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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 17 octobre 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Audition des représentants des syndicats des personnels civils de défense sur le projet de loi de finances pour 2008

Audition des représentants des syndicats des personnels civils de défense sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de défense sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

Après avoir rappelé que le projet de loi de finances pour 2008 est un budget de transition en attendant la prise en compte des conclusions du Livre blanc auquel le Parlement est, pour la première fois associé, le président Guy Teissier, a fait valoir que le ministère de la défense paie son tribut à la politique de maîtrise des effectifs de l’État, mais qu’un effort conséquent d’amélioration de la condition des personnels tant civils que militaires est réalisé.

M. Charles Sistach, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés, a souhaité faire part des appréciations du syndicat sur le projet de budget, espérant qu’elles seraient prises en considération pour une amélioration, voire de nouvelles orientations dans les budgets à venir. Il a déploré ne disposer d’aucune orientation précise, ni d’aucun chiffre ou éléments sur les mesures catégorielles à l’exception de ceux parus dans la presse. Alors que la rédaction du Livre blanc doit fixer les grandes lignes de la politique de défense des années à venir comme l’ont souligné les universités d’été de la défense de septembre dernier, et que la loi de programmation militaire est en préparation, aucun syndicaliste n’est invité à participer à ces travaux, ne serait-ce qu’en tant qu’observateur. Le dialogue social serait-il devenu une pratique inavouable au sein du ministère de la défense ?

La presse a annoncé que le ministère de la défense serait, une fois de plus, l’une des principales victimes de la politique de non remplacement des départs en retraite : 6 037 postes devraient être supprimés, qui viennent s’ajouter aux 68 000 qui l’ont été en douze ans. Les élections étant proches, aucune précision n’est à ce jour apportée, mais il apparaît vraisemblable que le soutien des forces, qui est actuellement la mission des personnels civils, subira de très lourdes restructurations accompagnées de nombreuses fermetures d’établissements et suppressions d’emplois alors que les personnels viennent déjà de traverser une période extrêmement douloureuse. Lors de chaque réorganisation, les autorités militaires et civiles assurent à toutes les catégories qu’elles sont nécessaires afin d’assurer, sur le long terme, la continuité des missions mais font comprendre que des efforts de rationalisation doivent néanmoins être faits. Or, un an voire deux ans après, interviennent un changement de cap et de nouvelles restructurations avec des suppressions de postes et une mobilité contrainte pour les mêmes personnels à qui l’on assurait, deux ans plus tôt, la pérennité de leur emploi.

L’endettement de l’État, la sauvegarde de l’argent du contribuable sont souvent avancés pour justifier ces mesures, mais hormis leur effet d’annonce, ces arguments ne résistent pas à une analyse objective de la situation qui découle des politiques financières et stratégiques des dix dernières années, politiques que FO avait d’ailleurs dénoncées. Aussi faut-il dénoncer, une nouvelle fois avec la plus grande fermeté, la politique d’externalisation des missions des personnels civils, celles-ci ayant, in fine, des effets directs sur les effectifs et sur les finances publiques. Sous prétexte de faire des économies, la diminution d’effectifs est organisée et, du fait de l’absence de ressources, les missions finissent par être externalisées, allant même jusqu’à confier au secteur privé ce qui était considéré comme le cœur du métier. Aujourd’hui, les missions des personnels civils sont bradées pour des raisons économiques avec une politique du « payer autant maintenant pour payer beaucoup plus cher demain ».

Le démantèlement de l’arme du matériel est significatif, tous les contrats d’entretien et de remise à niveau étant confiés au secteur concurrentiel. Les matériels ayant des durées de vie très supérieures aux critères fixés par les industriels, la vision du coût de maintenance de nos matériels neufs sera balayée à court terme par le prix exorbitant qui sera demandé lorsqu’ils auront quinze ou vingt ans. Une fois l’industriel en position de monopole, il pourra alors fixer librement les prix sans que le ministère puisse intervenir puisque, avec la disparition de l’arme du matériel, il ne disposera plus de capacités autonomes de maintenance. Une telle analyse, qui relève pourtant du simple bon sens, n’est visiblement pas partagée au ministère.

L’externalisation de la gamme commerciale connaît le même type d’avanies : les retours d’expériences en matière de location avec option d’achat auraient dû conduire à abandonner ce projet comme ce fut le cas au ministère de l’intérieur. Malgré ces éléments, l’externalisation a été mise en place, conduisant au démantèlement des garages et à la dispersion les personnels. Le bilan du coût par rapport au service rendu apparaîtra nettement insatisfaisant dans cinq ans, mais il ne sera plus possible de revenir sur ces choix. De nombreux autres exemples, notamment l’entretien de l’infrastructure, révèlent les dangers de ces externalisations.

Le syndicat FO a le sentiment qu’une fois les projets lancés, ils vont à leur terme, quel que soit le bien-fondé de ses positions. Cet état de fait abaisse le dialogue social au rang de passage obligé avec, pour principe, qu’il ne doit en aucune façon influencer une décision prise au préalable, décision qui devient, en l’occurrence, un postulat. Si l’on ajoute à cette politique volontariste de suppression d’emplois la militarisation de postes relevant de fonctions normalement attribuées à des personnels civils, on est en droit de se demander si les personnels civils ont toujours une place au ministère de la défense.

Les représentants des syndicats avaient déjà alerté les membres de la commission sur ces problématiques et, à la suite de leurs interventions, le ministre de la défense avait demandé une étude. Le rapport Le Petit-Valteau a ainsi identifié un minimum de 2 500 postes principalement occupés par des gendarmes adjoints volontaires (GAV), des engagés volontaires de l’armée de terre (EVAT) ou des militaires techniciens de l’air (MTA), c’est-à-dire des contrats militaires de court terme. Or rien n’a été fait depuis sa parution, la situation ayant même empiré. Aujourd’hui, dans le cadre de la professionnalisation, la quasi-totalité des postes des divisions restauration-logement (DRL) des bases aériennes est tenue par des militaires : qu’il s’agisse du commandant de la DRL, qui est un capitaine, du service en salle assuré par des MTA, ou de la gestion du mess par un adjudant. On peut donc s’interroger sur l’utilisation des deniers publics alors que la suppression de ces missions et de ces postes est justifiée par une optimisation de ces dépenses.

Dans ce contexte particulièrement difficile de restructurations, de fermetures d’établissements et de mobilité contrainte, les quelques « mesurettes » permettant l’amélioration de la condition des personnels civils comme l’accès aux lycées militaires pour passer le baccalauréat, la réhabilitation du parc de logements, ou les aides à l’accession à la propriété, ne méritent pas de commentaires. Pour les mesures catégorielles, les syndicats ne disposent d’aucune donnée précise puisque la direction des ressources humaines doit seulement tenir une réunion prochainement pour détailler le contenu de ces dispositions catégorielles.

M. Charles Sistach a ensuite abordé la situation des sociétés nationales NEXTER, anciennement GIAT-Industries, et DCNS.

En 1979, la transformation de GIAT en entreprise était présentée comme une formidable opportunité, l’objectif étant de devenir le leader mondial dans la fabrication des chars lourds. Aujourd’hui, rien ne reste de ce fleuron industriel. Le contexte géostratégique a certes changé avec la chute du mur de Berlin, mais comment expliquer que les industriels allemands et britanniques aient continué à se développer grâce au soutien de leurs gouvernements, non pour payer des déficits, mais pour arracher des commandes ? Pour GIAT, des millions de dollars ont été perdus sur le marché boursier de Philadelphie et des luttes intestines ont éclaté entre les dirigeants conduisant l’entreprise, aujourd’hui NEXTER, à devenir le leader mondial de la suppression d’emplois.

La situation de DCNS est similaire : les carnets de commande semblent se remplir, ce qui est bon pour l’entreprise, mais il y a de moins en moins de travail dans les ateliers et le savoir-faire disparaît. DCNS ne fabrique plus, mais vend sa technicité, sa technologie et son indépendance, dans une logique dite de sourcing, premier pas avant 1’out sourcing, qui n’est ni plus ni moins que l’externalisation totale des missions des établissements. Demain, DCNS n’aura plus de business plan, plus d’ouvriers, plus d’ingénieurs, elle n’aura que des actionnaires à rétribuer et sera une entreprise sans usine. L’argent public servira alors à payer des chômeurs et les navires français seront achetés à l’étranger, à moins de les construire en coopération, comme le second porte-avions dont la France a payé les études, à la grande satisfaction des Britanniques.

Les stratèges industriels mettent constamment en avant l’industrie européenne d’armement, mais, en matière industrielle, l’Europe n’existe que pour mieux nous absorber, à l’exemple de ce fleuron de l’industrie européenne qu’est Airbus. Les Français ont apporté tout leur savoir-faire et, au fur et à mesure des crises et des évolutions, ce sont les Allemands qui en ont pris la direction. Aujourd’hui, Airbus France est sous-traitant d’Airbus Allemagne, et c’est la France qui va payer pour les inepties technologiques de la filiale allemande. Ce qui se passe aujourd’hui chez ce constructeur aéronautique se passera demain pour l’ensemble des industriels de la défense.

Cet état des lieux conduit à se demander si les personnels civils ont encore une place au ministère de la défense, les déclarations de principe qui réaffirment le caractère incontestable de la place des personnels civils apparaissant aujourd’hui contredites par l’expérience.

M. Jean-Louis Naudet, secrétaire général de la Fédération Nationale des Travailleurs de l’État-CGT, a souligné que l’examen du projet de budget intervient dans un contexte social lourd, fait d’inquiétudes parmi les salariés des industries de défense qui se sont exprimées le 13 octobre face à la dégradation des conditions de travail, à la pénibilité de ce dernier et à l’instauration des franchises médicales. Ces inquiétudes s’exprimeront aussi le 18 octobre pour refuser les nouveaux reculs que prépare le Gouvernement en 2008 pour tous les salariés en matière de droits à la retraite. Pour les personnels du ministère de la défense et ceux des sociétés nationales, un véritable massacre national sur le plan tant social qu’industriel s’annonce après le mois de mars 2008, c’est-à-dire après les élections municipales.

Jamais un projet de budget pour la défense n’aura été présenté dans de telles conditions puisque aucun chiffre ni document n’ont été fournis aux syndicats. Que cache ce que le ministère n’a pas osé présenter lui-même ? Des informations collectées, il ressort que le budget pour 2008 de la défense est en attente de choix lourds sur le plan industriel et en trompe-l’œil sur le plan social. 

Les mesures sociales annoncées en faveur du personnel civil doivent être ramenées à leur juste proportion : les revalorisations se chiffreront, hors personnels de la DGSE, à 75 000 euros supplémentaires par rapport à 2007 pour les 79 000 personnels civils de tous statuts. Par ailleurs, les 2 042 recrutements annoncés n’effaceront pas la suppression des 3 421 emplois, inscrite au plafond ministériel des emplois autorisés.

Il convient également de dénoncer la pratique qui consiste à laisser vacants des emplois pour les supprimer l’année suivante, 7 500 suppressions étant programmées pour l’année prochaine, alors que les employeurs se plaignent de ne pas avoir l’autorisation de recruter. Sont ainsi justifiées des externalisations qui portent atteinte aux missions premières des établissements et services des armées puisque l’externalisation dépasse la gamme commerciale des véhicules et concerne désormais la maintenance et le soutien pour les véhicules militaires.

Dans le même temps, le Conseil d’État annule la réglementation relative aux rémunérations des ouvriers mensualisés, permettant au Gouvernement de détruire l’accord-cadre national sur les 35 heures, de revenir sur certains forfaits particuliers et sur le régime salarial constitué par les décrets salariaux de 1951 et de 1967. Comme la CGT l’a indiqué au ministre, les salariés sont en alerte et en cas d’atteinte manifeste à ces acquis sociaux, un conflit social majeur serait inévitable. Il ne suffit pas que le ministre de la défense reconnaisse, le 26 septembre dernier, qu’il y a un problème de pouvoir d’achat, pour que disparaissent les difficultés de la vie quotidienne des salariés. Il est urgent que des négociations s’ouvrent pour une autre politique sociale au sein du ministère et des sociétés nationales.

Il a marqué le désaccord de la CGT avec l’idée développée par le ministre selon laquelle l’État actionnaire, majoritairement ou à 100 %, n’aurait aucun pouvoir d’intervention sur les orientations stratégiques et la politique sociale au sein des entreprises nationales sous sa tutelle. Les salariés manifestent leur exaspération devant l’inertie des dirigeants qui s’occupent plus de rentabilité boursière que de stratégie industrielle. La faute ne peut plus être renvoyée sur le voisin : l’irresponsabilité doit cesser, y compris au plus haut niveau de l’État et des organismes de direction des entreprises.

Un vent de folie souffle sur la direction du Groupe Nexter-GIAT qui entend remettre en cause tout ce qui concerne la durée et l’organisation du temps de travail. Toutes les organisations syndicales ont rejeté le projet de la direction et présenté une motion commune sur ce dossier. Il est indécent de parler de réussite du plan de reclassement qui vient de sévir à Nexter alors que les emplois promis ne sont pas au rendez-vous dans les bassins concernés et que, de l’aveu même du PDG de Nexter, les plans de restructuration ont conduit à la disparition des compétences professionnelles. Où sont par exemple, les 400 emplois de la SAGEM à Tarbes ? De même, ne peut être ignorée la situation de nombreux salariés poussés à partir de leur établissement et qui sont aujourd’hui laissés pour compte par la direction générale et par le ministère de la défense. Quelles solutions seront proposées aux salariés qui restent encore à ce jour à reclasser alors que leur situation sociale ou de santé est des plus fragile ?

La situation ne semble guère différente au sein de DCNS où les réunions se multiplient sans pour autant améliorer le quotidien des salariés. La CGT estime inacceptable que les négociations annuelles obligatoires se soldent par des échecs alors que la productivité par salarié de DCNS est en hausse et atteint plus de 230 000 euros selon les données publiées par le ministère de la défense et que, dans le même temps, chacun des 120 cadres dirigeants a vu sa rémunération mensuelle augmenter de plus de 2 000 euros pour les six premiers mois de 2006. La transparence exige aussi de connaître les rémunérations des cadres dirigeants du comité exécutif, PDG compris.

Les difficultés actuelles d’EADS devraient conduire à une réflexion sur les conséquences de l’ouverture du capital de DCNS à l’actionnaire privé qu’est Thalès. DCNS veut se placer demain sur des créneaux tels que le nucléaire civil ou le gardiennage et la sécurité des bases aériennes, activités pourtant éloignées de la construction navale militaire, son cœur de métier.

La même politique antisociale est appliquée pour la société nationale des poudres et des explosifs (SNPE) et ses filiales, les dernières déclarations du ministre confirmant une absence totale de visibilité sur l’avenir de ce groupe et plus généralement sur celui de l’ensemble du pôle munitionnaire.

Sur le plan industriel, tout le monde se réfugie derrière le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la revue des programmes et la loi de programmation militaire 2009-2013. Des informations des plus diverses, intentionnées ou non, laissent craindre le pire. Les propos du ministre, lors des cinquièmes Universités de la défense, ne contribuent pas à rassurer les salariés quant à leur emploi et à leur avenir. Mais aucune décision ne sera prise avant les élections municipales pour ne pas inquiéter avant l’heure certains candidats en annonçant maintenant la fermeture d’entrepôts et d’une dizaine de bases aériennes, soit une sur deux, la dissolution d’une cinquantaine de régiments de l’armée de terre, le déclassement de bâtiments de la marine nationale, ou la rationalisation des centres d’essais au sein d’une délégation générale pour l’armement (DGA) transformée en agence, appendice de celle de l’Union européenne. Des savoir-faire sont sacrifiés, des compétences partent, des pans de plus en plus importants des missions régaliennes disparaissent au profit d’une privatisation du plus en plus nette de l’appareil militaire, industriel et de soutien. Est même envisagée l’externalisation de l’ensemble des pièces de rechange des appareils aéronautiques.

Après trente ans de restructurations permanentes, les mêmes interrogations majeures demeurent conduisant la CGT à demander au ministre la tenue d’une conférence destinée à dresser le diagnostic réel de l’outil de défense avant toute nouvelle décision de restructurations ou fermetures, proposition aujourd’hui restée sans réponse. De même, la CGT a demandé à être entendue par la commission du Livre blanc.

M. Jean-Louis Naudet a également souhaité connaître la position de la commission sur la proposition défendue par la GCT de créer une filière de démantèlement des navires en fin de vie, civils et militaires. Au moment où est organisé le Grenelle de l’environnement, il serait anormal que l’État et les industriels concernés, au premier rang desquels DNCS, ne s’engagent pas concrètement avec la création d’une pareille filière, socialement et écologiquement responsable. C’est l’occasion pour la France et l’Europe de se positionner comme pilote de cette filière d’avenir.

La question du pouvoir d’achat, de l’emploi, des retraites, de la protection sociale, y compris le devenir des mutuelles, du financement des besoins sociaux et du statut général de la fonction publique, qui fait l’objet d’une réflexion dans le cadre du Livre blanc sur la fonction publique, préoccupe les salariés. Dans le cadre des réflexions en cours, il serait bon de rompre avec tout ce qui asservit l’homme et son travail en répondant aux attentes sociales des salariés en général, à ceux des industries de défense en particulier.

M. Jean-Jacques Manach, secrétaire général de la Fédération Établissements et arsenaux de l’État – CFDT, a estimé que le projet de budget n’était qu’une série de mesures d’attente avant les grands choix stratégiques qui seront précisés en fonction des conclusions du Livre blanc.

Abordant dans un premier temps le soutien, il a relevé que les réformes incessantes du ministère de la défense se sont traduites depuis des années par des fermetures de sites et par des suppressions d’emplois, le tout sur fond d’externalisation et de délaissement des missions, rien ne permettant, aujourd’hui encore, de démontrer que ces décisions ont apporté une quelconque amélioration en termes de coût ou d’efficacité.

À ce titre, il est étonnant que cette politique soit relancée, alors que personne ne sait aujourd’hui si elle a généré des économies ou des pertes. Le Parlement doit sortir de cette vision réductrice du moins d’État pour aller vers du mieux d’État, d’autant que ce n’est pas en appliquant aveuglément la stratégie décidée que l’on réduira la dette. Pour exemple, le surcoût de l’externalisation par rapport au maintien de la gestion immobilière au sein de la gendarmerie est évalué à 60 millions d’euros. Quant aux chiffres de l’externalisation des véhicules de la gamme commerciale, ils sont, au mieux, cachés et, au pire, inconnus. Il en va de même pour toutes les actions de la stratégie ministérielle de réforme menées ces derniers mois. Face à ce constat, les futures conclusions de la révision générale des politiques publiques ne peuvent qu’alarmer les organisations syndicales.

Pour ce qui est des tensions actuelles sur les effectifs civils et militaires, la CFDT considère qu’elles ne peuvent être détendues qu’avec une politique d’emplois autour des tâches de soutien et axée sur leur identification préalable. Ce n’est pas la LOLF qui pourra y répondre, le programme 178 « préparation et emploi des forces » qui emploie 236 000 militaires et 51 000 civils ne pouvant pas être réduit aux 10 000 militaires en OPEX.

Pour autant, la question de la cohérence du soutien au sein de ce programme en termes de nature des postes occupés doit être posée, puisque, comme l’a affirmé le chef d’état-major des armées, « la capacité d’une armée à s’engager dépend de la qualité de son back office qui englobe la bonne administration, l’efficacité du soutien industriel et le potentiel de formation ». Or ce soutien ne repose aujourd’hui sur aucune logique d’ensemble : les tâches de secrétariat, de gestion, de maintien en conditions opérationnelles (MCO) sont soit sous-traitées, soit assumées par des personnels civils ou des personnels militaires. Aucune réponse n’est à ce jour apportée à cette question majeure d’organisation.

En lien direct avec la problématique générale du soutien, se pose de manière claire la question de la place de l’emploi civil alors que plus de 2 000 emplois civils sont d’ores et déjà supprimés. L’emploi public apparaît comme la variable d’ajustement d’une réforme dont les contours ne sont pourtant pas encore tracés. Les suppressions de postes ne reposent que sur la politique annoncée par le Président de la République consistant à ne pas remplacer un départ sur deux ou trois, sans analyse, sans vision du futur, sans aucun fondement, sinon celui d’une posture dogmatique.

La CFDT appelle de ses vœux une politique qui confirme la juste place des personnels civils au sein des armées, qui leur donne accès à une politique sociale ambitieuse et qui leur offre des perspectives de déroulement de carrière et de rémunération dans une fonction publique modernisée. Une telle politique ne passe pas par des amalgames de mesures et dispositifs déjà arrêtés et par des annonces portant sur l’individualisation des rémunérations ou sur des modifications profondes du statut, les agents attendant autre chose qu’un discours à consonance populiste. Ils demandent à l’État de leur donner les moyens de travailler mieux et non pas plus, et veulent bénéficier d’une amélioration légitime de leur pouvoir d’achat et non se voir imposer des heures supplémentaires.

Pour ce qui est des programmes d’armement, le flou persiste à l’approche de la dernière année de la loi de programmation militaire, le respect de cette loi n’ayant pas empêché la dégradation des capacités françaises de défense. Les reports, annulations et manques d’arbitrages sont à mettre en lien direct avec l’évolution de l’outil industriel dont le Parlement a modifié le paysage en votant le changement de statut de DCN et la réduction drastique des effectifs et des capacités de GIAT-Nexter. En concluant des accords d’entreprise avec ces deux sociétés, l’État s’est engagé à passer un certain nombre de commandes à même de les structurer et de leur donner une place sur la scène européenne.

Les arbitrages de la future loi de programmation militaire devront donner de la lisibilité aux entreprises concernées et il faudra que les programmes d’armement soient réalisés en cohérence avec l’outil industriel. En Australie, le marché des bâtiments de projection et de commandement (BPC) a été perdu pour cause de non réalisation sur des chantiers français ; les Espagnols l’ayant finalement emporté.

Ne peut être écartée la question de la coopération aujourd’hui systématique avec nos partenaires, la solution retenue d’un deuxième porte-avions avec les Britanniques n’étant pas nécessairement à même de générer des économies.

En conclusion, il a regretté de ne pouvoir exprimer ces réflexions devant la commission du Livre blanc. En n’associant pas l’ensemble des partenaires à la réflexion, elle prend le risque de voir ses conclusions finales mal comprises et mal acceptées par les agents qui construisent la défense au quotidien.

M. Yves Naudin, secrétaire général de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense, a déploré en préambule que les questions de défense nationale aient été quasiment escamotées pendant les dernières campagnes électorales présidentielles et législatives alors que les armées, engagées dans près de 31 opérations extérieures, contribuent à assurer la sécurité dans les Balkans, que ce soit en Bosnie ou au Kosovo, et au Liban, ou encore à soutenir la force des Nations unies, l’ONUCI, dans sa mission de paix en Côte-d’Ivoire.

À ce titre, s’il est bon que, par sincérité budgétaire, une provision de 375 millions d’euros soit inscrite pour la deuxième fois dans le projet de budget, un écart important subsiste avec le surcoût réel des OPEX de 662 millions d’euros courants. Qui fait l’avance ? Les lois de finances clôturant les exercices budgétaires concernés ont-elles pallié ce déficit ? N’y aurait-il pas lieu, à terme, de concrétiser un accord politique au niveau des vingt-trois autres pays européens, visant à mutualiser ces efforts importants et traditionnellement faits par notre pays et par le Royaume-Uni, et à en répartir le coût plus équitablement comme l’a récemment souligné le Président de la République ?

Il s’est ensuite félicité que le projet de budget permette d’assurer, une fois encore, la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008  avec 48,1 milliards d’euros, toutes missions et programmes confondus, au lieu de 47,7 milliards d’euros en 2007 et de 47,8 milliards d’euros en 2006. En 2008, 16 milliards d’euros seront consacrés aux équipements et 24,6 milliards d’euros aux rémunérations et charges sociales, dont 9 milliards pour les pensions. Cette appréciation doit néanmoins être tempérée par certaines insatisfactions relatives à l’imprécision relative de la répartition des 15,9 millions d’euros de mesures catégorielles. Certains responsables du ministère ont par ailleurs marqué leur inquiétude, comme par exemple le général Bruno Cuche sur le budget de fonctionnement de l’armée de terre.

Le ministère estime que la loi de programmation militaire a permis l’engagement des programmes indispensables à la réalisation du modèle capacitaire des armées, sauf que le Charles de Gaulle, pour se limiter à ce seul exemple, est indisponible pour quinze mois en raison de son interruption pour entretien et réparation (IPER) qui a débuté le 1er septembre 2007.

Les crédits consacrés à la dotation technique opérationnelle globale du matériel de l’armée de terre sont satisfaisants et permettent d’atteindre un taux de disponibilité technique, qui était de 72,2 % en 2006 tandis que celui de 2007 est proche de 72,38 %, pour un objectif à atteindre en fin de LPM de 75 %. Les MCO de l’armée de l’air et de la marine sont en revanche un peu plus éloignés de leurs objectifs.

Abordant le plafond ministériel des emplois autorisés qui s’élève à 426 429, il a indiqué que les personnels se répartissent en 347 235 personnels militaires, soit 81,4 % des emplois, et 79 194 civils, soit 18,6 % des emplois. Ces chiffres entérinent les 1 242 suppressions de postes soit 621 équivalents temps pleins travaillés des seuls personnels civils. Ces choix sont en contradiction avec la « politique de ressources humaines dynamique » voulue par le ministre de la défense et marquent le commencement du « dégraissage des armées » évoqué par le président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale.

Le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux des agents publics qui est érigé en dogme de gestion de l’État et équivaut, pour le ministère de la défense, à une réduction des personnels civils, est réalisé à l’aveugle, sans étude préalable sérieuse des conséquences sur les services qui souffrent déjà de sous-effectifs chroniques et qui pâtissent d’une très mauvaise répartition des charges de travail. Par ailleurs, la LOLF fait clairement apparaître qu’un personnel civil coûte, pension comprise, beaucoup moins cher qu’un militaire qui est pourtant affecté, non sur un poste opérationnel, mais sur un poste de soutien ou d’administration générale. Il convient enfin de souligner que les grandes directions centrales du ministère sont incapables de prévoir véritablement les départs à la retraite, avec une marge d’erreur de quatre prévus pour un réalisé. Ces différents éléments vont clairement à l’encontre de la politique dynamique prônée par le ministre, la CFTC refusant catégoriquement la partialité des analyses conduisant à l’assèchement de la ressource civile alors que les agents publics travaillant au ministère de la défense se relèvent à peine des multiples restructurations subies depuis les années 1990.

Ni les états-majors, ni le SGA ne savent quelles études vont servir de base aux restructurations annoncées. Le collège des inspecteurs généraux des armées a rendu le 9 juillet dernier un rapport sur « la rationalisation de l’administration générale et du soutien » qui indique que « trois axes majeurs ont été identifiés : l’adoption d’un mode d’organisation locale commun aux armées, et relevant d’une chaîne de commandement distincte de celles des unités soutenues, le principe de la base ayant été jugé le plus pertinent ; une harmonisation interarmées des normes, des périmètres et procédures et des réglementations, assortie d’une évaluation précise des économies à en retirer ; un resserrement ambitieux des stationnements, notamment pour l’armée de terre [...], permettant par effet d’échelle de tirer le meilleur parti de la généralisation de l’organisation en bases ». À la fin du rapport figure la recommandation n° 3 qui préconise de « soumettre pour la fin 2007 un plan de stationnement interarmées resserré, amenant une réduction significative du nombre de garnisons ou de sites ».

Quelles que soient les conclusions de la revue générale des politiques publiques qui ne seront connues qu’après les élections municipales, les recommandations de ce rapport montrent qu’un plan de fermetures est déjà programmé. Les plus fortes inquiétudes concernent les 200 places de garnisons de la métropole, dont relèvent de nombreux établissements du matériel de l’armée de terre.

M. Yves Naudin a marqué la profonde opposition de la CFTC à ce que la logique qui a conduit à la suppression des régions aériennes soit poursuivie et amène à la disparition d’autres échelons territoriaux, en particulier les régions terre. Il s’est en revanche déclaré favorable à une gestion déconcentrée et équitable des personnels civils, renforçant la proximité avec les agents.

Est actuellement étudiée la création d’un grand service industriel étatique sur le modèle du service industriel aéronautique (SIAé) qui pourrait regrouper la structure unique de la maintenance du matériel de l’armée de terre (SUMMT), qui n’est pas encore créée, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et le service de soutien de la flotte (SSF). Ce nouveau service serait le pendant du soutien industriel actuellement externalisé au secteur privé. Dans ce cadre, une pénurie semble organisée, de manière machiavélique, pour certaines professions d’ouvriers de l’État, pourtant au cœur des métiers des personnels civils. Un bilan des marchés de MCO dressé par la direction centrale du matériel de l’armée de terre (DCMAT) a fait apparaître des besoins en maintenance NTI3 équivalant à 1 600 000 heures. Alors que la capacité des organismes de réparation de soutien central est de 1 300 000 heures, la charge réalisée serait de 1 100 000 heures, créant un manque théorique de 300 000 heures soit un déficit de 240 personnels. Pour pallier ces baisses artificielles d’effectifs, est préparé un contrat d’approvisionnement en pièces consommables (APIC) d’environ 60 millions d’euros qui externaliserait l’ensemble de la logistique de pièces de rechanges consommables vers un opérateur logistique privé.

La mission de service public des bureaux de poste militaire est, elle aussi, remise en cause par le chef d’état-major des armées de même que la direction de la poste militaire, sans concertation, suite à la privatisation de certaines missions du groupe La Poste.

En conclusion, il a attiré l’attention de la commission sur la baisse réelle du pouvoir d’achat des agents de l’État depuis plusieurs années, et a appelé à une revalorisation réaliste par une réelle amélioration de l’ensemble des rémunérations de base.

M. Jean-Yves Placenti, expert budget de l’UNSA-défense, a rappelé que l’UNSA-Défense avait souhaité l’année dernière que les efforts déployés en matière budgétaire ne soient pas oubliés après l’élection présidentielle. Durant cinq ans, des moyens ont en effet été mis en place afin de crédibiliser l’outil de défense nationale et de relancer une dynamique positive tant pour le maintien capacitaire des armées que pour préparer l’avenir. Force est de reconnaître que la condition des personnels civils n’a pas été négligée. L’UNSA-Défense déplore toutefois que ces efforts ne soient pas suivis d’une réflexion plus globale sur le rôle des personnels civils et que des corporatismes tenaces s’opposent à une redéfinition de la place des personnels militaires en matière de défense.

Il a estimé que depuis quelques semaines, les différents fronts sur lesquels étaient fondés les fondamentaux de la politique de défense se sont déplacés, voire retournés : la politique étrangère de la France a ainsi évolué vers une posture moins multilatérale et plus atlantiste. Cette mutation soulève des questions pour l’industrie d’armement, à laquelle il faudra bien fournir des carnets de commande stables ; il importe en outre de ne pas remettre en cause la parole de l’État à chaque changement de gouvernement. Par ailleurs, l’industrie française ne doit pas être crucifiée pour satisfaire à la nécessaire construction européenne.

Ces fronts se sont également déplacés sur le plan ministériel où une grande effervescence alimente les réflexions de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la commission mise en place par le ministre comprenant notamment des personnalités du monde de l’entreprise : des mesures peuvent en effet entraîner l’abandon de missions mais également de nouvelles externalisations ainsi que des restructurations, la diminution de l’emploi civil demeurant une constante dans tous les scenarii. Le ministère de la défense ne sera certes pas le seul touché et ne le sera pas dans sa seule composante civile, mais il importe maintenant de justifier les chiffres avancés puisque le coût réel des personnels militaires et des agents civils apparaît enfin réellement dans le projet annuel de performance (PAP) pour 2008.

La défense ne doit pas servir de variable d’ajustement, d’autant que les déclarations du ministre des affaires étrangères laissent supposer un possible emploi de nos capacités plus massif que ce qui se pratique en catimini en Afghanistan ou, de façon plus officielle, dans les Balkans ou en Afrique.

Toutes les ressources de la défense doivent être employées à bon escient ; chaque fonction doit être confiée aux agents dont le coût est le moindre pour la collectivité, les militaires ne devant plus être employés à des activités non opérationnelles durant toute leur carrière. Depuis des années, le ministère de la défense sacrifie bien volontiers des bataillons de civils mais la LOLF impose de reconnaître qu’un personnel civil coûte moins cher qu’un personnel militaire. L’UNSA-Défense souhaite que le ministère le reconnaisse et en tire les conséquences. À ce titre, l’analyse des coûts unitaires par catégorie de personnel, abandonnée discrètement depuis trois ans, se révèlerait riche d’enseignements avec la prise en compte des coûts des retraites dans les arbitrages.

Les agents du ministère de la défense attendent donc qu’on leur explique où, pourquoi et comment des postes seront supprimés. Ils ne peuvent que constater que la poursuite des campagnes de recrutement continuera de renforcer encore et toujours certains corps ou certaines armes particulièrement rétifs à l’emploi des civils et que de trop nombreux militaires, que la population attend au service de sa défense ou de sa sécurité, continueront d’être affectés dans les départements à des tâches administratives.

Les personnels de la défense sont également curieux de connaître les effets positifs qu’ils pourront attendre des suppressions de postes, puisque selon l’axiome établissant que moins de postes signifie plus de travail et plus de travail signifie plus de gains individuels, ils devraient bénéficier d’avantages financiers immédiats. Eu égard aux efforts d’adaptation fournis depuis des années, les personnels civils ne peuvent être considérés comme une simple variable d’ajustement et ne comprendraient pas qu’ils fassent, une fois de plus, les frais d’arbitrages rendus indispensables par la dégradation des finances publiques, la disparition de quelques milliers d’emplois et le maintien du budget ne permettant pas de dégager les marges financières nécessaires.

Il a enfin souligné que les organisations syndicales sont tenues à l’écart de nombreuses actions gouvernementales et ne sont auditionnées ni dans le cadre de la revue générale des politiques publiques ni par la commission du Livre blanc.

M. Michel Lörence, vice-président fédéral Défense CGC Fédération de l’encadrement civil de la défense – FECD, a déclaré que la CGC ne peut se réjouir d’une déflation d’effectifs qui ne répond qu’à une logique comptable, faute de stratégie. En attendant le Livre blanc et la LPM, il a rappelé que les personnels militaires sont dédiés principalement à l’opérationnel et doivent donc bénéficier des équipements adéquats tandis que les personnels civils travaillent eux dans le domaine du soutien. La CGC insiste sur le fait que ces réductions d’effectifs doivent privilégier cette logique et non accentuer, comme cela a été souvent le cas, la militarisation de la civilianisation. Il y aura inévitablement des redéploiements, des fermetures de bases et des sacrifices douloureux mais les choix devraient être faits avec tact et modération.

Il a par ailleurs noté qu’en 2008, la part consacrée à la formation continue ne sera que de 2,04 %, pourcentage le plus faible depuis dix ans. Alors que les personnels civils du ministère représentent 29 % des effectifs, 16 % seulement des crédits leur sont alloués. Les personnels militaires bénéficiant du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, il serait souhaitable qu’il puisse en être de même pour les personnels civils.

La CGC s’inquiète par ailleurs de la disparition annoncée de la force logistique terrestre, de la réduction des moyens des unités du matériel ainsi que de l’externalisation de la maintenance, voire du soutien lui-même : le risque est grand de perdre des connaissances techniques empêchant de contrôler le bien-fondé des mesures proposées par les industriels.

Il importe également de clarifier les relations entre l’état-major des armées et les états-majors des différentes armées. Les états major d’armées tentent de déconcentrer leurs responsabilités vers les régions militaires ; ainsi l’armée de terre a-t-elle expérimenté une déconcentration rapide de ses services associée à un fusionnement des commandements avec les directions de services au plan régional. Or, ce dispositif expérimental très rapidement mis en place n’aura plus de base juridique à la fin de l’année 2008 et rien ne dit qu’il pourra être pérennisé.

M. Jean-François Munoz, président fédéral Défense CGC Fédération de l’encadrement civil de la défense – FECD, a rappelé que la procédure classique qui consiste à supprimer des programmes d’armements pour mieux maîtriser le budget n’est pas une bonne méthode : les militaires n’ont pas l’équipement voulu et les industriels n’ont pas les commandes attendues.

Il a regretté que de trop nombreux militaires soient affectés à des tâches non opérationnelles ; les officiers formés au combat ou aux activités opérationnelles n’ont pas vocation à terminer leur carrière dans un service administratif. Il faut que soit lancée une réflexion globale, concentrée sur les fonctions de soutien, sur la place et le rôle des personnels civils dans les armées et plus globalement au sein du ministère de la défense.

M. Jean-Claude Viollet a rappelé que la réussite des réformes de la défense nationale implique un renforcement du dialogue social dans les unités, le soutien et les industries. Les réflexions en cours, Livre blanc, revue de programmes… permettront de mettre en perspective l’articulation entre défense et sécurité, donnant des pistes pour améliorer l’organisation des fonctions de soutien. Dans ce cadre, la situation des personnels doit faire l’objet d’une attention particulière d’autant plus que les organisations syndicales, tout comme les parlementaires, ne sont pas associées à ces différents groupes de travail. Seul un consensus national permettra de mener à bien ces différentes réformes.

Il a par ailleurs noté que la construction de l’Europe de la défense continuera à reposer longtemps sur la France et sur ses principaux partenaires que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne, interdisant une diminution des crédits alloués à la défense nationale.

Mme Patricia Adam a rappelé que le Livre blanc et la préparation de la LPM soulèvent la question du dialogue social et du rôle du Parlement, dont les pouvoirs doivent être accrus en matière de contrôle et de stratégie de développement. Elle a d’ailleurs noté que comme les syndicats, de nombreux parlementaires souhaitent participer activement et doivent donc être plus activement impliqués dans ces commissions.

Alors que les groupes de travail n’ont pas encore rendu leurs conclusions, elle a déploré que de nombreuses déclarations soient faites et que des orientations semblent d’ores et déjà arrêtées en ce qui concerne l’OTAN, la dissuasion, l’effort de défense, ou la construction de l’Europe de la défense. Sur ce dernier point, certains de nos partenaires européens semblent privilégier une approche atlantiste qui demande un moindre effort financier, les États-Unis assurant l’essentiel des investissements.

Elle a appelé de ses vœux une clarification sur l’emploi des militaires qui doivent être mobilisées de manière exclusivement opérationnelle, les personnels civils assurant les fonctions transversales de soutien. Constatant l’importance budgétaire des retraites de militaires, elle a rappelé que l’emploi de personnels civils pour des missions non opérationnelles permettrait de réaliser des économies significatives qui contribueraient à améliorer le caractère opérationnel des forces françaises.

La restructuration et la re-concentration d’un certain nombre de bases ne peut enfin faire l’économie d’une analyse plus globale intégrant des problématiques économiques et sociales et tenant compte, même si ce n’est pas la vocation première de la défense, d’impératifs d’aménagement du territoire.

M. Bernard Cazeneuve a regretté que les organisations syndicales soient si peu impliquées dans l’élaboration du Livre blanc, tout comme d’ailleurs les parlementaires eux-mêmes. Sans doute ne serait-il pas inutile de constituer une mission d’information permettant aux députés et aux sénateurs de connaître l’évolution des travaux afin que le pouvoir législatif puisse jouer pleinement son rôle.

On peut par ailleurs observer que les orientations du Livre blanc semblent déjà actées notamment en ce qui concerne la position française au sein de l’OTAN et les grands programmes d’armement. Le deuxième porte-avions (PA2) fait, quant à lui, l’objet d’une « autorisation d’engagement provisionnelle », outil méthodologique budgétaire à ce jour inédit.

Il a par ailleurs souhaité savoir comment les syndicats jugeaient la réforme de DCN.

M. Jean-Jacques Candelier a constaté l’inquiétude et le mécontentement de l’ensemble des syndicats, et a indiqué que les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine relaieraient leurs préoccupations au cours du débat budgétaire.

M. Christophe Guilloteau a noté le grand intérêt de cette audition un peu hors norme, participants et élus intervenant en fonction de leur sensibilité et de leurs convictions.

Il a rappelé que le titre 2 du budget de la défense augmente et, en tant qu’ancien militaire, a souhaité insister lui aussi sur la nécessaire distinction entre les personnels civils et les militaires qui remplissent des missions par essence différentes et dont la spécificité doit être préservée.

En réponse aux principales préoccupations des syndicats, le président Guy Teissier a fait valoir que le projet de loi de finances consacre 15,9 millions d’euros au plan de reconnaissance du personnel civil, niveau jamais atteint depuis 1998. En dix ans, 98,2 millions ont été consacrés à l’amélioration des conditions de travail des personnels civils des armées. Ces crédits permettent de renforcer l’attractivité des emplois civils de la défense en revalorisant, d’une part, les primes et indemnités  à hauteur de 5,1 millions d’euros et, d’autre part, la masse salariale des personnels de service social (0,19 million), de nombreux personnels de la DGA (3 millions), des médecins d’appareillage (0,25 million) ainsi que des ingénieurs d’études (0,5 million).

Pour les 79 194 personnels civils, une baisse de 1 242 emplois représente certes un effort notable, mais il ne faut pas oublier que les militaires ont consenti une diminution de 200 000 emplois ces dernières années, dans le processus de professionnalisation complète des armées.

En outre, un effort particulier est réalisé en faveur de la formation, du déroulement des carrières et de la promotion sociale : en 2008, les crédits permettront de financer 230 000 journées de formation tournées à 67 % vers le perfectionnement et la validation des acquis de l’expérience (VAE). Par ailleurs, 1,95 million d’euros sont consacrés à l’amélioration du déroulement de carrière avec 0,57 million d’euros pour optimiser la gestion des compétences et des carrières  et 1,38 million d’euros pour des postes d’avancement.

Sur le plan social, les personnels militaires civils bénéficieront du plan « petite enfance » permettant la création d’une centaine de berceaux, essentiellement en région parisienne. Le ministère poursuit également sa politique d’aide à l’acquisition de logements grâce à des prêts complémentaires.

Concernant la provision pour les OPEX, il a rappelé qu’il était à l’origine de sa création il y a cinq ans et qu’il suivait avec beaucoup d’attention son évolution.

S’agissant de la coopération européenne en matière de défense, il a estimé que la France ne devait être pénalisée par le pacte de stabilité et de croissance alors qu’elle prend à sa charge une part majeure de l’effort européen en la matière. Il a indiqué avoir ainsi suggéré au Président de la République, qui a favorablement accueilli cette proposition, d’écarter des calculs du pacte de stabilité et de croissance les crédits affectés à la défense nationale.

À propos de la situation de DCNS, il a observé que la majorité des grands programmes d’armement est à venir qu’il s’agisse des frégates Horizon, des Fremm, du Barracuda ou du deuxième porte-avions. Le provisionnement de trois milliards d’euros d’autorisations d’engagement pour le PA2 apparaît à ce titre pleinement justifié puisqu’il n’obère pas l’avenir dans l’attente des orientations stratégiques du Livre blanc et de la décision définitive du Président de la République.

À sa connaissance, seules quatre bases, et non dix, seraient concernées par une éventuelle fermeture. Les capacités des avions ayant considérablement évolué depuis 1945, il n’apparaît pas inutile de procéder à des opérations de rationalisation qui permettraient de regrouper les unités sur des plates-formes plus opérationnelles. Le plan sera en outre piloté par les armées et en particulier par l’armée de l’air. Il prendra en compte la situation des personnels et ne proposera pas de suppression d’unités au sens strict mais bien une réorganisation territoriale de leurs implantations.

Le président Guy Teissier a précisé n’avoir jamais parlé de « dégraissage » lors des universités d’été, mais avoir évoqué la « douleur » que pouvaient ressentir les personnels en apprenant les réductions d’effectifs. Le dynamisme d’une politique de gestion ne se mesurant pas à l’aune du nombre de personnels employés mais à la qualité de la production, il convient de valoriser le déroulement des carrières et la formation.

Il a conclu en notant que seul le budget de fonctionnement de l’armée de terre fait l’objet d’interrogations, la situation des crédits de titre 2 n’appelant pas de réserve particulière et l’amélioration de la condition militaire pour les sous-officiers subalternes et les militaires du rang constituant un réel sujet de satisfaction.

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