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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 29 avril 2008

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Rencontre avec une délégation de la commission de la défense du Bundestag

Rencontre avec une délégation de la commission de la défense du Bundestag, conduite par sa présidente, Mme Ulrike Merten

La commission de la défense et des forces armées a rencontré une délégation de la commission de la défense du Bundestag, conduite par sa présidente, Mme Ulrike Merten.

Après avoir salué la présence de Mme Ulrike Merten , présidente de la commission de la défense du Bundestag, le président Guy Teissier a présenté les autres membres de la délégation : M. Karl A. Lamers, président adjoint de la commission, M. Bernd Siebert, délégué aux affaires de défense du groupe CDU/CSU, M. Rainer Arnold, délégué aux affaires de défense du groupe SPD, M. Paul Schäfer, délégué aux affaires de défense du groupe Die Linke, et M. Winfried Nachtwei, délégué aux affaires de défense du groupe Bündnis 90/Die Grünen.

Il a rappelé que la France est engagée dans une grande réforme de sa défense. Une commission a été chargée de réfléchir à un nouveau Livre blanc qui définira la stratégie et les moyens militaires de notre pays pour les prochaines années. C’est dans ce cadre qu’une délégation associant la commission du Livre blanc et la commission de la défense s’est récemment rendue à Berlin. Il a ensuite évoqué la réorganisation du ministère de la défense et des armées, avec probablement à la clé une réforme des bases militaires, et le prochain débat sur le projet de réforme constitutionnelle qui confère au Parlement de nouveaux pouvoirs dans le domaine de la défense.

Il a enfin observé que le Président de la République a fait de la relance et du renforcement de l’Europe de la défense une priorité de la prochaine présidence française de l’Union européenne. L’engagement des troupes allemandes et françaises sur différents théâtres d’opérations extérieures et les programmes d’armement réalisés en commun sont également des sujets de débat pour la France et l’Allemagne.

La présidente Ulrike Merten a remercié la commission pour son accueil chaleureux et souligné que cette réunion permet d’approfondir les discussions engagées lors de la visite précitée d’une délégation française à Berlin. Elle s’inscrit au reste dans une longue tradition de rencontres régulières entre les parlementaires des deux pays marquant l’importance de la relation franco-allemande.

Elle a indiqué que le Bundestag a procédé la semaine dernière à la ratification du traité de Lisbonne. Après un débat passionnant et passionné, une très nette majorité s’est dégagée en faveur du traité. A cette occasion, il a été souligné combien étaient importants les progrès réalisés dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). L’Allemagne a initié une profonde réforme de ses structures de défense, cette réforme étant elle-même évolutive en fonction d’une situation changeante et des besoins liés à une participation croissante à des opérations extérieures. Si le processus est bien engagé, il ne faut cependant pas masquer la difficulté de l’exercice, notamment en raison des conséquences des réductions d’effectifs et des fermetures d’implantations militaires sur le tissu économique local. La réforme du ministère de la défense doit poursuivre au premier chef l’objectif d’efficacité des forces et ne peut se substituer aux réformes structurelles. Elle ne peut cependant être menée en faisant complètement abstraction de son impact économique et social.

Comme en France, les débats sur les opérations extérieures portent sur leurs objectifs, sur les zones d’intervention choisies et sur les limites imposées à l’action des forces. En Allemagne, le Parlement joue un rôle très important s’agissant de l’autorisation de déployer des troupes à l’étranger. Dans les deux pays, il n’y a pas suffisamment de débats associant l’opinion publique sur ces opérations, ce qui peut poser un problème de légitimité en limitant le soutien qui leur est apporté par les citoyens. C’est une faiblesse à laquelle il convient de pallier.

Mme Ulrike Merten a ensuite jugé utile que la question de la PESD soit abordée dans la discussion entre parlementaires, notamment en ce qui concerne ses rapports avec l’OTAN.

Le président Guy Teissier a estimé que le problème des suppressions d’implantations militaires est subi douloureusement par les villes et les élus concernés, les régiments étant parfois présents depuis très longtemps et constituant un élément structurant des économies locales. Les armées françaises avaient déjà fait face à une première réforme de grande ampleur au travers de la professionnalisation ; cette mutation ayant été d’autant plus difficile que l’attachement au principe de la conscription était fort. Grâce au savoir faire et à la discipline militaires, cette réforme a pu être menée à bien et l’appareil de défense doit désormais affronter une deuxième vague de restructurations. Malgré les difficultés qui en résultent, les parlementaires comprennent le bien fondé de cette réforme. Il est en effet impossible de faire face en l’état actuel à l’ensemble des besoins financiers en matière de fonctionnement, d’opérations extérieures et, surtout, d’équipement des forces ; et ce en dépit d’un effort budgétaire qui place la France aux tous premiers rangs en Europe avec le Royaume-Uni. Des sacrifices difficiles sont donc inévitables.

S’agissant du Livre blanc, il convient de souligner qu’il s’inscrit dans un cadre plus large que lors des exercices de ce type précédents, le Président de la République ayant tenu à ce qu’il porte également sur la sécurité nationale, afin de prendre en compte l’ensemble des menaces.

Comme l’Allemagne, la France est très attachée à faire avancer l’Europe de la défense et le débat sur l’éventuelle réintégration par la France de l’ensemble des structures de commandement de l’OTAN doit s’inscrire précisément dans cette perspective. La construction d’une défense européenne plus forte devrait également être favorisée par les avancées du traité de Lisbonne.

M. Karl A. Lamers s’est à son tour réjoui de l’organisation de cette rencontre, qui permet d’entretenir le dialogue entre deux pays alliés et amis. Une telle concertation ne peut que faire avancer l’Europe. Il a ensuite évoqué l’évolution du rôle de l’OTAN, qui est aujourd’hui un acteur majeur de la sécurité et de la stabilité mondiales, y compris en dehors des frontières de l’Alliance, et a fait de la lutte contre le terrorisme son objectif premier. L’annonce par la France de son retour dans la structure de commandement intégré est très positive car c’est ensemble que les nations occidentales pourront le mieux faire face aux défis du monde actuel. Sur cette question des opérations extérieures, qui sont toujours très discutées en Allemagne et souvent peu populaires, il a souhaité savoir quelles étaient les réactions des citoyens français et comment celles-ci s’exprimaient auprès des députés dans leurs circonscriptions.

Il s’est ensuite interrogé sur l’articulation de l’OTAN et de la PESD ainsi que sur la vision française de cette complémentarité, puisque la France souhaite, tout à la fois, renforcer sa présence dans l’Alliance et relancer la PESD.

M. Philippe Vitel a confirmé que le Président de la République a fait de la construction de l’Europe de la défense une priorité de la présidence française de l’Union européenne, qui débutera le 1er juillet prochain. Quant au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, il est encore en débat mais la France est, d’ores et déjà, bien présente au sein de nombreuses structures de l’Alliance si bien qu’en pratique, son éventuel retour dans la structure intégrée ne changera pas grand-chose. Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’Afghanistan, il a approuvé le renforcement de la présence française, en estimant que la pacification de ce pays est indispensable si l’on souhaite éviter une déstabilisation totale de toute cette région du monde.

Il a ensuite estimé que, quels que soient les pays, les questions de pouvoir d’achat, de chômage et de protection sociale constituent le quotidien des citoyens, bien plus que les engagement militaires extérieurs, qui demeurent assez mal connus. En réalité, il existe un décalage total entre la perception que les spécialistes ont de ces questions et leurs concitoyens, qui ne se sentent pas concernés. Il revient donc aux politiques de mieux communiquer sur les enjeux de ces missions et sur les menaces auxquelles elles répondent. Les parlementaires auront prochainement à faire face à ce même type d’incompréhension lorsqu’il s’agira d’appliquer la nouvelle doctrine de sécurité et de défense induite par les conclusions du Livre blanc et de la revue générale des politiques publiques. Celle-ci maintient en effet l’exigence d’une capacité de défense globale mais dans le respect d’un principe de stricte suffisance. La loi de programmation militaire qui sera votée à l’automne tirera nécessairement les conséquences de cette double exigence et certaines décisions difficiles devront être bien expliquées.

Il a enfin souhaité connaître la position de l’Allemagne sur la mise en place par les États-Unis d’un second bouclier antimissile en Pologne.

M. Jean-Claude Viollet s’est tout d’abord interrogé sur le rôle de l’OTAN dans le monde actuel, compte tenu de son passé et de sa conception initiale dans un monde bipolaire marqué par la guerre froide, ainsi que sur son articulation avec l’ONU et son insertion dans le droit international. Le retour de la France dans la structure de commandement intégré est en effet très lié au rôle que l’OTAN entend jouer dans le maintien de la paix mondiale. En ce qui concerne plus spécifiquement l’Afghanistan, l’action militaire, même renforcée, n’est pas à elle seule en mesure d’assurer la stabilisation du pays. Une clarification du projet politique s’appuyant sur un bilan des actions engagées depuis plusieurs années est indispensable si l’on veut véritablement progresser vers la paix.

Il a souhaité connaître le rôle du Parlement allemand en matière de défense, en rappelant qu’en France, si quatre parlementaires participent à la commission de réflexion sur le Livre blanc, celui-ci ne sera pas formellement adopté par le Parlement.

Il a, par ailleurs, évoqué la nécessité, pour l’Europe, de conserver une industrie de défense autonome, gage d’une liberté de décision stratégique, et appelé de ses vœux un renforcement des coopérations franco-allemandes, notamment dans le domaine spatial.

Le président Guy Teissier a rappelé que selon un sondage récent, 86 % des Français ont une très bonne ou une bonne image de leur armée, ce qui est le meilleur résultat jamais atteint. Pour ce qui est des opérations extérieures, les Français approuvent généralement la participation de la France à des missions de rétablissement ou de maintien de la paix. C’est ainsi que le premier envoi de troupes en Afghanistan a plutôt été bien reçu. Il s’agissait alors, aux côtés de nombreux alliés, de rétablir la paix après la chute du régime des Talibans et cela a bien été compris. La situation est aujourd’hui ressentie différemment car, en l’absence de progrès notables et dans un contexte de tensions croissantes, les interventions s’apparentent de plus en plus à des opérations de guerre. Si les soldats français assurent principalement des missions d’encadrement et de formation, celles-ci impliquent également souvent d’accompagner l’armée afghane au combat. Il est tout à fait clair que l’intervention armée ne suffira pas pour faire la paix en Afghanistan. Elle ne peut constituer qu’un aspect d’une politique plus générale, et l’on peut déplorer que l’aide économique et financière soit aujourd’hui insuffisante pour sortir le pays du marasme. Les actions sécuritaires et militaires sont un moyen pour restaurer la paix et la sécurité mais ne sont certainement pas suffisantes.

La présidente Ulrike Merten a noté avec intérêt la participation de parlementaires à la commission de réflexion sur le Livre blanc. En effet, en Allemagne, il s’agit d’un document purement gouvernemental et les parlementaires ne disposent d’aucune compétence formelle ni pour son élaboration ni pour son adoption. Néanmoins, des échanges sur les différents sujets abordés ont régulièrement lieu en amont entre le gouvernement et le Parlement. Les situations respectives des deux parlements restent finalement similaires puisque aucun d’eux ne dispose de prérogative décisionnelle en la matière.

Au sujet de l’Afghanistan, il est incontestable que le développement du pays ne pourra être assuré sans sécurité. La commission de la défense du Bundestag et les ministres concernés sont d’accord là-dessus. Les interventions militaires sont indispensables tant que les Afghans ne sont pas en mesure d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Les États de l’Union européenne s’investissent fortement dans les actions de formation et d’accompagnement des forces afghanes mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir, comme le montre le récent attentat contre le président Karzaï. L’intervention militaire n’est qu’un élément de la stabilisation du pays, mais un élément nécessaire et réclamé par les associations civiles travaillant à la reconstruction de l’Afghanistan.

M. Rainer Arnold, du groupe SPD, a relevé que la population française conçoit naturellement son pays comme un acteur crédible dans le domaine international alors que la population allemande estime que son pays ne peut, au mieux, qu’être un simple partenaire parmi d’autres. Le Parlement allemand décide du déclenchement des OPEX, ce qui permet parfois au Gouvernement d’éviter des erreurs.

Une participation plus forte de la France à l’OTAN constitue une condition essentielle pour le développement d’une politique européenne de défense commune, en levant les inquiétudes de nos partenaires. Il serait souhaitable de donner pendant ces prochains mois un véritable contenu à la PESD en profitant de l’espace laissé vacant en raison de la campagne présidentielle américaine. Il convient de veiller attentivement à ce que l’Alliance atlantique ne devienne pas un obstacle à l’émergence de structures régionales de sécurité dans des régions telles l’Afrique ou l’Asie et le Pacifique. En ce qui concerne le volume des armées, l’Allemagne suit attentivement l’évolution de la France. L’approche ne devrait pas être seulement budgétaire : il faut profiter de cette occasion pour accroître la fusion de certaines capacités dans les domaines du transport, de la reconnaissance et de la marine.

Évoquant la question du bouclier antimissile, il a souhaité dépassionner le dossier qui relève avant tout de relations bilatérales avec les États-Unis. En tout état de cause, il faudra tenir compte de la position de la Russie, partenaire indispensable pour résoudre le dossier iranien. L’Allemagne n’envisage pas de menace réelle pour laquelle un tel bouclier serait indispensable et préfère réserver à l’amélioration de la protection de ses soldats les deux milliards d’euros qu’elle pourrait être amenée à dépenser dans cette affaire si elle décidait d’y participer. Dans le domaine des équipements, chaque pays doit assurer ses propres restructurations industrielles, la coopération pouvant venir ensuite. À cet égard, la France devra renoncer à la maîtrise de cent pour cent du capital de certains de ces concepteurs de systèmes si elle souhaite que des partenariats soient noués.

La présidente Ulrike Merten a considéré que, si la France comme l’Allemagne ont consolidé leurs architectures industrielles respectives, il convient désormais de définir clairement les capacités véritablement nécessaires, ce qui permettra naturellement de faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire. De son côté, la réussite de l’AED, à laquelle chacun a intérêt, dépend désormais du lancement de projets communs concrets.

M. Bernd Siebert, du groupe CDU/CSU, a souligné le caractère amical des liens unissant la France et l’Allemagne depuis des décennies. La perspective d’une réintégration par la France de l’ensemble des structures de l’OTAN constitue un grand pas, même si l’intensité du débat engagé à ce sujet n’est pas passée inaperçue en Allemagne. Les conclusions du sommet de Bucarest ont pu faire l’objet d’interprétations contrastées entre les différents partenaires de la coalition au pouvoir en Allemagne, mais le dialogue engagé entre MM. Bush et Poutine constitue un élément très positif.

Si nos deux pays travaillent étroitement ensemble dans de nombreux domaines de l’industrie de défense, ils n’en doivent pas moins conduire des programmes avec d’autres partenaires européens afin d’asseoir leur position au plan international. La France est sur le point de procéder à la deuxième réforme en profondeur de son outil de défense. Un débat est désormais engagé en Allemagne sur le maintien de la conscription : quels sont les retours d’expérience de la professionnalisation en France ? Les objectifs ont-ils été atteints ?

La population allemande perçoit mal ce qui motive les interventions armées à l’extérieur, toute particulièrement en Afghanistan ; cela est dû à une information insuffisante sur le bilan des actions déjà menées. Ainsi, dans la partie nord de ce pays, où l’Allemagne exerce le commandement des opérations, les améliorations concrètes peuvent être mises en avant. Un « bouclier » militaire protège efficacement les actions civiles. 3 500 soldats allemands sont présents sur l’ensemble du territoire afghan, les avions Tornado assurent des missions de reconnaissance et l’Allemagne assurera la mission de force de réaction rapide à compter du 1er juillet. Des infrastructures ont vu le jour : routes, hôpitaux, écoles… C’est en soulignant ces éléments positifs qu’il sera possible d’obtenir l’assentiment de nos opinions publiques.

M. Winfried Nachtwei, du groupe Bündnis 90/Die Grünen, a considéré que le rôle du Parlement allemand dans le déclenchement des opérations extérieures a constitué une condition sine qua non pour que l’Allemagne tienne aujourd’hui sa place dans la gestion des situations de crise internationales. Le dispositif ainsi mis en place a fait ses preuves. C’est sur cette base qu’il faut désormais convaincre les concitoyens de la nécessité de tenir un rôle de puissance moyenne au plan international. Ainsi, jusqu’en 2003, les relations de l’Allemagne avec l’Afrique concernaient avant tout le partenariat et la coopération ; depuis l’opération Artémis, elles englobent aussi des objectifs de politique de sécurité. Les récentes opérations dans les Balkans ou en Afghanistan ont confronté les troupes à des situations de gestion de crises de dimensions inédites. Il faut désormais s’organiser pour faire face à leur durée et à leur complexité, ces interventions comprenant également des aspects civils importants, économiques, diplomatiques et policiers. Or, l’opinion n’a souvent conscience que de ce qui va mal, ignorant la complexité du contexte. Ainsi, la société afghane est culturellement très éloignée de la nôtre et très fragmentée. Il est, par ailleurs, très difficile de coordonner l’action de l’ensemble des pays présents sur le terrain, auxquels il faut ajouter des ONG qui doivent apprendre à travailler en coopération dans des conditions raisonnables.

Le président Guy Teissier a indiqué que le Livre blanc français constituera une contribution à un éventuel Livre blanc européen, afin, notamment, de définir les capacités dont nous aurons besoin en commun.

La professionnalisation a été un succès sur le plan militaire : les hommes sont mieux équipés, mieux entraînés et plus motivés puisqu’ils ont fait le choix du métier des armes. La nécessité de la réforme a été soulignée à l’occasion de la participation à la première guerre du Golfe, la France ne disposant pas alors des effectifs suffisants en militaires professionnels pour prévoir une relève et ne pouvant engager des appelés du contingent. Aujourd’hui, les candidats sont nombreux : deux pour un poste de simple soldat, huit par poste de sous-officier et dix-huit candidats par place offerte dans une grande école d’officiers. Les armées disposent ainsi, pour le moment, d’une ressource de bonne qualité. Certes, d’aucuns regrettent la conscription, notamment pour le brassage d’individus de tous horizon qu’elle rendait possible et pour sa valeur civique et patriotique. Ainsi, à l’époque, soixante-dix pour cent des jeunes étaient hostiles au service militaire avant de l’effectuer, alors que soixante-dix pour cent de ceux qui l’avaient fait s’en déclaraient satisfaits.

M. Philippe Folliot s’est interrogé sur la perception par l’Allemagne de la présence de troupes françaises stationnées sur son sol, alors que le soixante-troisième anniversaire de l’armistice de 1945 approche. Il a souhaité également connaître les impressions allemandes sur l’intervention réalisée en coopération avec la France au Congo il y a trois ans, les militaires français n’ayant eu que des louanges à l’égard de leurs homologues allemands.

La présidente Ulrike Merten a indiqué que, la France étant amie de l’Allemagne, ses troupes étaient les bienvenues. La perspective d’une diminution des effectifs militaires français pose désormais la question des conséquences de ce processus sur la présence sur le sol allemand et sur le sort de la brigade franco-allemande. Cela n’est pas sans entraîner certaines inquiétudes, ne serait-ce que pour des raisons liées à l’économie locale.

En ce qui concerne l’engagement en République démocratique du Congo, le débat a été très vif. Cependant, les objectifs de cette mission étaient clairs, avec une durée bien déterminée à l’avance. Cela a permis à l’opinion publique de mieux percevoir le rôle que l’Europe doit tenir en Afrique. L’excellence de la coopération franco-allemande a aussi constitué un gage de succès. Cependant, la durée de la mission limitée à quatre mois a rendu le déroulement de celle-ci complexe au plan pratique, les forces allemandes se trouvant de ce fait tributaires de leurs partenaires européens pour certains aspects logistiques.

M. Karl A. Lamers a rappelé que lors du débat parlementaire sur l’intervention en République démocratique du Congo, une discussion approfondie et intense avait eu lieu sur le sens et les objectifs de l’opération. L’un des éléments ayant finalement permis d’emporter largement la conviction de l’opinion publique a été la définition très précise d’une durée maximum d’intervention et d’une stratégie de sortie, ce qui contraste avec la plupart des engagements militaires, dont la fin est le plus souvent incertaine.

Il a souligné que le monde avait profondément changé depuis 1945, la France et l’Allemagne n’étant plus seulement des alliées mais également des amies. La présence de troupes françaises en Allemagne reste à ce titre parfaitement bienvenue.

M. Rainer Arnold a estimé qu’il était désormais temps que la brigade franco-allemande, avec sa bonne expérience de travail en coopération, soit utilisée lors d’une opération de stabilisation, les parlementaires ayant sans doute un rôle à jouer pour encourager leurs gouvernements respectifs dans cette voie.

Si l’Allemagne a pris conscience des enjeux de sécurité commun en Afrique, la France demeurera sans doute encore longtemps l’acteur européen principal dans cette zone. L’Allemagne ayant pour sa part davantage d’expérience et d’intérêts dans les balkans et au Proche–Orient, c’est sans doute sur cette base qu’il conviendrait de réfléchir à une forme de répartition géographique des responsabilités.

Le président Guy Teissier a considéré que cette dernière suggestion était intéressante et méritait d’être étudiée.

Abordant le volet industriel de la construction de l’Europe de la défense, il a souligné combien l’évolution des statuts des anciens arsenaux français avait été importante, permettant désormais d’envisager des partenariats européens sur la base d’équilibres réciproques. Ainsi, DCNS est juridiquement prête pour que soient menées des discussions sérieuses avec ThyssenKrupp. Toutefois, avant d’envisager de nouer des partenariats capitalistiques, il faut s’interroger sur le niveau pertinent de consolidation : au vu des difficultés rencontrées à l’occasion d’opérations impliquant plusieurs pays, on peut se demander si des rapprochements bilatéraux ciblés ne sont pas plus efficaces, tant en termes de préservation de l’emploi que de maintien dans les États concernés de capacités jugées indispensables.

La présidente Ulrike Merten a admis que les coopérations multilatérales en matière d’armements engendraient effectivement souvent des situations complexes, comme en témoignent l’éclatement des sites de production pour la construction de l’A400M. Ce problème restera posé malgré la mise en place de l’AED et il ne fait pas de doute qu’il existe des limites à ce type de coopération. Il convient cependant d’aborder avec pragmatisme la question du nombre de partenaires impliqués, l’échelon approprié pouvant être bilatéral dans certains cas, tandis que davantage d’intervenants peuvent être nécessaires dans d’autres. La vraie question à poser est celle du degré de consolidation dont nous avons besoin en Europe, sachant qu’au bout du compte, un certain degré de concurrence entre les États ne pourra pas être évité, chacun souhaitant conserver une forme d’autonomie dans des domaines d’importance stratégique.

M. Philippe Vitel a fait part de son accord avec cette approche. Il est des domaines stratégiques pour lesquels il est illusoire de rechercher une mise en commun ; en revanche, de larges possibilités de mutualisation existent, notamment dans le domaine de la recherche et technologie, en amont des programmes d’armement. Par ailleurs, il est contre-productif de laisser s’exercer une concurrence aussi forte qu’actuellement entre industriels européens de défense sur les marchés à l’exportation, avec le risque d’un gaspillage d’énergie et de concessions commerciales exagérées mettant en péril l’équilibre financier des contrats conclus. La concurrence de la France et de l’Allemagne sur le marché des sous-marins au Pakistan en est un bon exemple. Le problème de la capacité à exporter des matériels devrait être davantage pris en compte dans le lancement de programmes d’armement. Sur tous ces points, une coopération accrue entre la DGA et son équivalent allemand serait la bienvenue.

La présidente Ulrike Merten a estimé qu’il revenait désormais à l’AED d’analyser les besoins communs à moyen et à long terme et de mettre en place les programmes communs susceptibles d’y répondre. La prochaine génération de véhicules blindés pourrait être l’occasion d’une telle démarche et des études en ce sens ont déjà été engagées. Il convient également de veiller à ce que les exigences des différents États ne mettent pas en péril l’interopérabilité des équipements. Il s’agit d’un combat éternellement renouvelé car la tentation de privilégier des solutions nationales est toujours forte, même si au bout du compte elle obère les possibilités de coopération en Europe.

Le président Guy Teissier a partagé ce constat : combattre les égoïsmes nationaux est nécessaire mais restera toujours difficile. Il a jugé indispensable que soit organisée une véritable préférence européenne dans l’attribution des marchés de défense. Par ailleurs, il n’est pas normal que les pays qui consentent les efforts les plus significatifs pour la défense commune de l’Europe soient pénalisés par le pacte de stabilité, et ce alors même que le traité de Lisbonne vise à renforcer les investissements dans le domaine de la défense au travers des coopérations structurées permanentes. Enfin, il a invité les membres de la délégation allemande à participer aux universités d’été de la défense, qui se tiendront à Saint-Malo en septembre.

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