Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 17 juillet 2007

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Examen pour avis du projet de loi (n° 13) portant création d’une délégation parlementaire au renseignement (M. Yves Fromion, rapporteur)

– Informations relatives à la commission

Projet de loi (n° 13) portant création d’une délégation parlementaire au renseignement (avis)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis le rapport de M. Yves Fromion sur le projet de loi (n° 13) portant création d’une délégation parlementaire au renseignement.

Le rapporteur a souligné la nécessité d’une information de qualité du Parlement sur les questions relatives aux services de renseignement, afin tout d’abord de répondre à l’exigence de contrôle de l’utilisation des ressources publiques. Elle doit aussi permettre aux services concernés eux-mêmes de se défaire des soupçons traditionnels, tout en les faisant sortir d’un tête-à-tête exclusif avec l’exécutif. Enfin, il s’agit de répondre de manière adaptée à un souhait de plus en plus affirmé de mieux connaître une activité qui constitue la première ligne de défense face aux menaces actuelles.

La situation française n’apparaît guère satisfaisante. Le retard par rapport aux autres Etats membres de l’Union européenne est réel, la France n’ayant mis en place qu’en 2001 un contrôle parlementaire partiel. Il ne doit toutefois pas être exagéré dans la mesure où, d’une part, les instances de contrôle parlementaires en Europe sont récentes et où, d’autre part, il est parfois difficile de savoir quelle est la profondeur réelle du travail réalisé.

Si les Pays-Bas sont les précurseurs de ce contrôle avec une commission permanente de la Chambre basse depuis 1952, cette ancienneté fait toutefois figure d’exception. Il a fallu attendre les années 1970 pour que d’autres parlements décident de mettre en place leurs propres organes de contrôle spécialisé et le phénomène a véritablement pris son essor à la fin des années 1980 et durant la première moitié des années 1990. Le principal point commun de ces organismes de contrôle parlementaires réside dans le nombre généralement très réduit de leurs membres, afin de maintenir la confidentialité des travaux. L’une des questions les plus épineuses est celle de la place réservée à l’opposition et, dans la plupart des cas, sa présence est garantie par une forme de représentation plus ou moins proportionnelle. Enfin, par-delà la diversité des missions et des pouvoirs confiés, on constate quelques points communs, tels que le secret des travaux et des délibérations, le très rare accès au détail même des opérations menées et l’importance pour la réalisation du travail de contrôle d’un accès suffisant au personnel des services, voire à certains documents.

La France est marquée par une forte tradition du secret et le rôle du Parlement en matière de renseignement y a, jusque récemment, été réduit à sa plus simple expression. Si l’examen du budget offre l’occasion de contacts utiles, l’information reste malgré tout limitée. En 1999, deux propositions de loi sur le contrôle des services ont été déposées, l’une au Sénat par M. Nicolas About, l’autre à l’Assemblée nationale par M. Paul Quilès ; cette dernière ayant été adoptée par la commission de la défense le 23 novembre 1999. Ni l’un ni l’autre de ces textes n’a cependant été inscrit à l’ordre du jour de la onzième législature.

La première instance de contrôle des services de renseignement associant des parlementaires résulte de l’article 154 de la loi de finances pour 2002, instaurant une commission de vérification chargée de s’assurer que les fonds spéciaux sont utilisés conformément à la destination prévue par la loi. Composée de deux députés, de deux sénateurs et de deux membres de la Cour des comptes, ses travaux sont secrets. De fait, cette commission n’effectue qu’un contrôle partiel des services ; le projet de loi répond donc à un véritable besoin.

Il trouve son origine directe dans la discussion en séance publique du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, en novembre 2005 ; le gouvernement s’étant alors engagé à déposer rapidement un texte aussi consensuel que possible, ce qui fut fait dès le 8 mars 2006. Ce projet n’a pu être examiné lors de la législature précédente, mais le gouvernement issu des élections du printemps 2007 a tenu à soumettre rapidement cette question au Parlement, en déposant au Sénat un texte strictement identique au précédent.

Le principe retenu est celui d’une délégation parlementaire commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, préférable tant pour des raisons pratiques que liées à la nécessité de limiter le nombre de participants aux travaux. De ce dernier point de vue, le projet initial était particulièrement prudent, puisque la délégation comptait seulement six membres, dont quatre de droit. Les deux autres membres devaient être désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. A juste titre, le Sénat a porté l’effectif à huit, ce qui permettra de représenter plus aisément les différentes sensibilités politiques, tout en conservant un format réduit, garant de la confidentialité.

Le rapporteur a ensuite regretté l’omission du champ de compétences de la délégation de certains services, tels que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la cellule de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN). Par souci d’exhaustivité, il s’est dit favorable à ce que les activités des services spécialisés qui dépendent des ministères du budget et de l’économie et des finances puissent également être abordées par la délégation.

Il a indiqué que, lors de la discussion au Sénat, trois questions principales avaient été soulevées : celle des rapports entre la délégation parlementaire au renseignement et la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux ; celle des possibilités d’audition de la délégation et, enfin, celle de la publicité de ses travaux.

De fait, à des degrés différents, les propositions tendant à organiser des relations entre la délégation et la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux reviennent à contourner l’exclusion du financement des activités opérationnelles du champ de compétences de la délégation. Compte tenu de leur caractère extrêmement sensible, il semble nécessaire de maintenir une séparation claire entre les deux organes et d’attendre les enseignements de l’expérience avant d’éventuellement envisager la mise en place de mécanismes de coordination.

S’agissant des possibilités d’auditions par la délégation parlementaire au renseignement, le texte initial était particulièrement restrictif. Le Sénat a ajouté le Premier ministre à la liste des responsables pouvant être entendus tout en précisant que, pour les agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services de renseignement, seuls les directeurs de ces services peuvent être auditionnés. Cette rédaction n’empêche donc pas la délégation d’entendre d’autres personnalités, faculté qui suscite d’ailleurs des réactions contrastées parmi les responsables des services de renseignement mais dont on voit mal comment on pourrait en priver une délégation parlementaire.

Enfin, le Sénat a modifié les règles de publicité d’une partie du travail de la délégation en remplaçant le rapport annuel remis au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée, par un rapport public dont l’objet est cependant limité à l’activité de la délégation. Cette modification permet sans doute à la délégation parlementaire au renseignement d’acquérir une existence aux yeux de l’opinion publique, mais dans le même temps la prive de la possibilité de faire état précisément des résultats de ses travaux, qui sont soumis au secret de la défense nationale. Il convient de prévoir expressément la faculté pour la délégation de transmettre des observations et des propositions couvertes par le secret aux destinataires précités du rapport public. Elle pourra ainsi jouer un rôle davantage constructif en soulignant les éventuelles lacunes et en proposant d’y remédier.

Pour conclure, le rapporteur a souligné le progrès constitué par la création d’une délégation parlementaire au renseignement, tant pour le Parlement que pour l’exécutif, qui disposera d’un regard extérieur propre à mieux l’orienter vers d’éventuels ajustements. La réforme ne pourra toutefois produire ses effets de manière immédiate. Le temps, le pragmatisme et la confiance seront sans aucun doute des éléments essentiels pour le succès de la démarche d’information et d’évaluation.

Rendant hommage à l’action courageuse des hommes et des femmes travaillant au sein des services de renseignement, il a tenu à souligner l’importance de leur mission dans un environnement où la perception et l’évaluation des menaces sont devenues un art difficile. La création d’une délégation parlementaire au renseignement constitue donc une reconnaissance de leur rôle au service de la Nation. Mais elle est aussi un acte de confiance réciproque entre le parlement et les services de renseignement.

Le président Guy Teissier a estimé que la présentation de ce texte était également un signe de modernité.

M. Gilbert Le Bris a considéré que le retard de la France en matière de contrôle des services de renseignement était plus grand que le rapporteur avait bien voulu le dire puisque c’est dès 1956, et non pas depuis 1978, que l’Allemagne s’est dotée d’un organe semblable au travers du « comité parlementaire des hommes de confiance ». Il a ensuite déploré que le précédent ministre de l’intérieur n’ait pas honoré l’engagement qu’il avait pris en novembre 2005 de créer, en amont du dépôt d’un projet de loi, un groupe de travail associant notamment des parlementaires de tous horizons et de hauts fonctionnaires du renseignement. Sur le plan de la terminologie, une ambiguïté demeure après les travaux du Sénat puisque le texte mentionne une « délégation » au lieu d’un « office ». Traditionnellement et à l’exception de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques créée en 1979, le terme « délégation » désigne un organe propre à chacune des deux chambres, alors que celui d’« office » désigne une entité réunissant des députés et des sénateurs. Enfin, il a observé que les offices comparables allemand et britannique comportent neuf membres, solution propre à éviter les questions de majorité.

Tout en reconnaissant que l’Allemagne avait souhaité une certaine transparence sur ces questions dès les années cinquante, le rapporteur a précisé qu’il s’agissait alors d’un dispositif embryonnaire et que c’est bien en 1978 qu’a été créé un organe plus consistant, équivalent à celui proposé par le projet de loi. S’agissant des engagements du précédent ministre de l’intérieur, l’important est qu’un groupe de travail ait bien été créé sous la houlette du secrétaire général de la défense nationale. Le texte proposé aujourd’hui constitue une novation attendue depuis des décennies, et comble le retard de la France. En ce qui concerne l’appellation « délégation » et le nombre des membres, il a relevé qu’un amendement déposé par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche proposait une rédaction globale du texte sans revenir sur ces deux éléments.

Le président Guy Teissier a fait valoir qu’au cours de la onzième législature, la volonté de progresser vers la création d’un organe parlementaire voué au contrôle des activités de renseignement était largement partagée et qu’il avait été lui-même, par la suite, à l’origine d’une telle proposition. On ne peut donc que se féliciter de l’aboutissement de cette démarche.

Après avoir signifié son accord avec M. Gilbert Le Bris, M. Bernard Cazeneuve a souligné que les esprits ont évolué positivement depuis la onzième législature au regard de l’attitude d’une partie de l’opposition d’alors, qui s’était élevée contre toute forme de contrôle des services de renseignement. La rédaction du texte peut être améliorée de manière pragmatique. Ainsi, l’adoption du terme « office » permettrait de lever une ambiguïté juridique s’agissant d’un organe qui rassemble des membres des deux assemblées. S’il constitue certes une avancée, le texte proposé reste malheureusement marqué par une trop grande défiance à l’égard des parlementaires, ce qui n’est pas acceptable. Parmi les dispositions méritant d’être modifiées figure le fait que les présidents des commissions parlementaires permanentes chargées des affaires de sécurité intérieure et de défense sont membres de droit de la délégation. Au regard du statut de ces derniers et des nombreuses charges qui en résultent, ne serait-il pas préférable de laisser ces places à des parlementaires plus disponibles et, partant, susceptibles de se spécialiser sur le sujet ? En outre, afin d’être la plus paritaire possible, la délégation ne pourrait-elle pas avoir un président et un rapporteur de sensibilité différente ? Si une limitation de l’effectif à huit membres peut être recevable, il ne faudrait pas pour autant que le champ d’investigation de la délégation soit réduit à l’excès. L’habilitation au secret défense donnée aux membres de la délégation doit leur permettre de connaître de l’ensemble de l’activité des services ; la suspicion ne peut être de mise. Enfin, le rapport annuel réalisé par la délégation n’a pas vocation à être public et doit être adressé à un nombre limité de destinataires.

Le rapporteur a souligné que la question de la dénomination avait été abordée lors des discussions au Sénat lequel, dans une démarche pragmatique, a estimé que ce sont les considérations de fond qui doivent prédominer au moment où une instance nouvelle est mise en place. La désignation comme membres de droit de présidents de commissions permanentes permet avant tout de souligner l’importance que le Parlement accorde au sujet. S’agissant de la fonction de rapporteur, le texte adopté par le Sénat renvoie à juste titre la question au règlement intérieur de la délégation. Cela permet davantage de souplesse et évite d’enfermer les parlementaires dans un cadre trop déterminé à l’avance. Par ailleurs, il est inexact de prétendre que le champ d’investigation de la délégation est limité par le texte ; bien au contraire, la rédaction retenue permet d’embrasser aussi bien l’activité générale que les moyens des services de renseignement. Là encore, ce sera à la délégation de déterminer elle-même, sans frilosité, le contenu qu’elle entend donner à son activité.

En ce qui concerne le rapport annuel, il a jugé qu’en le rendant public, le Sénat en avait également fortement limité la portée. Aussi, et pour donner davantage de consistance aux travaux de la délégation, il serait souhaitable qu’elle ait la possibilité d’adresser des observation couvertes par le secret aux seuls destinataires institutionnels du rapport.

M. Philippe Folliot a estimé que le texte répond avec bon sens à des exigences pourtant contradictoires. Il s’agit, d’une part, de répondre à la volonté de transparence et d’accorder au Parlement la place qui lui revient dans sa fonction de contrôle de l’ensemble des activités de l’exécutif. D’autre part, l’exigence de préservation du secret apparaît également comme une condition nécessaire de la sécurité des agents et de l’efficacité des services de renseignement, indispensable face au développement de nouvelles menaces, notamment terroristes. De ce point de vue, certaines expériences étrangères montrent quelles sont les conditions de leur efficacité, comme en témoignent les failles du système américain de renseignement, dues à sa concentration sur les seules capacités technologiques au détriment du renseignement humain.

S’exprimant au nom du groupe Nouveau Centre, il a approuvé le projet de loi qui doit être considéré comme une première étape dans le contrôle parlementaire du renseignement, le dispositif pouvant être progressivement amélioré.

Il s’est ensuite interrogé sur les conséquences d’une éventuelle révision constitutionnelle portant sur le nombre et les compétences des commissions permanentes des assemblées, celle-ci pouvant déboucher sur un regroupement au sein d’une même commission des questions relatives à la sécurité intérieure et à la sécurité extérieure. La composition de la délégation devrait alors être revue pour intégrer ce changement institutionnel.

Il a enfin insisté sur la nécessité du respect du pluralisme politique au sein de la délégation, gage de la légitimité de ses activités.

M. Jean Michel a déploré que les travaux réalisés par la commission de la défense durant la XIe législature sur ce sujet n’aient pas été davantage repris dans le projet de loi. Il s’est interrogé sur le fonctionnement même de la nouvelle instance dans la mesure où le rapport annuel envisagé n’a guère de contenu et où la fonction même de rapporteur n’est pas prévue. Par ailleurs, il a regretté qu’un texte concernant les pouvoirs de contrôle du législateur ait été rédigé par des hauts fonctionnaires, certes très avisés, mais sans que des parlementaires aient été associés à son élaboration.

De la fiabilité des informations transmises dépendra la capacité de la délégation à contrôler effectivement les services de renseignement. Or, de ce point de vue le projet de loi ne lui donne que peu de pouvoirs, la laissant en position de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Le président Guy Teissier a souligné qu’il avait soutenu la proposition de loi de M. Paul Quilès, adoptée par la commission de la défense en 1999. Faute d’un accord du gouvernement de l’époque, elle n’avait malheureusement pas été examinée durant la XIe législature, alors qu’elle aurait permis à la France de combler son retard.

Il a par ailleurs précisé que l’élaboration du texte actuel avait fait l’objet d’une réflexion en profondeur avec la constitution d’un groupe d’experts reconnus.

M. Jean-Pierre Soisson s’est dit défavorable à l’apparition du terme « office » alors que dans l’ensemble des autres secteurs d’activité, notamment dans le domaine social et économique, cette terminologie est peu à peu abandonnée. Il a également estimé que la présence de droit des présidents des commissions intéressées par les questions de sécurité et de défense était indispensable, ne serait-ce que pour assurer la bonne coordination des travaux des commissions et de la délégation. Une trop grand précision du champ de compétences de cette dernière conduirait nécessairement à une limitation de ses pouvoirs. De même, la question du poste de rapporteur relève davantage du règlement intérieur. Il a souligné les difficultés posées par l’élaboration d’un rapport public dans ce domaine, notamment en ce qui concerne le choix des éléments pouvant y figurer. La proposition du rapporteur permettant que des recommandations et des observations, couvertes par le secret, puissent être adressées au Président de la République et au Premier ministre apparaît de ce point de vue plus efficace.

La commission est ensuite passée à l’examen de l’article unique du projet de loi.

Elle a examiné un amendement de M. Bernard Cazeneuve proposant une nouvelle rédaction de l’ensemble de cet article.

M. Bernard Cazeneuve a précisé qu’il s’agissait tout d’abord d’ôter la qualité de membre de droit aux présidents des commissions des lois et de la défense, ensuite d’assurer le pluralisme politique au sein de la délégation, notamment dans l’attribution des fonctions de président et de rapporteur, et, enfin, de préciser son champ de compétences.

Même si l’on peut estimer que la présence de droit des présidents des commissions précitées constitue un symbole fort envoyé aux services de renseignement, on peut s’interroger sur la réalité de leur disponibilité. Si l’amendement propose de supprimer la qualité de membre de droit, rien n’interdit toutefois aux présidents en question de se faire désigner au sein de la délégation. Par ailleurs, la fonction de rapporteur peut certes être créée par le règlement intérieur, mais son inscription dans la loi ne pourrait que renforcer sa légitimité.

Reconnaissant l’intérêt d’une définition large pour le champ de compétences de la délégation, il a jugé trop restrictif le texte adopté par le Sénat en la matière. Pour être crédible, la délégation doit pouvoir poser les questions qu’elle estime utiles, le Gouvernement prenant ses responsabilités en acceptant d’y répondre ou non.

En réponse, le rapporteur a formulé plusieurs observations :

– lors des travaux d’élaboration du projet de loi, la particularité du domaine d’intervention de la délégation parlementaire au renseignement a bien entendu été prise en compte. Il n’était pas question que ses activités fragilisent, de quelque manière que ce soit, le fonctionnement des services de renseignement, la sécurité des agents et les accords et échanges avec les services étrangers. Dans ce contexte, il n’est donc pas anormal de poser des limites à l’action parlementaire ;

– la présence de droit des présidents des commissions concernées est essentielle, notamment parce qu’elle atteste du haut niveau de la délégation. En outre, elle n’est en rien contradictoire avec l’exigence de pluralisme, d’autant que le Sénat a fort justement porté à huit le nombre de membres de la délégation. Le texte est donc, sur ce point, équilibré ;

– la question de l’existence d’un rapporteur n’a pas directement de rapport avec celle du pluralisme, sauf à prévoir également dans le texte une répartition des postes de président et de rapporteur entre majorité et opposition ; cette question ne pouvant qu’alourdir le présent débat ;

– en ce qui concerne les missions de la délégation, il convient de bien distinguer la fonction « renseignement » et la fonction « action », c’est-à-dire les opérations. A ce sujet, le Conseil constitutionnel a clairement établi que le Parlement n’avait pas à connaître des opérations en cours. Il faut donc s’en tenir aux missions prévues par le texte et avancer avec pragmatisme.

En conclusion, le rapporteur s’est déclaré défavorable à l’amendement proposé qui, par sa trop grande précision, va à l’encontre de l’intérêt bien compris de la délégation et des services de renseignement. Il convient au contraire de conserver un dispositif législatif le plus ouvert possible, puis de tirer les enseignements du fonctionnement même de cet organisme.

La commission a rejeté l’amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Bernard Cazeneuve supprimant l’existence de membres de droit au sein de la délégation et répartissant chaque année de façon pluraliste les postes de président et de rapporteur.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur étendant la mission de la délégation au suivi de l’activité générale et des moyens de l’ensemble des services de renseignement.

Après que le rapporteur a précisé que cette extension permettra à la délégation de s’intéresser également aux activités de services relevant des ministères de l’économie et du budget, comme la DNRED ou TRACFIN, la commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur précisant les catégories de responsables des services de renseignement pouvant être auditionnés par la délégation.

Le rapporteur a expliqué que son amendement a vocation à spécifier que, parmi les agents appartenant ou ayant appartenu aux services de renseignement, seuls les directeurs en fonction pourront être auditionnés par la délégation. Une telle disposition permet de clarifier la position de la délégation par rapport aux services. Cela ne lui interdira nullement d’auditionner d’autres personnes spécialistes de ces sujets, sans pour autant que ses activités se confondent avec celles d’une commission d’enquête.

La commission a adopté cet amendement.

En conséquence, un amendement de M. Bernard Cazeneuve définissant le champ d’information de la délégation est devenu sans objet.

La commission a examiné un amendement du rapporteur disposant que, dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée.

Le rapporteur a rappelé que le Sénat avait adopté le principe de la publicité du rapport annuel de la délégation. Cependant, pour garantir à cette dernière toute son efficacité, il semble nécessaire de lui permettre d’adresser des recommandations aux principales autorités nationales en matière de renseignement dans le cadre de ses travaux, c’est à dire sous le sceau du secret de la défense nationale.

M. Jean-Pierre Soisson a approuvé la proposition du rapporteur mais s’est étonné que l’amendement prévoie que les recommandations sont également adressées aux présidents des assemblées, qui ne sont pas directement placés dans le champ du secret défense. Il a donc souhaité que soit supprimé ce dernier membre de phrase.

Le rapporteur a considéré que si la délégation ne faisait pas parvenir ses observations aux présidents des assemblées, elle perdrait toute spécificité parlementaire et se réduirait à un groupe d’experts dédié au seul pouvoir exécutif.

M. Jean Michel a observé que si les recommandations de la délégation seront naturellement destinées à l’exécutif, les présidents des assemblées pourraient néanmoins en avoir connaissance, même s’ils n’en sont pas les destinataires.

M. Bernard Cazeneuve a estimé que, parmi les recommandations que pourra émettre la délégation, certaines, concernant le seul fonctionnement des services de renseignement, pourront effectivement être réservées au seul pouvoir exécutif mais d’autres, susceptibles d’avoir des répercutions législatives, devront légitimement être communiquées aux présidents des assemblées. On pourrait même considérer comme anormal que ceux-ci soient totalement ignorants des travaux menés au sein d’une délégation parlementaire.

Le rapporteur a confirmé que certains sujets devront être examinés par le Parlement, comme celui du statut juridique des services de renseignement.

Le Président Guy Teissier a souligné la logique des remarques formulées et estimé qu’il fallait préciser la rédaction de l’amendement.

M. Serge Grouard a souhaité savoir si les présidents des assemblées étaient habilités au secret de la défense nationale.

Le rapporteur a précisé que les députés et les sénateurs le sont ès qualités et que les collaborateurs de la délégation seront, quant à eux, spécifiquement habilités.

Le Président Guy Teissier a proposé une nouvelle rédaction de l’amendement précisant que les recommandations et observations de la délégation « peuvent être transmises au président de chaque assemblée ».

MM. Pierre Forgues et Philippe Folliot se sont interrogés sur le fait que, dans la proposition de rédaction du Président, la transmission pour information ne soit pas systématique.

M. Jean-Claude Viollet a proposé que les recommandations et observations soient adressées à l’exécutif et seulement « portées à la connaissance » des présidents des assemblées.

Le rapporteur a alors proposé que la délégation transmette ses recommandations et observations au président de chaque assemblée.

La commission a adopté cet amendement et émis un avis favorable à l’adoption de l’article unique ainsi modifié.

La commission a examiné un amendement de M. Bernard Cazeneuve insérant un article additionnel et prévoyant que la délégation parlementaire au renseignement est destinataire du rapport annuel de la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux.

Le rapporteur s’est opposé à l’amendement en estimant nécessaire de bien marquer les limites des champs de compétences respectifs de ces deux instances, qui ne se recoupent que partiellement.

M. Bernard Cazeneuve a considéré que ce recoupement partiel justifiait au contraire que la délégation ait connaissance du rapport annuel de cette commission, qui constituera un élément d’information important sur les activités des services de renseignement.

Le rapporteur a rappelé que, saisi du texte instituant la commission de contrôle de l’utilisation des fonds spéciaux, le Conseil constitutionnel a considéré que le Parlement ne pouvait intervenir dans le déroulement des opérations de renseignement.

M. Bernard Cazeneuve a estimé que le fait que le Parlement n’ait pas à intervenir dans les opérations extérieures qu’il n’a pas la possibilité de décider ne signifie pas qu’il n’ait pas à connaître des opérations en cours.

Le rapporteur a précisé que, lorsque la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux a été créée en 2002, le Conseil constitutionnel a clairement spécifié qu’elle ne saurait connaître des opérations en cours.

M. Jean-Pierre Soisson a souhaité qu’il ne soit pas fait une interprétation trop large des termes de la décision du Conseil constitutionnel et indiqué que la délégation au renseignement résultera d’une construction législative, ce qui n’est pas le cas d’autres organes.

Le Président Guy Teissier a indiqué que la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux, prévue par l’article 154 de la loi de finances pour 2002, est bien une création législative.

M. Jean Michel a jugé que la commission de vérification de l’utilisation des fonds spéciaux pouvait s’intéresser au financement d’opérations en cours et qu’il ne fallait pas confondre les pouvoirs de direction avec ceux de contrôle.

Le rapporteur a répondu en notant que le texte du projet de loi excluait explicitement le financement des activités opérationnelles du champ de compétences de la délégation parlementaire au renseignement.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

Informations relatives à la commission

La commission a nommé :

— les membre de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2007 : M. Guy Teissier, président, Mme Patricia Adam, MM. Jean-Louis Bernard, François Cornut-Gentille, Jacques Desallangre, Marc Francina, Yves Fromion, Marc Goua, Serge Grouard, Damien Meslot, Jean Michel, Jean-Pierre Soisson et Philippe Vitel ;

— MM Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet, rapporteurs d’information sur l’aéromobilité ;

— M. Serge Grouard et Mme Odile Saugues, rapporteurs d’information sur les enjeux stratégiques et industriels du secteur spatial.

*

Elle a par ailleurs décidé de créer un groupe de travail sur la construction de l’Europe de la défense et en a désigné les membres : MM. Bernard Deflesselles et Gilbert Le Bris.

——fpfp——