Accueil > Commissions d'enquête > Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 2 juin 2010

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Jean-Claude Manuguerra, président du Comité de lutte contre la grippe

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE
LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)

Mercredi 2 juin 2010

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d’enquête)

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Jean-Claude Manuguerra, président du Comité de lutte contre la grippe.

La séance est ouverte à dix-huit heures trente-trois.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous accueillons M. Jean-Claude Manuguerra, président du Comité de lutte contre la grippe.

M. Jean-Claude Manuguerra prête serment.

M. Jean-Claude Manuguerra, président du Comité de lutte contre la grippe. Monsieur le président, je vais commencer, si vous le voulez bien, par planter le décor en présentant le rôle du comité, qui ne concerne pas les aspects logistiques de la stratégie de vaccination.

La grippe est une maladie imprévisible extrêmement contagieuse, contre laquelle on peut malgré tout lutter par des moyens comme le vaccin, et plus récemment des médicaments antiviraux. Pour tous les membres de notre comité, il n’est pas inéluctable que nous subissions des épidémies ; nous anticipons ces épidémies pour diminuer leur impact sur la santé des populations, notamment la population qui vit sur le territoire français. Les plans de lutte sont des « boîtes à outils » disponibles, à utiliser en fonction de la situation. L’expertise scientifique est là pour aider les décideurs à prendre des décisions. Le Comité de lutte contre la grippe fait partie de cette expertise. Il résulte des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis très longtemps, depuis que celle-ci a préparé son premier plan en 1999. Mais la France a commencé à se doter d’une instance d’expertise dès 1995 à travers l’ancêtre de l’Institut national de veille sanitaire qu’était le réseau national de santé publique.

Notre cellule est coordonnée depuis 1995 par la direction générale de la santé : elle a pour mission de conseiller le directeur général de la santé sur les moyens à mettre en œuvre face à une épidémie de grippe en France, que ce soit la grippe H3N2 en 1997-1998 ou le virus H3N2, saisonnier, en 2000. Mais nous avons joué bien sûr en 2003 un rôle technique relativement substantiel dans la lutte contre le syndrome respiratoire aigu sévère, le SRAS. Depuis, la cellule de lutte a continué de jouer son rôle d’expertise sur les mesures à mettre en œuvre, et à partir de janvier 2003, la cellule est devenue un groupe de travail non permanent du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. C’est à partir du 1er janvier 2003 que M. Lucien Bénaïm, à l’époque directeur général de la santé, m’a demandé d’en assurer la présidence. Entre la disparition du Conseil supérieur d’hygiène public de France et son remplacement par le Haut conseil de la santé publique, la cellule était « dans l’air », il n’y avait plus de groupe de travail. Nous avons néanmoins continué à nous réunir au minimum une fois par mois, et même beaucoup plus. Afin de stabiliser les choses, le Comité de lutte contre la grippe a finalement été créé et officialisé par un décret du Premier ministre, suivi ensuite par des arrêtés de nomination. La mission du Comité de lutte contre la grippe est donc aujourd’hui d’apporter au ministre chargé de la santé une expertise collective, médicale et scientifique sur l’ensemble des mesures à mettre en œuvre pour contrôler et réduire l’impact d’une épidémie ou d’une pandémie. Jusqu’à présent, les avis du comité ont été fournis à partir d’un consensus de ses membres. C’est une discussion collégiale et franche qui permet de dégager la meilleure solution et d’asseoir l’expertise. Lorsque les avis portent sur les vaccins et la vaccination – c’est assez important pour comprendre son fonctionnement – , le Comité de lutte contre la grippe a travaillé comme groupe de travail du Haut comité de la santé publique ou du Comité technique des vaccinations, et tous les avis que nous avons émis sur les vaccins ont été présentés au Comité technique des vaccinations, qui l’a approuvé après en avoir amendé ou non les termes, puis au Haut comité de la santé publique. Tous nos avis sur les vaccins sont donc publics, pas directement, mais par l’intermédiaire de l’avis abouti du Haut conseil.

Sur le fonctionnement du Comité de lutte contre la grippe, je rappellerai qu’il est composé de dix-sept personnes. Nous nous sommes réunis à de nombreuses reprises puisque nous avons, depuis le début de la pandémie, émis quarante-trois avis du 25 avril 2009 au 31 janvier 2010. Nous nous sommes ainsi réunis le lendemain de l’alerte mondiale le 24 avril 2009 et nous avons, dans les cent cinquante premiers jours, émis des avis tous les cinq jours, week-ends et jours fériés compris, en mai et juin. C’était donc un groupe extrêmement mobilisé, extrêmement attentif à pouvoir répondre aux questions qui lui étaient posées. S’agissant de l’organisation du groupe, je vous ai dit que pendant un certain temps, jusqu’à août 2008, nous n’avions plus d’existence légale mais que nous continuions à travailler. À partir du moment où le comité a été officiellement créé, un certain nombre d’outils ont dû être mis en place, notamment l’adoption d’un règlement intérieur que nous avons mis un certain temps à élaborer, puis à adopter. Il y avait sans doute aussi, comme me l’a fait remarquer le sénateur François Autain, à appliquer la loi qui régit les déclarations publiques d’intérêts. Celles-ci avaient d’ores et déjà été faite en grande partie par les membres du comité, du fait de leur appartenance à des structures qui l’exigeaient. La question de ces déclarations publiques d’intérêts est une affaire administrative qui ne concerne pas le président du comité. Pour ce qui me concerne, les liens que j’ai déclarés étaient, au cours de ces cinq dernières années, une participation à un congrès payée par le laboratoire Roche au Portugal – rencontre européenne qui a lieu tous les deux ans et qui s’intitule Options pour le contrôle sur la grippe – et une participation rémunérée à un séminaire organisé par les services de santé publique du Canada, également soutenu financièrement par le laboratoire Roche. Je précise que je n’ai ni actions, ni contrat de travail, ni contrat de consultant avec une des sociétés pharmaceutiques impliquées dans la fabrication ou la vente d’antiviraux, de vaccins ou de masques. J’ajoute enfin que je suis totalement solidaire des membres du comité et de toutes les décisions de celui-ci.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Merci, Monsieur Jean-Claude Manuguerra. Je voudrais savoir quelle a été l’articulation du Comité de lutte contre la grippe avec les autres instances d’expertise, que ce soit au niveau national ou au niveau européen. Quel est en outre votre sentiment sur le fait que le consensus entre les experts n’a pas été un consensus tout à fait général ? Ce point est important puisqu’il a conduit à de nombreuses réactions médiatiques. Quel est votre avis sur la stratégie vaccinale ? Votre comité a fourni un certain nombre d’avis : a-t-il prôné une vaccination massive ou plutôt orientée vers les populations à risque ? Enfin, la communication des experts a-t-elle été suffisamment claire ? Cette communication est-elle à l’origine de l’inquiétude, voire de la suspicion des Français ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Sur l’articulation avec les autres instances, nous avons souffert indéniablement d’un manque de clarté au moment de la transformation du Conseil supérieur d’hygiène publique de France en Haut conseil de la santé publique. Mais par la suite, notre comité a intégré des personnes qui appartenaient à un groupe qui avait été tripartite, qui réunissait non seulement des agences, mais également des représentants du comité technique des vaccinations qui auditionnait à peu près tous les six mois les firmes pharmaceutiques pour connaître l’état d’avancement des vaccins contre la grippe H5N1 avant l’obtention de leur autorisation de mise sur le marché et la présentation des dossiers. Quand le Comité de lutte contre la grippe a été créé, j’ai souhaité que l’on puisse capitaliser l’expérience passée. Il fallait donc que puissent y siéger le président de la commission des maladies transmissibles du Haut conseil de la santé publique, M. Christian Perronne, et le président du comité technique des vaccinations, M. Daniel Floret. Parmi les dix-sept membres du comité, la moitié représentent des agences, comme l’Institut de veille sanitaire par exemple, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou des représentants des centres nationaux de référence. Nous avons essayé de garder, au moins par la composition, un lien avec les agences et les comités ou les conseils qui existaient par ailleurs. Pour ce qui concerne notre articulation, nous sommes rattachés directement au directeur général de la santé. C’est lui qui nous saisit, même si nous pouvons nous saisir nous-même, ce que nous faisons. Il n’y a pas de relations avec d’autres organismes européens, même si chacun de ses membres peut naturellement faire part de son expérience.

M. le rapporteur. Avec le Centre de prévention et de contrôle des maladies de Stockholm par exemple ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Nous n’avons pas de lien particulier avec le centre de Stockholm. Au niveau mondial non plus. L’organisation mondiale de la santé peut émettre des recommandations, mais chaque pays organise son système de santé comme il l’entend et le comité n’a pas de lien particulier avec elle. Des experts du comité peuvent participer à d’autres comités. À ma connaissance, trois membres du Comité de lutte contre la grippe, dont deux membres de droit, participent au groupe d’expertise d’urgence de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; certains d’entre nous peuvent participer aux travaux de l’Agence européenne du médicament, je participe par exemple à titre individuel au comité stratégique et technique sur la lutte contre la grippe de l’organisation mondiale de la santé.

M. le rapporteur. À titre personnel donc.

M. Jean-Claude Manuguerra. Tout à fait. Nos avis ne sont pas publics, puisque nous ne disposons pas d’une interface publique comme le Haut conseil de la santé publique par exemple. Nos avis sont destinés à aider à la décision, de la direction générale de la santé, et au-delà, du ministre chargé de la santé et de ses collaborateurs. C’est d’ailleurs une question qui a été évoquée à plusieurs reprises entre nous. On a pu regretter que les positions du comité ne puissent pas être individualisées par rapport aux décisions prises parfois très en aval ou de manière un peu décalée.

Le consensus a toujours été total, qu’il s’agisse des membres de droit ou des personnalités qualifiées. Nous n’avons jamais eu besoin de procéder à un vote et je pense que s’il y avait eu des voix discordantes, elles se seraient fait connaître, et cela n’a pas été le cas. Nous avons toujours réussi à dégager le consensus.

S’agissant de l’expertise en général, il faudrait déterminer ce qu’est un expert. Est-ce quelqu’un qui travaille sur un sujet spécifique, qui est reconnu au niveau national et international depuis un temps minimal, avec le risque d’être un peu déconnecté de la réalité, voire un peu monomaniaque ? Si oui, au comité, nous sommes des experts. S’agit-il d’un expert qui se penche sur un sujet particulier parce qu’il est devenu intéressant ou suscite des débats ? Il s’agit alors de personnes qui n’ont pas forcément de connaissance particulière du sujet et qui parfois interviennent en dehors de leur discipline… Ce peut être aussi des experts qui sont mûs par certaines convictions anti-vaccinales par exemple ou des intérêts particuliers.

Je n’ai jamais eu de formation juridique, et je crois que cela m’a manqué parce que j’ai fini par comprendre que la forme était importante, en particulier s’agissant des déclarations publiques d’intérêts, pour lesquelles nous avons été beaucoup interrogés. J’ai appris, à titre personnel, qu’il fallait être beaucoup plus formaliste.

Mais il est toutefois très curieux que l’on ne demande jamais aux autres « experts » autoproclamés ou dissidents leur déclaration publique d’intérêts lorsqu’ils font des déclarations dans les médias, ou éventuellement dans certains cercles. Or, il est tout à fait possible d’avoir des intérêts qui ne soient pas des intérêts financiers : des convictions qu’il convient de servir par exemple. Derrière une opération antivaccinale, il peut y avoir des motifs religieux. On sait que dans certains pays, certains groupes religieux financent des « ligues antiscientifiques ». Des experts sont payés par d’autres lobbies que l’industrie pharmaceutique. Certains ont un intérêt beaucoup plus « basique » : ils ont par exemple écrit un livre qui se vend d’autant mieux si l’on parle d’eux. Il faut certainement revoir la définition de l’expert ; c’est une question très importante. L’expertise ne se proclame pas par le fait de passer à la télévision. J’ai participé à un débat avec l’un de ces « experts » qui était opposé au vaccin antigrippal pandémique 2009 avec adjuvant. Manifestement, il ne connaissait pas les rouages de l’autorisation de mise sur le marché depuis la fin des années 1990, depuis l’apparition du virus H5N1, avec la procédure d’enregistrement des dossiers dite mock up par exemple. Ses informations étaient fausses, et j’ai demandé d’ailleurs à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pourquoi les informations sur la pharmaco-vigilance par exemple, qui avaient été remises en cause, n’avaient pas fait l’objet de réponses formelles et juridiques. Il semblerait que cela compliqué et que cela prendrait beaucoup de temps… Beaucoup de choses ont toutefois été dites qui sont totalement inexactes : il faudrait pouvoir les contrer. Parmi les leçons à tirer, je pense qu’il faudra à l’avenir lutter pied à pied contre tous les arguments inexacts, les épouvantails destinés à effrayer la population. En effet – on le voit très bien dans les crises –  plus le danger paraît lointain et moins l’adhésion est forte sur les moyens de lutter contre les maladies infectieuses. Effectivement, lorsque la grippe est apparue bénigne à la population, celle-ci s’est détournée de la vaccination.

Sur la stratégie vaccinale, il est clair que le comité de lutte contre la grippe, comme la plupart des comités équivalents, reconnaît que le meilleur moyen de lutter contre les maladies infectieuses, et notamment la grippe, est la vaccination. Lorsque l’on peut disposer d’un vaccin. Pendant très longtemps, nous n’avons pas disposé de vaccin contre la grippe aviaire. Au début de la pandémie de grippe A(H1N1), on ne savait pas quand et si l’on aurait un vaccin, alors que la vaccination est la stratégie la plus payante en termes de santé comme en termes économiques. La position générale du comité de lutte contre la grippe est que le vaccin est l’arme la plus efficace. Dès lors, pour protéger la population, quelle que soit la gravité de la maladie, la vaccination devait, selon le comité, être proposée à tous les résidents sur le territoire français qui le souhaitaient.

M. le rapporteur. À quelle époque avez-vous dit cela ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Nous l’avons écrit à peu près dans tous les rapports et comptes rendus, à chaque fois que cela a été possible. Cela a d’ailleurs été repris par le Comité technique des vaccinations puis par le Haut conseil de la santé publique.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous avez évoqué tout à l’heure les quarante-trois avis émis, et non rendus publics. Nous souhaiterions avoir connaissance de ces avis.

M. Jean-Claude Manuguerra. Vous les aurez dès demain.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je vous en remercie.

M. Jean-Claude Manuguerra. Vous verrez au fil de ces comptes rendus que telle était notre position. Nous avions beaucoup donné d’avis auparavant sur le vaccin contre la grippe H5N1 en rejoignant l’avis du Comité d’éthique selon lequel la vaccination devait pouvoir être proposée à tous ceux qui le souhaitaient. La question était ensuite : quelle population protéger ? Dans nos avis, nous avons toujours été prudents, car les questions nous étaient souvent posées avec des délais très courts pour y répondre, et nos réponses devaient être élaborées avec des informations extrêmement fluctuantes. Nous avons donc identifié des populations prioritaires en cas de pénurie de vaccin, comme les personnels de premier secours, les personnes dont le rôle est essentiel au bon fonctionnement de la société et, en présence du virus H1N1, les enfants de six mois à dix-huit ans. Nous avons ensuite évoqué l’acquisition progressive de vaccins, à revoir en fonction des données épidémiologiques. Mais le temps imparti pour répondre était extrêmement court, et les premières réponses ont été données en fonction de modèles et d’analyses établis lors de la menace de la grippe H5N1 hautement pathogène. Voilà pour la stratégie vaccinale, même si – je le répète –  le comité n’avait pas vocation à se prononcer sur les aspects logistiques de la vaccination.

Sur la communication des experts, il faut convenir qu’elle a été brouillée, mais qu’il est hors de question qu’un comité quelconque s’arroge un monopole, une exclusivité de la parole sur une question comme celle-là. La parole est libre et chacun doit pouvoir s’exprimer. Il est essentiel que les médias, dont le rôle est de répercuter les opinions des uns et des autres fassent la part des choses, et sachent qui, éventuellement, a vocation à donner des avis sur un domaine qu’il ne connaît pas trop mal, enfin un peu moins mal que les autres. Faire parler un expert n’est pas forcément une question démocratique. Il ne s’agit pas d’accorder 50 % de temps à ceux qui sont pour et 50 % de temps à ceux qui sont contre : cela reviendrait à dévoyer les données scientifiques qui existent, qui ne sont pas aussi paritaires. Cela dit, le comité en lui-même n’avait pas de stratégie de communication.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Est-ce que vous pensez pertinent que les avis du comité ne soient pas rendus publics ? Vous avez dit que le vaccin était évidemment la meilleure protection contre une pandémie grippale ou contre les maladies infectieuses. Mais le comité a-t-il émis un avis sur le fait que le vaccin arrivant en pleine pandémie ou après la pandémie, la stratégie vaccinale ne pouvait rester la même ? Dernière question : n’avez-vous jamais été consulté sur le choix du recours à des centres de vaccination ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Les avis du comité n’étaient pas publics conformément à son règlement intérieur : c’est sa ligne de conduite et notre conception du devoir de réserve. Nos avis concernaient les vaccins : ces avis, strictement médicaux et scientifiques, étaient relayés par des instances qui les rendaient in fine publics. Il ne s’agissait donc pas in fine de l’avis du comité, mais ils reflétaient néanmoins largement l’avis du comité. L’absence de publicité nous a effectivement un peu gênés. Nous pouvions comprendre que les décisions ne soient finalement pas conformes à ce que nous recommandions, mais une publicité des avis nous aurait permis effectivement d’être un peu plus lisibles. Nous avions en réalité un peu « le nez dans le guidon » et avons peut-être évacué rapidement ces états d’âme. Ce n’était en tout cas pas le moment de faire évoluer les choses.

M. le rapporteur. Le retour d’expérience ne va-t-il pas vous entraîner, en tant que président de ce comité, à revoir votre règlement intérieur, vos statuts ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Nous sommes rattachés à la direction générale de la santé et c’est à elle que nous rendons in fine nos avis. Je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur l’avenir du Comité de lutte contre la grippe en son état actuel. Il est question de l’intégrer au Haut conseil de la santé publique. Il est clair qu’il faudra le revoir.

Sur le fond, quand arrive une pandémie, le vaccin est-il toujours utile ? En fait, il y a deux façons d’envisager l’apport du vaccin : un aspect collectif et un aspect individuel. Sur le premier, ces modèles montrent – et pas uniquement le modèle français –  que si l’on vaccine notamment les populations jeunes et les enfants avant l’arrivée de la pandémie, on peut diminuer l’impact de cette pandémie en termes de circulation de son intensité et en termes de mortalité si celle-ci est élevée, avec un effet sur la santé mais aussi un effet socio-économique. Il est clair que si le premier objectif, la première approche, qui est d’éviter la pandémie, de diminuer son impact en termes de circulation de son intensité et en termes de circulation, n’est plus réalisable parce que la pandémie est là, il ne reste que l’intérêt purement personnel. Même après le pic de l’épidémie, des personnes continueront de rencontrer le virus, même si cela est de moins en moins probable, et il y aura toujours des gens qui auront un intérêt individuel à la vaccination. C’est la raison pour laquelle après le pic et la décroissance qui a véritablement eu lieu au début de l’année 2010, en janvier, nous étions toujours favorables à une vaccination pour ceux qui le souhaitaient. Nous faisons des recommandations, et sur la base d’une balance entre bénéfices et risques, le comité juge que tant que le virus circule, il peut y avoir un bénéfice individuel à la vaccination.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Ce que vous êtes en train de dire pourrait signifier qu’avant la pandémie, il y a un intérêt collectif à être vacciné et une fois que la pandémie est déclarée, il n’y a plus qu’un intérêt individuel, ce qui signifie qu’une fois la pandémie déclarée la vaccination de masse n’a plus d’intérêt…

M. Jean-Claude Manuguerra. Oui, mais l’intérêt individuel est tout de même important. La mise en œuvre de la vaccination prépandémique doit avoir lieu avant la pandémie, soit trente jours avant son arrivée. C’est un point sur lequel nous avons beaucoup travaillé pour le virus H5N1. Le comité a toujours été opposé à la vaccination obligatoire. En revanche, il a toujours été favorable au fait de proposer la vaccination à chaque individu. Pour nous, l’intérêt individuel est très important et est un élément à prendre en compte pour la santé de la population qui s’établit à 63 millions d’habitants en France, il faut en tenir compte. Je raisonne ici en termes de vaccinations à opérer et non pas en doses vaccinales, puisque le nombre de doses vaccinales dépend de la préparation vaccinale.

M. Jean-Christophe Lagarde, président. Combien de doses de vaccins auraient-elles été nécessaires pour vacciner toute la population ? Nous avons reçu à ce sujet de nombreux avis différents, et le comité a émis un avis sur le sujet. Quelle proportion de la population faut-il vacciner pour avoir un effet sur une pandémie ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Il est sûr que vous avez entendu différentes choses, parce que tout dépend de la façon dont on pose la question, des paramètres et de l’objectif recherché. Nous voulions que la vaccination soit proposée à tout le monde, mais mises à part les deux populations cibles dont je vous ai parlé, – les personnes de premiers secours, les personnes utiles à la société d’une part, les enfants âgés de six mois à dix-huit ans d’autre part – , nous n’avions au départ, et notamment lorsque se sont posées les questions de stratégie vaccinale, pas d’idées claires de ce que devrait être la population « cible » entre six mois et soixante-cinq ans, c’est-à-dire pratiquement l’essentiel de la population. La situation était très différente de la grippe saisonnière, pour laquelle nous avons bien établi quelles étaient les populations à risque, et sur lesquelles il faut faire porter l’effort, soit 20 % de la population. Nous n’avions pas déterminé de population à risque identifiée aux mois de mai et de juin 2009.

Pour répondre en un mot à la question portant sur les centres de vaccinations : non, nous n’avons pas été consultés sur leur mise en place. Je voudrais ici insister sur le fait que certaines orientations globales de la cellule puis du comité n’ont pas été reprises. Dans le plan recommandé par les experts que nous avons remis le 27 juin, – qui était notre dernier plan avant sa ré-écriture pour sa mise en œuvre administrative – le recours aux médecins généralistes en médecine ambulatoire était la pierre angulaire. Le passage par les centres 15 est une décision qui n’a rien à voir, et qui va même à l’encontre de ce que le comité ou la cellule souhaitait. Je dois aussi dire qu’autant – jusqu’à l’avant dernière version de notre plan –  nous avions un système assez proche de ce qui existe aux États-Unis, avec un ministère de la santé leader sauf pour les aspects liés à la sécurité pour lesquels le ministère de l’intérieur prenait le relais, autant avec le nouveau plan grippal, tel qu’il a été mis en œuvre depuis le début, le pilotage du plan était dévolu au ministère de l’intérieur et à certaines agences. Nous n’avions donc plus notre mot à dire. Le comité n’a d’ailleurs pas posé de question sur cet aspect logistique.

M. Gérard Bapt. Monsieur Jean-Claude Manuguerra, je vous connais, puisque nous nous sommes rencontrés lors d’une réunion sur l’expertise il y a quelques années et vous êtes un professionnel reconnu pour sa compétence, son travail et son dévouement, notamment à l’Institut Pasteur. Je souhaiterais poursuivre les questions du rapporteur et du président. J’ai été un peu choqué que le Gouvernement ait fixé la composition du comité sans demander systématiquement leurs intérêts. Il semble qu’il ait évolué maintenant, mais cela devrait être, me semble-t-il, systématique ; cela éviterait notamment que ces intérêts paraissent en première page de journaux de grande presse, dans des conditions très désagréables.

Je n’accuse pas la presse. Simplement, quand un soupçon existe, la presse se pose des questions. Je crois qu’il vaut mieux clarifier les choses et qu’il y a là matière à recommandation, si le rapporteur en est d’accord. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi les avis du Haut conseil sont accessibles sur son site, et pourquoi les avis du comité ne sont quant à eux pas publiés. Néanmoins, en les demandant, on finit, au cas par cas, par les obtenir. Je suis étonné que le président et le rapporteur n’aient pas tous ces documents-là. Les comptes rendus des réunions interministérielles ont-ils été obtenus ?

M. le rapporteur. Oui. Ils seront mentionnés dans le rapport.

M. Gérard Bapt. Dans un grand quotidien, un ancien directeur de la santé a estimé que ce qui avait pêché au fond, c’était le débat. Il n’était pas ouvert sur la société, notamment sur des disciplines différentes. Je suis ainsi frappé que, dans votre comité qui agit par consensus, qui constitue une sorte de collectif d’intellectuels homogène, il n’y ait pas de sociologues, d’anthropologues… Or le consensus, à un certain moment, empêche toute remise en question. Ne pensez-vous pas aussi que la composition du comité pourrait être élargie ? En matière de stratégie vaccinale, vous avez dit tout à l’heure que, dans l’urgence, vous aviez en quelque sorte fait du « copier-coller » à partir des recommandations qui avaient été faites précédemment pour faire face à une éventuelle pandémie H5N1. On trouve cela dans le compte rendu de la réunion du 18 décembre 2008 où effectivement sont proposées l’acquisition mais aussi la constitution de stocks, ce qui m’a beaucoup étonné. Il était recommandé la constitution de stocks pour faire face à une pandémie aviaire, mais qui n’est jamais devenue humaine. J’avoue que j’ai été un peu surpris par cette stratégie barrière se traduisant par le stockage de quelques centaines de milliers de doses de vaccins pré-pandémique à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires à l’heure actuelle. Cela me paraît peu soucieux des réalités budgétaires et logistiques. L’ÉPRUS doit-il, en effet, constituer ainsi des stocks pour chacun des virus susceptibles de déboucher sur une pandémie ? Lors de la réunion du 10 mai 2009, – vous n’êtes pas présent parce que vous êtes au Mexique, mais vous avez dit que vous étiez tout à fait d’accord – , le comité fait une recommandation – à la suite d’une saisine du directeur général de la santé en date du 8 mai. Dès le 11 mai, le directeur général de la santé écrit à la ministre pour proposer les acquisitions de vaccins. On monte ainsi dans le train d’une stratégie vaccinale, qui va se fracasser le 4 janvier 2010. Ne peut-on aujourd’hui se poser la question de l’efficacité, que vous avez jugée la plus payante, de la vaccination « stratégie barrière », puisqu’il y des pays du Sud où il n’y avait pas de vaccins et où la pandémie est passée, et des pays du Nord, où l’on n’a pas vacciné, comme la Pologne qui a refusé, où l’on a peu vacciné comme ici, ou encore où l’on a beaucoup vacciné comme la Suède.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je crains que M. Jean-Claude Manuguerra soit quelqu’un qui sache faire des réponses développées… Mais il va essayer de ne pas les développer à l’excès.

M. Jean-Claude Manuguerra. En ce qui concerne les déclarations d’intérêts, je suis tout à fait d’accord mais c’est une question à gérer par l’administration. Je suis incompétent pour le faire et ce n’est pas mon rôle. C’est une question administrative qui est certainement très importante, mais qui excède mes missions. Je suis toutefois d’accord, et vous pourrez éventuellement vous reporter sur ces questions aux réponses que j’ai faites à la commission d’enquête du Sénat.

S’agissant du caractère public des avis, j’en ai déjà parlé. Il y a certainement une partie du travail qu’il peut être difficile de rendre publique. Ce sont notamment les éléments retraçant l’état d’avancement des travaux des firmes pharmaceutiques, puisque nous disposons des informations confidentielles avant que les dossiers ne soient déposés et rendus publics par l’Agence européenne du médicament. Le comité ne saurait divulguer des informations relevant du secret industriel ou des avis extrêmement négatifs sur telle ou telle préparation. Il faut éviter que la transparence ne conduise à une non-présentation de résultats par les firmes.

En ce qui concerne la composition du comité, effectivement, je pense qu’il y a une place pour la discussion des avis médicaux et scientifiques de lutte contre la grippe par d’autres experts, d’autres instances. On peut imaginer par exemple que les avis soient revus par des des sociologues, des anthropologues. Mais je pense que cela doit se faire en dehors du comité. Il ne faut pas être trop nombreux et tout mélanger. On pourrait imaginer une réunion du comité avec la « société civile », comme on aime dire, des citoyens, et d’autres experts qui seraient là éventuellement pour discuter nos avis scientifiques et médicaux.

Monsieur Gérard Bapt, vous avez employé l’expression « copier-coller ». C’est un peu sévère, mais, bien sûr, nous étions sous pression lors de la réunion du 10 mai. Nous nous étions réunis déjà le week-end précédent et, à mon départ pour le Mexique, j’avais souhaité qu’une réunion soit organisée la semaine même de manière à ce que l’on puisse laisser trois jours de repos à notre comité, sachant que, par ailleurs, les membres étaient largement occupés, notamment en laboratoire comme moi. Effectivement, il y a eu une saisine le vendredi 8 mai, suivi d’une réunion le 10 mai pour en discuter. C’est un peu regrettable. Je pense que nous aurions pu attendre un peu, mais les pressions, extérieures au comité, étaient fortes… J’attire toutefois même votre attention sur le fait que dans le compte rendu de la réunion suivante, qui s’est tenue deux jours après, le 12 mai, le comité rappelle qu’au total, parce qu’il était assez inconfortable d’avoir discuté de cela d’une manière aussi rapide, il est proposé d’attendre le retour interministériel de la note du ministère de la santé pour effectuer une nouvelle reformulation des recommandations émises le 10 mai par le comité en fonction des informations disponibles. Mais nous n’avons jamais eu à procéder à cette reformulation sur la stratégie vaccinale et l’acquisition de doses. Je vous propose donc de vous reporter au compte rendu de la réunion du 12 mai. Vous y verrez qu’effectivement nous revenons sur le premier avis temporaire et pris sous pression. J’ai ainsi appris que nous devons probablement résister aux demandes de réponse dans des temps déraisonnables. Nous avons été mis dans une situation extrêmement inconfortable. La leçon doit être méditée.

Vous avez fait allusion, Monsieur Gérard Bapt, aux stocks proposés dans le rapport de décembre 2008 destinés à faire face à la grippe aviaire H5N1. Je vous signale que, aujourd’hui, on critique beaucoup, mais que pendant très longtemps, la France a été présentée dans des journaux prestigieux comme The Lancet comme l’un des pays les mieux préparés au monde, celui qui faisait le plus d’efforts dans la préparation et la lutte contre la grippe, et une grippe ayant un taux de létalité de 60 %, taux proche du taux de létalité lié au virus d’Ébola, un Ébola qui peut débarquer sur notre territoire et ravager la population. Il faut se souvenir du traumatisme historique qu’a été la grippe espagnole, et notre comité a peut-être été trop sensible à cela.

M. Guy Lefrand. Nous ne l’avons pas tous vécu !

M. Jean-Claude Manuguerra. C’est pour cela que je dis « historique ». Moi non plus je ne l’ai pas vécu… Ceci dit, une affection avec une létalité de 60 %, c’est considérable, Cela serait catastrophique si nous n’étions pas bien préparés. Je préfère que l’on dépense de l’argent pour constituer des stocks qui peuvent être d’ailleurs des achats virtuels de stocks non livrés, bien qu’il s’agisse là de techniques qui ne concernent pas notre comité, pour épargner des vies. Je préfère être dans les chaussures de quelqu’un qui en fait trop pour essayer d’épargner des vies que dans celles de quelqu’un qui n’en fait pas assez. La santé est un atout fondamental pour un pays qui est une grande puissance mondiale et qui peut se l’offrir, ce qui n’est pas le cas de tous les pays. Dans aucun pays, le vaccin n’est arrivé assez tôt pour mener à bien une stratégie pré-pandémique, c’est-à-dire une stratégie de couverture suffisante de la population dans un temps suffisamment avancé pour éviter le développement de la pandémie. Effectivement, la différence en termes de passage de l’épidémie n’a pas été flagrante entre les pays qui ont une bonne couverte vaccinale, comme certains pays scandinaves, et d’autres qui ont eu, malgré leurs efforts, comme la France, une couverture vaccinale plutôt médiocre. Je pense en outre que pour les comparaisons, on ne peut retenir des pays ne disposant pas de système de surveillance aussi pointu et n’ayant pas vacciné ou pris des mesures contre les pandémies grippales. Ce ne sont pas forcément des modèles à suivre. Ils ont agi par défaut plutôt que par choix.

Un député. Ce n’est pas le cas de l’Australie…

M. Jean-Claude Manuguerra. Non, mais l’Australie n’a pas une population énorme et nous étions en début de circulation du virus.

Mme Catherine Lemorton. Quelle est la différence entre un virologue et un virologiste ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Aucune ! On peut utiliser les deux termes ; je préfère « virologiste » pour ce qui me concerne, car n’étant pas médecin, mais vétérinaire, je ne voudrais pas passer pour un spécialiste de virologie humaine. Mais les deux termes figurent dans le dictionnaire.

Mme Catherine Lemorton. Merci. S’agissant du comité, la moitié de ses dix-sept membres est composée de membres de droit, issus notamment des agences sanitaires. Que celles-ci participent au consensus que vous décrivez ne nous étonne pas, puisqu’elles travaillaient avec la cellule interministérielle de crise, et donc suivaient tout ce qui disait le Gouvernement. Ces membres de droit ne pouvaient donc pas avoir un avis divergent au sein de votre comité. Ceci est ma première remarque. Deuxième remarque, l’autre moitié est composée de « membres qualifiés » : qui sont-ils ? Vous avez parlé spontanément de conflits d’intérêts, mais vous n’avez pas réglé les questions que l’on se pose. Avez-vous émis un seul avis, à un moment donné – puisque vous fournissiez un avis tous les cinq jours –  qui n’allait pas dans le sens du plan gouvernemental et que certains d’entre nous, dans cette commission, jugent un peu parfois « rigide » ; dans ce cas, avez-vous été entendus ou écoutés ? Ensuite, puisque vous êtes virologiste, qu’avez-vous pensé de l’injonction faite aux médecins au début du mois de décembre de prescrire du Tamiflu à titre préventif ? Autant je peux comprendre que, dans l’hémisphère Sud, le Tamiflu avait pu éviter des complications pour des gens atteints par le virus, autant son intérêt « préventif » m’échappe en tant que professionnelle de la santé.

La dernière question sera très claire et vous pourrez me répondre par oui ou non. Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, ayant décidé de commander 94 millions d’unités vaccinales en juillet – sur la base de deux injections par personne –, pensez-vous que compte tenu de l’organisation décidée, reposant sur des centres de vaccination qui ont écarté les professionnels de santé libéraux, pourtant capables de vacciner, il était possible de vacciner deux fois 47 millions de personnes en quelques mois ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Vous dites que la moitié des membres du Comité de lutte contre la grippe sont des membres de droit, et que certains sont des employés d’agences dont les directeurs généraux sont nommés par le pouvoir politique… Dont acte. Ceci dit, connaissant personnellement les membres de mon comité depuis longtemps, je peux vous dire que ce sont des personnes qui ont fait valoir leur opinion de manière complètement indépendante de la direction générale de la santé, et je garantis l’intégrité de mes camarades du comité. La question est légitime mais en ce qui me concerne, je m’estime indépendant du pouvoir politique. J’ai fait remarquer d’ailleurs à d’autres moments, lorsque j’étais président de la cellule avant qu’elle ne soit officialisée, que si un jour je ne convenais pas à cause de mes décisions, on pouvait nommer quelqu’un d’autre…

M. Jean Mallot. Si on peut vous congédier parce que les décisions que vous prenez ne conviennent pas, c’est donc que vous n’êtes pas indépendant… Si l’on est indépendant, on « taille sa route »…

M. Jean-Claude Manuguerra. Oui, mais cela n’influence absolument pas la conduite que l’on tient. Je ne connais pas du tout l’appartenance politique des différents membres du comité ; la composition du comité n’est pas la marque d’une inféodation au pouvoir politique actuel.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Là n’est pas la question. La nomination de membres de droit rend par nature les personnes dépendantes du pouvoir et du Gouvernement en place. Vous disiez vous-même que les déclarations d’intérêts étaient peut-être à envisager, même si l’on peut noter qu’en l’espèce – vous l’avez laissé entendre – des responsables d’agences membres du comité, qui dépendent totalement du Gouvernement, ont pu émettre des avis qui ne correspondaient pas forcement à ceux de ce dernier.

M. Jean-Claude Manuguerra. Des avis ont-ils été émis contre le plan gouvernemental ? J’ai dit tout à l’heure en préambule que le plan était une « boîte à outils ». Nous avons participé à un certain nombre d’exercices de déroulement du plan en fonction de scénarios, et nous avons relevé, notamment dans un des exercices, – ce qui a d’ailleurs été pris en compte par les autorités sanitaires –, son aspect un peu « mécanique ». Nous avions dit qu’il faudrait certainement faire preuve, dans l’application du plan, d’un peu de souplesse afin d’éviter des situations caricaturales. Avons-nous alors émis des avis contre la stratégie du Gouvernement ? Cela me gêne un peu quand on me parle du « Gouvernement »…

Mme Catherine Lemorton. Contre la décision politique prise, si vous préférez.

M. Jean-Claude Manuguerra. Je suis dans la cellule depuis 1995. Nous avons travaillé avec une administration constamment attentive, quel que soit par ailleurs le pouvoir politique en place. Je préfère donc que l’on parle « d’autorités sanitaires », ou de « décideurs sanitaires ».

Mme Catherine Lemorton. Ce n’est pas pareil.

M. Jean-Claude Manuguerra. En fait, nous n’avons pas à prendre de décisions « pour » ou « contre ». Nous avons effectivement quelquefois émis des avis qui n’ont pas été suivis dans les faits, du moins immédiatement. C’est notamment le cas à propos du rôle de la médecine ambulatoire, par exemple. Mais cela s’explique par des raisons logistiques sur lesquelles nous n’avions pas du tout de prise et de moyens d’action, ni même de compétences.

Concernant la prise par les patients de Tamiflu pour prévenir les effets graves et imprévisibles de la grippe, nous avons indiqué au mois d’octobre que ces effets graves apparaissaient dans 20 % des cas chez des personnes qui n’avaient pas de facteurs de risque, et qu’une fois la maladie déclarée, on avait du mal à l’enrayer et que cela se terminait souvent très mal. Nous avons donc recommandé, sur la base des données disponibles, notamment françaises, mais pas seulement, d’appliquer un traitement précoce à toutes les personnes atteintes pour éviter les cas graves. Plus l’on frappe fort et tôt, plus l’on a de chances de succès. Je rappelle que le virus est resté sensible au Tamiflu et au Zanamivir et que l’utilisation préventive du Tamiflu figure dans son autorisation de mise sur le marché, qui doit dater de 2001 pour l’Europe. Le Tamiflu fait partie d’une « prophylaxie saisonnière » qui dure six semaines.

Mme Catherine Lemorton. Je vous renvoie à l’avis de la Haute Autorité de santé d’octobre 2009.

M. Jean-Claude Manuguerra. Les avis de la Haute Autorité de santé sont une chose, l’autorisation de mise sur le marché en est une autre. Il y a eu une autorisation de mise sur le marché. L’application, le remboursement et la prise en charge sont une autre affaire. Nous avons, pour ce qui nous concerne, toujours été réticents à la prophylaxie saisonnière sur six semaines, parce que c’est lors de la prophylaxie sur dix jours, au lieu de cinq jours, à demi-doses, que l’on voit apparaître des résistances…

M. Gérard Bapt. Et qu’en est-il des effets secondaires ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Ils existent, mais sont extrêmement très faibles.

Mme Catherine Lemorton. Des effets psychiatriques, ce n’est quand même pas secondaire.

M. Jean-Claude Manuguerra. Les effets psychiatriques ne sont pas imputés et pas démontrés. Vous pensez sans doute au Japon, mais il n’est pas démontré que le Tamiflu est en cause et j’observe que malgré le nombre de doses injectées dans le monde, nous n’avons pas relevé d’effets secondaires graves. Quand une personne n’a pas de facteurs de risques et, à six ou vingt-quatre ans, meurt d’une grippe fulgurante parce qu’elle n’a pas bénéficié du Tamiflu, il y a problème. Ne peut-on alors accepter des nausées ou des vomissements ? Cela étant, le comité était réticent à l’utilisation du Tamiflu ou du Zanamivir en prophylaxie saisonnière sur six semaines, car elle favorise l’apparition de résistances. Ce que nous avons dit, c’est qu’en présence d’un patient à risque, qui ne pouvait pas bénéficier de la vaccination, ou qui n’avait pas encore été vacciné, ou qui ne pouvait pas bénéficier d’un traitement, notamment les enfants de moins de six mois, un traitement ultra-précoce avant l’apparition des symptômes était envisageable. Il s’agit d’une prophylaxie extrêmement ciblée.

En ce qui concerne le nombre d’injections, lorsque celui-ci a été décidé par l’Agence européenne du médicament, – sur laquelle le comité n’a aucun moyen de pression –, j’avais souhaité que l’on discute beaucoup plus de l’option retenue, sachant que le virus A(H1N1) n’est pas aussi différent des virus saisonniers que ne l’est le virus A(H5N1). D’emblée, et a priori, c’est un schéma vaccinal à deux doses qui a été choisi. Sur ce sujet, nous pouvions discuter, mais il y avait là une certaine cohérence. Comme on le fait pour le vaccin saisonnier en Europe – et ce n’est pas le cas aux États-Unis – toutes les données d’efficacité, de tolérance et de sécurité ont été étudiées dans le dossier maquette. Le vaccin ne différait des vaccins maquettes que par l’antigène. Il s’agissait là de montrer spécifiquement l’efficacité biologique – évidemment, pas sur le terrain –, du vaccin par la séroconversion et la montée des anticorps.

Après, il y a eu le temps de la décision de la fabrication du vaccin, du développement des lots industriels et de la conduite des essais. Les premiers essais qui ont été mis sur place par les différents laboratoires pharmaceutiques pour vérifier l’efficacité du vaccin du point de vue biologique datent de fin août, mi-septembre. Les premiers résultats sont tombés début octobre. Dès que les résultats ont été connus, le schéma à deux doses a été rediscuté, parce qu’après une dose, notamment avec le vaccin adjuvanté, la réponse était en général excellente. Nous avons donc proposé, et cela a été l’objet de discussions, de passer de deux doses à une dose pour l’ensemble de la population au lieu de réserver cette stratégie aux plus de soixante ans par exemple. Nous n’avons donc pas changé d’avis comme de chemise, mais nous avons adapté nos avis aux données scientifiques et techniques qui sont apparues au cours du temps.

Mme Catherine Lemorton. Ce n’est pas la question que je vous ai posée ! Pensez-vous aujourd’hui qu’en excluant la médecine ambulatoire, il était raisonnable – parce que nous, dès juillet 2009, nous nous sommes posés la question lorsque nous avons appris le nombre de vaccins commandés – de vouloir vacciner 47 millions de Français ? D’ailleurs pourquoi pas 45, pourquoi pas 43 millions ? On ne sait pas pourquoi cela a été décidé et comment. Pensez-vous qu’avec le plan qui a été mis en place, il était envisageable de vacciner 47 millions de personnes en quelques mois, uniquement dans des centres de vaccination ?

M. Gérard Bapt. Vous aviez fait des recommandations pour des achats de doses… Quand on a prôné une seule injection, avez-vous émis des recommandations pour dire qu’il fallait renégocier tout de suite les contrats ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Nous n’avons pas recommandé un nombre de doses particulier ! Nous avons discuté – reportez-vous au compte-rendu du 10 mai – et nous avons insisté sur les personnes à vacciner en priorité : les professionnels de premiers secours et les enfants de six mois à dix-huit ans. Pour les autres, nous proposions une acquisition progressive des stocks en fonction des données épidémiologiques, et nous disions dans la réunion, deux jours plus tard, du 12 mai, que nous souhaitions y revenir. Mais nous n’avons jamais eu de retour, nous n’en avons jamais rediscuté. Nous n’avons pas non plus suggéré de commandes.

Était-il possible de vacciner en quelques mois ? Nous avions de gros doutes sur les livraisons de vaccins. C’était un peu la « course à l’échalote ». Nous avons appris très tôt, pendant l’été, en juillet-août, que les fabricants de vaccins avaient des difficultés, puisque les souches sont faites, à chaque fois, au « coup par coup ». Ce n’est pas comme pour la fièvre jaune. Certaines souches sont parfois d’un rendement très mauvais. Nous avions donc des inquiétudes sur le respect des délais par les fabricants, puisqu’ils étaient dépendants de la productivité de la souche, et nous savions que la vaccination démarrerait tard par rapport à la pandémie. J’ajoute que la circulation virale a été précoce, comme nous nous y attendions. Le pic d’épidémie a été atteint en novembre, ce qui n’est jamais le cas habituellement : il est atteint fin décembre pour les épidémies saisonnières. Effectivement, à ce moment-là, nous savions que nous n’arriverions pas à vacciner toute la population et qu’il fallait donc « prioriser » certains groupes, ceux que nous avions identifiés pendant tout l’été, comme les femmes enceintes par exemple. Vous me demandez si je pensais que l’on pouvait vacciner 47 millions de personnes en quelques mois ; je suis incompétent pour répondre à votre question. Mais en tant que citoyen, je dois vous dire que je pensais qu’à la suite des vaccinations antivarioliques, de la préparation contre le biotox, on avait acquis une certaine « gymnastique ». Cela n’a pas été le cas. C’était une gageure. C’était un défi difficile à relever.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. La parole est à M. Jean Mallot, qui a attendu son tour…

M. Jean Mallot. Comme d’habitude ! J’ai une question plutôt de fin d’audition, c’est pour cela que j’avais souhaité intervenir le dernier.

Vous nous donnez un certain nombre d’éléments sur la manière dont les choses se sont passées pour nous aider à mieux comprendre l’articulation des différentes « parties prenantes » aux prises de décision. Notre commission a évidemment pour but de comprendre ce qui s’est passé, mais aussi de formuler des préconisations pour l’avenir. Vous disposez désormais de recul par rapport à tout ce qui s’est passé et de beaucoup d’informations. Si vous deviez dire en trois ou quatre points, pour l’avenir, ce que l’on n’a pas bien fait et ce qu’il faudrait faire autrement, quels seraient-ils ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Vous savez, je pense que l’on en fera de toute façon soit trop, soit pas assez… Nous sommes soumis à des événements qui sont imprévisibles. On attendait une épidémie d’épizootie provenant d’Asie, d’Indonésie, et la pandémie a éclaté en Amérique du Nord. Ce qu’il faut garder en mémoire, c’est qu’au début d’une crise, on ne sait pas ce que cela va donner. Lorsque l’on néglige ces crises, on peut s’en mordre les doigts pendant longtemps. Certes il faut dépasser le côté « émotionnel » et angoissant – il y a peut-être eu des discours alarmistes, à la fois de l’Organisation mondiale de la santé et de certains responsables sanitaires –  mais j’ai apporté là des journaux du Mexique, où l’on comptait le nombre de morts tous les jours… J’avais vécu la même chose pour le syndrome respiratoire aigu sévère à Hanoï. Il sera toujours difficile en début de crise de faire une évaluation du risque. Lorsqu’on pose la question : « Quel est le pourcentage de la population qu’il faut vacciner pour éviter le développement de la pandémie ? », la réponse dépend du taux de reproduction de la maladie, qui peut grandement évoluer au cours du temps. Nous serons toujours dans des situations où l’expertise sera instable, parce que les informations et les données évoluent constamment. C’est une grande difficulté. Nous essayons simplement d’être une structure de conseil et d’appui pour que la prévention soit la meilleure possible.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous venez de dire que tous les débuts de crise seront difficiles parce que remplis d’incertitude. Dans celle-ci, avez-vous eu des doutes, dans votre comité, ou des discussions sur la nature ou la qualité des informations qui provenaient du Mexique, puisqu’il semble quand même que les événements sanitaires aient été moins bien recensés que dans un territoire médicalement très structuré, comme chez nous… Au moment où l’on vous demandait de rendre des avis tous les trois ou quatre jours, l’épidémie là-bas était très amplifiée par rapport à sa réalité.

M. Jean-Claude Manuguerra. Nous connaissons le cas de la Chine qui a ignoré le syndrome respiratoire aigu sévère pendant un certain temps et qui s’en est mordu les doigts. Cela a quand même coûté le poste de ministre de la santé au maire de Pékin, qui n’est tout de même pas n’importe qui dans le système chinois. À Mexico, il existait une vraie inquiétude liée à ce virus et à une mortalité atypique – d’ailleurs aux États-Unis, la mortalité pédiatrique a été quatre fois supérieure à celle de la grippe saisonnière. La physionomie de la pandémie a d’abord fait penser à la grippe espagnole à cause de la mortalité en « W » et non en « U ». Mais il est vrai qu’il était difficile de savoir ce qui se passait vraiment au Mexique. Pendant le week-end du 1er mai, il y eut même une décroissance du nombre de décès signalés dans la ville de Mexico. Lors du debriefing du bureau de l’Organisation mondiale de la santé, qui a eu lieu le mardi ou le mercredi qui ont suivi, on se demandait si l’on avait vraiment passé le pic dans la ville de Mexico, dans le district fédéral, ou si l’on était en la présence d’un défaut de report de données à cause des jours fériés. Nous avions vraiment, face aux données qui arrivaient quotidiennement, des difficultés d’interprétation. Il est clair que nous ne comprenions pas certaines choses, mais la confirmation des cas en laboratoire était extrêmement difficile. Même dans un pays qui évolue très vite comme la Chine, il a fallu que le syndrome respiratoire aigu sévère évolue et se répande vers d’autres territoires et que l’Organisation mondiale de la santé soit saisie pour disposer d’une étiologie véritable. Je crois que le problème du début des épidémies, c’est que l’on ne sait pas très bien ce qu’elles vont devenir. Je ne suis pas sûr qu’en France nous aurions fait beaucoup mieux qu’au Mexique. En France aussi nous avons eu des difficultés méthodologiques pour compter le nombre de cas. Certains les ont découvertes à cette occasion, mais elles étaient connues depuis très longtemps.

M. le rapporteur. M. Jean-Claude Manuguerra, merci pour ce tour d’horizon complet de la situation.

Nous avons reçu l’avis du Haut conseil de la santé publique sur les vaccins à venir pour la campagne de vaccination de 2010-2011 qui comprendra deux vaccins : un vaccin trivalent, qui va inclure la souche de la grippe saisonnière, la souche A(H1N1) et la souche B, et un vaccin monovalent, uniquement pour la grippe A(H1N1). Ces deux vaccins seront disponibles en France pour la saison qui va venir, et le haut conseil recommande de vacciner les femmes enceintes, les personnes à risque, les obèses, les personnes de plus de soixante-cinq ans, les enfants, les adultes à risque et les personnels de santé. Avez-vous été consulté ? Quel est votre avis sur la vaccination grippale à venir ? Ne peut-on craindre que la population tourne le dos à la vaccination ? Le haut conseil recommande aux personnes à risque devant voyager dans l’hémisphère Sud de se faire vacciner. Avez-vous été consulté ?

M. Jean-Claude Manuguerra. J’ai présidé le groupe de travail au sein du haut conseil qui a élaboré le texte à la base de l’avis que vous mentionnez. Bien évidemment, nous avons été consultés. Mais il va falloir que l’on prenne soin de ne pas écarter le Comité de lutte contre la grippe de ces questions, puisqu’encore une fois, c’est là où nous avons les experts qui connaissent le mieux le sujet. En ce qui concerne l’avis du haut conseil, je me bornerai à noter que c’est un avis qui s’inspire largement du nôtre.

Sur le fond, il y a deux vaccins parce que nous savons que le virus de la grippe saisonnière peut être mortel pour certaines personnes. À peu près 20 % de la population sont habituellement couverts par le vaccin contre la grippe saisonnière en France. Il est essentiel pour nous que ce vaccin puisse d’abord, et en priorité, être administré à ceux qui courent les risques les plus graves. Notre crainte, c’est une vague épidémique en provenance de l’hémisphère Sud ou de grippe A(H1N1) en Europe, et une pénurie de vaccins saisonniers comme cela est arrivé certaines saisons – notamment aux États-Unis par exemple. Il s’agit d’assurer la prévention contre la grippe saisonnière par un deuxième vaccin, et non d’écouler les stocks.

M. le rapporteur. Nous allons donc être en possession de deux vaccins, l’un trivalent, l’autre monovalent. Appartiendra-t-il aux professionnels de santé et aux médecins de choisir ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Pour les médecins, ce sera simple : ceux qui sont d’habitude protégés contre la grippe saisonnière devront être vaccinés avec le vaccin trivalent. Pour ceux qui ne le sont pas, il faudra se demander s’ils appartiennent à une catégorie à risque face au virus A(H1N1). Dans l’affirmative, s’il s’agit de femmes enceintes par exemple, le vaccin monovalent pourra être administré. Cela sera donc assez simple si l’on présente correctement cet avis du haut conseil.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Cela signifie-t-il que je n’aurai pas la possibilité de me faire vacciner contre la seule grippe saisonnière tout en refusant d’être vacciné contre le virus A(H1N1) ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Encore une fois, nous avons toujours été opposés à l’obligation vaccinale. Il y a une marge entre les recommandations, qui sont souvent assorties d’éléments de prise en charge financière, et le fait de pouvoir bénéficier d’un vaccin. Le vaccin saisonnier trivalent bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché. Le médecin peut le prescrire, mais comme il n’est pas recommandé, il ne sera pas pris en charge et il vous appartiendra de débourser les quelques neuf euros pour ce vaccin.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je connais moins bien les choses que vous, mais vous semblez connaître suffisamment la politique pour parfois éluder et éviter une question. Ma question précise est : y aura-t-il un vaccin monovalent saisonnier ?

M. Jean-Claude Manuguerra. La question s’est posée : fallait-il un vaccin monovalent contre le virus A(H1N1) et un vaccin divalent contre les virus H3N2 et B ? Mais l’autorisation de mise sur le marché concerne le vaccin trivalent pour ce qui est du saisonnier. Le vaccin pandémique, avec ou sans adjuvant, a bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché. Pour la modifier, il faudrait déposer un dossier de demande à cet effet. Donc, en attendant, il n’y aura pas de vaccin monovalent contre le virus H3N2.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Habituellement, le vaccin contre le virus H3N2 n’est-il pas monovalent ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Non. Il est toujours trivalent. L’autorisation de mise sur le marché concerne un trivalent.

M. le président Jean-Chistophe Lagarde. Les laboratoires se sont-ils abstenus de produire des vaccins contre le virus de la grippe monovalents, bivalents, ou trivalents ne concernant pas le virus A(H1N1) ? Ont-ils décidé d’inclure dans la protection contre le virus H3N2 le vaccin contre la grippe A(H1N1) qu’on leur avait fait produire ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Je ne peux pas vous répondre à la place des laboratoires.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. … C’est une façon d’écouler les stocks…

M. Jean-Claude Manuguerra. Qu’il y ait adjuvant ou pas, l’antigène est préparé de manière indépendante. Je ne crois pas que l’on veuille écouler les stocks. Ce que l’on veut éviter, c’est une déplétion de la quantité de vaccins destinée aux personnes qui en ont besoin.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. J’ai plutôt le sentiment qu’en fonction de la stratégie des laboratoires, vous avez préféré disposez d’un stock réservé aux gens à protéger contre la grippe saisonnière et valider une intégration automatique du vaccin contre le virus A(H1N1) dans celui contre le virus H3N2. Je ne pourrai l’an prochain me faire vacciner contre la grippe saisonnière sans être vacciné contre le virus A(H1N1). Cela me semble légèrement attentatoire à ma liberté de choix.

M. Jean-Claude Manuguerra. Il n’y a pas d’autre possibilité. Le vaccin saisonnier est un vaccin trivalent. La réponse de l’Organisation mondiale de la santé au mois de février ne porte pas sur la bivalence ou la trivalence et ce n’est pas au comité de se prononcer sur la composition du vaccin. L’Organisation mondiale de la santé a simplement dit que si l’on voulait vacciner contre le virus H1N1, il fallait que ce soit contre le virus A(H1N1) pandémique.

M. le président. Je vous remercie.

La séance est levée à vingt heures neuf.