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Commission des affaires étrangères

Mercredi 30 juin 2010

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 79

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Bahreïn : avenant à la convention en vue d’éviter les doubles impositions – n° 2335 (M. Michel Vauzelle, rapporteur)

Bahreïn : avenant à la convention en vue d’éviter les doubles impositions

La séance est ouverte dix-sept heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Michel Vauzelle, le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d’éviter les doubles impositions (n° 2335).

M. le président Axel Poniatowski. Je voudrais tout d’abord revenir sur la séance de ce matin. Il y a eu un problème d’agenda entre le secrétariat de la commission et celui de M. Jean-Pierre Jouyet. Compte tenu du fait que l’emploi du temps de plusieurs membres de la commission ne leur permettait pas de rester au-delà de midi, j’ai estimé préférable de reporter la séance pour disposer d’un temps suffisant. Je m’excuse de ce contretemps et M. Jouyet également. Nous reprogrammons son audition dans quelques jours.

M. François Loncle. Vos explications nous satisfont. Nous avons été cependant étonnés d’arriver, certes en retard, pour constater désorientés que la salle était déjà vide et la séance levée. Vous êtes excusé, tout comme M. Jouyet, que nous entendrons avec intérêt.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. La France et le royaume de Bahreïn, qui a remplacé l’Etat de Bahreïn, ont signé, en 1993, une convention permettant d’éviter les doubles impositions. Jusqu’à présent, ce texte ne comportait pas de stipulations relatives aux échanges d’information entre les administrations fiscales des deux pays.

Le présent avenant vise à porter la convention fiscale de 1993 aux standards internationaux dans le domaine précis de la coopération administrative.

Notre commission a déjà eu à se prononcer sur de nombreux textes aux intentions comparables. Quand aucune convention fiscale ne lie notre pays avec un autre, des accords spécifiques à l’échange d’informations ont été signés.

En revanche, si une telle convention existe, la France privilégie l’ajout d’un article plutôt que la signature d’un accord différent. C’est ainsi que notre pays a signé un avenant à sa convention fiscale avec le Qatar, et négocie une modification du traité fiscal signé avec l’Arabie Saoudite allant dans ce sens.

C’est également de cette manière que la France a procédé avec Bahreïn.

Bahreïn correspond, sur de nombreux points, à la définition, certes non académique mais facile à appréhender, d’un paradis fiscal. En l’absence de ressources pétrolières ou gazières, les autorités ont délibérément choisi d’attirer coûte que coûte les capitaux étrangers, et ont développé à l’extrême les services financiers, suscitant des interrogations quant à la possibilité de contrôler les flux transitant par le royaume.

Bahreïn est sorti de la liste des paradis fiscaux créée par l’OCDE en 2000, et de la liste « grise » des territoires n’appliquant pas pleinement les standards internationaux en matière de transparence et d’échanges d’information. Mais, plusieurs pratiques subsistent qui laissent songeur.

Ainsi, le royaume de Bahreïn pratique le secret bancaire. Les obligations de publicité sont extrêmement faibles en matière de comptes des sociétés, de composition de leur capital ou de l’identité de leurs propriétaires, de répartition des bénéfices. Il n’y a pas d’impôt sur le revenu.

Forte de ces mesures favorisant considérablement l’opacité, et d’une politique fiscale agressive, la place de Manama, capitale de Bahreïn, s’est imposée comme l’un sinon le tout premier pôle financier de la péninsule arabe. Elle devance aujourd’hui ses concurrents directs, pourtant plus connus, que sont Abou Dabi et Dubaï.

Comme à chaque fois que nous l’interrogeons sur ce point, l’administration fiscale française est incapable de nous donner une estimation des actifs français qui seraient placés à Bahreïn à des fins d’évasion fiscale. On peut toutefois imaginer que les montants, et donc les pertes fiscales pour notre pays, sont potentiellement importants.

En effet, Bahreïn, capitale financière de sa région, compte environ 400 banques et institutions financières implantées dans le royaume. De plus, de par sa spécialisation dans la finance islamique, la place de Manama a plutôt mieux résisté que d’autres au cataclysme financier de 2008. Bahreïn est devenu, pour les grands réseaux bancaires français, la tête de pont de toutes leurs activités dans la région.

Ces éléments soulignent à quel point la France a intérêt à développer les échanges d’information avec Bahreïn. C’est d’ailleurs l’objet du présent projet de loi.

L’avenant est parfaitement conforme aux standards de l’OCDE en matière de transparence et d’échanges de renseignements fiscaux. Il prévoit ainsi l’obligation de transmettre les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l’application de la législation fiscale d’une des parties, et interdit formellement d’opposer, pour justifier un éventuel refus par la partie requise, les arguments traditionnellement soulevés dans ce type de situations, notamment le secret bancaire.

Les possibilités ouvertes par le nouvel article qui serait inséré dans la convention fiscale en cas d’approbation de l’avenant sont donc très positives.

Toutefois, seule une détermination sans faille de notre pays permettra d’obtenir des résultats probants. La pression internationale, censée s’exercer au sein du forum global de l’OCDE pour la transparence, reste à ce jour quelque peu limitée.

Il faudra attendre la fin de cette année pour que la législation bahreïnie fasse l’objet d’une analyse détaillée par les autres membres du forum. Surtout, la première évaluation du caractère effectif de la coopération des autorités bahreïnies dans le domaine fiscal n’interviendra qu’au début de l’année 2013, selon le calendrier fixé par l’OCDE.

D’ici là, on peut craindre que la volonté internationale ne faiblisse, l’actualité portant sans cesse sur le devant de la scène de nouvelles crises et de nouveaux sujets d’action. Déjà, le sommet du G20 de Toronto n’a pas retenu la lutte contre les paradis fiscaux parmi ses quatre principaux thèmes de travail.

Ce n’est pas par la pression des pairs que notre pays fera respecter sa législation fiscale, mais par des actes et des efforts continus.

Attendre des paradis fiscaux qu’ils se réforment d’eux-mêmes révèle, plus que de la naïveté, une profonde incompréhension de ce phénomène. Les paradis fiscaux établissent leur législation interne dans le but d’organiser la fraude. Le royaume de Bahreïn, est à cet égard un élément exceptionnel d’opacité dans un système économique mondial déjà fort complexe.

Dans ce cas, comme dans les autres, la France est seule responsable de la lutte contre l’évasion fiscale. Nous, parlementaires, devons rester vigilants, et rappeler constamment au Gouvernement que la survivance des paradis fiscaux est une perte sèche pour nos finances publiques. Ce n’est qu’à cette condition que la mise en œuvre de cet avenant à la convention fiscale franco-bahreïnie pourra être un franc succès.

M. Patrick Labaune. En vous écoutant, on a l’impression qu’il existe aussi une troisième partie prenante à cet accord, le système bancaire où réside cette opacité. Quel est l’état de la législation bancaire au royaume de Barhein ?

M. Michel Vauzelle. Le secret bancaire existe à Barhein, et la législation en vigueur ne favorise pas la diminution de l’opacité, qui est maximale. Selon les critères du réseau « Juridictions du secret », et sans entrer dans le détail de ce que cet élément recouvre, le score de transparence de Bahreïn est de 8 %. Sachez que c’est un très mauvais résultat, inférieur à celui de Monaco ou du Liechtenstein.

M. le président Axel Poniatowski. On voit bien là, de nouveau, que dans le cadre de ces conventions, il s’agit surtout d’échanges d’informations.

M. Jacques Remiller. A l’article 2, alinéa 2, le projet de loi fait état de l’utilisation « à d’autres fins » des renseignements demandés. Quels sont les types de renseignements qui sont concernés par cette disposition ?

M. Michel Vauzelle. Il s’agit des renseignements concernant les cotisations sociales, pour lesquels la France a demandé cet ajout spécifique.

M. Jean-Claude Guibal. On sait que le royaume de Bahreïn n’a ni pétrole ni gaz, à la différence des autres Etats du Golfe. Est-ce que l’on a une connaissance, même approximative, des établissements financiers français, banques ou autres, sur place et la nature de leurs échanges ?

M. Michel Vauzelle. J’ai cru comprendre que tous les établissements français d’une certaine surface étaient installés ou représentés à Bahreïn L’étude d’impact attachée au projet de loi indique que le royaume reste une plaque tournante pour pouvoir travailler dans la région et cela explique que tout le monde doive être à Manama. De fait, de nombreux grands réseaux français y sont implantés, comme l’IFP, Axa, Calyon, la BNP, et emploient de nombreux expatriés. Quant aux flux d’activité, ils sont significatifs, mais l’on se heurte pour le moment à l’opacité du système, comme nous l’avons dit.

M. François Loncle. Tout cela témoigne de la modestie des progrès dans la lutte contre les paradis fiscaux et les Etats qui accueillent ces systèmes bancaires. On a voté récemment différents textes. En ce qui nous concerne, nous nous sommes abstenus, par bonne volonté ou optimisme. Je voudrais toutefois apporter au débat un élément qui illustre les dysfonctionnements du système financier mondial. Le Canada a trois grandes banques, dont le fonctionnement et la réglementation sur le crédit sont exemplaires. Le Canada a échappé à la crise financière de 2008 grâce à ce régime, et il est même aujourd’hui dans une situation particulièrement saine, le dollar canadien étant quasiment à parité avec le dollar américain. 400 banques d’un côté, à Barhein, 3 de l’autre, au Canada. Cela montre le progrès qui reste à accomplir vers la transparence et contre les dérives malheureuses.

M. le président Axel Poniatowski. Beaucoup de pays voudraient s’inspirer du Canada et la France, en particulier, regarde avec attention les réformes qui y ont été entreprises ces 10 dernières années, qui ont permis un redressement considérable du pays. Son budget est aujourd’hui en équilibre, il est même excédentaire, grâce à des réformes considérables, notamment en ce qui concerne le secteur public. Je constate avec plaisir que nous nous retrouvons sur cet exemple à suivre…

M. Michel Vauzelle. Je souhaite que notre commission adopte ce projet de loi car, même si les progrès qu’il propose sont modestes, ils restent néanmoins positifs, dans la mesure où l’on ne peut que mieux faire par rapport à la situation présente.

Cela étant, je crois qu’il serait possible de faire un geste supplémentaire au niveau du Parlement pour que nous restions attentifs et que notre information sur la lutte menée contre les paradis fiscaux soit assurée dans la durée. Il est donc important que nous ayons un bilan de l’application de ce texte, et de tous les accords que nous avons examinés et examinerons bientôt sur ce thème.

Peut-être faudrait-il nous rapprocher de nos collègues de la commission des finances pour adopter une résolution qui demanderait que le bilan de cette politique de transparence et de nos relations avec ces pays soit fait. Peut-être serait-il possible d’adopter aussi un amendement à la loi de finances pour interpeller le gouvernement sur cette question pour qu’il soit attentif et que l’on fasse mieux. Quel que soit le moyen, le droit d’information et de contrôle du Parlement doit être respecté.

M. Jean-Louis Bianco. Je soutiens les propos de Michel Vauzelle. Nous nous sommes déjà posés la question lors de l’examen de textes similaires, en ce qui concerne l’information du gouvernement et la nôtre. J’insiste pour ma part à nouveau pour que la lutte contre les paradis fiscaux dépasse les seules bonnes intentions.

M. le président Axel Poniatowski. Nous étions convenus que dans un an nous ferions le point lors d’une table ronde, à l’exemple de celle que nous avons organisée au début du processus d’examen de cette très longue série de conventions fiscales. Nous pourrons toutefois déterminer, au sein du bureau, comment aller plus loin dans le cadre d’une mission d’évaluation et de suivi de l’application de ces conventions. J’inscrirai cette question à l’ordre du jour de la réunion du bureau de la commission de septembre pour que nous en discutions.

La commission adopte sans modification le projet de loi (no 2335).

La séance est levée à dix-huit heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 30 juin 2010 à 17 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Martine Aurillac, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, M. Jean-Michel Boucheron, M. Alain Cousin, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Serge Janquin, M. Patrick Labaune, M. François Loncle, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Alain Bocquet, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, Mme Geneviève Colot, M. Michel Delebarre, M. Jean-Jacques Guillet, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Lionnel Luca, M. Jean-Claude Mignon, M. Éric Raoult, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, M. Michel Terrot