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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 3 mai 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 37

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la politique en faveur de la sécurité à l’école

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 3 mai 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la politique en faveur de la sécurité à l’école.

Mme la présidente Michèle Tabarot. En complément de l’hommage qui lui a été rendu en séance publique, je souhaite en notre nom à tous témoigner de l’émotion qu’ont ressentie les membres de notre Commission à l’annonce du décès de Patrick Roy, survenu la nuit dernière.

Sur un mode certes différent de celui qu’il affectionnait pour les séances de questions au gouvernement, l’implication de Patrick Roy dans nos travaux était unanimement appréciée, qu’il s’agisse de son engagement en faveur de la musique – le rock métal –, de ses témoignages toujours très vivants de la situation concrète de ses concitoyens de la 19ème circonscription du Nord, ou de sa parfaite connaissance du fonctionnement du système éducatif.

J’adresse donc mes condoléances personnelles, ainsi que celles de la Commission, à la famille et aux proches de Patrick Roy, sans oublier ses collègues du groupe SRC.

Nous recevons aujourd’hui M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, pour un tour d’horizon de la politique en faveur de la sécurité à l’école.

Voilà un an que se sont réunis les États généraux de la sécurité à l’école. Une deuxième session a lieu en ce moment même sur le thème du harcèlement scolaire, qui a fait l’objet du rapport que M. Debarbieux, président du conseil scientifique des États généraux, vient de rendre public.

Nous sommes tous conscients que la politique en faveur de la sécurité à l’école est une œuvre de longue haleine qui exige persévérance et continuité. Nous nous réjouissons donc de faire le point avec vous des mesures décidées ou annoncées depuis un an.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Je m’associe à mon tour à l’hommage rendu à votre collègue Patrick Roy.

Vous m’invitez aujourd’hui à évoquer devant votre commission la sécurité dans les établissements scolaires. Permettez-moi donc de revenir sur la politique que nous menons depuis les États généraux de la sécurité à l’école, qui se sont tenus les 7 et 8 avril 2010. Nous avons voulu à cette occasion créer une dynamique : la lutte contre l’insécurité à l’école doit être un processus continu et évolutif, et la réflexion comme la concertation doivent s’inscrire dans le temps. Nous entendons agir avec pragmatisme et prendre le temps de l’évaluation, c’est-à-dire nous fonder sur des considérations scientifiques – d’où la création du conseil scientifique des États généraux, présidé par Éric Debarbieux, président de l’Observatoire international de la violence à l’école, qui s’est entouré de spécialistes reconnus.

À l’issue des États généraux, j’avais dessiné cinq axes destinés à apporter une réponse complète, multiforme et cohérente aux problèmes de violence à l’école. Je souhaite aujourd’hui faire un point détaillé de l’état d’avancement de ces différents chantiers.

Le premier de ces axes consiste à améliorer nos outils de mesure de la violence et du climat scolaire : comment répondre à un phénomène sans en avoir une connaissance précise ? Nous avons donc décidé de compléter l’outil statistique que constituait l’enquête Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire (SIVIS) avec de nouveaux indicateurs – intrusions dans les établissements scolaires, faits relatifs à l’alcool, incidents survenant dans le cadre des réseaux sociaux... Désormais déclinée à l’échelle départementale et publiée chaque trimestre, cette enquête nous permet un meilleur pilotage local et national.

La même exigence nous a conduits à lancer, à l’instigation d’Alain Bauer, une enquête nationale de victimation dans les collèges afin de mieux appréhender le vécu de la violence scolaire, tant du point de vue des élèves que de celui des personnels.

L’UNICEF a publié le 29 mars l’étude de l’Observatoire international de la violence à l’école primaire, première étude effectuée dans le 1er degré, qui a concerné 12 326 élèves de CE2, CM1 et CM2 âgés de huit à douze ans, issus de 157 écoles réparties dans huit académies. Selon cette étude, environ un écolier sur dix se dit harcelé, victime de violences physiques et verbales répétées, et ce dans tous les établissements, quelle que soit leur sociologie.

L’enquête que nous menons au niveau du collège prolongera utilement cette étude. Élaborée par le conseil scientifique des États généraux, en liaison avec la Direction des études et de la prospective du ministère, elle est actuellement conduite auprès des 18 000 élèves et de l’ensemble des personnels de 300 collèges publics de France métropolitaine. Elle nous permettra de connaître le vécu et le ressenti des victimes sous un angle différent et complémentaire de l’enquête SIVIS. Nous en présenterons les résultats à l’automne.

Nous avons donc constitué un ensemble d’outils de mesure qui nous permet d’évaluer l’évolution de la violence à l’école. L’année 2009-2010 a été exceptionnelle dans ce domaine, avec trois enquêtes permettant de faire un état des lieux complet de cette violence : l’enquête SIVIS, celle menée par l’Observatoire international de la violence à l’école en cycle 3 du primaire, mais aussi l’enquête de victimation conduite auprès des personnels de direction de 1 538 lycées et collèges par l’Observatoire international de la violence à l’école.

Selon l’enquête SIVIS, le degré d’exposition à la violence et à l’insécurité reste globalement stable par rapport aux deux années précédentes, avec cependant de grandes disparités d’un établissement à l’autre : on comptait 11,2 incidents graves pour 1 000 élèves au cours de l’année scolaire 2009-2010, soit un nombre comparable à 2007-2008. La part des personnels victimes est en revanche en légère hausse, tandis que le profil des élèves auteurs et des victimes demeure globalement inchangé. Cette violence se manifeste à 76 % dans des actes d’atteinte aux personnes ; elle est verbale dans 38 % des cas et physique dans 30 %, ce taux ayant toutefois diminué de 6 points en trois ans. C’est dans les lycées professionnels que l’on dénombre le plus de faits de violence, avec 17,2 incidents pour 1 000 élèves, puis dans les collèges, avec 12,2 incidents pour 1 000 élèves, les lycées polyvalents et les lycées d’enseignement général et technologique – qui scolarisent un tiers des élèves du second degré – recensent quant à eux 4,3 incidents pour 1 000 élèves. Le nombre d’incidents graves dans le 1er degré est près de 30 fois plus faible que dans le 2nd degré : la moyenne est de 3,9 incidents graves pour 10 000 élèves et 98 % des écoles ne déplorent aucun incident au cours d’un trimestre.

L’enquête de victimation auprès des personnels de direction révèle pour sa part que 95 % des personnels de direction des collèges et lycées se sentent en sécurité. Sur 1 538 collèges et lycées, 19 personnels de direction ont été victimes d’agressions physiques au cours de l’année scolaire 2009-2010. La violence verbale est toutefois plus présente, notamment de la part des parents d’élèves, qui sont parmi les premiers auteurs d’insultes, avec 16,1 %. Enfin, 43 % des établissements situés en zone urbaine sensible signalent moins de 5 faits de violence en une année scolaire, ce qui les situe dans la moyenne nationale. Ce résultat est intéressant, car il montre que localisation dans un quartier défavorisé et violence à l’école n’ont pas nécessairement de lien direct.

Le deuxième axe que nous avions défini au moment des États généraux était la sécurisation de nos établissements. Il s’agissait d’abord d’effectuer des diagnostics de sécurité dans tous les collèges et lycées de France – c’est ce que l’on appelle la prévention situationnelle. Au 30 mars 2011, ces diagnostics avaient été effectués dans 98 % des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) ; ils étaient en cours de réalisation dans 1 % d’entre eux, et en projet dans un autre pour cent.

Avec le ministère de l’intérieur, nous avons finalisé le protocole destiné à aider les chefs d’établissement à concrétiser les 14 443 préconisations de ces diagnostics, qui concernent à 66 % les collèges, à 19 % les lycées d’enseignement général et technologique et à 15 % les lycées professionnels. Parmi ces préconisations, 63 % sont d’ordre technique – installation de clôtures, d’un système de vidéoprotection, d’une alarme, d’éclairages, de portiques électriques automatiques, de détecteurs d’objets métalliques, aménagement des locaux ou des abords des établissements scolaires, modalités d’accès aux locaux et gestion des flux, etc. – ; 22 % sont de nature humaine – intervention de partenaires extérieurs, formation des personnels, renforcement en personnels, actions de prévention, optimisation des pratiques, suivi éducatif, implication des parents, etc. – ; enfin, 15 % sont des préconisations organisationnelles – surveillance aux abords de l’établissement, contrôle des entrées, gestion de l’absentéisme, travail sur le règlement intérieur ou les sanctions, réorganisation du service de la vie scolaire, de la surveillance à l’intérieur de l’établissement, des relations avec les familles, mise en place d’actions de prévention, etc.

Chargées de la gestion des lycées et des collèges, les collectivités locales ont été saisies pour mettre en œuvre les préconisations techniques, comme le prévoit une circulaire interministérielle du 25 novembre 2010 : 20 % sont aujourd’hui réalisées, 39 % sont en cours de réalisation et 41 % restent encore à mettre en œuvre. Le travail à accomplir demeure donc important.

Toujours dans le domaine de la sécurisation, nous avions décidé d’améliorer la formation des acteurs du pilotage du système éducatif. Nous avons ainsi créé une formation spécifique à la gestion de crise pour les chefs d’établissement, via un partenariat entre l’École supérieure de l’éducation nationale (ESEN) et l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure : 206 responsables de l’éducation nationale – personnels de direction, conseillers sécurité auprès des recteurs, membres des équipes mobiles de sécurité, inspecteurs d’académie ou leurs adjoints – ont à ce jour été formés. Nous avons bien sûr ciblé en priorité les établissements qui rencontrent le plus de difficultés. À la fin de cette année, 280 professionnels auront bénéficié de ce stage.

Nous avons d’autre part créé les équipes mobiles de sécurité, placées sous l’autorité du recteur, lui-même assisté d’un conseiller pour la sécurité. Composées pour moitié de personnels de l’éducation nationale et pour moitié de personnels de la police ou de la gendarmerie, ces équipes sont présentes dans toutes les académies depuis le début 2010. Elles ont bénéficié depuis la rentrée de 423 demi-journées de formation. Leurs 500 membres assurent à la fois des missions de prévention et d’anticipation, de sécurisation et d’accompagnement des personnels et des élèves victimes. Parmi les 16 000 interventions qu’elles ont effectuées depuis leur création, 57 % ont eu lieu dans le cadre de la prévention – surveillance, suivi des diagnostics de sécurité, intervention dans les classes – 21 % dans celui de la sécurisation – gestion immédiate de crise, prise en charge d’élèves en difficulté, actions de médiation, sécurisation des entrées et sorties des établissements scolaires – et 21 % dans celui de l’accompagnement – conseil aux chefs d’établissement, accompagnement des équipes, des victimes ou des familles.

Nous avons également souhaité renforcer le partenariat entre la police, la gendarmerie et l’éducation nationale. Il s’agit d’abord de désigner dans chaque établissement un correspondant sécurité-école : 4 202 correspondants sont aujourd’hui en place, certains intervenant dans plusieurs établissements, ce qui permet de couvrir l’ensemble des EPLE. Les missions de ces gendarmes ou de ces policiers sont adaptées à la situation locale : élaboration du diagnostic de sécurité, information des élèves en matière de sécurité, de racket, de violences, d’actes à caractère raciste ou sexiste, élaboration d’actions de prévention ou de lutte contre la toxicomanie… Nous avons décidé de renforcer leur présence dans les 53 établissements les plus sensibles du pays en mettant à leur disposition un bureau au sein de l’établissement.

Le troisième axe que nous avions défini lors des États généraux concerne nos enseignants. Nous devons mieux les former à prévenir et désamorcer les situations délicates. Les professeurs sont les acteurs éducatifs qui sont le plus en relation avec les élèves ; l’autorité du savoir qu’ils incarnent les conduit à jouer un rôle capital dans le travail de prévention de la violence. Pour les aider dans cette tâche, j’ai demandé au conseil scientifique des États généraux d’élaborer des propositions pour améliorer cette formation. Le 27 septembre dernier, à l’occasion du premier séminaire national sur la formation à la prévention de la violence et à la tenue de classe, j’ai présenté aux 80 référents académiques les différents outils que nous mettons à la disposition de nos professeurs. Des modules de formation initiale et continue seront tout d’abord dispensés par des référents académiques à raison d’au moins trois journées. Ils s’adressent en priorité aux professeurs stagiaires et aux personnels des établissements prioritaires – les établissements du programme Collèges et lycées ambition innovation réussite (CLAIR) – afin de les préparer aux situations de crise qu’ils rencontreront. Une première session de formation de haut niveau a été dispensée aux formateurs au mois d’octobre ; une deuxième session s’est tenue en février et une troisième est prévue en juin.

Ces référents académiques à la tenue de classe ont trois missions : organiser des sessions de formation à l’échelle de leur académie, assurer la formation d’autres formateurs pour démultiplier le mouvement, organiser enfin des formations au sein même des établissements.

Nous mettons aussi à disposition de nos enseignants des ressources pédagogiques. Je pense aux deux DVD sur la tenue de classe – l’un concerne le 1er degré, l’autre le 2nd – élaborés par le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), à l’espace de ressources et de formation destiné à répondre de manière concrète aux questions des professeurs stagiaires sur la conduite d’une classe, la gestion d’un public d’élèves hétérogène ou la prise en charge de besoins particuliers, ou au portail de ressources sur la tenue de classe avec sa plateforme dédiée, NeoPass@ction, elle aussi réalisée par le CNDP, qui propose des vidéos de mise en situation ainsi que des liens vers des compléments de réponse.

Le quatrième axe des États généraux consistait à remettre en perspective et à refondre les sanctions dans nos établissements, afin de leur redonner un sens. En cinq ans, les décisions rendues par les conseils de discipline ont augmenté de 20 % – les exclusions temporaires de 14 %, les exclusions définitives de plus de 28 % – alors même que les effectifs dans le second degré ont baissé de près de 4 %. Cette augmentation des décisions d’exclusion a-t-elle résolu le problème du climat scolaire ? Non, parce que l’exclusion a perdu de son sens. Bien des élèves sont trop heureux de ne plus venir au collège ou au lycée, sans se rendre compte qu’ils sont sur la pente de la déscolarisation. Il nous fallait donc construire un dialogue éducatif nouveau. J’ai confié à cet effet une mission à Alain Bauer, dont les préconisations s’articulent autour de trois objectifs. Le premier consiste à remettre la règle au cœur de la vie scolaire et à privilégier les sanctions éducatives. Cela passe par l’inscription dans le règlement intérieur, désormais présenté sous forme de charte, des règles élémentaires de civilité et de comportement en vigueur dans l’établissement. Cela passe également par la systématisation du déclenchement de la procédure disciplinaire dans les cas de violences verbales à l’égard des personnels et par la tenue d’un conseil de discipline dans les cas de violences physiques à l’égard des personnels. Cela passe enfin par la généralisation et l’institutionnalisation des commissions éducatives, qui veilleront à rechercher des réponses éducatives personnalisées et à assurer le suivi de l’application des mesures de prévention et d’accompagnement.

La révision des sanctions vise ensuite à rendre à l’exclusion son caractère exceptionnel. Non seulement une exclusion de plus de huit jours n’a d’autre effet que de déscolariser des élèves déjà en difficulté, mais une mesure d’utilité collective est bien plus efficace. Il ne s’agit évidemment pas de ne plus exclure du tout : nous pourrons toujours le faire pour les élèves qui empêchent systématiquement d’autres élèves de travailler ou se montrent violents envers les adultes ou les autres élèves, d’autant que nous disposons avec les établissements de réinsertion scolaire (ERS) de structures nouvelles qui peuvent accueillir les élèves particulièrement perturbateurs.

Le troisième objectif est de mieux responsabiliser les élèves. Une mesure alternative à la sanction pourra ainsi leur être proposée. Il s’agira d’une action de solidarité ou de formation en dehors du temps scolaire– par exemple au sein d’une association ou d’une collectivité – qui peut avoir une vertu pédagogique. Le conseil scientifique des États généraux a apporté toute son expertise à ces propositions.

Le dernier axe que nous avions mis en avant est l’expérimentation. Pour nous donner de nouvelles marges de manœuvre pour répondre à des situations spécifiques, nous avons initié de nouvelles pratiques. Le programme CLAIR répond ainsi à un avertissement émis lors des États généraux quant au fait que la part la plus importante de la violence en milieu scolaire se concentre dans 10 % des établissements. Il fallait donc apporter une réponse complète et innovante qui fasse appel à des dispositifs inédits.

Il s’agit ainsi d’abord de rétablir la sérénité du climat scolaire en recherchant une plus grande stabilité des équipes. Pour cela, nous avons donné davantage d’autonomie aux chefs d’établissement, notamment par un recrutement sur profil des professeurs, afin que ces 105 collèges et lycées disposent d’équipes motivées et volontaires pour agir au service des élèves. La deuxième innovation consiste à prendre en charge les élèves selon des modalités extrêmement variées, en faisant confiance aux acteurs locaux – qui sont ceux qui les connaissent le mieux – pour mener les élèves à la réussite. Enfin, nous désignons à chaque niveau un préfet des études, chargé de la mise en cohérence des pratiques, du respect des règles communes et de l’implication des familles dans la vie de l’établissement.

J’ai décidé d’élargir le dispositif à la prochaine rentrée, en intégrant aux établissements CLAIR les 254 réseaux ambition réussite (RAR), ce qui permettra également de simplifier le dispositif d’éducation prioritaire, aujourd’hui trop complexe.

Autre expérimentation, les ERS constituent une vraie réponse aux problèmes vécus et posés par certains élèves. Ils sont le chaînon qui manquait à nos dispositifs, puisqu’ils s’adressent aux élèves très perturbateurs n’ayant pas fait l’objet d’une décision de justice. Nous en avons ouvert 11, et nous en ouvrirons 9 autres d’ici la fin de l’année, ce qui portera le nombre de places à 400.

J’avais évoqué lors de mon discours de clôture des États généraux la question des violences cachées. Au-delà des violences verbales ou physiques dont je viens de parler, connues du plus grand nombre, l’éducation nationale a longtemps fait preuve d’ignorance délibérée, voire de cécité, à l’égard d’autres formes de violence, plus sournoises mais contre lesquelles il importe de lutter. Je pense au harcèlement à l’école. Selon le rapport de l’Observatoire international de la violence à l’école, environ 10 % des écoliers se disent victimes de harcèlement verbal ou physique. Apporter des réponses à cette situation était tout l’enjeu de l’organisation des premières Assises sur le harcèlement scolaire, qui se sont déroulées hier et aujourd’hui et qui m’ont permis d’annoncer plusieurs mesures importantes : amélioration de la formation de nos enseignants, outils offerts aux parents des enfants victimes de maltraitances, notamment avec un numéro d’appel unique, réponse forte opposée à la cyber-violence. En effet, pour la première fois en Europe, Facebook a accepté de mettre en place un système permettant de bloquer le compte des élèves qui harcèleraient leurs camarades sur le net. C’est je crois une bonne réponse à ce phénomène en expansion.

La sécurité à l’école est un sujet capital mais très difficile. Nous avons voulu l’aborder avec pragmatisme, en nous fondant sur le travail des scientifiques et l’expérience de pays qui ont réussi dans ce domaine, et en agissant à la fois sur les fronts de la prévention, de la formation et de l’action avec l’ensemble de nos partenaires. C’est dans cette direction que nous continuerons à œuvrer.

M. Frédéric Reiss. Le sujet est en effet difficile : malgré une condamnation quasi universelle, la violence à l’école semble quasiment impossible à éradiquer. Si nous ne pouvons évidemment nous satisfaire de la stabilité que vous avez évoquée, monsieur le ministre, il reste que la violence à l’école est aussi le reflet de notre société.

Il est néanmoins réconfortant de savoir que vous agissez et qu’une prise de conscience semble se faire jour sur des sujets qui ont longtemps été délaissés, en particulier le harcèlement et la cyber-violence. Il est hélas plus fréquent qu’on ne le pense qu’un enfant ait peur d’aller à l’école parce qu’il redoute d’être victime de violences. Pour pouvoir y apporter des réponses adaptées, il était indispensable de mieux connaître les faits et les comportements de violence à l’encontre des personnels de l’éducation nationale, des autres élèves, parfois même des équipements scolaires. La méthode choisie est donc la bonne.

La réponse passe par la formation, qui doit concerner non seulement les chefs d’établissement, mais aussi tous les enseignants, afin qu’ils soient en mesure de prévenir cette violence, mais aussi de désamorcer les situations de conflit dès leur origine.

Un professeur de mathématiques chevronné m’a raconté que dans une classe de 22 élèves, sa collègue de français a accepté que certains enfants conservent leur casque sur les oreilles, car c’était la seule manière qu’ils n’empêchent plus leurs camarades de suivre son cours… On ne peut accepter d’aller dans cette direction ! Selon ce professeur, ses collègues n’ont pas compris combien la population scolaire avait changé en dix ans, notamment en raison de la révolution numérique et de toutes les possibilités de communication qu’elle offre. De même, les jeunes enseignants semblent souvent découvrir que les élèves sont désormais touchés par la violence dès le plus jeune âge.

Membre de la délégation parlementaire française au Conseil de l’Europe, je constate – ce qui n’est pas une consolation – que le problème de la violence à l’école touche l’ensemble des pays européens. Cela peut aller jusqu’aux attaques perpétrées par des élèves – avec ou sans armes –, en passant par les brimades, les violences sexuelles, les actes d’hostilité, les agressions d’enseignants… La réponse doit impérativement associer les familles, les enseignants et les élèves eux-mêmes.

À côté du plan ambitieux que vous nous avez exposé, un discours de fermeté est en tout cas nécessaire. C’est ainsi que nous apporterons les réponses cohérentes et concertées dont nos équipes éducatives ont besoin. Merci donc pour toutes les actions que vous avez entreprises.

M. Yves Durand. Nous ne doutons pas de l’importance des problèmes abordés dans les différents colloques que vous organisez, qu’il s’agisse de la violence à l’école ou du harcèlement. Le groupe socialiste avait d’ailleurs réuni il y a un an l’ensemble des acteurs concernés autour de ce que nous avions appelé le « désir d’école ». C’est dire qu’il y a là un vrai problème, qui touche à la fois à la qualité de l’enseignement et à la mission de l’école de la République, celui du climat dans les établissements scolaires : il ne saurait y avoir de véritable apprentissage sans un minimum de sérénité.

Les solutions doivent donc être à la mesure du problème. J’ai écouté avec attention, voire avec un certain enthousiasme, M. Debarbieux lors des États généraux de la sécurité à l’école. J’ai lu tout aussi soigneusement le rapport Refuser l’oppression quotidienne : la prévention du harcèlement à l’école qu’il vous a remis le 12 avril. Parmi les facteurs concourant à expliquer le phénomène, il met en avant un effectif trop important dans l’école et dans la salle de classe. Certes, dit-il, ce n’est pas le cas partout, mais le lien entre le nombre d’élèves par classe et le harcèlement et la violence est particulièrement important dans les zones défavorisées sur le plan culturel et social –les chiffres que vous avez donnés sur les lycées professionnels en attestent. Comment ne pas en tenir compte ?

J’en viens à la formation des maîtres. On ne peut se contenter d’une formation « gadget » : la tenue de classe ne s’apprend pas en regardant un DVD, mais en allant dans une classe ! Tous nos collègues qui ont été, comme moi, enseignants le savent, maîtriser une classe s’apprend – avec du temps, avec les difficultés, avec des maîtres formateurs. Or que dit M. Debarbieux à la page 24 de son rapport ? « La période de restriction budgétaire et de suppression de nombreux postes d’enseignants ou de personnels spécialisés cause un malaise profond sur le terrain. Ce malaise se double d’une véritable souffrance au travail, qui rend difficile toute approbation d’une réforme et toute charge supplémentaire qui serait induite par la lutte contre le harcèlement. Cela implique un changement de perspective radical dans la définition des charges d’enseignement, dans la formation des enseignants, dans l’aide aux enseignants et dans l’évaluation des enseignants. (…) Tous les débats, toutes les auditions menées ces dernières semaines ont été unanimes sur ce point : la qualification à bac+5 avec un master est certainement une bonne chose, mais cette qualification ne s’accompagne pas actuellement d’une qualification professionnelle suffisante. Le haut niveau disciplinaire acquis par les enseignants est certainement une bonne chose, mais la réalité est qu’en université, la formation professionnelle n’est au mieux pas assurée, au pire totalement dénigrée. » Reconnaissez que c’est ce que nous vous disons depuis des mois ! Le Président de la République lui-même vous a d’ailleurs fait remarquer en forme de clin d’œil, lors d’un discours sur la culture, que la grande qualité du savoir disciplinaire ne suffisait pas à donner la capacité de le transmettre. Ce n’est rien d’autre que la définition de la pédagogie !

Il en va de même du recrutement des maîtres. À la page 33 du rapport, je lis que « le concours de recrutement, au lieu d’être un concours couperet post master, doit mieux intégrer, comme c’est le cas dans toutes les formations universitaires désormais, l’évaluation continue. Nous proposons que le concours s’obtienne de manière modulaire, en commençant par les modules que nous proposons en L1, M1 et M2. » Nous ferons nous-mêmes ces propositions dans le projet que nous présenterons aux Français dans quelques semaines.

Vous allez sans doute me dire que vous n’êtes que le recruteur, et « repasser le bébé » à votre collègue de l’enseignement supérieur, Mme Pécresse. Ce serait une entourloupe dont je ne vous crois pas capable…

On est d’autant plus en droit d’attendre du responsable politique qu’il tire toutes les conséquences de ces préconisations que c’est lui qui a lancé le processus. Qu’en est-il donc ? Vous nous parlez référent et préfet des études, campagne d’information, site internet… Autant de réponses qui ne sont pas à la hauteur du vrai problème que vous posez. Votre situation est décidément pathétique. Vous organisez États généraux après États généraux, vous annoncez chaque jour de nouvelles mesures – bref, vous êtes un ministre qui bouillonne. Hélas, prisonnier de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), vous n’avez les moyens ni de vos idées, ni de vos discours.

Mme Marie-Hélène Amiable. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre : un enfant sur dix est en souffrance à l’école. Cela représente tout de même 250 000 élèves. Comme l’a dit le président de l’UNICEF France, le sujet mérite donc la mobilisation de la collectivité.

Le président du conseil scientifique des États généraux de la sécurité à l’école se dit lui-même déçu des mesures que vous avez annoncées à la suite du rapport qu’il vous a remis le 12 avril, qu’il juge trop légères, notamment en ce qui concerne la formation des enseignants et des personnels relais – personnels des réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), infirmières scolaires. « On voit bien que ce dossier embarrasse » a-t-il ainsi déclaré. Le Syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles (SNUipp) ne se montre pas plus enthousiaste, estimant que ces mesures ne sont pas à la hauteur.

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a pour sa part avancé des pistes qui ne nous semblent pas suffisamment exploitées : former les personnels à détecter les phénomènes et à y répondre de la manière la plus juste possible, prévoir dès le plus jeune âge une sensibilisation aux conséquences du harcèlement entre pairs, développer en classe des activités renforçant la coopération et la reconnaissance de la diversité des élèves. La Fédération rappelle également que les adultes qui travaillent dans les établissements scolaires sont les garants de la sécurité des élèves.

Ce sujet nous renvoie immanquablement à la dégradation de la situation qu’entraînent les suppressions de postes ou le sacrifice des RASED, qui jouent un rôle important dans la lutte contre les violences. Une réforme sérieuse du métier d’enseignant et de la formation professionnelle s’impose également. Dans le secondaire le ministère prive année après année les établissements des adultes présents aux côtés des enseignants – surveillants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation, psychologues, infirmières, médecins. Entre 2003 et 2009, leurs effectifs globaux sont passés de 97 727 à 81 300 personnes. Comment, dans de telles conditions, faire de la lutte contre les violences scolaires une grande cause nationale ?

Il y a un besoin de formation théorique, mais aussi pratique des enseignants et des personnels à la détection des phénomènes de violence. Or vos propositions – trois jours de formation, des DVD – sont insuffisantes. Pourquoi ne pas créer un vrai cursus de formation professionnelle ? Les formations que vous évoquez seront-elles obligatoires ? Combien d’enseignants envisagez-vous de former chaque année sur ces questions ?

M. Jacques Grosperrin. Je salue votre engagement quotidien en faveur de l’école et de l’éducation. Par étapes successives – les États généraux de la sécurité à l’école, les Assises sur le harcèlement scolaire – vous arrivez à apporter des changements dans ce domaine si délicat à réformer. La méthode est intéressante.

Permettez-moi de revenir sur la sécurité des établissements. Souvenez-vous de la prise d’otages du 13 décembre 2010 à l’école Charles Fourier de Besançon. L’éducation nationale est-elle vraiment en mesure de bloquer l’accès aux écoles pour faire en sorte que les jeunes délinquants n’y rentrent pas ? Ne faut-il pas mieux assurer la sécurité des chefs d’établissement, en faisant en sorte que de véritables sanctions puissent être prises lorsque des parents commettent des actes délictueux à leur encontre, et protéger les enseignants des incivilités ?

Vous l’avez rappelé, 10 à 14 % des élèves se sentent harcelés. Agir à travers les réseaux sociaux est une bonne chose. Interdire les téléphones portables en serait une autre, notamment dans la mesure où ils servent à transmettre des images. Néanmoins, la vraie sécurité est d’ordre intellectuel, psychologique et social. L’échec scolaire est une source d’insécurité, au même titre que les conflits.

S’agissant de la formation, je crois que tout le monde s’accorde à dire qu’il fallait rénover les IUFM. Le plus important est de distinguer faire classe et faire cours. Les élèves ont changé, le métier d’enseignant a changé. Plus que jamais, il importe de délivrer un enseignement de qualité. Hormis peut-être dans les quartiers défavorisés, la taille de l’établissement ne me semble pas un facteur significatif. Le plus important réside à mon sens dans la formation et le niveau de recrutement des enseignants. Une réflexion devra être conduite sur ce point, afin en particulier de les responsabiliser davantage.

On pourrait enfin réfléchir aux délégués des élèves, qui ne jouent pas vraiment leur rôle, aux parents délégués, qui pourraient être davantage impliqués, et à l’école obligatoire, pourquoi pas à travers des États généraux.

Mme Marie-Odile Bouillé. Quelle place comptez-vous donner aux parents et aux familles dans les 10 % d’établissements concernés par des événements graves ? Des expérimentations ont été conduites dans certains collèges de ZUS, ne serait-il pas intéressant de les multiplier ?

M. Jean-Philippe Maurer. Ne pourrait-on mobiliser davantage les acteurs de proximité pour épauler les établissements les plus en difficulté ? Je pense, pour les collèges, à des contrats de coopération avec les équipes de prévention spécialisées – n’oublions pas qu’un élève exclu est un collégien à la rue ! –, avec les services de protection de l’enfance, en particulier dans les quartiers en grande difficulté, et avec les centres médico-sociaux.

Je souhaite aussi vous parler des écoles qui scolarisent les enfants placés dans des maisons d’enfants à caractère social (MECS). Il semble que la coopération entre les institutions laisse à désirer : on m’a parlé de trois mois pour obtenir un rendez-vous avec la directrice de l’école pour faire le point sur un élève, ou, à l’inverse, de difficultés de l’école pour rencontrer les éducateurs de la MECS. Je suggère donc, ne serait-ce qu’à titre expérimental, des conventions de coopération entre écoles et MECS.

Mme Martine Faure. Nous ne pouvons hélas que vous rejoindre dans vos constats, monsieur le ministre. Un enfant sur dix est en souffrance à l’école – soit tout de même un million d’élèves. Nous ne doutons pas de vos bonnes intentions, mais nous dénonçons une insuffisance de moyens, notamment en matière de prévention. La formation initiale et continue des maîtres doit leur permettre de traiter le problème des violences et du harcèlement, ce qui est d’autant plus difficile que le nombre d’enfants par classe est appelé à augmenter encore avec les suppressions de postes de la prochaine rentrée. Nombre de classes d’école primaire, voire de collège ou de lycée, comptent déjà de 30 à 40 élèves. La suppression des postes d’encadrement ne crée pas un climat propice aux apprentissages, tant il est vrai que celui-ci dépend du nombre d’adultes au service des élèves. Les financements prévus pour la vie scolaire ont également été réduits lors du vote du budget – ce que nous avions dénoncé.

M. Marc Bernier. Élu de la Mayenne, je souhaite témoigner des événements qui ont touché mon département – pourtant peu enclin à faire parler de lui sur le front de la violence – suite à l’implantation d’un établissement de réinsertion scolaire. Nous avons en effet essuyé les plâtres : l’arrivée de ces jeunes de Seine-Saint-Denis dans un département rural s’est immédiatement traduite par des bagarres, et dix d’entre eux sont repartis dès le lendemain. Des mesures ont été prises et désormais tout se passe bien. Je pense que des erreurs ont été commises et que cette opération s’est effectuée de manière trop brusque.

Un autre événement, largement médiatisé, a marqué mon département : la découverte à Laval, le mois dernier, des violences et des sévices infligés lors des récréations à 19 élèves de maternelle et de CP par des CM2. Nous sommes là au cœur du sujet. Quelles leçons avez-vous tirées de ces deux affaires et quelles solutions proposez-vous ?

M. Marcel Rogemont. Monsieur le ministre, je déplore que, lors des Assises sur le harcèlement scolaire, vous ayez utilisé des cas particuliers pour stigmatiser l’institution scolaire et éducative, affirmant que notre école ne savait pas encore anticiper, appréhender cette souffrance, ajoutant que « désormais l’école ne sera plus cette institution qui considère le harcèlement comme ne relevant pas de sa compétence » et souhaitant qu’elle redevienne « ce lieu d’humanité qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être… » De la sorte, vous remettez en cause le travail de l’éducation nationale et portez atteinte à l’image que les Français se font de l’école et au rapport qu’ils entretiennent avec la communauté éducative.

Vous dites d’autre part que l’enjeu n’est pas celui des postes, mais de l’engagement de chacun et d’une mobilisation générale. Je suis d’accord, mais la question des personnels ne peut être gommée aussi facilement. Une loi d’airain veut désormais que l’on supprime un poste de fonctionnaire sur deux. À partir de quel niveau d’encadrement estimerez-vous que la cote d’alerte est atteinte pour ce qui concerne l’éducation nationale ?

En ce qui concerne la formation, vous repassez un peu vite la « patate chaude » de la formation initiale des enseignants à votre collègue de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’espère donc que vous pourrez nous en dire un peu plus.

M. Dominique Dord. Merci de nous réunir sur ce sujet sensible de la violence à l’école. Je ne suis pas membre de cette Commission et je suis attristé que nos collègues de gauche continuent à prétendre que ce problème est lié à celui des moyens et des postes. Outre que l’on ne peut faire, comme si la France ne connaissait aucun problème budgétaire, le lien entre une supposée montée de la violence à l’école et la diminution du nombre des postes n’a rien d’évident. La preuve en est qu’en dépit de la RGPP, les statistiques sur la violence à l’école sont stables.

Pour ma part, je retournerai la question de M. Rogemont : jusqu’où ne pas aller pour être sûr qu’il n’y aura plus de violence à l’école ? Tout ceci n’a guère de sens !

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les pays qui ont réussi dans ce domaine de la prévention de la violence à l’école. Comment font-ils ? Les moyens qu’ils consacrent à l’éducation nationale sont-ils supérieurs aux nôtres ?

Enfin, faut-il considérer cette question sous le seul angle de la responsabilité au sein de l’école ? L’école s’inscrit en effet dans une société qui fait elle-même face au problème de la violence. Dès lors, les solutions ne doivent-elles pas être apportées à une échelle plus large ?

M. Jean-Luc Pérat. Mon expérience de 34 années d’enseignement dans une cité scolaire comprenant un collège, un lycée et un lycée professionnel m’inspire quelques remarques. La formation des enseignants est en effet au cœur de la réussite, et dans cette formation, la pratique est particulièrement importante. On peut certes regarder des vidéos et discuter, mais rien ne remplace le concret. Il faut également assurer une variété : la formation doit concerner les trois types d’établissements – collège, lycée et lycée professionnel – car au cours de leur carrière, les enseignants seront conduits à passer de l’un à l’autre. Or on sait que c’est dans les lycées professionnels que l’on rencontre le plus de difficultés.

Il me paraît également important de valoriser chaque fois que possible les élèves qui ont par ailleurs tendance à se laisser aller à la violence. C’est possible – je l’ai moi-même fait – par des activités ou des modules spécifiques, à condition qu’ils soient bien encadrés.

La place de l’équipe éducative est par ailleurs capitale, et le rôle du professeur principal déterminant, qui peut enrayer un certain nombre de difficultés et repérer les élèves qui ont tendance à être agressifs ou marginaux. Sa place dans le dispositif doit donc être revalorisée.

Le rôle des parents a également été évoqué. Il est indispensable de privilégier la prévention plutôt que la sanction.

Un autre sujet important est celui de l’accompagnement des victimes.

Enfin, vous avez évoqué Facebook et son utilisation dans le cadre de harcèlement ou d’agressions. Dans la mesure où la société siège à l’étranger, comment gérer concrètement les dispositifs que vous avez annoncés ?

M. Alain Marc. Si les formes les plus graves de violence à l’école se retrouvent au collège et au lycée, on peut souvent détecter dès l’école élémentaire les enfants qui risquent de devenir violents ou le sont déjà. Le sujet est difficile, car les facteurs explicatifs sont multiples. Au-delà de l’angélisme dont nous avons fait preuve jusqu’à aujourd’hui, il faut être pragmatique. Force est de reconnaître que la formation des enseignants était loin d’être parfaite… Le problème de la violence s’impose désormais aux formateurs, et nous nous devons d’adopter un dispositif efficace.

Il faut également associer davantage les parents au parcours éducatif, en leur disant quelle place ils doivent occuper et quelles sont leurs responsabilités. En milieu rural, plus de la moitié d’entre eux se déplacent lorsqu’ils sont convoqués à une assemblée ; dans les villes, la proportion tombe à un sur dix. Or en milieu rural, les problèmes sont quasi inexistants. Cette corrélation doit nous interpeller… Quelles mesures entendez-vous donc prendre pour impliquer davantage les parents ? Le « désir d’école » – pour reprendre les mots de M. Durand – et l’attente de réussite doivent être vécus en famille. Ainsi obtiendrons-nous une baisse de la violence à l’école.

M. Michel Pajon. Certains abords d’établissements scolaires, notamment en Seine-Saint-Denis, sont devenus le théâtre d’affrontements entre bandes. Pour les mois de mars et d’avril 2010, la proportion d’incidents aux alentours des écoles a atteint 45 %, contre 32 % l’année précédente. Au sein même des établissements, les micro-violences, à l’image des jeux dangereux, des provocations physiques et verbales dans la cour, les couloirs et les salles de classe, créent un climat d’insécurité et de malaise.

Certes, les violences entre élèves ont toujours existé ; mais la multiplication de ces actes – presque quotidiens – pèse aujourd’hui sur les conditions de travail du personnel enseignant et sur les conditions d’apprentissage des élèves. Même si les conventions passées entre la justice, la police, l’éducation nationale et les collectivités locales ont permis d’améliorer le signalement des infractions commises en milieu scolaire, la politique que vous menez semble aller à l’encontre de l’amélioration de la sécurité à l’école. Le manque de formation adaptée des professeurs stagiaires ne leur donne pas les moyens pédagogiques de gérer l’agressivité des élèves difficiles ; la suppression programmée des postes et l’augmentation du nombre d’élèves par classe nuisent à la bonne conduite et à la qualité des cours dispensés ; le travail des surveillants, vecteurs essentiels d’apaisement et de lien entre élèves, professeurs et personnels de l’administration, est dévalorisé ; la pression créée par la suppression des allocations familiales dans les familles qui cumulent les difficultés pervertit la relation entre parents, enfants et éducation nationale.

L’école n’est plus aujourd’hui le lieu privilégié de l’apprentissage et de la transmission des savoirs ; elle est devenue celui de la cristallisation de toutes les tensions sociales. Quand allez-vous donc proposer des mesures cohérentes, globales, efficaces et dignes pour que l’école de la République donne à tous les moyens d’étudier et de vivre l’école sereinement ?

Mme Claude Greff. J’ai été très heureuse de vous entendre, monsieur le ministre : le ministère de l’éducation nationale s’est enfin emparé de la question de la violence à l’école. Beaucoup de mesures ont été prises : lutte contre le décrochage scolaire, renforcement du règlement intérieur et des sanctions, renforcement du poids de l’autorité, actions de formation. Je ne rejoins certes pas mes collègues socialistes, qui prétendent que c’est le nombre d’enseignants qui réduira la violence des élèves !

Vous vous êtes également attelé à la lutte contre l’absentéisme, qui est aussi source de violence. Cette dernière est d’ailleurs le reflet de celle qui existe dans notre société. C’est pourquoi j’aimerais qu’on renforce la place de la parole. Les élèves violents ne l’expriment pas seulement avec des mots, mais aussi avec leur corps. C’est là que le personnel paramédical prend toute son importance. Les infirmières scolaires ont l’avantage d’être dans l’établissement : lorsqu’un élève « pète les plombs », il a besoin de l’exprimer. Ce n’est pas le rôle de l’enseignant de lui offrir ce temps de parole, mais celui du personnel médical. C’est donc aussi grâce aux personnels paramédicaux des établissements scolaires que vous pouvez espérer trouver une solution à ce problème.

Mme Colette Langlade. Pourquoi la médecine scolaire ne trouve-t-elle pas sa place dans les cinq axes que vous avez définis ? Nos jeunes vivent dans une société qui évolue très rapidement ; nombre d’entre eux sont en souffrance et peinent à s’intégrer parmi leurs camarades, ce qui peut entraîner des comportements inacceptables. L’école semble cependant demeurer le lieu privilégié pour intervenir en faveur de la santé des élèves. Pendant de nombreuses années, la médecine scolaire est ainsi demeurée un acteur incontournable des enjeux de santé. Je fais partie d’un comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la médecine scolaire. La première synthèse du rapport que nous allons remettre constate que celle-ci est aujourd’hui en difficulté face à la diversification des besoins et des axes d’approche de la santé.

S’agissant d’autre part de la sécurisation des établissements scolaires, vous avez dit que 63 % des préconisations auxquelles ont donné lieu les diagnostics de sécurité étaient d’ordre technique. Les dépenses correspondantes seront donc à la charge des collectivités locales. Comment seront-elles financées ?

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Je me félicite de l’organisation des Assises sur le harcèlement scolaire, qui témoigne de l’implication du Gouvernement dans cette question si importante. Au-delà de la prévention et de la lutte contre ce phénomène, nous devons nous interroger sur la place du professeur à l’école et sur son autorité. Il me semble aussi que la confiance qui existait entre les parents et les professeurs est rompue. De plus en plus de parents contestent ainsi les sanctions infligées à leurs enfants. Le rétablissement de règles claires au sein de l’école et celui d’un pacte de confiance entre professeurs et parents d’élèves est donc une priorité. Comment comptez-vous renforcer les efforts pour restaurer l’autorité des professeurs et la confiance des parents, garantes de l’efficacité de la lutte contre les violences scolaires ?

Mme Monique Boulestin. Le rapport Debarbieux rappelle qu’un enfant sur dix est victime de harcèlement scolaire, qu’il s’agit de violences verbales, physiques ou psychologiques répétées, qu’elles ont des incidences sur le décrochage scolaire et l’absentéisme et qu’elles induisent, à terme, des difficultés psychologiques. Les propositions du rapport insistent sur la formation des personnels : qu’il s’agisse des personnels de direction, des enseignants, des infirmiers ou des médecins scolaires, les enfants ont en effet besoin d’être encadrés par des adultes formés. Cette audition m’offre l’occasion de revenir sur certaines de nos demandes. Nous insistons encore et toujours sur l’importance de la formation des personnels et de la présence renforcée d’adultes au sein des établissements scolaires. La prévention que nous souhaitons passe par une éducation précoce à la citoyenneté et par des activités citoyennes prises en charge par des équipes éducatives formées et structurées, surtout dans les établissements dits à risques. Il y va du devenir de notre jeunesse.

M. Gérard Gaudron. Vous êtes venu installer l’une des toutes premières équipes mobiles de sécurité à Aulnay-sous-Bois, monsieur le ministre. Où en est-on du déploiement de ce dispositif ? Son fonctionnement est-il satisfaisant ?

Combien les ERS peuvent-ils accueillir d’élèves ?

Combien de familles sont-elles aujourd’hui touchées par une mesure de suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire ?

Enfin, les fiches d’incident que doivent remplir les chefs d’établissement donnent-elles toute satisfaction ? Le dispositif fonctionne-t-il partout correctement ?

M. Régis Juanico. Une des principales insécurités qui touche aujourd’hui l’école tient à la mise sous tension et sous pression que vous lui imposez. Il y a d’abord cette frénésie très déstabilisante d’annonces qui ne sont jamais suivis d’effets. Il y a ensuite la diminution des effectifs de l’éducation nationale, alors que tous les spécialistes de la violence en milieu scolaire s’accordent à reconnaître que la prévention passe plus par des solutions humaines que par des solutions techniques. Or, vous diminuez le nombre d’adultes formés présents dans les établissements. Le département de la Loire verra ainsi la suppression de 24 postes dans le premier degré, dont l’essentiel sont des postes hors classe – autrement dit des personnels spécialisés dans la lutte contre l’échec scolaire, en particulier ceux des RASED, avec quatre suppressions de postes de maîtres E, dont une à l’école Paganini dans le quartier de Montreynaud à Saint-Etienne, qui touche une enseignante à un an de la retraite !

Nous avions par ailleurs évoqué, lors d’une précédente audition, l’expérimentation de la présence de policiers ou de gendarmes référents dans 53 établissements de 11 académies. Comment étendre le dispositif alors que les effectifs de la police et de la gendarmerie sont en nette diminution depuis trois ans ? On en revient à la question des moyens…

M. le ministre. Dominique Dord l’a dit, la gauche n’a que la question des moyens à la bouche. Or, il faut regarder la réalité en face : il y a aujourd’hui plus de professeurs et moins d’élèves qu’il y a quinze ou vingt ans – ce sera encore le cas à la prochaine rentrée – et, parmi les pays comparables, la France est un de ceux qui investit le plus dans son système éducatif et qui obtient les moins bons résultats, y compris dans la sécurité à l’école. Qui plus est, en évoquant les lycées professionnels, où les phénomènes de violence sont les plus nombreux mais où les classes comptent en moyenne 18 élèves, M. Durand a fait la démonstration que la violence n’est pas directement liée aux effectifs.

M. Yves Durand. C’est une moyenne, on ne peut rien en déduire !

M. le ministre. Vous semblez ironiser sur l’organisation des États généraux et de nombreux colloques, mais ils nous permettent en particulier d’interroger des responsables étrangers et des scientifiques et de faire des comparaisons internationales. J’observe que sans doute la vérité se situe-t-elle entre les deux. Mais, dans de nombreux pays, il y a davantage d’élèves par classe et ce n’est pas pour cela que l’on y rencontre davantage de violence. Je puis donc que vous inviter à sortir de cette caricature.

Monsieur Reiss, vous avez parlé de l’autorité du maître et de la nécessité d’aider les enseignants à mieux connaître les enfants alors que les générations évoluent. Il est vrai que c’est le rôle de l’éducation nationale. Par exemple, lorsque l’on n’est pas soi-même parent d’élève, on ignore comment sont utilisés les réseaux sociaux et quelles peuvent en être les conséquences. Le Conseil scientifique a travaillé sur ce thème et des modules de formation ont été créés.

Vous vous êtes aussi demandé, tout comme M. Marc et Mme Bouillé, comment mieux associer les parents pour prévenir la violence. En premier lieu nous avons lancé, avec les collectivités locales, un certain nombre d’opérations comme « l’école des parents » afin que ces derniers, en particulier les familles éloignées de l’école, soient associés à la vie de l’établissement et apprennent le fonctionnement de l’école de la République. Nous avons ensuite mis en place l’espace numérique de travail qui permet aux enseignants et aux parents d’échanger en permanence et à ces derniers de connaître la situation de leur enfant et de savoir ce qu’il fait en classe. De la sorte, nous avons créé un nouveau rapport, plus direct, avec les familles : c’est un véritable progrès. Enfin, la « mallette des parents » qui est actuellement expérimentée dans l’académie de Créteil sera un nouvel outil de compréhension du système éducatif.

Vous avez fait, monsieur Durand, une lecture sélective du rapport de M. Debarbieux, oubliant les pages qui saluent les avancées du ministre de l’éducation nationale dans la lutte contre la violence et le travail accompli depuis un an…

Vous jugez la formation des maîtres insuffisante, mais Alain Marc vous a fort bien répondu : regrettez-vous les IUFM ? Pensez-vous vraiment que l’on y préparait les maîtres à affronter toutes les situations de violence ? Revenez donc sur terre ! Nous sommes dans la première année, de transition, de la nouvelle formation, que nous allons affiner. Des améliorations interviendront dès la prochaine rentrée, en particulier en ce qui concerne les stages de mise en responsabilité pendant l’année de master. Les stages de tenue de classe seront systématisés pour les professeurs stagiaires. Nous travaillons également, avec Valérie Pécresse, à la création de masters polyvalents et en alternance, notamment pour ce métier particulier qu’est celui de professeur des écoles.

Vous avez eu raison, madame Amiable, de faire état de cette réflexion très juste de la FCPE pour qui tous les adultes membres de la communauté éducative doivent répondre à la problématique de la violence à l’école. « Les moyens, les moyens » martèlent les socialistes pour qui une équipe de 8 à 10 surveillants et CPE ne saurait assurer la surveillance d’un établissement de 1 000 élèves. Mais je leur réponds qu’un tel établissement compte de 120 à 150 professeurs et que, face à la violence, l’ensemble des adultes doit constituer une communauté. Lors des États généraux, une large convergence de vues est apparue autour de l’idée que la communauté éducative et l’institution scolaire doivent être solidaires dans de telles situations.

Vous m’avez par ailleurs demandé qui bénéficiera de la formation à la tenue de classe. La grande majorité des professeurs stagiaires en aura déjà bénéficié dès cette année et elle sera obligatoire l’an prochain, selon les plans de formation établis dans chaque académie en fonction des priorités et des situations locales, qui en feront d’abord bénéficier les établissements les plus difficiles, qui en ont le plus besoin.

M. Grosperrin a insisté à juste titre sur la place des élèves. Nous travaillons avec le Conseil national de la vie lycéenne, récemment réélu, sur ces sujets pour lesquels les représentants des lycéens sont moteurs. Nous entendons en particulier renforcer le rôle des délégués lycéens dans la prévention de la violence.

Vous avez aussi évoqué les téléphones portables, dont certains sénateurs avaient souhaité interdire totalement la présence dans les collèges. Mon avis est plus réservé : la véritable question est celle de leur utilisation, qui est déjà interdite pendant les heures de cours, même si cela n’est pas toujours appliqué. Sans doute conviendra-t-il à la prochaine rentrée de réaffirmer cette interdiction dans les règlements intérieurs, et cela sera dit dans la circulaire de rentrée. Mais nous ne saurions oublier que ce nouvel outil s’est imposé, en particulier parce qu’il permet un lien entre les familles et les enfants, lors des récréations et à la sortie des cours.

M. Maurer m’a interrogé sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs dans les quartiers difficiles. Je rappelle que nous avons créé l’an dernier 5 000 postes de médiateur de réussite scolaire, dont l’objectif est précisément de faire le lien entre ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur des établissements, donc non seulement avec les familles, mais aussi avec les associations de quartiers, les médiateurs et les autres intervenants. C’est aussi le rôle des Conseils de sécurité et de prévention de la délinquance : dans la commune dont je suis maire, je m’efforce, avec la police, les associations, l’éducation nationale, de mieux coordonner les politiques afin d’assurer le suivi de certains élèves. S’agissant des collégiens en très grande difficulté, qui ont été exclus et qui jusqu’à présent passaient de collège en collège, nous pouvons désormais apporter une réponse par le biais des établissements de réinsertion scolaire. M. Gaudron m’a d’ailleurs interrogé à leur propos. Les onze établissements qui ont déjà été créés accueillent 110 élèves, soit un peu moins que nous ne le pensions. Nous compterons 20 ERS à la prochaine rentrée, pour une capacité de 400 élèves.

Mme Faure a raison de souligner qu’un million d’enfants sont victimes de harcèlement. Elle a ainsi répondu à M. Rogemont, qui semble sous-estimer le phénomène et qui a caricaturé mes propos : je n’ai jamais dit que les enseignants n’étaient pas à la hauteur mais, tout au contraire, qu’en dépit de leur travail et de leurs qualités, l’institution ne leur proposait pas de réponse appropriée. Votre attitude, monsieur Rogemont, me rappelle ceux qui, pendant des années, ont refusé de parler de certaines formes de violence, en particulier sexuelle. Oui, le harcèlement est une réalité et je dénonce ceux qui ne veulent pas en parler, à l’éducation nationale comme ailleurs : nous ne saurions accepter qu’un élève sur dix aille à l’école avec la peur au ventre ! Dire cela ne signifie nullement que l’on généralise à partir d’un cas particulier. Mon rôle n’est pas de maintenir un couvercle sur la marmite et de prétendre que tout va bien, mais de valoriser le travail qui est fait sur le terrain et de dénoncer les dysfonctionnements du système, système dont je suis le responsable. Les syndicats, généralement avares de compliments au gouvernement en matière de politique éducative, ont plutôt bien réagi par rapport à cette démarche.

La meilleure réponse au harcèlement, c’est d’en parler ; c’est la première fois qu’on le fait ouvertement. Vous déplorez, madame Faure, l’insuffisance des moyens mais en créant les équipes mobiles de sécurité, les médiateurs de réussite scolaire et les établissements de réinsertion scolaire, dont le coût par élève est le double de celui d’une scolarité normale, nous montrant que nous pouvons agir avec discernement en dépit de la contrainte budgétaire.

M. Bernier m’a demandé des précisions quant à l’ERS de Craon. Si nous avons été amenés à y ouvrir un établissement pour les élèves de Seine-Saint-Denis c’est tout simplement parce que le conseil général de ce département n’a pas mis à notre disposition de locaux permettant d’accueillir des élèves en grande difficulté. Nous serons ravis si les choses changent à la prochaine rentrée car le dispositif des ERS n’a pas vocation à déplacer des élèves à l’autre bout de la France. J’ai condamné avec la plus grande fermeté les actes, tous les actes. Car, s’il est inacceptable que ses élèves en grande difficulté se montrent violents, il est tout aussi inacceptable que des parents et des membres de la communauté enseignante réagissent de façon déplacée à leur arrivée : lorsque les élèves sont en grande difficulté, le rôle de l’institution n’est pas de se montrer fermée et égoïste, mais de corriger le tir et de les aider à sortir de cette situation. Cela étant, nous avons amélioré les choses. Il y a aujourd’hui sept élèves dans cet ERS et le taux d’encadrement y a été accru. Nous avançons progressivement. J’étais il y a quelques jours avec le Président de la République à Bagnères-de-Luchon, où nous obtenons de bons résultats.

Ce qui s’est passé, hors temps scolaire, à Laval est tout à fait différent. Le procureur a décidé de classer. Il y avait manifestement des problèmes de surveillance à l’intérieur de l’établissement. L’enquête qui a eu lieu doit nous aider à améliorer le dispositif.

Je l’ai dit, Dominique Dord a eu raison de rappeler qu’il n’y avait pas de lien évident entre les moyens et les résultats. S’agissant des pays qui réussissent mieux que nous dans ce domaine, le Québec mène une politique très intéressante de lutte contre la violence à l’école, dans laquelle il s’est engagé depuis 15 ou 20 ans tandis que nous-mêmes n’y travaillons que depuis un an. Un certain nombre de scientifiques qui y œuvrent depuis des années nous apportent désormais leurs compétences. En effet, monsieur Dord, l’école n’est pas toujours la cause, elle est le reflet de la société et elle est violente parce que la société et violente. Un certain nombre de réponses se trouve bien évidemment à l’extérieur des établissements scolaires, mais nous devons prendre notre part d’une politique globale ; c’est ce que nous faisons depuis un an.

Vous avez raison, monsieur Pérat, de vouloir mettre en valeur le travail des élèves. C’est la raison pour laquelle nous avons généralisé le livret de compétences que nous avions expérimenté en Seine-et-Marne lorsque Martin Hirsch était en charge de la jeunesse. L’idée est de valoriser, jusqu’au brevet, les compétences, y compris extrascolaires, des élèves pour leur montrer qu’on peut mettre en avant, au-delà de la sanction de la note, une performance sportive ou un engagement associatif ou culturel. C’est aussi un moyen de lutter contre le mal-être à l’école. Aux États-Unis et au Canada, la relation entre élèves et professeurs est très différente de ce qu’elle est chez nous : les premiers sont pris en considération par les seconds quel que soit leur niveau scolaire.

Vous souhaitez par ailleurs un équilibre entre prévention et sanction. Vous avez raison et c’est précisément la politique nous menons dans le cadre des États généraux : les cinq axes que je vous ai rappelés comportent de nombreuses mesures de prévention, de formation et de sanctuarisation grâce aux équipements. Cela me permet d’ailleurs de répondre aussi à M. Juanico qu’il faut un équilibre entre les moyens humains, techniques et pédagogiques. C’est ce que nous faisons dans le cadre des principes posés par les États généraux et nous obtenons des résultats grâce à l’action que nous avons engagée.

À l’issue d’une négociation qui s’est achevée tard la nuit dernière, Facebook, qui souhaite que les réseaux sociaux redeviennent des lieux de convivialité et non d’externalisation de la violence à l’école, a accepté d’appliquer en France, comme aux États-Unis, une procédure très simple : lorsque l’éducation nationale signalera qu’un élève est harcelé à partir d’un compte donné, ce dernier pourra être fermé. C’est une avancée considérable !

La description que Michel Pajont a faite de la situation Seine-Saint-Denis ne fait que justifier notre action, mais je suis en désaccord profond avec ce qu’il a dit quant aux effectifs. Pour moi, la bonne réponse est une meilleure coopération avec les services de police, la présence des policiers référents dans les établissements, la mise en place des équipes mobiles de sécurité. Cette dernière a été précédée de nombreuses polémiques, mais ces équipes sont désormais totalement intégrées au système éducatif, elles sont demandées par ceux qui les dénigraient naguère : cela montre que les lignes bougent et que l’on peut obtenir des résultats.

Claude Greff a eu raison de rappeler l’importance de la lutte contre l’absentéisme et vous avez été plusieurs à m’interroger sur la loi que vous avez adoptée à l’initiative d’Éric Ciotti. Les décrets d’application ont été signés le 24 janvier. Depuis lors, 7 859 avertissements ont été adressés aux parents dans le cadre du mécanisme de signalement par les inspections académiques. Après cette phase de prévention, en cas d’absentéisme persistant, 31 demandes de suspension des allocations familiales ont été adressées aux CAF.

Comme Claude Greff, Collette Langlade m’a interrogé sur la médecine scolaire. Vous avez raison d’insister sur l’importance de ces personnels, qui ne sont absolument pas exclus du dispositif. Ainsi, nous avons décidé que la problématique de la lutte contre le harcèlement serait mise à l’ordre du jour des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Nous avons lancé un plan de recrutement d’infirmières et de médecins scolaires, mais nous sommes confrontés à la pénurie de personnels dans l’ensemble des professions médicales et tous les postes budgétés ne sont pas pourvus, ce qui pose problème.

Mme Langlade souhaite savoir comment seront financées les préconisations techniques. Je rappelle que le bâti des établissements est de la compétence des collectivités locales et que l’État est très respectueux de leurs prérogatives.

Sauveur Gandolfi-Scheit m’a demandé de préciser la politique de lutte contre le harcèlement. Lors des Assises qui viennent de s’achever, j’ai dit qu’il fallait en parler, ce qui est en soi une nouveauté ; donner aux professeurs et aux parents des outils qui n’existent pas encore – tel est l’objet des guides qui seront accessibles à la rentrée prochaine dans les établissements et sur internet – ; mettre ce sujet à l’ordre du jour des CESC ; mettre en œuvre la disposition sur le cyber-harcèlement définie avec Facebook ; ouvrir à la prochaine rentrée le numéro d’appel unique qui proposera, hors de la relation quotidienne avec l’établissement, un interlocuteur aux parents des victimes de harcèlement.

S’agissant des fiches de signalement il me semble, monsieur Gaudron, que les policiers référents ont pour rôle d’améliorer les connexions entre ce qui se passe dans l’établissement, l’éducation nationale et le suivi de la délinquance.

Monsieur Juanico, il y a aujourd’hui un policier ou un gendarme référent par établissement mais ils ne disposent d’un bureau que dans 53 d’entre eux et, s’ils sont ainsi mieux intégrés à l’équipe pédagogique, ils ne s’y tiennent bien évidemment pas en permanence. Nous allons évaluer leur action et, si le retour d’expérience est favorable, nous n’hésiterons pas à étendre le dispositif.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Merci beaucoup, monsieur le ministre.

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 3 mai à 17 heures 30 :

Présents. – Mme Marie-Hélène Amiable, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Éric Berdoati, M. Marc Bernier, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Bruno Bourg-Broc, M. Xavier Breton, M. Édouard Courtial, M. Pascal Deguilhem, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Gérard Gaudron, Mme Claude Greff, M. Jacques Grosperrin, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, Mme Geneviève Levy, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Pajon, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot, Mme Marie-Hélène Thoraval

Excusés. – Mme Sylvia Bassot, M. Jean-François Copé, M. Bernard Debré, Mme Françoise Guégot, Mme Françoise Imbert, Mme Marietta Karamanli, M. Yvan Lachaud, M. Pierre Lequiller, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, M. Jean Roatta

Assistait également à la réunion. – M. Dominique Dord