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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 28 avril 2010

Séance de 19 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics

COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ
PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE
LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A (H1N1)

Mercredi 28 avril 2010

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la Commission d’enquête)

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics.

La séance est ouverte à dix-neuf heures.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous accueillons M. Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics.

M. Alexandre Sudarskis prête serment.

M. Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics. Plutôt que de vous imposer un exposé liminaire, je vous propose de nous livrer sans plus tarder au jeu des questions-réponses.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Pouvez-vous nous indiquer comment s’est déroulée la phase de négociations entre votre entreprise et les autorités françaises pour la commande de 16 millions de doses de vaccin contre la grippe H1N1 ? A-t-elle présenté des similitudes avec ce qui s’est passé dans d’autres pays, en particulier quant au nombre de doses et à l’organisation de votre production et de votre distribution ? Sur quels sites les vaccins ont-ils été produits ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous avons répondu, en février 2005, à un appel d’offres, dans le cadre d’un marché public, portant sur deux lots de vaccins, l’un contre le virus de la grippe aviaire H5N1, l’autre contre un virus pandémique mutant. Nous nous sommes prononcés sur le second lot, qui comportait une première tranche ferme portant sur 600 000 traitements et trois tranches conditionnelles pour un total de 12 millions de traitements.

L’appel d’offres nous a été notifié pour valoir engagement en avril 2005 et l’acceptation est intervenue en juillet 2005, de même que le visa du contrôleur financier.

En mai 2007, nous avons obtenu un avis favorable de l’Agence européenne du médicament sur notre dossier prototype dit « mock-up » du vaccin contre la grippe aviaire H5N1, adjuvanté au MF59 à base de squalène.

Nous avons exécuté en juin 2009 la première tranche ferme de 1,2 million de doses, sur la base de deux doses pour 600 000 traitements.

À compter de mai 2009, nous avons été contactés pour les tranches conditionnelles portant sur le virus H1N1 et nous avons eu des échanges en mai et juin avec la Direction générale de la santé, la DGS, et avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’ÉPRUS. Nous avons ainsi signé, le 29 juillet 2009, un avenant au contrat, portant sur l’affermissement de la première tranche conditionnelle pour 16 millions de doses. Mais une autre tranche conditionnelle de 8 millions de doses était également prévue, ce qui explique le chiffre de 24 millions de doses paru dans la presse.

Sur ce contrat de 16 millions de doses, nous en avions livré 9 millions, lorsque, le 4 janvier 2010, l’ÉPRUS nous a notifié la résiliation de la commande de 7 millions de doses.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Quel était le prix d’une dose de votre vaccin Focetria ?

M. Alexandre Sudarskis. Ce prix était de 9,34 euros hors taxes.

Le contrat portait sur la fourniture de vaccins multidoses et sur la possibilité de fournir des monodoses. En fait, 65 % des 9 millions de doses que nous avions livrées en janvier 2010 se présentaient sous la forme de seringues préremplies, donc de monodoses.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Sous quel délai avez-vous pu fournir ces monodoses ?

M. Alexandre Sudarskis. Les délais de fabrication étaient plus longs que pour des multidoses, en raison de l’état de nos équipements de mise sous forme à la date à laquelle a été passée la commande, du fait que la commande ne portait pas uniquement sur le marché français, mais aussi de la nécessité de continuer à fournir nos autres vaccins, en particulier pédiatriques et contre la grippe saisonnière.

Les livraisons ont débuté le 12 novembre, par des lots de 250 000 doses de vaccin adjuvanté, puis elles se sont échelonnées. Nous avons livré à la fois des seringues préremplies et des flacons multidoses jusqu’à la première semaine de janvier. À la fin décembre, nous avions livré 1,9 million de doses en seringues préremplies.

Pour le vaccin contre la grippe, Novartis dispose de trois centres de production dotés de plates-formes technologiques différentes. C’est en Italie qu’a été produit le vaccin Focetria, adjuvanté au MF59, que nous avons fourni à la France, à partir d’une culture sur œuf, donc du mode de production traditionnel de notre vaccin contre la grippe saisonnière, distribué en France sous le nom de Gripguard.

Nous disposons d’une autre unité de production en Allemagne, avec un vaccin également fabriqué sur œuf et un vaccin fabriqué sur culture cellulaire, Optaflu. Cette dernière technologie étant de développement récent, les volumes produits ont été relativement faibles en 2009.

Enfin, notre unité de production implantée à Liverpool fournit les États-Unis et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni, en vaccins non adjuvantés produits à partir d’une culture sur œuf.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Comment la négociation de l’indemnisation de l’annulation de 7 millions de doses en janvier 2010 s’est-elle déroulée ?

Je m’étonne par ailleurs que le prix de la dose de votre vaccin soit supérieur d’environ deux euros à celui de vos concurrents, s’agissant, comme eux, d’un produit adjuvanté et sous forme multidoses. Quel est le prix de votre vaccin contre la grippe saisonnière ?

M. Alexandre Sudarskis. Il varie de 4,50 euros en France pour le vaccin adjuvanté à plus de 15 euros sur les marchés allemands notamment.

S’agissant de Focetria, c’est un prix moyen que je vous ai donné. Je rappelle que les prix ont été établis en 2005, dans le cadre d’un contrat global de services qui ne portaient pas initialement sur la fourniture de vaccins contre la pandémie H1N1, mais sur le développement d’un vaccin contre la grippe aviaire. L’engagement que nous prenions de mobiliser nos équipes et nos équipements et de développer un nouveau produit était donc répercuté dans le prix fixé à l’époque. On ne peut pas comparer la réponse à l’appel d’offres de 2005 à un prix négocié ultérieurement et pour des volumes différents, par d’autres laboratoires.

La négociation sur la résiliation de la commande de 7 millions de doses a débouché sur une indemnisation à hauteur de 16 % du montant de la commande annulée, soit un montant total de 10,5 millions d’euros hors taxes.

La majeure partie des doses de la commande annulée avait déjà été fabriquée puisque l’annulation est intervenue le 4 janvier et que notre planning de livraisons courait jusqu’à début février.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Que faire des doses qui vous restent en stock ?

M. Alexandre Sudarskis. Une partie des doses avait déjà été conditionnée sous la forme spécifique qui nous avait été imposée par la France. Elles ne peuvent donc pas être réutilisées et elles demeurent en stock chez nous où elles seront détruites à la fin de la validité du produit. Seuls des produits en vrac pourraient être réutilisés dans le cadre d’un vaccin saisonnier qui contiendrait la souche H1N1.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Même les vaccins sous forme multidoses ne peuvent pas être reconditionnés et réutilisés ? Certains de vos concurrents disent que ce serait possible.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Il me semble que les concurrents parlaient uniquement du vrac. Une partie des 7 millions de doses annulées est-elle demeurée sous cette forme ?

M. Alexandre Sudarskis. Plus de 5 millions de doses étaient déjà mises sous forme, que ce soit en monodoses ou en multidoses, et il était donc absolument impossible de les réutiliser. Pour le reste, soit 2 millions de doses, le vrac en était à diverses étapes de production.

M. Gérard Bapt. Ne pourrait-on, au lieu de se contenter d’attendre la date de destruction, offrir ces vaccins à des pays qui n’ont pas eu les moyens de les commander et où des foyers sont encore signalés ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous avions un accord avec la direction générale de la santé (DGS) pour qu’une partie des 9 millions de doses que nous avions déjà livrées soit allouée à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des livraisons ont été effectuées vers quatre ou cinq pays qui en avaient fait la demande auprès des autorités françaises.

Quelques livraisons ont également été faites pour la partie qui nous reste en stock, mais le conditionnement spécifique des vaccins pour la France rend leur réutilisation difficile, d’autant que nous n’avons pas eu de demande de pays francophones.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je reviens sur le fait que vous êtes l’un des rares laboratoires avoir produit des monodoses. Pourquoi ? Qui vous l’a demandé ?

M. Alexandre Sudarskis. Le contrat signé en 2005 prévoyait la possibilité de livrer en monodoses et cela correspondait alors à nos capacités de mise sous forme. En fait, ce choix était lié aux volumes et aux types d’utilisation : si le produit qui devait être livré était réservé à des populations spécifiques, il semblait logique de le produire en monodoses ; en revanche, pour une vaccination de masse, la production multidoses paraissait plus indiquée. Il s’agissait en fait d’un service supplémentaire que nous offrions dans le cadre de ce contrat.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous nous avez indiqué un prix moyen du vaccin, mais j’aimerais vraiment que vous parveniez à distinguer le prix en mono et en multidoses, car cela nous donnerait une idée de la différence de coût selon deux modes d’organisation de la vaccination.

Par ailleurs, certains de vos concurrents nous ont dit qu’ils avaient déposé auprès des autorités européennes, dans le cadre de la vaccination contre le virus H5N1, des dossiers relatifs aux multidoses. Est-ce parce que c’était cette forme qui leur avait été demandée ou parce qu’ils avaient eux-mêmes fait ce choix ?

Enfin, qui a fixé à 5 millions sur un total de 9 millions le nombre de doses que vous avez livrées sous forme individuelle ?

M. Alexandre Sudarskis. Dès le dossier maquette pour la demande d’autorisation préalable portant sur le vaccin contre le virus H5N1, nous avions prévu la fourniture en mono et en multidoses, sans toutefois prendre d’engagement sur les volumes.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Mais vous avez bien considéré que vous seriez ainsi apte à répondre aux deux types de demande et vous avez dès lors simultanément présenté les deux dossiers, alors que nous avions cru comprendre que cela présentait des difficultés.

M. Alexandre Sudarskis. Il n’y avait pas de difficulté particulière dans la mesure où le vaccin contre la grippe saisonnière était déjà fabriqué en monodoses et où les chaînes de production étaient donc adaptées pour cela.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. La ministre a annoncé en janvier qu’elle disposait de 5 millions de monodoses alors que, si j’ai bien compris, vous en aviez livré 1,9 million fin décembre. L’accélération a donc été rapide. Pouvez-vous préciser les délais de fabrication, ou, plus exactement, nous dire à quel moment des monodoses sont sorties de vos chaînes de production et ont été disponibles ?

M. Alexandre Sudarskis. La première livraison de 249 000 monodoses a eu lieu le 12 novembre et, fin novembre – et non fin décembre comme je l’ai indiqué tout à l’heure par erreur –, nous en avions livré un total de 1 980 000. Fin décembre, le nombre total de monodoses livrées était de 4,3 millions.

C’est également le 12 novembre que nous avons effectué la première livraison de 600 000 vaccins en multidoses. D’autres livraisons sont intervenues le 17 et le 19 novembre, pour atteindre à cette date un total de 1 784 000.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Si vous avez été capables de livrer 1 784 000 multidoses le 19 novembre et 1 980 000 monodoses à la fin du même mois, cela signifie que les délais de fabrication sont peu ou prou les mêmes. Cette information n’est pas dénuée d’intérêt dans notre réflexion sur l’organisation des campagnes de vaccination.

M. Alexandre Sudarskis. Ces chiffres correspondent à la demande qui nous était faite mais pas à nos capacités de production : n’oubliez pas que nous avons livré des vaccins dans plusieurs dizaines de pays pour atteindre, fin janvier, un total de 154 millions de doses, au sein duquel la proportion de monodoses est bien plus faible que ce que vous venez d’indiquer.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Si vous avez livré autant de monodoses en France à ce moment, c’est donc bien parce que c’est ce qui vous était demandé.

M. Alexandre Sudarskis. Nous avons fourni alors le plus de monodoses possible car je crois me souvenir que l’on nous avait demandé un effort particulier en ce sens. Mais cela ne signifie pas que nous sommes capables de produire la moitié de nos vaccins sous cette forme.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Le fait que l’on vous demande d’accroître cette production vous a-t-il conduit à modifier celle d’autres vaccins ?

M. Alexandre Sudarskis. Bien évidemment, mais cela n’est pas lié à la demande spécifique des autorités françaises. L’entreprise a été réorganisée en profondeur afin de faire face à la demande globale et cela a eu un impact sur les autres productions de vaccins, qui ont été repoussées ou mises sous forme différemment. Nous avons également mobilisé des unités de remplissage et de conditionnement dans d’autres usines du groupe et chez des fournisseurs tiers. Là où des capacités de mise sous forme étaient disponibles, près de 1 000 salariés de Novartis sont venus renforcer les équipes dédiées aux vaccins.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je vous ai entraîné sur d’autres terrains, mais j’aimerais que vous répondiez à ma question sur le prix des différentes formes du vaccin.

Pouvez-vous par ailleurs nous dire si la France est le seul pays qui vous a demandé de livrer des monodoses ?

Enfin, combien de temps après son ouverture un flacon de multidoses est-il périmé ?

M. Alexandre Sudarskis. Il est recommandé d’utiliser dans les 24 heures un flacon ouvert.

Je ne dispose pas de l’information sur le nombre de monodoses commandées par d’autres pays, mais je vous la fournirai par courrier.

Quant au prix, je rappelle qu’il a été établi il y a cinq ans, sur la base non pas d’une dose mais d’un service. Il n’y a donc pas eu de négociation sur le prix, mais une réponse de notre part à un appel d’offres portant sur le développement d’un vaccin prépandémique contre le virus de la grippe aviaire et non sur la fourniture d’un vaccin contre le virus H1N1. Il s’agissait de tranches conditionnelles qui, pour la plupart, n’ont pas été affermies. C’est pour ces raisons que le prix diffère de celui d’autres laboratoires.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Lorsque vous répondez à l’appel d’offres en 2005, il n’y a donc pas de prix différent pour le vaccin mono ou multidoses : vous fixez un prix global et vous livrez en fonction de vos capacités.

M. Alexandre Sudarskis. On ignorait en outre à ce moment combien il faudrait de doses pour chaque traitement. Ce n’est qu’en développant le dossier maquette du vaccin contre le virus H5N1 qu’il est apparu que deux doses étaient nécessaires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Le chiffre de 154 millions de vaccins vendus au total correspond-il aux marchés définis en 2005 ?

M. Alexandre Sudarskis. Non, il s’agit du nombre de vaccins contre la grippe H1N1 livrés en 2009 et 2010.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. D’autres pays avaient-ils, comme la France, signé un contrat dès 2005 ?

M. Alexandre Sudarskis. L’Italie a également signé un contrat prépandémique en 2005 ; d’autres pays ne se sont prononcés qu’ultérieurement.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Votre potentiel de livraisons était de 154 millions de vaccins.

M. Alexandre Sudarskis. Il était en fait supérieur : nous avons livré un peu moins de vaccins que ce qui nous avait été commandé, mais je ne dispose pas ici du détail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. L’indemnisation, dont vous nous avez dit qu’elle avait été en France de l’ordre de 16 %, a-t-elle été identique dans les autres pays où il y a eu rupture de contrat ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous étions contractants aux Pays-Bas, où il n’y a pas eu de rupture de contrat et où nous avons fourni l’intégralité de la commande. Je ne dispose pas de l’information en ce qui concerne l’Italie.

Mais chaque contrat répondant bien évidemment aux prescriptions de la législation nationale, la négociation des indemnités a varié selon les pays. En France, nous nous sommes appuyés sur la jurisprudence en matière de marchés publics.

M. Gérard Bapt. Dans votre contrat, il était indiqué qu’« une partie de la production pourra être conditionnée en monodoses, sur demande de l’ÉPRUS, dans la limite de 10 % de la commande considérée ». Si vous êtes allés bien au-delà, est-ce de votre propre chef ou parce qu’il y a eu une demande expresse en ce sens de l’ÉPRUS, ce qui pourrait donner à penser qu’il s’agissait de préparer la vaccination par les généralistes ?

M. Alexandre Sudarskis. Les 10 % correspondaient à une évaluation, au moment où nous avons passé les contrats, de nos capacités à fournir des seringues monodoses, soit 2,5 à 3 millions de doses, à partir de l’hypothèse de 16 millions de doses plus 8 millions de tranches conditionnelles. En fait, nous en avons livré un peu plus, à la demande des autorités.

M. Gérard Bapt. En juillet 2009, on est parti d’un contrat prépandémique portant sur 12 millions de doses pour 6 millions de traitements. Est-ce, là aussi, le Gouvernement qui vous a demandé de passer à 16 millions ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous étions alors tous sous le choc de la déclaration de la pandémie et l’on nous demandait de façon pressante de fournir un maximum de doses dans les délais les plus rapides. Nous avons donc effectivement répondu à la demande des autorités, le calendrier étant toutefois optionnel.

M. Gérard Bapt. Pour Sanofi, le contrat prépandémique a simplement été affermi en juillet, sans commande supplémentaire.

M. Alexandre Sudarskis. Je crois savoir que Sanofi ne pouvait pas livrer avant le mois de décembre et les autorités souhaitaient qu’un maximum de doses soit livré entre septembre et décembre, avant que Sanofi soit en capacité de prendre la suite.

M. Gérard Bapt. S’agissant des responsabilités, votre contrat indique que « considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent l’objet, l’État s’engage à garantir le titulaire contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire pour les effets secondaires éventuels d’un vaccin ». Cette clause est dérogatoire par rapport au contrat relatif à la vaccination saisonnière. Or, maintenant que vous avez une certaine expérience et des retours de pharmacovigilance, il apparaît que les industriels n’ont pas été confrontés à des effets indésirables majeurs, c’est en tout cas ce que nous a indiqué le représentant du laboratoire GSK. Pensez-vous que les contrats à venir continueront néanmoins à comporter une telle décharge de responsabilité ?

M. Alexandre Sudarskis. Notre responsabilité peut toujours être engagée pour faute. Par ailleurs, nous parlons de produits utilisés dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché. Mais ce n’était pas le cas au moment où cette clause a été négociée. Elle figure dans l’avenant et a été rediscutée au mois de juillet, mais elle existait pratiquement en l’état dans le contrat de 2005. Nous n’avons donc pas cherché à la modifier au moment de la pandémie.

Dans l’éventualité d’une autre pandémie et dans le cas d’une vaccination d’urgence et de masse, il me paraîtrait difficile de demander à un laboratoire de supporter la responsabilité, dans la mesure où il ne communique pas lui-même sur son produit et où il n’est maître ni de sa distribution ni de ses conditions d’utilisation. Les choses sont très différentes pour le vaccin saisonnier, pour lequel nous sommes maîtres de notre communication auprès du corps médical et dont l’utilisation est strictement conforme aux indications.

M. Gérard Bapt. Votre contrat court jusqu’en 2011. Si un virus mutant apparaissait en novembre 2010, comme le prédisent les virologues, un peu comme on annonçait jadis systématiquement le retour du loup, et si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait une nouvelle fois l’urgence, ce contrat serait donc à nouveau en vigueur.

M. Alexandre Sudarskis. Certes, mais, si le contrat indique clairement qu’il est nécessaire que le niveau pandémique soit déclaré par l’OMS pour permettre aux autorités de passer éventuellement commande, cela n’a rien d’automatique. D’ailleurs, lors de la crise précédente, l’OMS a déclaré le niveau 6, ce que la France n’a jamais fait.

Pour autant, en cas de nouvelle pandémie, les autorités pourraient effectivement bénéficier des engagements que nous avons pris de développer un vaccin sur la base d’un virus pandémique et de le fournir dans des délais raisonnables.

M. Gérard Bapt. Sur un milliard de vaccins commandés, 300 millions seulement ont été injectés. Vous conservez donc en stock un grand nombre de vaccins appelés à se périmer et l’indemnisation que vous avez obtenue à ce titre paraît faible par rapport à celle d’autres laboratoires. Quel type de contrat pourrait-on prévoir à l’avenir afin d’éviter ce qui apparaît à l’opinion publique comme un véritable gâchis ? Faut-il envisager des options successives, au fur et à mesure que l’on apprécie le risque réel mais aussi la propension de la population à se vacciner ?

M. Alexandre Sudarskis. Il faut mettre en face de la demande les capacités globales de l’industrie pharmaceutique, que l’on peut estimer entre 700 et 900 millions de doses.

M. Gérard Bapt. Le problème est en fait d’adapter la demande aux besoins, sans provoquer à chaque fois de telles turbulences.

M. Alexandre Sudarskis. Outre les besoins, les délais constituent également une contrainte : on nous demande un certain nombre de doses, tout de suite et en tout cas avant ses voisins...

Dans une perspective strictement nationale, l’important est d’assurer l’autosuffisance, soit par une augmentation des capacités de production sur le sol national, soit par des engagements contractuels comme ceux qui avaient été souscrits en 2005. On peut aussi augmenter le taux de couverture par la vaccination saisonnière, ce qui présenterait l’avantage de mieux protéger les populations à risque, mais aussi de développer les capacités de faire face à une éventuelle pandémie. Qui plus est, des études montrent que l’adjuvantation favorise une immunité croisée protégeant la population contre d’éventuelles faibles mutations des virus qui circulent.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Une coordination européenne des commandes et des décisions, notamment pour les préréservations, présenterait-elle selon-vous une utilité pour augmenter les capacités industrielles ou vaut-il mieux se concentrer sur le vaccin saisonnier ? Pour dire les choses autrement, le fait que les États se soient livrés une certaine concurrence a-t-il posé des problèmes au regard de la production industrielle ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous avons tenu les engagements qui avaient été souscrits, mais il est certain que cette concurrence a exercé une pression sur les négociations.

Pour sa part, l’industrie essaie de développer au niveau européen une politique vaccinale qui permettrait à la fois d’augmenter le taux de couverture et de garantir un certain niveau de production de haute technologie sur le continent. Le regroupement des industriels au sein d’une association européenne des fabricants de vaccins va dans ce sens.

Les États-Unis ont réalisé de très importants investissements pour développer des cultures cellulaires sur leur territoire dans le cadre du programme de lutte contre le bioterrorisme. Cela a permis d’aller plus vite et d’engager des investissements en faveur de technologies innovantes.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Dans le cadre du dernier plan de recherche européen, un budget est également prévu pour développer les vaccins et l’antibiothérapie contre les nouveaux risques.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous évoquez les États-Unis. La vaccination s’y est faite de façon totalement différente, sous la forme de sprays, dont la production est plus rapide. Quel jugement portez-vous sur ce mode de protection, qui a permis de couvrir un plus grand nombre de personnes que nous n’avons été capables de le faire ?

M. Alexandre Sudarskis. Les États-Unis ont utilisé les sprays dans une proportion relativement faible par rapport aux injections et nous leur avons d’ailleurs fourni une très importante quantité de vaccins multidoses à partir de notre plate-forme britannique.

Faute de disposer d’études sur l’efficacité et sur la tolérance de ce mode de vaccination, je n’ai pas de commentaire particulier à faire à propos. Mais c’est une voie que d’autres laboratoires explorent.

M. Gérard Bapt. L’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sera prochainement appelée à se prononcer sur un texte relatif au partage d’avantage avec les fabricants de vaccin antigrippal. Savez-vous si, en dehors de programmes de recherche ou de la mise à disposition de vaccins pour les pays pauvres, des laboratoires financent déjà directement certaines structures de l’OMS ?

M. Alexandre Sudarskis. Novartis pratique en direction des pays en développement une politique de remises qui consiste en fait à leur fournir des produits à des prix subventionnés par les pays développés. S’agissant plus particulièrement de la grippe, l’OMS nous a demandé de faire des dons.

Il est par ailleurs souhaitable que les laboratoires, publics et privés, aient un libre accès aux virus circulants, afin de pouvoir les identifier et fabriquer des vaccins.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous avez suivi comme nous la polémique sur les experts. J’imagine que vous êtes, comme vos concurrents, disposés à publier l’intégralité des contrats que vous avez passés avec eux.

M. Alexandre Sudarskis. La question nous a été posée par la commission d’enquête du Sénat et nous avons répondu que Novartis mène une politique de transparence de ses activités comme de ses relations avec les experts. Il faudra étudier les modalités concrètes de cette publicité, mais nous y sommes bien entendu ouverts.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Qu’est-ce qui empêche de le faire dès aujourd’hui, comme les laboratoires américains ?

M. Alexandre Sudarskis. Nous-mêmes le faisons aux États-Unis, dont nous respectons la législation.

En France, tous nos contrats respectent, outre le droit français, une procédure interne extrêmement rigoureuse. Qui plus est, les experts en font la déclaration et ces contrats sont donc disponibles.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi faudrait-il instituer en France une obligation légale pour que vous y fassiez ce que vous faites déjà aux Etats-Unis ?

M. Alexandre Sudarskis. Parce qu’il est souhaitable que tout le monde soit appelé à respecter les mêmes procédures. Bien évidemment, dès lors qu’il existerait une obligation de publier l’ensemble de nos contrats, nous le ferions comme nous le faisons aux Etats-Unis, cela ne nous pose aucun problème en termes d’éthique.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Si je comprends bien, vous préféreriez qu’une obligation légale impose les mêmes règles à tous, cette publication pouvant avoir un effet dans un cadre concurrentiel.

M. Alexandre Sudarskis. Cela peut arriver, en fonction des travaux menés par les experts.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Où se situent vos centres de recherche ?

M. Alexandre Sudarskis. En matière de vaccins, nous avons peu d’activité de recherche en France : celle-ci se concentre essentiellement aux États-Unis, en Italie et en Allemagne.

Mais la question relative aux experts concerne l’ensemble de la recherche et nous menons effectivement en France des travaux de recherche pharmaceutique.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Qui plus est, il n’y a pas de raison pour que la communication se limite aux activités de recherche exercées en France.

M. Alexandre Sudarskis. Je pense d’ailleurs que les informations sont disponibles sur les sites internet des institutions de recherche américaines.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Il me reste à vous remercier d’avoir participé à cette audition.

La séance est levée à vingt heures.