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Commission des affaires étrangères

Mardi 6 juillet 2010

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 83

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Kenya : accord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu – n° 2319 (M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur)

Kenya : accord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu 

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Michel Ferrand, le projet de loi, adopté, par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (n° 2319).

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Après la série de conventions relatives à la lutte contre les paradis fiscaux que nous avons étudiées ces dernières semaines, nous restons encore sur les questions fiscales, mais sous un angle un peu différent. Il nous est en effet demandé de nous prononcer sur l’accord que la France a signé le 4 décembre 2007 avec le Kenya pour éviter les doubles impositions et prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

Cette convention est intéressante à plusieurs titres. En premier lieu, parce qu’elle ne concerne pas un pays sur lesquels pesaient les pires soupçons, à la différence de certains autres avec lesquels des négociations ont été précédemment conclues, puisque que le Kenya n’a jamais figuré sur les listes publiées par l’OCDE des Etats à risque ou non coopératifs.

Ensuite, parce que le Kenya est l’un des pays importants de la zone est-africaine avec lesquels il est opportun d’avoir des relations étroites : si l’on fait abstraction de la crise politique violente qu’il a connue à l’hiver 2007-2008, qui fort heureusement a pu être résolue en un temps très bref, le Kenya est un pôle de stabilité dans la région et de développement économique important. C’est un pays qui joue aussi un rôle central pour les opérations des acteurs économiques dans la région. Pour ces raisons, il était important qu’un texte qui contribue à assurer la stabilité de nos échanges et la sécurité juridique des investisseurs français soit conclu. Ce l’était d’autant plus qu’il n’y avait jusqu’alors pas de convention de cette nature entre la France et le Kenya et que, même si nos échanges commerciaux restent encore relativement modestes, ce pays est notre principal partenaire dans la région et la présence française y est déjà importante : de très grandes entreprises nationales ont investi au Kenya, dans des secteurs de pointe, Alcatel, Lafarge, Total, Sanofi, France Telecom, notamment. En ce sens, cette convention se combine avec celle relative à la protection réciproque des investissements, qui avait été signée le même jour, le 4 décembre 2007, mais qui avait cependant été présentée à notre examen bien plus tôt, en janvier 2009.

Enfin, c’est aussi un accord remarquable en ce qu’il résulte d’une négociation menée sur la base de deux modèles différents de convention fiscale. Celui de l’OCDE, d’un côté privilégié par la France qui participe régulièrement aux travaux visant à l’actualiser. C’est un modèle qui, notamment, nous est plus favorable au plan budgétaire car il permet de réduire l’imposition de nos investisseurs au Kenya et de conserver une matière imposable en France plus importante. Inversement, le modèle de convention des Nations Unies, promu par le Kenya, tend à prendre mieux en compte les intérêts des pays en développement.

Le résultat de cette longue négociation est en quelque sorte un texte sui generis, une synthèse des préoccupations de chacune des deux Parties, un compromis pour lequel la France et le Kenya ont su faire les concessions qui s’imposaient, que ce soit sur les taux d’imposition ou sur l’assiette de l’impôt.

Cela étant posé, je voudrais résumer devant vous les trois aspects essentiels de cette convention. Je soulignerai tout d’abord que son champ d’application est large puisqu’il porte sur les résidents d’un Etat ou des deux et sur l’ensemble des impôts sur le revenu, quelle que soit leur origine : l’article 2 de la convention précise d’ailleurs que « sont considérés comme impôts sur le revenu, les impôts perçus sur le revenu total ou sur des éléments du revenu, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises ainsi que les impôts sur les plus-values. »

Pour le reste, l’essentiel de la convention est consacré à détailler, revenu par revenu, le régime d’imposition qui s’appliquera aux résidents des deux Parties. C’est sur cet aspect que les négociations ont surtout porté et que des concessions ont été faites de part et d’autres. Ainsi, par exemple, en matière d’imposition des revenus des professions indépendantes, à la règle selon laquelle l’imposition se fait dans l'Etat de résidence, la France a-t-elle concédé au Kenya l’imposition dans l’autre Etat si l’intéressé y dispose d’une base fixe ou s’il y exerce plus de 183 jours par an. Inversement, la France a pu obtenir du Kenya l’introduction de la clause de la nation la plus favorisée ou encore la fixation de taux d’imposition qui sont parmi les plus avantageux que le Kenya ait jamais accordés à ses partenaires.

Enfin, le texte inclut quelques unes des dispositions des conventions de l’OCDE qui reflètent les préoccupations actuelles de ses membres : des dispositions relatives à la levée du secret bancaire, à l’échange de renseignements fiscaux, « vraisemblablement pertinents », selon la formule d’usage, qui sont inexistantes dans les accords de l’ONU, ont ainsi été acceptées par le Kenya.

Je vous invite à approuver le projet de loi qui nous est soumis. Je crois en effet que ce texte viendra très opportunément compléter les dispositifs qui sont par ailleurs déjà en vigueur entre la France et le Kenya, notamment quant à la protection des investissements. J’ajouterai enfin que le Kenya ayant de son côté rempli ses propres formalités en décembre dernier, il ne manque que notre voix, le Sénat l’ayant déjà examiné, pour finaliser la procédure.

M. Jean-Marc Roubaud. M. le Rapporteur, pourriez-vous préciser en quoi consistent les concessions acceptées par le Kenya en termes de taux et d’assiettes d’imposition ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Le Kenya a concédé des taux d’imposition inférieurs aux taux prévus par le droit interne kenyan et surtout plus faibles que ceux que ce pays ait jamais concédés à un partenaire conventionnel de l’OCDE : alors que le réseau conventionnel kenyan prévoit pour les pays de l’OCDE des taux compris entre 15 et 25 %, l’accord avec la France prévoit que les dividendes font l’objet d’une retenue à la source de 10 %, les intérêts de 12 % et les redevances de 10 %. La France a aussi obtenu l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée sur l’ensemble de ces revenus.

M. Jean-Paul Lecoq. Avec de tels avantages, nous allons créer un risque de délocalisation vers le Kenya ! Dans quelle mesure une entreprise peut-elle choisir le pays dans lequel elle déclare certaines dépenses ou paie certaines impositions ? Alors que de nombreux accords signés par la France mentionnent les impôts sur le revenu et sur la fortune, pourquoi ce dernier est-il absent de la convention avec le Kenya ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Il n’existe pas d’impôt sur la fortune au Kenya.

Pour ce qui est du lieu d’imposition, il relève de l’application de la notion d’établissement stable, laquelle renvoie à six mois de présence sur le territoire kényan, durée inférieure à celle retenue dans les pays de l’OCDE.

M. Michel Terrot. Combien de Français résident-ils au Kenya ? Quel niveau les investissements français atteignent-ils et quelles entreprises françaises y sont-elles implantées ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. La présence française est forte d’une cinquantaine d’implantations dans des secteurs très diversifiés : matériaux de construction, télécommunications, distribution d’hydrocarbures, agriculture (café, fleurs), banque, transports, automobile – mais les groupes français souffrent d’une faible notoriété –, chimie, pharmacie – avec notamment Sanofi – et services. Parmi les principales entreprises, on note la présence de Lafarge et de Total qui, avec France Telecom, sont les principaux investisseurs français au Kenya.

M. Jean-Paul Dupré. Quelle est la situation de la balance commerciale entre les deux pays ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Nos exportations vers le Kenya ont diminué de 6,5 % entre 2008 et 2009 et nos importations de 19,5 %. Notre excédent commercial, qui occupe le 52ème rang parmi nos excédents commerciaux, est de 78 millions d’euros. Le Kenya est notre 103e client et notre 104e fournisseur seulement, mais notre principal partenaire commercial en Afrique de l’Est.

M. Philippe Cochet. Les services fiscaux kényans avaient-ils des relations avec les services fiscaux français avant la conclusion de la convention ? Sont-ils organisés de manière comparable ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Aucun accord ne permettait jusqu’ici d’organiser des relations entre les services fiscaux des deux pays.

M. Jean-Pierre Kucheida. Pourquoi les négociations de cette convention, qui n’est pas révolutionnaire, ont-elles duré sept ans ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Les négociations ont été conduites à un rythme normal, pour parvenir à des concessions mutuelles. Le processus de ratification a en revanche été long.

La commission adopte sans modification le projet de loi (no 2319).

La séance est levée à dix-sept heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 6 juillet 2010 à 17 h 30

Présents. - M. Christian Bataille, M. Loïc Bouvard, M. Philippe Cochet, M. Michel Delebarre, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Claude Guibal, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Jean-Paul Lecoq, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, Mme Geneviève Colot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Jacques Guillet, M. François Loncle, Mme Henriette Martinez, M. Alain Néri, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Michel Vauzelle