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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 2 novembre 2010

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 09

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente puis de M. Michel Herbillon, vice-président

– Projet de loi de finances pour 2011 :

• Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la mission Culture 2

• Examen pour avis des crédits de la mission Culture :

(Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture : Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis ; Patrimoines : Mme Monique Boulestin, rapporteure pour avis) 28

– Présences en réunion 29

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 2 novembre 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la mission « Culture » pour 2011.

Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui va nous présenter les crédits de la mission « Culture » pour 2011.

En raison d’un calendrier très contraint, nous avons dû organiser cette réunion très peu de temps avant l’examen des crédits en séance publique, qui aura lieu jeudi matin. Je pense qu’il était important que nous ayons un premier échange dans le cadre de notre Commission.

Nous nous reverrons dans le cadre d’une commission élargie avec nos collègues de la Commission des finances, jeudi après-midi, pour examiner les crédits de la mission « Médias ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente de la Commission, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil.

« La culture, c’est l’art de transformer une journée de travail en une journée de vie ». Ainsi s’exprimait Jacques Duhamel, ministre des affaires culturelles de 1971 à 1973. Cette maxime me semble plus que jamais d’actualité à l’heure où la culture est accessible à travers les objets de notre quotidien – ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes –, à l’heure où par ailleurs le quotidien, la rue, influencent profondément les productions culturelles.

Chacun ici sait combien notre environnement budgétaire est particulièrement tendu, chacun mesure combien sont fortes les contraintes qui pèsent sur le budget de l’État. Néanmoins, je me suis engagé et battu pour maintenir notre ambition culturelle et pour préserver cet « État culturel » parfois décrié ici, souvent admiré en Europe et dans le monde.

C’est pourquoi je suis très heureux de pouvoir exposer devant vous les lignes principales du budget pour 2011. C’est un budget consolidé, c’est un budget préservé, c’est aussi un budget qui nous permet d’afficher notre ambition culturelle et de donner corps aux nouvelles priorités d’action de mon ministère. Les crédits de la mission « Culture » sont en effet en légère augmentation, de 1,1 %, s’établissant à 2,7 milliards d’euros – hors crédits de la réserve parlementaire et avant les transferts. C’est un budget conforté, cela mérite d’être souligné, si l’on songe par exemple à d’autres États membres de l’Union européenne qui ont choisi de tailler, parfois massivement, dans leur budget de la culture pour faire face à la crise de leurs finances publiques. Nous serons donc en mesure de poursuivre les grands chantiers engagés et de mettre en valeur des priorités nouvelles.

Ce budget entend poursuivre la politique de mise en valeur de tous les champs culturels.

Le programme « Patrimoines », tout d’abord, connaîtra une hausse de 1,6 %, pour s’établir à 868 millions d’euros. L’accent a été mis sur les crédits déconcentrés en région, parce qu’ils permettent de mettre en valeur les territoires et de créer des emplois.

Conformément à l’engagement du Président de la République, les monuments historiques bénéficieront l’année prochaine de moyens reconduits par rapport à 2010, avec un budget de 375 millions d’euros, si l’on compte les 10 millions issus de la taxe sur les jeux en ligne affectés au Centre des monuments nationaux (CMN). Entretenir aujourd’hui, c’est aussi investir pour avoir moins à restaurer demain.

Je tiens à souligner que, sur cette enveloppe reconduite, la part destinée aux régions est en augmentation de 3 %. Par ailleurs, l’effort réalisé en faveur des monuments historiques n’appartenant pas à l’État se poursuivra en 2011, pour atteindre 53 % des crédits dédiés aux monuments historiques. Ce sont les preuves d’un engagement fort et d’une ambition économique et touristique à l’attention des collectivités locales. Dans le même esprit, les crédits de l’archéologie, en forte hausse, vont permettre la mise en place de centres de conservations et d’études sur le territoire dans le cadre d’une politique durable de conservation.

Cet accent mis sur le développement des territoires, vous le retrouvez pour les musées, dont le budget augmente de 26 millions pour atteindre 372 millions d’euros. Le plan « Musées en région » proprement dit pourra s’appuyer en 2011 sur 25 millions d’euros, sur les 70 millions prévus jusqu’en 2013. Ce plan concerne des projets de rénovation, d’extension, voire de construction, de 79 établissements de nature très différente et répartis sur l’ensemble du territoire. Dans ce dispositif, l’État joue pleinement son rôle d’incitateur : il s’agit de créer un effet levier favorable au développement de l’attractivité de nos régions.

Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques (RGPP) nous a conduits à baisser de 5 % les subventions de fonctionnement des grands établissements publics. Cependant, la Réunion des musées nationaux (RMN), le Louvre, le Musée d’Orsay, le Centre Pompidou, le Musée du Quai Branly, le Centre des monuments nationaux et la Bibliothèque nationale de France (BnF) restent et doivent rester les acteurs majeurs de notre politique patrimoniale. Leurs ressources propres sont dynamiques, leur capacité d’investissement pluriannuel est maintenue, leur rayonnement international conforté.

Parmi les grands chantiers emblématiques que ce budget 2011 permet de porter, je citerai bien sûr le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (MUCEM). 30 millions d’euros seront ainsi consacrés l’année prochaine à l’aménagement du site paysager du fort Saint-Jean et à la réalisation du projet architectural de Rudy Ricciotti. Nous sommes sur la bonne voie pour permettre au MUCEM d’ouvrir ses portes à l’horizon 2013, lorsque Marseille sera capitale européenne de la culture. À Paris, parallèlement, le programme de rénovation du Musée Picasso sera lancé en 2011. Ces deux projets immobiliers sont emblématiques de la politique de grands projets du ministère que je poursuis : ils apportent leur contribution à l’excellence architecturale de notre pays, ils sont une vitrine et un vecteur de rayonnement pour notre culture.

À Paris également, la Maison de l’histoire de France figure parmi les grands projets culturels qui vont bénéficier de crédits mis à disposition par ce budget, notamment pour l’ouverture des jardins du quadrilatère de Rohan-Soubise au public et l’exposition de préfiguration à la fin de 2011. C’est un grand projet voulu par le Président de la République. Il permet d’apporter un nouveau souffle à neuf musées nationaux dont les collections sont exceptionnelles. Plus qu’un musée, il s’agira d’une Maison, c’est-à-dire d’un réseau ouvert à la communauté des chercheurs, à la communauté des historiens, ouvert aux nombreux musées d’histoire présents en régions, mais aussi aux musées européens, à ceux de Berlin, de Londres ou de Turin, par exemple. Cette Maison de l’histoire de France sera aussi un lieu de diffusion des recherches et du savoir, en d’autres termes un pont entre l’histoire et le grand public.

Parallèlement, le budget des archives, de 66 millions d’euros, nous permettra de respecter le calendrier de construction du Centre des archives de Pierrefitte : la livraison du bâtiment de Massimiliano Fuksas est prévue pour la fin de l’année, avec une ouverture au public en 2012. Ce sera le centre d’archives le plus vaste et le plus moderne d’Europe. Je tiens à souligner qu’un effort particulier a également été fait en faveur des centres d’archives en régions, qui bénéficient d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros.

Ce budget traduit donc une grande ambition pour nos archives, ces lieux qui sont la mémoire de la nation, ces lieux qui sont aussi la traduction d’une continuité de l’État et du droit, ces lieux enfin qui sont au cœur du lien subtil entre le passé et le présent dans notre pacte républicain.

Le budget consacré au patrimoine linguistique est, pour sa part, plus que préservé, puisqu’il connaît une augmentation de 2 %, à hauteur de 2,5 millions d’euros, afin de donner à l’action de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France la visibilité et la continuité dont elle a besoin. La notion de « patrimoines » – au pluriel – est à cet égard significative : le patrimoine n’est pas figé, il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et se construit dans le présent. Du patrimoine rural – fontaines, halles, lavoirs – au patrimoine immobilier en passant par les grands sites industriels, mais aussi la langue française et les langues de France, les patrimoines sont une richesse vivante.

Le programme « Création » entend préserver la diversité et la qualité du spectacle vivant. Le budget consacré à la création est en hausse de 13 millions, pour s’élever désormais à 736 millions d’euros, soit une augmentation de 1,8 %. Sur cette enveloppe, le spectacle vivant, qui compte pour 90 % de ce montant global, voit ses crédits pratiquement stabilisés. L’effort important sur le budget des arts plastiques vise, quant à lui, à mettre en œuvre les travaux de rénovation du Palais de Tokyo.

En ce qui concerne le spectacle vivant, la reconduction des crédits de fonctionnement à hauteur de 276 millions d’euros représente, je tiens à le rappeler, un succès – si l’on veut bien se rappeler qu’il y a quelques mois encore il était question de diminuer ces crédits d’intervention de 10 %. C’est la marque d’un engagement maintenu de l’État en faveur de la création et de l’émergence de jeunes créateurs. Les dotations destinées aux grandes institutions dédiées à la création et à la diffusion de la danse, de la musique, du théâtre, des arts de la rue et du cirque sont, dans l’ensemble, reconduites, car les structures financières de ces établissements restent souvent fragiles.

L’année 2011 sera par ailleurs essentielle pour la réforme du secteur du spectacle vivant. Les conclusions des « Entretiens de Valois » ont été tirées, et mon ministère va procéder à la redéfinition du périmètre et des modalités d’intervention de l’État. Qu’il s’agisse des labels ou du fonctionnement des comités d’experts, accompagner la transformation est une nécessité à la fois pour l’État, pour les opérateurs et pour les établissements, dans le cadre d’un dialogue véritablement responsable. Dans un paysage européen en pleine évolution, ne pas transformer le panorama de la création aujourd’hui mettrait en péril les formes d’expression dont nous aurons besoin demain.

L’enveloppe consacrée aux arts plastiques connaît une forte hausse pour 2011, passant de 57 à 74 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement liée au lancement du chantier de rénovation des espaces inférieurs du Palais de Tokyo, qui seront totalement consacrés à l’art contemporain et ouvriront au public au printemps 2012. La création artistique bénéficiera ainsi d’un outil de niveau international qui lui permettra de couvrir l’ensemble de son spectre, des talents émergents aux artistes confirmés, en particulier ceux issus de la scène française. Ce sera un élément important au service de l’attractivité de Paris dans un marché de l’art de plus en plus globalisé.

Le budget consacré aux arts plastiques a été conçu pour veiller également au développement de notre réseau d’institutions en région. À Marseille, à Besançon, à Bordeaux, à Rennes ou encore à Orléans, plusieurs fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) vont en effet s’installer dans de nouveaux locaux, ce qui nécessite un effort particulier en investissements. Or j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’artistes forts sans un monde de l’art fort. On ne pourra pas encourager la promotion de nos artistes, notamment à l’étranger – dimension essentielle dans un monde ouvert et connecté par de multiples réseaux – si l’on ne promeut pas, dans le même temps, le travail de tous les acteurs qui contribuent à leur vitalité en France.

La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture sont au cœur de mes priorités : c’est l’ambition que je porte de la « culture pour chacun ».

Développer l’accès à la culture pour les publics qui en sont éloignés, redynamiser le lien social en développant les pratiques culturelles qui favorisent la mixité, former les futurs créateurs et les futurs artistes, c’est à mon sens conforter le rôle de l’éducation dans toutes ses dimensions ; c’est aussi participer à la refondation du « pacte républicain » ; c’est, enfin, redonner un sens à notre projet « vivre ensemble ». C’est toute l’ambition du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les crédits pour 2011 s’élèveront à 433 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 635 millions d’euros pour les crédits de personnels. Cette enveloppe nous permettra de préserver nos dispositifs en faveur des publics les plus éloignés de l’offre culturelle : les quartiers, les personnes handicapées, ou encore les territoires ruraux qui, pour leur part, feront l’objet d’un plan « Culture en milieu rural ».

La légère baisse de 2 %, hors réserve parlementaire, que connaît le programme est pour l’essentiel due au fait qu’une partie de l’action internationale et de l’éducation culturelle et artistique jusque-là prise en charge par le programme lui-même le sera désormais directement par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Par ailleurs, des économies de fonctionnement du ministère seront réalisées à hauteur de 5 millions d’euros en misant sur la rationalisation des politiques d’achat, du parc de véhicules, des frais de missions. Face à ces efforts nécessaires, les crédits d’action culturelle, eux, sont stabilisés ou en hausse.

J’en veux pour preuve le budget de l’action « Enseignement supérieur », qui sera très largement préservé. Qu’il s’agisse des écoles d’architecture, des écoles des beaux-arts ou encore de la FEMIS, les dotations de fonctionnement pourront être actualisées et les crédits d’investissements seront revus à la hausse. Les travaux de rénovation pourront par ailleurs être poursuivis – je pense notamment aux écoles d’architecture de Strasbourg et de Clermont ou encore à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Je tiens également à rappeler que les emplois d’enseignants sont, pour leur part, sanctuarisés, puisque la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne s’appliquera pas dans ce secteur.

Pour finir, je voudrais évoquer plus particulièrement avec vous l’éducation culturelle et artistique et l’action en faveur de l’accès à la culture. Je suis en effet convaincu de leur importance dans la formation de la sensibilité de l’individu, mais aussi dans la construction du citoyen. Car il ne saurait y avoir d’accès à la culture sans une appropriation des œuvres par le public : il faut sans cesse le former et susciter sa curiosité, son désir. C’est un travail de Sisyphe, mais c’est un travail indispensable et qui pourra être couronné de succès.

J’ai voulu, comme vous le savez, donner une nouvelle dynamique à la démocratisation de la culture, en lançant notamment une consultation au niveau régional et national sur la « culture pour chacun ». Sur les 77 millions d’euros qui sont consacrés à cette dernière, des redéploiements internes vont nous permettre en 2011 de dégager 3 millions d’euros supplémentaires pour les régions, disponibles pour de nouveaux appels à projet.

Ce budget pour 2011 nous permettra donc de préserver pleinement l’ambition de la politique culturelle de l’État, avec un effort particulier en ce qui concerne son action territoriale, ce qui représente un signal important à l’attention des collectivités locales. Il nous donnera également les moyens de poursuivre les chantiers d’envergure auxquels je suis attaché, et d’ouvrir de nouvelles priorités, notamment dans le domaine de l’accès à la culture. Toute mon ambition consiste à préserver le périmètre d’action du ministère de la culture, mais aussi à tenir compte des profondes évolutions dans l’accès aux œuvres et à la création – l’individualisation, la numérisation – et à favoriser l’ouverture de nouveaux « territoires » pour nos artistes et nos créateurs.

En d’autres termes, je souhaite gérer au mieux le legs transmis par les ministres de la culture qui se sont succédé rue de Valois, mais aussi anticiper ce que seront notre patrimoine et notre création à l’horizon de vingt ou trente ans. En effet, le bon gouvernement, c’est être gestionnaire, mais c’est aussi se projeter dans l’avenir.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Monsieur le ministre, je ferai d’abord une remarque de forme : les programmes et actions de la mission « Culture » ont subi cette année des changements majeurs, changements qui rendent la lecture des documents budgétaires très peu aisée, certains découpages laissant perplexe, notamment le regroupement des crédits « livres » et « industries culturelles » au sein du programme « Presse ». Je regrette vivement l’absence de lisibilité des documents budgétaires et déplore ces changements incessants de maquette qui nuisent à l’efficacité du contrôle parlementaire sur les finances de l’État.

S’agissant du budget de la culture pour 2011 proprement dit, on note une stagnation pour la création et la démocratisation culturelle.

La mission « Culture » sera dotée en 2011 de 2 708,01 millions d’euros en autorisations d’engagement (plus 4,04 % par rapport à 2010) et de 2 672,81 millions d’euros en crédits de paiement (moins 0,15 % par rapport à 2010).

Notons, tout d’abord, une programmation pluriannuelle 2011-2013 plutôt alarmante, plus particulièrement en ce qui concerne le programme « Création ». Cela est d’autant plus inquiétant que la question de la répartition des financements État-collectivités n’est pas réglée, loin s’en faut. Les Entretiens de Valois sont au point mort et la réforme des collectivités territoriales fait peser de très lourdes incertitudes sur le budget de ces dernières.

Le budget du programme « Création » est relativement stable, la hausse de 4,24 % des autorisations d’engagement s’expliquant principalement par les moyens supplémentaires en faveur des arts plastiques et la programmation de travaux pour la Comédie Française, le Théâtre national de Chaillot, l’Opéra comique, le Centre national de la danse et la Cité de la céramique à Sèvres.

Plus inquiétant : les crédits de paiement stagnent à + 1,84 %, pour une inflation de 1,5 %.

Le spectacle vivant est en difficulté. Son budget est en régression, avec 3,13 millions d’euros de crédits supprimés.

Les crédits des opérateurs nationaux stagnent (+ 0,72 %) en 2011, mais les crédits de fonctionnement en région sont en baisse significative, ce qui est dramatique. Ainsi, un nombre important d’équipes artistiques, de scènes conventionnées, de festivals ne sera plus soutenu par le ministère, de même que des salles de musiques actuelles (SMAC), qui verront leur label supprimé.

Dans le domaine des arts plastiques, la priorité est le Palais de Tokyo et les manifestations d’art contemporain au Grand-Palais. Pourtant, l’image de la France n’est pas seulement Paris.

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le désengagement du ministère est là aussi réel.

Le tableau est sombre : les crédits de paiement sont en forte baisse (- 7,57 %), alors que le programme est déjà mis à mal depuis plusieurs années. Cette baisse s’explique, selon le ministère, par le transfert de crédits vers le CNC. La situation est en réalité plus complexe : il ne s’agit pas d’un transfert, mais d’un désengagement du ministère, le CNC finançant désormais ces actions sur ses fonds propres. Je suis extrêmement inquiète de cette « débudgétisation » déguisée de l’action culturelle : que se passera-t-il demain si le budget du CNC devient moins dynamique ? Devra-t-il choisir entre action culturelle et financement de la création ? Là encore, il est inadmissible que la culture seule finance la culture.

L’examen du projet annuel de performances permet malheureusement de mieux comprendre comment se répartissent les coupes budgétaires : les pratiques amateurs sont, cette année encore, très touchées. Comment parler de démocratisation de la culture et développer une véritable politique d’aménagement culturel du territoire sans les structures d’animation que constituent les réseaux amateurs ?

L’éducation artistique et culturelle voit ses crédits stagner si l’on prend en compte les actions financées par le CNC, ce qui équivaut à un budget en baisse en valeur réelle.

Par ailleurs, que dire du Conseil pour la création artistique, voulu par le Président de la République ? Je m’interroge sur cet « ovni » qui, pour moi, n’a rien à faire dans le paysage culturel français. Nous sommes nombreux à souhaiter sa suppression afin que ses crédits soient réaffectés à votre ministère, monsieur le ministre.

En ce qui concerne l’éducation artistique et culturelle, le Président de la République soulignait, dans la lettre de mission envoyée à Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture, que l’éducation artistique et culturelle devait devenir une priorité commune du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale afin de « faire tomber la barrière qui s’est progressivement dressée entre le monde éducatif et le monde de la culture du fait de la séparation des deux ministères. »

J’ai donc souhaité mesurer les progrès accomplis depuis 2005 par ces deux ministères et vérifier l’adéquation entre les ambitions affichées et les moyens disponibles sur le terrain.

Parmi les nombreux plans mis en œuvre, je me suis penchée plus particulièrement sur le dernier en date, celui du 24 avril 2008, qui prévoit la multiplication par quatre du nombre de classes à horaires aménagés et leur extension au domaine des arts plastiques et du théâtre ; le développement, dans et hors l’école, des pratiques artistiques ; l’évolution des concours de recrutement, de la formation initiale et continue des enseignants ; la création d’un grand portail interministériel de l’éducation artistique et culturelle ; la création d’un nouvel enseignement d’« histoire des arts ».

Hélas, les intentions sont largement contredites par les faits.

L’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, tant du corps enseignant que des institutions culturelles, nous ont fait part d’une très forte inquiétude sur quatre points : le désengagement croissant du ministère de l’éducation nationale sur cette thématique ; le manque de lisibilité des actions en régions et dans les établissements scolaires ; la formation des enseignants ; l’enseignement de l’histoire des arts ; le portail numérique.

En ce qui concerne le budget du ministère de la culture, la priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle peut être évaluée du fait de l’existence d’une action spécifiquement dédiée. Toutefois, il n’est pas possible d’évaluer les sommes engagées par les institutions subventionnées par le ministère : je le déplore, d’autant qu’elle a déjà été dénoncée en 2005 par Mme Muriel Marland-Militello au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En effet, certaines institutions culturelles ont de véritables actions en direction de la démocratisation de la culture, tandis que d’autres se contentent d’une politique d’affichage.

Concernant le ministère de l’éducation nationale, l’évaluation du budget consacrée à l’éducation artistique est très délicate : le ministère est dans l’incapacité de fournir des données chiffrées précises sur les budgets alloués aux différents dispositifs d’éducation artistique. À cette opacité la plus totale s’ajoute un fait plus alarmant encore : plusieurs enseignants et des intervenants ont confirmé lors de leur audition l’évolution à la baisse dramatique du financement des dispositifs. De plus, le Gouvernement a mis fin à des mises à disposition d’enseignants dans les structures culturelles en raison de la création du portail numérique. Je déplore cette décision, qui a contribué à désorganiser les services éducatifs des institutions culturelles, d’autant qu’un outil numérique ne remplacera jamais la présence continue et de longue durée d’enseignants dans les structures.

Par ailleurs, bien que le ministère de la culture ait mis en place des conventions avec les établissements culturels pour faire de l’éducation artistique une vraie mission éducative, trop de disparités subsistent entre les établissements. Il conviendrait de leur allouer des budgets permettant de mener de front actions culturelles et projets artistiques sans avoir constamment à choisir les uns au détriment des autres.

En ce qui concerne les établissements scolaires, le plan de 2008 a renforcé l’exigence d’inclure un volet culturel au sein du projet d’établissement. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale est aujourd’hui incapable de fournir des informations sur la présence, ou l’absence, d’un tel volet dans les projets d’établissement. Cette situation est inacceptable car une obligation non contrôlée relève de l’incantation.

Il n’existe pas non plus d’évaluation des plans mis en œuvre ni d’analyse géographique et sociale fine des enfants concernés par les dispositifs. C’est regrettable. En effet, seule une politique cohérente, généralisée et réfléchie sur un territoire donné, visant à offrir à l’ensemble des élèves une pratique artistique au cours de la scolarité, permettra la généralisation effective de l’éducation artistique que chacun semble appeler de ses vœux.

Je souhaite également insister sur la formation artistique et culturelle des enseignants et des responsables d’établissement. Les auditions ont largement montré que la réforme des IUFM et la mastérisation ont rendu aléatoire la formation artistique des enseignants. De plus, la diminution des budgets ne permettra pas d’assurer la formation continue des professionnels et des futurs professionnels.

Le plan de 2008 prévoit également la création d’un enseignement obligatoire de l’histoire des arts. Or toutes les personnes que nous avons auditionnées ont évoqué leurs difficultés à saisir le périmètre exact de cet enseignement et les modalités de sa mise en œuvre, d’autant que les enseignants n’y ont absolument pas été formés. Il est vrai que l’annonce de cette mesure n’a pas été suivie d’un plan de formation des enseignants, ce qui est une erreur. Il est par ailleurs à craindre que la mise en œuvre de cet enseignement n’ait pour conséquence la diminution de la place accordée aux pratiques artistiques sur le temps scolaire et leur relégation en dehors des heures scolaires, en particulier dans le cadre de l’accompagnement éducatif.

Je finirai par le portail numérique : toute ressource, numérique ou non, n’est qu’un support qui doit susciter l’envie chez l’enfant – vous l’avez du reste rappelé, monsieur le ministre, vous qui êtes très attaché à la culture pour chacun. Le développement de ces outils ne doit pas empêcher les élèves de sortir de leur établissement, sous le prétexte que les ressources seraient disponibles sur écran. En ces temps de disette budgétaire, très marquée à l’éducation nationale, la tentation risque d’être grande. Il convient de l’éviter à tout prix, au risque de ruiner des années de travail partenarial entre les institutions culturelles et les établissements.

Mme Monique Boulestin, rapporteure pour avis pour le programme « Patrimoines ». « Une fois ou deux elle avait jeté un œil sur le livre que sa sœur lisait, mais il ne contenait ni image ni conversation, et, se disait Alice, à quoi peut bien servir un livre où il n’y a ni image ni conversation ? ». Pour paraphraser Alice, monsieur le ministre, nous pourrions nous demander à quoi bon examiner un budget dédié aux patrimoines réservés ? Et pourtant, territoire de secrets, de rêves et d’imaginaires collectifs, espace protégé, parfois, réservé aux coulisses de la mémoire, ce que nous appelons notre patrimoine mérite toute notre attention.

C’est pourquoi, sans reprendre l’intégralité de mon rapport, je concentrerai mon propos sur trois des points les plus importants.

Ma première remarque portera, comme celle de Mme Marie-Odile Bouillé, sur la forme : la maquette du budget en rend difficile la lecture et la comparaison rétrospective est malaisée. C’est pourquoi nous vous demandons avec insistance de bien vouloir revenir à une présentation du budget qui distingue, avec clarté, les moyens mis en œuvre pour les médias et ceux relatifs à la culture, en y incluant livres, industries culturelles et enrichissement des collections publiques. En effet, dans ce nouveau périmètre, que devient la réflexion sur la numérisation du patrimoine écrit contemporain : manuscrits, carnets de notes, livres uniques ou œuvres orphelines, sur lesquels nous vous avons déjà longuement interrogé ? Comment en négocier la diffusion après numérisation ? Dans le même ordre d’idée, comment faire évoluer notre patrimoine cinématographique, qui n’a rien à faire au sein des crédits de la mission « Médias » ? Enfin, comment évaluer le coût de la gratuité dans les collections permanentes des musées nationaux, étendue à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-six ans, alors que, selon les informations fournies par votre ministère, « la compensation de la gratuité n’a jamais été intégrée au projet de loi de finances sur aucune action. […] La compensation est prise sur le dégel du programme “ Patrimoines ” donc au détriment de tout le programme ». Quel aveu ! C’est la raison pour laquelle nous demandons la création d’une mission d’information au sein de notre Commission, pour mesurer l’utilité de cette gratuité en termes de démocratisation culturelle. Comme vous, nous sommes en effet très attachés à l’accès à la culture pour tous et pour chacun.

Ma deuxième remarque découlera de la première : si nous observons avec attention les chiffres remis par le ministère de la culture, le désengagement de l’État est clairement acté, notamment dans les secteurs des patrimoines, ce qui est en totale contradiction avec les propos que le chef de l’État a prononcés en 2007 lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine : « La sauvegarde du patrimoine suppose […] des moyens importants et un effort constant. Je souhaite la rétablir comme un objectif important de notre politique culturelle ». Aujourd’hui, il y a loin de la parole aux actes !

En effet, comment atteindre chaque année les 400 millions d’euros promis pour les monuments historiques avec des crédits en baisse de 0,9 % sur trois ans ? Je vous renvoie, monsieur le ministre, aux rapports alarmants de MM. Christian Kert et Patrick Bloche, qui s’inquiétaient déjà des dangers que représentaient les désengagements budgétaires dans le secteur du patrimoine monumental.

Enfin, au lieu de songer à se séparer de son patrimoine au détour d’un article de projet de loi de finances – je fais référence à cet article 52 du projet de loi de finances pour 2010 heureusement censuré l’an dernier par le Conseil Constitutionnel –, le Gouvernement devrait avoir à cœur de le restaurer dans les meilleures conditions. Or que dire des conditions financières drastiques imposées aux collectivités territoriales, qui devront financer leurs projets à hauteur de 80 % dans le cadre du plan « Musées en région » présenté le 9 septembre dernier ? Que penser des ventes spectaculaires de nos bâtiments patrimoniaux à des pays étrangers ?

Ces restaurations et restructurations nous engagent collectivement, et c’est pourquoi vous voudrez bien me pardonner cette formule que j’emprunte à Isaac Newton : « Si j’ai vu loin, c’est en montant sur les épaules de géants ».

En effet, compte tenu de la situation, comment imaginer la création de la Maison de l’histoire de France ? Je m’interroge, à l’instar de nombreux historiens, sur les modalités de création de cette institution et sur ses conséquences budgétaires sur les structures déjà existantes dans la mesure où rien n’est prévu en 2011 pour développer le projet.

Tels sont les points que je souhaitais évoquer avant d’aborder les conséquences pour les sites et les collectivités d’une inscription au patrimoine mondial. Je le ferai autour de trois axes principaux : le cadre général dans lequel nous nous inscrivons, les procédures avant inscription et les obligations après inscription.

Je ne reviendrai pas sur les conditions d’élaboration de la Convention du 16 novembre 1972, parfaitement explicitées dans le rapport pour avis, qui rappelle également la définition donnée par l’UNESCO du concept de patrimoine matériel. Or, comme on s’est aperçu, avec le temps, que certaines traditions ou pratiques des communautés humaines, constitutives de leur identité – traditions orales, contes ou musique –, n’étaient que très marginalement prises en compte alors même que, dans certains pays, ce patrimoine pouvait être plus important que le patrimoine matériel, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003 vise à prendre en considération ces éléments exclus de la Convention de 1972.

Les dossiers d’inscription sont, quant à eux, élaborés soit par l’État, soit – c’est le cas le plus fréquent aujourd’hui – par les collectivités territoriales, ou encore par des associations, selon un modèle précisé par les « Orientations » issues des débats du Comité du patrimoine mondial composé de vingt et un États. Or le montage de ces dossiers étant devenu très lourd, aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier, il nécessite très souvent le concours d’organismes extérieurs spécialisés ou de personnels dédiés. En effet, selon le ministère de la culture, il faut en moyenne de cinq à sept ans pour monter un dossier. Il est donc impératif de former ces personnels dédiés, qui deviendraient ainsi de véritables référents en vue d’assurer une plus grande efficacité et une meilleure coordination dans le montage du projet. C’était du reste une idée de M. Donnedieu de Vabres lorsqu’il était ministre de la culture.

Depuis une dizaine d’années, les candidatures au patrimoine mondial sont portées et financées quasi exclusivement par les collectivités territoriales. L’État est passé d’un rôle opérationnel à un rôle d’accompagnement dans le processus d’élaboration des candidatures et dans le suivi des obligations liées à l’inscription. Rappelons en effet qu’un label n’est pas uniquement une récompense : il crée également de nombreuses obligations.

Rappelons par ailleurs que c’est à l’État et non aux collectivités responsables des biens et patrimoines inscrits que l’UNESCO demande des comptes. De plus, en matière de patrimoine, l’État est le seul référent, alors que les véritables responsables des biens et patrimoines inscrits sont les collectivités, et ce depuis leur implication dans les années quatre-vingt-dix. La position de l’État est, de ce fait, devenue délicate car, s’il contractualise avec l’UNESCO, il n’est que très rarement responsable des sites et patrimoines inscrits. Dès lors se pose la question de la gestion des sites en France.

Cette situation crée un vrai problème de visibilité et d’efficacité puisque l’État n’a pas de ligne budgétaire spécifiquement dédiée aux biens du patrimoine mondial.

Par ailleurs, si l’outil budgétaire est d’un maniement délicat – nous venons de le voir –, l’outil juridique n’est pas plus facile à utiliser. En effet, la gestion des biens inscrits est devenue singulièrement complexe, sous l’effet de plusieurs facteurs énumérés dans le rapport : aussi convient-il de réfléchir à la mise en place d’un partage des responsabilités entre 1’État et les collectivités. Un système de coordination État-collectivités reste donc à inventer, en dépit de la signature de la Charte d’engagement des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, en septembre 2010, laquelle prévoit le partage des responsabilités entre l’État et les collectivités.

Il n’en reste pas moins que les impacts socio-économiques, réels ou supposés, d’une inscription au patrimoine mondial sont l’un des principaux arguments des élus locaux porteurs des projets et dossiers. Au regard des avis contrastés sur ces impacts pour les collectivités, le ministère de la culture pourrait réaliser une étude indépendante ayant pour objet une observation plus systématique et mieux coordonnée des effets de l’inscription. Cette étude pourrait être confiée au département des études, de la prospective et des statistiques du ministère.

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, le groupe UMP partage les ambitions que vous avez exprimées pour les archives, les musées, le patrimoine linguistique et la création, alors même que le contexte budgétaire est très tendu. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le budget du ministère de la culture soit préservé, voire augmente très légèrement. En revanche, la réforme de la maquette budgétaire nous laisse perplexes car elle ne facilite pas les comparaisons, bien légitimes, entre les années – je rejoins sur ce point les deux rapporteures pour avis.

Le fait que le livre ait été rattaché à la mission « Médias et industries culturelles » est un sujet principal de préoccupation – il était auparavant rattaché à la mission « Culture ». Il s’agit donc d’une restructuration en profondeur d’un sujet phare de la politique culturelle. Qu’est-ce qui a motivé le choix d’un tel rattachement ?

La TVA réduite sur le livre numérique est un sujet cher au cœur de plusieurs membres de la Commission des affaires culturelles. Christian Kert, Franck Riester, Muriel Marland-Militello, Hervé Gaymard et moi-même avons porté au sein de l’hémicycle le débat sur le sujet. La France a toujours été aux avant-postes en matière de politique du livre, notamment avec le prix unique du livre. Elle doit y rester pour mener le combat de la TVA réduite sur le livre numérique. Le ministre du budget s’est engagé à écrire au président de la Commission européenne sur ce point. Je souhaiterais obtenir votre soutien sur ce sujet important car il s’agit d’un marché émergent appelé à se développer. Or les pays de l’Union européenne mènent en la matière des politiques hétérogènes et floues. Le Luxembourg, notamment, applique un taux réduit qui ne favorise pas l’édition de livres numériques sur le territoire français.

Nous faisons de vos priorités les nôtres, puisque le thème central des différentes missions de votre ministère est de rendre la culture accessible. Vous avez cité une très belle phrase du ministre de la culture Jacques Duhamel. Je tiens pour ma part à citer André Malraux, qui a déclaré, il y a un demi-siècle : « Rendre le plus grand nombre d’œuvres accessibles au plus grand nombre d’hommes ». C’est le fil rouge de votre budget et de nos préoccupations.

En ce qui concerne les musées, les crédits de paiement et les autorisations d’engagement sont en hausse. S’agissant du plan « Musées en région », qui devra être réalisé en partenariat avec les collectivités locales, il sera doté en 2011 de quelque 26 millions d’euros en autorisations d’engagement – de 2011 à 2013, l’État mobilisera 70 millions d’euros – pour soixante-dix-neuf projets. Quelles seront les modalités d’attributions des aides octroyées par l’État ? Des champs culturels seront-ils privilégiés ? Sur quels critères seront retenus les projets financés ? J’insiste sur le rôle majeur que les musées jouent dans l’aménagement du territoire et sur la part centrale qu’ils occupent dans la démocratisation culturelle et l’accès de tous à la culture.

S’agissant des grands projets muséaux, vous avez évoqué le MUCEM. Je n’y reviens pas puisque, si j’ai bien compris, l’établissement ouvrira à la date convenue. Mais où en est le projet de fusion envisagé entre la Réunion des musées nationaux (RMN) et le Grand-Palais, fusion qui créerait des synergies entre ces deux établissements complémentaires et permettrait l’émergence d’un grand opérateur culturel de rang international ? Je rappelle que le plan présenté par M. Jean-Paul Cluzel s’élève à 236 millions d’euros.

Nous sommes heureux du succès du Centre Pompidou-Metz, qui est une magnifique réalisation. Toutefois, indépendamment du projet touchant le Palais de Tokyo, se pose la question d’un deuxième site pour le Centre Pompidou de Paris. Le Centre Pompidou de Paris est le seul musée au monde de cette taille à n’être que sur un seul site. Il existe un MoMA II à New York, et la Tate Modern, à Londres, est aussi dans ce cas. Quant au musée Reina Sofia de Madrid, il a vu sa surface doubler. Le Président Pompidou s’était posé la question du musée du XXe siècle. Quel sera le musée pour le XXIe siècle, d’autant qu’un grand nombre d’œuvres ne sont pas présentées au musée Pompidou ? Le Palais de Tokyo est insuffisant pour résoudre le problème.

En ce qui concerne le patrimoine monumental, je me réjouis que les autorisations d’engagement soient en hausse. Si les crédits sont stabilisés pour cette année, il conviendra, les prochaines années, de conserver l’accent mis sur les crédits d’entretien et de restauration des monuments qui n’appartiennent pas à l’État.

Nous nous félicitons, en matière de création, que l’offre artistique ait une meilleure lisibilité. La mise en place de labels me paraît une bonne chose. Quelles initiatives entendez-vous prendre pour redynamiser le marché de l’art en France ? Il convient en effet de refaire de Paris une des grandes places internationales.

Je sais, monsieur le ministre, que vous soutenez le projet de Philharmonie de Paris : toutefois, en l’absence de crédits, doit-on considérer qu’il est abandonné ? S’il ne l’est pas, quelles modalités et quel calendrier sont retenus pour mener à bien ce projet évoqué depuis plusieurs années ?

S’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », quel bilan pouvez-vous déjà tirer du plan triennal engagé en faveur des quartiers prioritaires – l’opération se termine en 2011 ? Qu’en est-il de l’articulation de ce plan d’action avec les fonds alloués aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), lesquels ont baissé au titre du programme « Transmission des savoirs » alors même que les DRAC jouent un rôle très important pour faire vivre le tissu culturel local ?

Comment s’articule le Conseil pour la création artistique avec l’action de votre ministère ? Je tiens à rappeler que quelque 2 millions d’euros sont en jeu.

Quel sera l’investissement du ministère de la culture dans le projet du Grand Paris, par-delà les crédits alloués à l’architecture ? Comment le ministère de la culture peut-il adjoindre une forte dimension culturelle à ce projet, dimension qui semble encore lui faire défaut ?

Je tiens, pour finir, monsieur le ministre, à vous confirmer le soutien du groupe UMP à votre projet de budget.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, je ne saurais vous donner immédiatement la position du groupe SRC sur votre projet de budget car nous attendons de ce débat des éclaircissements qui pourraient infléchir nos premières conclusions.

L’an passé – est-ce par mégarde ? –, vous aviez évoqué la « culture pour chacun », sans nous en dire plus. Vous avez apporté aujourd’hui quelques précisions supplémentaires. Il y aurait lieu toutefois de nous en dire beaucoup plus puisque, si l’on en croit la lecture du document de votre ministère intitulé « Culture pour chacun », il conviendrait d’opposer une culture dite « élitaire pour tous » à la culture populaire.

À titre d’exemple, pourriez-vous nous dire comment le projet de Philharmonie, création centrale, parisienne, élitaire, qui s’ajoute à la reprise de la salle Pleyel dans l’espace public, s’inscrit dans la « culture pour chacun » ? Comment l’ouverture du Palais de Tokyo, qui est également un équipement central, parisien, élitaire, qui récupère à son seul profit l’essentiel des crédits supplémentaires des arts plastiques, s’inscrit-elle dans la « culture pour chacun », alors que, dans le même temps, les autorisations d’engagement pour les investissements des FRAC en régions baissent de 40 % ? Est-ce en adéquation avec les principes de la culture pour chacun ?

Comment s’ouvrir à des pratiques pour les jeunes lorsque les salles de musiques actuelles représentent, par le nombre de leurs labels, plus de 45 % des bénéficiaires et que les crédits baissent de 26 % ?

Comment pouvez-vous mettre en avant la démocratisation culturelle qui, je le suppose, participe de la culture pour chacun, et réduire en même temps les crédits « Transmission des savoirs », de 7,57 %, comme notre rapporteur l’a indiqué ? Dans l’avis budgétaire de notre rapporteure, on lit qu’entre 2001 et 2011 les crédits de l’éducation artistique et culturelle ont progressé de 4,27 % tandis que l’inflation augmentait de plus de 21 %, soit une diminution en volume de 17 % en dix ans.

Ainsi, ce qui a pour objet de rapprocher la culture du plus grand nombre fait l’objet d’une cure d’amaigrissement dans les crédits, mais pas dans les propos.

J’aimerais savoir quelle place occupera le Conseil pour la création artistique dans le déploiement de votre ministère et dans votre politique. Nous avions compris que les crédits de cet organisme seraient gérés par le Premier ministre. Or il semblerait qu’ils le soient finalement par votre ministère, ce qui ne signifie pas forcément que son financement sera pris sur votre budget, mais ce qui risque de grever les reports de crédits, parfois importants en 2010 comme, par exemple, ceux portant sur la « Transmission des savoirs ». De ce fait, certains projets ont dû être freinés. Lesquels ?

M. Michel Herbillon s’est lui-même interrogé sur le rôle du Conseil pour la création artistique, susceptible de porter atteinte à votre propre légitimité d’acteur de la politique culturelle…

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Marcel Rogemont. Mais moi, je le dis ! À titre d’exemple, créer un orchestre de 450 jeunes dans un quartier populaire constitue certes une très bonne initiative, menée en outre avec qualité par des gens de qualité. Mais le coût de l’opération approche les 2 millions d’euros : avec une telle somme, on pouvait, en région, faire au moins aussi bien et autrement.

Je ressens donc cet organisme comme une petite danseuse placée auprès de vous. En ferez-vous bon usage ?

Les Entretiens de Valois devaient déboucher sur la définition d’une autre architecture des rapports avec les collectivités territoriales. Vous êtes opposé aux financements croisés et vous l’avez fait inscrire dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Mais c’est à l’action du monde sportif et culturel que nous devons la suppression de la clause de compétence générale. Comment envisagez-vous désormais ces rapports ? Comment établirez-vous des partenariats avec les communes, les départements et les régions, lorsque l’État ne tient sa parole ni sur le plan financier ni sur le plan institutionnel, et sans concertation avec les collectivités territoriales qui, pourtant, financent largement la culture ?

Alors que vous parlez d’un budget satisfaisant, se posent donc de nombreuses questions. Le Président de la République s’était engagé à ce que les crédits de la culture ne souffrent jamais de gel. Confirmez-vous ces propos ?

La culture est une invitation à penser. Mais savez-vous que, pour penser, il faut dépenser ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Si l’on peut afficher une progression des crédits de la mission « Medias, livre et industries culturelles », notamment grâce à des transferts de dotations vers votre ministère, il en va différemment des crédits que vous nous présentez aujourd’hui. L’ensemble de la mission « Culture » passe, en autorisations d’engagement, de 2,090 milliards en 2010 à 2,071 milliards pour 2011, soit une baisse d’environ 6 %, et, en crédits de paiement, de 2,092 milliards à 2,067 milliards, soit une diminution de près de 9 %. À cette chute, s’ajoute la prévision d’inflation d’environ 1,5 % pour 2011.

Le programme 175, « Patrimoines », accuse une réduction de 30 %, avec une redéfinition de son périmètre comportant des transferts de personnels au programme 224, rendant malaisée la comparaison d’une année à l’autre. Pouvez-vous préciser quelle est la diminution réelle du programme 175 ?

Ce sont 375 millions qui sont alloués aux monuments historiques, dont 10 millions d’euros sont censés provenir du produit de la taxe sur les jeux en ligne. Or celui-ci demeure inconnu à ce jour. Les 10 millions d’euros ne sont donc pas garantis mais néanmoins plafonnés en application de la loi du 12 mai 2010. Au 4 octobre dernier, l’évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances estimait le produit de la taxe à 26 millions en 2010 et à 62 millions en 2011. Le Gouvernement dispose-t-il de prévisions actualisées ? En effet, il ne serait pas admissible que la taxe supportée par les petits parieurs ne serve pas intégralement l’intérêt général. Si besoin était, nous proposerions de déplafonner le versement.

La Commission de la culture du Sénat a adopté à l’unanimité un rapport préconisant la création d’une nouvelle commission du patrimoine monumental, chargée « de rendre impossible le dépeçage du patrimoine ». Qu’allez-vous faire de cette proposition ?

Le budget d’acquisitions au profit des collections nationales accuse un repli de 12 %. Les grands opérateurs, tels que le Louvre, Orsay, Versailles, verront leurs crédits diminuer de 5 % dès 2012. Ils restent la cible de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Comment la réduction drastique des crédits de l’État sera-t-elle compensée ? Des intellectuels, comme Stéphane Hessel, se sont inquiétés, en lançant un appel, de « la menace d’une défaite devant l’invasion délétère de l’esprit marchand ».

Je voudrais aussi connaître votre analyse de la stagnation, autour de 36 millions d’entrées annuelles, de la fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales, et particulièrement de la baisse, selon nous révélatrice, entre 2008 et 2009, de celle des moins de dix-huit ans.

Les grands projets dont les chantiers sont déjà engagés ou en voie d’achèvement bénéficieront seuls d’enveloppes de financement. Si le MUCEM de Marseille reçoit 27 millions d’euros, la Philharmonie de Paris, soutenue par le Président de la République lors de ses vœux au monde culturel en janvier dernier, semble oubliée. Peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point ?

Considérez-vous que les informations sur les personnes, conservées par les services d’archives, aient vocation à être privatisées en vue d’une réutilisation à des fins commerciales ? Sinon, nous proposerez-vous bientôt de légiférer afin d’imposer un cadre plus strict dans ce domaine ?

J’en viens aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Dans le premier, les arts plastiques semblent être préservés, en raison notamment de la confirmation du projet du palais de Tokyo, qui bénéficie de 13 millions d’euros. Vous signalez, dans le document budgétaire, que le programme soulève un enjeu démocratique « car la richesse et la diversité de la création et la capacité de chacun à y accéder constituent une des clés de la cohésion sociale et de l’épanouissement individuel. » Pensez-vous que la nouvelle structure répondra à cet objectif et, dans l’affirmative, de quelle manière ?

Qu’en est-il de la mise en place d’un véritable statut et de la reconnaissance des artistes plasticiens ?

Le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant se révèle stable.

Le texte portant réforme des collectivités territoriales est encore en discussion au Parlement, la commission mixte paritaire devant se réunir demain. Grâce à de nombreuses mobilisations, le texte préserve pour l’instant certaines possibilités de cofinancement en matière culturelle. Mais, en application de son article 35 ter, rétabli par l’Assemblée nationale après sa suppression par le Sénat, toute commune maîtresse d’ouvrage d’un projet culturel devra financer au moins 30 % de l’investissement correspondant : une façon draconienne, selon nous, de limiter les projets. Aussi bien le gel des dotations aux collectivités territoriales aura-t-il un impact particulièrement lourd en matière culturelle et patrimoniale, plus spécialement dans les communes ne disposant que de faibles ressources. L’Association des maires Ville et banlieue de France s’en est d’ailleurs émue.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », bien que regroupant désormais l’ensemble des dépenses de personnel du ministère intervenant en ce domaine, enregistre une perte de 30 millions d’euros de ses crédits de paiement, soit de 3 %, après avoir déjà subi une compression de 12 millions d’euros en 2010. Comment, dans ces conditions, prétendre que la transmission des savoirs demeure une priorité ?

L’éducation artistique et culturelle devrait bénéficier de 31 millions d’euros de crédits de paiement, contre 34 en 2010, soit une baisse de 10 %. Avez-vous répondu à la demande des professionnels et des usagers concernés que soient organisées des assises nationales des enseignements artistiques ?

Les actions en faveur de l’accès à la culture bénéficient de 49 millions en 2010, mais seulement de 45 millions d’euros pour 2011.

Pouvez-vous nous faire part de vos intentions concernant les territoires prioritaires, alors que le plan Espoir banlieues ne répond qu’insuffisamment aux besoins de lutte contre la fracture sociale et culturelle ?

Le rabotage des niches fiscales a épargné le secteur culturel. La niche « Malraux », permettant de défiscaliser les travaux effectués sur les immeubles situés dans des centres anciens et sur des objets mobiliers classés, sera toutefois amputée de 10 %, dégageant une économie de seulement 1 million d’euros. Les réductions d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat sont maintenues, mais leur impact sur les finances publiques ne semble pas avoir été mesuré.

Je rappelle enfin qu’une étude de votre ministère avait relevé, en 2009, qu’un quart des Français ne fréquentait jamais un équipement culturel, ce qui signifie ne jamais aller ni au cinéma ni dans une médiathèque, n’assister à aucun spectacle vivant, ne visiter aucun lieu d’exposition ou de patrimoine.

Les députés du groupe GDR considèrent donc que ce projet de budget manque d’ambitions et qu’il ne répond pas à l’idée que nous nous faisons d’une culture vivante et accessible à tous. Ils ne le voteront donc pas.

M. Christian Kert. Je veux d’abord remercier Mme Monique Boulestin d’avoir rappelé que M. Patrick Bloche et moi-même avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur l’absence de crédits suffisants pour assurer la sauvegarde du patrimoine. À cette époque, il ne manquait pas 25 millions d’euros, comme aujourd’hui, mais 140 millions, que nous avons obtenus. L’essentiel du patrimoine peut désormais être restauré et réhabilité, ce qui n’était pas le cas du temps où l’on ne pouvait pérenniser les chantiers de restauration de certaines cathédrales.

On dit beaucoup qu’en ce moment le mécénat culturel souffre. Faites-vous cette analyse ? Peut-on mieux le soutenir ? Nous avons assisté ensemble, monsieur le ministre, à l’assemblée générale de la Fondation du patrimoine, où nous nous sommes rendu compte que le mécénat des particuliers se portait plutôt bien. Peut-on espérer que sa bonne santé se propage au mécénat des entreprises ?

(M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission, remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la séance.)

M. Christian Kert. Le chantier du MUCEM, à Marseille, se réalise dans de bonnes conditions. Mais notre collègue exprime certaines craintes dans son rapport pour avis. L’élu d’Aix-en-Provence que je suis, soucieux du bon déroulement de « Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture », entend donc que le MUCEM ouvre ses portes au bon moment. Peut-on lever les inquiétudes à cet égard ?

M. Patrick Bloche. La surprise de cette audition provient, monsieur le ministre, du fait que vous ayez adopté un profil bas pour présenter votre projet de budget, ce qui est honnête de votre part, mais ce qui contraste avec l’exposé un peu triomphaliste que vous aviez fait lors de votre conférence de presse de septembre, annonçant fièrement une hausse de 2 % des crédits de la culture et de la communication.

Vous dites que les crédits de la mission « Culture » augmentent de 1,1 %. Je voudrais que vous nous expliquiez comment. Car, ainsi que Mme Marie-Odile Bouillé nous l’a indiqué, leur montant atteint 2,672 milliards d’euros pour 2011, contre 2,676 milliards d’euros en 2010. Ne s’agissant que d’une baisse infime, mieux vaut parler de stagnation. Mais les fonds de concours, non comptabilisés dans ces sommes, s’élèvent à 50 millions d’euros en 2010 alors que vous en prévoyez seulement 40 millions pour 2011. Le projet de budget traduit donc la consolidation de la stagnation.

Ce que vient de dire M. Christian Kert sur le patrimoine est révélateur. Il y eut, en effet, un plan de rattrapage, de 100 millions d’euros supplémentaires, en 2009 et 2010, puis, tout d’un coup, cette année, 13 millions de crédits de paiement sont enlevés au patrimoine monumental, dont la dotation passe de 391 à 378 millions d’euros.

Du fait de cette stagnation, tout se trouve nivelé par le bas, sans qu’apparaisse de priorité majeure.

Je voudrais vous poser trois questions.

La première, déjà évoqué par M. Marcel Rogemont, porte sur la Philharmonie de Paris. Nous comptons sur vous pour faire ici une réponse différente de celle que vous aviez faite en octobre 2010, déclarant alors que vous souhaitiez profondément que l’on puisse effectivement mettre en place cette Philharmonie. Nous ne doutons pas de votre volonté en l’espèce. Mais nous voulons savoir si le projet va bénéficier des crédits de l’État, tels qu’ils étaient prévus, soit une participation de 45 %, un même montant étant apporté par la Ville de Paris et le solde par la région. Le chantier devait se terminer en 2012. On annonce aujourd’hui fin 2013. Quelle est la vérité ?

J’ai lu votre tribune, parue ce soir dans Le Monde, concernant la Maison de l’histoire de France. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui nous oppose dans ce projet, notamment en ce qui concerne son fondement politique et même idéologique. Mais j’ai été frappé que vous n’évoquiez presque pas sa localisation. Or nous éprouvons fortement le sentiment que le service public des Archives nationales, témoignage de notre histoire, se trouve sacrifié. Le choix du lieu a fait l’objet de nombreuses éventualités, et pas seulement à Fontainebleau. Finalement, Paris a été retenu : curieuse conception de l’histoire de France, sans doute héritée de notre passé jacobin.

Il était prévu que les espaces libérés par le déménagement des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine soient occupés par la conservation des minutes de notaires de la période 1885-1935, par celle des registres du Parlement de Paris et pour la mise à plat des chartes scellées, aujourd’hui pliées faute de place.

Nous voudrions également savoir quelles seront les conséquences de cette opération sur le plan financier. Car le coût de la seule réhabilitation du site des Archives nationales était déjà estimé, en 1999, à 76 millions d’euros, sans bien sûr prendre en compte la construction d’un auditorium, l’aménagement d’espaces d’accueil du public, l’installation d’un centre de recherches et de conférences, toutes choses prévues pour la Maison de l’histoire de France.

Il faut enfin évoquer ce qui fait le plus de mal à votre ministère et plus de mal qu’à d’autres : la RGPP, c’est-à-dire le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Comment réagissez-vous à ce qu’a dit M. Henri Loyrette, le président directeur général de l’établissement public du Musée du Louvre, dans un entretien accordé au journal Les Échos, le 11 octobre dernier, exprimant son inquiétude et même son angoisse ? Je cite ses propos : « Prenons le département des antiquités orientales : comment ferons-nous lorsque deux tiers des conservateurs vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années ? Ce sont d’éminents spécialistes qui ont voué leur vie à ce département. Les décisions prises aujourd’hui engagent l’avenir, comment en mesurer les répercussions à terme ? Cela est angoissant. »

Les conséquences de la RGPP sont désastreuses, meurtrières, dans votre ministère !

Mme Muriel Marland-Militello. A-t-on évalué le coût, ainsi que l’incidence sur la fréquentation des jeunes publics, de la disposition datant du 4 avril 2009 permettant aux personnes âgées de moins de vingt-six ans d’accéder gratuitement aux musées et aux monuments nationaux ?

Les arts plastiques ne bénéficient que de 10 % des crédits de la création, 90 % de ceux-ci allant au spectacle vivant : c’est une situation récurrente et triste dont vous héritez. Or les arts plastiques et la création contemporaine sont notre patrimoine de demain. L’insuffisance de leurs dotations représente donc un handicap pour notre rayonnement culturel et pour l’avenir de notre patrimoine.

Je me réjouis en revanche de la hausse de 27 % des crédits au profit du Palais de Tokyo et des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).

Il est satisfaisant que le premier voit ses moyens accrus afin d’aménager des espaces qui seront notamment dévolus aux artistes émergents. La structure de gestion de ce nouvel équipement aura un statut juridique de société par actions simplifiée. Est-ce le meilleur qu’on puisse lui donner ? L’ancien statut, associatif, était certes déjà privé. Mais un statut public ne serait-il pas mieux adapté à la prise de risque que suppose la programmation d’artistes émergents. Avez-vous bien l’intention de mener une politique en faveur de la diversité artistique ?

Je suis heureuse du soutien apporté par l’État aux FRAC, qui possèdent une double vocation : de mécénat pour la création et les artistes contemporains, et d’externalisation des œuvres acquises en les présentant au public. Or une inquiétude pèse sur la deuxième génération des FRAC : il ne faudrait pas que les crédits accordés pour l’installation dans de nouveaux locaux rompent avec la tradition et en fassent de nouveaux lieux muséaux, plus coûteux et moins dévolus à la démocratisation culturelle.

Vous désirez une culture pour chacun. Mais, dans sa mise en œuvre, le soutien à l’éducation artistique et culturelle ne représente que 2,8 % du budget : à comparer aux 67,2 % alloués aux fonctions de soutien du ministère. Dans ces conditions, comment pensez-vous mener à bien votre mission ?

Dans l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts, vous accordez une juste importance à la formation des enseignants. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur les crédits qui lui sont consacrés ?

Je suis également heureuse de constater l’absence de rupture dans l’éducation artistique et culturelle au niveau de l’université, comme de relever que vous avez des projets de modules de pratiques artistiques dans les cursus, le projet d’implanter dans les campus des équipements artistiques et culturels, et celui de développer des projets communs. Là encore, pourriez-vous nous fournir quelques exemples de réalisations concrètes ?

À titre personnel, j’apprécie le fait que vous orientiez votre politique artistique et culturelle en direction des jeunes publics et en faveur de la démocratisation culturelle, donc vers une société plus civilisée.

M. Daniel Spagnou. Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, c’est un bon budget que vous nous présentez, avec détermination et talent, et non en faisant « profil bas », comme l’un de nos collègues l’a dit tout à l’heure.

J’observe que le ministère consacre 12 millions d’euros à la HADOPI, alors qu’on ignore l’efficacité de cette structure sur le long terme et que les montants consacrés aux acquisitions et à l’enrichissement des collections publiques vont passer de 19,49 à 16,63 millions d’euros. Pourquoi réduire autant ces crédits qui permettent d’assurer l’accès du plus grand nombre aux œuvres d’art sur l’ensemble du territoire et de favoriser la circulation des œuvres dans un contexte de hausse constante du marché ?

Mme Valérie Fourneyron. Ce budget est sans doute moins mauvais que d’autres, mais la présentation très positive que vous en faites ne résiste pas à l’analyse. Je pense en particulier aux 40 millions d’euros de crédits de paiement prévus au titre des fonds de concours.

Je voudrais vous interroger sur ce parent pauvre qu’est la création, pour laquelle une enveloppe de 362 millions d’euros est prévue. Les crédits d’intervention en faveur des lieux labellisés et des équipes artistiques devraient rester constants, mais j’observe que les scènes nationales auront un peu plus, et les opéras un peu moins. Selon quels critères avez-vous arrêté vos choix ?

Ma seconde question portera sur le fonds de professionnalisation, institué à la suite du protocole d’accord de 2006 et aujourd’hui reconduit à hauteur de 5 millions d’euros. Pouvez-vous faire le point sur la situation de l’intermittence et sur l’utilisation de ce fonds ? Bon nombre de compagnies ont dû arrêter leur action en régions à cause de la situation économique actuelle.

Dans le domaine des arts plastiques, on peut se réjouir que des moyens supplémentaires soient attribués aux FRAC. Cependant, j’aimerais savoir comment interpréter la réduction de 9 millions d’euros des crédits attribués aux centres d’art contemporain : est-ce la conséquence de la mission de l’inspection générale du ministère diligentée sur ce sujet ? Quels critères avez-vous retenus ?

En dernier lieu, je regrette la suppression de 83 postes en 2011. Ce sont encore des moyens qui manqueront dans nos territoires. D’ici à 2013, il est prévu de supprimer 300 postes supplémentaires dans le cadre de la RGPP, ce qui est beaucoup trop compte tenu de l’importance des moyens humains dans ce domaine.

M. Alain Marc. Une précision sémantique, tout d’abord. Vous avez évoqué les « langues de France », expression qui me paraît un peu trop générale et qui renvoie aussi bien à des langues parlées sur le territoire national, et bien vivantes, qu’à des langues régionales menacées d’extinction, pour lesquelles une action et des crédits supplémentaires seraient souhaitables.

Il a été question des hauts lieux culturels à Paris, mais il ne faudrait pas oublier qu’il en existe aussi en province, et que les collectivités territoriales font des efforts pour que le public scolaire puisse les fréquenter. Pourquoi ne pas imaginer un partenariat avec la SCNF, dont les trains ne sont pas toujours pleins en journée, tendant à ce que les élèves de province puissent se rendre à Paris à moindre coût ? Les transports sont souvent le poste de dépenses le plus important des déplacements scolaires.

Mme Martine Martinel. Il serait certainement utile que nos élèves puissent fréquenter les lieux culturels parisiens et remplir par la même occasion des compartiments de train vides, mais il y a aussi tout un travail à réaliser sur la fréquentation des hauts lieux culturels en province, lesquels présentent un grand intérêt.

Ma première question porte sur la baisse des crédits dévolus à l’action culturelle internationale, qui peut sans doute s’expliquer par le fait qu’une part importante des crédits a été transférée à la mission « Médias ». Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires, monsieur le ministre ?

En dernier lieu, comment envisagez-vous de mener la politique patrimoniale de notre pays compte tenu de l’érosion prévisible des budgets des collectivités territoriales ?

M. Jean-Luc Pérat. Vous avez évoqué l’accès à la culture pour tous et partout : la démocratisation culturelle et la sensibilisation à la culture doivent aussi concerner les territoires les plus éloignés des grands centres de culture et de création. Les collectivités territoriales s’impliquent dans ce domaine grâce au développement d’un certain nombre d’activités dans le temps périscolaire et extrascolaire, telles que les arts plastiques, la musique, la danse ou le théâtre, mais elles se heurtent à des difficultés de recrutement de personnes qualifiées et agrées. Pourrait-on assouplir les exigences requises ? Il ne s’agirait pas, bien entendu, de faire de la culture à deux niveaux, mais de faciliter l’action des collectivités et de les encourager car elles se posent aujourd’hui de nombreuses questions sur la possibilité de continuer à mener leur action. J’ai cru comprendre, en vous écoutant, que l’on pourrait envisager une mobilisation intercommunale autour de certains projets et de certaines actions. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’aimerais, par ailleurs, en savoir davantage sur la place réservée à la lecture publique dans votre stratégie. C’est un enjeu important dans les territoires ruraux éloignés de tout. Quelles évolutions peut-on envisager dans ce domaine ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Même si je n’ai pas eu le temps de lire votre tribune sur la Maison de l’histoire de France, je tiens à dire que c’est un très beau projet qui a tout mon soutien. Compte tenu des inquiétudes sur le coût de la réhabilitation du site actuel des Archives, estimé à 76 millions d’euros, je tiens à rappeler que j’ai proposé le plus beau, le plus intéressant et le moins cher de tous les projets avec l’île Seguin. Nous restons candidats si la Ville de Paris et la CGT ne veulent pas de cette Maison.

Je m’interroge sur la réduction des crédits alloués aux conservatoires, en particulier ceux des conservatoires à rayonnement régional. Il faut rester dans le cadre d’un partenariat équitable avec les collectivités locales – même si l’on ne peut pas dire qu’il le soit tout à fait aujourd’hui, puisque les collectivités apportent 80 % des crédits. 

Je suis d’accord avec notre rapporteure pour avis Monique Boulestin quant à la procédure de candidature à l’inscription au patrimoine mondial : celle-ci est aujourd’hui relativement complexe. Dans le cadre du projet concernant l’œuvre de Le Corbusier, porté par une fondation présidée par Jean-Pierre Duport, ancien préfet, que je voudrais remercier pour son travail, et par une association de villes que nous avons créée, nous avons le sentiment d’œuvrer seuls, même si nous allons prochainement être reçus au ministère. Pouvez-vous nous dire où est en ce projet lancé depuis novembre 2006 ?

Mme Colette Langlade. La crise ne doit pas jouer contre le développement de la culture, qui est porteuse d’immenses ressources dans le domaine économique, notamment grâce à l’attractivité exceptionnelle qu’elle confère à notre pays et à ses territoires. Nous devons franchir une nouvelle étape dans le partenariat culturel entre l’État et les collectivités territoriales – une mission de réflexion sur ce sujet a été confiée à Jérôme Bouët, ancien directeur régional des affaires culturelles. Des propositions devaient vous être remises au mois de septembre. Qu’en est-il ? Je pense en particulier au sort des régions, qui seront les collectivités les plus dépendantes des dotations de l’État à cause de la déconnexion totale entre la fiscalité dont elles disposent et les compétences qu’elles exercent.

J’aimerais également que vous nous en disiez plus sur les moyens alloués au Musée de la préhistoire des Eyzies, qui figurent à l’action 3 du programme « Patrimoines ».

M. Michel Ménard. De nombreux acteurs de terrain s’inquiètent de l’avenir de la culture dans notre pays. L’action des collectivités territoriales est, en effet, de plus en plus contrainte. À cause de l’explosion des dépenses, les conseils généraux maintiennent leur engagement dans le meilleur des cas, mais ils sont souvent contraints de revoir leurs aides à la baisse. Puisqu’ils ne maîtrisent quasiment plus leurs recettes, ils n’ont d’autre choix que d’adapter leurs dépenses pour respecter leur obligation d’équilibre. Alors que le budget de la culture est en réalité en baisse, comme la plupart des autres budgets, comment rassurer les acteurs de culture ? Comment passeront-ils cette année 2011 pour laquelle tous les voyants sont au rouge ?

M. Bruno Bourg-Broc. L’intervention de Pierre-Christophe Baguet m’incite à revenir sur la question de la Maison de l’histoire de France. J’avais adressé à votre prédécesseur une proposition qui me paraît toujours intéressante et d’actualité, monsieur le ministre. Puisqu’il a été question de décliner ce nouveau musée sous la forme d’un réseau, pourquoi le moulin de Valmy  n’y participerait-il pas ? Ce lieu hautement symbolique de l’histoire de France ne demande qu’à en faire partie.

M. Michel Herbillon, président. On pourrait également inclure le château de Vincennes, mais je ne sais pas si nous avons intérêt à nous lancer dans un tour de France.

Nous allons maintenant écouter le ministre, qui pourra répondre par écrit à certaines questions s’il le souhaite.

M. le ministre. Je vous en remercie, car je ne voudrais pas m’enferrer dans une longue querelle de chiffres. Tout dépend, en effet, de la façon dont on les regarde. Je m’efforcerai de vous démontrer par écrit la justesse de notre approche.

Je suis frappé par la qualité de nos échanges – et ce n’est pas une flatterie. J’ai pu constater, depuis seize mois, à quel point les questions évoquées aujourd’hui par les uns et par les autres, avec leur sensibilité propre, ce qui est bien légitime, coïncident avec les sujets auxquels je réfléchis, pour ma part, et auxquels j’essaie d’apporter des réponses.

Une première interrogation concerne le rapport entre Paris et les régions.

En ce qui concerne le Palais de Tokyo, je rappelle que nous pâtissons d’une très forte érosion de la place de Paris sur le marché de l’art. Une des raisons est que nous ne défendons pas suffisamment nos artistes contemporains : il faut trouver un lieu et des moyens pour mieux le faire. Michel Herbillon a évoqué à juste titre le projet d’extension en volume et en périmètre du Centre Pompidou, dont la mission était initialement de défendre l’art contemporain, et en particulier l’art émergent. C’est ce qu’il fait, mais pas suffisamment, à cause de sa surface et de son mode de fonctionnement. Je précise que mes propos ne traduisent pas une critique : l’action menée par le Centre Pompidou est, en effet, remarquable. La question qui se pose aujourd’hui est celle de son extension.

Le Palais de Tokyo, qui sera doté d’une structure autonome, pourra se consacrer aux artistes émergents et aux artistes de renom qui ne trouveraient pas leur place au Centre Pompidou. En matière de statut, je crois que nous sommes parvenus à une solution permettant de concilier la politique menée par l’État et l’ouverture aux acteurs du marché de l’art, sans prise d’otages par ces derniers. J’ajoute que le Palais de Tokyo permettra aux FRAC de rendre compte du travail accompli en régions : la vision retenue n’a rien de « pariso-parisienne ».

Je ne pourrai pas apporter les précisions demandées par Patrick Bloche à propos de la Philharmonie. Je souhaite que ce projet aboutisse mais, pour le moment, ni le montant exact de son budget ni son mode de financement n’ont été validés. Il n’existe aujourd’hui qu’un simple budget de préfiguration. Je peux vous dire, en revanche, que la Philharmonie ne devra pas être une entreprise élitaire, réservée à quelque happy few venant écouter de la musique symphonique comme on peut avoir la chance d’aller à l’opéra. Ce sera la clé de voûte de la transmission de la musique en France : la Philharmonie permettra d’accueillir des étudiants venus de tous les conservatoires, et de mettre à disposition des lieux de travail qui n’existent pas aujourd’hui. Je rappelle, en effet, qu’on ne peut pas accueillir d’orchestre symphonique international à la salle Pleyel, faute de salle de répétition, alors qu’il existe une Philharmonie à Londres, à Berlin et même à Rome, ville qui ne compte pourtant que 2,5 millions d’habitants. D’où l’action entreprise par le Conseil pour la création artistique avec l’orchestre des jeunes. Vous vous interrogez sur le coût de ce dispositif, mais il faut reconnaître qu’il est admirablement géré par Laurent Bayle. Et je le répète : l’équipement dont nous disposerons grâce à la Philarmonie ne sera ni élitaire, ni parisien ; il sera destiné à la France entière, et son but sera de favoriser la transmission de la musique dans notre pays.

Nous ne construisons pas la Maison de l’histoire de France, encore dans les limbes au moment où je vous parle, en suivant une tradition jacobine. Je rappelle, en outre, que seuls huit historiens participent au mouvement évoqué par Mme Boulestin. Depuis le début, il est entendu que cette Maison réunira tous les établissements qui traitent de l’histoire en France – et il ne sont pas au nombre de huit seulement. C’est une confédération large et souple qui est prévue, avec un centre destiné à accueillir les colloques. Je rappelle aussi que l’État investit des sommes considérables à Pierrefitte-sur-Seine pour construire de nouvelles archives, dotées de 350 kilomètres de rayonnage normalisé et moderne et de 66 000 mètres carrés – contre 36 000 mètres carrés aujourd’hui. Nous conserverons à Paris les archives antérieures à 1790 et nous y installerons les minutes des notaires, sans que cela nous empêche d’accueillir la Maison de l’histoire de France. Si l’on veille à ne pas trop s’étaler, il y aura de la place pour la Maison de l’histoire de France et pour les missions traditionnelles des Archives, qui seront maintenues.

La question des critères, évoquée tout à l’heure à juste titre, me taraude. J’essaie d’être sage en ne prenant pas de décision, lorsqu’elle m’appartient, pour des raisons de copinage – il paraît que ce fut le cas dans certains domaines, il y a très longtemps… J’essaie d’écouter ce qu’on me dit et de trouver les solutions les plus favorables au bien public. Que n’a-t-on pas entendu sur le festival d’Avignon ! On a prétendu que je ne m’y intéressais pas et que je n’y connaissais rien, mais j’observe que la décision prise a fait l’objet d’un consensus. Avec mon cabinet – auquel je veux rendre hommage pour la qualité de son travail et pour la cohésion qu’il permet d’assurer au ministère de la culture –, j’essaie toujours de peser le pour et le contre, dans le seul intérêt du bien public. Voilà dans quel esprit nous infléchissons l’attribution des crédits.

S’agissant plus particulièrement du spectacle vivant, nous essayons de prendre en compte la gestion de chaque organisme. Il faut reconnaître qu’il n’y aura pas d’augmentation des crédits dans ce domaine, mais une stabilisation. Compte tenu de l’augmentation des charges et de l’inflation, cela signifie une légère régression des moyens, mais nous avons su éviter, non sans combat, le tir croisé de ceux qui souhaitaient une évolution plus drastique. Je rappelle, en outre, que les Entretiens de Valois ont permis d’aboutir à un consensus sur la nécessité d’une réorganisation et d’une mutualisation d’un certain nombre de dépenses, sans porter atteinte à une forme d’expression culturelle à laquelle je tiens beaucoup : certaines fonctions se recoupant parfois dans certains lieux, il y a moyen de réduire un peu les coûts.

Après les Entretiens de Valois, des réunions se tiennent dans chaque région en vue d’étudier les budgets et d’envisager les mutualisations possibles. Je suis certain que nous parviendrons dans tous les cas à poursuivre le travail du spectacle vivant dans de bonnes conditions.

J’ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées à propos du patrimoine, dont les crédits sont pourtant en hausse. Si les monuments nationaux bénéficient cette année d’une enveloppe de 375 millions d’euros contre 400 millions l’an dernier, c’est que le plan de relance est terminé, et l’on ne constate aucune diminution par rapport à l’ensemble. Soyons lucides, cependant : nous bénéficions d’un patrimoine considérable, dont la gestion est extrêmement lourde. Tous les week-ends, je me rends dans des régions où l’on ne va pas assez souvent, pour voir des lieux de notre patrimoine qui attirent trop peu de visiteurs. Voulez-vous un exemple parmi des centaines ? C’est à peine si le château de Villers-Cotterêts, bâtiment magnifique qui remonte à François Ier, est hors d’eau : il a fallu disposer des bâches et des taules pour éviter qu’il ne tombe en ruine.

Pour ma part, je m’attache à trouver des solutions, sans manifester aucune intention d’abandonner le service public. Je considère au contraire qu’il faut conserver le maillage de l’État sur tout le territoire. Cependant, quand une dévolution est possible, par exemple quand le ministère a la garantie que les collectivités locales assureront une bonne gestion d’un élément patrimonial, j’y suis favorable. Au château de Fontainebleau, tout le quartier Henri IV a été mis hors d’eau, sans qu’on sache à quoi l’employer. Pourquoi ne pas lui chercher une utilisation qui apporte des fonds ? Si j’accepte de travailler sur le sujet, il n’y a de ma part aucun abandon du patrimoine, au contraire : je veux simplement le rendre vivant, ce qu’il doit être avant tout.

Monsieur Kert, je suis favorable à l’extension des avantages du mécénat aux petites et aux moyennes entreprises, qui ne sont pas favorisées à cet égard. Sur ce dossier complexe, qui suscite toujours l’effroi de Bercy, je pense que nous pourrons obtenir des résultats, que j’appelle de mes vœux car ils pourraient réactiver le marché de l’art en France.

Madame Marland-Militello, la gratuité des musées représenterait environ 20 millions d’euros, somme compensée par le dégel, mais on ne peut pas solliciter de dégel chaque année. Ce serait d’ailleurs une contradiction dans les termes. L’an dernier, j’ai eu gain de cause en présentant au Président de la République des arguments précis. Je ne désespère pas d’obtenir un autre accord cette année, grâce à des arguments que mon expérience ministérielle m’aura permis d’affiner.

Les FRAC sont des institutions formidables, dont la dotation a augmenté. À présent, chacun d’eux semble avoir vocation à se transformer en musée, mais il n’est pas facile de définir une ligne stricte. À Clermont-Ferrand, le FRAC a permis d’ouvrir un formidable musée d’art contemporain, au lieu de conserver les œuvres dans des réserves, en les prêtant à droite ou à gauche sans grande cohésion. Comment aurait-on pu refuser la création d’un tel projet, qui a créé un équipement culturel, qui attire du monde et qui donne l’impression que la vie culturelle en régions est vivante et dynamique ? Mais il faut, une fois encore, être sage, et examiner les projets les uns après les autres. Quand l’un d’eux n’est pas viable ou coûterait trop cher, on doit y renoncer. En revanche, s’il est justifié et que les collectivités locales veulent y participer, on doit lui apporter de l’aide.

Dans le cadre du plan « Musées en région », nous avons réussi à déployer quelque 70 millions d’euros sur nos crédits pour l’entretien, la restauration, voire certaines constructions complémentaires. Le premier critère que nous avons défini était l’engagement des collectivités pour améliorer un musée local. Le second était l’implication des professeurs et des associations visant notamment à la « culture pour chacun », que je réunirai en janvier dans un forum. Parfois, il est également possible de faire un geste envers les architectes locaux, qui réalisent fort bien nombre d’équipements. C’est le cas de ce lieu magnifique qu’est la fonderie de Mulhouse. Au vu de ces critères, et de la qualité du projet, nous sommes heureux de bâtir, quand nous le pouvons, un plan avec une collectivité locale.

Les crédits que nous avons réussi à redéployer font office de levier : ce sont en réalité 300 millions d’euros qui seront mis au service du plan « Musées en région », grâce aux accords que nous avons signés avec les collectivités. C’était un travail de consensus, ainsi que de construction, en fonction de ce qu’il était possible de faire et de ce qui valait la peine d’être fait. C’était enfin un travail en direction des régions. À cet égard, je regrette l’absence, dans notre conversation, de toute référence à l’outre-mer : celui-ci ne doit pas être le parent pauvre de notre politique culturelle. Je visite systématiquement les territoires. J’ai un plan pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. À Cayenne, il existe un très bel hôpital en ruine, au centre de la ville. Un projet est en cours d’élaboration avec les collectivités locales en vue de réaliser un véritable centre culturel. Nous le construirons en additionnant différents crédits de toute provenance, sans désorganiser nos finances.

Quand je suis arrivé au ministère, on m’a dit que Jack Lang réunissait ses directeurs tous les quinze jours pour un déjeuner. J’ai pensé qu’il avait raison, une fois encore. Mais, très vite, je me suis aperçu que je voyais les miens quasiment tous les jours. Dans ces conditions, il m’a paru inutile de prévoir de tels déjeuners, auxquels je prendrais cependant beaucoup de plaisir.

Le ministère réalisera en 2011 5 millions d’euros d’économie en frais de fonctionnement.

De même, je suis très proche des DRAC, qui rapportent, qui informent et qui assurent à ce titre le premier arbitrage pour l’affectation des crédits dont je dispose. On ne peut donc pas prétendre que ce soit la vision parisienne qui l’emporte. C’est l’inverse, à mon sens : la structuration générale du budget opère un glissement relatif mais réel des implications du ministère vers les régions, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Un billet de train entre Paris et Lyon en seconde classe pour un week-end coûte quasiment 160 euros à un jeune de trente ans. Quand on dispose de 1 200 euros par mois ou qu’on est étudiant, comment irait-on à Paris voir l’exposition Monet, à laquelle on ne peut accéder qu’après trois heures de queue ? C’est un problème dont je suis conscient et auquel je cherche constamment des solutions. C’est pourquoi je suis heureux de réfléchir et de parler avec vous.

Avant la fin du mois, je recevrai de mon administration un plan d’intervention sur la ruralité, sur le modèle de celui qu’on m’a remis sur l’outre-mer. Il fera l’inventaire des mesures qu’il est possible de prendre tout de suite. Vous avez voté récemment, grâce au président Michel Herbillon, une proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma, qui évitera, grâce à l’appui du Centre national du cinéma et de l’image animée, la fermeture de bien des salles. De la même manière, j’apporterai mon appui au Centre Pompidou mobile, qui se déplacera à travers la France, même s’il reste quelques réglages à opérer pour diminuer les coûts d’installation.

En ce qui concerne le rayonnement de la France à l’étranger, je me félicite du dynamisme de nos grands établissements culturels, qu’illustre à merveille l’ouverture du Louvre à Abou Dabi. Cette opération extraordinaire va faire des petits. De même, le Centre Pompidou a engagé avec Singapour une conversation qui s’avérera certainement fructueuse.

À force de batailler, le ministère de la culture a obtenu une représentation importante au conseil d’administration de l’Institut français, ainsi que des garanties importantes en ce qui concerne les nominations. Il a d’ailleurs validé celle de sa directrice générale. C’est dire qu’il sera présent dans le réseau destiné à assurer le rayonnement de la culture française à l’étranger.

Par ailleurs, je soutiens les établissements publics dans leur action. Je me suis d’ailleurs rendu au Louvre à Abou Dabi. Même si le travail accompli rencontre un grand succès, il faut composer avec l’éloignement et la différence de mentalité, qui, en matière d’achat, ont produit un court-circuit. Sur place, nous avons déployé une grande attention, et constaté que tout le monde n’est pas prêt à accepter notre image de la culture française.

En ce qui concerne le patrimoine mondial de l’humanité, je suis conscient de la complexité des dossiers et du travail qu’il faut pour les instruire. Peut-être devrait-on prévoir une cellule dédiée. Cependant, la France n’est pas en reste. Depuis qu’Albi est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, cette ville enregistre une augmentation de 20  % de la fréquentation touristique. J’espère que nous obtiendrons le même résultat avec les Cévennes et les Causses, l’opération Le Corbusier, particulièrement justifiée, et l’opération sur le carreau de la mine et les paysages miniers du Nord de la France. J’ai également engagé une conversation avec Mme Filippetti en vue de monter un projet sur la mémoire de la Lorraine. Une dernière expérience peut être menée avec la Suisse afin de mettre en valeur les vestiges néolithiques du lac Léman.

Une candidature auprès de l’UNESCO est une procédure longue et difficile. Ceux qui prennent la décision finale n’ont pas tous la même connaissance des éléments du dossier, ce qui justifie qu’ils prennent leur temps. La cellule dédiée pourrait non seulement faire avancer la candidature, mais également réfléchir aux moyens de gérer les lieux par la suite afin de conserver le label.

Pour la lecture publique, nous avons mis en place un plan en quatorze points, notamment à l’adresse des librairies, qui s’est révélé efficace et s’applique toujours. Je vous y renvoie.

En ce qui concerne l’éducation artistique à l’école, je souscris aux déclarations de Mme Bouillé. Mais je ne suis pas le seul ministre concerné, même si le ministère de l’éducation nationale est un excellent interlocuteur. Les parties prenantes sont nombreuses et ne partagent pas toutes la même vision de l’action ni de son urgence. Reste que le Louvre est en train d’éditer un manuel et de peaufiner un portail qui sera remarquable. Malgré certaines insuffisances, j’ai l’impression que nous avons franchi une étape déterminante. À présent, il faut éviter que l’enseignement artistique à l’école ne suive la même évolution que l’éducation civique, promue il y a quarante ans, et devenue ensuite une matière enseignée une demi-heure par trimestre, quand le professeur de français en avait assez de sa propre discipline. Voilà le trou noir dans lequel il faut éviter de tomber, mais j’ai confiance, car nous avons franchi un cap psychologique.

J’ai constaté le succès de l’opération Ciné-lycée, que je suis allé promouvoir deux fois avec Luc Chatel, dont une avec le Président de la République. Le corps enseignant nous a suivis quand nous avons établi la liste des films du cinéma mondial sélectionnés pour la plateforme. Dans les conversations que nous avons eues avec eux depuis le ministère de la culture, qui n’était pas nécessairement habilité à intervenir, j’ai eu l’impression que quelque chose s’était cristallisé. Continuons le combat en gardant vos observations à l’esprit. Nous progresserons encore : la forte adhésion des élèves au principe de l’enseignement de l’histoire des arts est un levier que nous devons utiliser.

Le décret actant la fusion de la RMN et du Grand-Palais, actuellement au Conseil d’État, devrait prendre effet le 1er janvier 2011. Le président Jean-Paul Cluzel plaide pour une refonte architecturale du Grand-Palais. C’est un lieu kafkaïen : chaque fois que je m’y rends, je découvre de nouveaux espaces immenses tant dans les galeries supérieures qu’au sous-sol. Au fil des années, ce gruyère a été envahi, abritant aussi bien un commissariat de police que des salles de répétition de la Comédie française ou l’Université de Paris. Que M. Cluzel veuille récupérer les lieux pour assurer la cohésion du monstre me semble louable. Quant à savoir comment l’opération sera mise en œuvre, attendons déjà la fusion pour y réfléchir et pour établir la shopping list du ministère de la culture. Il est certain que, si le Grand-Palais retrouve sa cohésion, il sera l’équipement dont Paris a besoin pour réactiver le marché de l’art et assurer son rayonnement culturel. Car vous avez raison, monsieur le président Herbillon, la place de Paris s’est érodée dans le marché de l’art – pour ne pas dire qu’elle s’est effondrée !

M. Patrick Bloche. J’ai été frappé – mais, en tant qu’élu parisien, je parle à contre-emploi – par le fait que les grands équipements que vous avez évoqués, le Palais de Tokyo, la Philharmonie de Paris, la Maison de l’histoire de France et le Grand-Palais, sont tous parisiens. À la place de mes collègues de province, je me roulerais par terre ! Dans ces conditions, comment nier que la création de la Maison de l’histoire de France s’inscrive dans une tradition jacobine ?

M. le ministre. Si je ne vous connaissais pas, monsieur Bloche, je serais tenté de dire que vous êtes de mauvaise foi ! J’ai aussi évoqué l’hôpital de Cayenne, le MUCEM, les FRAC et le plan « Musées en région », qui concerne principalement des musées non parisiens. J’attribue à un moment d’émotion le fait que votre analyse, d’ordinaire très pertinente, ait été pour une fois trop rapide.

M. Patrick Bloche. Je n’ai fait que vous écouter, monsieur le ministre. J’aurais dû me boucher les oreilles ! Pouvez-vous répondre sur les personnels ?

M. le ministre. Les chiffres vous seront communiqués par écrit.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La commission se prononce ensuite sur les crédits de la mission « Culture » pour 2011.

Contrairement aux conclusions des rapporteures pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

La séance est levée à vingt heures cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 2 novembre à 17 heures 30

Présents. - Mme Marie-Hélène Amiable, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Bruno Bourg-Broc, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, M. Bernard Depierre, M. David Douillet, Mme Martine Faure, Mme Valérie Fourneyron, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Gérard Gaudron, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Michel Herbillon, Mme Jacqueline Irles, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Geneviève Levy, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, Mme Jeanny Marc, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Michel Ménard, Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, Mme Marie-Josée Roig, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot

Excusés. - Mme Sylvia Bassot, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Bernard Debré, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Jean-Philippe Maurer, M. Didier Robert, M. Patrick Roy