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Commission des affaires étrangères

Mercredi 26 mai 2010

Séance de 10 h 00

Compte rendu n° 65

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Liechtenstein : accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale – n° 2330) (M. Jacques Remiller,
rapporteur)

Liechtenstein : accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale

La séance est ouverte à dix heures.

La commission examine, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 2330)

M. le président Axel Poniatowski. L’ordre du jour de notre commission appelle l’examen du projet de autorisant l’approbation de l’accord entre la France et le Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale.

Comme vous le savez, notre commission a été saisie d’une série de douze conventions bilatérales ayant ce même objet. L’examen de ces projets de loi auquel nous procèderons dans les semaines qui viennent a été précédé les 24 mars et 28 avril derniers de deux séances d’auditions par notre commission qui a entendu les responsables du GAFI et de l’OCDE en la personne de MM Mac Donell et d’Aubert ainsi que les responsables de la fiscalité et de la cellule Tracfin au ministère de l’économie et des finances.

La problématique de l’évasion fiscale et de la lutte contre les paradis fiscaux et territoires non coopératifs contraints désormais à « rentrer dans le jeu » a déjà été largement évoquée et beaucoup de questions de fond ont pu être abordées lors de ces réunions.

L’accord avec le Liechtenstein est le premier à nous être présenté précédé d’un rappel du contexte général par le rapporteur, M. Jacques Remiller. Les rapports sur les onze accords bilatéraux suivants reprendront cette présentation générale et insisteront sur la spécificité de chaque Etat ou territoire concerné par une telle convention d’échange de renseignement fiscaux.

M. Jacques Remiller, rapporteur. L’accord signé le 22 septembre 2009 entre la France et le Liechtenstein s’intègre dans la politique générale définie sur le plan international pour lutter contre l’évasion fiscale.

Notre commission a été saisie vous le savez d’une douzaine de conventions de ce type. Rapporteur du premier de cette série d’accords, je me dois de le resituer dans le contexte international issu des premiers sommets du G20.

L’engagement en faveur de la transparence et contre l’évasion fiscale ne date pas d’hier. La fuite des capitaux vers les paradis fiscaux représente une perte nette pour les grandes puissances économiques. Les estimations les plus précises ont été faites aux Etats-Unis, où le manque à gagner annuel est évalué à 100 milliards de dollars. En France, la fraude est estimée entre 29 et 40 milliards d’euros par an.

L’organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) est le principal forum où s’échangent les informations concernant les paradis fiscaux.

En 2000, l’OCDE avait ainsi identifié une trentaine de juridictions non coopératives. Toutefois, de nombreux États avaient rapidement été exclus de cette liste sans pour autant avoir véritablement apporté la preuve d’une évolution de leur politique.

Cette situation a radicalement changé en 2008. Le nouveau contexte politique créé par la crise financière a renforcé l’idée qu’il était temps de mettre un terme aux pratiques des paradis fiscaux.

Lors des sommets de Washington, Londres et Pittsburgh, les chefs d’États du G20 ont rappelé leur engagement en faveur de la transparence, et ont promis des sanctions.

L’OCDE a assisté techniquement le G20 en publiant trois nouvelles listes sur le thème de la transparence, qui recensent plus de 80 juridictions.

Les critères de classement sont simples. Dans la liste blanche figurent ceux qui ont reconnu le standard de transparence fixé par l’OCDE dans un modèle d’accord de 2002.

Dans la liste grise figurent ceux qui ont reconnu ce standard mais ne l’ont pas encore mis en œuvre, ce qui signifie qu’ils ont signé moins de 12 accords conformes au standard.

Dans la liste noire figuraient les juridictions qui ne reconnaissaient pas le standard international. Cette liste est vide aujourd’hui. En effet, à la demande du G20, le standard de l’OCDE est devenu la norme internationale de référence, également reconnue par l’ONU.

Ce standard implique qu’aucune disposition de droit interne ne puisse faire obstacle à la demande, par un Etat tiers, de renseignements vraisemblablement pertinents pour l’application de sa législation à l’un de ses ressortissants fiscaux. En revanche, les droits des contribuables doivent être respectés.

Cet engagement international a eu pour résultat que près de 400 accords ont été signés par des territoires non coopératifs, en majorité avec des Etats de la liste blanche.

La France joue un rôle majeur dans la lutte contre l’évasion fiscale. Elle préside ainsi le nouvel organe de l’OCDE chargé de conduire l’analyse des systèmes juridiques des paradis fiscaux.

La France a également fait évoluer sa propre législation, pour y inscrire la notion de paradis fiscal, et renforcer les mesures de prévention contre l’évasion fiscale.

Enfin, la France a lancé des négociations avec les 80 Etats et juridictions recensés par l’OCDE, en exigeant un standard de coopération plus élevé.

Ainsi, notre pays demande que les accords qu’il signe recouvrent l’ensemble des impôts des deux parties.

Par ailleurs, la France cherche à renforcer les clauses du modèle OCDE concernant les renseignements relatifs aux sociétés cotées, ainsi que les obligations d’adaptation des législations internes.

Enfin, la France privilégie les accords n’autorisant aucune demande de remboursements de frais administratifs engagés à l’occasion de la recherche de renseignements.

Le présent accord conclu avec le Liechtenstein respecte l’ensemble de ces préconisations.

L’un des plus petits pays indépendant au monde, cette Principauté est une incarnation quasi-parfaite de la notion de paradis fiscal.

Près de 80 milliards d’euros d’actifs étaient gérés par des établissements situés dans ce pays en 2008, bénéficiant d’un régime fiscal très avantageux. De plus, le droit du Liechtenstein permet de créer des sociétés particulièrement opaques, sous la forme juridique d’Anstalten, ou de fondations.

Intégré dans la première liste de paradis fiscaux de l’OCDE, le Liechtenstein a été l’un des derniers Etats à en sortir, en mars 2009.

Ce pays semble évoluer positivement. Il a signé plusieurs conventions similaires au présent accord, notamment avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne.

Classiquement, l’accord précise que les parties s’engagent à coopérer afin de garantir l’application de leurs législations fiscales à tous leurs ressortissants fiscaux. Le secret bancaire ou le statut des sociétés ne sont pas des motifs valables de refus.

Seul le respect de la confidentialité des échanges avec un conseiller juridique, ou le secret commercial et industriel, peuvent être, dans certains cas précis, opposés à une demande.

L’accord s’accompagne par ailleurs, des stipulations nécessaires au respect des droits des contribuables.

La place occupée par les paradis fiscaux dans l’économie mondialisée est encore difficile à estimer à ce jour. Pour autant, les pertes fiscales occasionnées par leur comportement non coopératif sont insupportables, d’autant plus dans une période de crise où l’argent public se fait rare.

La lutte contre l’évasion fiscale et la coopération internationale contre les paradis fiscaux sont des projets de longue haleine. La France y occupe une place centrale.

En ratifiant cet accord, la France a l’occasion de souligner la nécessité de moraliser l’économie mondiale, et d’accélérer la transformation de l’un des paradis fiscaux les plus opaques au monde.

M. Philippe Cochet. Ce type d’accord a au moins le mérite d’exister. Quelles sont les sanctions prévues, en cas de non-respect de ses dispositions ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Ces accords sont nouveaux. Une évaluation des mesures adoptées par les paradis fiscaux doit être conduite et achevée au plus tard en 2014. Des sanctions pourraient être adoptées avant cette date, et, dans tous les cas, un comportement non coopératif en 2014 fera l’objet de mesures de rétorsion de la part des 80 autres Etats impliqués dans le forum global pour la transparence de l’OCDE. Pour le moment, la ratification de cet accord permettra à la France de franchir une étape dans la lutte menée contre l’évasion et la fraude fiscales.

M. Jean-Marc Nesme. Je suis également sceptique, même si c’est mieux sans doute que rien. L’exposé des motifs nous indique que l’article 5, paragraphe 4 prévoit que « la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées ne s’applique qu’à la condition que cet échange ne puisse être réalisé sans créer de difficultés excessives ». Qu’en est-il exactement ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Cette condition est un peu plus exigeante que dans le modèle de l’OCDE, qui interdit la transmission de ces renseignements si celle-ci pouvait susciter des difficultés excessives. Il s’agit, dans ce domaine, d’éviter la dissémination d’informations pouvant inciter au délit d’initiés, ou fragiliser une entreprise sur les marchés face à d’éventuels repreneurs ou partenaires. Dans tous les cas, les problèmes liés aux paradis fiscaux, s’ils peuvent concerner les sociétés cotées, concernent surtout des sociétés au statut bien plus opaque que celui des sociétés cotées en Bourse.

M. Patrick Labaune. Je suis encore plus sceptique ! Quel est l’intérêt du Liechtenstein à signer un tel accord ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Le Liechtenstein veut éviter d’apparaître comme le mauvais élève en matière de transparence. Surtout, ce qui a changé avec les sommets du G20, c’est la menace de sanctions. Celles-ci ne sont pas illusoires. La France pourrait par exemple interdire à ses ressortissants d’y investir, ou soumettre les transferts de fonds dans ces pays à des prélèvements importants. Déjà, nous avons prévu d’appliquer des retenues à la source à certains revenus transférés dans des paradis fiscaux.

M. Jean-Paul Dupré. Qui peut ouvrir un compte dans ce pays ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Il n’y a pas de condition particulière pour l’ouverture de compte au Liechtenstein.

M. Jean-Paul Bacquet. J’attire l’attention du rapporteur sur le fait que nos collègues Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ont été interdits de séjour à Monaco après leur rapport sur la Principauté !

M. Jacques Remiller, rapporteur. On ne peut juger la situation actuelle en fonction du passé. Monaco, Andorre et le Liechtenstein étaient les trois paradis fiscaux les plus réticents à évoluer depuis 2000. Pourtant, ils semblent tous chercher à améliorer leur situation, et leur image internationale.

M. Gérard Menuel. Quant aux droits des contribuables, la CNIL peut-elle limiter les actions prévues ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Tous les échanges d’informations sont couverts par l’obligation de confidentialité qui incombe aux deux parties.

M. Jacques Bascou. Quels sont les autres membres de l’OCDE qui ont signé cet accord avec le Liechtenstein, sachant que beaucoup d’entre eux ont des établissements bancaires qui y ont des filiales ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. A l’heure actuelle, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

M. Jean-Pierre Dufau. Je partage l’intérêt du rapporteur et ses doutes. L’article 9 parle de l’adaptation de la législation interne. Quels délais sont prévus pour cela ? Ce texte porte sur les échanges d’informations. Il sera surtout intéressant me semble-t-il de voir quelles suites seront données à terme à ces demandes de renseignements. Serait-il possible que d’ici deux ans, par exemple, un rapport soit présenté qui porte sur l’application de l’accord et son effectivité ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Pour le moment, il est difficile de savoir ce qui se passe exactement au Liechtenstein. Le présent accord aidera la France à lever ces difficultés. Il faudra attendre 2014 pour pouvoir prétendre à une évaluation de tous les paradis fiscaux et, a fortiori, le cas échéant, prendre des sanctions. Dès 2012, une recension des systèmes juridiques de tous les Etats membres du forum global sur la transparence permettra d’apprécier exactement les difficultés liées aux paradis fiscaux.

M. le président Axel Poniatowski. Il sera effectivement intéressant de faire le point après la ratification des douze accords. Une première évaluation sera en effet fort utile. Il ne faut pas non plus oublier que l’on nous a indiqué, lors des auditions auxquelles nous avons procédées, qu’il ne s’agissait que d’une première étape dans la lutte contre la fraude fiscale.

M. François Rochebloine. Les douze accords sont-ils identiques ? Y a-t-il des modifications ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Les différences sont marginales. Dans l’ensemble, la France va plus loin, avec ces accords, que le modèle de l’OCDE.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2010).

La séance est levée à dix-heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 26 mai 2010 à 10 heures

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Dino Cinieri, M. Philippe Cochet, M. Pierre Cohen, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Gérard Menuel, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Martine Aurillac, M. Alain Bocquet, Mme Chantal Bourragué, Mme Geneviève Colot, M. Michel Delebarre, Mme Marie-Louise Fort, M. Gaëtan Gorce, M. Didier Julia, M. Didier Mathus, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Jean-Marc Roubaud