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Commission des affaires étrangères

Mercredi 15 juin 2011

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 69

Présidence de M. Axel Poniatowski, président,

– Deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (n° 3241) – M. Tony Dreyfus, rapporteur.

– Information relative à la commission

Deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (n° 3241).

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Tony Dreyfus, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (n° 3241).

M. Tony Dreyfus, rapporteur. La criminalité ne connaissant pas de frontières, il est essentiel que les Etats pratiquent l’entraide judiciaire en matière pénale de la manière la plus large possible. La France a ainsi conclu des accords bilatéraux dans ce domaine avec plusieurs dizaines d’Etats ; elle est aussi partie à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959 élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe et peut se prévaloir des normes communautaires en vigueur.

Ces instruments de droit international doivent être régulièrement révisés afin d’être adaptés aux nouvelles formes de criminalité et à l’évolution des méthodes et technologies permettant de les combattre. Alors que l’Union européenne a établi une nouvelle convention en 2000, la convention du Conseil de l’Europe n’a pas été modifiée depuis un protocole additionnel de 1978. Le deuxième protocole additionnel, dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification par le gouvernement français, a pour objet de compléter et moderniser la convention de 1959, en s’inspirant fortement de la convention de l’Union européenne de 2000, qui n’est, pour l’heure, en vigueur que dans certains Etats membres.

La convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959 concerne les commissions rogatoires en vue, par exemple, de l’audition de témoins ou d’experts, la remise d’actes de procédure et de décisions judiciaires, les citations à témoins, à experts ou à détenus, ainsi que la communication de renseignements figurant au casier judiciaire. Quarante-huit Etats sont actuellement parties à cette convention : les quarante-sept Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que l’Etat d’Israël. Elle a été complétée par un protocole additionnel signé le 17 mars 1978, qui a supprimé la possibilité offerte par la convention de refuser l’entraide judiciaire pour des infractions fiscales et a étendu la coopération internationale. Enfin, il a complété l’échange de renseignements relatifs au casier judiciaire. Plus contraignant que la convention, il n’est en vigueur qu’entre quarante Etats membres du Conseil de l’Europe.

Il s’avère particulièrement difficile de faire le bilan de la mise en œuvre de la convention de 1959, notamment parce que des instruments communautaires sont venus la remplacer et la compléter. Ceux-ci, transposés en droit français notamment par la loi dite « Perben 2 », ont eu pour effet de simplifier le circuit des demandes d’entraide en le décentralisant. Il appartient désormais au juge ou au procureur de la République d’adresser directement sa demande à la juridiction étrangère concernée. Cette procédure est utilisée dans de nombreuses affaires.

Le protocole additionnel à la convention de 1959 reprend une grande partie des avancées contenues dans la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, signée 29 mai 2000. Cette convention autorise la mise en œuvre de nouveaux procédés de coopération en matière pénale comme les auditions par visioconférence, l’interception de communications téléphoniques avec des portables utilisés dans un autre Etat, la création d’équipes communes d’enquête, la réalisation d’enquêtes discrètes. Ses stipulations ne s’appliquent actuellement qu’entre les neuf États européens suivants : l’Autriche, Chypre, l’Espagne, la Finlande, la France la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal.

Le protocole additionnel, auquel vingt-deux Etats sont aujourd’hui parties et qui a été signé par quatorze autres, permettra d’améliorer la coopération entre la France et des Etats de deux types :

– les huit Etats membres de l’Union européenne qui n’appliquent pas encore la convention de 2000 mais sont parties au protocole additionnel (soit la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, la Lettonie, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie), ainsi que la Suisse, partie au protocole additionnel et qui bénéficiera d’accords particuliers quand la convention de 2000 sera entrée en vigueur entre tous les Etats de l’Union ;

– les huit Etats parties au deuxième protocole qui ne sont ni membres de l’Union européenne ni liés à elle par des accords spécifiques en matière d’entraide judiciaire pénale : ce sont les cinq États de l’ex-Yougoslavie, l’Albanie, l’Arménie et Israël.

Venons-en au contenu du protocole additionnel. Le chapitre Ier du protocole modifie la convention de 1959, tandis que les différents articles du chapitre II la complètent sans s’y intégrer afin d’une part de développer des formes traditionnelles d’entraide, d’autre part d’en introduire de nouvelles.

Parmi les modifications apportées à la convention de 1959, on peut citer l’obligation d’accorder l’entraide judiciaire « dans les meilleurs délais », l’extension des cas dans lesquels le transfert d’une personne détenue peut être demandée et l’assouplissement du formalisme des demandes, qui pourront par exemple être envoyée par voie électronique.

Pour favoriser le développement des formes traditionnelles d’entraide, le protocole additionnel comporte des stipulations relatives à la possibilité de reporter l’exécution des demandes d’entraide (plutôt que de la refuser), au respect du formalisme dans la transmission spontanée d’informations, à la restitution du produit des infractions, aux langues des actes de procédures et décisions judiciaires à remettre, à la remise par voie postale des actes de procédure, à la protection des témoins, aux mesures provisoires, à la confidentialité et à la protection des données.

Les nouveaux modes de coopération mis en place par la protocole sont l’audition par vidéoconférence et conférence téléphonique, le transfèrement, dans le cadre de l’entraide, des personnes condamnées, l’observation transfrontalière, les livraisons surveillées, les enquêtes discrètes et les équipes communes d’enquête. Pour tous ces nouveaux instruments, le protocole autorise leur utilisation et pose les principes que celle-ci doit respecter.

La législation française permet d’ores et déjà l’utilisation de ces méthodes. La seule qu’elle exclut est l’utilisation de la vidéoconférence pour l’audition de personnes devant la juridiction qui doit les juger : comme le protocole le lui permet, la France fera une déclaration par laquelle elle écartera cette possibilité. Elle émettra aussi une réserve pour empêcher la mise en œuvre, sur le territoire national, de l’observation transfrontalière « d’urgence » qui ouvrirait la possibilité, pour des agents étrangers, de pénétrer en France sans autorisation préalable des autorités nationales ; seule l’observation transfrontalière « ordinaire », qui requiert cette autorisation préalable, s’appliquera dans notre pays au profit des Etats parties au protocole.

Le retard dans l’entrée en vigueur, entre tous les Etats membres de l’Union et les Etats qui lui sont associés, de la convention communautaire de 2000 renforce l’utilité de ce deuxième protocole additionnel, dont la valeur ajoutée devait à l’origine être limitée aux Etats parties à la convention de 1959 et non membres de l’Union européenne. En dépit des avancées qu’il contient, il ne faut pas surestimer les changements que ce nouveau cadre juridique international va entraîner dans les pratiques des Etats. Le principal frein à la coopération internationale en matière pénale réside en effet dans les différences de tradition juridique selon les Etats, même européens. Et il n’est pas rare que la justice d’un Etat annonce le lancement de procédures dans un autre Etat, alors même que ce dernier n’est nullement en mesure de les mettre en œuvre, ce qui sème une confusion certaine, parfois encore accrue par la coexistence de normes internationales concurrentes.

Le Sénat a adopté le présent projet de loi le 10 mars 2011. Je suis favorable à ce que notre Assemblée fasse de même.

M. Jean-Marc Nesme. Nous savons qu’aujourd’hui la criminalité de toute nature se développe sur Internet. On parle de cybercriminalité. Le protocole additionnel couvre-t-il ces faits ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Cette criminalité est de plus en plus réelle, mais la convention n’aborde pas explicitement ce point.

M. Jean-Marc Roubaud. L’accord indique que le transfèrement peut ne pas se réaliser si la personne n’y consent pas. Tout l’édifice de la convention s’écroule alors !

M. Tony Dreyfus, rapporteur. J’approuve cette remarque. Malheureusement, nous ne saurions amender cet accord.

M. Jean-Michel Ferrand. Certes, il n’y a pas d’obligation de transférer la personne présumée coupable, mais même dans d’autres parties de l’accord, on constate l’emploi très fréquent du conditionnel. Il n’y a donc rien de certain.

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Il existe effectivement des trous dans la maille de l’accord.

M. Michel Terrot. Il existe un contentieux transnational important concernant la non-présentation d’enfants de parents binationaux. Y a-t-il des éléments sur ce thème dans le protocole ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. L’accord concerne le droit pénal. De manière générale, il y a tellement de différences entre les systèmes juridiques nationaux que l’on peut difficilement prévoir des textes d’application universelle.

M. Gaëtan Gorce. La question de la coopération judiciaire en Europe est une préoccupation ancienne, on ne peut que se féliciter d’un nouveau texte. Peut-on considérer que, malgré tous ses défauts, ce protocole constitue un progrès ? Je souhaiterais également savoir si nous avons consulté la commission des lois sur cet accord.

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Nous ne l’avons pas fait. La nature même de ce texte est de mettre en lumière de nouvelles difficultés, et nous ne pouvions pas compliquer outre mesure son analyse.

Ce texte est-il utile ? Il ne peut pas nuire, notamment parce qu’il améliore la coopération judiciaire avec les Etats de l’ex-URSS. Il existe des problèmes variés sur cette question, qui concernent autant le droit familial que la livraison des produits énergétiques entre pays frontaliers.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 3241).

*

Information relative à la commission

Au cours de sa séance du mercredi 15 juin 2011, la commission des affaires étrangères a nommé M. Henri Plagnol, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la restauration du patrimoine architectural de la ville de L’Aquila (n°  534 Sénat (2010-2011)).

La séance est levée à neuf heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 15 juin 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Roland Blum, M. Jean-Louis Christ, M. Alain Cousin, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Michel Ferrand, M. Gaëtan Gorce, M. Jean-Claude Guibal, M. Serge Janquin, M. Patrick Labaune, M. François Loncle, M. Jean-Marc Nesme, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Jacques Bascou, M. Alain Bocquet, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Pierre Cohen, M. Michel Delebarre, M. Michel Destot, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, M. Didier Julia, M. Jean-Paul Lecoq, M. Lionnel Luca, M. Didier Mathus, M. Renaud Muselier, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle