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Commission des affaires étrangères

Mardi 26 octobre 2010

Séance de 21 h 00

Compte rendu n° 7

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les crédits pour 2011 de la mission « Action extérieure de l’Etat » (ouverte à la presse).

Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le budget du ministère

La séance est ouverte à vingt-et-une heures.

M. François Loncle. Je souhaite intervenir pour un rappel au Règlement. Nous travaillons dans des conditions insatisfaisantes. Il y avait déjà hier soir une commission élargie sur le commerce extérieur. Et aujourd’hui il y a eu trois rectifications de l’ordre du jour. Nous sommes convoqués à 21 heures alors qu’en ce moment même a lieu dans l’hémicycle un débat important sur la dette sociale. Le débat sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes se tient dans des conditions indignes de notre Assemblée. Je sais que la faute est imputable au gouvernement qui impose un rythme de travail insoutenable au Parlement, mais je tenais à le souligner.

M. François Rochebloine. Je partage l’avis de M. Loncle. A l’époque, j’avais voté contre le principe de la session unique. Le budget du ministère des affaires étrangères et européennes est un budget important. L’accueil du ministre se fait dans des conditions anormales. Ni le ministre ni le président de la commission des affaires étrangères ne sont en cause. C’est le gouvernement qui est en cause ! Je tiens à rendre hommage aux services qui nous tiennent immédiatement informés des changements. Toutefois, Monsieur le président, notre insatisfaction quant à nos conditions de travail mérite d’être rappelée en conférence des présidents.

M. le président Axel Poniatowski. Je précise qu’il y a eu deux modifications de l’ordre du jour à partir de l’agenda initial. Par ailleurs, le mécontentement relatif à ces conditions de travail a déjà été évoqué en conférence des présidents. Je vous signale néanmoins que c’est la première fois que la commission des affaires étrangères se réunit en soirée, alors que les séances tardives sont fréquentes dans d’autres commissions.

M. François Rochebloine. C’est la preuve qu’il y a vraiment un problème !

M. le président Axel Poniatowski. Je fais tout pour éviter le travail dans de telles conditions, mais il n’y avait pas d’autre solution en l’occurrence. Je vous prie de m’en excuser.

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette réunion. Vous allez nous présenter le budget du ministère dont vous avez la responsabilité, et plus précisément les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat », puisque ceux de la mission interministérielle « Aide publique au développement » seront examinés le 2 novembre, dans le cadre d’une commission élargie.

C’est sur cette mission « Action extérieure de l’Etat » que figurent les moyens de fonctionnement du ministère, et notamment ceux de ses réseaux diplomatique, culturel et consulaire. Or ces moyens seront encore, en 2011, à structure constante, en baisse marqué, à hauteur de 5,7 % pour le fonctionnement des ambassades, tout comme les effectifs. Il est vrai que cette diminution est masquée par le transfert de personnel et de crédits provenant d’autres ministères au titre de la rationalisation de la gestion des dépenses de fonctionnement des différents ministères présents à l’étranger, mais ces transferts compensent des transferts de charge équivalents. Au final, les ambassades devront faire des économies importantes sur tous les postes de dépenses : le matériel de bureau, mais aussi les missions et voyages statutaires et les frais de représentation, ces derniers étant en baisse de 12,3 %.

Pourtant, dans le même temps, le nombre de postes diplomatiques augmente, avec l’ouverture d’une ambassade à Bischkek, la réouverture de celle de Kigali, la création d’un consulat à Calgary et d’un bureau à Pyong-Yang. Comment faire fonctionner un réseau en expansion avec des moyens qui se contractent ?

Il me semble que le ministère a désormais atteint un point au-delà duquel il ne peut aller sans que des décisions douloureuses soient prises. Le principe de l’universalité du réseau a été, à juste titre, réaffirmé à l’issue de la révision générale des politiques publiques et dans le Livre blanc. J’estime que le seul moyen de le préserver est de redéployer et de concentrer nos moyens sur le réseau des ambassades et d’accélérer la réduction du réseau des consulats français.

Leur nombre a certes déjà été réduit d’un tiers depuis 1996 ; ils sont désormais moins de 100. Mais j’estime que l’avenir est dans le remplacement des consulats nationaux par un réseau de consulats européens, communs à tous les Etats de l’espace Schengen. J’ai conscience de la difficulté de l’entreprise : il faudrait notamment que les règles relatives à l’instruction des demandes de visas soient harmonisées ; il faudrait aussi donner davantage de substance à la notion de citoyenneté européenne, afin que ces consulats assurent le même traitement à tous les Européens ; il faudrait encore que les Français expatriés et de passage à l’étranger comprennent qu’ils doivent être davantage responsables de leurs actes et moins attendre de la puissance publique. Un tel chantier ne sera pas facile à mener à bien, mais, in fine, l’ensemble des Européens pourraient en tirer avantage.

Qu’en pensez-vous, M. le ministre ? Voyez-vous d’autres orientations possibles pour l’évolution des réseaux du ministère ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes L'action extérieure de la France en 2011 sera, à n'en pas douter, marquée avant tout par la présidence française du G8 et du G20. Plus que jamais, les autorités de l'Etat auront besoin d'un outil diplomatique qui fonctionne, analyse, anticipe, propose et négocie, avant, pendant comme après les grandes rencontres internationales.

2011, ce sera également la poursuite des réformes engagées il y a trois ans pour moderniser le ministère et l'adapter à ses missions, le mettre en mesure de répondre aux attentes qui lui sont adressées. Ce sera la troisième année de la mise en œuvre des mesures de la lere RGPP, et la mise en place effective des opérateurs dont vous avez accepté la création lors du vote de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat, en juillet dernier.

2011, ce sera enfin une année particulièrement difficile sur le plan budgétaire. Le budget de la mission Action extérieure de l'Etat ne peut s'analyser en dehors du contexte d’une baisse de l’ensemble des budgets de l’Etat.

Tout le monde est bien conscient ici, je n'en doute pas un seul instant, de l'impérieuse nécessité de redresser nos finances publiques. Il en va, dans l'immédiat, du respect par la France de ses engagements européens et de la stabilité financière de l'Europe, que l'on sait ne plus pouvoir tenir pour acquise depuis la crise grecque, et à plus long terme de la place de la France dans le monde.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est engagé à ramener le déficit budgétaire de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011 ; soit un effort sans précédent de redressement de nos finances publiques.

Dans un tel contexte et plus que jamais, l'élaboration du budget d'un ministère résulte de la confrontation difficile des contraintes budgétaires et de ses ambitions.

Nécessairement, tous les budgets, tous les ministères sont mis à contribution dans cet effort collectif.

De ce point de vue, le budget de l'Action extérieure de l'Etat se veut responsable, et naturellement conforme tant aux orientations gouvernementales qu'à l'impératif d'usage rigoureux de derniers publics.

C'est un budget responsable, d'abord, en ce qu'il respecte la totalité des décisions gouvernementales tendant à redresser nos finances publiques : diminution de 5 % de nos crédits de fonctionnement en 2011, effort qui sera poursuivi les années suivantes pour respecter l'objectif d'une baisse de 10 % en trois ans ; en 2011, cela représente 18 millions d’euros d'économies ; poursuite des efforts de réduction d'ETP, notamment par la rationalisation des fonctions de soutien en administration centrale, et la poursuite des ajustements dans notre réseau à l'étranger ; 160 ETP seront ainsi supprimés en 2011, soit 700 sur le triennum 2009-2011.

C'est un budget responsable ensuite, en ce sens que le ministère des affaires étrangères est pleinement investi dans un effort durable de maîtrise de nos contributions obligatoires aux organisations internationales et des dépenses liées aux opérations de maintien de la paix, qui pèsent lourd, vous le savez, dans le budget du ministère.

La France est membre de plus de 150 organisations internationales, et le ministère des affaires étrangères apporte des contributions à environ 70 d'entre elles. En 2010, ces contributions auront représenté 405 millions d’euros. Le dépassement de 13 millions d’euros de ces dépenses par rapport aux crédits inscrits au budget 2010 s'explique intégralement par la perte au change, ce qui témoigne de nos efforts de maîtrise de ces dépenses en volume. Nous maintiendrons à l'avenir cette vigilance.

Il en va de même pour les opérations de maintien de la paix, pour lesquelles la France est 5eme contributeur mondial, et qui auront représenté en 2010 417 millions d’euros, pour lesquelles là encore le ministère déploie tous les efforts possibles pour en limiter les coûts et en contrôler l'évolution.

Un budget responsable enfin, en ce qu'il respecte totalement l'impératif de sincérité budgétaire.

Le Parlement avait à plusieurs reprises, et à juste titre, relevé que la budgétisation des dépenses de contributions internationales et d'OMP était notoirement insuffisantes au regard des prévisions de dépenses. Un effort significatif a été accompli ces dernières années. Pour 2011, je vous confirme que les montants prévus, tant pour les contributions obligatoires que pour les OMP, correspondent bien aux dépenses telles que nous pouvons aujourd'hui les anticiper, compte tenu d'une prévision réaliste de taux de change.

Cette rigueur, cette contribution à l'effort de redressement de nos finances publiques, j'ai eu à cœur qu'elles ne nuisent pas aux grandes priorités de l'action extérieure de la France, aux principaux objectifs de l'action du ministère des affaires étrangères.

En 2011, nous poursuivrons en effet la nécessaire adaptation de notre outil diplomatique à ses missions et à nos priorités.

La première d'entre elle est à mes yeux notre politique d'influence et notre action culturelle extérieure.

Vous savez l'attachement qui est le mien à la réforme de l'action culturelle extérieure. Vous avez voté, mesdames et messieurs, la loi relative à l'action extérieure de l'Etat, qui crée notamment l'Institut Français, qui remplacera CulturesFrance, en en reprenant le meilleur tout en élargissant son champ de compétences, qui embrassera l'ensemble du champ culturel.

Xavier Darcos a été chargé d'en assurer la présidence. Il prépare avec ses équipes et le ministère le lancement opérationnel de l'Institut pour le 1er janvier prochain.

Mais ce n'est un aboutissement que sur le plan institutionnel. Sur le fond, tant reste à faire : définir des stratégies, à la fois globales (quelle est l'ambition de l'action culturelle extérieure, en quoi peut-elle effectivement contribuer à notre politique d'influence ?) que sectorielles et géographiques ; rénover notre réseau culturel, en adapter la carte à nos objectifs en tenant compte dans chaque pays de la meilleure façon d'assurer la présence de la culture française ; renforcer les relations avec les Alliances françaises, complémentaires et indispensables, avec lesquelles des synergies doivent être recherchées dans la mesure où elles assurent mille points de présence française dans le monde; j'ai d'ailleurs signé le 1er octobre une nouvelle convention avec la Fondation nationale des Alliances françaises, notamment dans ce but ; améliorer la visibilité de notre réseau culturel, en fusionnant partout où c'est possible les SCAC et les instituts, et en donnant à tous les centres culturels et à toutes les alliances une signalétique commune, qui les rapproche également de l'Institut français, à Paris ; renforcer la professionnalisation des agents du réseau, grâce à un effort sans précédent de formation, actuellement en cours ; repenser notre politique de mécénat de levée de cofinancements, tant nous devons progresser en ce domaine.

Pour accompagner cette politique, cette réforme, il fallait des moyens. Vous le savez, j'avais obtenu du Premier ministre, pour 2009 et 2010, 20 millions d’euros par an de rallonge culturelle. Au moment où l'Institut français est mis en place, où le gros des aménagements du réseau culturel reste à accomplir, j'ai plaidé pour le maintien de cet effort. J'ai été entendu. En 5 ans, ce sont 100 millions d’euros supplémentaires qui seront consacrés à l'action culturelle. Ce ne sera jamais assez, mais dans le contexte actuel, c'est au moins la garantie de pouvoir donner à l'Institut français, qui sera doté de 37 millions d’euros en 2011, les moyens d'agir.

L'influence de la France à l'étranger, au-delà du réseau culturel, c'est aussi la formation des élites. Nous sommes en train de mettre en place l'établissement public Campus France, qui résultera de la fusion du Campus France ancien, d'Egide et, d'ici 2012, des activités internationales du CNOUSS.

Et puis il y a l'AEFE dont il faut se garder d'oublier la double mission, rappelée par le président de la République, de scolarisation des enfants de Français expatriés, d'une part, de scolarisation d'enfants étrangers, d'autre part. Ce faisant, l'AEFE est l'un de nos plus beaux vecteurs d'influence dans le monde, l'investissement le plus profitable sans doute pour l'avenir.

C'est la raison pour laquelle je me suis là aussi battu pour que les moyens de l'AEFE soient maintenus. La subvention à l'AEFE, versée sur le programme 185, a ainsi été maintenue à son niveau de 2010, soit 421 millions d’euros.

C'est la raison pour laquelle nous sommes également vigilants sur les conditions de mise en œuvre de la prise en charge des frais de scolarité pour les élèves français (PEC). Son coût augmente, et la dotation budgétaire correspondante, sur le programme 151 également. En 2011, ce sera 119 millions d’euros, soit 13 % de plus qu'en 2010. Grâce au maintien du moratoire, d'une part, et à des mesures conservatoires de maîtrise, d'autre part, cette dotation devrait suffire à couvrir les besoins pour l'année prochaine.

Au-delà, des décisions sont à prendre, comme m'y a invité le Premier ministre dans la lettre-plafond qu'il m'a adressée cet été. Nous attendons les propositions de Mmes Colot et Joissains et les orientations du président de la République pour ce faire.

Je reste par ailleurs plus que jamais attentif à la qualité du service rendu aux Français de l'étranger. Le métier consulaire est partie intégrante des métiers du Quai d'Orsay, et c'est une vraie vocation pour nombre de ses agents.

Or les charges qui pèsent sur la direction des Français à l'étranger s'accroissent constamment : augmentation du nombre de compatriotes expatriés, élection en 2012 pour la première fois depuis la réforme constitutionnelle de 11 députés, mise en place progressive de la biométrie, transfert au ministère des affaires étrangères des frais d'hospitalisation d'urgence de nos compatriotes à l'étranger.

L'importance de cette mission et l'alourdissement de la charge de travail des postes consulaires ont conduit le ministère à défendre avec acharnement la préservation des postes équivalents temps plein (ETP) du réseau consulaire, notamment dans le cadre des réflexions sur la 2eme vague de mesures RGPP. De fait, en 2012 et 2013, les suppressions d'ETP dans les consulats seront très limitées.

Dès 2011, nous faisons un effort sensible sur les crédits du programme 151 : hors rémunérations et hors dépenses de PEC et de bourse, ils progresseront de 6,6 %. Si l'on inclut les dépenses de PEC et de bourses, la hausse est de 11,4 %.

Au sein de cette enveloppe, nous préservons les crédits d'action sociale, à 16 millions d’euros environ.

En 2011, j'ai souhaité enfin qu'un effort tout particulier soit consenti sur la sécurité. Sécurité de nos implantations à l'étranger, en premier lieu. Nous mettons en œuvre, depuis trois ans, un vaste programme de renforcement de la sécurité active et passive de nos emprises. C'est une priorité absolue, une responsabilité première. J'ai demandé au Premier ministre, qui a naturellement reconnu le caractère prioritaire de cette demande, une enveloppe de crédits de 10 millions d’euros, dont 2 millions d’euros sont inscrits au PLF 2011. Nous maintiendrons nos efforts en la matière tant que ce sera nécessaire.

Sécurité de nos ressortissants à l'étranger, ensuite. Le Centre de crises, opérationnel depuis l'été 2008, est l'une de mes grandes fiertés. 24h sur 24, il veille sur nos ressortissants, organise secours et rapatriements, répond à la détresse et à l'urgence. J'ai demandé que ses moyens d'intervention soient préservés. Son budget augmentera en 2011 de 1,5 %.

Sécurité plus largement, enfin. Les événements dramatiques du Sahel n'ont fait que nous rappeler, s'il en était besoin, que la menace guette, partout et tout le temps. Tous les moyens doivent être mobilisés pour la contrer. L'un de ceux-ci, et notamment dans cette région du monde qui nous est si proche, c'est la coopération militaire, de défense et de sécurité. Les crédits d'intervention de la direction de coopération de sécurité et de défense seront là aussi stabilisés en 2011, à 25 millions d’euros.

Je conclurai par là où j'ai commencé, par l'échéance majeure de l'année qui vient. La présidence du G8 et du G20, ce seront des échéances majeures pour la gouvernance mondiale, avec notamment un sommet des chefs d'Etat en format G8 en juin 2011, en format G20 en novembre, un sommet G8 Affaires étrangères en mars prochain. Ce seront des thèmes fondamentaux, que le Président de la République a déclinés lors de la Conférence des ambassadeurs fin août et précisé samedi, au Sommet de la Francophonie à Montreux : réforme du système monétaire et de la gouvernance mondiale ; lutte contre la volatilité excessive des prix des matières premières ; développement des aides au développement des pays pauvres, notamment par des financements innovants. Ce sera un test essentiel de notre capacité à les faire avancer, conformément aux nécessités du temps.

La crédibilité de la France est engagée, non seulement sur le fond, mais aussi sur notre capacité à organiser ces divers événements.

La décision a été prise de créer un programme spécifique, le 332, doté en 2011 de 60 millions d’euros d'autorisations d'engagement et de 50 millions d’euros de crédits de paiement. Au total, le coût de la présidence sera de 80 millions d’euros répartis sur 2010, 2011 et 2012.

La création de ce programme spécifique répond aux recommandations de la Cour des comptes et à un impératif de visibilité, de transparence et de rigueur.

En s'en voyant confier la responsabilité, le ministère des affaires étrangères et européennes voit confortée sa vocation de pilotage de l'action extérieure de l'Etat, fonction dont l'importance est manifeste au moment où la France s'apprête à assumer une si lourde responsabilité.

Mesdames et messieurs les députés, dans le contexte difficile que je rappelais tout à l'heure, la mission Action extérieure de l'Etat voit ses crédits pour 2011, à 2,9 milliards d’euros progresser de 6 %. Si l'on exclut les dépenses de rémunérations, ils progressent de 7,6 %.

Dans cette enveloppe, le ministère respecte ses obligations en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement, finance les obligations internationales de la France, assume l'organisation de la présidence française du G8 et du G20, poursuit la réforme de l'action culturelle extérieure, se donne les moyens de maintenir aux Français de l'étranger un service public de qualité, modernise son réseau à l'étranger et en renforce la sécurité.

L'essentiel, donc, est préservé.

Mme Geneviève Colot. Je vous remercie, M. le ministre, pour votre présentation objective des crédits de votre budget, sur l’exécution duquel pèsent effectivement des contraintes spécifiques, même si tous les ministères doivent accepter des efforts d’économie. Etant donné les efforts déjà réalisés, la réduction des effectifs et des crédits de fonctionnement ne sera pas anodine.

Je tiens à préciser à mes collègues que l’enveloppe de 119 millions d’euros évoquée n’a pas vocation à couvrir seulement la prise en charge des frais de scolarité, mais aussi les bourses à caractère social, la première mesure ne coûtant que 34 millions d’euros.

Je constate que le projet de budget pour 2011 pour la mission « Action extérieure de l’Etat » a été élaboré sur la base d’un taux de change de 1,35 dollar pour 1 euro, et non plus de 1,56 dollar pour 1 euro, comme précédemment. C’est ce qui explique que les crédits pour les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix passent de 776 millions d’euros à 883 millions d’euros entre 2010 et 2011. Grâce à la prise en compte d’un taux de change réaliste, le ministère devrait éviter les problèmes de gestion qu’il a rencontrés en 2009 et 2010. L’autre risque qui pèse sur l’exécution de ces dépenses porte sur l’évolution des opérations de maintien de la paix. Vous ne pouvez évidemment pas deviner ce que seront les prochaines grandes crises dans le monde, mais quelles sont, selon vous, les opérations dont le mandat ou le format pourraient évoluer de manière importante d’ici la fin de l’exercice 2011, avec des conséquences notables sur les contributions françaises ?

L’article 67 du projet de loi de finances propose de revoir les modalités de financement de l’aide accordée aux adhérents de la Caisse des Français de l’étranger ayant les revenus les plus bas : il incomberait à la Caisse elle-même et à l’Etat, sans que soit précisée la part que chacun devrait financer, ce qui ouvre la porte à la suppression de la participation de l’Etat à ce financement. La Caisse devrait en assumer la charge seule. Ce serait injuste que l’Etat se désengage de ce dispositif en faveur de nos compatriotes les plus modestes, quand il assure une couverture maladie à tous les étrangers présents sur le territoire national, y compris ceux qui sont en situation irrégulière. Je vais donc proposer un amendement qui prévoit un partage de ce financement à parité entre l’Etat et la Caisse, et un autre ajustant les crédits du programme Français à l’étranger et affaires consulaires à l’augmentation (de 750 000 euros) de la charge que cela représentera pour lui en 2011 par rapport aux crédits déjà prévus. Quel est votre avis sur ces propositions, M. le Ministre ?

M. le ministre. Alors que nos voisins ont renoncé à l’universalité de leurs réseaux, la France est attachée à la préservation de ce principe. Le nombre des consulats français a déjà diminué, même si c’est très progressivement. Aujourd’hui, il faut préserver leur nombre mais réformer leur fonctionnement et mieux adapter les moyens de chacun aux charges de travail qu’ils supportent effectivement. Avec le développement des procédures par internet, on peut réduire la présence de fonctionnaires français à l’étranger. Il faut aussi que les Français vivant dans d’autres pays européens recourent davantage aux administrations locales. Avec l’Espagne et l’Italie, la France essaie de faire avancer le thème du développement de consulats communs à plusieurs pays de la zone Schengen, mais les trois pays restent relativement isolés sur ce sujet, alors qu’il semble plus facile à aborder que l’élaboration d’une politique extérieure commune.

La prévision de taux de change prise en compte pour la préparation du budget est effectivement enfin raisonnable. Les budgets des opérations de maintien de la paix seront examinés à partir de fin décembre aux Nations unies ; on ne saura qu’ensuite comment chacun évoluera en 2011. Les troupes françaises sont présentes, parfois dans une proportion élevée, dans certaines opérations, comme la FINUL au Liban ou la MINUAD au Tchad, mais, étant donné la situation tendue dans ces deux régions, toute réduction de cette présence serait perçue négativement sur le terrain. En Afghanistan, nos troupes courent d’énormes dangers, mais nous ne pouvons nous défausser : il faut que des militaires d’un grand professionnalisme comme les nôtres prennent part aux opérations.

Pour ce qui est de l’aide à la 3ème catégorie des cotisants à la Caisse des Français de l’étranger, c’est-à-dire les plus démunis, il est vrai que l’article 67 du projet de loi propose un cofinancement de l’Etat et de la Caisse, mais le ministère n’a nullement l’intention de se désengager. 0,5 million d’euros est inscrit à ce titre dans le budget, et le ministère espère pouvoir augmenter cette participation grâce à des redéploiements. Les consulats apportent aussi leur appui à la Caisse. L’article vise à assurer la pérennité du dispositif d’aide en permettant au ministère d’adapter son niveau de participation en fonction de ses possibilités. En effet, ce financement ne doit pas se faire au détriment de son action sociale.

Financer une augmentation de la dotation prévue afin de la porter au niveau de la moitié du coût du dispositif par une ponction sur les crédits d’informatique du ministère n’est guère satisfaisant, car l’informatique est un domaine dans lequel nous sommes en retard et où la mise en œuvre de nombreux projets tarde faute de moyens.

Par ailleurs, je voudrais vous signaler que le Foreign Office vient d’annoncer une baisse de son budget de 24 % hors investissements, et une contraction de ses investissements de 55 %. Il me semble que l’effort qui nous est demandé est, en comparaison, tout à fait raisonnable.

M. François Rochebloine. Je voudrais tout d’abord, à propos des consulats, dire que je partage l’avis du ministre. Les consulats sont un patrimoine, un legs du passé et un atout pour l’avenir. L’Union européenne n’a pas supprimé la fonction consulaire ; s’il ne devait plus exister qu’un consulat européen par pays étranger, nous pourrions connaître des problèmes de maîtrise de l’immigration.

M. le Président Axel Poniatowski. C’est faux ! Le principe étant celui, pour l’espace Schengen, de l’attribution d’un visa unique selon des critères différents, il est possible d’ores et déjà de circuler dans tous les pays de cet espace une fois obtenu le visa permettant de passer un point d’entrée.

M. François Rochebloine. Nous faisons certainement plus attention que d’autres dans la délivrance des visas.

M. le Président Axel Poniatowski. L’enjeu est bien plutôt d’harmoniser les critères de délivrance des visas Schengen, afin d’éviter que des étrangers ayant obtenu un tel visa auprès d’un consulat non français éventuellement peu pointilleux viennent légalement en France.

M. François Rochebloine. C’est un autre problème. J’en viens aux sujets qui me préoccupent plus directement en tant que rapporteur. M. le ministre, vous connaissez mon opinion, qui est très largement partagée, sur la prise en charge des écolages pour les élèves français scolarisés dans le réseau de l’AEFE. Vous connaissez la position de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture, que j’ai eu l’honneur de présider et dont Mme Geneviève Colot était le rapporteur, ainsi que la position très ferme de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Les rares défenseurs de la mesure sont aujourd’hui, soit des Français expatriés qui ne voient aucune différence entre une prise en charge par leur employeur et une prise en charge par les contribuables français, alors qu’eux-mêmes ne paient généralement aucun impôt en France, soit des élus des Français de l’étranger, notamment sénateurs, soit des observateurs qui disent que la mesure ne coûte pas aussi cher qu’on le croit. En outre, le financement de la mesure en 2010 n’est toujours pas assuré : il manque plus de 4 millions d’euros. Pour 2011, en l’état du projet de loi de finances, il ne l’est pas non plus : il manque 7 millions d’euros, et encore bien davantage pour les années suivantes. L’AEFE et les services de votre ministère nous ont confirmé que le financement de la mesure, s’il était possible en 2011 avec les montants alloués, ne le serait plus les années suivantes. J’observe en outre que le présent projet de loi de finances pour 2011 prévoit un montant de 119 millions d’euros sur cette ligne alors que 126 millions d’euros sont nécessaires. Il faut un vrai encadrement de ce dispositif, et pas une demi-mesure.

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer, chiffres à l’appui, en quoi l’Institut français, créé par la loi du 27 juillet dernier, aura plus de moyens qu’il n’en existait jusqu’ici pour la même politique, nonobstant la « rallonge » de 20 millions d’euros ?

Pour les deux autres établissements publics créés par la même loi du 27 juillet 2010, à savoir l’EPIC Campus France et l’EPIC France expertise internationale, pouvez-vous nous dire quelles sont les éventuelles difficultés ou incertitudes quant à leur mise en place effective ?

Vous avez beaucoup œuvré au rapprochement entre le réseau culturel de l’État à l’étranger et les Alliances françaises. Pensez-vous qu’un de point d’arrivée a été trouvé ou bien ne faut-il pas imaginer que la « RGPP 2 » ou une autre forme de rationalisation ultérieure forcera à un rapprochement plus étroit encore ?

Mes auditions budgétaires m’ont appris la nette diminution des crédits consacrés à la francophonie multilatérale, de l’ordre de 10 % l’an prochain par rapport aux crédits votés pour l’année en cours. Qu’en est-il, alors que vient de se tenir le Sommet de Montreux, alors que la Maison de la francophonie est sur le point d’ouvrir ses portes et alors que Jacques Chirac, étant président de la République, avait pris des engagements qui étaient tenus jusqu’à présent ?

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que le schéma immobilier de l’AEFE indique que, pour la mise aux normes et la sécurité des bâtiments des établissements en gestion directe, un minimum de 141 millions d’euros est nécessaire sur cinq ans, le haut de la fourchette s’établissant à 333 millions d’euros.

M. le ministre. S’agissant des consulats, je répète qu’il faudra évoluer mais que le moment n’est pas propice. Un rapprochement est en effet souhaitable avec nos partenaires de l’espace Schengen.

La prise en charge des écolage des lycéens français, qui représentait 1,9 million d’euros en 2007, a coûté au budget de l’État 8,8 millions d’euros en 2008, 19,9 millions d’euros en 2009 et avec 30 millions d’euros en 2010 il reste quelques insuffisances de financement. Les 34 millions d’euros prévus pour 2011, inscrits dans une action dotée de 119 millions d’euros, laissent un besoin de financement évalué à 7 millions d’euros, ce qui appelle des économies supplémentaires. Pour les mesures d’encadrement, nous attendons les conclusions du rapport de Mmes Colot et Joissains.

M. François Rochebloine. Les rapports sur ce sujet de la Mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture d’une part, et de la Mission d’évaluation et de contrôle d’autre part, sont connus !

M. le ministre. J’en ai déjà tenu compte. J’en viens à la question relative à l’Institut français, en relevant que vous avez fort heureusement évoqué la « rallonge » de 20 millions d’euros. Avec ce nouvel EPIC, nous entendons développer des synergies permettant d’augmenter les moyens concrètement disponibles ; les soutiens financiers proviendront aussi d’autres sources, les collectivités territoriales par exemple. Je veux saluer l’équipe très soudée et dynamique que Xavier Darcos, en tant que futur Président de l’Institut français, a su réunir autour de lui. La synergie avec les Alliances françaises existe et sera développée également : j’avais imaginé de grands projets communs mais en réalité les montages ne peuvent être que locaux et non mondiaux. En définitive, l’Institut français pourra s’appuyer sur 41 ETP transférés depuis le ministère des Affaires étrangères et européennes et sur 15 ETP provenant des ministères de la Culture et de la communication et de l’Éducation nationale : de 99 à CulturesFrance, les effectifs passeront à 155. Quant à la subvention du Quai d’Orsay, elle passera de 17,2 millions d’euros en 2010 à 37,6 millions d’euros en 2011. Je me réjouis ce voir que cette idée longue à imposer fait aujourd’hui l’unanimité.

Je ne vois pas quelles difficultés CampusFrance aurait à affronter. Aucune incertitude non plus, puisque la création du nouvel EPIC, décidée d’un commun accord, se passera très bien. Cette meilleure continuité de la chaîne de l’accueil des étudiants étrangers s’imposait. Les moyens existent, pas de « rallonge » nécessaire en l’espèce. Avec ce nouvel établissement nous serons mieux placés dans la compétition internationale.

Les Alliances françaises, quoi que vous en pensiez, ne peuvent pas être juridiquement davantage rapprochées du réseau culturel français à l’étranger, puisqu’elles sont de droit local. En revanche, les deux réseaux doivent travailler ensemble. Le logo commun en est l’illustration.

À ceux qui prétendent que les crédits alloués à la francophonie multilatérale baisseraient de 10 %, je réponds qu’en 2010 leur montant s’élevait à 60 millions d’euros et qu’en 2011 ils seront de 61 millions d’euros, dont 5 millions d’euros de loyer pour la Maison de la francophonie.

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le Ministre, les deux périmètres ne sont pas comparables : ces 5 millions d’euros sont une charge nouvelle.

M. le ministre. Les besoins de l’ordre de 50 millions d’euros par an que vous évoquez, Monsieur le Rapporteur, pour le parc immobilier de l’AEFE, ne sont pas seulement des dépenses de sécurité. Dans ce dernier cas et si urgence il y a, comme récemment à Nouakchott, nous agissons instantanément, le Premier ministre en a convenu. Cependant, cela ne veut pas dire que les forces locales de sécurité ne doivent pas être impliquées dans la surveillance humaine de certains sites.

M. Dominique Souchet. Quelle incidence la création du Service européen d’action extérieure va-t-elle avoir sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes pour 2011 ? Outre Pierre Vimont, combien de diplomates vont être détachés vers ce service ? Combien de postes de direction du Service européen d’action extérieure les diplomates français occuperont-ils ? On parle d’effectifs pléthoriques pour ce nouveau service. Quel impact sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes l’évolution de ce service européen aura-t-elle dans les années à venir, au-delà de 2011 ?

M. Hervé de Charette. Il est normal que le ministère des affaires étrangères et européennes contribue à l’effort exceptionnel de restriction budgétaire pour l’année 2011. Mais il n’est pas normal que ce ministère subisse le martyre depuis vingt ans. Le budget de l’année 2011 est marqué par un effort particulier auquel le ministère des affaires étrangères et européennes doit participer. La réduction de 5 % des crédits de fonctionnement s’inscrit dans cette logique et est parfaitement normale.

L’extension du réseau diplomatique est l’une des bonnes mesures que j’ai notées dans le projet de budget pour l’année 2011.

En revanche, l’insertion des opérations extérieures et des événements exceptionnels, comme la Présidence française du G8 et du G20, dénature le budget. On ne sait plus où l’on en est. Ma critique relative à l’introduction de ces dépenses n’est pas très originale, mais elle est, selon moi, importante. Les dépenses exceptionnelles devraient figurer dans un compte qui leur soit dédié, d’autant que leur montant n’est pas négligeable : il s’agit, si j’ai bien compris, de 60 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 50 millions d’euros en crédits de paiement.

Quant aux opérations extérieures, il faut selon moi réduire la voilure. La présence française au Liban est extrêmement dangereuse. Il ne faut pas que la France s’expose trop. Et il faut bien au contraire diminuer la présence française au sein de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, ainsi qu’en Afghanistan où notre présence est excessive et contraire à nos propres intérêts.

Quant aux visas, je souhaiterais dire deux choses. La première concerne l’externalisation des opérations de visas : c’est une réussite. Les gens paient la prestation de service et cela fonctionne.

M. le ministre. Oui ! L’externalisation fonctionne très bien à Istanbul ou à Moscou par exemple !

M. Hervé de Charette. Ma seconde remarque porte sur la politique de délivrance des visas. Beaucoup de pays expriment des doléances en la matière. On blesse beaucoup de gens davantage par maladresse et par manque d’opérabilité que par intention.

Quant à la prise en charge des frais de scolarité dans les lycées français à l’étranger, si demain on proposait sa suppression, je voterais en ce sens. Cette prise en charge coûte une fortune, est inutile, et désormais au-dessus de nos moyens.

Quant à notre contribution au financement des organisations internationales, elle coûte cher. Je sais que de fortes pressions s’exercent sur les responsables politiques, mais je ne comprends pas que le ministère des affaires étrangères et européennes continue de soutenir que la contribution française au financement des institutions européennes doit être versée par les Etats membres de l’Union européenne. Le mode de financement pourrait fort bien ne pas peser sur les budgets nationaux des Etats membres. Outre l’idée d’un impôt européen, il existe bien des solutions, et des solutions plus intelligentes.

M. le ministre. Quant au service européen d’action extérieure, je dois dire que la présentation de Pierre Vimont, hier, aux Conseils des affaires générales et des affaires étrangères, à Luxembourg, nous a fait plaisir. Les candidats français aux postes de ce nouveau service européen soit ont été mal compris, soit ont réalisé une performance décevante. De toute façon, il n’y en a pratiquement pas : seuls trois diplomates français ont été retenus. Il faut des candidats, notamment pour les postes de direction. Mais on ne peut forcer les diplomates français à poser leur candidature, car la règle, c’est d’avoir des volontaires !

Le Service européen d’action extérieure conforte le système communautaire. Il comptera entre 5 000 et 6 000 personnes issues des 27 Etats membres de l’Union européenne. Est-ce beaucoup ? Pas tellement pour 27 Etats. Cela n’a pas été facile pour Catherine Ashton. Mais l’intérêt, c’est la concurrence que cela crée, car le service aura les moyens de réaliser cette concurrence. La France aura besoin d’ajuster son dispositif diplomatique. Et la France ne se réjouit pas seulement de ce que le secrétaire général exécutif est français, mais aussi de ce que le Parlement européen est en passe d’accepter le budget du Service européen d’action extérieure. En 2010, trois Français occupent des postes au sein de ce service. En 2011, quatre-vingts postes seront ouverts au recrutement. Ce n’est pas un nombre très élevé, mais encore faut-il qu’il y ait des candidats pour pourvoir ces postes. Par ailleurs, le détachement de diplomates français au sein de ce nouveau service n’aura pas d’incidence sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes ni sur son organigramme. Ces diplomates seront payés par l’Union européenne.

M. Jacques Myard. Ce sont les nouveaux émigrés !

M. le ministre. Quant aux événements exceptionnels tels que la Présidence française du G8-G20, il faut avouer que l’on est fier de les organiser, même si on en pâtit sur le plan financier. Avec ce qui se passe à l’Organisation des Nations unies, les G8 et G20 seront des événements très importants pour les relations internationales dans l’avenir.

Par ailleurs, il y a un programme spécifique avec des crédits exceptionnels dans le projet de budget : 80 millions d’euros au total, dont 60 millions d’euros pour l’année 2011.

M. Hervé de Charette. S’agit-il de crédits exceptionnels venant s’ajouter au budget du ministère des affaires étrangères et européennes ?

M. le ministre. Oui.

Quant à l’externalisation des opérations de visas, c’est en effet une réussite, comme l’illustrent les expériences faites à Alger, à Istanbul, ou à Moscou.

Quant à notre politique de délivrance des visas, je sais qu’il y a des mécontentements.

M. Alain Néri. Pourquoi faut-il payer plusieurs fois la demande de visa ?

M. le président Axel Poniatowski. Je tiens à rappeler que le principe, en matière de visas, c’est qu’il faut payer à chaque demande. Ce n’est pas anormal, cela correspond à l’instruction de la demande. Le paiement ne vaut pas obtention automatique du visa.

M. le ministre. Tous les pays font cela ! Les gens ne paient pas deux fois pour rien ! Il est normal que l’on fasse payer l’instruction de la demande de visa.

M. Hervé de Charette. Dans certains pays néanmoins, on traite tous les demandeurs de visa de la même façon, sans égard à la nature de leur séjour. Une partie de la population de ces pays ne comprend pas.

M. le ministre. Je reçois aussi des plaintes. La politique restrictive que nous appliquons en matière d’attribution de visas n’est pas propre à la France. Les autorités françaises sont beaucoup plus ouvertes que les autorités espagnoles. Mais je dois admettre qu’il y a des cas où les refus sont particulièrement vexatoires pour des gens qui manifestent un intérêt certain pour notre pays.

Quant aux opérations de maintien de la paix, je ne vois pas comment on peut réduire celles qui existent à l’heure actuelle. En 2006, tout le monde n’était pas d’accord sur le principe de l’élargissement du rôle de la FINUL, et aujourd’hui l’œuvre de la FINUL est saluée par tous !

M. André Schneider. J’étais co-rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères de la mission d’évaluation et de contrôle sur l’enseignement français à l’étranger qui vous a transmis son rapport au printemps. Je souhaite en rappeler quelques éléments et souligner que vous n’avez pas répondu aux questions que nous posions.

Sur la PEC, toutes nos auditions ont confirmé qu’il n’existait pas de demande de prise en charge générale des frais d’écolage, mais une demande de bourses. Les entreprises françaises sont les premières bénéficiaires des économies induites par le dispositif. En outre, cette dépense fait peser des contraintes budgétaires sur les bourses ainsi que sur les investissements dans les établissements scolaires.

La recherche de synergies entre les différents intervenants en matière culturelle et d’enseignement est souhaitable. Je veux aussi rappeler que l’affaiblissement de notre rayonnement culturel entraîne un recul général de l’influence française. Quel budget peut-il nous permettre de tenir notre rang dans le monde ?

Je souscris aux propos de M. de Charette sur les visas. Enfin, sur la francophonie, si le nombre de locuteurs du français reste stable, il connaît une baisse inquiétante dans certains pays.

M. Robert Lecou. Ma question initiale portait sur l’impact de la réorganisation de notre réseau culturel mais beaucoup de choses ont déjà été dites. Je souhaiterais savoir quel est le poids des contributions obligatoires dans le budget du ministère ?

M. Jacques Remiller. Je m’interroge sur l’importance de l’enveloppe prévue pour le G20. Vous avez cité de nombreux pays européens dans vos propos sur la diplomatie d’influence mais pas un mot sur l’Allemagne. Or, l’Allemagne utilise ses consulats et ambassades comme des succursales de ses entreprises. Elle pratique un dumping économique et diplomatique qui lui réussit, notamment en Amérique du Sud. La France doit faire des efforts dans ce domaine afin de se hisser à hauteur des Allemands.

M. Jacques Myard. Sur les 2,9 milliards de crédits de la mission qui représentent une hausse de 6 % de son budget, vous avez évoqué une baisse de 5 % des crédits de fonctionnement, mais pouvez-vous préciser quelles sont les dépenses bénéficiant d’augmentations ?

Je m’inscris totalement en faux contre les propos du Président sur ce que représente aujourd’hui un consulat : il n’est pas seulement une présence, il effectue un travail d’influence que nos camarades européens ne feront pas à notre place.

La seule utilité du service européen d’action extérieure dans une Europe à 27 sera d’envoyer des fleurs à la veuve d’un chef d’Etat ! Dans le contexte de tensions et de désaccords qui règnent entre les Etats membres, la création de ce service relève de l’idéologie. Elle n’est qu’une perte de temps, au surplus contre-productive pour l’idéal européen. Alors que l’échec de ce service est écrit, sa mise en place, outre un gaspillage financier, provoquera un effet boomerang sur la promotion des idées européennes.

M. Alain Néri. Je veux revenir sur l’un des objectifs fixés en matière de diplomatie culturelle et d’influence, à savoir développer l’usage du français comme langue européenne et internationale. Sur ce point, je veux vous faire part de l’émotion de la délégation française à l’OSCE – qui a d’ailleurs manifesté sa mauvaise humeur en quittant la salle – d’entendre lors d’une réunion à Palerme des Français s’exprimer en anglais. Nous ne pouvons pas accepter que les fonctionnaires français ne participent pas comme nous le faisons au combat pour la défense de la langue française. L’intéressé, M. de Brichambaut, a avancé comme argument qu’il ne disposait pas de traducteur.

M. le ministre. M. de Brichambaut n’est pas un diplomate français, c’est un fonctionnaire international. Vous préférez qu’il ne soit pas compris ?

M. Jacques Myard. Le français est une langue de travail de l’OSCE.

M. Alain Néri. Je demanderai au quai d’Orsay que ce genre de pratique cesse dorénavant d’autant que notre pays figure parmi les premiers contributeurs à cette organisation internationale. M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF, a lui-même récemment déclaré qu’il était du devoir des Français de s’exprimer en français dans les réunions officielles. L’OSCE a des interprètes !

Ma deuxième remarque porte sur la PEC : de nombreuses familles dont les parents ne travaillent pas dans de grandes entreprises mais qui sont fonctionnaires ou ont créé leur entreprise ont besoin d’une aide financière pour payer la scolarité de leurs enfants. Si on ne définit pas des critères objectifs de prise en charge des frais d’écolage en fonction des ressources des parents, nous risquons de voir diminuer la présence française à l’étranger. Par ailleurs, je m’interroge sur le statut des établissements français à l’étranger, notamment sur le coût de la scolarité. Les lycées en France seraient heureux de bénéficier d’un tel budget.

Je ne suis pas favorable à une prise en charge de l’ensemble des frais mais il faut réfléchir à cette question, notamment au problème des bourses. En matière d’entretien des bâtiments scolaires, les établissements étrangers sont souvent plus attractifs que les nôtres. Le lycée d’Andorre relève-t-il des crédits du ministère ?

Sur les visas, je comprends que le service doive être payé. Cependant les sommes demandées sont souvent importantes pour les populations concernées. Il faut être vigilant sur les frais de visas. Enfin, je regrette la discrimination constatée dans l’obtention des visas, une pression exercée sur le consulat facilitant souvent leur délivrance.

M. le ministre. Il faut savoir s’adapter aux autres. Par exemple, des réunions se tiennent à huis clos, sans interprète ; la question est aussi de savoir si nous voulons être compris. Cela étant, je me suis exprimé hier, parmi mes homologues européens réunis toute la journée à Luxembourg, en français exclusivement.

Monsieur Schneider, il existe aujourd’hui un moratoire sur la prise en charge des écolages et un rapport va être rendu par deux parlementaires. Nous savons pertinemment que les dépenses liées à une généralisation du dispositif pourraient prendre des proportions considérables. Nous avions pensé, il est vrai, que par le jeu complémentaire des financements d’entreprise et des bourses, le système serait équilibré mais ce n’est pas le cas. D’où le moratoire. Si la mesure telle qu’envisagée initialement était compatible avec notre budget, je ne serais évidemment pas contre… Aujourd’hui j’estime que les montants alloués doivent être en rapport avec la richesse des familles bénéficiaires, par souci de justice. Mais gardons-nous pour autant de décourager l’expatriation de nos compatriotes : en plus de contribuer au rayonnement de la France, elle renforce son économie. Je l’admets, il faudra sortir du statu quo sur cette question.

Je vous trouve trop pessimiste à propos de la francophonie : 225 millions de locuteurs, c’est un progrès ; un tiers des pays de l’ONU ont, selon l’expression consacrée, le français en partage, ce qui ne veut certes pas dire que tous les habitants de ces pays parlent le français. À cet égard, Arméniens et Chypriotes présents au Sommet de Montreux il y a quelques jours, ont livré un témoignage important. Je reconnais que le statut d’observateur accordé aux Émirats arabes unis peut davantage surprendre. Quoi qu’il en soit, le Sommet de l’OIF à Montreux aura été une belle réussite.

M. André Schneider. En Allemagne, le nombre de locuteurs a pourtant diminué de moitié sur la période récente.

M. le ministre. Il est illusoire de croire que tout le monde puisse parler français. Mais efforçons-nous, d’abord, de promouvoir le bilinguisme.

S’agissant des établissements français à l’étranger, je les visite toujours avec grand plaisir et je n’ai pas le sentiment qu’ils soient tous dans un état dégradé. J’ai ainsi récemment inauguré le nouveau lycée français d’Ankara, bâtiment moderne sis dans un quartier prometteur ; j’ai visité le lycée français de Dakar également, et tant d’autres sites encore à l’état neuf.

Monsieur Remiller, l’organisme remplissant les missions dont vous déplorez que l’Allemagne les accomplisse mieux que nous s’appelle Ubifrance et dépend de Bercy. Vous avez raison, il faut faire comprendre aux ambassadeurs que « vendre français » n’a rien de dégradant.

Monsieur Myard, les moyens supplémentaires les plus significatifs prévus en 2011 sont les suivants : 107 millions d’euros de plus pour les contributions internationales, 13 millions d’euros supplémentaires pour la prise en charge des écolages et 15 millions d’euros pour les crédits de personnel. Ce n’est sans doute pas suffisant mais faites la comparaison avec le Royaume-Uni que j’évoquais tout à l’heure ! Que la mesure de gratuité des frais de scolarité soit à modifier, je le sais parfaitement. S’agissant du prix des visas Schengen, il est décidé à l’échelon communautaire ; ceux que nous délivrons ne sont donc pas plus chers que les autres.

M. Alain Néri. Nous dénoncions les demandes répétées se heurtant à des refus vexatoires.

M. le ministre. J’en conviens, mais il est des refus de visas dont on se félicite parfois bruyamment. Et lorsque des irrégularités sont détectées dans la délivrance de visas, nous menons enquête et sanctionnons, le cas échéant, avec rapidité et fermeté.

M. le président Axel Poniatowski. Il est vrai qu’en tant que parlementaires nous intervenons fréquemment auprès de consulats afin de nous porter garants de la bonne foi de certains demandeurs de visa de court séjour, ce qui en facilite l’obtention. Mais comment blâmer les services consulaires dépourvus d’éléments de vérification du bien-fondé des demandes ? Le sujet est extrêmement compliqué. Merci, Monsieur le ministre, d’être venu en débattre avec nous, ainsi que de bien d’autres thèmes.

La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 26 octobre 2010 à 21 heures

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Christian Bataille, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Gilles Cocquempot, Mme Geneviève Colot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Alain Néri, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, M. Jean-Paul Bacquet, M. Claude Birraux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Michel Delebarre, M. Michel Destot, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Serge Janquin, Mme Henriette Martinez, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer

Assistait également à la réunion. - M. Daniel Garrigue