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Commission des affaires étrangères

Mercredi 18 mars 2009

Séance de 9 h 00

Compte rendu n° 43

Présidence de Mme Martine Aurillac, vice-présidente puis de M. Axel Poniatowski, président

– Table ronde sur le projet de loi relatif à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris et suite de son examen (n° 1479) – M. François Rochebloine, rapporteur.

I.– Table ronde en présence de M. Olivier Debains, président du Conseil d’administration de la SOVAFIM, M. Marcel Escure, chef du service des affaires francophones au ministère des affaires étrangères et européennes, M. Cédric de Lestrange, conseiller au cabinet de M. Eric Woerth au sein du pôle modernisation de l’État et M. Christian Philip, représentant personnel du Président de la République pour la Francophonie, sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (n° 1479) – M. François Rochebloine, rapporteur.

La séance est ouverte à neuf heures.

Mme Martine Aurillac, vice-présidente. Nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui MM. Christian Philip, représentant personnel du Président de la République pour la francophonie, Cédric de Lestrange, conseiller au cabinet de M. Éric Woerth, Marcel Escure, chef du service des affaires francophones au ministère des affaires étrangères et européennes, et Olivier Debains, président du conseil d’administration de la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM.

Nous avons examiné la semaine dernière le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris. Le montage retenu pour assurer le financement de ce projet a suscité de nombreuses questions lors de cette réunion.

Avant de nous prononcer sur ce projet, nous avons souhaité des éclaircissements et des précisions que vous allez, je pense, nous apporter.

Mais je passe auparavant la parole à M. François Rochebloine, rapporteur du projet de loi.

M. François Rochebloine, rapporteur du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris. Madame la présidente, messieurs les représentants des différentes parties prenantes à l’opération immobilière relative à la Maison de la Francophonie, mes chers collègues, je veux d’abord dire, sans ambiguïté aucune, que je soutiens avec enthousiasme le projet de Maison de la Francophonie à Paris, et je crois me faire ainsi le porte-parole de l’ensemble de mes collègues. Ce projet, attendu depuis des années, a été remis sur de bons rails grâce à l’accord scellé entre le Président de la République Nicolas Sarkozy et le Président Abdou Diouf. Cet accord a été formalisé dans une convention conclue, le 18 octobre dernier, à Québec entre le Gouvernement français et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Les instances de l’OIF ont chaleureusement approuvé son contenu, qui prévoit la mise à disposition par l’État de l’ensemble immobilier sis au 19-21, avenue Bosquet, pour y installer la Maison de la Francophonie. Pour la Partie française, il reste à ratifier cette convention, et j’ai l’honneur d’être le rapporteur du projet de loi dont nous avons été saisis dans ce but.

Soucieux d’éclairer au mieux notre commission, j’ai souhaité me rendre sur place pour visiter les locaux de la future Maison de la Francophonie. J’en ai retiré une impression générale très favorable et j’ai pu mieux appréhender le volet immobilier de ce dossier.

La convention elle-même est très brève sur ce point, puisqu’elle se contente de désigner les locaux et de poser le principe d’une mise à disposition par l’État hôte, l’OIF assumant les charges de fonctionnement de l’immeuble. Les modalités selon lesquelles l’État s’acquitte de son obligation ne concernent que le Gouvernement, mais elles sont indissociables de la bonne compréhension de l’ensemble du dossier. En tout état de cause, le Parlement est tout à fait dans son rôle lorsqu’il contrôle la politique immobilière de l’État à l’occasion d’un dossier particulier comme celui de la Maison de la Francophonie.

Ces remarques préliminaires étant faites, je souhaiterais vous interroger, en tant que concepteurs, maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre de l’opération qui concerne l’immeuble du 19-21, avenue Bosquet, sur quelques points précis de ce montage innovant.

Le premier point concerne le recours à la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, pour l’achat de l’ensemble immobilier : pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de transférer ces biens à la SOVAFIM, et au moyen de quels actes juridiques ? Existe-t-il des précédents de recours à un dispositif de ce type ?

Je vous demanderai de distinguer clairement les deux parties de l’ensemble immobilier : d’un côté le 19, avenue Bosquet, qui était déjà propriété de l’État, mais avait de facto été remis en dotation à un établissement public industriel et commercial, l’Office national interprofessionnel des céréales, devenu l’Office national interprofessionnel des grandes cultures ; de l’autre côté, le 21, avenue Bosquet, propriété de cet établissement public et de l’Agence unique de paiement, qui l’occupaient jusqu’en juillet 2007.

En résumé, qui était propriétaire de quoi ? Qui a payé quoi, et selon quelles modalités budgétaires ? Comment et selon quel calendrier le produit de la vente des immeubles que l’OIF possède à Paris et à Bordeaux vient-il en déduction du montant global ?

Par ailleurs, quelles autres solutions étaient possibles ? Pourquoi l’État n’a-t-il pas décidé de devenir directement propriétaire du tout ? A cet égard, pouvez-vous nous préciser quelle enveloppe budgétaire aurait été nécessaire pour que l’État devienne effectivement propriétaire ?

Ma seconde série de questions porte sur certaines modalités du dispositif finalement retenu. Je souhaiterais tout d’abord que vous nous indiquiez comment a été fixé le montant du loyer annuel qui sera payé par l’État à la SOVAFIM, soit 5,342 millions d’euros. En complément, je vous demanderai de mettre en regard le coût cumulé de ce loyer sur la durée de mise à disposition fixée dans la convention avec l’OIF, soit cinquante ans, avec le coût d’un achat pur et simple par l’État.

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer comment vont s’articuler les cinquante ans de la convention et les trente ans de l’accord entre l’État et la SOVAFIM ?

Enfin, je souhaiterais que vous précisiez le montant et la nature des travaux en cours pour permettre l’ouverture en avril 2010 de la Maison de la Francophonie : lors de ma visite, il m’a été indiqué un montant de l’ordre de 15,3 millions d’euros hors taxes ; or l’excellent rapport réalisé conjointement par trois corps d’inspection, sous la houlette de l’inspecteur général des finances Philippe Dumas, qui a préparé le choix de l’implantation finalement retenue, indique un coût prévisionnel de travaux de l’ordre de 3 millions d’euros. D’où vient la différence ? Question connexe, un accord a-t-il été trouvé avec l’OIF au sujet de l’équipement des locaux ? Quel coût supplémentaire cet équipement représente-t-il et qui supportera ce coût ?

M. Christian Philip, représentant personnel du Président de la République pour la francophonie. En 2002, lors du sommet de Beyrouth, la France s’est engagée à héberger l’Organisation internationale de la Francophonie dans une « Maison internationale de la Francophonie », qui devait initialement être implantée avenue de Ségur. Cette solution a été abandonnée en juillet 2007, du fait de son coût excessif – le désamiantage et la rénovation des locaux devant dépasser les 100 millions d’euros – et des délais que sa mise en œuvre aurait nécessités. Le Président de la République a finalement retenu la solution proposée par les inspections générales des affaires étrangères, de l’équipement et des finances, missionnées à cette fin, d’une implantation de l’OIF dans deux immeubles de l’avenue Bosquet, transférés à la SOVAFIM. Nous avons donc suivi les conclusions de cette mission, cette solution nous permettant de tenir notre engagement d’être prêts en 2010, l’OIF devant en contrepartie, conformément à nos accords, participer au financement de l’opération à hauteur du produit de la cession d’un immeuble à Bordeaux et Quai André-Citroën, à Paris.

M. le président Axel Poniatowski. Pourquoi l’État a-t-il choisi de recourir à ce montage via la SOFAVIM, au lieu d’assurer directement l’opération ?

M. Cédric de Lestrange, conseiller au cabinet de M. Éric Woerth. C’est à moi qu’il revient de répondre à cette question, le ministère du Budget étant responsable du patrimoine de l’État et assumant, depuis un décret de décembre dernier, l’ensemble des missions de propriétaire.

Je dois au préalable rappeler que l’objectif principal de cette opération était d’assurer le respect par la France de ses obligations vis-à-vis de l’Organisation internationale de la Francophonie, telles qu’elles avaient été définies dans le courrier échangé, à la fin de 2007 et au début de 2008, entre le Président de la République et M. Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, où était convenue la mise à disposition gratuite de locaux par l’État français à l’OIF pour héberger la future Maison de la Francophonie.

L’objectif immobilier de l’opération était double. Il s’agissait d’abord d’acquérir la plus grande partie des bâtiments, l’État n’étant à l’origine propriétaire qu’à hauteur de 27 %, le reste appartenant notamment à l’Office national interprofessionnel des grandes cultures. Les subventions inscrites dans le budget du ministère de l’Agriculture pour 2008 au bénéfice de cet établissement public avaient d’ailleurs été diminuées à hauteur de la valeur de l’immeuble afin de l’inciter à réaliser cette opération.

Le second objectif consistait en la réunification, la transformation et la mise aux normes des bâtiments, afin de les mettre en état d’accueillir l’OIF et les différents organismes devant s’installer dans ce nouveau siège.

Il s’agissait donc d’une opération complexe qui associait acquisition immobilière nécessitant un apport financier, financement et conduite de travaux, dans un délai très court. C’est la SOVAFIM, désormais propriétaire de ce bâtiment, qui mène ces travaux, dans l’intérêt de l’État, futur locataire, et de l’OIF, futur occupant.

Pour réaliser cette opération, nous avons en effet eu recours à la technique du portage par la SOVAFIM pour le compte de l’État, peu utilisée par l’État auparavant, mais qui avait été préconisée pour les opérations immobilières complexes par le rapport de M. Philippe Dumas ainsi que par un amendement du sénateur Marini au projet de loi de finances pour 2008.

Une telle organisation est avantageuse à plusieurs titres. Elle a d’abord permis à l’État d’acquérir en 2008 le reste du bâtiment, alors que le financement de cette opération n’était budgétairement pas possible. L’État a en outre fait le choix de faire confiance à la SOVAFIM en matière d’efficacité dans la conduite de travaux de rénovation et de restructuration d’un immeuble, et ce dans des délais contraints et à des coûts maîtrisés, ce qui n’est pas toujours au rendez-vous de la maîtrise d’ouvrage publique. Par ailleurs, le règlement d’un loyer par l’État, outre qu’il est responsabilisant tant pour le ministère des Affaires étrangères que pour l’OIF, est cohérent avec l’ensemble de la politique immobilière de l’État, qui généralise le paiement de loyers par les occupants publics pour les responsabiliser sur le coût des surfaces occupées. Enfin, cette opération permet à l’État de conserver la possibilité, une fois l’opération menée à bien, de racheter le bien à la SOVAFIM, société qu’il contrôle à 100 %.

En bref, cette opération permet de maîtriser les coûts et les délais, une bonne conduite des travaux et une bonne utilisation du bâtiment. Il suffit de comparer cette solution avec celle de l’avenue de Ségur pour être convaincu de sa pertinence.

M. le président Axel Poniatowski. Quelle est l’évaluation de cet immeuble par France Domaine, sachant que le loyer sera de 5 millions d’euros ?

Autre point soulevé par le rapporteur, pourquoi l’évaluation du montant des travaux est-elle passée de 3 millions à 15 millions d’euros ?

M. Cédric de Lestrange. France Domaine a évalué le coût de l’immeuble à 59 millions d’euros, dont 41 millions pour la part des offices agricoles. La SOVAFIM a réalisé l’acquisition en temps et en heure auprès des offices agricoles et de l’État. À ce premier coût s’ajoute celui de la restructuration de l’immeuble. Conformément au cahier des charges décrivant les obligations de l’État vis-à-vis de l’OIF, l’État a demandé à la SOVAFIM de lancer un appel d’offres afin que ces travaux soient réalisés dans les meilleures conditions de coût. Le résultat de cet appel d’offres est en effet plus proche de 15 millions d’euros.

M. Olivier Debains, président du Conseil d’administration de la Société de valorisation foncière et immobilière. Le montant des travaux est de 16 millions d’euros hors taxes. Il résulte d’une consultation lancée par la SOVAFIM pour la conclusion d’un contrat de promotion immobilière. Cette consultation, qui a été assez âpre, nous a permis de retenir la meilleure offre compatible avec le programme établi avec l’OIF et l’État. Cette enveloppe de travaux est certes notablement supérieure au chiffre qui avait été retenu dans le rapport de l’inspection générale ; mais les trois inspecteurs généraux ont reconnu eux-mêmes que leur évaluation, rapide, n’avait pu prendre en compte les données techniques de l’immeuble.

J’ajoute que les deux hôtels particuliers composant cet ensemble immobilier n’avaient pas été restructurés depuis 1941, date de leur acquisition. Dès lors qu’ils ont vocation à héberger une organisation internationale sur une longue durée, il est raisonnable de réaliser les travaux propres à éviter toute rénovation lourde de cet immeuble sur cette durée.

M. Cédric de Lestrange. J’en viens aux actes juridiques de cette opération.

L’article 141 de la loi de finances rectificative pour 2006 ayant autorisé l’État à transférer par arrêté des actifs immobiliers à la SOVAFIM, l’État a, le 15 septembre 2008, transféré à cette dernière l’ensemble immobilier de l’avenue Bosquet au moyen d’un arrêté de transfert signé par le ministre du Budget et par celui de l’Agriculture. De tels arrêtés ont déjà été signés pour tous les autres transferts de biens à la SOVAFIM, en l’occurrence des biens de RFF.

En ce qui concerne la participation de l’OIF au financement de l’opération à hauteur du produit de la cession de ses immeubles en France, un protocole additionnel à la convention signée à Québec par l’administrateur de l’OIF et par le chef du service des affaires francophones au ministère des Affaires étrangères et européennes précise les modalités budgétaires de cette contribution. Son article 3 indique que l’OIF versera en bloc à l’État la totalité du produit de cession de ses propriétés situées à Bordeaux et à Paris, qui sera rattaché au budget de l’État français par voie de fonds de concours. Le versement des sommes par le présent article s’effectuera à la date d’entrée de l’OIF dans les lieux avenue Bosquet.

M. le président Axel Poniatowski. À combien est évalué le produit de ces cessions ?

M. Cédric de Lestrange. Ayant conclu avec l’OIF le principe d’une assistance à l’OIF par l’État pour réaliser la cession de ses actifs, nous devrions la réaliser suivant la procédure habituelle. Dans un tel cas, l’estimation domaniale n’est pas rendue publique, afin que les acheteurs puissent faire l’offre la plus élevée.

M. le président Axel Poniatowski. Vous pourrez nous communiquer le montant de la cession une fois celle-ci réalisée ?

M. Cédric de Lestrange. Absolument. Cette solution a été retenue à la demande de l’OIF, afin de sécuriser la cession de ses immeubles. Nous sommes actuellement en discussion avec l’OIF en ce qui concerne ces opérations, sachant que le contexte immobilier n’est pas aujourd’hui des plus faciles.

La différence évoquée par le rapporteur entre les durées de trente et de cinquante ans s’explique par l’historique du projet. C’est en effet une mise à disposition pour trente ans qui avait été envisagée au moment du projet de l’avenue de Ségur. À l’occasion des renégociations préalables à la signature de la convention de Québec, l’État a porté cette durée à cinquante ans. L’accord entre la SOVAFIM et l’État étant antérieur à cette renégociation, la durée de location reste celle initialement prévue.

M. François Rochebloine, rapporteur. Un accord a-t-il été trouvé s’agissant du financement de l’équipement des locaux ?

M. Olivier Debains. Le terme d’« équipement » étant général, je précise que la SOVAFIM s’est engagée à réaliser des travaux au-delà de ceux qui incombent habituellement au propriétaire, comme le câblage informatique. La convention prévoyant par ailleurs que l’État doit mettre à disposition un « immeuble meublé et équipé » – mobilier, matériel informatique –, nous avons fourni une estimation des coûts correspondants au Quai d’Orsay.

M. Marcel Escure, chef du service des affaires francophones au ministère des Affaires étrangères et européennes. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du cabinet du secrétaire d’État à la Coopération et à la francophonie qui n’a pu être représenté ce matin.

M. le Président Abdou Diouf souhaitant assurer une meilleure sécurité juridique à cette opération sur le long terme, les autorités françaises ont décidé de porter à 50 ans la durée de mise à disposition de l’immeuble.

La SOVAFIM a en effet fourni des évaluations quant au coût de l’équipement et de l’ameublement, et c’est maintenant aux différents services de l’État concernés de les valider en fonction des différentes options concrètes qui se présentent – inclusion ou non des photocopieurs par exemple. L’arbitrage sera rendu dans les semaines à venir.

M. François Rochebloine, rapporteur. A-t-on une idée de l’enveloppe globale ?

M. Marcel Escure. Il a été question d’un million d’euros, mais rien n’a encore été définitivement arrêté.

M. le président Axel Poniatowski. Cette somme me semble tout à fait cohérente.

M. Jean-Paul Bacquet. Je remercie nos invités de leur présence car ce projet a suscité bien des interrogations. Néanmoins, après les avoir entendus, je n’y vois pas plus clair ! Même si je suis rassuré à l’idée que cela soit aussi le cas de mon ami Roland Blum. Nous nous devons d’autant plus de contrôler l’action du Gouvernement que la récente révision constitutionnelle nous y invite fortement. Je vous poserai donc quelques questions.

Qu’est-ce qui justifie le portage de cette opération par une société émanant de l’État alors que celui-ci aurait pu la mener à bien lui-même ?

De plus, en quoi, comme il vient d’être dit, le paiement d’un loyer responsabilisera-t-il l’État ?

Comment expliquez-vous par ailleurs une évaluation du montant des travaux à 16 millions d’euros quand l’Inspection générale des finances avait d’abord avancé le chiffre de 3 millions ?

Si le choix de l’avenue Bosquet fait l’unanimité, comment le montant du loyer a-t-il été défini ? A combien se serait élevé le montant annuel du remboursement d’un emprunt si l’État avait acheté le bâtiment ? Qu’en est-il des frais de fonctionnement ?

Enfin, le nombre de salariés qui travailleront dans cette structure n’est-il pas pharaonique ?

M. François Rochebloine, rapporteur. Ils seront 359.

M. Jean-Paul Bacquet. Selon mes calculs, cela fait 25 m² par personne – en tenant compte des parties communes comme les ascenseurs ou les couloirs.

M. le président Axel Poniatowski. Je ne me prononce pas sur la question de savoir si l’État aurait dû investir lui-même mais il me semble qu’il a fait en l’occurrence une bonne affaire : l’immeuble valant 60 millions d’euros et les travaux s’élevant à 16 millions, un loyer de 5 millions me semble d’autant plus raisonnable que le retour sur investissement de la SOVAFIM sera inférieur aux 8 % habituels.

M. Jean-Paul Bacquet. J’avais cru comprendre que l’immeuble était évalué à 41 millions.

M. le président Axel Poniatowski. Auxquels s’ajoute le prix des 27 % possédés par l’État, que ce dernier a revendus à la SOVAFIM.

M. Jean-Paul Bacquet. La simulation d’un achat a-t-elle été réalisée ?

M. Cédric de Lestrange. L’immeuble valait 59 millions d’euros et la partie que possédait l’État 18 ; il aurait donc fallu débourser 41 millions, auxquels se seraient ajoutés des frais de travaux – lesquels, dans un premier temps, n’ont pu être justement évalués faute d’avoir consulté des promoteurs – qui s’élèvent finalement à 16 millions hors taxe.

L’État avait tout intérêt, sur un plan budgétaire, à recourir au portage, les travaux devant être effectués rapidement – ce qui n’est pas toujours le cas dans le cadre d’une maîtrise publique d’ouvrage – et le taux de rendement de la SOVAFIM sur la base duquel a été défini le loyer n’étant que de 6 %.

Par ailleurs, la SOVAFIM étant une filiale de l’État à 100 %, ses dividendes reviennent in fine à ce dernier ; les finances publiques y gagnent donc.

S’agissant du nombre de salariés de l’OIF, je ne peux évidemment pas me prononcer.

M. Olivier Debains. Le conseil d’administration de la SOVAFIM a décidé que la rentabilité locative devait en effet s’établir à 6 % compte tenu de la nature de l’immeuble et de la qualité du locataire qu’est l’État.

La surface hors œuvre nette (SHON) de l’immeuble est de 8 500 m² ; les ratios d’occupation se calculant à partir de la surface utile brute et celle-ci étant de 7 000 m², le nombre de mètres carrés par agent est de 19. La surface utile nette de bureaux, dont le calcul exclut les espaces de circulation, les sanitaires et les locaux techniques, est quant à elle de 4 600 m², ce qui représente en définitive 12,7 m² par agent ; ce chiffre est certes légèrement supérieur à la norme fixée par le ministre chargé du domaine pour les bureaux occupés par des agents publics mais il convient de prendre en compte le fait que ces locaux seront occupés par une organisation internationale, qui a besoin de nombreuses salles de réunion.

M. Christian Philip. En effet, pas moins de 70 États sont membres de l’OIF et en abritant en rez-de-chaussée un campus numérique de l’agence universitaire de la francophonie, cet immeuble constituera une véritable vitrine de cette belle cause.

M. Jean-Marc Roubaud. Je n’ai pas bien compris moi non plus la nécessité de ce montage. Si le prix de l’immeuble revient à environ 60 millions, 12 ans seulement seront nécessaires pour rembourser cet achat avec un loyer annuel de 5 millions ; or, l’État paiera ad vitam aeternam ou presque.

Vous évoquez le caractère responsabilisant du paiement d’un loyer, or il s’agit de la mise à disposition gratuite d’un bâtiment.

De plus, si les services de l’équipement ne sont pas capables de tenir des délais brefs, il faut s’en débarrasser. Si l’on excepte le taux de rendement de 6 %, j’ai l’impression que l’on nous amuse.

M. Cédric de Lestrange. La décision de procéder de la sorte a été prise pour des raisons budgétaires et d’efficacité : outre que le dispositif de portage n’est jamais définitif, l’État pouvant le cas échéant redevenir acquéreur, l’externalisation de la maîtrise d’œuvre s’est révélée nécessaire.

M. Jean-Marc Roubaud. Nous avons bien entendu mais expliquez-nous plutôt pourquoi l’État paiera 5 millions de loyer ad vitam aeternam alors que l’investissement ne s’élève qu’à 60 millions ? Assurément, je comprends que l’État ne souhaite pas grever son budget mais pourquoi ne pas avoir fait appel à un établissement financier ?

M. Jean-Paul Bacquet. Il n’a pas été non plus répondu à ma question – qui recoupe celle de M. Roubaud – concernant la simulation.

M. François Rochebloine, rapporteur. L’État paiera un loyer à la SOVAFIM pendant 30 ans.

M. Jean-Paul Bacquet. Alors que l’achat aurait été amorti en 12 ans !

M. Olivier Debains. Un occupant n’a pas toujours intérêt à devenir propriétaire : ce dernier doit assumer un certain nombre de risques et de charges – mise aux normes, risques locatifs – que l’État propriétaire ne valorise d’ailleurs pas. Cela a par ailleurs été dit : le taux de rendement de 6 % est faible.

Enfin, rien n’interdit en effet à l’État de racheter l’immeuble à la SOVAFIM à partir de 2010.

M. Jean-Marc Roubaud. Soit, mais que faites-vous de l’incapacité supposée des services de l’équipement à travailler rapidement ?

M. Olivier Debains. Ce type de montage est inédit ; j’attire votre attention sur le fait que les délais de livraison sont extrêmement courts : je rappelle que la SOVAFIM n’est propriétaire de l’immeuble que depuis le 15 septembre et que ce dernier doit être prêt pour le mois d’avril 2010. Nous travaillons sans relâche avec l’objectif de respecter les délais et les prix ! Si nous échouons, libre à vous de nous demander des comptes mais j’espère parvenir à vaincre vos réticences.

M. Jean-Pierre Dufau. Cette clarification ne m’empêche pas de demeurer dubitatif : si l’existence, à Paris, d’une Maison de la Francophonie est une excellente chose…

M. le président Axel Poniatowski : Je vous rappelle que c’est l’objet précis de notre vote !

M. Jean-Pierre Dufau. … il n’en reste pas moins que l’État paiera un loyer bien plus longtemps que n’aurait duré le remboursement de l’achat de l’immeuble et qu’il aurait donc eu tout intérêt à porter seul cette opération.

Par ailleurs, s’il peut racheter l’immeuble avant de verser le premier loyer, quel en sera le prix ? La SOVAFIM réaliserait-elle dans ce cas-là un bénéfice ?

Enfin, ce loyer s’ajoute-t-il aux sommes versées par l’Etat à l’OIF ?

M. Cédric de Lestrange. Au-delà du fait que la discussion des modalités d’un éventuel rachat concerne l’État et la SOVAFIM, je note que si le portage n’avait pas été réalisé, l’État aurait dû cumuler un certain nombre de coûts : achat de la partie de l’immeuble qu’il ne possédait pas, coût d’opportunité de l’utilisation de la partie de l’immeuble dont il était propriétaire, coût des travaux et de l’entretien et, enfin, coût de l’actualisation financière. Dans ces conditions, il aurait été très difficile d’envisager un amortissement en 15 ans.

M. Michel Terrot. Ce que je viens d’entendre me laisse perplexe : ne pourrait-on pas saisir pour avis la Commission des finances ?

M. le président Axel Poniatowski. Cela ne me paraît pas nécessaire : le montage financier me semble clair, que l’on soit ou non satisfait de ce choix de financement du projet. J’ajoute que la SOVAFIM étant une filiale de l’État à 100 %, les deux scénarios ne sont pas si différents que cela puisque l’immeuble, au final, appartient à l’État.

En fait, ce portage permet surtout de réaliser les travaux d’une manière beaucoup plus rapide – ne serait-ce que par rapport à ce qu’implique le code des marchés publics – et, à Bercy, de ne pas accroître la dette publique.

M. François Rochebloine, rapporteur. Les délais de réalisation n’auraient en effet pas été tenus – les ouvertures de l’immeuble n’ont d’ailleurs pas été modifiées afin d’aller plus vite.

Quoi qu’il en soit, je ne peux qu’être satisfait de la clarté et de la franchise des explications qui nous ont été fournies.

M. le président Axel Poniatowski. Messieurs, je vous remercie.

*

II.– Suite de l’examen du projet de loi relatif à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris

La commission poursuit l’examen, sur le rapport de M. François Rochebloine, du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (n° 1479).

M. André Schneider. La réunion que nous venons de tenir est très particulière. Un aréopage de responsables devait répondre à nos questions ; sans me prononcer sur le fond des réponses apportées, j’estime que l’attitude de ces personnes, toisant littéralement les députés que nous sommes, a été inadmissible. Il va de soi que nous sommes tous favorables à l’installation à Paris d’une Maison de la Francophonie ; quant aux modalités choisies par le Gouvernement, elles n’auraient pas dû être présentées avec une telle morgue. C’est vous, Monsieur le président, qui avez fini par formuler explicitement les réponses simples que nous étions en droit d’attendre des représentants du Gouvernement et de la SOVAFIM. Par respect, nous n’avons pas voulu hausser le ton.

Mme Henriette Martinez. Peut-être pouvons-nous être rassurés par ceci : la SOVAFIM étant une société à capitaux publics, elle doit reverser à l’État, actionnaire unique, la totalité de ses dividendes. Par conséquent, lorsqu’au bout de quinze ans l’ensemble immobilier sera payé, le surplus de loyer versé par l’État sur la durée restant à courir du protocole avec la SOVAFIM reviendra de facto à l’État… Dans ces conditions, je me demande néanmoins quel intérêt il y a pour l’État à se verser des loyers à lui-même…

M. le président Axel Poniatowski. Société détenue à 100 % par l’État, la SOVAFIM rémunère nécessairement celui-ci à titre exclusif. Quoi que l’on pense de la pertinence de l’opération immobilière qui nous a été présentée, plusieurs clauses de rendez-vous existent, qui permettront d’en reconsidérer l’intérêt et d’envisager par exemple une acquisition directe : dès 2010 au moment de la livraison de l’immeuble, éventuellement lorsque le montant des loyers versés aura atteint le prix d’achat, ou encore à la fin du bail de 30 ans.

M. Jean-Paul Bacquet. Je partage le sentiment de notre collègue André Schneider sur l’audition à laquelle nous venons d’assister. Je souhaiterais rappeler à nos interlocuteurs que le Parlement français dispose de droits en matière de transparence et de contrôle qu’il entend bien exercer. Or, il semble qu’ils aient considéré les questions des parlementaires comme impertinentes. En outre, je regrette l’affirmation de l’incompétence de collègues des services de l’Etat qui sous-tendait certains propos. En conclusion, si j’approuve l’objet de la convention, à savoir l’installation de la Maison de la Francophonie à Paris, j’émets de sérieux doutes sur le montage financier qui l’accompagne.

M. Gérard Voisin. Le montage financier retenu pose un problème de méthode. En tant qu’élu local, il me semble qu’un préfet porterait un jugement sévère sur un projet similaire mené par une collectivité territoriale qui lui serait présenté avec un tel montage. Le choix douteux du portage ne pourrait pas être appliqué localement. Comme mes collègues, je regrette le comportement de nos interlocuteurs ce matin.

M. François Rochebloine, rapporteur. Je ne partage pas le point de vue exprimé par plusieurs membres de la Commission sur l’audition de ce matin. Je considère que nos interlocuteurs ont apporté des réponses techniques aux questions posées. Peut-être celles-ci ne vous satisfont-elles pas. En outre, je précise que le choix du portage permet l’achèvement des travaux en 2010 alors que la maîtrise d’ouvrage par l’Etat n’aurait probablement pas permis de respecter un délai aussi contraignant. Enfin, selon moi, les propos tenus ce matin ne mettaient pas en doute la qualité des agents de l’Etat.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous rappelle que le vote que la Commission doit émettre ne porte que sur la convention conclue avec l’Organisation internationale de la Francophonie sur l’installation à Paris de la Maison de la Francophonie. La Commission a souhaité approfondir sa compréhension du montage financier qui accompagne cette installation. Ce débat relève donc de sa seule initiative et doit être distingué du vote.

M. Jean-Pierre Dufau. Je souhaite faire part des explications de vote du groupe socialiste : si nous sommes favorables à la convention, nous émettons les plus vives réserves sur le montage financier choisi. Il serait souhaitable que l’Etat récupère au plus vite la propriété de l’immeuble.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1479).

La séance est levée à dix heures quinze.

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