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Mercredi 11 juillet 2007

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de M. Philippe séguin, Premier Président de la Cour des Comptes, sur l’exécution du budget de 2006 et sur le rapport préalable au débat d’orientation budgétaire

– Examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2006 (N° 3)

– Examen du rapport préalable au débat d’orientation budgétaire

– Informations relatives à la Commission

Commission des Finances,
de l’économie générale et du Plan

Le report de l’examen du projet de loi de règlement et du débat d’orientation budgétaire permet de procéder à cette audition, qui portera sur deux sujets : le projet de loi de règlement définitif du budget 2006 et le début de l’exécution 2007 ; le rapport préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2008.

En 2007, la Cour des comptes est amenée à certifier les comptes de l’État pour la première fois

La Commission, tout en en comprenant les raisons, regrette les conditions d’examen du projet de loi de règlement. Elle souhaite prendre les dispositions nécessaires pour que les choses se passent différemment en 2008 et que son activité de contrôle soit effective.

M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, souligne le prix attaché par la Cour des comptes à sa mission d’assistance auprès du Parlement et se réjouit de la confiance manifestée à son égard par l’Assemblée nationale et plus particulièrement par la commission des Finances.

Puis, il présente l’architecture d’ensemble des travaux occupant la Cour des comptes.

Le plus récent d’entre eux, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, préliminaire au débat d’orientation budgétaire, a été rendu public le 20 juin 2007. Ce rapport, qui a vocation à constituer un véritable audit annuel des finances publiques, s’appuie sur d’autres travaux plus ciblés : le rapport annuel sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État ainsi que les travaux de certification des comptes de l’État et de ceux du régime général de la sécurité sociale. La Cour des comptes ne se contente pas de commenter les chiffres donnés par le Gouvernement ou par l’INSEE ; le rapport préliminaire est nourri par toute une série d’analyses et d’expertises menées par la Cour tout au long de l’année.

Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État, publié le 29 mai 2007, se centre sur les résultats de l’État pour l’année échue. En plus de la traditionnelle analyse de l’exécution, il audite la performance d’un certain nombre de programmes et présente une analyse financière des soldes de l’État.

Les travaux de certification, pour l’État comme pour le régime général de la sécurité sociale, visent à évaluer la conformité des états comptables à un référentiel comptable donné. Loin d’être purement formel, cet exercice fait émerger des questions importantes. Il a notamment permis d’apprécier les charges à payer et plus généralement les dettes non financières, les engagements hors bilan, l’évolution de l’actif et du passif de l’État ou des organismes de sécurité sociale. Il éclaire les données de comptabilité budgétaire et de comptabilité nationale d’une lumière probablement plus crue mais plus précise.

Quant au rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, il ramasse les principaux messages des différents travaux de la Cour de comptes, il éclaire la signification et les limites des chiffres essentiels, il donne une vision synthétique englobant l’ensemble des finances publiques – celles de l’État, celles du régime général de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales.

Pour schématiser, les travaux sur les comptes et sur les résultats constituent en quelque sorte des photos à un instant t de la situation budgétaire et comptable de l’État et du régime général de la sécurité sociale pour l’année échue alors que le rapport préliminaire reconstitue le film des finances publiques avec une analyse de leur histoire récente et de leurs perspectives. Or ce film peut susciter quelques inquiétudes.

La situation budgétaire s’était certes améliorée à la fin du dernier épisode, fin 2006, avec un déficit public ramené à 2,5 % du PIB, mais l’amélioration est restée limitée. En pourcentage du PIB, le déficit était seulement revenu au niveau permettant de stabiliser la dette et non à celui permettant de la réduire. Enfin, en termes structurels, le déficit n’a pas suffisamment baissé pour garantir son maintien sous le plafond des 3 % du PIB en cas de retournement de conjoncture.

Cette amélioration s’avère en outre fragile. La réduction du déficit, depuis 2004, s’explique avant tout par la progression des recettes fiscales, dont rien ne garantit le caractère durable. Comme l’an dernier, des mesures exceptionnelles, par définition non reconductibles – par exemple, l’anticipation du calendrier d’encaissement de l’impôt sur les sociétés ou le versement de soultes – ont également contribué à réduire le déficit. Sans ces mesures exceptionnelles, le déficit aurait atteint 2,8 % du PIB.

Quant aux dépenses, elles continuent à augmenter aussi vite que le PIB, c’est-à-dire à un rythme très supérieur aux objectifs fixés par le Gouvernement dans les programmations pluriannuelles. Ce rythme a certes été un peu moins élevé en 2006 qu’en 2005. Pour l’État, les dépenses ont progressé de 1,9 % en valeur, soit une quasi-stabilité en volume. L’objectif « zéro volume » inscrit dans la loi de finances initiale pour 2006 a donc presque été respecté. Néanmoins, on ne peut guère parler de tendance de fond au ralentissement puisque la croissance des dépenses publiques, au cours des cinq dernières années, a excédé en moyenne annuelle celle des cinq années précédentes. En outre, les limites de la norme de dépense, qui n’inclut pas encore, par exemple, les prélèvements sur recettes, doivent une nouvelle fois être soulignées. Et puis, la fin de l’année 2006 a été marquée par d’importants arriérés de paiement, dont le montant ne peut être estimé avec précision. Le problème majeur est donc l’absence de maîtrise des dépenses, qui explique le non-respect des engagements successifs de retour à l’équilibre pris dans le cadre européen.

Le ratio d’endettement s’est lui aussi amélioré en 2006 : il a été ramené à 63,7 % du PIB. Pourtant, là encore, il ne faut pas s’en tenir aux apparences car cette baisse de 2,5 points ne traduit pas un rééquilibrage des comptes publics. Elle a été obtenue grâce à des cessions d’actifs exceptionnellement élevées – plus de 16 milliards d’euros, un montant jamais atteint depuis la première vague de privatisations, en 1986 – et à des mesures de trésorerie, qui n’ont eu d’autre objet que de réduire le ratio d’endettement juste avant la clôture des comptes annuels. Ces deux voies, qui n’améliorent en rien la situation patrimoniale des administrations publiques, ne pourront être empruntées au même degré dans les prochaines années.

La dette est d’autant plus problématique qu’elle sert pour l’essentiel à financer des dépenses courantes et non un effort d’investissement. Pour ce qui concerne spécifiquement l’État, si la dette financière a diminué de 4 milliards d’euros, la dette non financière, que la certification permet désormais de connaître, a augmenté de 16 milliards. Et il ne faut pas négliger la dette sociale, dont le quasi-triplement, depuis 2002, reflète l’accumulation des déficits de la sécurité sociale et plus particulièrement de l’assurance maladie. La dette sociale dépasse 120 milliards d’euros, alors qu’il est à l’évidence anormal de financer des prestations sociales par l’emprunt.

Ce qui frappe enfin, en France, c’est que l’amélioration des comptes publics s’avère beaucoup plus limitée que dans des pays comparables, au premier rang desquels l’Allemagne. Par exemple, la réduction du déficit public français – moins 0,5 point de PIB –, a été presque deux fois moins importante que celle de la zone euro et trois fois moins que celle de l’Allemagne.

L’exercice 2007 risque de voir encore se creuser l’écart avec les partenaires principaux de la France si le déficit est seulement stabilisé à 2,5 % du PIB, comme le prévoyaient les objectifs affichés fin 2006, et si la règle prévue par le pacte de stabilité – réduction annuelle de 0,5 point de PIB en termes structurels – n’est pas respectée.

Par conséquent le bilan est mitigé pour 2006 et il serait étonnant que le début de l’exercice 2007 laisse présager un redressement.

Les éléments disponibles sur l’exécution du budget de l’État à l’issue des quatre premiers mois de 2007, par rapport à la situation constatée un an plus tôt, font apparaître un accroissement des dépenses et un recul des recettes nettes, qui entraînent une aggravation sensible du déficit. Cette comparaison par rapport à 2006 est en partie perturbée par des paramètres techniques mais le déficit budgétaire, fin avril 2007, est comparable à celui de 2005 et légèrement supérieur à ceux de 2003 et de 2004 à la même époque. Si les éléments disponibles à ce stade ne permettent pas de tirer des conclusions chiffrées sur l’ensemble de l’année, ils montrent la nécessité d’une réelle vigilance. Les premières tendances, couplées à la fin de certaines opérations qui avaient momentanément réduit la dette de l’État à la fin de l’exercice 2006, se sont dès à présent traduites par une remontée rapide de celle-ci, de plus de 43 milliards d’euros sur les cinq premiers mois de l’année.

Le risque d’aggravation du déficit de la sécurité sociale, également annoncé dans le rapport sur les finances publiques, est confirmé par les prévisions récentes de la commission des comptes de la sécurité sociale. La prévision de déficit du régime général pour 2007, fixée à 8 milliards dans la loi de financement de la sécurité sociale, sera sans doute largement dépassée, la commission des comptes de la sécurité sociale avançant un montant de 12 milliards.

Trois raisons principales expliquent cette évolution défavorable. Tout d’abord, pour la branche maladie, le comité d’alerte a diagnostiqué, au vu des quatre premiers mois de l’année, un dérapage de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) 2007 de l’ordre de 2 milliards d’euros rien que pour les soins de ville ; la commission des comptes a quant à elle évalué le dépassement de l’ONDAM à 2,6 milliards, dont 2,3 milliards sur les seuls soins de ville. Deuxième facteur de dérapage, les dépenses de la branche retraite seront plus fortes que prévu, notamment du fait de la forte progression des départs anticipés, qui se poursuit ; la caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) a annoncé un risque de dérapage de l’ordre de 1 milliard d’euros par rapport à la prévision, ce que confirment les données de la commission des comptes de la sécurité sociale. Enfin, pour 2007, le coût des exonérations de cotisations de sécurité sociale se révèle sensiblement supérieur au « panier » des impôts et taxes affectés en compensation ; la perte serait de 850 millions d’euros.

Par ailleurs, si le projet de loi soumis aux caisses prévoit que les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires feront l’objet d’un remboursement par l’État, ses modalités n’ont pas à ce jour été précisées. Il peut en résulter, en 2007, un alourdissement des dettes de l’État de 1 à 2 milliards selon la date d’application de la mesure, ce qui pèsera sur la trésorerie des régimes.

De façon générale, les dettes non réglées de l’État, dont le rapport de certification des comptes de la sécurité sociale a souligné le poids – près de 9 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes –, pèsent d’un poids croissant sur la trésorerie des caisses. L’État a bien reconnu ses dettes dans son bilan, la Cour des comptes l’a vérifié à l’occasion de l’exercice de certification des comptes de l’État, mais encore faut-il qu’il se donne les moyens de les régler dans des délais raisonnables, sans quoi les créances enregistrées par la sécurité sociale poseront un problème de sincérité comptable.

Aggravation de la situation de l’État et de la sécurité sociale, poursuite d’une vive progression des dépenses des collectivités territoriales, les finances publiques dans leur ensemble semblent se détériorer en 2007. L’INSEE confirme cette tendance : il vient d’annoncer l’augmentation de la dette publique de 33,7 milliards d’euros durant le premier trimestre de 2007, ce qui fera repasser le ratio d’endettement de 63,7 à 65 % du PIB.

L’aggravation des déficits et de la dette n’est pas dénuée de conséquences. Tout d’abord, elle rend la France vulnérable au relèvement des taux d’intérêt amorcé fin 2005 et qui semble devoir se poursuivre. Ensuite, elle limite les marges de manœuvre budgétaires et fiscales du pays, pourtant nécessaires eu égard à la rigidité de la majorité des dépenses, notamment des dépenses de personnel, et à l’augmentation à venir des dépenses publiques, liées notamment au vieillissement démographique. Enfin, elle contrevient au principe d’équité entre générations, qui exigerait de cesser de reporter sur les générations suivantes une partie de la charge des dépenses courantes.

En tout état de cause, il appartient au Gouvernement et au Parlement de définir les voies, les moyens et le rythme du redressement budgétaire. Comme toujours, plusieurs méthodes et plusieurs approches sont envisageables. Ce n’est pas à la Cour des comptes de décider de la politique à mener.

Ces derniers mois, on a noté une prise de conscience collective des risques et inconvénients d’une dette publique trop élevée, surtout lorsqu’elle ne sert pas à investir. Il ne faudrait pas que la vigilance retombe car elle est propice à un assainissement des finances publiques. La chance doit être saisie, d’autant que le contexte de croissance soutenue qui semble devoir prévaloir pour les prochains mois dans l’ensemble de la zone euro fournit l’occasion d’une amélioration structurelle des comptes publics.

Sur la base de cette analyse, la Cour des comptes examine les outils de pilotage des finances publiques et elle met d’abord l’accent sur le nécessaire renforcement de la programmation pluriannuelle des finances publiques. Cet outil, prévu à la fois par la LOLF et par les engagements européens de la France, est indispensable pour ancrer les stratégies budgétaires dans la durée. Jusqu’ici, il n’a pas fait l’objet d’une appropriation suffisante. Les programmations, qui fixaient des objectifs sans indiquer comment les atteindre, se trouvaient dépourvues de prise sur le réel.

Cette programmation doit devenir un cadre de référence réel pour tous les acteurs publics, ce qui suppose qu’elle fasse l’objet de consultations plus approfondies et qu’elle soit à la fois plus opératoire et mieux étayée.

La prochaine programmation, qui sera présentée en décembre à Bruxelles et devra, conformément au Pacte de stabilité, couvrir l’ensemble de la législature, peut être déterminante pour l’évolution de la situation financière du pays à moyen terme. Elle sera d’autant mieux respectée qu’elle s’appuiera sur des règles de pilotage renforcées. Tous les pays qui ont assaini leurs finances publiques se sont dotés de règles de pilotage claires et globales. Vu les imbrications entre finances de l’État, finances locales et finances sociales, il doit s’agir d’un pilotage d’ensemble, associant tous les acteurs de la dépense publique.

Pour l’État, la priorité est d’améliorer la définition de la norme de dépenses. Une petite moitié seulement du total des dépenses étant concernée pour l’instant, la norme n’exerce pas encore tout l’effet modérateur attendu. La recommandation de la Cour des comptes émise sur ce point a en partie été entendue puisque le Gouvernement souhaite intégrer les prélèvements sur recettes dans l’assiette de la norme. Il souhaite aussi adopter un référentiel budgétaire, sorte de pendant de celui qui existe en matière comptable, qui permettrait de préciser les règles à respecter pour une plus grande sincérité budgétaire. Les recommandations de la Cour des comptes commencent donc à porter leurs fruits.

Il faut également tirer parti de la LOLF, qui apporte plusieurs outils de maîtrise budgétaire : des règles d’affectation des surplus de recettes fiscales pour que ceux-ci contribuent effectivement à la réduction du déficit budgétaire ; une obligation de justification au premier euro des dépenses, qui devrait conduire à éviter la reconduction automatique des dotations d’année en année ; une mesure des coûts par action ; une mesure de la performance. La mise en place de ce système n’en est encore qu’à ses débuts. Il faut utiliser ces instruments et redéfinir les politiques qui n’ont pas fait leurs preuves.

La Cour des comptes, dans son rapport, formule également des propositions relatives aux nécessaires actions de fond sur les dépenses. Elle n’entend pas porter de jugement de valeur sur le niveau des dépenses publiques, ce qui n’aurait aucun sens ; seul compte l’équilibre entre recettes et dépenses. En revanche, elle se doit de souligner que le niveau actuel du déséquilibre impose de rechercher et d’examiner avec encore plus d’attention l’efficacité de la dépense. Son message est clair : aucun redressement des finances publiques ne sera possible sans une meilleure maîtrise et sans une meilleure efficacité des dépenses.

L’effort doit bien sûr porter sur les dépenses de personnel mais il n’existe pas de solution possible sans action sur les dépenses d’intervention, qui, depuis dix ans, ont au total compté pour plus de 80 % dans l’augmentation des dépenses publiques ; leur maîtrise constitue donc un enjeu majeur pour l’avenir.

Les dépenses de personnel des administrations publiques représentaient 235 milliards d’euros en 2006 et ont augmenté de 40 % depuis dix ans, en lien avec la progression des effectifs, qui a atteint 30 % dans les collectivités territoriales, 18 % dans la fonction publique hospitalière et, malgré la décentralisation, 6 % dans la fonction publique d’État. De 2005 à 2015, les employeurs publics auront été confrontés au départ à la retraite de plus d’un tiers – 36 % – des personnels titulaires. Ce contexte offre une occasion unique de meilleure maîtrise des dépenses de personnel. La Cour des comptes ne préconise certainement pas la réduction systématique des effectifs ou l’application uniforme d’une norme de non-remplacement des départs mais une analyse fine, en fonction des missions et des besoins de chaque administration, mais aussi des gains de productivité déjà réalisés ou à programmer.

Les dépenses d’intervention, dépenses de prestations, d’aides, de subventions et de transferts divers aux ménages, entreprises ou collectivités, représentent 420 milliards d’euros, soit plus de la moitié des dépenses publiques. Il faut y ajouter les dépenses fiscales et les exonérations de charges sociales, souvent qualifiées dans la presse économique de « niches fiscales et sociales », qui représentent près de 130 milliards d’euros, soit l’équivalent de 7 points de PIB. Les dépenses d’intervention sont extrêmement dynamiques – elles ont augmenté de 25 % en dix ans, hors dépenses fiscales, et même de 40 % pour l’État –, malgré une efficacité mal évaluée et un contrôle souvent défaillant. Souvent, elles sont insuffisamment ciblées, c’est-à-dire qu’elles ne bénéficient pas prioritairement à ceux qui en auraient le plus besoin. Tel est le cas de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prime pour l’emploi. Les dispositifs d’aide s’accumulent, se superposent, sédimentent et s’enchevêtrent. La Cour des comptes a illustré ces problèmes dans les domaines des aides au logement et à l’emploi, en matière de politique de la ville ou de décentralisation. Il conviendrait à tout le moins de revoir nombre de régimes d’aide et de transfert, non pas pour remettre en cause le niveau global d’intervention et d’aide publique mais pour mieux cibler les dispositifs et remettre en cause ceux qui ne servent à rien.

La liste des recommandations pourrait évidemment être allongée, d’autres figurant dans le rapport et plus généralement dans les travaux publiés par la Cour des comptes tout au long de l’année – le rapport annuel, les rapports thématiques et le rapport sur la sécurité sociale –, puisque son fil directeur est précisément de traquer les dépenses inutiles, les gaspillages, les actions inefficientes.

À cet égard, le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire, cette année, outre la traditionnelle analyse de l’exécution budgétaire, contient des évaluations par programme, qui constituent en quelque sorte des premiers audits de performance. La Cour des comptes a ainsi examiné les trente-quatre missions et conduit une analyse plus approfondie d’une vingtaine de programmes. L’exercice a été difficile et très contraint, pour ne pas dire plus, en termes de calendrier, du fait de l’indisponibilité de certains rapports annuels de performance et de nombreux indicateurs de performance. Des progrès ont certes été réalisés en matière de tableaux de bord, les indicateurs de performance et les cibles sont mieux définis et mieux renseignés, mais il reste beaucoup à faire.

Il reste en particulier un chantier à mener : celui de la mise en place d’une comptabilité d’analyse des coûts des actions engagées dans le cadre des programmes. On ne peut mesurer correctement la performance d’une action que par rapport à son coût. Or cette comptabilité reste très lacunaire : par exemple, on ne sait pas encore bien ventiler par action les dépenses de personnel ou certaines charges comme les amortissements ou les provisions. Tout le profit possible n’a pas encore été tiré de la nouvelle comptabilité générale, qui n’a été mise en place qu’entre 2006 et les deux premiers mois de 2007. Dans ces conditions, il est encore difficile d’évaluer l’efficience des actions.

De ce premier exercice en mode LOLF, il ressort en tout cas qu’il vaudrait mieux rechercher dans chaque ministère des solutions appropriées, avec des calendriers adaptés. C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes recommande, dans le rapport sur les résultats et l’exécution budgétaire, l’élaboration rapide de plans d’actions ministériels, qui programmeraient précisément les efforts à consentir et les objectifs à atteindre dans ce domaine.

Quant à la question de la dégradation des comptes sociaux, le recours à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) reste évidemment possible, mais à la condition, mise par le Parlement, d’un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CDRS) pour ne pas allonger la durée d’amortissement, estimée à quinze ans en valeur médiane. Pour l’instant, l’endettement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) se creuse dans des proportions préoccupantes. Le rapport sur la sécurité sociale reviendra sur ce sujet en septembre et examinera en détail plusieurs thèmes qui sont au cœur de la problématique de l’équilibre des comptes, notamment les pertes d’assiette des prélèvements sociaux, la fiabilité des comptes des hôpitaux, les revenus des médecins, les dépenses de médicaments ou encore les aides publiques aux familles.

Le Rapporteur général insiste sur la réduction du déficit au niveau stabilisant la dette, qui ne progresse par conséquent plus par rapport au PIB et a fait l’objet des commentaires suivants dans le rapport de la Cour des comptes : « Le déficit de 2006 est inférieur de 11,3 milliards à la prévision de la loi de finances initiale pour 2006 et de 7,8 milliards par rapport à celui de 2005. La quasi-stabilité en volume des dépenses nettes du budget général a contribué à cette amélioration mais celle-ci tient surtout à la forte progression des recettes fiscales de l’État à périmètre et législation constants. Conformément à l’article 51 de la loi de finances initiales pour 2006, les importants surplus de recettes fiscales constatés en cours d’exercice ont été intégralement affectés à la réduction du déficit. » Cela signifie que ce déficit, dû à la maîtrise de l’objectif de dépenses en volume, est stabilisant et place les comptes en excédent primaire. Toutefois, d’un point de vue méthodologique, il importe effectivement d’élargir la norme de dépenses, en particulier aux prélèvements sur recettes, essentiellement à ceux concernant les collectivités locales, pour un montant total d’une cinquantaine de milliards d’euros. Ce sera l’enjeu du débat d’orientation budgétaire pour 2008.

L’exécution 2007 semble inspirer davantage d’inquiétudes à la Cour des comptes. Cependant, comme en 2006, la prévision de recettes fiscales est très prudente et, compte tenu de l’effet base, un surplus de l’ordre de 3 à 6 milliards d’euros est espéré, lequel sera intégralement consacré à la réduction du déficit. En tout cas, il faut garder le cap du respect scrupuleux de la norme de dépenses votée par le Parlement.

En revanche, des inquiétudes peuvent effectivement être nourries à propos des comptes sociaux. D’ailleurs, face aux dérapages en matière d’assurance maladie, le comité d’alerte a été immédiatement actionné et différentes mesures devraient être prises. C’est plus difficile pour le volet retraite, compte tenu des départs anticipés plus nombreux que prévu, et le rendez-vous de 2008 est attendu pour aborder cette question. Les comptes publics sont donc vulnérables à une conjoncture et un taux de croissance susceptibles de se dégrader, d’autant que la baisse du ratio de dette enregistrée en 2006 est exclusivement imputable à des cessions d’actifs et à un resserrement du fonds de roulement de l’État.

Parmi les treize réserves émises par la Cour des comptes vis-à-vis des comptes 2006, quelles sont les plus préoccupantes à court terme ? Lesquelles traduisent les plus grandes divergences avec les teneurs de compte ? Lesquelles risquent d’impacter le plus négativement le passif de l’État ?

Un point d’accord a-t-il été trouvé au sujet du niveau de provisionnement à appliquer dans le bilan d’ouverture de 2006 pour plusieurs organismes publics ou parapublics ?

La Cour des comptes est-elle en mesure de porter un jugement global sur les premiers rapports annuels de performance ?

Le Président Didier Migaud s’interroge sur la priorité à retenir pour que l’État progresse dans la mise en œuvre de la LOLF, avec un objectif de transparence et d’efficacité de la gestion publique.

La Cour des comptes voit-elle se profiler un dérapage des dépenses en 2007 ? De quels outils les parlementaires disposent-ils, en mode LOLF, pour apprécier finement le pilotage infra-annuel des dépenses ?

Que propose la Cour des comptes pour contribuer à la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale ?

Où en est la réflexion de la Cour des comptes à propos de la définition de la dépense fiscale ?

Répondant tout d’abord au Rapporteur général, M. Philippe Séguin précise que la Cour, dans les treize réserves qu’elle a formulées, s’est gardée de tout pointillisme.

Les deux sujets de préoccupation les plus importants sont la lacune des systèmes d’information et les faiblesses du contrôle interne.

S’agissant des systèmes d’information, il convient de distinguer ce qui doit être amélioré immédiatement – le chemin de révision – et ce qui dépend du déploiement des nouveaux systèmes d’information – CHORUS, COPERNIC et l’opérateur national de la paye. La mise en place d’un dispositif opérationnel de contrôle et d’audit interne dans tous les ministères doit s’imposer rapidement.

Une autre réserve importante porte sur les actifs militaires, dont la valorisation et le recensement doivent incontestablement progresser.

Il est peu probable que les sujets ayant fait l’objet de réserves soient traités dès l’année prochaine. Les engagements que les autorités compétentes ont pris vis-à-vis de la Cour sont en général assortis d’un échéancier de trois ans. Le ministre de la défense a pour sa part confirmé à la Cour, par lettre du 29 juin, les engagements souscrits par son prédécesseur.

Les principales divergences relevées par la Cour portent sur des points très techniques : le statut du « compte État » de la COFACE, celui des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, la qualification exacte des contrats d’échange de taux. Le ministre des finances s’est engagé à clarifier sa position sur ces points.

Les réserves de la Cour sont à charge et à décharge : elles conduisent aussi bien à demander des réévaluations d’actifs – tel est le cas, au ministère de la défense, pour les immobilisations corporelles et incorporelles spécifiques – qu’à augmenter les passifs, en y ajoutant par exemple des obligations fiscales ou des passifs d’intervention. Le bilan de l’État certifié par la Cour comporte ces différentes modifications.

S’agissant des différences d’appréciation avec le Gouvernement au sujet des provisions, le traitement comptable des situations nettes négatives de certains organismes publics, évoqué dans le rapport sur les comptes de 2005, a été clarifié par le comité des normes de comptabilité publique. Les valeurs négatives de ces entités viennent en diminution de l’ensemble des actifs immobilisés de l’État. Elles ne sont individualisées qu’en annexe au compte général de l’État. La Cour s’est ralliée à la position de l’administration, qui a considéré que le FSV et le FFIPSA étaient des organismes de sécurité sociale et non des organismes contrôlés par l’État. Elle a en revanche immédiatement tiré les conséquences de ce fait dans la certification des comptes de la branche retraite, en demandant que l’arrêté du 27 novembre 2006 soit modifié afin de prévoir une combinaison du FSV avec les comptes de la branche. Il faut en effet que les comptes du FSV apparaissent d’un côté ou de l’autre : État ou sécurité sociale.

Sur un autre plan, la Cour a convaincu le producteur des comptes de l’État de passer les provisions correspondant aux obligations de l’État au titre de l’exercice suivant pour les « passifs ferroviaires » – RFF et SAAD, mais aussi les engagements de la SNCF en matière de retraites.

Au sujet des rapports annuels de performance – les RAP –, les difficultés tenant au calendrier doivent être soulignées : la Cour n’a disposé, avant d’adopter son rapport, que de versions provisoires, voire d’éléments très partiels. Il faudra donc veiller l’an prochain à ce que les RAP soient publiés en temps voulu, faute de quoi l’exercice perdrait de sa signification. Cependant, la lecture faite de ces rapports depuis un mois confirme ce que la Cour avait conclu au vu des éléments provisoires : il reste beaucoup à faire car de nombreux indicateurs doivent encore être renseignés. Ainsi, seulement 42 % des trente objectifs et des cent quatorze indicateurs de la mission « Enseignement scolaire » sont renseignés. Dans la plupart des programmes, l’analyse en coûts complets prévue par la LOLF n’a pas été réellement effectuée. Les données de comptabilité générale n’ont guère été utilisées. C’était au demeurant inévitable, puisque cette nouvelle comptabilité générale a surtout progressé dans les derniers mois de 2006. Il n’en reste pas moins qu’un progrès massif reste à accomplir pour les prochains RAP. Il n’y a pas de mesure possible des résultats et des conditions dans lesquelles ils sont été obtenus sans connaissance des coûts.

Répondant ensuite à l’intervention du Président Didier Migaud, M. Philippe Séguin convient que certaines insuffisances doivent être relevées dans la mise en œuvre de la LOLF : inadaptation de l’architecture par missions et programmes, imprécision des plans d’action ministériels, persistance de raisonnements en termes de « services votés » et de « mesures nouvelles »… On peut y ajouter l’incertitude persistante quant au rôle des responsables de programme – il y a peu de chances que l’on avance tant que l’on n’aura pas tranché le nœud gordien –, le caractère inapproprié d’un nombre important d’objectifs et d’indicateurs, ou encore les défaillances du contrôle de gestion.

Deux progrès pourraient être rapidement accomplis : d’une part, le renforcement de la fiabilité des comptes budgétaires et de comptabilité générale et la réduction significative, par rapport à ce que l’on a constaté cette année, des délais de production des comptes ; d’autre part, le développement de la mesure du coût des actions, qui est au centre du dispositif mis en place par la LOLF. La démarche de performance qui inspire désormais la gestion publique ne deviendra une réalité et ne pourra éclairer véritablement le législateur que lorsque les administrations se seront mises en situation de produire des indications précises et chiffrées sur leurs résultats et sur les moyens mobilisés pour les atteindre. Or la comptabilité d’analyse des coûts est aujourd'hui embryonnaire, et même les données de la nouvelle comptabilité générale n’ont pas été intégrées dans les RAP pour établir un coût complet. La connaissance des coûts constitue donc un chantier ultraprioritaire.

Comme l’a relevé le Président Didier Migaud, un dérapage se profile dans de nombreux sous-secteurs des administrations publiques. Fin mai, les dépenses nettes du budget général étaient en augmentation de 5,3 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. Cette hausse s’explique en partie par le profil atypique de l’année 2006, qui a été marquée par le retard dans le démarrage de l’exécution de la LOLF, mais elle traduit aussi l’augmentation de certains postes de dépenses. Fin avril, sur les 5 milliards d’euros d’augmentation, 3,2 milliards concernaient des dépenses d’intervention. Le respect de l’objectif de la loi de finances initiale suppose, à l’évidence, que dans les prochains mois le rythme de consommation de crédits initiaux soit inférieur à celui qui a été observé durant les quatre premiers mois. Ce respect sera rendu plus difficile par le volume croissant des reports de charges intervenus en 2006 et par les sous-dotations budgétaires qui affectent certaines missions en 2007.

S’agissant du dérapage de la sécurité sociale, le dépassement de l’ONDAM à hauteur de 2,6 milliards, la forte progression des départs anticipés à la retraite et le coût des exonérations de cotisations ont déjà été évoqués. En outre, la Cour n’a pas connaissance de toutes les données chiffrées relatives aux collectivités locales pour l’année en cours. Trois éléments d’analyse doivent néanmoins être mentionnés. Premièrement, c’est à compter de 2007, et plus encore en 2008 et 2009, que l’essentiel des transferts de personnel prévus par la loi du 13 août 2004 pèsera sur les charges de fonctionnement. Deuxièmement, une décélération des dépenses d’investissement est peu probable en raison de l’effet du cycle électoral, de l’inertie des procédures des marchés publics en cours, du transfert de certaines dépenses d’investissement vers les départements et les régions, mais aussi du dynamisme des prix constaté dans le secteur du BTP. Enfin, certains départements anticipent un accroissement, en 2007 et 2008, des charges au titre de la nouvelle prestation de compensation du handicap, et l’APA a continué d’augmenter au rythme de 9 % sur les quatre premiers mois de 2007.

Concernant les mesures à court terme qui pourraient être préconisées pour maîtriser les dépenses, si la Cour n’a pas l’ambition de se substituer au Parlement, elle souligne toutefois qu’il faudra veiller à partager les efforts entre professions de santé et assurés, entre cotisants, entre retraités actuels et futurs. Les choix de principe en matière de retraites ont été faits dès la réforme de 2003. L’équilibre financier doit être obtenu par l’effet, combiné ou non, de trois leviers : l’âge de la retraite, le taux de cotisation et le taux de remplacement. Les réformes à venir, à commencer par le rendez-vous de 2008, devront aller plus loin, les travaux récents du COR montrant que l’équilibre n’est pas assuré avec une prévision de taux de chômage de 4,5 %, pour 2020. Il faudra y ajouter un objectif d’égalité de traitement entre les cotisants, ce qui implique la réforme des régimes spéciaux.

En matière d’assurance maladie, il conviendrait d’accroître la productivité du système de distribution des soins, qu’il s’agisse de la répartition géographique des équipements hospitaliers, de la réorganisation interne de l’hôpital, de la mise en place d’une médecine de ville mieux organisée, ou encore de la redistribution des compétences entre les médecins et les professions paramédicales. Il faudra également se préoccuper de la répartition du reste à charge entre les assurés : 60 % des dépenses d’assurance maladie sont générées par des patients en ALD. Cette proportion ne cesse d’augmenter, si bien que le reste à charge pour les autres assurés s’accroît lui aussi. Le parcours de soins coordonné est une des causes de cette augmentation.

Enfin, la définition d’une norme de progression des dépenses fiscales constitue une question difficile. Que ce soit dans le champ de l’État ou dans celui de la sécurité sociale, les dépenses fiscales ont augmenté ces dernières années beaucoup plus vite que les dépenses budgétaires. Cela n’a pas été sans conséquences sur les déficits. Une telle progression s’explique en partie par le fait que ces dépenses ne sont encadrées par aucune norme, à la différence des dépenses budgétaires classiques. Il est donc tout à fait légitime de réfléchir à la mise en place d’une norme spécifique, tant pour modérer les dépenses fiscales et que pour éviter les effets de substitution avec les dépenses qui sont aujourd'hui normées. Néanmoins, pour mettre en place un tel dispositif, il est indispensable de faire au préalable des progrès en matière de recensement, de chiffrage et d’évaluation des dépenses fiscales. Une fois ce cap franchi, une norme sera envisageable. Aux Pays-Bas, par exemple, les progrès accomplis dans le chiffrage et le recensement ont à eux seuls permis d’obtenir l’effet modérateur attendu, au point que la question de la norme a été reléguée au second plan.

M. Jérôme Chartier souligne qu’il ne peut, en tant que membre de la commission des finances, qu’être d’accord avec M. le Premier président dans sa volonté de traquer les dépenses inutiles, et lui demande quel pourrait être, dans l’idéal, le rôle d’un rapporteur spécial de la commission des finances dans cette traque. Au sujet des 36 % de personnels titulaires partant à la retraite entre 2005 et 2015, M. Séguin a indiqué qu’il faudrait veiller à la non-reconduction systématique des dotations et à l’analyse fine des départs poste par poste. De quels outils le rapporteur spécial doit-il disposer pour contribuer à cette analyse et pour s’assurer de l’efficacité de son travail de contrôle et de suggestion ?

Par ailleurs, dans sa réponse aux observations de la Cour, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique se déclare réservé sur la mesure de l’évolution des dépenses de l’État réalisée par la Cour, suivant des périmètres qui lui apparaissent parfois contestables. Quels sont ces périmètres contestés ?

M. Jean-Louis Idiart se déclare heureux de retrouver M. Séguin et évoque le temps où celui-ci, alors président de l’Assemblée nationale, s’employait déjà à faire jouer pleinement son rôle au Parlement. Il affirme que son groupe, lors des débats en séance publique du lundi 16 juillet, pourrait reprendre purement et simplement l’intervention du Premier président devant la commission. Il y a en effet tout lieu de s’inquiéter de la situation présente et à venir.

S’agissant des comptes sociaux, ne pourrait-on mentionner aussi les efforts à faire sur le coût des médicaments et envisager une action forte en matière de prix ?

M. Charles de Courson estime pour sa part que les gouvernements successifs devraient davantage tenir compte des remarques formulées par la Cour. La commission des finances discute depuis plusieurs années du problème de la norme de dépenses. Le rapport sur le résultat et la gestion souligne que la hausse pour 2006 atteint 6,2 % et non 1,9 %, ce dernier chiffre se rapportant à la dépense nette. L’annexe V comporte un certain nombre d’évaluations selon les périmètres et indique que la hausse atteint 5,6 % entre l’exécution 2005 et l’exécution 2006 et 6,7 % entre l’exécution 2006 et le projet de loi de finances pour 2007.

La dépense nette n’est assurément pas un indicateur pertinent de l’évolution des dépenses. Elle ne peut rendre compte de la rigueur ou de l’absence de rigueur en matière de dépense publique. Il faut y ajouter, comme le préconise la Cour, tous les prélèvements, certains remboursements – ceux qui sont effectués sur les impôts locaux – ainsi que les dépenses fiscales : en effet, on n’a cessé ces dernières années, pour faire croire que l’on était rigoureux, de transformer des dépenses budgétaires en dépenses fiscales ; pis, on a instauré des dépenses fiscales différées, comme l’atteste le financement du prêt à taux zéro – PTZ –, véritable bombe budgétaire.

Plusieurs concepts pourraient être développés : le passage de la dépense nette à la dépense brute ; l’inclusion des dépenses fiscales ; l’intégration du problème des organismes divers d’administration centrale – ODAC. Il faut aussi se demander quels sont les opérateurs au sens de la LOLF. Un travail réalisé par les services de la commission des finances sur les effectifs de ces opérateurs durant les quatre dernières années met en évidence des augmentations de l’ordre de 10 000 à 12 000 créations d’emplois chaque année, soit un chiffre bien supérieur à la réduction du nombre d’emplois sur le budget de l’État.

Par ailleurs, si la Cour relève l’aggravation continue des dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale, elle n’a jamais suggéré à la commission des finances de déposer un amendement pour corriger le déficit de la loi de règlement à hauteur de la dette constatée. Il est indiqué que cette dette s’élevait, à la fin de 2006, à 9,1 milliards d’euros, soit une augmentation d’un milliard par rapport à l’année précédente. Le Gouvernement conteste ce chiffre et avance celui de 6,2 milliards. Comment expliquer cette divergence ? Ne serait-il pas opportun qu’un amendement de la commission des finances vienne recadrer les comptes et leur conférer un peu plus de sincérité ? Actuellement, ces sommes sont comptabilisées comme recettes dans les comptes de la sécurité sociale, mais pas comme dépenses de l’État.

Enfin, la Cour pourrait-elle effectuer des synthèses sur les opérateurs au sens de la LOLF ? On pourrait alors déterminer dans quelle mesure la rigueur affichée au niveau de l’État est une pseudo-rigueur.

M. Jean-Pierre Brard relève que, selon M. le Premier président, la dette n’a été stabilisée que par des moyens artificiels, telles les cessions d’actifs et les mesures providentielles de trésorerie prises avant la clôture des comptes. De combien la dette aurait-elle dérapé sans ces subterfuges ?

M. Séguin a déjà exprimé son scepticisme au sujet des exonérations de charges. Ne serait-il pas pertinent, avant de prendre de nouvelles mesures, de réaliser une étude d’impact ? Le « bouclier fiscal » a par exemple été adopté il y a deux ans sur la base de 90 000 bénéficiaires et d’un « don » moyen de 4 000 euros par bénéficiaire. Or, au mois de mai, on en était à 1 100 bénéficiaires pour une ristourne moyenne de 67 000 euros.

Par ailleurs, comment la Cour envisage-t-elle l’évolution de la dette sociale – 120 milliards d’euros –, sachant que les mesures prises par le Gouvernement se traduiront par une baisse des recettes pour les régimes sociaux ?

Enfin, quelle cohérence trouver entre l’accroissement des départs anticipés en retraite, confirmé par la Cour, et le « travailler plus » dont il est beaucoup question aujourd'hui ?

En réponse à M. Jérôme Chartier, M. Philippe Séguin signale que la question du rôle du rapporteur spécial renvoie à un sujet plus vaste, celui du rapport que doivent entretenir le contrôle politique, exercé par le Parlement, et le contrôle technique, exercé par la Cour des comptes. Il serait regrettable que l’on retire au rapporteur spécial les moyens de se rendre sur place et de constater sur pièces. Même s’il n’en fait pas usage, il doit toujours conserver cette possibilité. En revanche, toute une série de tâches doivent être assumées par d’autres que les politiques. La ligne de partage est au demeurant facile à trouver.

S’agissant de la norme, la Cour a tracé plusieurs périmètres possibles. Elle a montré que ceux-ci aboutissaient à des résultats très différents, mais toujours supérieurs à la norme actuelle. Elle s’est néanmoins gardée de préconiser telle ou telle solution, si ce n’est la nécessaire intégration des prélèvements et de certains remboursements et dégrèvements.

M. Philippe Séguin précise à l’intention de M. Charles de Courson que le chiffre de 9,1 milliards correspond à la dette de la sécurité sociale au 31 décembre 2006, tandis que celui de 6,2 milliards correspond à la fin de la période complémentaire. En comptabilité générale, c’est bien la somme de 9,2 milliards qu’il faut retenir. En outre, il s’agit bien d’une dette : elle ne doit pas entrer dans le résultat budgétaire.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, apporte à l’intervention de M. Charles de Courson d’autres éléments de réponse.

Il conviendrait à tout le moins de placer dans le périmètre de la norme de dépenses les prélèvements sur recettes et une partie des remboursements et dégrèvements – la part qui correspond à des politiques publiques, ou, en d’autres termes, les dépenses fiscales qui sont le strict équivalent de dépenses budgétaires. La prime pour l’emploi et le crédit d’impôt recherche, par exemple, sont des substituts de dépenses budgétaires et ont toujours été présentés comme tels. Ils devraient donc entrer dans le périmètre de la norme de dépenses. L’objectif de la Cour en la matière était de démontrer que la définition de la norme est un enjeu majeur pour la maîtrise des dépenses publiques.

Il est par ailleurs exact que l’État a transféré des effectifs aux opérateurs ou leur a confié des actions qu’il exerçait jusqu’alors, par exemple en matière sanitaire. La Cour a donc demandé qu’un recensement des effectifs des opérateurs soit publié.

M. de Courson a demandé si la Cour avait des propositions en matière de coordination. Il connaît l’article 58 de la LOLF et nous sommes dans la même situation au regard des commissions sociales, y compris vis à vis de leurs MEC respectives. Cela étant il faut se souvenir que si la Cour est effectivement vouée à l’assistance du Parlement elle a en fait trois missions.

Elle doit d’abord assister le Gouvernement lui-même, notamment dans sa mission d’exécution du budget. Il lui appartient de l’éclairer par les critiques qu’elle formule dans les référés qu’elle adresse et dans les rapports qu’elle publie. La seule différence avec les devoirs qu’elle a envers le Parlement est que le Gouvernement ne peut pas lui demander de rapports.

Sa deuxième mission est celle d’aider le Parlement.

Aujourd’hui l’impôt sur les sociétés représente une part de la fiscalité encore plus importante qu’en 2002 mais la combinaison des éléments rend extrêmement difficile la prévision des résultats pour 2007. C’est pourquoi il faut pousser un cri d’alarme et l’on n’a pas de chiffres sur le montant vraisemblable du surcroît de recettes, car les calculs sont trop aléatoires. Ainsi lorsque le Parlement s’est prononcé en novembre 2006, l’excès de recettes était sous-évalué.

Pour ce qui est de l’évaluation des dépenses, les chiffres figurent dans l’audit des finances publiques. Et les budgétisations sous-évaluées y sont recensées.

Pour ce qui de l’intercommunalité, les chiffres font ressortir une augmentation des dépenses des EPCI de 40 % depuis 2002 alors que celles des communes ont augmenté de 12 %. Cela a évidemment généré des surcroîts de recettes.

Dans le cadre du FIPSA a été réalisé un alignement des prestations maladies des exploitants agricoles. Le problème de la parité se pose donc en matière de retraite, mais pas pour la maladie.

En ce qui concerne la compensation subsiste un problème : il serait plus légitime d’intégrer les salariés dans les effectifs du régime général avant de procéder au calcul de la compensation, ce qui donnerait des résultats différents dans la compensation avec les autres régimes.

En revanche la Cour ne s’est pas prononcée sur un éventuel conseil de surveillance du FIPSA, mais cela pose une autre question : celle de la consolidation du FIPSA avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour y voir plus clair, et de son financement.

LISTE DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008

Rapporteurs spéciaux

1. Action extérieure de l’État

M. Jean-François MANCEL

2. Administration générale et territoriale de l’État

M. Marc LE FUR

3. Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ;
Développement agricole et rural

M. Nicolas FORISSIER

4. Aide publique au développement ;
Prêts à des États étrangers

M. Henri EMMANUELLI

5. Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. Jean-François LAMOUR

6. Conseil et contrôle de l’État

M. Pierre BOURGUIGNON

Culture :

 

7. Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture ;
Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

Mme Marie-Hélène DES ESGAULX

8. Patrimoines

M. Nicolas PERRUCHOT

Défense :

 

9. Environnement et prospective de la politique de défense ; équipement des forces

M. Jean-Michel FOURGOUS

10. Préparation et emploi des forces ; soutien de la politique de défense

M. Louis GISCARD D'ESTAING

Développement et régulation économiques :

 

11. Développement des entreprises et régulation économique

M. Jean-Pierre GORGES

12. Tourisme

M. Pascal TERRASSE

13. Commerce extérieur

M. Olivier DASSAULT

14. Direction de l’action du Gouvernement ;
Publications officielles et information administrative

M. Jean-Pierre BRARD

15. Engagements financiers de l’État

M. Dominique BAERT

Écologie, développement et aménagement durables :

 

16. Protection de l’environnement et prévention des risques ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables

M. Jacques Pélissard

17. Énergie et matières premières

M. Alain CACHEUX

18. Transports aériens et météorologie ;
Contrôle et exploitation aériens

M. Charles de COURSON

19. Transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes ;
Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

M. Hervé MARITON

20. Enseignement scolaire

M. Yves CENSI

Gestion des finances publiques et des ressources humaines :

 

21. Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public ;
Facilitation et sécurisation des échanges

M. Thierry CARCENAC

22. Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État ;
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

M. Pierre-Alain MUET

23. Fonction publique

M. Georges TRON

24. Immigration, asile et intégration

Mme Béatrice PAVY

25. Justice

M. René COUANAU

26. Médias ;
Avances à l’audiovisuel public

M. Patrice MARTIN-LALANDE

27. Outre-mer

M. Jérôme CAHUZAC

    28. Pilotage de l’économie française ;
    Accords monétaires internationaux

M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER

    29. Politique des territoires

M. Jean-Claude FLORY

    30. Pouvoirs publics

M. Jean launay

    31. Provisions

M. Philippe VIGIER

Recherche et enseignement supérieur :

 

    32. Recherche

M. Daniel GARRIGUE

    33. Recherche dans les domaines du développement durable

M. Alain CLAEYS

    34. Enseignement supérieur

M. Laurent HÉNART

    35. Régimes sociaux et de retraite ;
    Pensions

M. Patrick LEMASLE

    36. Relations avec les collectivités territoriales ;
    Avances aux collectivités territoriales

M. Marc LAFFINEUR

    37. Remboursements et dégrèvements

M. Jean-Yves COUSIN

    38. Santé

M. Gérard BAPT

    39. Sécurité

M. Michel DIEFENBACHER

    40. Sécurité civile

M. Georges GINESTA

    41. Sécurité sanitaire

M. Bruno LE MAIRE

    42. Solidarité, insertion et égalité des chances

M.  Jean-Marie BINETRUY

    43. Sport, jeunesse et vie associative

M. Henri NAYROU

Travail et emploi :

 

    44. Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques

M. Gaëtan GORCE

    45. Politiques du travail et de l’emploi

M. Alain JOYANDET

Ville et logement :

 

    46. Ville

M. Yves JEGO

    47. Logement

M. François SCELLIER

    48. Gestion du patrimoine immobilier de l’État ;
    Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

M. Yves DENIAUD

    49. Participations financières de l’État
    Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

M. Camille de ROCCA-SERRA