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Commission des affaires étrangères

Mardi 31 janvier 2012

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 35

Présidence de Mme Martine Aurillac, vice-présidente

– Audition de M. Jean Leonetti, ministre chargé des Affaires européennes, sur le mécanisme européen de stabilité et le pacte budgétaire (ouverte à la presse)

– Informations relatives à la commission 13

Audition de M. Jean Leonetti, ministre chargé des Affaires européennes, sur le mécanisme européen de stabilité et le pacte budgétaire

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme Martine Aurillac, présidente. Nous avons le plaisir de recevoir M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes, pour une audition, ouverte à la presse, consacrée au Mécanisme européen de stabilité (MES) et au pacte budgétaire.

Notre commission examinera le 14 février le traité sur le MES qui sera discuté en séance publique le mardi 21 février. Elle sera saisie le moment venu du pacte budgétaire. C’est pourquoi la Commission a souhaité vous entendre sur ces deux sujets qui sont par ailleurs au cœur de l’actualité européenne et nationale.

Les chefs d’État et de gouvernement, qui étaient réunis hier pour un sommet consacré à la croissance et à l’emploi, ont adopté un pacte budgétaire et validé la nouvelle version du traité créant le MES.

Ce traité, qui est ouvert aux seuls États de la zone euro, devrait entrer en vigueur dès juillet 2012. Le but est de disposer d’un mécanisme d’assistance financière pérenne tendant à protéger la zone euro des turbulences. Ce « FMI européen » disposera d’une force de frappe de 500 milliards d’euros et pourra intervenir sous réserve de conditionnalités fortes.

Un État ne pourra bénéficier de son assistance que s’il a signé le « pacte budgétaire ». Ce second traité, signé par tous les États de l’Union à l’exception de la Grande-Bretagne et de la République tchèque, consolide la réforme de la gouvernance européenne et introduit des dispositions contraignantes, notamment l’adoption d’une règle d’or et des sanctions quasi-automatiques en cas de dépassement des objectifs de déficit. L’intention est qu’il entre en vigueur l’an prochain.

Je vous propose que vous nous présentiez ces deux traités, leurs conséquences concrètes, y compris budgétaires, et que vous nous indiquiez les points durs de la négociation et les questions demeurant en suspens.

M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes. Je suis très heureux de m'exprimer devant vous pour vous présenter ces deux traités, qui reposent sur un principe simple. D'un côté, les membres de la zone euro doivent mettre en place des mécanismes de solidarité, compte tenu du fait qu’ils sont solidaires les uns des autres – l’exemple de la Grèce a été particulièrement édifiant – et défendre collectivement notre monnaie unique au travers du MES, aussi appelé « fonds monétaire européen ». De l'autre coté, la première des solidarités que l'on doit exiger – presque en contrepartie – est le respect d'un certain nombre de règles strictes, budgétaires notamment. Ce double volet – discipline et solidarité – n’a qu’un but : la croissance, l’emploi et la relance de la zone euro.

Cela se traduit par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ce traité n'est donc pas uniquement orienté vers la discipline – laquelle impose ce qu’on appelle habituellement en France la règle d’or et ailleurs la discipline budgétaire.

Dans ce contexte, le MES est destiné à prendre le relais du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Si celui-ci avait vocation à intervenir, sur la base de décisions européennes validées par les parlements nationaux, de façon plus forte que par le passé, notamment sur les dettes souveraines, le MES a un fonds en capital donné par les États membres de 80 milliards d’euros qui peuvent se démultiplier jusqu’à 500 milliards, créant ainsi l’outil de solidarité nécessaire en cas de besoin.

La question s’est posée du rôle des mécanismes européens de stabilité financière vis-à-vis de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci n’est en fait que le véhicule dont se sert le MES : en aucun cas ce dernier ne s’adosse à elle, laquelle dans ce cas aurait pu agir directement.

La France y contribuera à hauteur de 16 milliards d'euros, étalés sur cinq ans, soit 3,2 milliards par an. Elle en sera le deuxième contributeur après l’Allemagne – celle-ci participant à hauteur de plus de 20 milliards d’euros et étant prête à abonder ce fonds de manière plus rapide pour remédier plus largement à l’instabilité des marchés. En contrepartie, la France disposera de parts à hauteur de 143 milliards d’euros.

Outre les prêts assortis de programmes d'ajustement macroéconomiques complets et les interventions sur le marché primaire, le MES pourra intervenir sur le marché secondaire, octroyer une assistance financière à titre de précaution et allouer des prêts à des États pour recapitaliser des banques. Son champ d’action est donc plus large que le fonds actuel et il est plus fort puisqu’il repose sur des pays très bien notés par les agences de notation, ce qui lui donne une certaine garantie.

Bien que l'unanimité soit la règle pour les décisions d'octroi ou de mise en œuvre d'une assistance financière, si la Commission ou la BCE indiquent qu'un blocage sur le vote à l'unanimité met en danger la stabilité économique et financière de la zone euro, le Conseil des gouverneurs peut prendre sa décision à la majorité qualifiée.

On ne peut donc parler ni d’automaticité ni de chèque en blanc. La mise en œuvre du MES est conditionnée par l'adoption d'un plan d'ajustement pour l’État concerné, lequel prend alors de manière parallèle et proportionnée les décisions qui s’imposent pour stabiliser la situation.

Par ailleurs, un lien a été établi entre la possibilité de bénéficier du MES et la ratification du TSCG. Il serait anormal que certains pays demandent à bénéficier du MES, alors qu’ils n’y auraient pas participé et n’auraient pas signé le traité relatif à la coopération, la convergence et la discipline budgétaire.

Il s’agit d’un projet équilibré entre une solidarité forte et mieux assurée et une discipline s’appuyant sur elle.

J'attire enfin votre attention sur le fait que le calendrier parlementaire est serré. Il suppose, avant le 1er juillet 2012 – date à laquelle le MES doit entrer en vigueur –, la révision de l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) afin de prendre acte de la création du MES, la ratification du traité sur le MES et le vote d'une loi de finances rectificative pour tirer les conséquences budgétaires de la création de ce mécanisme.

Le MES est naturellement complété par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.

Ce dernier est bien un traité – même si de nombreux débats se sont fait jour à cet égard – puisqu’il concerne les 17 États de la zone euro plus 8 autres, soit 25 États, la République tchèque et la Grande-Bretagne n’ayant pas adopté cet accord.

La stabilité porte sur la discipline budgétaire et la coordination sur l’organisation du pilotage de la zone euro. Cette coordination est indispensable pour – la France y a beaucoup insisté – avoir une politique de croissance, en l’orientant sur deux objectifs particuliers : l’emploi des jeunes et les petites et moyennes entreprises (PME).

Le but est donc d’avoir un mécanisme complet : une gouvernance cohérente de la zone euro, un MES ayant une force d’intervention plus grande et plus stable, une discipline budgétaire et, en même temps, une convergence et une coordination des politiques européennes tendant à favoriser la croissance et l’emploi.

S’agissant de la discipline budgétaire, elle repose sur la règle d’or : les États doivent s’engager à avoir des budgets équilibrés. Le déficit structurel des administrations publiques ne pourra pas excéder 0,5 % du PIB, ce qui posera un problème de constitutionnalité. Les pays qui affichent une dette globale « sensiblement en dessous de 60 % du PIB » auront droit à un déficit structurel toléré de 1 %.

Cette règle d'or sera inscrite « de préférence » dans la Constitution. Le traité reste à cet égard relativement flou : il prévoit un mécanisme constitutionnel ou équivalent. Il revient dès lors à chaque pays de déterminer s’il doit réviser sa constitution. Compte tenu des avis juridiques nombreux émis sur ce sujet, je pense que cette dernière option est préférable, à la fois pour le MES et la question du déficit structurel des administrations publiques. En tout cas, cette souplesse facilitera une adoption rapide de la réforme.

La transposition de cette règle d'or dans le droit interne de chaque État membre sera contrôlée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : la France a insisté pour que cette juridiction ait un pouvoir de vérification et de sanction dans ce domaine, mais non compétence pour contrôler le budget des États. Elle pourra infliger au pays retardataire une amende allant jusqu'à 0,1 % du PIB. Cette amende, parce qu'elle est dissuasive, saura inciter les États à la vertu.

Enfin, le déficit annuel autorisé est maintenu à 3 % du PIB. En revanche, les dérapages seront sanctionnés plus systématiquement qu'auparavant.

Ce traité contient également d’ambitieuses règles de coordination des politiques économiques et de gouvernance qui faisaient jusque-là défaut. Avoir créé une monnaie unique sans la gouvernance correspondante a en effet engendré une faiblesse vis-à-vis des marchés financiers et des spéculateurs qui fragilise la zone euro par rapport aux autres régions du monde.

Il est prévu qu'au moins deux sommets de la zone euro se tiendront chaque année. Parmi les pays n’appartenant pas à cette zone, il faut distinguer deux cas : ceux qui ne souhaitent pas en être membre, comme la Grande-Bretagne ou le Danemark, et ceux qui le demandent, comme la Pologne, et réclament d’être associés, non pas aux décisions internes à la zone, mais à l’organisation envisagée pour la piloter. Un compromis a donc été trouvé pour permettre d’associer ceux-ci.

Enfin, la France a insisté – le président de l’Assemblée nationale au premier chef – pour que les parlements nationaux participent au contrôle du dispositif. Nous avons obtenu à cet effet la création d’une conférence parlementaire associant des membres des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux.

Ce traité devrait être signé par 25 des 27 pays de l’Union européenne. Il s'appliquera dès que douze États de la zone euro l'auront ratifié, afin d’éviter tout risque de chantage de la part des derniers États ayant à le faire. Nous souhaitons que cette ratification se fasse en France avant la fin de l'année 2012.

Cela étant, notre objectif ultime demeure la croissance et l'emploi.

L'emploi des jeunes tout d'abord. Il ne s'agit pas d'une spécificité française mais bien d'un mal européen : 22,3 % des jeunes sont au chômage dans l'Union européenne – la France se situant en dessous de ce taux – et 46 % en Espagne ! Nous avons donc pris l'engagement d'accroître les efforts en faveur de l'apprentissage. Le programme Leonardo da Vinci sera renforcé. De plus, la mobilité sera encouragée grâce notamment à la carte professionnelle européenne et au passeport européen des compétences, qui seront mis rapidement en place.

Par ailleurs, les PME et les micro-entreprises verront leurs obligations comptables allégées. Pour dynamiser la recherche et l'innovation, nous sommes sur le point de finaliser l'accord sur les brevets, qui n’achoppe plus que sur des points de détail, qui devraient être réglés d’ici la fin de ce semestre. La Banque européenne d'investissement (BEI) sera également mobilisée spécifiquement en faveur des PME.

Nous venons donc de franchir une étape importante. « L’incendie » grec a failli se propager à l’Italie, alors que d’autres pays comme l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne étaient déstabilisés. Nous avons alors trouvé un mécanisme d’urgence, le FESF. Mais celui-ci manquait de crédibilité, faute de capital versé par les États membres. Il fallait donc construire des pare-feu, lesquels supposaient une discipline budgétaire : comment expliquer aux Français ou aux Allemands qu’on devait, à fonds éventuellement perdus, devenir solidaire de la Grèce alors qu’elle n’avait pas encore mis en œuvre les mécanismes de stabilité indispensables ? On a estimé que la solidarité et la discipline devaient aller de pair.

Restait aux yeux de la France le problème de la gouvernance de la zone euro, qui est maintenant renforcée, mais aussi de la coordination de nos politiques publiques en faveur de la croissance et de l’emploi, grâce à une capacité à l’exportation et une compétitivité plus fortes. Non seulement pour chaque pays, qui doit prendre ses propres décisions à cet égard, mais pour l’ensemble de la zone euro vis-à-vis du reste du monde. D’où l’action en faveur des PME, au travers de nouvelles possibilités financières et d’allègements administratifs, et la priorité donnée à l’emploi des jeunes – qui est une question majeure dans l’ensemble des pays de la zone euro – en favorisant les échanges, l’apprentissage et la formation tout au long de la vie.

Mme Martine Aurillac, présidente. L’association des parlements nationaux que vous avez évoquée est très importante.

Par ailleurs, quel est le calendrier envisagé pour la ratification du pacte budgétaire, sachant qu’une réforme constitutionnelle semble une condition préalable ?

M. le ministre. Le Conseil constitutionnel n’a pas encore été saisi sur ce point, mais il semble en effet qu’il faille réformer la Constitution, notamment s’agissant de la règle d’or. Cette question doit néanmoins être approfondie : certains juristes estiment qu’une loi organique suffirait – je m’interroge encore moi-même sur ce point. L’essentiel est qu’une transposition soit opérée dans notre droit national.

Cela étant, il est vrai que, au regard de la règle imposant que le déficit structurel des administrations publiques ne puisse excéder 0,5 % du PIB, une réforme constitutionnelle paraît préférable si l’on ne veut pas se voir opposer notamment le principe de la libre administration des collectivités territoriales.

En outre, en matière de discipline budgétaire, des engagements ont déjà été pris dans le passé qui n’ont pas été tenus : recourir à la norme juridique la plus élevée garantirait davantage la mise en œuvre de la règle d’or.

Par ailleurs, il y aura un laps de temps entre l’entrée en vigueur du MES, prévue pour le 1er juillet prochain, et la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance par douze États : il faudra alors utiliser le MES avec la même sagesse que celle employée pour le FESF.

Concernant l’association des parlements nationaux, je suis à titre personnel favorable à un parlement de la zone euro, qui me paraît indispensable : il ne faudrait pas que le processus d’intégration européenne qui est à l’œuvre se dissocie du peuple, sous peine de renforcer l’euroscepticisme et des réactions populistes, lesquels se développent dans tous les pays. Nous devons retrouver un ancrage démocratique, ce qui suppose une association étroite du Parlement européen mais aussi des parlements nationaux. La France l’avait fortement demandée et avait été relayée en cela par le Parlement européen comme par le parlement français : on peut donc se réjouir qu’elle ait été entendue. Reste à savoir comment devra s’exercer ce nouveau contrôle parlementaire.

M. Henri Plagnol. Nous avons eu un débat, au début de la législature, au sein de la Commission, sur le brevet européen – pour lequel j’avais été rapporteur : or, en cette fin de législature, il n’a toujours pas été adopté !

Quant au MES, on pourra l’apprécier au travers de trois questions simples : sa force de frappe est-elle suffisante – le plafond de 500 milliards permet-il notamment, dans la pire des hypothèses, de faire face à une crise majeure en Italie ? Aurons-nous la meilleure signature au regard des taux et des modalités d’émission des prêts, malgré les hésitations des agences de notation sur plusieurs des pays contributeurs, dont la France ? Enfin, s’il est positif que la ratification par douze États suffise à rendre le TSCG opérationnel, se pose la question de la période intermédiaire que vous avez évoquée, laquelle ne manquera pas d’inquiéter les observateurs et nécessitera de faire preuve de beaucoup de pédagogie.

M. Christophe Caresche. N’est-ce pas surtout le fait que la BCE ait injecté en quelques jours 500 milliards d’euros de prêts aux banques – soit la capacité d’intervention prévue du MES – qui explique la détente constatée sur les marchés plutôt que la signature du traité ?

Parviendrons-nous à cette capacité d’intervention de 500 milliards compte tenu des doutes provoqués par la dégradation de la note de plusieurs pays ? Je rappelle à cet égard qu’on avait envisagé une augmentation du capital par les pays contributeurs et que l’Allemagne avait refusé.

Quelle est en outre l’articulation du MES avec le FESF ? J’ai cru comprendre, en écoutant le ministre de l’économie, M. François Baroin, que cette question n’était pas encore tranchée. Une partie du FESF va-t-elle se retrouver dans le MES ?

Qui déclenchera le mécanisme ? Le Bundestag aura-t-il une compétence en la matière comme pour le FESF ? On aura beau avoir toutes les majorités que l’on veut, leur intérêt sera limité si la décision lui revient in fine

La mise en œuvre du MES se fera-t-elle bien sur cinq ans, ce qui est un délai assez long au regard de l’acuité de la crise ?

Par ailleurs, quel pouvoir de sanction aura la CJUE et quel rôle jouera la Commission européenne dans ce domaine ?

Enfin, s’agissant de la participation des pays de la zone euro, quelle est la position de la France ? J’ai compris qu’elle n’était pas favorable à ce que les États qui n’en étaient pas membres participent à la coordination des politiques conduites : il est pourtant logique que des pays parties au traité prennent part aux mécanismes qu’il comporte !

M. Jean-Marc Roubaud. Le fait que la France n’ait pas encore adopté la règle d’or ne lui est-il pas préjudiciable ?

Par ailleurs, sur un tout autre sujet, où en est la question – sensible pour notre pays – des droits de plantation en matière de viticulture ?

Mme Chantal Bourragué. Les nouveaux traités que vous avez évoqués tendent à favoriser la croissance et l’emploi. Or, la Commission européenne prépare un accord de libre-échange avec Singapour, qui est une plaque tournante des pays du Sud-Est asiatique : quelle protection et quelle réciprocité pouvons-nous avoir à l’égard de ces pays en plein développement concernant notre croissance et nos emplois ?

M. Michel Terrot. Comment est perçue par vos interlocuteurs européens la position d’un candidat à l’élection présidentielle française de renégocier les traités ?

M. le ministre. Monsieur Plagnol, je puis vous rassurer sur le brevet européen, sur lequel je sais que vous avez beaucoup travaillé : les discussions ne portent plus que sur des questions telles que le siège de la section principale, le nombre d’organisations secondaires, le coût du brevet ou les langues utilisées ; nous sommes dans la phase finale de la négociation. Un compromis a été adopté sous la présidence polonaise par 23 pays sur 25 – je rappelle que l’Italie et l’Espagne ne participent pas, n’ayant pas obtenu que leurs langues soient admises. Reste à convaincre l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui veulent, contrairement aux autres, que le siège de la section principale se trouve à Londres ou à Munich plutôt qu’à Paris. La déclaration du Conseil indique que la négociation doit aboutir avant la fin de ce semestre, ce qui me paraît une échéance raisonnable.

Par ailleurs, la force de frappe du MES de 500 milliards d’euros me paraît pour l’instant suffisante. Nous disposons en outre d’une marge puisque le MES disposera, en plus du capital de 80 milliards d’euros, de 620 milliards additionnels de garanties.

Naturellement, si la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal étaient simultanément en défaut, ces capacités ne suffiraient probablement pas. Mais ces fonds ne sont pas destinés à combler le déficit total d’un pays. En outre, on voit bien que les décisions courageuses prises par le gouvernement italien ont stabilisé la situation et rétabli la confiance des marchés financiers à l’égard de l’Italie.

Si l’Allemagne est prête à abonder plus vite le MES, pour ce qui nous concerne, une telle mesure supposerait certains arbitrages budgétaires préalables. Cela étant, un étalement sur cinq ans paraît satisfaisant.

Quant aux agences de notation, elles ne font pas plus les politiques nationales que les politiques européennes, ni non plus les taux de change ! La preuve en est que dès que la France a vu sa note dégradée par une agence sur trois, dans la semaine qui a suivi, les taux sur les obligations françaises ont été historiquement bas. Les notes délivrées par ces agences ne comportent pas tous les éléments d’objectivité, de transparence et de cohérence et ne suffisent pas à déstabiliser les marchés financiers, tant mieux ! La France continue à être une des meilleures signatures : le MES disposera de toute la force nécessaire pour lever des fonds additionnels aux 80 milliards de capital.

La règle de ratification du traité par douze États est en effet une bonne chose. Pendant la période intermédiaire, qui devrait durer six mois, une coordination s’effectuera avec la BCE. Cela étant, on voit bien que, pour de multiples raisons, les marchés financiers sont plutôt stabilisés et que les taux obligataires français restent remarquablement bas : notre pays emprunte aujourd’hui à un taux d’environ 3 %, après la dégradation de la note d’une agence, contre 4,5 % avant la crise !

Monsieur Caresche, l’intervention de la BCE de 500 milliards d’euros sur les dettes souveraines a naturellement contribué à la stabilité : on ne peut que s’en réjouir ! Si le dollar n’avait pas été soutenu par la Réserve fédérale américaine (Fed), il aurait été dans une situation bien plus difficile que l’euro, dans la mesure où la zone euro est moins endettée et dispose de meilleures capacités de production et d’exportation que les États-Unis. Mais la BCE est indépendante : la France ne peut donc pas légitimement lui demander d’intervenir – pas plus que les autres pays n’ont de légitimité à lui demander de ne pas intervenir. Cela dit, je constate que la BCE est intervenue de façon proportionnée, au bon moment et comme il le fallait : elle joue donc son rôle. Et si elle continue à le faire, il n’est pas nécessaire de modifier les traités pour en faire une Réserve fédérale européenne ou une banque centrale britannique !

Concernant le déclenchement du MES, vous savez bien que la constitution allemande prévoit, pour certains mécanismes, l’autorisation du Bundestag : ce n’est pas l’Europe qui est soumise à celui-ci mais l’accord allemand sur les traités européens ! Le Bundestag ne décidera donc pas des interventions du MES, qui sera provoquée sous l’impulsion de la BCE ou de la Commission européenne.

La capacité du FESF d’accorder des prêts disparaîtra au moment où le MES entrera en vigueur, mais ce premier conservera une compétence pour les actions qu’il a antérieurement menées. Il y aura donc une période de cohabitation entre ces deux dispositifs, qui demeureront distincts : la capacité d’intervention du MES ne sera donc pas altérée.

Je rappelle que le pouvoir de sanction de la CJUE se limitera aux cas de non-transposition de la règle d’or par un État membre dans son droit interne : elle ne disposera donc d’aucune compétence pour connaître du budget des États.

Sur la coordination de la zone euro, la France est satisfaite du traité : elle a seulement rappelé que les engagements des pays de cette zone étaient tels qu’il n’était pas question qu’ils ne puissent se réunir seuls. Un agenda de ces pays du 23 octobre dernier avait prévu qu’ils se réuniraient fréquemment : il n’était pas envisagé que chaque fois qu’ils le font pour améliorer la coordination du pilotage de la zone, ils devaient inviter les autres États. Un argument consistait à dire que lorsqu’on décide quelque chose en la matière, cela a une répercussion sur les autres pays, mais lorsque la Grande-Bretagne prend une décision, cela a aussi une répercussion sur les autres pays, sans que la France ou les pays de la zone euro y soient pour autant associés !

Même si, en l’occurrence, la Grande-Bretagne n’a pas signé le traité, il nous faut plusieurs mécanismes : un mécanisme où l’on se réunit à 27, pour des questions touchant par exemple au marché intérieur ; un mécanisme où l’on se réunit à 17 ; et un mécanisme enfin où l’on se réunit à plus de 17, c’est-à-dire avec les pays qui se sont engagés sur les dispositifs du traité et ceux qui ont à connaître de la gouvernance future de la zone euro, laquelle pourrait avoir une influence au moment où eux-mêmes rentreraient dans cette zone. C’est la raison pour laquelle le président Van Rompuy a proposé, à juste titre, qu’une réunion globale, avant toute réunion restreinte de la zone euro sur des problèmes spécifiques, permette d’évoquer les problèmes communs à ces pays. Il est vrai que si les 27 États de l’Union faisaient partie de la zone euro, ce serait plus simple, mais on peut espérer y parvenir un jour !

Monsieur Roubaud, il serait préjudiciable de laisser penser que la France n’adopterait pas la règle d’or – ou que le traité ne serait pas accepté en l’état. Nos interlocuteurs européens, allemands notamment, sont inquiets à ce sujet : ils se demandent si nous sommes en mesure de la faire adopter par le Parlement réuni en Congrès, par référendum, ou avec une majorité nouvelle opposée à cette mesure.

Ce traité engage la France – comme tous les traités – et non un gouvernement ! Depuis ma prise de fonction comme ministre chargé des affaires européennes, j’ai vu changer mes homologues espagnol, italien, danois, portugais, finlandais et allemand – en l’occurrence, dans ce dernier cas, pour des raisons personnelles – : demande-t-on, à chaque nouveau gouvernement, de renégocier les traités ? Cela semble pour le moins aberrant !

Un traité ne se renégocie pas : il engage la parole du pays qui l’a signé. Et s’il s’agit de dire qu’on souhaite un engagement plus fort pour la croissance et l’emploi des jeunes, cela ne doit pas donner lieu à une renégociation !

Certes, le traité peut être signé sans être ratifié : cela pose a contrario le problème des décisions prises que l’on remet en cause, à l’image de la position de M. Papandréou, qui a accepté globalement un accord pour finalement indiquer que son peuple le refusait ! Il lui a été répondu que s’il voulait poser une question à son peuple, il devait lui demander s’il voulait rester dans l’Europe, dans la mesure où cet accord n’était plus renégociable.

Chacun devrait donc réfléchir aux conséquences d’une remise en cause d’un traité que nous avons signé. Une telle mesure signifierait, à l’égard des autres pays européens, que nous n’avons pas la même conception de l’Europe et, vis-à-vis des marchés financiers, que la zone euro n’est pas stabilisée et qu’elle offre donc toutes les spéculations possibles. L’Europe serait alors dans un no man’s land juridique l’empêchant de bâtir des pare-feu. Les plans B n’existent que dans les paroles et exceptionnellement dans les actes !

S’agissant des droits de plantation en matière viticole, la situation a évolué : lors du conseil des ministres de l’agriculture le 23 janvier dernier, M. Cioloş, le commissaire chargé de l’agriculture, a indiqué mettre en place un groupe de haut niveau pour débattre des réformes du secteur vitivinicole. Cela constitue un premier résultat de l’action menée par la France, avec l’Allemagne et l’Italie, qui font partie des huit pays – lesquels sont maintenant douze – souhaitant qu’il n’y ait pas de modification sur ce point. Nous avons donc bon espoir que la Commission européenne prenne en compte notre demande.

Nous entrerons dans la négociation sur l’organisation commune de marché (OCM) vitivinicole dans le cadre global de la politique agricole commune (PAC). Vous connaissez mon intransigeance ainsi que celle du ministre de l’agriculture Bruno Le Maire à cet égard : nous n’accepterons pas de perspectives ou de cadre financiers qui ne stabilisent pas la PAC.

Madame Bourragué, les négociations pour un accord de libre-échange avec Singapour ont été lancées en 2009 : la Commission européenne espère pouvoir le conclure cette année. Rien ne serait pire que l’absence d’accord, lequel tend évidemment à instaurer une forme de réciprocité. Il ne pourra être conclu que si un accès accru aux marchés des biens et services et aux marchés publics, de même qu’une meilleure protection des investissements et des droits de propriété intellectuelle, avec notamment des indications géographiques, y sont actés.

Je souhaite que nous ayons un accord dans les endroits où le commerce est peu loyal et la réciprocité peu respectée. La France a obtenu qu’à chaque sommet européen, on continue à rechercher cette réciprocité. Nous avons d’ailleurs abouti à des accords avec le Japon, dont les entreprises pénétraient relativement facilement sur le marché européen, alors que les entreprises européennes avaient au contraire beaucoup de mal à investir le marché japonais. Nous devons continuer à avoir des accords de libre-échange, qui sont en fait des accords de partenariat et d’équivalence. Plus largement, la France persiste à faire valoir l’idée de réciprocité, qui n’est pas du protectionnisme, mais tend seulement à instaurer des échanges commerciaux loyaux avec des partenaires – lesquels sont parfois des amis ou des alliés, comme par exemple le Canada, dont il est difficile de pénétrer le marché.

Par ailleurs, à l’instigation de la France et de l’Allemagne, des règles sociales et écologiques peuvent être mises en place pour les marchés publics : si celles-ci ne sont pas observées par les entreprises extérieures venant sur nos marchés, ces dernières pourront être déboutées.

L’Europe, dont l’attitude a pu jusqu’ici sembler naïve, devient donc plus réaliste et offensive. D’ailleurs, la déclaration du sommet informel d’hier évoque, à la demande de la France, l’objectif de réciprocité.

Monsieur Terrot, je rappelle que la signature de la France ne saurait être remise en cause à l’occasion de changements de gouvernement. En outre, étant donné que la discipline budgétaire est indispensable pour avoir accès au mécanisme de solidarité – lequel est, j’en suis sûr, unanimement défendu par les parlementaires français –, et qu’est prévu, à la demande de la France, un engagement en faveur de la croissance et de l’emploi, l’architecture globale proposée par les traités est satisfaisante et ne saurait justifier une renégociation.

M. Dominique Souchet. Que prévoit le traité sur la stabilité sur la saisine de la CJUE ? Sera-t-elle ouverte uniquement aux États parties au traité sur la base de la non-transposition correcte éventuelle de la règle d’or ou également à la Commission européenne ? La CJUE pourra-t-elle s’autosaisir ?

M. Jean-Claude Guibal. Le MES ouvre-t-il la voie à une sorte de fédéralisme européen ? Si tel est le cas, comme il y a des instances spécifiques à la zone euro, ne risque-t-on pas de voir apparaître une Europe à deux vitesses ?

Par ailleurs, de quelle manière les parlements nationaux seront associés au dispositif : sous la forme d’une obligation d’information ou d’avoir à exprimer un vote d’autorisation ?

Enfin, la possibilité prévue dans le cadre du MES de consentir des prêts à des États peut-elle se traduire par une monétisation indirecte de la dette ?

M. Jean-Louis Christ. Si j’ai bien compris, hors l’Église point de salut ! Autrement dit, les États n’adoptant pas la règle d’or n’auront pas accès au fonds monétaire européen, n’est-ce pas ?

Comment ce fonds sera-t-il alimenté : en recourant au marché, à la BCE ou aux fonds souverains asiatiques ou du Moyen-Orient ?

M. Jacques Myard. Le déficit budgétaire n’est pas la cause de la crise de la zone euro. Celle-ci résulte d’un problème de compétitivité !

Si personne ne peut nier la nécessité d’avoir un équilibre budgétaire, la règle d’or n’est pas une réponse adaptée à la crise. En tout état de cause, une loi organique me paraît beaucoup plus adaptée qu’une révision constitutionnelle pour l’instaurer, même si on ne règle pas par des ratios et des principes juridiques la conduite de l’économie.

Je viens d’apprendre dans la presse que les poules doivent avoir un espace vital de 600 centimètres carrés : quel espace vital restera au parlement français, c’est-à-dire au peuple français, dans le vote du budget et la maîtrise des dépenses publiques ?

Croire qu’on va sanctionner des États de la même manière qu’on sanctionne des individus est illusoire, voire dangereux. J’ai été effaré d’apprendre que l’Allemagne voulait proposer un commissaire pour sanctionner la Grèce : dans quel monde vit-on ? Comment peut-on agir ainsi ? Cela rappelle des temps historiques révolus ! Ne sommes-nous pas en train de nous engager avec des gens qui ont perdu le sens des réalités internationales, à l’égard de la Grèce ou des autres pays ?

M. Jean-Pierre Kucheida. L’ancrage démocratique que vous avez appelé de vos vœux n’est-il pas déficitaire dans notre pays, alors que les parlementaires français n’ont pas souvent leur mot à dire, à la différence du Bundestag ? Le Président de la République ne serait-il pas beaucoup plus fort s’il pouvait s’appuyer dans ce domaine sur une décision du parlement français ?

Par ailleurs, voyez-vous une possibilité d’évolution de la BCE, celle-ci ne pouvant être efficace que le jour où elle sera sous la tutelle des responsables politiques ? Pourra-t-elle devenir notre Réserve fédérale ?

M. le ministre. Monsieur Souchet, la CJUE ne pourra être saisie que par les États – après une éventuelle alerte de la Commission européenne – pour non-transposition de la règle d’or. Indépendamment de l’amende prévue pour les pays qui n’auraient pas respecté cet engagement, je n’imagine pas que des États ayant signé un traité se refusent ensuite à le transposer dans leur droit interne !

Monsieur Guibal, le pilotage sous une forme fédérale de l’économie me paraît logique dès l’instant où l’on a une monnaie unique. Mais je ne suis pas pour des États-Unis d’Europe et je ne conçois pas un instant, compte tenu de l’histoire de la construction européenne, des différences et des richesses respectives des pays européens, que chacun ne garde sa spécificité. Certains pays font figure de modèle à cet égard : la France, par exemple, en matière de natalité et d’accès aux services de la petite enfance ; l’Allemagne pour avoir conduit des réformes particulièrement innovantes en matière de compétitivité ; ou bien le Danemark, pour avoir bien avant les autres donné la priorité au développement durable. Si chaque nation doit donc pouvoir continuer à se développer dans sa particularité et son identité, il existe aussi une identité et une civilisation européennes. Nous n’avons bien sûr pas à les imposer par exemple à la Libye ou à l’Inde, mais nous ne devons pas non plus nous laisser imposer une autre culture. Ce qui nous réunit est bien plus fort que ce qui nous divise : à Barcelone, à Londres, à Vienne ou ailleurs sur le continent, nous nous sentons en Europe, chez nous, dans la mesure où nous avons une histoire commune – même si elle est déchirée.

Je pense qu’il y a en effet une Europe à deux vitesses : lorsqu’on discute avec les Britanniques, ils vous disent qu’ils veulent moins d’Europe et moins de régulation de marché, alors que nous voulons plus des deux. Actons ces différences sans pour autant en faire des motifs de divorce ! Mais acceptons aussi que ceux qui veulent aller plus loin ensemble – comme le traité de Lisbonne le permet – le fassent, sans que les autres pays ne les y empêchent ! Telle est la conception de l’Europe défendue aujourd’hui.

On n’envisage pas que l’association des membres des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux soit délibérante ni qu’elle vote une décision sanctionnant ou validant des décisions prises par les chefs d’État et de gouvernement. Pour autant, cette association est une étape, qui doit nous conduire à nous demander si, au-delà des missions de délibération et de vote, le parlement n’est pas surtout une instance de contrôle – l’indépendance d’esprit des parlementaires étant précieuse à cet égard ?

Concernant la dette, à partir du moment où la zone euro s’est confortée et dispose d’un mécanisme de stabilité qui fonctionne bien, que la BCE intervient à bon escient, que la règle d’or est appliquée partout et que la croissance revient, pourquoi ne serait-elle pas mutualisée ? Les eurobonds constitueraient alors l’étape ultime de la confiance que les pays peuvent avoir entre eux et de celle qu’ils inspirent aux marchés : en attendant, ils peuvent donner lieu à des opérations ciblées en faveur de la relance.

Monsieur Christ, la foi dépasse la religion ! Il faut renouer avec la confiance dans les pays européens. Si, face à un pays en difficulté, on se doute qu’il n’a pas fait l’effort nécessaire que d’autres ont effectué avant lui ou en même temps, comment peut-on être solidaire ? La discipline est la condition même de la solidarité.

Nous faisons tous un effort et voulons tous de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi : cela impose qu’on en passe par la règle d’or.

Le MES sera alimenté, je le répète, par un capital de 80 milliards d’euros apporté par les États membres, avec la possibilité de donner 620 milliards additionnels de garanties. Des prêts aux États seront possibles à hauteur de 500 milliards d’euros parallèlement au recours habituel aux marchés. Les garanties sont accordées grâce à celles conférées par les États membres, notamment ceux jouissant d’une forte crédibilité sur les marchés – laquelle n’est pas nécessairement conforme à ce que décident les agences de notation !

Monsieur Myard, c’est parce que nous avons manqué de compétitivité que nous avons accru les déficits et la dette ; c’est aussi parce que des pays émergents sont apparus et ont été plus compétitifs que les pays européens ou occidentaux en général et que nous avons accepté de nous endetter pour maintenir notre niveau de vie !

Je n’accepte pas que l’on fasse un inventaire à ce sujet en fonction de la durée pendant laquelle les dirigeants de droite ou de gauche ont été au pouvoir, en leur attribuant les fautes. Qui les a élus ? Qui a discrédité un Raymond Barre lorsqu’il parlait de rigueur ou un Alain Juppé plaidant pour adopter des budgets en équilibre ? Le peuple n’a-t-il pas parfois écouté le chant des sirènes plutôt que la voix de la sagesse ? Les responsables politiques ont conduit les politiques pour lesquels ils ont été élus et, s’ils ont alourdi la dette, c’est parce que les Français s’imaginaient à tort pouvoir toujours travailler et produire moins tout en améliorant leur niveau de vie ! Il revient aux dirigeants d’aujourd’hui d’en tenir compte et de conduire ceux de demain à y réfléchir.

Si la compétitivité n’est pas un vilain mot, était-il satisfaisant que des pays dans la misère soient exploités par des États produisant peu, peu compétitifs et jouissant d’un niveau de vie maintenu artificiellement ?

Il ne faut pas mettre sous tutelle la Grèce, car on ne met pas un pays sous tutelle, lequel est un être souverain, une âme : or on n’enchaîne pas les âmes, notamment celle des peuples ! Si la France s’est opposée à une telle mesure, les peuples doivent faire preuve de responsabilité. Celle du peuple grec aujourd’hui est de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour retrouver à terme sa compétitivité et une capacité de reprendre pied sur le marché international. Notre devoir est de l’aider et le sien est de faire en sorte qu’il nous aide à le faire.

Monsieur Kucheida, je rappelle que le Président de la République est élu par le peuple français, ce qui lui confère une certaine légitimité pour négocier un traité ! En outre, les élections permettent au peuple de remettre éventuellement en cause le mandat qu’il a confié à ses dirigeants. S’il faut un contrôle démocratique accentué sur l’Europe et la zone euro, je n’accepte pas l’idée que ce sont les technocrates de Bruxelles, comme on le dit habituellement, qui décident des traités. Ce sont bien les chefs d’État et de gouvernement élus ! Et lorsqu’une décision est prise, elle est soumise au Parlement, qui peut s’y opposer.

La différence entre la France et l’Allemagne ne tient pas à ce que la France néglige son parlement, mais à ce que le système électoral allemand aboutit à des coalitions, dans lesquelles il peut y avoir des différences faisant, qu’à un moment donné, une fraction ne suit pas l’avis de la chancelière. La constitution allemande place celle-ci davantage sous le contrôle de la justice et du parlement, lequel est partiellement élu à la proportionnelle.

Dans notre système, quand le Président de la République engage la France de manière déterminée et raisonnable, comme il le fait aujourd’hui, il sait qu’il a derrière lui une majorité, alors que lorsque la chancelière avance sur les mêmes terrains, elle est obligée de consulter la sienne, qui est plus complexe. Si cela est pour elle une force à terme, c’est peut-être aussi une faiblesse dans l’immédiat. Dans les décisions prises entre la France et l’Allemagne, je vois bien que la négociation française est plus rapide que la négociation allemande : cela est simplement dû à la façon dont la démocratie est organisée dans chacun de nos pays.

Mme Martine Aurillac, présidente. Merci, monsieur le ministre, pour vos éclaircissements.

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Informations relatives à la commission

Au cours de sa séance du mardi 31 janvier, la commission a nommé :

– Mme Christiane Taubira, rapporteure du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part (n° 4080)  ;

– M. Renaud Muselier, rapporteur du projet de loi autorisant l’approbation des amendements à l’article 1er et à l’article 18 de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (n° 4219) ;

– M. Henri Plagnol, rapporteur des projets de loi autorisant les ratifications du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES) et de la décision du Conseil européen relative au MES (sous réserve de leurs dépôts).

La séance est levée à dix-huit heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 31 janvier 2012 à 16 h 30

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Christian Bataille, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Louis Christ, M. Alain Cousin, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Henri Plagnol, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. Dominique Souchet, Mme Christiane Taubira, M. Michel Terrot, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, M. Jean-Louis Bianco, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, M. Loïc Bouvard, M. Gilles Cocquempot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Jacques Guillet, M. Serge Janquin, M. Jean-Paul Lecoq, M. Lionnel Luca, M. Jean-Claude Mignon, M. Renaud Muselier, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. André Schneider, M. Michel Vauzelle, M. Gérard Voisin

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Caresche, M. Daniel Garrigue