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Commission des affaires étrangères

Mardi 11 décembre 2007

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Axel Poniatowski, Président

– Convention fiscale France-Libye (n° 182 rectifié) – MM. François Loncle et Eric Raoult, rapporteurs

– Convention fiscale France-Allemagne (n° 153) – M. Jean Ueberschlag, rapporteur

– Convention de sécurité sociale France-Luxembourg (n° 100) et convention fiscale France-Luxembourg (n° 188) – M. Jean-Marie Demange, rapporteur

Convention fiscale France-Libye

La commission a examiné, sur le rapport de MM. François Loncle et Eric Raoult, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et de prévenir l'évasion fiscale (n° 182).

Le Président Axel Poniatowski a rappelé que le projet de loi demandant l’approbation de la convention fiscale signée le 22 décembre 2005 par la France et la Libye avait déjà reçu, sous la précédente législature, un avis favorable de la commission des affaires étrangères le 6 février dernier. La commission avait toutefois demandé et obtenu du gouvernement que ce projet de loi ne soit pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale tant que les cinq infirmières bulgares et le médecin d’origine palestinienne détenus en Libye n’auraient pas été libérés. C’est aujourd’hui chose faite.

M. Eric Raoult, rapporteur, a rappelé que M. François Loncle et lui-même avaient été désignés rapporteurs sur ce projet de loi. La décision du 6 février avait été prise sur le rapport de M. Loncle, et la condition posée alors prouve la qualité et la justesse de son analyse.

Le projet de loi n °182 demande l’approbation d’une convention signée le 22 décembre 2005 par la France et la Libye, internationalement désignée sous le nom de Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Très proche du modèle élaboré par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), ce texte vise à supprimer les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale.

Ses principales stipulations sont très classiques. Le but du texte est de n’imposer les revenus que dans l’Etat où ils sont effectivement réalisés, tout en évitant des localisations d’activité fallacieuses. Ce principe est donc adapté à chaque cas particulier.

Ainsi, les revenus immobiliers, y compris les gains en capital, sont imposables dans l’Etat où les biens immobiliers sont situés. S’agissant des bénéfices d’entreprise, ils sont imposables dans l’Etat où celle-ci est située sauf si elle dispose d’un établissement stable dans l’autre Etat. Les revenus des personnes physiques sont au contraire imposés dans l’Etat de résidence, à certaines exceptions près, qui concernent notamment les indépendants et les fonctionnaires.

Une fois l’Etat d’imposition choisi, reste à supprimer la possibilité pour l’autre Etat d’imposer les mêmes revenus. Là encore, la convention du 22 décembre 2005 reprend les mêmes modalités que la quasi-totalité des conventions signées par la France dans ce domaine. A part quelques rares cas dans lesquels une double imposition très faible subsiste, il est donc fait recours soit au mécanisme du crédit d’impôt, soit à l’exemption fiscale des revenus déjà imposés.

En réalité, les quelques différences existant entre la convention du 22 décembre 2005 et le modèle de l’OCDE sont minimes. Il convient de citer l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée, qui permet de faire systématiquement bénéficier les ressortissants français du régime fiscal le plus avantageux. De plus, des clauses anti-abus ont été insérées. Quelques précisions supplémentaires dans la définition de certains termes ont été demandées par la Libye, sans qu’elles changent en rien le sens du texte.

La convention fiscale signée entre la France et la Libye le 22 décembre 2005 est donc bâtie sur le modèle des accords existant dans ce domaine entre la France et tous ses autres partenaires. Or, son approbation avait été soumise par la commission des affaires étrangères à une condition qui est aujourd’hui levée.

La libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne représente incontestablement un grand succès pour la France et pour l’Union européenne. Obtenue suite à des négociations longues et difficiles, elle constitue une nouvelle étape dans le cheminement lent mais sûr de la Libye vers la normalisation et, peut-être, la démocratie.

La commission d'enquête créée le 11 octobre sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens a montré que ce cheminement vers la démocratie exigera un intérêt soutenu de la part des pays occidentaux, intérêt déjà manifesté par Tony Blair lors de sa visite en Libye, mais également par Romano Prodi qui a reçu le colonel Kadhafi en Italie. Plusieurs délégations parlementaires venant de divers pays européens ou américains se sont également rendues en Libye, à l’instar de celle composée d’élus canadiens en février.

La France ne doit pas être tenue à l’écart de l’ouverture de l’économie libyenne.

Bien que notre balance commerciale soit structurellement déficitaire du fait de l’importance du pétrole dans nos échanges, il convient de noter que les exportations françaises vers la Libye ont crû de plus de 40 % entre 2006 et 2007, nous permettant de passer du septième au sixième rang des fournisseurs de ce pays.

C’est précisément parce que ces développements étaient en cours que la convention fiscale du 22 décembre 2005 a été signée. En effet, l’augmentation rapide et prévisible des liens économiques entre la France et la Libye rendait nécessaire un certain nombre de clarifications concernant le régime fiscal des activités menées entre ces deux pays. En s’efforçant d’éviter les doubles impositions, tout en se préservant du risque de favoriser l’évasion fiscale, la convention qui est soumise à votre examen permet cette simplification.

La commission des affaires étrangères ne saurait être liée par un engagement pris au cours d’une législature précédente. Pour autant, les arguments qui l’avaient conduite à donner un avis favorable à l’approbation du texte du 22 décembre 2005 paraissent toujours valides et encore plus d’actualité

Parce qu’elle permettra de donner plus de sécurité juridique aux échanges entre la France et la Libye, dont le développement économique laisse entrevoir de grandes opportunités pour nos entreprises, M. Eric Raoult a invité la commission a se prononcer en faveur de l’approbation de la convention du 22 décembre 2005.

Le Président Axel Poniatowski a remercié M. François Loncle d’avoir accepté d’être co-rapporteur de ce texte.

M. François Loncle, rapporteur¸ a indiqué qu’il conclurait dans le même sens que M. Eric Raoult, à savoir en faveur du projet de loi. Il convient toutefois d’apporter quelques précisions aux débats portant sur cette convention.

D’abord, l’idée de suspendre la procédure d’approbation dans l’attente de la libération des personnels soignants revient au Président Axel Poniatowski, qui l’avait proposée à la commission, celle-ci s’étant ensuite prononcée en faveur d’une telle solution, de même que le Président Edouard Balladur.

Le rapport publié sur ce projet de loi s’efforce de rappeler l’histoire des relations franco-libyennes. Cette histoire est tumultueuse et mouvementée, depuis la reconnaissance du nouveau gouvernement de la Libye par la France suite au coup d’Etat de 1969 jusqu’à l’embargo de 1992. En 2004 intervient un premier tournant, qui touche les relations de nombreux pays avec la Libye ; la libération des infirmières et du médecin le 24 juillet 2007 est une étape essentielle de l’évolution de nos relations avec ce pays.

Comme indiqué dans le rapport, du fait de l’existence d’une commission d’enquête parlementaire actuellement en cours, les débats sur la convention fiscale de 2005 ne sauraient aborder ni le déroulement des négociations ayant abouti à cette libération, ni l’avenir des relations franco-libyennes.

Le fait que l’examen de cette convention ait lieu le même jour que la visite du colonel Kadhafi à l’Assemblée nationale est un simple hasard qui ne permet en rien de lier l’avis exprimé sur cette convention au point de vue que chacun peut avoir de la nécessité et de l’opportunité des choix faits pour mener les relations entre la France et la Libye. Entre ces deux pays, une histoire recommence qui devra être suivie de manière attentive par la commission des affaires étrangères. Il est étonnant, par exemple, qu’une convention fiscale somme toute très classique comme celle du 22 décembre 2005 soit soumise à l’examen de la commission alors que des accords aux implications commerciales majeures ne le sont pas. Ces derniers auraient pu être soumis, si ce n’est à l’autorisation d’approbation du Parlement, au moins à une obligation d’information.

Une fois émises ces remarques liminaires, M. François Loncle s’est prononcé en faveur de l’adoption du projet de loi.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que les accords auxquels le rapporteur venait de faire référence étaient des mémorandums, qui ne comportaient pas d’engagement ferme de la part des Etats.

M. François Loncle, rapporteur, a réaffirmé qu’il était toutefois possible d’être informé et de discuter du contenu de tels textes.

Le Président Axel Poniatowski a précisé que ces derniers n’indiquaient que les intentions des parties.

Conformément aux conclusions des rapporteurs, la commission a adopté le projet de loi (n° 182).

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Convention fiscale France-Allemagne

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Ueberschlag, le projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur les successions et sur les donations (ensemble un protocole) (n° 153).

M. Jean Ueberschlag, rapporteur, a rappelé que cette convention fiscale entre la France et l’Allemagne s’inscrivait dans le cadre de la relation privilégiée qu’entretiennent les deux pays de manière continue.

En effet, le lien politique est fort et se manifeste de plusieurs façons. Il y a tout d’abord des contacts au plus haut niveau. Depuis la signature du Traite de l’Elysée en 1963, les rencontres n’ont jamais fait défaut et les premières visites à l’étranger de la Chancelière comme du Président de la République ont été immédiatement pour le partenaire. Le Conseil des ministres franco-allemand est un instrument majeur de cette coopération politique. Les sommets informels dits « Blaesheim » jouent aussi un grand rôle. A cet égard, l’accord trouvé en matière institutionnelle lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 constitue un succès incontestable et montre la solidité de cette collaboration franco-allemande.

Sur le plan culturel, la coopération franco-allemande est particulièrement exemplaire. Des organismes binationaux servent de relais entre les gouvernements et les sociétés civiles des deux pays. Citons l’Office franco-allemand pour la jeunesse, l’Université franco-allemande, la chaîne ARTE, ou encore les centres culturels franco-allemands et les lycées franco-allemands.

Sur le plan économique et plus particulièrement commercial, la France et l’Allemagne sont l’un pour l’autre le premier partenaire commercial. Les échanges bilatéraux sont cependant déséquilibrés au détriment de la France depuis 1998, même si cette tendance s’est infléchie en 2006. Les grands groupes représentent 60 % des exportations françaises vers l’Allemagne grâce à un positionnement favorable dans quelques secteurs clefs tels l’automobile, l’aéronautique ou l’électronique. La France est le quatrième pays investisseur en Allemagne. Dans le domaine industriel, la coopération franco-allemande s’illustre en matière aéronautique et spatiale avec le groupe EADS.

Le rapporteur a ensuite abordé l’aspect fiscal de cette relation privilégiée, et notamment le problème des doubles impositions.

La Convention fiscale liant actuellement la France et l’Allemagne date du 21 juillet 1959 ; elle a été amendée par trois avenants en 1969, 1989 et 2001. Elle ne s’applique qu’à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune et n’inclut pas le champ des successions et donations.

Or, le nombre de personnes concernées n’est pas négligeable : les ressortissants français en Allemagne étaient de 108 821 en 2006, les ressortissants allemands en France environ 100 000. Le nombre de décès annuels des ressortissants allemands est compris entre 300 et 500. Celui des successions ou des donations susceptibles d’être concernées par la Convention n’est pas connu précisément.

Après plusieurs années de négociations la Convention a été signée à Paris le 12 octobre 2006 ; elle est complétée par un protocole. Le texte respecte pour l’essentiel les principes établis dans le modèle de convention sur les successions et donations de l’OCDE.

La Convention s’applique aux successions et donations des personnes domiciliées dans l’un ou dans les deux états contractants au moment du décès ou de la donation (art. 1), et énumère les impôts visés dans son article 2. Le texte s’attache à préciser certaines définitions générales en vue de favoriser leur correcte interprétation (art. 3), et détermine la notion de domicile fiscal conformément au modèle de l’OCDE (art. 4).

Pour déterminer le lieu d’imposition des biens, le texte a retenu principalement le critère de situation : les biens sont imposés dans l’Etat où ils se situent. La seule exception à ce principe figure à l’article 9 qui concerne la catégorie des « autres biens », c'est-à-dire ceux qui n’ont pas été visés aux articles précédents. Ces « autres biens » sont imposés dans l’Etat de résidence.

Le mécanisme d’élimination des doubles impositions retenu par la France, comme par l’Allemagne, réside dans un crédit d’impôt égal à l’impôt étranger.

L’article 10 de la Convention expose les règles de déduction des dettes. Des voies de recours sont prévues, soit par une procédure amiable, soit par une procédure d’arbitrage (articles 13 et 14). La Convention prévoit également l’échange des renseignements entre les deux pays et des règles d’assistance au recouvrement.

Le rapporteur a conclu son intervention en évoquant rapidement l’impact de cette Convention, qui semble nul en terme strictement budgétaire, mais qui est nécessairement plus positif en termes macro-économiques. En effet, cette Convention assurera, dès son entrée en vigueur, une parfaite élimination des doubles impositions en matière de transmission à titre gratuit des biens entre résidents des deux Etats, ce qui favorisera la mobilité et les échanges entre la France et l’Allemagne.

Le rapporteur a invité la commission à se prononcer pour l’adoption du projet de loi autorisant sa ratification.

M. Jean-Paul Lecoq a souhaité avoir des précisions sur les modalités de traitement de la transmission des biens immatériels – comme les revenus de la propriété intellectuelle – par la convention et obtenir une évaluation du montant des transmissions concernées.

M. Jean Ueberschlag a indiqué que, en l’absence de mention particulière, les biens immatériels devaient relever de la catégorie des « autres biens », visés à l’article 9 de la convention et imposés dans l’Etat de résidence. Aucune évaluation des volumes financiers concernés n’est disponible.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 153).

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Convention de sécurité sociale et convention fiscale France-Luxembourg

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Marie Demange, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (n° 100) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 188).

M. Jean-Marie Demange, rapporteur, a indiqué que les deux projets de loi intéressant les relations franco-luxembourgeoises visaient à autoriser, pour le premier, l’approbation du deuxième avenant à la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et, pour le second, l’approbation de la convention sur la sécurité sociale.

L’objectif de faciliter les activités économiques et financières entre deux pays, auquel vise à contribuer une convention fiscale, est actuellement détourné. La convention entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 souffre, en effet, d’une divergence d’interprétation juridique qui prive les deux parties d’importantes ressources fiscales. Le deuxième avenant, signé le 24 novembre 2006, vise à remédier à cette situation fâcheuse.

La convention sur la sécurité sociale, signée le 7 novembre 2005, se distingue des nombreux accords sur le même sujet dont la France est signataire en ce qu’elle s’inscrit dans le cadre d’un règlement communautaire. La situation géographique spécifique du Grand-Duché du Luxembourg, qui se traduit par la présence de nombreux travailleurs transfrontaliers, justifie de compléter la législation communautaire, notamment pour faciliter la reconnaissance des droits de ces derniers en matière de sécurité sociale.

L’avenant met fin à une divergence d’interprétation de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 : le désaccord entre les hautes juridictions française et luxembourgeoise porte sur la détermination du lieu d’imposition des revenus immobiliers et des plus-values immobilières que les entreprises luxembourgeoises, et dans une moindre mesure françaises, perçoivent et réalisent à l’occasion de l’exploitation ou de la cession d’un bien immobilier dans l’autre pays.

Le Conseil d’Etat considère que les revenus retirés de biens immobiliers par des entreprises industrielles et commerciales constituent des revenus d’entreprises visés par l’article 4. La Cour d’appel du Luxembourg estime pour sa part que ces revenus relèvent de l’article 3 qui prévoit les modalités d’imposition des revenus immobiliers.

En l’absence d’établissement stable en France, les revenus des entreprises luxembourgeoises sont donc imposables au Luxembourg selon la jurisprudence française et en France selon la jurisprudence luxembourgeoise. Cette cacophonie ubuesque se traduit in fine par une importante évasion fiscale, les opérations réalisées par les entreprises bénéficiant d’une double exonération en France et au Luxembourg.

Plusieurs investisseurs luxembourgeois ont de ce fait mis en place des schémas d’optimisation fiscale permettant de réaliser en France des profits immobiliers en franchise d’impôt.

Afin de remédier aux conséquences financières dommageables de cette situation, l’avenant, signé à Luxembourg le 24 novembre 2006, affirme clairement que l’imposition est opérée dans l’Etat de situation de l’immeuble. A cette fin, il modifie trois articles de la convention actuelle.

L’article 3 de la convention est complété pour prévoir expressément que les « revenus provenant de l’exploitation ou de l’aliénation des biens immobiliers d’une entreprise » sont soumis à la même règle fiscale que tous les revenus de biens immobiliers, donc imposables dans l’Etat sur le territoire duquel le bien est situé. Un paragraphe est inséré dans l’article 4 afin d’exclure que celui-ci s’applique aux revenus immobiliers des entreprises, alors même qu’il traite des revenus d’entreprises. L’article 15 de la convention est modifié afin de permettre l’imposition des revenus et plus-values immobiliers provenant de l’exercice d’une profession indépendante selon les règles de l’article 3 précité.

Ainsi, les revenus et plus-values retirés de biens immobiliers situés en France par des entreprises luxembourgeoises seront-ils désormais imposés en France dans les conditions de droit commun.

Si seulement 1 000 Luxembourgeois résident en France, on dénombre environ 28 000 résidents français au Luxembourg (dont 22 000 immatriculés au consulat de France) et 64 000 travailleurs frontaliers.

Cette donnée justifie la signature d’une convention sur la sécurité sociale alors que cette matière est principalement régie par le droit communautaire. Le Luxembourg est, en effet, le premier Etat membre de l’Union européenne avec lequel la France a signé une convention en matière de sécurité sociale dans le cadre du règlement communautaire.

La convention, signée à Paris le 7 novembre 2005, s’inscrit dans le cadre du règlement n° 1408/71  qui établit une coordination des régimes, généraux et spéciaux, de sécurité sociale.

La convention poursuit deux objectifs : améliorer la coordination des régimes de sécurité sociale au bénéfice notamment des nombreux travailleurs transfrontaliers, d’une part ; garantir le recouvrement des cotisations ainsi que la répétition des indus ayant fait l’objet de décisions ou d’actes judiciaires, d’autre part.

Dans son titre II, la convention étend les droits des assurés et facilite la reconnaissance et le service de ces droits dans trois domaines : la maladie et la maternité, l’invalidité, la vieillesse et la survie ainsi que la dépendance. En effet, concernant la maladie et la maternité, elle permet aux membres de famille des travailleurs frontaliers français de bénéficier, sur le territoire luxembourgeois (et inversement), du remboursement des soins dits programmés qu’ils y ont reçus. Il en va de même pour les « monopensionnés » titulaires d’une retraite luxembourgeoise ou les « bipensionnés », résidant sur le territoire français, qui, du fait de leur affiliation en France en application du règlement, n’ont droit sur le territoire luxembourgeois, qu’au remboursement de soins « devenus nécessaires au cours du séjour ». Aux uns et aux autres, ce nouveau droit est reconnu par la présente convention sans obligation d’avancer les frais, contrairement à la jurisprudence communautaire.

Le titre III rassemble diverses dispositions, dont la plus importante concerne les procédures d’exécution : l’article 8 prévoit ainsi la reconnaissance réciproque des décisions ou actes exécutoires relatifs à la sécurité sociale et détermine les règles qui s’y rapportent.

La convention est enfin accompagnée d’un protocole additionnel qui porte sur le recouvrement des cotisations et contributions ainsi que la répétition des prestations indûment versées. Ce protocole se substitue à l’accord du 24 février 1962 portant sur le recouvrement des cotisations.

Le Luxembourg ayant satisfait à ses obligations en matière de ratification, il appartient donc à la France d’accomplir les formalités nécessaires à l’entrée en vigueur de ces deux conventions. C’est pourquoi le rapporteur a recommandé d’adopter les projets de loi qui autorisent leur approbation avant qu’une nouvelle année fiscale ne commence.

Après avoir remercié le rapporteur, M. François Rochebloine a fait part de son étonnement face au grand nombre de Français travaillant au Luxembourg et à la prévision de croissance de ce nombre, évoquée par le Rapporteur. Il a souhaité savoir si les emplois au Luxembourg étaient plus qualifiés qu’en France, quelle était la durée du travail et les raisons de l’importance des flux de travailleurs transfrontaliers.

M. Jean-Marie Demange, rapporteur, a fait observer que le revenu national brut par habitant du Luxembourg était le plus haut du monde et que le pays constituait une plate-forme institutionnelle, financière et de services. Les rémunérations y sont en moyenne d’un tiers plus élevées qu’en France, mais les emplois ne sont pas tous très qualifiés ; un certain nombre de postes sont dans les secteurs de la restauration et du commerce. Toute la région est influencée par le développement des services au Luxembourg. Le projet d’Esch-Belval, situé pour partie en France, pour partie au Luxembourg, vise à rééquilibrer le développement de la zone ; il vise la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

M. Jean-Paul Lecoq a demandé si la convention de sécurité sociale restait pertinente en dépit des réformes récentes en France dans ce domaine, comme la création des franchises.

M. Jean-Marie Demange, rapporteur, a indiqué que les règles valables dans chaque Etat s’appliquaient aux ressortissants de l’autre pays qui s’y faisaient soigner. Les taux de remboursement au Luxembourg sont inférieurs aux taux en vigueur en France. La coopération médicale, hospitalière et universitaire franco-luxembourgeoise fonctionne très bien, même si la plate-forme de recherche prévue à Esch-Belval risque d’entraîner un départ des chercheurs de l’université de Nancy au Luxembourg.

M. Jean Ueberschlag a mis en évidence la situation paradoxale des zones frontalières : certes, les emplois de l’autre côté de la frontière permettent de réduire le taux de chômage local, mais ils ne résolvent pas les difficultés économiques et sociales des régions françaises. Le travail transfrontalier produit de la valeur ajoutée à l’étranger, tandis que les problèmes liés au logement, en particulier, restent en France. Ce qui est vrai pour le Luxembourg l’est aussi pour la Suisse. Il serait opportun de lancer une réflexion sur la mise en place d’un régime dérogatoire dans les régions frontalières afin d’éviter les distorsions de concurrence vis-à-vis du pays voisin. Il n’est pas acceptable que des entreprises de Franche-Comté ou du Jura se délocalisent de quelques centaines de mètres pour s’installer en Suisse !

Le Président Axel Poniatowski a souligné la gravité de ce problème, tout en observant qu’il relevait de la compétence de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté les deux projets de loi (nos 100 et 188).

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