Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mardi 12 mai 2009

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 55

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (n° 1521) – Mme Marie-Louise Fort, rapporteure

– Environnement : Protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants (n° 1591) – M. Claude Birraux, rapporteur

– Accord France-Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 1592) – Mme Marie-Louise Fort, rapporteure

– Singapour : ratification du traité sur le droit des marques (n° 1593) – M. Jean Roatta, rapporteur

La séance est ouverte à dix-sept heures trente

Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (n° 1521)

La commission examine, sur le rapport de Mme Marie-Louise Fort, le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (n° 1521).

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Assurer aux enfants la possibilité de grandir sereinement, entourés d’affection et de protection, constitue un objectif qui devrait figurer parmi les priorités de tous les Etats, tant il est décisif pour l’avenir de toutes les sociétés. Or il suppose une vigilance sans faille contre des dangers multiformes. L’exploitation et les abus sexuels sont particulièrement graves car ils causent des dommages physiques et psychiques très difficiles à réparer ; ils ne sont pourtant pas toujours combattus avec suffisamment de fermeté.

C’est pour rappeler aux Etats leur devoir dans ce domaine que plusieurs instruments de droit international ont été adoptés au cours des dernières décennies. Le plus récent et le plus complet d’entre eux est la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, adoptée le 25 octobre 2007, dont le présent projet de loi propose d’autoriser la ratification par la France.

La convention relative aux droits de l’enfant, élaborée sous l’égide des Nation unies, adoptée le 20 novembre 1989 et à laquelle 193 Etats sont aujourd’hui parties, protège en termes généraux les enfants contre toutes les formes d’exploitation et de violences sexuelles, d’enlèvement, de vente et de trafic, contre toute autre forme d’exploitation et contre les traitements cruels ou inhumains. Elle a été complétée par le protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adopté le 25 mai 2000 et entré en vigueur le 18 janvier 2002. 131 Etats y sont parties, parmi lesquels la France, depuis le 5 février 2003.

Ce protocole prévoit l’incrimination de certains actes en relation avec la vente d’enfants, la prostitution enfantine et la pédopornographie, y compris les tentatives de commission de tels actes, la complicité dans leur commission ou la participation à celle-ci. Il prescrit des normes minimales pour la protection des enfants victimes dans les procédures pénales et stipule que les victimes ont droit à une indemnisation, mais il ne traite pas de manière détaillée des questions telles que les procédures judiciaires adaptées aux enfants. De même, il encourage le renforcement de la coopération et de l’assistance internationales et l’adoption d’une législation extraterritoriale, mais ne prévoit pas de dérogation au principe de double incrimination.

La Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels va ainsi plus loin que le Protocole de 2000 sur ces différents points. Ouverte à la signature le 25 octobre 2007, elle a été signée, à ce jour, par trente-cinq Etats membres du Conseil de l’Europe.

Elle comporte des mesures de prévention, vise à garantir les droits des victimes, exige la poursuite des différentes formes d’exploitation ou d’abus sexuels sur les enfants, le tout dans un souci d’efficacité.

Les mesures de prévention sont destinées aussi bien aux personnes travaillant au contact des enfants, aux enfants eux-mêmes, aux personnes « qui craignent pouvoir commettre l’une des infractions » visées par la convention, qu’au public d’une manière générale. Il s’agit d’informer le plus largement possible, de manière adaptée à chaque public, des risques en matière d’exploitation et d’abus sexuels à l’encontre des enfants.

Les Etats doivent aussi mettre en place des programmes ou des mesures d’intervention destinés aux personnes « qui craignent pouvoir commettre l’une des infractions » visées par la convention et qui auraient pour objectifs d’évaluer et de prévenir « les risques de passage à l’acte ». Des programmes de lutte contre la récidive doivent également être établis.

Par ailleurs, la Convention impose aux Etats de garantir une série de droits à tous les enfants victimes d’exploitation ou d’abus sexuels, le terme d’enfant recouvrant « toute personne âgée de moins de 18 ans ». Elle précise néanmoins que, en cas d’incertitude sur l’âge de la victime, celle-ci doit être considérée comme un enfant dès lors qu’il existe des raisons de croire qu’elle en est un, et ce, jusqu’à ce que son âge soit vérifié et établi.

Les victimes doivent pouvoir bénéficier à la fois de mesures générales de protection et d’assistance et d’un traitement particulier pendant l’enquête et la procédure pénale. Parmi les mesures générales, on peut mentionner l’obligation pour les Etats d’aménager les règles de confidentialité auxquelles sont soumis les professionnels travaillant au contact des enfants afin qu’ils puissent signaler aux services compétents toute situation d’un enfant « pour lequel ils ont des motifs raisonnables de croire qu’il est victime d’exploitation ou d’abus sexuel ».

Les Etats doivent aussi veiller à ce que les enquêtes et les procédures pénales n’aggravent pas le traumatisme subi par l’enfant et à ce qu’elles soient traitées en priorité. Parmi les mesures de protection que les Etats doivent prévoir, figure la désignation d’un représentant spécial pour l’enfant dans le cas où il existe un conflit d’intérêt entre l’enfant et ceux qui ont la responsabilité parentale. Les règles en matière de prescription devront être adaptées afin que la victime puisse porter plainte pendant une période suffisamment longue après qu’elle ait atteint sa majorité. La conduite de l’enquête et la procédure judiciaire devront être adaptées au fait que la victime est un enfant. Ainsi, les auditions ne devront pas être multipliées inutilement et seront menées de préférence toujours par les mêmes personnes. Elles pourront être enregistrées et cet enregistrement sera admissible comme moyen de preuve dans la procédure pénale.

Afin de combattre efficacement l’impunité, la convention exige des Etats qu’ils érigent en infractions pénales une série de comportements ; qu’ils se donnent les moyens de poursuivre effectivement le plus grand nombre possible de ces infractions ; et qu’ils les sanctionnent de manière dissuasive.

Devront être érigées en infractions pénales les abus sexuel (y compris les activités sexuelles avec des enfants qui n’ont pas atteint l’âge légal en vigueur dans leur pays pour entretenir ce type de relations), les infractions de rapportant à la prostitution enfantine, à la pornographie enfantine, à la participation d’un enfant à des spectacles pornographiques, la corruption d’enfants, la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles, ainsi que la complicité et la tentative de commettre ces infractions.

Une marge de manœuvre relativement étroite est laissée aux Etats dans l’application de ces obligations. Par exemple, il leur est permis de ne pas ériger en infraction pénale la production ou la possession d’images dans deux cas particuliers : lorsqu’elles sont constituées exclusivement de représentations simulées ou d’images réalistes d’un enfant qui n’existe pas ; ou lorsqu’elles mettent en scène des enfants ayant atteint la majorité sexuelle, si ces images sont produites et détenues par ceux-ci, avec leur accord et uniquement pour leur usage privé. Chaque Etat peut aussi se réserver le droit de ne pas ériger en infraction pénale le fait de consulter des images pédopornographiques, sans les télécharger. Cette incrimination figure en effet pour la première fois dans un instrument international : la création d’une nouvelle infraction nécessite que les Etats adaptent leur législation et leur pratique.

Afin de limiter le plus possible les cas dans lesquels aucun Etat partie à la convention ne serait compétent pour poursuivre l’auteur de l’une des infractions qu’elle vise à combattre, les Etats sont invités à établir leur compétence relativement à ces infractions en application des critères de territorialité, mais aussi de nationalité, voire de résidence habituelle. Surtout, la convention élimine la règle habituelle de la double incrimination dans le cas des infractions les plus graves. Cette stipulation constitue l’un des principaux éléments de valeur ajoutée de la convention. Elle permettra de juger les auteurs de faits graves même en l’absence d’incrimination dans l’Etat sur le territoire duquel l’infraction a été commise.

Enfin, la convention exige que, le cas échéant, la responsabilité des personnes morales puisse être engagée et que les sanctions encourues soient, pour tous, « effectives, proportionnées et dissuasives, tenant compte de la gravité » des infractions. Elle énumère aussi les circonstances aggravantes et demandent aux Etats que des condamnations antérieures prononcées dans un autre Etats partie à la convention pour une autre infraction visée par celle-ci puissent être prises en considération dans la détermination de la peine.

Un comité de suivi, au sein duquel des ONG pourront avoir le statut d’observateurs, veillera au respect, par les Etats membres, des engagements qu’ils ont pris en ratifiant la convention.

Pour ce qui est de la France, son droit respecte d’ores et déjà les stipulations de la convention. Il n’est en fait en retrait que sur deux points : le code pénal ne prévoit ni ne réprime ni la tentative de sollicitation d’un mineur à des fins sexuelles, ni la tentative de consultation et de possession d’images pédopornographiques.

Si ces deux lacunes du droit français pourront éventuellement être comblées dans l’avenir, force est de constater d’abord qu’elles ne portent pas sur des questions fondamentales, ensuite qu’elles sont autorisées par la convention elle-même.

Ainsi, la France pourra se prévaloir de la faculté de réserve ouverte par la convention : elle autorise les parties à ne pas appliquer, en tout ou en partie, le paragraphe relatif à la répression de la tentative des infractions établies par la convention à certaines infractions relatives à la possession ou la consultation d’images pédopornographiques et à la sollicitation d’un mineur à des fins sexuelles. La mise en œuvre de cette réserve n’est pas soumise à obligation déclarative.

Alors que la Grèce et l’Albanie sont jusqu’ici les seuls Etats à avoir ratifié la convention, la France pourrait faire partie des tout premiers Etats à achever cette procédure et contribuer ainsi à son entrée en vigueur, qui est subordonnée à cinq ratifications parmi lesquelles trois doivent émaner d’Etats membres du Conseil de l’Europe.

Mme Geneviève Colot. Je voudrais savoir quelle est l’avancée de cette convention par rapport à la convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et s’il n’y a pas double emploi. Y a-t-il un paragraphe spécifique sur la question des enfants soldats ?

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Le cas des enfants soldats n’est pas traité de manière particulière par la convention.

La convention des Nations unies relative aux droits des enfants pose des principes généraux. Comme je l’ai indiqué, son protocole facultatif de 2000 concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants précise certaines de ses stipulations, sans aller aussi loin sur plusieurs points que ne le fait la convention du Conseil de l’Europe. En outre, ont été organisés deux congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, à Stockholm en 1996 et à Yokohama en 2001, qui ont conduit, le premier, à l’adoption d’une déclaration et d’un programme d’action, le second à l’affirmation de la nécessité de prendre en compte les aspects négatifs des nouvelles technologies dans un instrument de droit international. Chaque initiative permet ainsi de réaliser des avancées par rapport à la précédente.

M. Jean-Paul Bacquet : Cette convention apporte-t-elle quelque chose par rapport au droit français ? Quelles sont les différences ?

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Il est certain que le droit français a enregistré de nombreux progrès dans ce domaine au cours de dernières années, jusqu’à l’adoption par notre Assemblée, il y a quelques jours, d’une proposition dont je suis l’auteur introduisant la notion d’inceste dans notre code pénal. Mais cette convention présente l’avantage d’être le support d’une prise de conscience internationale, que son entrée en vigueur permettra d’accélérer.

M. Serge Janquin. Le dispositif proposé paraît cohérent, utile et même nécessaire dans la perspective de l’harmonisation des législations, même si celle de la France est plus avancée. Je formule une seule réserve : la question du droit des victimes, en ce qui concerne les procédures de réparation dans leur dimension humaine après des situations aussi traumatisantes, n’a pas suffisamment été mise en avant ; il faudra sans doute y revenir.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Des avancées notables ont été réalisées en France en ce qui concerne la conduite des enquêtes et des procédures judiciaires sur ce type d’affaires impliquant des enfants, mais il est vrai qu’une marge de progrès subsiste pour la prise en charge des victimes. La convention mentionne ces deux dimensions, en recoupant les efforts consentis dans notre pays.

M. Jean-Claude Guibal. Des mécanismes de poursuite sont-ils prévus pour des actes commis dans des pays non signataires de la convention, notamment afin de combattre le tourisme sexuel ? Qu’en est-il enfin de la lutte contre les sites internet pédophiles ? Des moyens d’actions spécifiques sur ces supports sont-ils prévus ?

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. La convention demande à chaque Etat membre de reconnaître sa compétence dès lors que la victime ou l’auteur des infractions les plus graves est l’un de ses ressortissants ou réside sur son territoire, même si les faits se sont produits dans un autre pays.

La convention prend en compte les nouvelles technologies pour ce qui est de la pornographie enfantine et de la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles, mais elle laisse une certaine marge de manœuvre aux Etats. Ce n’est pas le domaine sur lequel elle est la plus exigeante.

Mme Chantal Bourragué. Il faudrait mener un véritable travail contre la sollicitation des enfants à des fins sexuelles via internet. Il n’y a ni assez de suivi ni de vraie législation et il faudrait développer des moyens de prévention, d’autant plus qu’énormément d’argent est en jeu sur ces questions.

M. François Rochebloine. Nous sommes le troisième pays à ratifier la convention après la Grèce et l’Albanie. Sait-on pourquoi, sur l’ensemble des pays appartenant au Conseil de l’Europe, seuls 35 l’ont signée ? Quelles sont les raisons pour lesquelles les autres Etats membres ne l’ont pas fait ?

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Vous trouverez en annexe de mon rapport la liste des Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore signé la convention. Je ne connais pas leurs raisons, et ne peut qu’espérer qu’ils vont le faire rapidement.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est important que la France ratifie cette convention et traduise en droit interne ses dispositions, même si le droit français est en avance par rapport à ce qu’elle prévoit. Il faut valoriser ces grandes conventions internationales, porteuses de valeurs que l’on défend et ce geste de ratification est un signe important à destination des autres pays. Il manque toutefois une dimension quant à l’Internet et aussi en ce qui concerne la situation des mineurs détenus, insuffisamment protégés, dont trop se suicident suite à des violences sexuelles dont ils peuvent être victimes. Légiférer sur cette question permettrait à la France de reprendre de l’avance.

Par ailleurs, la question des mariages forcés, qui touchent souvent des mineures, est parfois défendue par des arguments culturels ; il ne faut pas oublier la dimension sexuelle de cette question. La prévention est nécessaire et exige discussion et connaissance. S’agissant de mineurs, c’est évidemment un problème très difficile et il serait utile que l’Education nationale joue un rôle pour faciliter le dialogue.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Les mariages forcés ne sont pas visés par la convention. Actuellement, dans notre pays, l’Education nationale organise plusieurs séances d’information par an sur ces sujets, à destination des élèves ; elle pense même en ajouter une consacrée à la prévention de l’inceste.

M. Roland Blum. En ce qui concerne le volet répressif de la convention, une harmonisation est-elle prévue en matière de prescription des délits ?

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Tout à fait : la convention exige des Etats qu’ils adaptent les délais de prescription afin de permettre aux victimes devenues majeures de porter plainte. En France, pour les délits à caractère sexuel commis sur des mineurs, le code de procédure pénale prévoit un délai de prescription de vingt ans ou de dix ans, à compter de la majorité de la victime, selon la gravité de l’infraction.

M. Jean-Marc Nesme. Cette convention me semble en retrait par rapport au droit français. Je le voterai, mais il ne faudrait pas que cela soit interprété comme un retour en arrière. En ce qui concerne internet, le droit français permet par exemple déjà la sanction de crimes. En second lieu, il serait intéressant d’inciter les autres pays à s’aligner sur notre droit, sinon rien ne changera, notamment dans ceux dont le droit est moins protecteur que le nôtre. Je ne suis pas certain, par exemple, que le droit de l’Albanie soit au niveau du droit français et il y a un risque de différences considérables.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Si, sur certains points, la convention peut sembler en retrait par rapport au droit français, c’est parce que l’objectif des négociateurs étaient d’obtenir un instrument international qui puisse être signé et ratifié par le plus grand nombre possible d’Etats. Pour de nombreux pays du Conseil de l’Europe, comme l’Albanie que vous citez, ses stipulations sont plus exigeantes que leur droit national et le Comité de suivi a justement pour mission de veiller à ce qu’il soit mis en conformité avec la convention.

M. Jacques Myard. Il n’y a effectivement rien dans le texte sur la question des mariages forcés et c’est un réel problème. En revanche, les stipulations de la convention sont suffisamment générales pour permettre d’englober internet et pour ne pas empêcher les droits nationaux d’aller plus loin.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (no 1521).

*

Environnement : Protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants (n° 1591)

La commission examine, sur le rapport de M. Claude Birraux, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement (n° 1591).

M. Claude Birraux, rapporteur. Le protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants, aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale, constitue une déclinaison de la convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite convention d’Aarhus, adoptée dans le cadre de la commission économique pour l’Europe des Nations Unies.

Ce protocole, signé à Kiev le 21 mai 2003, cherche, conformément à la Convention d’Aarhus, à promouvoir l’accès du public à l’information par la création de registres, cohérents et intégrés, de rejets et transferts de polluants des principales activités industrielles et d’élevage dans les Etats parties.

Sa ratification par l’Union européenne en 2006 a d’ores et déjà inspiré de profondes réformes des registres européen et français d’émissions polluantes.

Signée le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark) par 39 Etats sous l’égide de la commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU), la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite Convention d’Aarhus, vise à mettre en œuvre l’article 10 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de juin 1992, aux termes duquel « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. »

La portée contraignante de ses dispositions ainsi que le rôle des ONG font de la convention d’Aarhus un instrument novateur en matière de gouvernance et d’environnement.

Lors de leur première réunion tenue à Lucques du 21 au 23 octobre 2002, les parties à la Convention– aujourd’hui au nombre de 42 – avaient déclaré « que les registres des rejets et transferts de polluants constituent un important outil de responsabilisation des entreprises, de lutte contre la pollution et de promotion du développement durable » et s’étaient engagées à « l’adoption d’un protocole approprié… ».

Ce fut donc chose faite avec la signature à Kiev le 21 mai 2003 du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants.

Ce protocole, qui comprend trente articles et quatre annexes, cherche à promouvoir l’accès du public à l’information par l’établissement de registres cohérents et intégrés de rejets et transferts de polluants, ainsi que le rappelle son article premier.

Les articles suivants (4 à 15) déterminent les prescriptions quant à l’établissement, la tenue et la consultation des registres.

L’article 4 décrit le contenu et la forme du registre des rejets et transferts de polluants. Sa conception et sa structure sont détaillées à l’article 5.

L’article 7 énumère les établissements soumis à notification, les données que ces établissements doivent faire parvenir aux autorités compétentes et les obligations de collecte et de classement faites aux autorités compétentes de chaque partie.

La notification des rejets et transferts de polluants est annuelle et est soumise aux délais de notification prévus par l’article 8.

Les données incorporées au registre devront être conservées pendant une période de cinq ans selon l’article 9.

L’article 11 précise que l’accès du public à l’information doit pouvoir s’effectuer par voie électronique.

Chaque partie peut autoriser l’autorité compétente à préserver la confidentialité d’informations consignées dans le registre dans les cas décrits à l’article 12.

L’article 13 précise que chaque partie assure les possibilités de participation du public à l’élaboration de son registre national, ainsi que de toute observation pouvant faciliter le processus décisionnel. Toute personne qui considère que sa demande d’information n’a pas été traitée conformément aux dispositions du protocole doit avoir une possibilité de recours devant une instance judiciaire (article 14).

Chaque Partie s’engage par ailleurs à fournir aide et conseils au public pour consulter son registre, comprendre et utiliser les informations qui y figurent. De même, chaque Partie devrait assurer un renforcement des capacités suffisant pour aider les autorités et organes responsables à s’acquitter de leurs obligations (article 15).

Pour suivre en permanence l’application et le développement du protocole, une réunion des parties est instaurée. Son fonctionnement et les modalités de vote en son sein sont prévus par les articles 17 et 18.

Les articles 20 à 30 portent sur le fonctionnement du protocole lui-même.

Les annexes I, II et III, qui font partie intégrante du protocole en vertu de l’article 19, définissent respectivement les activités, les polluants ainsi que les opérations auxquels le protocole s’applique. L’annexe IV détermine la procédure en cas de recours à l’arbitrage conformément à l’article 23 du protocole.

Le protocole a été, à ce jour, signé par 38 Etats et par l’Union européenne. Il compte actuellement douze parties et entrera en vigueur après la seizième ratification.

La ratification par l’Union européenne du protocole de Kiev, par la décision 2006/61/CE du 2 décembre 2005, a provoqué la refonte du registre européen des émissions de polluants et par voie de conséquence du registre français afin de les adapter aux prescriptions nouvelles. On notera à cet égard que la législation communautaire s’y rapportant est plus contraignante que le protocole de la CEE-NU lui-même.

Alors que l’Union européenne a mis en place, dès 2000, un registre européen des émissions de polluants (EPER), sur le fondement d’une décision de la Commission européenne du 17 juillet 2000, la ratification du protocole de Kiev par la Communauté européenne en 2005 a été suivie par l’adoption d’un nouveau règlement européen : le règlement (CE) n° 166/2006 du 18 janvier 2006 concernant la création d’un registre européen des rejets et des transferts de polluants (E-PRTR), qui abroge la décision EPER.

En vertu du règlement précité, de même que le registre PRTR succèdera au registre EPER, le site Internet sera remplacé par le site E-PRTR (actuellement en construction, en attente des données 2007 qui doivent être transmises par les États membres avant le 30 juin 2009 et qui devraient être publiées par la Commission avant le 30 septembre 2009).

Vous pourrez consulter mon rapport écrit sur les activités et substances concernées par ce registre ainsi que sur ses modalités de fonctionnement.

Je vous précise cependant que le registre européen concerne plus de substances que le protocole CEE-ONU et que les délais prévus par le présent règlement pour la notification des informations sont plus courts que ceux fixés dans le protocole.

Le protocole CEE-ONU et le registre PRTR européen vont également plus loin que le registre EPER car ils contiennent des informations concernant un plus grand nombre de polluants et d’activités, ainsi que les rejets dans le sol, les rejets de sources diffuses et les transferts hors des sites. Enfin, le registre PRTR est alimenté annuellement et non plus sur un rythme triennal.

On sait que la France jouit d’une tradition législative ancienne en matière d’information du public sur les questions d’environnement. En outre, nous réalisons depuis 1987 des inventaires annuels des émissions polluantes dans l’air et l’eau. Cependant, l’approbation du protocole de Kiev par la Communauté européenne a conduit à revoir substantiellement le dispositif français de collecte des données relatives à ces émissions. Les prescriptions nouvelles apportées par le règlement européen E-PRTR ont été adaptées au travers d’un nouvel arrêté ministériel : l’arrêté du 31 janvier 2008 relatif au registre des émissions et à la déclaration annuelles des émissions polluantes et des déchets. Vous trouverez dans mon rapport écrit les informations relatives au contenu de ce registre.

Alors que le protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants est d’ores et déjà appliqué en France en raison de ses obligations communautaires, l’autorisation de son approbation par le Parlement est néanmoins nécessaire à son entrée en vigueur dans le cadre de la CEE-NU.

Votre rapporteur se félicite de cette nouvelle confirmation du rôle moteur de l’Union européenne en matière d’environnement et ne peut que recommander l’autorisation d’une ratification très formelle par la France de ce protocole. C’est pourquoi votre rapporteur est favorable à l’adoption du présent projet de loi.

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai l’occasion, en tant que maire d’une ville dans laquelle existent plusieurs usines, d’entendre régulièrement les industriels concernés se plaindre de la concurrence déloyale à laquelle ils doivent faire face s’agissant de la question de la pollution qui représente une contrainte environnementale pour eux d’où la tentation de délocaliser dans des zones où le permis de polluer leur serait plus favorable. Je voudrais savoir si le protocole qui nous est présenté va dans le sens d’une uniformisation des règles en ce sens.

D’autre part, pour l’adéquation santé/environnement, je voudrais souligner les difficultés de mesures dans les cas où il y a méconnaissance ou secret : quand on ne sait pas, quand on ne dit pas, il est difficile de mesurer quoi que ce soit.

Pour l’outre mer, auquel ce texte ne s’applique pas, même si ce que je vais dire est sans doute excessif, on peut se poser la question de savoir si l’on ne met pas en place de ce fait un « permis de polluer ».

Concernant la dioxine, produit polluant et dangereux, n’étant pas chimiste, il me semble qu’elle ne figure pas dans le tableau mais peut-être la dioxine a-t-elle un autre nom ?

Enfin, le « porter à la connaissance  du public » de certaines unités pourrait être utilisé à des fins délinquantes ou terroristes et il me semble qu’il peut y avoir un danger.

M. Claude Birraux, rapporteur. Le nombre des pays signataires du protocole – 42 – semble ouvrir des perspectives en matière d’harmonisation. En outre, l’Union européenne peut dans ses relations avec les pays tiers poser des conditions dans plusieurs domaines : conditions de travail, hygiène, environnement, social.

Par rapport au débat autour du terrorisme et du « porter à connaissance », c’est une question difficile. Nous nous sommes engagés depuis 1987 et 1992 à trois choses : l’accès du public à l’information, l’association du public aux prises de décision, et la possibilité d’ester en justice. Il reste néanmoins que certains éléments peuvent rester confidentiels et couverts par le secret industriel. J’en ai fait l’expérience dans mes fonctions à l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques lorsque le groupe Bolloré a refusé d’être auditionné arguant du fait que même un compte rendu édulcoré serait suffisant pour leurs concurrents pour avoir des informations sensibles. Enfin, l’article 12 du protocole répond à votre question en prévoyant la possibilité de préserver la confidentialité de certaines informations si leur divulgation risque d’avoir des incidences défavorables « sur les relations internationales, la défense nationale ou la sécurité publique ».

Mme Marie-Louise Fort. Je souhaiterais savoir si le Grenelle II prend en compte les éléments contenus dans ce protocole.

M. Claude Birraux, rapporteur. Bien que l’Union européenne ait déjà ratifié ce protocole, il doit l’être également par chacun des États membres. Cependant, le règlement européen de 2006 nous impose déjà les prescriptions de la convention. Nous avons modifié notre réglementation pour en tenir compte par un arrêté ministériel de 2008.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1591).

*

Accord France-Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 1592)

La commission examine, sur le rapport de Mme Marie-Louise Fort, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 1592).

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Monsieur le Président, mes chers collègues, l’accord qui nous est soumis, signé à Montevideo le 9 octobre 2007 entre la France et l’Uruguay, satisfait une demande uruguayenne vieille de dix ans à laquelle il n’avait pas été donné suite dans un premier temps au regard du faible nombre de personnes concernées. Il est en tous points conforme à l’accord-type mis en place en 2003 par les services ministériels français. L’Uruguay l’a d’ailleurs rapidement ratifié et nous avons reçu son instrument de ratification le 29 octobre 2007.

Le premier accord de ce type signé par notre pays a été conclu avec le Canada. Depuis son entrée en vigueur le 1er juin 1989, six autres accords définitifs sont entrés en application, deux autres, dont celui-ci, sont en cours d’approbation et deux accords intérimaires sont en attente d’un accord définitif. Tous ces accords concernent principalement des pays situés loin de la métropole : Canada, États-Unis, Argentine, Brésil, Costa Rica, Venezuela et Uruguay côté Amériques, et Australie et Nouvelle-Zélande côté Océanie. Le Mexique, le Pérou, le Chili, l’Equateur mais aussi l’Inde et Israël pourraient également faire l’objet d’accords similaires. Seule la Roumanie, avec qui nous avons un accord entré en vigueur en 2005, fait exception à cette constante de l’éloignement.

Le dispositif prévu par l’accord que nous examinons s’applique aux personnes à charge des membres du personnel des missions diplomatiques, des membres du personnel des postes consulaires ou des membres du personnel des représentations permanentes auprès d’organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’Etat considéré.

Les personnes à charge retenues pour bénéficier de ses dispositions sont le conjoint et les enfants à charge célibataires de moins de vingt et un ans bénéficiant du titre de séjour dérogatoire délivré par le ministère des affaires étrangères, ainsi que les enfants à charge handicapés, sans restriction. Les personnes liées à un membre d’une mission officielle par un contrat d’union civile comme le PACS sont exclues du dispositif.

Pratiquement, quatre agents sont potentiellement concernés à l’ambassade d’Uruguay en France et huit à l’ambassade de France à Montevideo même si une seule personne, de part et d’autre, a pour le moment manifesté son intérêt pour un tel accord. Pour ce qui est des postes consulaires, le Consul adjoint, Chef de chancellerie, fait partie du personnel de notre ambassade tandis qu’il n’existe pas de représentation consulaire de l’Uruguay en France au sens de la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires. Quant à la représentation permanente de l’Uruguay auprès de l’Unesco, elle est assurée par son ambassadeur en France qui en est le délégué auprès de cette organisation internationale.

L’objet de l’accord est de permettre la délivrance par le pays d’accueil d’une autorisation de travail accordée à titre dérogatoire à une personne à charge d’un membre d’une mission officielle en regard d’une proposition qui lui serait faite d’emploi salarié respectant les conditions législatives et réglementaires. La personne à charge bénéficie, dans ce cadre, d’une exemption de toute obligation relative à l’immatriculation des étrangers et au permis de séjour. En contrepartie, elle renonce, pour toutes les questions liées à l’activité professionnelle, aux privilèges et immunités dont elle bénéficie.

En pratique, c’est l’ambassade du demandeur qui assure la gestion et le suivi du traitement de la demande. Elle présente la demande d’autorisation de travail au ministère chargé des affaires étrangères du pays d’accueil qui lui fait connaître sa décision dans les plus brefs délais. Dans les trois mois suivant l’accord éventuel, l’ambassade doit fournir la preuve que la personne à charge autorisée à occuper un poste salarié et son employeur satisfont aux obligations législatives du pays d’accueil relatives à la protection sociale. L’autorisation de travail ne vaut pas exemption des conditions de diplômes, de qualifications ou de critères spécifiques à certaines professions dites réglementées. Elle est valable tant que la personne répond aux critères de personne à charge d’une part et tant que dure dans le pays concerné le mandat du membre concerné de la mission officielle d’autre part.

Les renonciations aux immunités de juridiction et d’exécution de jugement qui sont une des contreparties à la dérogation accordée ne concernent que les personnes à charge du personnel des missions diplomatiques, les personnes à charge du personnel des postes consulaires ne bénéficiant pas de telles immunités. Pour mémoire, ces immunités sont fixées par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques que la France et l’Uruguay ont ratifié en 1970. La renonciation, uniquement pour ce qui concerne les questions liées à l’activité professionnelle, doit porter sur l’immunité de juridiction civile et administrative et sur la partie liée à l’action civile d’une décision pénale. La renonciation à l’immunité d’exécution d’un jugement est également requise.

Il est prévu la levée de l’immunité de juridiction pénale pour les infractions pénales en relation avec l’activité salariée, si l’État d’accueil en fait la demande, à condition que cela ne soit pas contraire aux intérêts essentiels de l’État accréditant. Conformément à ce qui est prévu par la convention de Vienne, la renonciation à l’immunité de juridiction pénale n’entraîne pas renonciation à l’immunité d’exécution de la sentence, laquelle nécessite une renonciation distincte.

Il n’est pas porté atteinte, du fait de ces renonciations, au principe de l’inviolabilité de la personne à charge et de son domicile.

Les incidences de l’autorisation de travail accordée sur les privilèges et exemptions dont bénéficient les personnes à charge sont de trois ordres : imposition des revenus tirés de l’activité professionnelle et obligation de protection sociale selon les législations fiscale et de protection sociale de l’Etat d’accueil, suppression des privilèges douaniers. Quant aux salaires et indemnités accessoires tirés de l’activité salariée, ils peuvent être transférés dans des conditions similaires à celles des travailleurs étrangers.

Pour les activités professionnelles non salariées, l’article 16 de l’accord prévoit que les demandes qui porteraient sur de telles formes d’activité seront examinées au cas par cas au regard des dispositions législatives et réglementaires du pays d’accueil. Une ambiguïté demeure cependant en ce qui concerne le régime qui serait appliqué à ces personnes, puisqu’en effet l’exposé des motifs du projet de loi initial déposé au Sénat précise que les intéressés perdraient leurs privilèges et immunités et devront être mis en possession d’un titre de séjour de droit commun tandis que les réponses apportées par les services ministériels aux questions qui leur ont été posées indiquent au contraire que le bénéficiaire se verrait appliquer les dispositions du présent accord et qu’il serait donc autorisé à conserver son titre de séjour spécial et continuerait de bénéficier de ses privilèges et immunités en dehors de son activité professionnelle. Je rappelle que la refonte de l’accord-type de 2003 actuellement à l’étude devrait prévoir d’inclure dans le dispositif les professions libérales. Elle permettra sans aucun doute de lever les ambiguïtés actuelles.

Voilà rapidement résumés les points contenus dans l’accord. Je voudrais à présent vous donner quelques indications sur ce qu’il en est de travailler en Uruguay, pays d’Amérique latine situé entre le Brésil et l’Argentine, fort de 3 millions et demi d’habitants et qui abrite depuis mai 2007, à Montevideo, le Parlement du Mercosur. Le chômage y reste contenu, s’établissant à moins de 8 % en 2008. Les secteurs d’activité à fort potentiel sont l’agriculture et le tourisme, ce qui n’exclut pas bien entendu d’autres secteurs d’emploi pour les bénéficiaires éventuels du présent accord. Si le pays a connu un fort taux de croissance en 2008, sa banque centrale a abaissé, en mars 2009, les prévisions de croissance pour l’année en cours, l’estimant à 1,46 % contre 10,6 % en 2008.

Le salaire minimum est de 146 euros mensuels. L’impôt sur les revenus des personnes physiques (IRPP) a été introduit par une réforme fiscale votée en décembre 2006 et entrée en vigueur en juillet 2007, motivée principalement par le faible rendement des organismes de perception et l’évasion fiscale. Rappelons que l’Uruguay, qui figurait initialement sur la liste des pays non coopératifs établie selon les critères de l’OCDE pour mettre fin aux dérives des paradis fiscaux, s’est rapidement engagé à coopérer. Les revenus d’une activité professionnelle y sont imposés, après abattements, selon un barème progressif de six tranches entre 10 et 25%. Quant aux non résidents, un impôt sur leur revenu a également été introduit sur les différents revenus dont ils pourraient bénéficier, y compris ceux du travail, avec de nombreuses dérogations et des taux de prélèvement assez faibles.

Le régime de protection sociale uruguayen est en pleine évolution, en particulier pour élargir la couverture de la sécurité sociale. Les employeurs sont tenus, depuis la réforme de 2007, de contribuer à hauteur de 7,5% des salaires.

Nos relations commerciales avec l’Uruguay restent modestes, avec un solde excédentaire en faveur de la France. Une quarantaine d’entreprises françaises y sont implantées, employant près de 8000 personnes.

Un accord de coopération culturelle, scientifique et technique existe depuis 1964 entre nos deux pays. Le lycée français Jules Supervielle accueille près de mille élèves. L’inauguration de l’Institut Pasteur de Montevideo a eu lieu en décembre 2006 en présence de Mme Girardin, alors ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. L’objectif visé est de faire de l’Uruguay une plate-forme internationale de recherche en bio médecine.

Monsieur le Président, mes chers collègues, vous le voyez, des perspectives nombreuses existent pour une personne à charge d’un membre d’une mission officielle qui serait désireuse de travailler en Uruguay. Même si l’accord qui nous est soumis, de nature essentiellement technique, porte comme on l’a vu sur un petit nombre de bénéficiaires potentiels, il participe à une meilleure gestion des ressources humaines des missions diplomatiques en facilitant l’exercice d’une activité salariée par les conjoints des membres de ces missions.

C’est pourquoi il nous apparaît d’autant plus nécessaire de tenir compte de l’évolution de la société française et des différents types d’union qui peuvent y être célébrés. Ainsi, la prise en compte des partenaires liés par un contrat d’union civile nous semble une évolution souhaitable de l’accord-type de 2003. Il est regrettable que cette extension n’ait pas été prévue dans l’accord signé avec l’Uruguay alors même que ce pays a adopté au début de l’année 2008 une loi dite de l’union concubine permettant aux couples hétérosexuels ou homosexuels la conclusion d’un contrat d’union civile après cinq années de vie commune. Cette extension aurait été d’autant plus judicieuse en l’espèce que la France peut accorder un titre de séjour spécial au partenaire lié par un contrat d’union légale à un diplomate étranger à condition que le pays d’envoi applique la réciprocité à une demande similaire présenté par un partenaire lié par le PACS français à l’un de nos diplomates. Il serait également judicieux de lever toute ambiguïté sur les différences d’interprétation de l’article 16 portant sur les activités professionnelles non salariées de façon à garantir aux éventuels bénéficiaires une sécurité juridique. Ces évolutions de l’accord-type de 2003 devraient ainsi permettre à un plus grand nombre de personnes à charge de travailler dans les pays d’accueil.

Pour revenir au cas particulier de l’accord qui nous est soumis, s’agissant d’une demande ancienne de l’Uruguay à laquelle il a été répondu par la signature le 9 octobre 2007 de cet accord et alors que l’Uruguay l’a déjà ratifié et le Sénat approuvé, il nous apparaît de bon usage que l’Assemblée nationale à son tour en autorise la ratification.

Je vous recommande donc l’adoption du présent projet de loi.

M. Jean-Claude Guibal. Ce type d’accord est-il fréquent et, plus généralement, ces accords sont-ils réellement nécessaires ? Pourquoi ne pas soumettre les personnes à charge des personnels diplomatiques au droit commun ?

Le président Axel Poniatowski. La commission a déjà examiné plusieurs projets portant sur l’approbation d’accords similaires qui concernent tous, je le rappelle, un nombre infime de bénéficiaires.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. L’accord entre la France et l’Uruguay concerne deux personnes. Sa ratification est nécessaire car elle a un impact sur des personnes bénéficiant du statut diplomatique.

M. Jacques Myard. La lecture du texte de cet accord soulève plusieurs questions, au regard notamment des stipulations de la convention de Vienne. Pourquoi un vote du Parlement est-il nécessaire alors qu’il ne s’agit, en l’espèce, que d’une renonciation dans des cas spécifiques à des privilèges diplomatiques ? Un simple échange de lettres en format simplifié devrait suffire à régler ces cas. Ainsi, lorsqu’un diplomate africain s’est récemment trouvé impliqué dans un accident de voiture, c’est son Etat accréditant qui a accepté de lever son privilège de juridiction.

Par ailleurs, on ne peut pas définir la France dans un accord international, cela ne se voit jamais. Or, c’est le cas dans celui-ci, et la définition exclut les territoires d’outre-mer, ce qui est préoccupant.

Le président Axel Poniatowski. Le projet de loi a été transmis au Parlement conformément à l’avis rendu par le Conseil d’Etat.

L’accord ne couvre pas les territoires d’outre-mer mais aucun poste diplomatique uruguayen ne s’y trouve.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (no 1592).

*

Singapour : ratification du traité sur le droit des marques (n° 1593)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean Roatta, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n° 1593).

M. Jean Roatta, rapporteur. La France a signé, le 17 mai 2006, l’accord négocié en mars de la même année lors de la Conférence diplomatique pour l’adoption d’un traité révisé sur le droit des marques, réunie à Singapour.

Réunissant à l’origine 54 pays, dont la Chine, et déjà ratifié par douze d’entre eux, le présent traité sur le droit des marques, dit traité de Singapour, vient compléter un ensemble de textes internationaux visant à faciliter la protection internationale des marques industrielles et commerciales.

En droit international, les marques sont définies comme des « signes distinctifs qui servent à différencier des produits ou services identiques ou similaires offerts par des producteurs ou fournisseurs différents. »

Leur protection est devenue un problème essentiel pour les entreprises. Les marques sont désormais placées au cœur des stratégies commerciales des plus grands groupes mondiaux, et font l’objet d’efforts financiers croissants afin de fidéliser les consommateurs à certains types de produits. Leur importance est telle que certains n’hésitent pas, désormais, à leur accorder une valeur financière en tant que telle, sous la forme d’actifs immatériels inscrits au bilan des entreprises.

Souvent commenté, et parfois violemment dénoncé comme dans l’essai No logo de la journaliste canadienne Naomi Klein, ce phénomène a également attiré l’attention sur l’utilisation frauduleuse parfois faite des divers signes utilisés pour représenter les marques.

Bien que difficile à chiffrer précisément, la contrefaçon est un phénomène d’une ampleur considérable, dont le coût pour les entreprises est estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Ce manque à gagner conduirait à un déficit d’environ 30 000 emplois en France, et plus de 100 000 en Europe, selon l’organisation pour la coopération économique et le développement.

Au-delà de ce manque à gagner économique, la contrefaçon fait peser de graves menaces sur la sécurité et de la santé des consommateurs, notamment lorsqu’elle concerne des produits destinés aux enfants. Afin d’aider les propriétaires de marques à lutter contre cette utilisation abusive, divers textes internationaux ont été élaborés, qui ont permis de construire l’actuel système international de protection des marques.

Appelé « système de Madrid », cet ensemble de procédures est régi par deux textes, très éloignés dans le temps. En effet, l’arrangement de Madrid, signé en 1891 dans le prolongement de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, n’avait pas été adopté par des puissances industrielles et commerciales de premier plan, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne.

Dès lors, les principales stipulations de l’arrangement ont été reprises dans le protocole de Madrid de 1989, ce qui a permis d’étendre les règles du système international de protection des marques à 84 pays.

Le principe du système de Madrid ainsi créé est très simple : une demande d’enregistrement international doit être traitée par tous les pays qui participent au système comme une demande qui aurait été déposée auprès de l’office national de protection des marques.

Concrètement, lors du dépôt de sa demande, le titulaire d’une marque peut assortir son dossier d’une requête visant à la faire enregistrer internationalement. Le bureau international de l’organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI) transmet alors cette demande à tous les organismes nationaux concernés, qui se chargent alors d’instruire la demande comme si elle avait été directement déposée devant eux par le titulaire.

Le système de Madrid facilite donc beaucoup, pour les entreprises, les procédures d’enregistrement de leurs marques dans plusieurs Etats. Il ne vise pas, contrairement au régime de protection des marques communautaires, à créer un titre unique au niveau mondial, qui donnerait lieu à des procédures devant un organisme international spécialisé en cas de contestation de l’utilisation d’une marque.

Malgré son caractère très flexible, le système de Madrid a conduit à rapprocher les législations nationales en matière de protection des marques. En effet, la réunion des organismes nationaux au sein d’un système international unique a poussé ces derniers, à la demande notamment des divers déposants et titulaires de marques, à rapprocher leurs réglementations, et à les simplifier.

Cet aspect du système international des marques a fait l’objet d’un premier traité, signé à Genève en 1994, et ratifié par la France en 2006, soit douze ans après la signature. Ce premier traité sur le droit des marques visait notamment à fixer une liste limitative des conditions et procédures imposées par les organismes nationaux aux déposants et aux titulaires de marques, ainsi qu’à leurs éventuels mandataires.

Le traité de Singapour remplace cet accord. Il en reprend les grands principes, qu’il complète afin de les adapter notamment aux évolutions technologiques récentes.

Le traité de Singapour étend ainsi le droit international aux marques autres que visibles, notamment les signaux sonores. Il permet également aux Etats parties d’autoriser la conduite de tout ou partie de certaines des procédures sous forme électronique.

Le traité prévoit également la création d’une assemblée, dont les modalités de réunion seront moins formelles que l’organisation d’une conférence diplomatique et faciliteront donc l’adoption de modifications ultérieures.

En plus d’autres mesures plus techniques, concernant notamment les titulaires de licences de marques et les mesures de sursis accordées aux déposants à divers stades de la procédure d’enregistrement, une résolution, adoptée en même temps que le traité de Singapour, vise explicitement à renforcer la coopération internationale dans le domaine de la protection des marques.

Les pays les moins avancés, dont la liste est établie par l’organisation des Nations Unies, recevront ainsi en priorité une assistance technique visant à faciliter l’établissement d’un système national de protection des marques. Les pays en développement pourront également bénéficier de cette aide.

Le seul obstacle législatif interne à la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques a été levé par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Modifiant l’article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, celle-ci autorise les titulaires de licence de marque à intervenir dans une instance engagée par le propriétaire de cette marque, même lorsque la licence n’a pas fait l’objet d’une procédure d’enregistrement.

Le traité de Singapour sur le droit des marques renforce, et enrichit, une branche récente, et en développement rapide, du droit international des marques. Remplaçant le traité de Genève de 1994, et modernisant plusieurs de ses dispositions, il permet ainsi de poursuivre l’harmonisation des régimes nationaux de protection des marques, et facilite donc l’activité des entreprises dans un domaine de plus en plus stratégique pour elles.

Le seul obstacle à l’entrée en vigueur du présent traité dans notre pays ayant été levé l’an dernier, sa ratification ne pose plus de difficulté juridique. Il contient également des avancées notables, comme les règles applicables en matière de quorum à l’assemblée nouvellement créée, ce qui facilitera beaucoup le fonctionnement de l’organisation.

M. Jean-Paul Lecoq. L’enregistrement d’une marque exige le paiement d’une redevance. Le traité prévoit-il un mécanisme permettant d’aider les entreprises des pays en développement à prendre en charge ce coût ? On observe qu’elles sont souvent très créatives mais voient parfois leurs idées pillées par les grandes marques occidentales.

Peut-on imaginer que, comme les œuvres d’art, les marques finissent par tomber dans le domaine public ?

J’observe aussi que l’on parle toujours du droit des marques, mais jamais des devoirs que celles-ci devraient respecter ! La délocalisation de leur production ne devrait pas être acceptée !

M. Jean Roatta, rapporteur. L’assistance technique proposée par la résolution sera principalement apportée par les autres Etats membres, qui aideront les pays moins développés à se doter d’un système national plus efficace de protection des marques. Chacun des Etats est ensuite libre de déterminer le montant des taxes qu’il applique aux entreprises, afin par exemple d’inciter celles qui ne l’auraient pas fait à déposer leurs marques.

L’expression « domaine public » ne s’applique pas aux marques. Il arrive que des marques soient progressivement utilisées comme des noms communs. Il appartient alors au titulaire de la marque de s’opposer à cet usage, sous peine de se voir déchu de ses droits d’usage exclusif de la marque en question.

M. Gilles Cocquempot. Y a-t-il adéquation entre les stipulations de ce traité et les dispositions du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, que notre Assemblée vient d’adopter ?

M. Jean Roatta, rapporteur. Les questions relatives au droit applicable aux marques doivent être distinguées de celles concernant d’autres pans du droit de la propriété intellectuelle, qui concerne également des productions, ou des procédés. Les marques sont des signes distinctifs apposés à des produits ou des services, et ne sont pas, en tant que telle, une production.

Depuis l’adoption de la Conférence de Paris, à laquelle de grands pays comme les Etats-Unis n’étaient pas parties, des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine du droit des marques. Même si de nouvelles améliorations sont possibles, ce traité comporte déjà des avancées importantes.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1593).

*

La séance est levée à dix-neuf heures.