acteurs étatiques et les aides budgétaires. La France préfère ne pas négliger d’autres intervenants qui peuvent faire preuve de créativité. Si elle peut s’inspirer de cet exemple, il ne semble pas possible de le transposer.

Mme Nicole Ameline a souligné que l’affirmation que l’objectif de 0,7 % n’était pas abandonné est un signal fort au moment où la France met en place une nouvelle politique d’immigration. En effet il convient de faire de gros progrès quant à la lisibilité de notre APD.

N’est-il pas possible de conduire une démarche plus volontariste au niveau européen ?

La cohérence est aussi jugée sur des politiques dont certaines, comme la lutte contre le sida, font partie des « marques de fabrique » de la France. Il en va de même du rôle des femmes dans le développement, qui doit devenir une priorité. La France peut être un exemple et cela doit passer dans la conscience internationale.

Mme Henriette Martinez a posé les questions suivantes :

– Cette année l’APD ne représentera que 0,42 % du PIB de la France, en raison, semble-t-il du report de l’annulation de la dette de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo. Or, en fait, l’APD de la France comprend pour un tiers des annulations de dettes, pour un autre tiers des dépenses diverses dont l’aide aux réfugiés, et, pour le dernier tiers, les aides programmables, ce qui réduit les marges de manœuvre et les capacités de l’aide.

– Il faut donc mener une réflexion approfondie sur le contenu de l’APD et sur la lisibilité des dépenses pour savoir si elles contribuent réellement au développement. Un audit sur ces dépenses ne serait-il pas judicieux, en particulier en ce qui concerne les aides aux réfugiés, lesquelles devraient plutôt relever du ministère chargé des affaires sociales ?

Par ailleurs il serait juste que UNITAID soit intégré dans l’aide au développement.

– Se pose également la question du transfert de postes entre la DGCID et l’AFD. Où en est-on en la matière ? Leur nombre est-il en augmentation ? Si oui, cette progression va-t-elle être poursuivie ? L’AFD adapte-t-elle ses métiers et ses modalités d’intervention pour assurer son rôle d’opérateur pivot ? En ce cas ne conviendrait-il pas de séparer ces différents métiers en son sein ?

On fait parfois des constatations surprenantes. Ainsi la Chine est en quatrième position dans la liste des pays aidés. Certes il y a sans doute des considérations économiques et la nécessité d’aider des entreprises françaises, mais il faut avouer que cela manque de lisibilité.

– L’assistance technique subit des réductions massives : elle aura perdu 50 % de ses effectifs entre 1999 et 2007 et le projet de loi de finances pour 2008 prévoit encore une diminution de 110 équivalents temps plein. Cela est mal perçu dans de nombreux pays. Quelles sont donc les priorités dans ce domaine et qu’est-il envisagé pour l’avenir ?

– Enfin l’action de la France est dirigée vers 55 pays alors que l’on parle de concentrer les moyens pour leur donner une plus grande efficacité. Un resserrement est-il envisagé et en fonction de quelles priorités ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie, a d’abord rendu hommage à Mme Nicole Ameline pour son action d’ancienne ambassadrice de la France en charge des questions de parité au niveau international.

Dans ce domaine les démarches de genre rencontre réticences et scepticisme. Cette année, a été engagée une nouvelle stratégie liant genre et développement. Cette dimension a notamment été prise en compte dans les documents cadres de partenariats. Ils comportent désormais cinq points sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

En ce qui concerne la dimension européenne, la question de l’aide au développement a déjà été prise en compte dans le travail de préparation de la future présidence française de l’Union. Il faudra appuyer tout ce qui peut permettre d’améliorer la cohérence dans ce domaine, y compris au sein des actions décentralisées.

La deuxième piste est d’agir pour favoriser l’émergence d’une assurance maladie dans les pays où elle n’existe pas ou peu, mais en tenant compte des adaptations nécessaires aux spécificités de chaque pays.

Le secrétaire d’Etat a indiqué à Mme Nicole Ameline que l’on ne pouvait que partager son avis sur la lisibilité, y compris, et peut-être surtout, pour les citoyens français. Il est en effet paradoxal d’entendre des critiques à cet égard, alors que de plus en plus de personnes s’intéressent au développement. Il est donc indispensable de prévoir des outils pour assurer cette lisibilité, en particulier en travaillant mieux entre les ministères concernés et en mettant en œuvre une méthodologie claire, voire un comptage.

L’idée de comptabiliser les dépenses et d’en étudier les effets est évidemment envisageable.

Dans le domaine de l’aide au développement il faut savoir que l’on est passé progressivement, de 1 536 millions d’euros à 985 millions d’euros, y compris les 218 millions d’euros de contributions volontaires aux organismes internationaux.

La dotation budgétaire pour les rémunérations des assistants techniques représentera 95 millions d’euros, soit 40 % de la masse salariale du programme. Le transfert de 320 postes vers l’AFD se terminera en 2008. Cela est important car ce mode d’action est extrêmement utile ; il est même souvent plus attendu et plus reconnu que des aides financières. Il faut stopper l’hémorragie en matière d’assistance technique et voir comme il est possible de soutenir ces actions.

Tout le monde est convaincu des avantages que présente l’AFD, compte tenu de son efficacité, de sa réactivité et de ses possibilités de choix. Il est donc indispensable de jouer le jeu de l’Agence et de travailler avec elle. Soit elle n’est pas utile et il faut arrêter d’y recourir ; soit elle est efficace et chacun doit jouer son rôle dans le cadre de discussions constructives.

L’AFD n’est pas une banque comme les autres. Elle a des contrats d’objectifs avec deux ministères, celui des affaires étrangères et celui des finances, son conseil d’administration n’est pas classique puisqu’il comprend des personnalités qualifiées et des représentants des ONG.

Pour ce qui est des actions en faveur de pays comme la Chine, il est évident qu’il s’agit de cas particuliers. Il convient de bien expliquer qui va dans ces pays et pour quoi faire. La présence de ressortissants nationaux est indispensable pour développer l’influence de la France, tant économique que politique. Evidemment l’action n’y est pas de même nature que dans d’autres pays, mais cela n’empêche pas d’être exigeant à certains égards.

En ce qui concerne enfin les priorités de l’action de la France, il serait souhaitable de mettre progressivement l’accent sur une quinzaine de pays avec une amélioration de la cohérence des actions.

M. André Schneider a demandé au secrétaire d’Etat s’il ne pensait pas que la francophonie était le chemin le plus direct pour rétablir l’influence de la France dans de nombreux pays et qu’elle constituait un axe fort de développement. Comment développer cette action ?

M. Claude Birraux a bien compris que l’impossibilité d’annuler la dette de deux pays avait fait baisser le taux de l’APD par rapport au PNB, mais le développement est une revendication forte des ONG. Or M. Colin Powell a affirmé qu’il n’y aurait pas d’investissements dans les pays où subsisterait la corruption, où les fonds publics seraient pillés, où l’aide serait détournée. La France ne pourrait-elle pas, qu’il s’agisse de l’annulation de la dette ou des actions de développement, exercer une certaine pression sur les pays concernés pour qu’ils améliorent la transparence en leur sein et assurent la mise en place des valeurs démocratiques ?

Ne convient-il pas également de favoriser le commerce équitable ?

Aujourd’hui les pharmaciens ne veulent plus récupérer les médicaments alors que, naguère, cela permettait de faire des envois utiles dans les pays de la zone de solidarité prioritaire. Que peut-on faire pour relancer cette action ?

Dans le cadre de la francophonie les Alliances françaises sont nombreuses, de par le monde, à réclamer des livres. Ne pourrait-on pas détaxer les exportations dans ce secteur ou favoriser les dons afin de permettre un nouveau développement de l’apprentissage du français ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie, a répondu à M. André Schneider qu’il fallait effectivement lier culture et francophonie. Il est bien d’avoir la volonté, mais, parfois, cela ne suffit pas.

Aujourd’hui la France a la chance de pouvoir faire porter son message par tout un réseau, en particulier celui des Alliances françaises. Elle peut également compter sur le support de son rayonnement culturel. Cela peut jouer dans les deux sens : le fer de lance de la francophonie peut être utilisé pour faciliter la compréhension de l’action de la France.

Dans ce domaine on peut faire beaucoup avec peu, car cette action a un effet de levier incomparable. Cela peut jouer y compris dans le cadre de partenariats privés. Lier culture et francophonie est donc essentiel, même s’il faut parfois faire passer le message en anglais.

Le secrétaire d’Etat a ensuite marqué son accord avec M. Claude Birraux à propos de la lutte contre la corruption, mais a ajouté qu’il ne fallait pas se focaliser sur le sujet. En effet, dans certains pays le développement a pu être bien assuré malgré beaucoup de corruption.

Contrairement à ce que l’on cherche à faire aujourd’hui en France, dans de nombreux pays, il est indispensable de mettre davantage d’Etat et de revoir la gouvernance à tous les niveaux.

On doit également essayer de profiter de l’aide au développement pour assurer des progrès dans les domaines de la démocratie et des Droits de l’Homme ; cela peut faire l’objet de conventionnements.

Le secrétaire d’Etat soutient depuis longtemps le commerce équitable, dans le cadre de son mandat de maire.

En ce qui concerne les médicaments, la solution au problème n’est pas facile, car on ne peut contraindre les pharmaciens. Il conviendrait de négocier avec les laboratoires, mais on ne voit pas trop comment répondre à l’élan de générosité manifesté en la matière.

A cet égard, il faut toutefois souligner le rôle d’Unitaid en matière de réduction des coûts des traitements.

L’idée émise par M. Claude Birraux sur les livres mérite d’être creusée et la possibilité d’exercer de fortes pressions sur les Etats concernés afin qu’ils améliorent leur gouvernance financière peut être examinée au niveau de la coopération bilatérale. A cet égard il faut insister sur la déclaration de Paris et ne pas hésiter à s’y référer. Il convient également de songer à mettre en œuvre des politiques sectorielles.

Revenant sur les propos de M. Claude Birraux, le président Axel Poniatowski a, tout comme lui, condamné fermement la corruption, distinguant au sein de cette forme de criminalité la corruption pratiquée en vue de l’obtention d’un contrat et le détournement de fonds d’aide publique au profit de quelques individus.

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