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Commission des affaires étrangères

Mercredi 11 mai 2011

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Axel Poniatowski, président,

– Suisse : accord entre la France et la Suisse concernant la convention relative au service militaire des double-nationaux (n° 2988) – M. Claude Birraux, rapporteur

– Avis de la commission sur le contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement – Mme Henriette Martinez, rapporteure

Suisse : accord entre la France et la Suisse concernant la convention relative au service militaire des double-nationaux (n° 2988)

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Claude Birraux, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 et mettant fin au dispositif mis en place par l’accord sous forme d’échange de notes des 28-29 décembre 1999 (n° 2988).

M.  Claude Birraux, rapporteur. Je ne serai pas inutilement long pour vous présenter un texte qui ne doit retenir notre attention que quelques instants.

L’accord dont il nous est demandé d’autoriser la ratification est intervenu, sous forme d’échanges de notes verbales, les 15 janvier et 16 février 2010 entre le gouvernement français et le conseil fédéral suisse. Il concerne l’interprétation de la convention du 16 novembre 1995, relative au service militaire des double-nationaux et il met fin à un dispositif qui avait été mis en place par un précédent accord de décembre 1999.

De quoi s’agit-il ?

En principe, en l’absence d’accord bilatéral en matière d’obligations militaires, les jeunes gens ayant une double nationalité ont l’obligation d’accomplir leur service militaire dans les deux Etats dont ils sont ressortissants. Pour éviter cet inconvénient, la France est notamment signatrice de la Convention du Conseil de l’Europe du 6 mai 1963 sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité des nationalités.

Au plan bilatéral, une convention signée entre la France et la Suisse le 16 novembre 1995, a repris les principes communs en la matière pour éviter aux double-nationaux l’obligation d’avoir à faire leur service dans les deux pays.

Consécutivement, le principe a été posé qu’un double-national franco-suisse accomplit ses obligations militaires dans l’Etat où il réside de manière permanente au 1er janvier de l’année au cours de laquelle il atteint ses 18 ans. Une option est toutefois ouverte, qui permet à l’intéressé de choisir l’Etat dans lequel il souhaite accomplir ses obligations militaires. La convention l’exonère par conséquent de ses obligations militaires à l’égard d’un Etat s’il les accomplit en totalité dans l’autre Etat.

Un problème a surgi avec la réforme du service national intervenue en France en 1997.

Dans la mesure où l’appel sous les drapeaux a été suspendu, un déséquilibre est apparu, puisque la « Journée d’Appel de Préparation à la Défense » (JAPD), qui est devenue l’an dernier la « Journée défense et citoyenneté », a remplacé le service militaire d’un an, alors que la durée des obligations militaires auxquelles continuent d’être soumis les jeunes Suisses jusqu’à l’âge de 28 ans reste aujourd’hui encore de 260 jours. Ils doivent ensuite poursuivre régulièrement leur entraînement militaire jusqu’à l’âge de cinquante ans, ce qui justifie d’ailleurs qu’ils conservent une arme et des munitions chez eux, pratique qui a été pérennisée à la suite d’une votation récente.

On ne s’étonnera pas que les double-nationaux aient eu tendance à opter pour le service militaire français. Il a donc fallu essayer de pallier cette distorsion, et un premier échange de notes verbales est intervenu en décembre 1999, aux termes duquel le double-national résidant en Suisse qui optait pour le service français devait s’engager à accomplir, en plus de la Journée d’appel de préparation à la défense, soit un volontariat civil ou militaire, soit une préparation militaire, soit, enfin, souscrire un engagement pour servir dans les armées.

Cette solution s’est avérée lourde et complexe à mettre en œuvre et finalement inapplicable et les deux Parties ont constaté d’un commun accord que le mécanisme mis en place s’avérait inefficace.

Ce sont les Suisses qui ont proposé à la France d’abroger les dispositions de 1999 et qui ont souhaité une interprétation des termes d’« obligations militaires ».

C’est l’objet de l’accord verbal intervenu en février 2010 : désormais, un double-national qui optera pour le service en France, et qui aura participé à la Journée défense et citoyenneté, sera libéré de l’obligation de servir dans l’armée suisse. Les obligations militaires en France sont donc désormais limitées au fait de participer à la Journée défense et citoyenneté.

Détail important pour les résidents suisses, les intéressés ne seront plus assujettis au paiement de la taxe d’exemption de l’obligation de servir à laquelle sont soumis jusqu’à l’âge de 30 ou 34 ans les jeunes Suisses qui n’accomplissent pas leurs obligations ou incomplètement, même si c’est pour des raisons médicales.

Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur cet accord et je vous recommande bien sûr, Monsieur le Président, mes chers collègues, d’en approuver la ratification.

Je vous remercie.

M. le président Axel Poniatowski. On se doute que, entre une journée de sensibilisation à la défense nationale et 600 à 700 jours d’entraînement militaire tout au long de la vie, les jeunes bi-nationaux feront leur choix facilement !

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2988).

*

Avis de la commission sur le contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement

M. le président Axel Poniatowski. En application de l’article 1er de la loi sur l’action extérieure de l’Etat, notre commission a la possibilité d’exprimer son avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement. Il m’a paru tout naturel de demander à Mme Henriette Martinez, rapporteure de notre commission sur l’aide publique au développement, de faire une communication sur ce document.

Mme Henriette Martinez. Comme vient de le dire le président, en application de la loi que nous avons votée l’an dernier, les commissions compétentes des assemblées parlementaires ont désormais la possibilité, et pas l’obligation, de formuler un avis sur les projets de convention d’objectifs et de moyens nécessaires à la mise en œuvre des missions des établissements publics qui contribuent à l’action extérieure de l'Etat.

C’est dans ce cadre que le président a bien voulu me confier l’avis sur le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD, vaste sujet s’il en est. Cette occasion me permettra aussi de vous apporter quelques éléments d’information sur l'AFD après vous avoir livré mon analyse sur le contenu du projet.

Je voudrais relever en premier lieu que ce projet de contrat est le résultat d’une longue et difficile négociation entre l’agence et ses nombreuses tutelles. Il y a en effet moins de six ministres qui vont le signer avec le directeur général de l'AFD : le ministre des affaires étrangères et européennes ; le ministre de l’économie ; le ministre de l’intérieur, ainsi que les ministres du budget, de la coopération et de l’outre-mer.

Naturellement, ce document porte la marque de cette situation complexe dont témoigne d’ailleurs le retard mis à sa finalisation, de même que celui mis par ailleurs par ces mêmes tutelles à s’accorder sur le budget de l’agence pour 2011, qui n’a été approuvé qu’à la mi-mars ce qui n’a pas manqué de poser problème.

Que dire dans ces conditions du document qui nous est soumis ?

Sur un plan formel, le COM se présente en trois parties.

La première porte sur l’activité de l’AFD dans les Etats étrangers. Elle est elle-même divisée en trois titres, sur les principes généraux d’intervention de l’agence, ses objectifs opérationnels et de performance et enfin les moyens mis à sa disposition par l'Etat.

En fait de principes généraux de l’intervention de l’AFD, le document reprend surtout les orientations générales qui apparaissent dans le document cadre rédigé l’an dernier. Ces orientations sont notamment la concentration sectorielle et les partenariats différenciés selon la typologie des pays. On peut se demander si cela ne supposera pas une réorientation considérable de l’activité de l’agence, j’y reviendrai. Quelques développements sont consacrés au pilotage de l'AFD qui se voit plus encadrée, au niveau de ses représentants locaux notamment, ou de sa coordination avec les tutelles et sur les différents aspects de son activité.

La deuxième partie traite de l’activité de l’AFD en outre-mer. On y rappelle les principes généraux d’intervention, les programmations des objectifs et des moyens.

La troisième et dernière partie porte sur les moyens et objectifs transversaux. Comme dans la lettre de mission que le Premier ministre avait adressée au directeur général, il y est demandé à l’AFD, en cohérence avec les efforts de l'Etat et de ses opérateurs, de veiller à la maîtrise de ses charges de fonctionnement et de personnel.

Cela peut se comprendre à première vue. Mais c’est aussi contradictoire avec la logique d’extension géographique dans les pays émergents qui est par ailleurs demandé à l’AFD et avec le fait qu’elle ne soit pas un opérateur au sens de la LOLF.

C’est aussi, il ne faut pas l’oublier, une entité qui, grâce au développement de ses activités ces dernières années, a rapporté à l'Etat quelque 220 millions d’euros de dividendes l’an dernier. Nous sommes là au cœur d’un problème que je vais souligner.

Si le développement de l’agence doit sans doute être stabilisé, après une période continue de très forte croissance, il faut sans doute éviter d’y mettre un frein brutal. A cet égard, on aurait aimé que soit tranchée dans le COM la question du devenir de ces dividendes, qui sont actuellement intégralement reversés à l'Etat, sans que l’aide au développement en bénéficie.

Il faut rappeler que ces dividendes sont liés au travail de l’AFD, or elle ne voit pas la couleur des résultats qu’elle obtient. Selon les informations qui m’ont été données, les négociations ne sont toujours pas achevées sur ce point entre les tutelles et divers mécanismes, extrêmement complexes, sont encore à l’étude. C’est le point essentiel que nous aurions voulu voir dans le contrat d’objectifs et de moyens, et il n’y est pas.

Il me semble que l’on pourrait raisonnablement envisager un système de répartition en trois tiers qui aurait le mérite de la simplicité : un tiers pour l'Etat, un tiers pour les subventions aux pays pauvres, un tiers, enfin, pour les fonds propres de l’agence, qui en manque cruellement. Nos collègues du Sénat ont émis la même proposition.

Le directeur général de l’AFD le dira certainement lors de sa prochaine audition par la commission, l’AFD est dans une situation où, compte tenu du niveau élevé de ses engagements dans les pays du pourtour méditerranéen, elle ne peut quasiment faire plus, en regard des règles prudentielles en vigueur. Alain Juppé nous disait par exemple récemment que notre coopération devait être accrue en Tunisie. Je peux vous préciser que les décisions qui sont en train d’être prises dans cette optique en faveur de ce pays sont fortement marquées par ces contraintes.

Sur la question du partage des dividendes, le projet de COM indique simplement qu’une lettre conjointe du ministre de l’économie et du ministre du budget précisera le taux de dividende perçu par l'Etat durant le triennum budgétaire, sans plus d’information. Il me semble qu’il aurait été souhaitable que cette répartition soit clairement précisée.

Ceci dit, je dirais de ce projet de COM qu’il a surtout le mérite d’exister.

C’est la première fois, en effet, que les tutelles de l’agence réussissent à se mettre d’accord sur une feuille de route unique. C’est exceptionnel. Il faut en effet savoir que, d’une part, l’AFD n’avait plus de contrat d’objectifs et de moyens avec le gouvernement depuis 2008, et que, d’autre part, elle était précédemment liée par deux contrats différents : l’un avec Bercy, le second avec le ministère des affaires étrangères. La situation était très compliquée, elle se simplifie.

Le COM, enfin unique, a donc aujourd’hui le mérite d’exister et, en cela, il est positif. Il faut se féliciter du succès de la démarche, même si l’on peut regretter en même temps qu’aucun bilan ne semble avoir été tiré des contrats précédents. Il n’est en tout cas pas présenté.

Cela étant, le COM vient aussi après l’adoption, il y a quelques mois, du document de stratégie globale, document très clair qui, pour la première fois aussi, a tracé le cadre de notre politique de coopération pour les dix prochaines années. Cette convergence est donc à relever : nous sommes à l’évidence entrés dans une phase dans laquelle notre politique de coopération au développement se donne enfin des lignes directrices pour son action et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Sans surprise, par conséquent, la logique d’intervention de l'AFD, qui est rappelée au début du document, décline les thématiques qui ont été mises en avant dans le document cadre. En d’autres termes, on retrouve le fait que notre politique de coopération doive répondre aux enjeux globaux contemporains et à la nécessité d’une croissance durable et partagée. La lutte contre la pauvreté et les inégalités, la préservation des biens publics mondiaux et la promotion de la stabilité et de l’Etat de droit comme facteurs de développement sont donc les principaux axes de ce contrat d’objectifs et de moyens.

Cela étant, je ne peux m’empêcher de regretter que dans le COM comme ailleurs, le principe général d’intervention soit celui de la synergie entre les politiques migratoires et l’aide publique au développement. Cela ne me gêne pas qu’il y ait des liens, mais en faire une priorité est politiquement malhabile. Je crois d’ailleurs que l’on peut voir une certaine contradiction entre cet objectif et les thématiques sur lesquelles il est demandé à l’agence de se concentrer, en matière d’environnement durable, notamment.

Cela étant, ce projet de contrat laisse aussi un sentiment mitigé, car on y retrouve une part de l’incohérence de notre politique d’aide au développement que, les uns et les autres, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous n’avons cessé de dénoncer depuis plusieurs années.

En premier lieu, on aurait pu souhaiter un document qui fasse une part un peu plus belle au développement humain.

Certes, l’AFD, « opérateur pivot » de la politique de coopération de la France, n’est pas le seul acteur de notre aide au développement, loin de là, elle intervient en complément de multiples autres instances, Bercy, le ministère des affaires étrangères, etc., chacun avec ses propres instruments. Ce n’est donc pas l’AFD qui, entre tous ces intervenants, est le plus concerné par le développement humain, par les actions en faveur de la santé ou en faveur de l’éducation notamment, et toute autre action pour la satisfaction des besoins humains. Comme vous avez pu le noter sur les diagrammes qui vous ont été remis, les secteurs privilégiés par l’agence sont centrés sur les questions touchant à la promotion de la croissance économique, ou à la préservation des biens publics mondiaux. Son champ d’action a tendance à se concentrer sur des thématiques qui ont finalement peu à voir avec les OMD les plus axés sur le développement humain : 3 % de ses engagements vont à l’OMD 1 qui porte sur la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim ; 6 % vont à l’éducation (OMD 2) ; 3 % à la réduction de la mortalité infantile (OMD 4) ; 3 % également à la santé maternelle (OMD 5). En revanche, près de 80 % de ses engagements concernent l’OMD 7, (environnement durable), à savoir l’amélioration des habitats insalubres, l’eau potable, l’assainissement et l’environnement. On le voit, l’AFD est axée sur les infrastructures et les questions environnementales.

Il ne s’agit pas ici de critiquer l’action de l’AFD, qui n’est pas le seul opérateur, ou d’entrer dans le débat de l’opportunité ou non de son rôle vis-à-vis des pays émergents, que je crois positif dans une perspective de diplomatie d’influence, mais simplement de souligner quelques contradictions.

L'AFD est une banque de développement qui intervient, souvent en complément d’autres banques comme la banque africaine ou asiatique pour le développement, et le fait très utilement, sans conteste, sur des thématiques précises qui, à leur niveau, concourent avec d’autres au développement des pays bénéficiaires. En ce sens, il ne faut pas lire le COM de manière réductrice, en oubliant ce qui se fait par ailleurs et qui ne peut donc y figurer.

Malheureusement, on constate en même temps que le titre 2 du COM définit la programmation des objectifs opérationnels de l’agence en centrant précisément ses indicateurs sur ceux relatifs à l’atteinte des OMD, en matière d’éducation ou de santé. Eu égard à la structure actuelle du portefeuille de l'AFD que je viens de vous rappeler, je crois qu’il aurait sans doute été plus pertinent de faire figurer des indicateurs en rapport avec son « cœur de métier » car le poids relatif des cibles qui sont fixées est minimal, comme on l’a vu, dans son activité globale. On aurait préféré, non pas des indicateurs de moyens, mais de résultats. Six ans après l’adoption de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, trois ans après celle du programme d’action d’Accra, nous sommes en fait toujours dans une logique d’offre et non de réponse aux besoins exprimés par les bénéficiaires. A aucun moment le résultat que l’on prétend atteindre avec ces moyens n’est précisé, et les indicateurs portent uniquement sur l’augmentation de la part de l’effort consacré à telle ou telle thématique.

Depuis 2005, l'AFD n’a cessé de voir ses engagements croître et de manière très importante : l’activité de l’agence a été multipliée par 2,5 depuis 2005 et elle a même augmenté de 39 % pour la seule année 2009. C’est essentiellement par ses prêts, dont le volume a triplé entre 2005 et 2009, que s’est faite cette croissance. Il faut préciser à cet égard que si les prêts concessionnels permettent un effet de levier pour le développement sans cesse en amélioration, avec des prêts adaptés à chaque situation ce qui est bénéfique pour les pays emprunteurs les plus modestes, c’est surtout l’activité non concessionnelle de l'AFD qui a augmenté : cette activité a doublé entre 2008 et 2009, et a même été multipliée par 15 depuis 2005, dépassant très largement les objectifs du plan stratégique de l’agence. Traduction, s’il en était encore besoin, que la clientèle de l’AFD est de plus en plus une clientèle de pays émergents, solvables et accessibles aux prêts. Comme je le souligne moi-même depuis plusieurs années, comme le rapport de la mission d’information de Jean-Paul Bacquet et Nicole Ameline l’a montré aussi, il y a ici un aspect préoccupant et le risque de voir notre APD privilégier l’instrument prêt sur le don, et se détourner des pays les plus nécessiteux qui n’y ont pas accès. A ce jour, les prêts représentent aujourd’hui 80 % des engagements de l'AFD et les subventions, 6 % de son activité.

Cela étant dit, en ce qui concerne la géographie de l’AFD, toutes les régions dans lesquelles elle intervient connaissent une croissance de son activité, et tout particulièrement l’Afrique subsaharienne qui est la première zone d’intervention du groupe AFD, comme l’AFD continue de s’appeler, ce qui personnellement me dérange dans la mesure où l’expression évoque trop directement un organisme bancaire, même si le groupe intègre effectivement deux entités séparées, l'AFD proprement dite et Proparco, sa filiale secteur privé.

Les engagements de l’AFD dans l’Afrique subsaharienne dépassent désormais les 2 milliards d’euros. Ceux en Amérique latine et Caraïbes ont été multipliés par 2,5 entre 2008 et 2009 et ont dépassé les 620 millions. Le pourtour méditerranéen et l’Asie et la zone pacifique représentent respectivement 1,2 et 1,1 milliard d’euros, multipliés par 1,4.

En ce qui concerne les secteurs d’intervention, l'AFD se concentre fortement dans les infrastructures et le secteur productif, qui représentent chacun le quart de ses engagements, soit 1,6 milliard d’euros chacun.

Selon les pays d’intervention, les priorités ne sont évidemment pas les mêmes : l’environnement et les ressources naturelles sont des thématiques que l’AFD met en œuvre surtout en Asie et en Amérique latine, tandis qu’en Afrique subsaharienne, ce sont essentiellement l’agriculture, la santé ou l’éducation qui sont mises en avant.

Aux termes de la loi sur l’action extérieure de l'Etat, l’avis rendu par les commissions n’est que facultatif. Le gouvernement attend que nous l’ayons rendu pour signer le projet de contrat avec l’AFD. La recommandation que je formulerais, serait d’adresser une lettre aux ministres de tutelle de l’AFD, qui exprimerait notre accord global sur ce document et saluerait son opportunité, tout en souhaitant que le partage des dividendes de l'AFD, qui n’est pas encore fixé, se fasse sur la base de la clef que je suggère, à savoir trois tiers : un tiers pour l'Etat, un tiers pour les subventions, un tiers pour les fonds propres de l’agence. Je rappelle que ces dividendes représentaient environ 200 millions d’euros en 2010.

Ce courrier montrerait en tout état de cause, de nouveau, l’intérêt de la commission des affaires étrangères pour les orientations de notre politique de coopération et ses préoccupations.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie Mme la Rapporteure pour ce rapport très complet. Votre proposition de répartition des dividendes me semble très intéressante. La force d’une telle proposition résiderait dans son adoption à l’unanimité par la commission, auquel cas elle serait annexée au compte rendu et je l’accompagnerais d’un courrier au ministre.

M. Jean-Marc Roubaud. Vous avez souligné les forces et les faiblesses de l’AFD. Sur les deux problèmes qui se posent, vous avez abordé le premier problème en proposant une redistribution différente des dividendes, que je soutiens. En revanche, vous n’avez pas évoqué celui des six tutelles. Ne pourrions-nous pas suggérer de placer l’AFD sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes ?

M. Jacques Remiller. Vous avez rappelé que l’Afrique sub-saharienne constitue, à raison, la première des priorités de la politique de coopération, comme l’énonce le contrat d’objectifs et de moyens en page 8. Il y est fait mention de la concentration préférentielle en direction des pays pauvres prioritaires, figurant sur une liste arrêtée par le CICID du 5 juin 2009. Pourriez-vous préciser les critères concourrant à l’établissement de cette liste et si elle a fait ou fera l’objet d’une actualisation, tenant compte notamment des crises de la dette.

Mme Chantal Bourragué. Parmi les indicateurs utilisés pour l’évaluation de l’activité de l’AFD et de la réussite de l’aide au développement, il faut faire figurer le genre et l’égalité entre les hommes et les femmes. On évoque aujourd’hui la réduction des inégalités sans plus expressément viser la parité hommes – femmes, alors que c’est un élément important de la politique de développement.

M. Jean-Paul Bacquet. Je partage, tant le principe d’un rapport sur le contrat d’objectifs et de moyens quant à son utilité, que les grandes orientations qu’il contient. Il faudrait cependant insister sur le fait que la coopération est d’abord une politique de dons, car à défaut on prive un certain nombre de pays qui ne sont pas solvables d’une intervention de l’AFD. Concernant les dividendes, vous formulez une bonne proposition, mais il semble me souvenir qu’au cours de l’audition du ministre de la coopération, engagement avait été pris de reverser 50 %. Concernant les pays émergents, le fait que la Chine et le Brésil figurent parmi ces pays est inacceptable. On ne peut pas continuer à prêter de l’argent à des pays qui en prêtent aux Etats-Unis. Enfin, il me semble également que la tutelle ne devrait être assurée que par le ministère des affaires étrangères et européennes et qu’il faut mettre fin à celle exercée par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Jean-Louis Christ. J’apprécie le contenu du rapport, mais s’agissant des dividendes, il me semble même excessif que l’Etat en récupère un tiers.

M. Jean-Paul Dupré. La question de la tutelle précédemment évoquée est importante. Je souhaiterais également que soit souligné le manque de visibilité de notre action, comme nous pouvons le constater lors de déplacements. Enfin, de la part des pays les plus pauvres, la demande d’aide est plus forte encore et on pourrait transférer les moyens octroyés pour la Chine et le Brésil à leur profit.

M. Jean-Pierre Dufau. Je partage l’appréciation portée par le rapport et en salue la qualité, la transparence et la lucidité. Il conviendrait aussi de faire passer un message en faveur d’un rééquilibrage des dépenses. L’aide en faveur du biotope, dont je ne suis pas spécialiste, est importante. Mais à l’intérieur de ce biotope vit l’espèce humaine et les actions en faveur de l’éducation et de la santé me paraissent insuffisantes, alors que c’est par ce biais que l’on favorise le développement plus que par l’environnement.

M. Jean-Pierre Kucheida. Le rapport est excellent et je considère également que l’homme doit être au centre de nos préoccupations. La situation observée récemment au Burundi plaide pour que la santé soit au centre de notre action. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la manière de faire connaître nos engagements au travers de l’action que nous menons de par le monde.

M. Jean Glavany. Au cours des travaux de la mission sur la géopolitique de l’eau, nous avons découvert que l’AFD, comme la Banque mondiale, participent au capital de sociétés privées intervenant dans le secteur de l’eau. Avez-vous une vue exhaustive des participations au capital prises par l’AFD et des risques auxquels l’agence s’expose à ce titre ?

Mme Henriette Martinez. La question de la tutelle est inextricable. Je rappelle que l’aide publique au développement relève de 13 ministères différents, il n’est donc pas étonnant que l’AFD obéisse à six tutelles. Le ministère des affaires étrangères n’est pas seul responsable de notre politique en ce domaine, il ne faut pas oublier Bercy qui est un autre acteur majeur. On peut regretter, et notre commission a eu l’occasion de le faire à de nombreuses reprises, la complexité de l’APD. La simplification de notre politique est un préalable à la clarification du pilotage de l’AFD.

Lors du dernier comité interministériel pour la coopération internationale et le développement en juin 2009, 14 pays prioritaires ont été choisis, principalement en Afrique subsaharienne francophone, contre 55 auparavant. Le prochain comité qui devrait avoir lieu cette année devrait tenir compte des évolutions et revoir ces priorités car certains pays en sont anormalement absents, je pense notamment au Burundi et à la Guinée. Il serait souhaitable que les parlementaires soient associés à cette réflexion.

Mme Bourragué, la référence au genre ne figure en effet pas dans le contrat d’objectifs et de moyens mais dans le document de stratégie que j’ai mentionné. Il s’agit d’une référence modeste qui traduit peut-être les interrogations actuelles sur la politique du genre.

Je partage nombre de vues avec M. Bacquet sur l’aide publique au développement. Je précise que la répartition des dividendes que je propose aboutirait à distribuer un tiers à l’Etat et deux tiers à l’AFD, ces derniers étant partagés entre les fonds propres et les subventions. Cela aurait pour conséquence d’augmenter le volume des subventions. Je conviens que les pays émergents posent problème. Je rappelle cependant qu’il s’agit de prêts.

M. Jean-Paul Bacquet. A quel taux leur prête l’AFD ?

Mme Henriette Martinez. Je ne connais pas la réponse mais nous pourrions leur poser la question lors de l’audition prévue prochainement. Je crois que ce qui nous dérange c’est que ces prêts soient comptabilisés dans l’aide publique au développement. Ils devraient figurer au titre de la politique d’influence de la France ou de l’environnement puisque ces prêts concernent des projets dans ce dernier domaine. Si la répartition des dividendes est actée, cela encouragera les prêts qui rapportent : si les pays pauvres profitent effectivement de la manne des prêts aux pays émergents, l’aide au développement serait gagnante !

Le ministère des affaires étrangères, grâce à l’excellent travail de la direction générale de la mondialisation, joue un rôle prépondérant mais malheureusement Bercy a souvent le dernier mot.

M. Christ, je crois avoir répondu sur les dividendes. Il est normal que l’Etat qui bonifie les prêts et avance l’argent, en bénéficie. La répartition que je vous propose serait un progrès.

M. Dupré, nous sommes nombreux à dire que l’aide bilatérale n’a pas une visibilité suffisante, celle de l’aide multilatérale est encore moindre. Les subventions en matière d’aide bilatérale sont en hausse cette année et concentrées vers l’Afrique francophone.

Je suis favorable, comme M. Dufau, à une réorientation de l’aide en faveur de l’éducation et de la santé. Il est vrai que la différence entre les sommes allouées à celles-ci et celles allant à l’écologie est importante. Je précise cependant qu’en matière de santé il s’agit de dons alors que ce sont des prêts pour l’environnement. Je suis également d’accord avec l’idée de remettre l’homme au centre de notre politique d’aide au développement.

Le document de politique transversale qui est censé accompagner le projet de loi de finances est un document utile pour l’évaluation de l’aide au développement : l’année dernière, ce document ne m’est pas parvenu avant l’examen du budget ; le ministre de la coopération s’est engagé à veiller à sa mise à disposition en temps et en heure cette année. Il faudra poser au directeur de l’AFD la question de la promotion de l’action de son agence. Il me semble néanmoins que la politique de communication est aujourd’hui plus dynamique. Afin de sensibiliser les citoyens à l’action de la France en la matière, nous devrions nous inspirer des Britanniques qui diffusent des messages simples mettant en avant les résultats de leur politique à partir de quelques chiffres symboliques.

Je ne peux répondre à M. Glavany. Je poserai la question et vous transmettrai la réponse. Je sais que l’AFD est partenaire de très nombreux projets qui peuvent être privés. L’AFD répond à des appels d’offres européens, elle est partenaire pour certains projets d’opérateurs privés ou publics, etc…

M. le Président Axel Poniatowski. Nous devons émettre un avis sur le contrat d’objectifs et de moyens ; je vous propose par ailleurs de nous prononcer par un vote distinct sur la clé de répartition proposée par Mme Martinez.

La commission donne un avis favorable au projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française et de développement (2011-2013).

A l’unanimité, la commission adopte la proposition de la rapporteure relative à la répartition des dividendes de l’Agence française de développement.

La séance est levée à dix heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 11 mai 2011 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, M. Jean Grenet, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Henriette Martinez, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues

Excusés. - M. François Asensi, Mme Martine Aurillac, M. Patrick Balkany, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, M. Loïc Bouvard, M. Michel Delebarre, M. Michel Destot, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jacques Myard, M. Alain Néri, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. Dominique Souchet, M. Michel Vauzelle