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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 30 octobre 2007

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Guy Teissier, président

Examen pour avis des crédits pour 2008 :

– Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » :

  • « Liens entre la Nation et son armée » (M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis)

– Mission « Défense » :

  • « Préparation et emploi des forces (air) » (M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis)

  • « Équipement des forces » (M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis)

  • « Équipement des forces (espace, communications, dissuasion) » (M. Michel Sainte-Marie, rapporteur pour avis)

Loi de finances pour 2008 (n° 189)

Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » : « Liens entre la Nation et son armée » (avis)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, les crédits pour 2008 de la Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » : « Liens entre la Nation et son armée ».

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis, a rappelé que la disparition de la conscription en 1997 a nécessité la mise en place de dispositifs spécifiques pour maintenir les liens existant entre la Nation et son armée. Grâce à la loi organique relative aux lois de finances, ils ont pu être rassemblés dans un programme unique, « Liens entre la Nation et son armée », rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », qui décrit les quatre principales actions menées dans ce domaine par le ministère de la défense : la journée d’appel et de préparation à la défense, la politique de mémoire, la promotion du patrimoine de la défense et les opérations de communication en général.

Avant de détailler les points saillants du projet de loi de finances, il a insisté sur les difficultés de lisibilité et de cohérence de ce programme dont l’intitulé semble refléter l’insuffisante coordination entre ses actions, qui participent plus à la construction et à l’entretien de l’esprit de défense qu’aux seuls liens entre la Nation et son armée. Sans fil conducteur, les actions sont juxtaposées, et on peine à comprendre la logique d’ensemble du programme. Il semble donc pertinent de modifier à la fois l’intitulé et le contenu du programme 167 pour le rendre plus conforme aux vœux du Président de la République, qui souhaite un renforcement du socle républicain et de ses grandes valeurs. Le changement lexical aurait une portée symbolique forte et permettrait de sortir du cloisonnement actuel, en ouvrant la porte à une réorganisation structurelle plus conséquente.

Une approche plus qualitative doit désormais être privilégiée et dépasser les traditions administratives et budgétaires. Le ministère de la défense doit rester l’élément moteur des actions contribuant à l’esprit de défense mais doit associer plus étroitement tous les acteurs qui y participent directement ou non, qu’il s’agisse des réserves, des associations, des correspondants locaux de la défense, des enseignants, des élus locaux, les réseaux nationaux et régionaux de l’IHEDN… Intervenant souvent dans des milieux différents, il leur est difficile de coordonner et de mettre en perspective leurs actions. Le Livre blanc devrait d’ailleurs utilement contribuer à enrichir cette réflexion et proposer des pistes de modernisation.

La réorganisation interne du programme pourrait ainsi privilégier trois pistes de réflexion. La première concerne l’entretien, la maintenance et les travaux immobiliers des sépultures et nécropoles militaires. L’action 2 « politique de mémoire » du programme 167 y consacre 140 000 euros et investit plus de 2 millions d’euros dans la rénovation de lieux de mémoire en France ou à l’étranger. Or, le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comprend lui aussi une action consacrée à l’entretien des lieux de mémoire. Les crédits restent certes regroupés au sein de la même mission, mais ne serait-il pas plus pertinent de les globaliser au sein d’une même action ?

Un effort similaire de rassemblement pourrait être effectué pour les différents musées et les archives. L’action 3 du programme 167 voit en effet toujours lui échapper les crédits des musées propres à chaque armée, alors que la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives a par exemple activement participé à l’obtention du label « musée de France » pour les musées de Fréjus, de Draguignan et du Val-de-Grâce. De même, elle ne pilote qu’une partie de la politique des archives puisque celles du service national dépendent du bureau central des archives administratives militaires de Pau, le BCAAM, placé sous l’autorité de la direction du service national. La suppression de la conscription devrait toutefois conduire à la disparition progressive de ce service et au regroupement progressif des archives de la défense au service historique de la défense (SHD).

Enfin, une rationalisation de la politique de communication doit encore être opérée. Seule la moitié des crédits effectivement affectés à la communication du ministère apparaît dans le programme avec les sommes attribuées à la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICoD) et à l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD). L’autre moitié est répartie entre les armées et les entités du ministère qui disposent de leurs propres moyens de communication.

Le rapporteur a ensuite souhaité insister sur les principales orientations budgétaires du projet de loi de finances. Trois des quatre actions du programme voient leurs crédits nettement diminuer en 2008. Cette diminution globale de 2,3 % doit cependant être appréhendée avec beaucoup de prudence compte tenu notamment de l’abondement de crédits prélevés sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense ». Le programme 167 ne comportant pas d’action de soutien, il bénéficie depuis sa création des prestations du programme 212. Les fonctions transversales de gestion centrale, de politique immobilière, de systèmes d’information et de communication et d’accompagnement des politiques de ressources humaines sont réparties au profit des différentes actions publiques. En 2008, la contribution du programme 212 représente 38,9 millions d’euros, soit 13 % du total du programme « Liens entre la Nation et son armée », dont 20 millions d’euros pour la JAPD et 18 millions pour la promotion et la valorisation du patrimoine culturel.

Ce soutien permet de maintenir les crédits affectés au programme, voire de les augmenter. Toutefois, une part importante d’entre eux ne sera plus directement gérée par les responsables des budgets opérationnels du fait de la ventilation opérée entre les programmes. Cette présentation budgétaire affaiblit la responsabilité des responsables de programme et, avec la multiplication des acteurs, risque de nuire à l’efficacité du contrôle de gestion infra-annuel. Un effort de cohérence doit donc également intervenir entre les différents programmes du ministère de la défense.

Seuls les crédits de l’action 2 « politique de mémoire » augmentent considérablement, les crédits de paiement passant de 5 millions d’euros en 2007 à 9 millions d’euros en 2008. Les dépenses d’intervention connaissent la plus forte hausse avec 3 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ce changement relève toutefois de phénomènes temporaires liés à la célébration du 90e anniversaire de l’armistice de 1918 et à la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc. Parallèlement à ces actions ponctuelles, la rénovation et la réhabilitation du patrimoine font l’objet d’efforts conséquents comme la rénovation à hauteur de 400 000 euros du cimetière de Thessalonique en Grèce, ou la modernisation du Mémorial du Mont Faron (400 000 euros) et de l'historial Charles de Gaulle aux Invalides (17,5 millions).

Il a enfin souligné le rôle primordial de la journée d’appel et de préparation à la défense. Chaque année, 780 000 jeunes d’une classe d’âge participent en France et à l’étranger à une JAPD. Dernier élément obligatoire du parcours d’éducation à la défense, la JAPD comprend des enseignements généraux sur les droits et devoirs du citoyen et sur l’organisation et les métiers de la défense ainsi qu’un module d’initiation au secourisme et des tests de maîtrise de la langue française. Le protocole conclu avec le ministère de l’éducation nationale, dans sa version de janvier 2007, définit les modalités de préparation, la mise en œuvre et l’exploitation de ces tests d’évaluation. Les jeunes détectés en difficulté sont alors reçus en entretien individuel par des personnels de la direction du service national qui transmettent ensuite leurs dossiers aux missions locales pour l’emploi ou aux autres organismes d’insertion comme l’EPIDe. Charge à eux d’assurer un suivi de moyen et de long terme, la JPAD ne pouvant qu’enclencher un dispositif.

En ce qui concerne l’EPIDe, son budget faisant encore l’objet de négociations interministérielles, le rapporteur a appelé la commission à veiller à la pérennisation de ce dispositif innovant et performant qui redonne aux jeunes en difficulté une véritable seconde chance.

En conclusion, il a fait valoir que le développement et la force de l’esprit de défense, terme préférable aux liens entre la Nation et son armée, relèvent plus de choix d’organisation et de mise en cohérence que d’arbitrages budgétaires. Le montant des crédits qui y est consacré semble aujourd’hui suffisant, il ne doit pas faire l’objet de réductions ni de hausses significatives. En revanche, une réflexion en profondeur sur la nomenclature budgétaire et surtout sur l’organisation administrative des actions est indispensable.

Rappelant que les problèmes de revalorisation des pensions de réversion des veuves d’anciens combattants et des pensions des anciens combattants ont été évoqués lors de l’audition du Secrétaire d’État à la défense, chargé des Anciens combattants, il a indiqué qu’une réflexion est actuellement en cours au sein de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et devrait permettre d’aligner sur le minimum vieillesse les pensions de réversion. En ce qui concerne les retraites des anciens combattants, des amendements examinés lors de la discussion en séance publique devraient permettre d’augmenter de deux points l’indice actuel.

Après avoir souligné les efforts majeurs consentis pour la rénovation ou la modernisation de lieux de mémoire comme le cimetière de Thessalonique ou le Mémorial du Mont Faron, le président Guy Teissier a relevé la situation délicate de l’EPIDe. La contrainte budgétaire forte empêche de maintenir l’objectif initial de 20 000 places. Un rapport rédigé lors de la précédente législature met en évidence les clés du succès de ce programme. Pour garantir la pérennité de l’existant, il a invité le rapporteur à intervenir sur le sujet, au nom de l’ensemble des commissaires, lors de la discussion du budget en séance publique.

M. Yves Fromion a indiqué avoir obtenu du Premier ministre l’assurance que les crédits nécessaires pour 2007, mais faisant actuellement défaut, soit environ 20 millions d’euros, seraient effectivement ouverts et qu’en 2008, les dotations permettraient d’assurer le fonctionnement des centres existants et d’ouvrir comme prévu cinq autres établissements.

M. François Cornut-Gentille a rappelé que le financement de ces centres relève du budget des affaires sociales et suggéré que le ministre compétent soit interpellé. Il a suggéré de se rapprocher de la commission des affaires sociales pour réfléchir sur une action commune.

Le rapporteur a précisé que les engagements évoqués n’ont pas encore été signés. Le financement de l’EPIDe étant assuré par le Fonds de cohésion sociale, pour un budget initial d’environ 100 millions d’euros, il a approuvé la proposition de saisir également le ministre concerné. La réussite de l’EPIDe tient au bassin d’emploi dans lequel il s’insère et à la bonne adéquation entre les formations dispensées et les possibilités de débouchés. Les bons résultats enregistrés invitent à poursuivre ce programme.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a ensuite donné un avis favorable au programme « Liens entre la Nation et son armée » et émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

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Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces (air) » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Viollet, les crédits de la Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces (air) », pour 2008.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis, a estimé que l’examen du projet de budget de la défense pour 2008 intervient cette année dans un contexte particulier, tout à la fois de bilan de la loi de programmation militaire 2003-2008 et de préparation de l’avenir. Il a donc souhaité, au-delà de la traditionnelle présentation des crédits, se livrer à quelques réflexions de nature plus prospective sur les défis et perspectives de l’armée de l’air dans les prochaines années.

S’agissant en premier lieu des crédits accordés à l’armée de l’air pour 2008, l’action 4, « préparation des forces aériennes », du programme 178 a pour objectif de maintenir et renforcer les capacités opérationnelles de l’armée de l’air ; elle prévoit 4,969 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 5,095 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2008, soit une baisse de 0,37 % des autorisations d’engagement et de 0,94 % des crédits de paiement. Cette année encore, ce sont les moyens de fonctionnement qui seront les plus contraints avec une baisse de plus de 3 % par rapport à 2007, alors qu’une partie de ces crédits est dépendante du cours du baril de pétrole, en constante mutation, et de la parité euro/dollar. En tout état de cause, il conviendra de préserver le nombre d’heures de vol pour garantir la capacité opérationnelle des pilotes, objectif prioritaire de l’armée de l’air.

Il a ensuite souligné, au sujet des crédits d’équipement, qu’un bouleversement complet de la nomenclature du programme 146, passée d’une présentation par armées en 2007 à une ventilation par systèmes de forces et capacités maîtresses, ne permet plus à un rapporteur de disposer d’une base de référence claire pour évaluer les crédits d’équipement destinés à une armée. Si l’on peut comprendre la volonté de valoriser la dimension inter-armée, un tableau comparatif aurait été nécessaire pour assurer efficacement l’information du Parlement.

Le rapporteur a ensuite exposé quelques réflexions plus prospectives.

Il a estimé que la première des priorités de l’armée de l’air doit être la poursuite des modernisations en cours, tant des structures que des pratiques. Beaucoup de chemin a déjà été fait mais de vrais choix restent encore en suspens.

Ainsi, si l’on peut considérer que le plan AIR 2010, décidé en 2000, est en voie d’accomplissement, il doit désormais trouver son prolongement dans la rationalisation du schéma d’implantation des bases aériennes. Il existe aujourd’hui 37 bases en métropole, dont 24 plates-formes aéronautiques, et 7 en outre-mer. Tout le monde s’accorde à reconnaître que ce format devra être réduit mais la réorganisation prendra du temps, car les bases ne sont pas des entités indépendantes mais des structures qui fonctionnent en réseau, et l’efficacité de ce réseau repose sur un maillage géographique et fonctionnel équilibré, adapté à l’engagement des moyens aériens. Les choix de rationalisation devront donc s’inscrire dans la logique du milieu aérospatial et s’appuyer sur un faisceau de critères. Un premier projet sera présenté en 2008 par l’état-major de l’armée de l’air avant de passer au filtre des examens interarmées et interministériel. En outre, un délai minimum de deux ans sera respecté entre l’annonce d’une décision et la fermeture effective d’une base, afin de prendre en compte les effets humains et territoriaux.

Il a ensuite relevé quelques autres chantiers de modernisation. La création du Service industriel de l’aéronautique (SIAé) en janvier prochain est tout d’abord un bon exemple de ce qu’il faut faire en matière de soutien : sans départir l’État d’un outil industriel performant, indépendant et efficace, ce service va permettre un regroupement des savoir-faire et une rationalisation des pratiques afin d’assurer une meilleure qualité de service à moindre coût.

Par ailleurs, l’externalisation reste potentiellement intéressante, à condition qu’elle fasse l’objet d’une coopération réelle des militaires et des industriels. De ce point de vue, l’externalisation de la maintenance de l’outil de formation des pilotes sur la base de Cognac, précédée d’un dialogue compétitif entre militaires et industriel, peut faire figure d’exemple, et on pourrait sans aucun doute envisager de poursuivre cette démarche dans d’autres domaines, dans la mesure où cela constituerait une opportunité de rationaliser les pratiques, d’alléger les charges de gestion courante et, ainsi, de concentrer les moyens disponibles sur l’opérationnel.

Enfin, le contrôle de coûts de revient des marchés de matériels et équipements militaires réalisé par le Bureau de l’expertise des coûts de la DGA permet d’avoir une vision claire des coûts constatés et de disposer de références pour les marchés futurs. Ce service a ainsi permis des gains non négligeables de plusieurs dizaines de millions d’euros sur certains marchés. Il y a là un gisement d’économies à exploiter, y compris pour d’autres services acheteurs en quête de transparence.

Le rapporteur a ensuite estimé qu’en matière d’opérations d’armement, l’armée de l’air devait préparer l’avenir autour de deux axes principaux : la modernisation des moyens pérennes et l’adéquation des équipements nouveaux au juste besoin. Il a ensuite décliné quatre priorités : assurer la crédibilité de la composante aéroportée de la dissuasion, rétablir la capacité de transport, disposer d’un système de combat polyvalent et adaptable et acquérir la maîtrise de l’information en temps réel au niveau du théâtre.

Comment traduire ces priorités en termes d’équipement ?

Sur le Rafale tout d’abord, il a considéré que la passation de la 4e commande globale de 60 appareils conditionne tout à la fois la cohérence industrielle et économique du projet et la rationalisation des forces aériennes, grâce au désarmement des Mirage F1, dont le maintien en service coûtera de plus en plus cher. Cette 4e commande est nécessaire, tant pour la dissuasion que pour la capacité de frappe en profondeur.

En ce qui concerne l’aéromobilité, il a rappelé que la capacité de projection française correspond au tiers de la capacité anglaise et à la moitié de la capacité allemande et que la France ne peut satisfaire que 30 % de son contrat opérationnel de fret dans le cadre de la Force de réaction immédiate. Il y a donc urgence, et les retards de l’A400M n’arrangent rien… Quant aux futurs MRTT, une solution pourrait peut-être résider dans l’achat immédiat, par l’État, de quelques appareils, à compléter ensuite par un recours à une solution de service. Il faudra en tout cas se décider en 2009.

Sur les systèmes de combat, il a souligné la nécessité de la commande des METEOR, missiles air-air longue distance aux performances cinétiques remarquables qui confèreront aux Rafale une supériorité indéniable dans les combats et l’autodéfense.

Enfin, il a évoqué la question des drones, qui semblent être un terrain privilégié pour la confusion et l’indécision. À l’heure où la plupart des armées modernes se dotent de cette capacité stratégique, il est primordial que la France ne soit pas absente de ce terrain. L’obtention du renseignement est une fonction de plus en plus essentielle à la défense et à la sécurité d’une nation, qui conditionne l’indépendance opérationnelle et tactique des forces armées. Maîtriser la technologie des drones et notre équipement dans ce domaine est donc un enjeu essentiel qui, jusqu’à présent, ne semble pas avoir été pris en compte à hauteur de son importance. C’est pourquoi il a souhaité que la commission puisse créer une mission d’information sur ce sujet essentiel pour la défense nationale.

Deux systèmes aéronautiques coexistant, l’armée de l’air et l’aéronavale, M. Philippe Vitel a demandé s’il était envisagé de les réunir au sein d’une même structure.

Après avoir considéré que les efforts d’interarmisation doivent être encouragés, le rapporteur a estimé que la constitution du SIAé participe de cette démarche pour ce qui est du MCO des forces aéronautiques.

A ce sujet, le président Guy Teissier a estimé que les comportements évoluent : alors que chaque année, les armées de terre et de l’air réalisaient leurs démonstrations en parallèle, à Mourmelon et à Orléans, elles ont cette année présenté une prestation commune. Cet évènement témoigne d’une volonté d’interarmisation harmonieuse et intelligente.

M. Jean-Claude Viollet a souhaité en conclusion rendre hommage au travail réalisé par M. Jean-Louis Bernard, son prédécesseur sous la précédente législature.

Le rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a donné un avis favorable au programme « Préparation et emploi des forces » : « air ».

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Mission « Défense » : « équipement des forces » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la Mission « Défense » : « équipement des forces », pour 2008.

M. François Cornut-Gentille a présenté les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008 au titre du programme 146 « Équipement des forces », qui s’élèvent à 9,855 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 10,422 milliards d’euros en crédits de paiement. Parmi les autorisations d’engagement, en baisse de 3 % par rapport à 2007, on peut relever 3 milliards d’euros pour le second porte-avions, 793 millions d’euros pour les Rafale, 617 millions d’euros pour le NH90 et 330 millions d’euros pour le VBCI. Au sein des crédits de paiement, en baisse de 0,2 % par rapport à 2007, figurent 1,265 milliard d’euros pour les Rafale, 461 millions d’euros pour l’A400M, 330 millions d’euros pour les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda et 133 millions d’euros pour le programme de frégates Horizon. Ces montants inscrivent le projet de loi de finances dans la continuité de la réalisation des objectifs de la loi de programmation militaire 2003-2008.

En 2008, les principales livraisons concerneront 14 avions Rafale, dont 7 pour l’armée de l’air et 7 pour la marine, 240 missiles sol-air modulaire (AASM), 41 VBCI, 70 missiles MICA et une frégate Horizon. Les principales commandes porteront sur le second porte-avions, le premier SNA Barracuda, 8 avions Rafale, dont 6 pour l’armée de l’air et 2 pour la marine, 116 VBCI, 22 NH90 et plus de 5 000 systèmes Felin.

Il a ensuite souhaité faire deux observations.

Tout d’abord, la dissuasion consomme, à elle seule, 18,4 % des crédits du programme 146. D’aucuns considèrent que des économies ou des réductions de format pourraient être réalisées dans ce domaine, mais il convient de rappeler les propos tenus par le Président de la République lors de sa visite du site de l’Île Longue le 13 juillet dernier : celui-ci a fermement confirmé la doctrine française de dissuasion. Dans une période de réarmement généralisé, il n’est pas concevable de réduire l’effort consacré à la dissuasion, qui devra donc être poursuivi au même coût qu’aujourd’hui.

D’autre part, en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO), la dotation pour l’année 2008, tous programmes confondus, s’élève à 3,4 milliards d’euros. Dans ce domaine, l’augmentation constante des coûts aura constitué une des préoccupations de la loi de programmation militaire. La disponibilité des matériels s’est certes améliorée, mais pas autant que l’on aurait pu l’espérer. La problématique reste donc entière.

Évoquant l’avenir, le rapporteur a considéré que les retards annoncés pour la livraison de l’avion A400M posaient de sérieux problèmes à l’armée de l’air, qui se voit contrainte de maintenir à grands frais des appareils en bout de course. Il a fait part de son inquiétude au sujet de déclarations ambiguës faites par les partenaires allemands du projet, qui laissaient entrevoir un risque d’abandon de leur part. Seul point positif, les retards de l’A400M repoussent d’autant les paiements concernés et, partant, la « bosse » budgétaire attendue dès 2009.

Dans le domaine des drones, il est regrettable que la France ait perdu son avance dans ce secteur stratégique alors que les besoins de financement ne sont pas considérables. Il s’est dit, après M. Jean-Claude Viollet, favorable à l’idée de créer une mission d’information à ce sujet.

Quant à la DGA, une réforme d’ampleur semble nécessaire pour remédier à certains dysfonctionnements. Ainsi, sur le Rafale, il n’y a pas eu de dérive des coûts mais bien une difficulté de la DGA à programmer et échelonner les financements.

De façon plus globale, la réforme de la défense doit être poussée, particulièrement au sein du Conseil de systèmes de forces présidé par le chef d’état-major des armées, où la répartition des rôles entre les divers responsables doit être précisée.

Le programme 146 et les équipements de défense sont au cœur de la réflexion en cours au sein de la commission sur le Livre blanc, de la revue des programmes et de la révision générale des politiques publiques. Si d’aucuns s’interrogent sur les rôles respectifs de chacun de ces exercices, le rapporteur a considéré que les décisions prises à l’issue de la revue des programmes influeront très certainement sur le contenu du prochain Livre blanc.

Enfin, la problématique européenne est aujourd’hui une question majeure pour l’avenir de la défense. Il s’agira de parvenir à travailler ensemble et en même temps à la réalisation d’un programme d’équipement.

Le président Guy Teissier a considéré que, sur les points de préoccupation évoqués par le rapporteur, comme l’A400M et les drones, la commission devait effectivement demeurer vigilante. Il a ensuite estimé qu’une réforme de la DGA devrait nécessairement trouver sa place dans le futur Livre blanc.

M. Philippe Vitel a souhaité connaître la tendance en matière d’ouverture des marchés de MCO à la concurrence : constate-t-on des progrès ou bien une stagnation ?

Le rapporteur pour avis a estimé, au vu de ses différentes auditions, que l’ouverture à la concurrence des marchés de MCO était effectivement en progrès et constituait une préoccupation bien réelle pour les structures concernées.

Évoquant les perspectives de coopération internationale en matière de MCO, M. Alain Rousset a souhaité que la France ne soit pas trop naïve : tous nos partenaires européens font en sorte que les commandes militaires irriguent essentiellement leur tissu industriel national, comme en témoigne l’exemple de l’Espagne dans le projet de l’A400M. Il a ensuite souhaité que l’on ne fasse pas de la DGA le bouc émissaire de l’échec de la vente des Rafale au Maroc, alors que les décisions ont été prises à un niveau plus élevé et que la perte du marché résulte principalement d’un mauvais fonctionnement interministériel.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a alors donné un avis favorable au programme « Équipement des forces ».

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Mission « Défense » : « Équipement des forces (espace, communications, dissuasion) » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Sainte-Marie, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces (espace, communications, dissuasion) » pour 2008.

M. Michel Sainte-Marie, rapporteur pour avis, a rappelé les liens historiques et techniques unissant la dissuasion nucléaire et l’espace. Si ces deux domaines participent directement à l’autonomie stratégique, des différences sensibles se manifestent sur le plan du traitement budgétaire : la dissuasion reste, à juste titre, prioritaire, tandis que l’espace est placé dans une situation moins confortable, les arbitrages ne lui étant pas toujours favorables.

Il a noté que la modernisation de l’outil de dissuasion s’inscrit dans un contexte préoccupant de prolifération nucléaire et balistique, tandis que les autres États dotés de l’arme nucléaire au sens du traité de non prolifération poursuivent la remise à niveau de leurs arsenaux. Face à ces évolutions, la décision prise dans les années 1990 de moderniser les deux composantes de la dissuasion était des plus justifiées. Après des années d’investissements importants, puisque la dissuasion nucléaire représente toujours de l’ordre de 20 % des crédits d’équipement du budget de la défense, les principaux programmes d’armement sont en bonne voie et les échéances de mise en service se rapprochent.

La modernisation de la force océanique stratégique (FOST) repose tout d’abord sur le programme SNLE-NG, largement entamé puisque trois exemplaires sont opérationnels. La construction du quatrième exemplaire, Le Terrible, se poursuit avec une admission au service actif prévue pour 2010. Il sera le premier bâtiment de ce type doté du missile M51. Ce dernier est destiné à emporter les futures têtes nucléaires océaniques et à permettre une augmentation de l’« allonge » de la dissuasion. D’une manière générale, on peut souligner que le calendrier d’ensemble du renouvellement de la FOST est particulièrement serré, avec les difficultés inhérentes à la convergence en 2010 des échéances de deux programmes aussi complexes que le SNLE-NG et le M51.

En ce qui concerne la modernisation de la composante aéroportée, elle s’appuie principalement sur le missile air sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), qui devrait permettre un accroissement sensible de la portée et de la précision. Ce programme se déroule sans incident. L’ASMP-A équipera tout d’abord un escadron de Mirage 2000N en 2009, puis un escadron de Rafale F3 en 2010. A cette même date, ce missile équipera également les Rafale marine. La composante aérienne représente 15 % des crédits d’équipement de l’agrégat nucléaire. La France dispose d’un acquis technologique significatif dans le domaine de la propulsion par statoréacteur qu’il conviendra de maintenir au-delà de l’achèvement du programme ASMP-A, notamment au regard des programmes menés par de nombreux pays dans le domaine du vol hypersonique.

Enfin, s’agissant du programme de simulation, essentiel pour garantir la fiabilité des armes sans essais, le principal chantier est constitué par le laser mégajoule. Les travaux de génie civil devraient s’achever en 2008, l’installation des lasers est en cours depuis mars dernier et la première expérience d’ignition est prévue en 2012.

Le rapporteur a ensuite abordé le sujet de l’espace. Celui-ci constitue davantage un objet de préoccupation, non pas que les principaux programmes n’aient pas été menés à bien mais parce que les perspectives d’avenir ne sont pas des plus claires. La LPM 2003-2008 a permis de mettre en service des programmes importants lancés auparavant, comme Hélios II pour l’imagerie et Syracuse III pour les télécommunications. Le renforcement des capacités nationales est complété par des accords d’échanges en matière d’imagerie radar avec nos partenaires italiens et allemands. Si la LPM prévoyait un montant moyen annuel de crédits de paiement sur la période de 450 millions d’euros environ, les crédits effectivement consommés se sont en fait élevés à un peu plus de 370 millions d’euros par an jusqu’en 2006. Des retards dans l’exécution de programmes ont limité les besoins en crédit et il a été décidé d’étaler l’acquisition des stations sol de Syracuse III tout en réduisant leur nombre. En outre, le projet de loi de finances interrompt la tendance à la hausse des dotations initiales pour le secteur spatial militaire observée depuis 2004. Ainsi, les crédits de paiement figurant au sein du programme 146 et les études amont espace baissent de 16,2 % par rapport à la loi de finances pour 2007. Le phénomène est encore plus marqué s’agissant des autorisations d’engagement avec une diminution de 70,3 %.

Il a estimé que les questions désormais posées sont les suivantes : comment assurer le renouvellement des capacités existantes ? Quels nouveaux programmes choisir pour pallier les lacunes ? Quel peut être le degré de coopération européenne ?

Face aux lacunes françaises et européennes, diverses mesures palliatives ont été prises pour se doter d’embryons de capacités ou des connaissances nécessaires, notamment au travers des programmes d’études amont (PEA). L’un d’eux a permis la mise en service récente du radar Graves, qui offre une première capacité de cartographie des objets en orbite. Les PEA ont été particulièrement tournés vers le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), avec les démonstrateurs ESSAIM et ELISA. Les premiers travaux ont commencé pour la préparation d’un véritable programme dans ce dernier domaine, baptisé CERES, ouvert à la coopération européenne et dont la mise en service pourrait intervenir à partir de 2013.

Il a jugé que ces pistes d’accroissement des capacités méritent d’être poursuivies mais que l’enjeu principal reste la succession d’Hélios II à l’horizon 2015. Le projet MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System) a été lancé à cet effet en 2005 et vise à répondre à l’ensemble des besoins en matière d’observation. La France a mené des études préalables pour la composante optique au travers des crédits du budget commun de recherche et de développement affectés au CNES. Le budget de la défense doit désormais prendre le relais pour la phase de conception, l’exercice 2008 devrant être marqué par l’adoption d’un document de lancement. Sur ce point, l’évolution des autorisations d’engagement affectées à l’espace dans le projet de loi de finances n’est guère rassurante et il conviendra de veiller strictement à ce que la recherche d’économies limitées ne se traduise pas par une perte de capacité en 2015, fût-elle temporaire, dans un domaine aussi essentiel que le renseignement optique. S’agissant de la question du degré de coopération européenne, le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement ont récemment adressé un lettre aux partenaires de la « communauté Hélios » en vue d’aller plus loin dans la coopération, y compris dans des domaines relevant traditionnellement de la souveraineté des États comme la programmation des prises de vue. Les bénéfices d’une plus grande intégration seraient à la fois budgétaires et opérationnels, sans parler de la contribution souhaitable à la construction de l’Europe de la défense. Tous ces éléments doivent cependant être appréciés au regard du caractère impératif du calendrier, une coopération moins ambitieuse pouvant être une solution plus efficace.

Le rapporteur a conclu en jugeant que 2008 serait l’année de choix décisifs, qu’il s’agisse de MUSIS ou, plus largement, de la place que le Livre blanc et la future LPM accorderont à la dimension spatiale.

M. Gilbert Le Bris a considéré que la période était également charnière pour la dissuasion nucléaire. L’évolution du contexte stratégique a conduit dans le passé à l’abandon de la composante terrestre. Il n’est pas envisageable que la commission du Livre blanc fasse l’économie d’une réflexion sur l’utilité du maintien de la composante aérienne. Un choix devra donc être effectué en 2008 au regard de l’amélioration du potentiel de la composante océanique, des scénarios d’utilisation potentielle et de l’état des finances publiques.

Le président Guy Teissier a reconnu qu’il s’agit d’un véritable débat. Il a en outre indiqué qu’en réponse aux nombreux souhaits d’une meilleure association de la commission de la défense aux travaux d’élaboration du Livre blanc, une audition de son président, M. Jean-Claude Mallet, serait organisée prochainement. Elle sera suivie par des réunions permettant d’entendre différents responsables civils et militaires participant à ce travail de prospective.

Le rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a donné un avis favorable au programme « Équipement des forces (espace, communications et dissuasion) ».

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