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Commission des affaires étrangères

Mardi 4 novembre 2008

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur

– Examen pour avis des crédits de la mission Economie du projet de loi de finances pour 2009 : commerce extérieur – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis

– Mise aux voix pour avis des crédits du programme « Audiovisuel extérieur de la France » de la mission Médias du projet de loi de finances pour 2009 – M. Didier Mathus, rapporteur pour avis

Audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur

La séance est ouverte à dix-sept heures trente

M. le président Axel Poniatowski. Madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, nous sommes heureux de vous entendre sur le projet de loi de finances pour 2009.

Notre commerce extérieur préoccupe les membres de la commission des affaires étrangères, comme tous les responsables français. En 2007, son déficit a atteint un nouveau record – plus de 39 milliards d’euros. Alors que les conséquences de la crise financière ont lourdement pesé sur l’économie mondiale, les perspectives commerciales pour 2009 ne sont pas réjouissantes.

Dans ce nouveau contexte, comment allez-vous adapter votre politique de soutien à l’export ?

Par ailleurs, la diplomatie économique a, jusqu’à présent, favorisé la réussite internationale des grandes entreprises françaises, plus que des PME. Le transfert des missions économiques à UBIFRANCE permettra-t-il désormais de mieux répondre aux préoccupations des PME ?

Enfin, vous avez annoncé l’intention du Gouvernement « d’aller chercher chaque PME ». Qu’entendez-vous exactement par là ? Quels moyens mettrez-vous en œuvre pour atteindre cet objectif, alors que l’export ne constitue pas une voie naturelle pour les PME, et encore moins en période de crise ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur.

À juste titre, monsieur le président, vous avez relevé que la situation du commerce extérieur s’est à nouveau dégradée, les derniers chiffres connus faisant apparaître moins 34,4 milliards d’euros sur les huit premiers mois de l’année, les plus récents devant être rendus publics à la fin de cette semaine.

Ce solde n’est que le reflet de phénomènes macroéconomiques comme le cours de l’euro, le prix du baril de pétrole, ou la demande chez nos principaux clients, en particulier européens.

Cette difficulté, déjà constatée au premier semestre, et qui sera sans doute encore prégnante dans les prochains mois, nous amène, loin de baisser les bras, à souhaiter prendre toutes les dispositions pour dynamiser le plus possible notre appareil d’exportation.

Les réformes structurelles menées par le Gouvernement tendent à améliorer la compétitivité de nos entreprises. Le premier axe – l’innovation, avec le crédit d’impôt recherche, les pôles de compétitivité – nous met en situation d’exporter davantage. Une entreprise innovante sur deux exporte, alors qu’en moyenne, une entreprise française sur vingt est exportatrice. Le second vise tout ce qui concourt à améliorer les structures financières des PME ; je pense aux dispositions de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) et de la loi de modernisation de l’économie (LME), qu’il s’agisse de la possibilité de participation au capital au titre de l’ISF ou de la réduction des délais de paiement.

J’en viens aux mesures qui relèvent plus spécifiquement de mon domaine et qui concernent la réforme de l’appareil de soutien à l’exportation.

Nous avons fixé un objectif et une méthode. L’objectif est d’augmenter de 10 000 le nombre d’entreprises exportatrices ; il s’agira donc essentiellement de PME. Cela est à mettre en relation avec la dégradation du nombre d’entreprises exportatrices depuis le début des années 2000, puisque nous sommes malheureusement passés en dessous du chiffre de 100 000, à comparer aux quelque 350 000 entreprises allemandes exportatrices. L’objectif de 10 000 me paraît réaliste, mais assez difficile à réaliser dans la conjoncture actuelle.

La méthode choisie est, d’une part, une réforme de l’État au titre de la RGPP et d’autre part, une méthode de coopération.

Au titre de la réforme de l’État, nous avons, avec Christine Lagarde, décidé de faire une distinction complète entre les missions économiques et les missions commerciales de soutien à nos entreprises. Cette distinction est d’ailleurs celle qui existe dans l’organisation des Américains entre les aspects économiques régaliens auprès des ambassadeurs, d’une part, et les missions commerciales, d’autre part.

Nous avons passé avec UBIFRANCE – dont je salue le président, M. le député Alain Cousin ici présent – une convention d’objectifs et de moyens de trois ans qui lui confie explicitement et exclusivement une mission d’accompagnement des PME, avec cet objectif de 10 000 entreprises exportatrices en plus, assorti de la valorisation des volontaires internationaux en entreprise – les VIE –, dont le nombre devrait doubler pour passer de 6 000 à 10 000.

Cette clarification des tâches est assortie d’une augmentation importante des moyens d’UBIFRANCE, dont vous avez vu les chiffres dans le projet de loi de finances, qui permettra à la fois d’augmenter le nombre de missions et d’opérations à l’étranger et de réduire le coût de ces opérations pour les entreprises concernées. À titre d’exemple, j’ai participé il y a quelques jours au salon GITEX des nouvelles technologies à Dubaï, où les entreprises m’ont dit que leur présence leur avait coûté 8 000 euros l’année dernière et 4 000 euros cette année.

La dévolution de l’ensemble des services commerciaux des ambassades à UBIFRANCE se fera sur trois ans. Nous avons pris dans la loi LME les dispositions juridiques permettant à cette dévolution de se faire dans de bonnes conditions du point de vue du statut des personnels concernés.

La méthode est également coopérative en ce sens qu’il m’a semblé nécessaire de sortir d’une époque dans laquelle on assistait un peu trop souvent à des rivalités entre les différents organismes appelés à soutenir les entreprises. Nous avons donc cherché à mettre tout le monde, et chacun à sa place, sur le pont. À cette fin, j’ai parrainé une convention entre UBIFRANCE, le ministère – des collaborateurs de la DGTPE étant à mes côtés aujourd’hui –, les chambres de commerce françaises sur le terrain et les chambres de commerce à l’étranger, avec une répartition des rôles s’efforçant de faire jouer à chacun des acteurs ce qu’ils savent le mieux faire : aux chambres de commerce sur le terrain, le repérage des entreprises qui ont les reins assez solides et un projet stratégique assez structuré pour pouvoir être emmenées à l’exportation ; à UBIFRANCE, un catalogue de produits allant de la simple information à des accompagnements de missions et à des participations à des salons pour les entreprises ainsi repérées ; aux chambres de commerce françaises à l’international, le rôle d’assurer la domiciliation, la recherche de partenaires ou de fournir des conseils.

Je suis très satisfaite de constater que non seulement les conventions locales, qui déclinent cette convention générale signée au mois d’avril, se mettent en place, mais surtout que, sur le terrain, l’esprit de coopération, fait avancer les choses. Je m’en assure à l’étranger, mais également à l’occasion de déplacements sur le terrain, par exemple demain à Nancy et cette semaine en Europe, après mes quelques voyages en octobre.

Voilà pour les PME.

Je voudrais dire un mot sur la COFACE car, même si elle ne relève pas de la mission économie, elle joue un rôle considérable. Une réforme particulièrement importante pour les PME est celle de l’assurance prospection décidée au début de cette année, avec un recentrage sur les entreprises innovantes et la création d’un produit de « préfinancement » avec les banques. Je me réjouis de constater que, sur les premiers mois de 2008, la réforme a permis d’augmenter de 20 % le nombre d’entreprises bénéficiaires. C’est donc un accompagnement supplémentaire des PME.

Ayant constaté depuis quelques semaines la difficulté d’un certain nombre d’entreprises exportatrices à trouver des cautions pour pouvoir mener à bien leurs contrats – je parle malheureusement de grosses entreprises –, j’ai été amenée hier à prendre des décisions techniques. Nous voulons éviter la situation aberrante où, alors même que nous avons plus que jamais besoin d’entreprises qui exportent, des raisons financières handicapent ces entreprises.

Notre politique concerne les exportations, mais aussi la présence internationale de la France par les investissements français à l’étranger. En termes de chiffre d’affaires, ces investissements génèrent plus du double – environ 800 milliards d’euros – de notre chiffre d’affaires à l’exportation stricto sensu, mais n’ont pas d’impact budgétaire. Ce qui a un impact budgétaire, c’est la troisième forme d’internationalisation de l’économie française – après les exportations et l’investissement –, à savoir l’investissement étranger en France, soutenu en particulier par l’Agence française pour les investissements internationaux – l’AFII. En 2007, ces investissements ont atteint un record de 108 milliards d’euros, avec des opérations importantes et intéressantes en matière d’emploi sur le territoire national. Pour 2009, nous avons préservé les moyens de l’AFFI, financés pour partie par Bercy, à hauteur de 15,7 millions, et pour partie par la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité du territoire, pour un total de 23,4 millions, ce qui permettra à l’Agence d’être un bras efficace, sachant qu’une mission particulière lui a été confiée concernant la valorisation des terrains militaires libérés par la restructuration des armées.

Voilà ce que je voulais vous indiquer en termes budgétaires, sachant que ce que nous faisons directement pour l’exportation n’est que la partie émergée de l’iceberg.

En ces temps de difficultés mondiales où la croissance économique va se réduire non seulement en Europe, mais dans bien d’autres régions, je suis frappée, voire touchée, par le dynamisme et le courage extrêmes de nos entreprises, en particulier les plus innovantes, bien sûr les plus grandes, qui remportent les grands contrats, mais également les plus petites, dans une chaîne que j’espère de plus en plus solide entre grandes et petites entreprises.

Pour alimenter ce courage, un certain nombre d’autres dispositions non budgétaires sont en train d’être prises : la réforme du dispositif du portage, par lequel les grandes entreprises emmènent les plus petites, et la dématérialisation des procédures du commerce international, pour faciliter l’exportation en termes administratifs. C’est bien le moins que le Gouvernement et l’administration puissent faire pour aider ces entreprises dynamiques et innovantes.

M. le président. Je crois savoir que vous allez conclure un accord commercial avec les pays du CCG. Où en êtes-vous et sur quoi porte cet accord, sachant que les partenaires en question sont essentiels pour la France et qu’elle y a subi des pertes de marchés considérables depuis une dizaine d’années ? L’accord est-il de nature à permettre un retour de nos exportations dans cette zone essentielle ?

Mme la secrétaire d’Etat. Il s’agit d’un accord entre l’Union européenne et le Conseil de Coopération des États Arabes du Golfe, le CCEAG, et il n’est pas encore signé.

À la demande du Président de la République, je me suis rendue récemment en Arabie Saoudite et dans plusieurs États du Golfe pour faire avancer cette négociation qui dure depuis dix-sept ans et dont nous souhaitons résolument qu’elle aboutisse. Si c’est le cas avant la fin de l’année, ce qui paraît possible, ce serait une grande victoire pour les politiques commerciales de l’Union européenne et donc pour la Présidence française. Il s’agirait d’un accord de libre-échange qui permettrait de faciliter les exportations vers ces pays, aussi bien en termes de biens que de services. Aujourd’hui, quelques difficultés subsistent, certaines d’entre elles ayant un caractère très technique, par exemple les droits de douane sur les vins et spiritueux ou la manière de traiter les services dans le domaine du pétrole.

Il est important que vous sachiez que ce type d’accord comporte un lien avec ce qu’on appelle « une clause politique », c’est-à-dire le respect par ces pays de différentes dispositions sur les droits de l’homme ou les engagements en matière de non-prolifération. Cela fait partie des points de discussion en cours, le Président de la République ayant demandé au Gouvernement de s’engager fortement pour, nous l’espérons, aboutir dans les tous derniers jours de décembre. Si ce n’est pas le cas, nous aurons tout de même avancé dans le bon sens.

M. Robert Lecou. Le secteur agroalimentaire est généralement porteur pour la France, en particulier la filière du vin. Comment situez-vous ce secteur et cette filière dans vos voyages à l’étranger ? Que pouvons-nous faire pour progresser ?

M. Jean-Marc Roubaud. Madame la secrétaire d’État, vous avez parlé de mettre tout le monde sur le pont, d’organiser des missions économiques, des missions commerciales. Mais j’ai l’impression que nous avons tendance à compliquer les choses à l’infini et que, sauf à me tromper, les grands groupes n’ont pas forcément besoin d’aides ou de structures de l’État en termes de commerce extérieur, ayant des entrées un peu partout dans le monde et les infrastructures pour s’organiser à l’exportation.

S’agissant des PME, je crois que nos organisations – UBIFRANCE, COFACE, chambres de commerce, missions économiques des ambassades, etc. – désespèrent ou, du moins, découragent nos chefs d’entreprise, d’où l’urgence, selon moi, de créer un guichet de commerce extérieur unique pour les PME.

Par ailleurs, la baisse actuelle du cours de l’euro vous fait-elle sentir un frémissement des exportations françaises ?

Mme la secrétaire d’État. L’agroalimentaire est un des secteurs dans lesquels nous enregistrons des chiffres positifs. Par ailleurs, cette filière peut trouver des débouchés structurels très intéressants, en particulier en Chine et en Inde. De plus, dans l’esprit des prises de position du Président de la République sur la question de la lutte contre la faim dans le monde, des possibilités existent d’apporter des contributions qui aillent de l’ingénierie de l’eau aux semences, en passant par les produits agricoles, la logistique agroalimentaire, la distribution, cette chaîne étant aujourd’hui organisée, mais pouvant l’être encore davantage, me semble-t-il. Nous travaillons là-dessus avec Michel Barnier et SOPEXA.

M’étant rendue à Vinexpo à Hong Kong avant les vacances, j’ai été particulièrement satisfaite de constater les progrès des viticulteurs de votre région, monsieur Lecou, pour se présenter sous forme de marques ; cette évolution me semble très positive. Dans les différents salons du vin où j’ai pu me rendre, beaucoup d’acheteurs étrangers ont eu énormément de mal à se repérer dans le maquis charmant de nos différents vignobles, qui ne répondent pas aux catégories de la concurrence venue du Chili, de la Nouvelle-Zélande, d’Argentine ou de la Californie. Par conséquent, tout ce qui peut être fait pour regrouper les producteurs avec des marques et des labels du même type que ceux de nos concurrents est très important. En Chine, un très grand importateur m’a expliqué que vu les quantités dont il avait besoin, il lui faudrait cent fois la capacité de production du vignoble du Bordelais avec lequel il est en contact ! Je travaille avec les différents professionnels pour accompagner ces efforts en matière de marques et de clarification de l’offre viticole.

Selon moi, l’agroalimentaire et toutes les filières de l’environnement sont deux secteurs où nous devrions nous structurer encore davantage, où la politique et l’affirmation d’une image de la France dans le monde sont compatibles avec nos intérêts économiques, puisque nous sommes bons dans les deux secteurs.

Monsieur Roubaud, un grand merci de nous accompagner dans cette idée de la nécessité d’être lisible ! À cet égard, j’ai fait en sorte que nous ayons un seul logo France fédérant les acteurs français du commerce extérieur à l’étranger. Commun avec le ministère de l’agriculture et des différentes instances qui en dépendent, il évitera de voir, dans un même salon, de très beaux pavillons italiens avec un seul beau bandeau à côté de toutes nos présentations qui traduisent le charme français, mais ne donnent pas l’image de puissance et de coordination que nous voudrions avoir !

Les grands groupes ont aussi besoin, j’avoue en être surprise, de ce que vous avez appelé la diplomatie économique. Je rentre de Chine, où Carrefour est très intéressé par les contacts, les ouvertures permises par des voyages comme ceux des membres du Gouvernement ou du Président, qu’il s’agisse des contrats d’État à État, de tous les grands contrats dans les domaines des transports, des infrastructures ou de l’environnement, comme l’eau, ou des grands contrats d’approvisionnement énergétique, pour lesquels Areva ou Total ont également besoin de nous – dans des conditions différentes, c’est vrai, de celles qui rendent service aux PME.

S’agissant du cours de l’euro, je n’ai pas encore constaté de frémissement des exportations. Mais, le cours de l’euro est moins important qu’on peut le penser, les deux tiers de nos exportations se faisant en Europe ; les difficultés que nous pouvons avoir en Europe sur les changes viennent du fait que l’ensemble des industriels européens sont en concurrence avec le yuan. Les prochains chiffres seront publiés à la fin de la semaine.

M. Jean-Paul Bacquet. Mme la secrétaire d’État, faire un rapport sur le commerce extérieur est toujours une opération très difficile, parce qu’il me semble que, chaque année, on se trouve devant les mêmes situations.

Chaque année, le déficit est un peu plus important, mais on trouve toujours des gens qui vous disent très sérieusement que tout va bien, qu’on n’a jamais tant exporté, qu’on n’a jamais eu autant de parts de marché, même si on en a moins par rapport à l’évolution des marchés. C’est la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine ! Quoi qu’il en soit, en auditionnant, j’ai toujours entendu les mêmes critiques : le nombre d’intervenants, le parcours du combattant, le coût des interventions quand les intervenants de l’État se manifestent, et une certaine forme d’illisibilité.

Je voudrais souligner un point très positif : pour la première fois l’année dernière, on a considéré que le déficit n’était pas conjoncturel, mais structurel. En reprenant cette notion, d’autant plus sage qu’elle revient à dire que le remède ne peut être apporté que dans le temps, vous n’avez pas la même position que Mme Lagarde, alors ministre au commerce extérieur, disant que 2006 serait un excellent cru ! Comment peut-on dire cela d’un déficit structurel ? Je crois qu’il faut avoir le courage de dire qu’il faudra du temps.

Pour ma part, je ne peux que m’associer à certains de vos choix, madame. S’agissant de l’évolution d’UBIFRANCE, j’aurais tendance à dire : enfin ! Pendant plusieurs années en effet, les problèmes immobiliers, de délocalisation, de reclassement de personnels, de licenciements et autres d’UBIFRANCE ont été réglés, mais une totale inefficacité a prévalu, sauf dans la région PACA où UBIFRANCE était installée, preuve que la proximité n’est pas inutile. Je vais à l’encontre des propos de mon collègue Roubaud : la lisibilité est plus facile, c’est vrai, quand UBIFRANCE et missions économiques travaillent ensemble, plutôt que lorsque les missions économiques ne travaillent pour le commerce extérieur qu’une fois leur mission régalienne remplie et qu’il ne leur reste plus beaucoup de temps pour être au service de l’entreprise.

Sur les chambres de commerce et d’industrie (CCI), vos explications sont évidentes, et l’on reparle de l’élément de proximité, si ce n’est que, pour l’instant, elles sont en restructuration. J’espère que cela ira plus vite que la réforme d’UBIFRANCE et que les CCI seront le plus vite possible associées d’une façon efficace.

Vous avez évoqué la nécessité, essentielle à mon sens, d’augmenter la taille et le volume des PME – cela a toujours été dit, mais je n’ai encore jamais vu d’action très positive en ce sens – ainsi que le nombre des exportateurs. Or, il est très inquiétant de constater la baisse régulière du nombre d’exportateurs, en particulier des primo-exportants, certains exportant même une seule année avant de se retirer.

J’ai plusieurs questions à vous poser.

La COFACE est régulièrement critiquée pour son manque de dynamisme, à tel point que certains proposent même de la priver de son monopole. Quand la COFACE sera-t-elle au contact des entreprises, et non pas derrière un guichet en attendant l’entreprise ?

Si les VIE sont un très bon outil, ils ont malheureusement un certain coût, lequel pose un problème aux petites entreprises où ce système n’est pas obligatoirement le plus efficace. Il existe une solution : des régions paient un certain volume de VIE, et un dynamisme beaucoup plus fort qu’ailleurs y est observé. Avez-vous des propositions en la matière ?

Je trouve regrettable notre incapacité à évaluer les politiques antérieures, comme celle des pays cibles, alors que tous nos interlocuteurs ont reconnu cette politique comme un échec. On a souvent poussé les entreprises à aller en Inde, en Chine, en Russie, au détriment de régions de l’Europe de l’Est intégrées dans l’Europe et quelque peu oubliées, de l’Afrique, etc.

Puisque le déficit du commerce extérieur nécessite des remèdes globaux pour améliorer la compétitivité des entreprises, quelle action forte envisagez-vous pour encourager l’innovation et rendre plus performantes les entreprises en termes de commerce extérieur ?

M. Jacques Myard. La cherté de l’euro a eu un impact sur nos exportations. Certes, nous faisons deux tiers de notre commerce en Europe, mais les autres pays ayant également supporté les effets du renchérissement de l’euro, ils ont eu moins de capacité à acheter nos produits. Beaucoup d’études économétriques ont démontré cet effet cumulatif et un certain nombre de mes amis économistes me disent qu’il a pesé d’un point de croissance ces cinq dernières années, ce qui est énorme ! Avez-vous pu procéder à cette évaluation ?

Pour des raisons de dépression démographique, l’Allemagne nous achète moins. Pouvons-nous avoir quelques chiffres sur l’évolution du commerce franco-allemand ces dernières années ?

En ce qui concerne les investissements français à l’étranger, vous disiez dans un discours que la France est le troisième exportateur de capitaux, et donc investisseur, à l’étranger. Quelle masse cela représente-t-il par rapport aux 108 milliards que nous recevons de l’étranger ?

Mme Nicole Ameline. Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d’État, quelle a été la position européenne à l’OMC sur le cycle de Doha ?

M. Michel Terrot. Dans le cadre de la mission Afrique, nous nous trouvions, avec d’autres collègues, au Ghana il y a quelques mois. À notre grande surprise, nous avons appris que notre mission économique a fermé, alors que ce pays est anglophone, a un niveau de croissance tout à fait particulier en Afrique, avec une bonne implantation des entreprises françaises, et se distingue dans cette zone géographique par ses évolutions. Quels critères président à la décision d’ouvrir ou de fermer les missions économiques ?

Mme la secrétaire d’État. Je remercie le rapporteur pour avis, M. Bacquet, d’avoir insisté sur le caractère structurel de ce que nous avons à faire. Quand je dis structurel, je pense à la fois aux réformes d’ensemble, comme je l’ai dit au début de mon intervention, mais aussi aux réformes concernant l’outil d’exportation. Comme vous l’avez compris, la réforme d’UBIFRANCE et celle des missions économiques sont des réformes structurelles qui, même si elles ne portent pas sur des effectifs considérables, ont un caractère très profond et assez exemplaire. Elles sont d’ailleurs ressenties ainsi dans le cadre de la RGPP.

Vous avez raison aussi de souligner que, même s’il est peu lisible, le caractère de proximité des chambres de commerce et d’industrie est très efficace. C’est un peu contradictoire, mais il faut bien aller dans ce sens.

Entreprise privée, la COFACE a des activités d’assurance-crédit, l’assurance prospection qu’elle traite pour le compte de l’État n’étant qu’une petite de ses activités. J’ai souhaité que les produits d’assurance prospection se diffusent plus largement et avec plus de proximité. Sans aller jusqu’à confier l’ensemble de la responsabilité à d’autres opérateurs que la COFACE, j’ai souhaité qu’elle passe des conventions avec des banques. J’ai donc poussé à ce que les principales banques passent avec la COFACE des conventions leur permettant de diffuser l’assurance prospection dans des « packages » proposés aux entreprises, notamment aux PME. Dans le contexte actuel de difficultés sur la liquidité des banques, je m’assure tout particulièrement que les produits COFACE puissent être diffusés.

La COFACE est un outil très précieux, et je le mets en « benchmark » permanent avec ses concurrents, notamment HERMES, le concurrent allemand. Toutefois je crois qu’il faudrait être attentif avant de penser à quelque chose de structurel en ce qui le concerne, et qu’il vaut mieux continuer à penser à faire évoluer ses produits plutôt que la structure elle-même.

S’agissant des VIE, le coût du dispositif pèse d’abord sur la puissance publique, ces emplois se faisant en allégement de charges. Je suis heureuse de constater que les différents prix VIE que je remets à travers le monde correspondent le plus souvent à des VIE qui se trouvent dans des PME, et que certains d’entre eux sont en groupement d’entreprises. Compte tenu de l’impact d’un allégement de charges, nous n’avons pas aujourd’hui de projet autre qu’une meilleure connaissance du produit, qui se développe d’ailleurs rapidement. Il est satisfaisant de constater que plusieurs régions, comme les Pays de Loire, interviennent pour faciliter la prise en charge par les PME.

Dans le domaine de l’innovation, le crédit d’impôt recherche nous place aujourd’hui au meilleur rang des pays de l’OCDE. Je constate une très grande satisfaction aussi bien des PME – qu’elles soient dans des pôles de compétitivité ou pas – que des grandes entreprises. À ce stade, l’évaluation est positive.

Sur les pays cibles, je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’aller au-delà des pays européens, vers les nouveaux entrants dont vous avez parlé. Je vois de plus en plus les entreprises être intéressées par la Russie, et ce dans différents secteurs, mais aussi par les marchés plus lointains, comme le Golfe, l’Inde ou la Chine. Il faut concevoir la politique des pays cibles comme un signal, avec différents cercles concentriques plus ou moins facilement accessibles, sachant qu’il est plus facile au début d’aller dans les pays du Maghreb ou d’Europe, c’est-à-dire pas trop loin, pour ensuite s’éloigner progressivement. En professionnalisant l’accompagnement des PME, l’une des politiques d’UBIFRANCE est justement d’avoir un ciblage plus précis produit-pays selon le type d’entreprise qu’il s’agit d’accompagner.

La question de l’euro, nous a déjà amenés à débattre ensemble dans différentes circonstances, notamment dans les Yvelines, cher Jacques Myard (sourires). Toutefois, la comparaison avec l’Allemagne…

M. Jean-Paul Bacquet. Il y a eu un rapport du Conseil d’analyse économique sur ce sujet !

Mme la secrétaire d’État. Contrairement à beaucoup d’idées reçues, ce rapport du Conseil d’analyse économique, qui compare la compétitivité relative de la France et celle de l’Allemagne, fait apparaître que nous sommes sur les mêmes secteurs industriels, en visant les mêmes pays, et que les différences de compétitivité sont dues à des questions de gamme et de qualité et aussi à des éléments de compétitivité-coût. Ce faisant, il fait apparaître une divergence des courbes entre le moment où l’Allemagne a mis en œuvre l’agenda Schröder et celui où nous n’avons pas, nous, été capables de faire les réformes structurelles qui s’imposaient. Désolée, monsieur le rapporteur pour avis, nous avons fait d’autres réformes, mais elles n’étaient pas positivement comparables avec les réformes allemandes.

S’agissant des chiffres des investissements français à l’étranger, mes collaborateurs vont me les donner.

J’ai eu l’occasion d’en parler avec certains d’entre vous, la raison pour laquelle le cycle de Doha a échoué à Genève n’est pas liée à l’Union européenne, et je m’en réjouis d’autant plus que, présidant le conseil des ministres du commerce, j’ai réuni une dizaine de fois l’ensemble de mes collègues à Genève. À la fin de juillet, le cycle de Doha s’est arrêté car il a été considéré comme un échec par le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, en raison d’un différend entre les États-Unis et l’Inde sur l’agriculture et la possibilité pour les pays en développement, en particulier l’Inde, d’avoir à certains moments des taxes permettant de préserver leur agriculture par rapport aux flux d’exportations ou d’importations.

Certains semblent vouloir relancer le cycle de Doha. S’agissant de ce que pourrait apporter le commerce international à la crise mondiale, je ne suis pas certaine que les Américains soient en situation de s’engager, notamment sur le coton, en raison du niveau élevé de leurs subventions à l’agriculture, sans compter les plans à venir de relance de l’automobile difficilement compatibles avec les principes de l’OMC. Je suis loin d’être sûre également que l’on soit en mesure d’obtenir un accord convenable pour l’Union européenne qui nous apporte suffisamment d’ouverture des pays émergents sur l’industrie, en contrepartie de ce que nous avons déjà mis sur la table pour l’agriculture. Enfin, nous ne pensons pas que le commerce international, quel que soit son intérêt, soit à même de répondre à lui seul aux nombreux défis, financiers bien sûr, mais aussi alimentaires et environnementaux qui se présentent.

Sur les missions économiques, dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques et en relation avec le Quai d’Orsay, nous avons comme critère les flux économiques intéressant tel ou tel pays. Un certain nombre de pays vont connaître une réduction des effectifs de nos représentations ; on peut tout à fait l’imaginer, par exemple, pour l’Allemagne. Si je me suis rendue récemment, à la demande du Président de la République, au Nigeria, c’est bien parce qu’on imagine un redéploiement sur ce type de pays avec lesquels nous n’avons pas des relations traditionnelles.
J’ignore dans quelles conditions la mission Ghana a été fermée. Sans doute avait-on choisi des redéploiements au bénéfice de pays plus importants en Afrique ou en Asie, une des grandes faiblesses de la France par rapport à l’Allemagne étant que nous sommes très peu présents dans les pays d’Asie, sachant que lorsque nous y sommes, c’est uniquement dans les capitales. Au Ghana, subsiste une antenne animée à partir de la Côte d’Ivoire. Nous sommes dans une phase de changements, et des redéploiements peuvent être imaginés dans un sens et dans l’autre – moins ici et plus là – ; c’est un des sujets dont je parle avec mon collègue Alain Joyandet pour tenir compte des évolutions en Afrique.

M. Jean-Paul Bacquet. Pourtant, quand les effectifs ont été baissés en Afrique, ils n’ont pas été augmentés ailleurs !

Mme la secrétaire d’État. Globalement, nous sommes dans une phase de réduction des effectifs que nous assumons totalement au titre de la révision générale des politiques publiques et d’un meilleur ciblage, qui pourrait selon moi être plus rapide, vers les marchés les plus dynamiques, au détriment des zones où les entreprises peuvent se débrouiller plus facilement toutes seules ou bien où la situation économique justifie moins une présence.

M. le président. Merci, madame la secrétaire d’État, de nous avoir éclairés et d’avoir répondu à toutes nos questions.

*

Projet de loi de finances pour 2009 – mission « Economie »

A l’issue de l’audition, la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, les crédits de la mission « Economie » pour 2009.

M. Jean-Paul Bacquet. La volonté gouvernementale de comprendre les mécanismes du déficit mais aussi de rationaliser le dispositif de soutien à l’exportation et de mettre fin à l’illisibilité qui le caractérise mérite d’être saluée.

A cet égard, la reconnaissance du caractère structurel du déficit constitue une avancée importante puisqu’elle oblige à s’interroger sur la compétitivité des entreprises françaises, notamment leurs faiblesses en matière d’innovation, et à inscrire l’action publique dans la durée.

Face à un déficit historique, les remèdes actuels doivent être améliorés : si Ubifrance est désormais débarrassé de ses problèmes internes, sa coopération avec les chambres de commerce et d’industrie, en pleine restructuration, suscite quelques doutes. La Coface est régulièrement mise en cause par les entreprises qui se plaignent de son insuffisante proximité et de son écoute défaillante. Les salons et le volontariat international en entreprise demeurent trop coûteux pour les PME. Le ciblage de pays est vain dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’une étude des marchés pour lesquels les produits français correspondent à la demande locale.

Il faut espérer que l’effort budgétaire que traduit l’augmentation des crédits d’intervention d’Ubifrance sera poursuivi dans les prochaines années.

En conclusion, si des éléments positifs doivent être mis au crédit du Gouvernement, la situation du commerce extérieur demeure très préoccupante. C’est pourquoi je choisis l’abstention positive sur le vote des crédits.

Alors que le rapporteur s’abstient, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Economie» pour 2009.

*

Projet de loi de finances pour 2009 – mission « Médias »

M. le Président Axel Poniatowski. La commission doit, après la commission élargie qui s’est tenue le 29 octobre, se prononcer sur les crédits de l’audiovisuel extérieur ; j’invite le Rapporteur pour avis à présenter en conséquence son explication de vote.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis. La tentative de réforme de l’audiovisuel extérieur, qui a été menée dans des conditions pour le moins discutables, s’avère un échec concernant TV5 Monde puisque la position de la France s’y trouve aujourd’hui fragilisée. Quant à France 24 et RFI, il serait prématuré de se prononcer sur leur devenir. L’incapacité à mesurer l’impact de France 24 après du public rend l’appréciation particulièrement difficile. C’est pourquoi je m’abstiendrai de voter les crédits.

M. le Président Axel Poniatowski. Je souhaite faire deux remarques : en premier lieu, je m’interroge sur la pertinence d’un rapprochement entre radio et télévision. Si TV5 et France 24 peuvent être associées, RFI est un media à part qui devrait se spécialiser sur l’Afrique. En second lieu, je sais que je suis en désaccord total avec le rapporteur, mais j’estime que la langue de diffusion de France 24 doit être exclusivement le français. Seule une chaîne d’information internationale française en langue française présente un intérêt compte tenu de la concurrence.

Alors que le rapporteur s’abstient, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Medias » pour 2009.

La séance est levée à dix huit heures quarante cinq.

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