Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 30 janvier 2008

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Augustin de Romanet, directeur général, et de M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations, sur la distribution du Livret A et le financement du logement social

Le Président Didier Migaud a rappelé que la Commission a entrepris une série d'auditions sur la distribution du Livret A et le financement du logement social.

Chacun connaît la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007, les demandes qui ont été adressées à la France et le recours qui a été déposé par le Gouvernement. Depuis lors, un certain nombre d’orientations ont été annoncées par le Gouvernement et le dépôt du rapport de M. Camdessus est intervenu.

C’est dans ce contexte que la Commission a souhaité connaître le point de vue de la Caisse des dépôts sur la situation actuelle et sur ce rapport, qui donne parfois l’impression de conforter la Caisse dans son rôle d’acteur pivot du logement social, alors qu’elle pourrait en fait être affaiblie par la proposition d’élargir le financement aidé du logement social à l’ensemble du secteur bancaire.

M. Michel Bouvard s’est réjoui du fait que la commission des Finances se soit saisie du rapport de M. Camdessus sur le Livret A et sur le financement du logement social, ce qui se justifie pleinement au regard de l'importance du sujet et du fait que la Caisse qui est un acteur principal du logement social, se trouve sous le contrôle du Parlement.

Avec le Directeur général et les équipes de la direction des fonds d'épargne, la commission de surveillance, à laquelle participent également Jean-Pierre Balligand et Daniel Garrigue, a débattu des conclusions de ce rapport lors de sa séance du 23 janvier.

Cet examen ne remet pas en cause la position exprimée précédemment par la commission de surveillance, quant à son attachement au dispositif actuel et au maintien du recours engagé contre la directive européenne, mais il prend en compte la position exprimée par le Président de la République sur l'ouverture de la distribution du Livret A.

Il n'appartient pas à la commission de surveillance, pas plus qu'à la Caisse des dépôts de remettre en cause cette décision de l'exécutif. Dans son discours, à Vandoeuvre-lès-Nancy le 11 décembre 2007, le Président de la République a lui-même fixé les conditions dans lesquelles cet élargissement de la distribution pourrait être envisagé : pas de mise en danger de la collecte, diminution de la rémunération des réseaux distributeurs, financement moins cher du logement social. La commission de surveillance fait siennes ces conditions, car elles ont été l'objet de recommandations et de demandes régulières de la Caisse des dépôts.

Par ailleurs, l’examen par la commission de surveillance a été effectué sur les bases du rapport lui-même, dont certaines données paraissent discutables, telle la présentation qui tend à établir un lien direct entre le déficit de logements sociaux, l’existence d’un million de mal logés et le mode de financement. En vérité, de nombreux facteurs extérieurs au financement interviennent directement dans le constat du déséquilibre actuel entre l'offre et la demande de logements, en particulier de logements sociaux. Depuis cinquante ans, plus singulièrement au cours des vingt dernières années, le monde du logement a connu de nombreuses mutations, mais aussi des empilements de structures qui ont vu disparaître des leviers de mise à disposition de logements :

– le parcours résidentiel n'est plus une réalité. Ainsi, on n’est pas d’abord locataire d’une HLM, puis locataire d’un ILM et enfin accédant à la propriété,

– les occupants des logements sociaux restent toute leur vie dans les logements, quand ces derniers ne sont pas transmis à leurs descendants,

– les résistances du monde des HLM au changement figent les habitudes et inhibent les initiatives visant à construire mieux et autrement : il apparaît en particulier que des regroupements de petits organismes devraient être promus,

– chacun sait que le foncier est la denrée rare pour construire des nouvelles habitations.

Cette énumération n’est pas exhaustive et l’on peut faire confiance aux acteurs engagés dans le renouveau du logement social et de l'accession sociale à la propriété, notamment aux équipes de la Caisse mobilisées sur ces questions, pour que l’on observe de profonds changements dans les mois qui viennent. C’est pourquoi il convient de souligner ce qui représente une faiblesse initiale du travail réalisé par Michel Camdessus.

De ce point de vue, certaines propositions de la commission Attali – 165 à 176 et 286 à 296 – paraissent fort intéressantes pour répondre à certaines des attentes en matière de production de logements.

Une ambiguïté a pu par ailleurs apparaître à la lecture du rapport qui préconise la création d'un établissement public ad hoc pour gérer les fonds d'épargne. Ces derniers sont aujourd'hui clairement identifiés dans une section comptable propre dans les écritures de la Caisse des dépôts. On sait donc exactement où ils sont. Leur gestion est totalement séparée de celle du reste de la Caisse. Elle est mise en œuvre par une direction qui lui est entièrement dédiée et que préside André-Laurent Michelson. Ses comptes sont établis, audités et présentés séparément de ceux du reste du groupe.

Dans le rapport présenté chaque année au Parlement, les activités de la Caisse des dépôts sont d'ailleurs développées de façon séparée entre l’établissement public, les fonds d'épargne et les filiales.

À l'issue du rapport Nasse-Noyer, la commission de surveillance a constitué un comité spécialisé chargé d'examiner l'ensemble des éléments relatifs à la gestion des fonds d'épargne. Le « comité des fonds d'épargne », que préside Daniel Garrigue, se réunit au minimum six fois par an.

La création d'un établissement public autonome pour gérer les fonds des livrets centralisés à la Caisse n'apporterait donc aucune clarification. Cette proposition est non seulement inutile, mais aussi inacceptable, car elle soustrairait les fonds d'épargne à la surveillance législative qui s'exerce aujourd'hui, et contre-productive, car elle accroîtrait la complexité d'un dispositif, à un moment où l’on parle de simplification des structures.

Le 23 janvier dernier, la commission de surveillance a marqué son attachement à trois points majeurs.

Le premier est la pérennité d'une ressource suffisante pour faire face aux besoins de financement du logement : l'ouverture de la distribution du livret A pose immédiatement la question de la centralisation des ressources collectées. La loi devra donc explicitement garantir au moins un taux plancher de centralisation et la commission de surveillance devra être consultée préalablement à toute modification du taux fixé par la loi. Il s’agit d’éviter que le taux ne puisse être modifié par une procédure trop simple.

Le deuxième point majeur tient à la recherche du coût le plus modéré possible de la ressource des fonds d'épargne : voilà des années que les présidents de la commission de surveillance et les directeurs généraux militent pour cela et l’on ne peut donc que se réjouir des mesures proposées dans ce sens. La décision qui a été prise récemment pour le taux du livret A paraît également positive au regard de la difficulté de construction de la formule de réévaluation.

Enfin, la commission de surveillance est bien évidemment attachée au rôle essentiel de la Caisse des dépôts dans le financement du logement social. Depuis 1837, la CDC gère les fonds d'épargne avec efficacité ; par une mécanique unique en Europe, elle transforme l'épargne liquide disponible immédiatement en emplois à long terme. Cette capacité de transformation n'a jamais failli. Seule la CDC est en mesure de l'assurer, grâce à son savoir-faire. Il convient donc d’être particulièrement attentif à ce qui pourrait venir perturber les conditions d'un tel équilibre.

M. Augustin de Romanet s’est réjoui d’avoir l’occasion de s'exprimer pour la première fois publiquement sur les propositions de M. Camdessus, car il s’agit d’un sujet particulièrement important pour la Caisse des dépôts, le logement étant la première priorité de son plan stratégique Élan 2020.

Il convient d’abord de rappeler les atouts du dispositif des fonds d'épargne tel qu’il existe depuis une vingtaine d’années. Le premier atout est une extraordinaire réactivité aux besoins des organismes d’HLM et aux impulsions gouvernementales.

Le dispositif a permis en 2007 de produire plus de 54 000 logements en apportant 6,5 milliards d’euros de financements, contre 5 milliards en 2006. En 2008, la Caisse des dépôts sera en mesure de prêter 7,5 milliards. Cela signifie que, grâce aux ressources du livret A, la direction des fonds d’épargne aura doublé en quatre ans les prêts aux organismes d’HLM, dans des conditions de durée qui peuvent aller jusqu’à soixante ans. À un moment où la liquidité des banques est rare, il est précieux de disposer d’un instrument qui reste à l’abri des soubresauts des marchés de capitaux et qui peut être mobilisé en toutes circonstances. Il faut ajouter que les prêts sont garantis sans aucune discrimination de territoire ou de taille des organismes d’HLM : que l’organisme gère 1 000 ou 80 000 logements, les prêts sont accordés dans les mêmes conditions de taux et de durée.

Depuis vingt ans, ce dispositif s’est sans cesse perfectionné. La Caisse des dépôts a eu à cœur de réduire le coût des commissions et de bonifier, sur sa section générale, le taux des prêts sur fonds d’épargne, ce qui a représenté une dépense de plus de 400 millions d’euros entre 2004 et 2008. C’est ainsi qu’au congrès HLM de Lyon, en octobre dernier, la Caisse a décidé de dégager 60 millions d’euros en faveur des prêts pour la réhabilitation thermique des logements dans le parc locatif. En outre, les services n’ont pas été avares d’inventivité pour élargir la gamme des produits, créant des prêts pour l'acquisition du foncier, des prêts indexés sur l'inflation, des prêts pour les logements économes en énergie ou des prêts pour financer l'accession sociale dans l'ancien.

La Caisse des dépôts a aussi développé une approche personnalisée pour les organismes de logement social, fondée sur le passage de financements ponctuels à des opérations pluriannuelles des opérateurs. Elle offre également des réaménagements de dettes et des conseils financiers adaptés à chaque situation. Il faut d’ailleurs souligner qu’en tant qu’opérateur de service public, la Caisse ne profite pas des réaménagements de dettes pour gagner des points de base. Les études de la mission interministérielle pour le logement social montrent l’importance pour les organismes d’HLM d’avoir un interlocuteur qui leur parle directement.

Les fonds d’épargne ont été sollicités par l’État pour d’autres missions comme, depuis 2003, le financement d'infrastructures de transport à hauteur de 4 milliards d’euros ou le plan Hôpital 2012, à hauteur de 2 milliards. Si ces emplois ne constituent pas le cœur de la mission des fonds d'épargne, ils en montrent la réactivité.

Les fonds d'épargne sont donc un instrument incontournable de l’ambition de la Caisse des dépôts d’accroître ses efforts en faveur du logement social, l’objectif étant bien de financer 40 % de plus de logements sociaux en 2010 qu’en 2007.

La Caisse des dépôts partage l’objectif de M. Camdessus d’améliorer encore le financement du logement social en confortant les fonds d'épargne et en en améliorant les conditions de fonctionnement.

Plusieurs propositions du rapport vont dans la bonne direction, dès lors que l’on respecte trois contraintes : une ressource suffisante, un coût de la ressource aussi bas que possible, le maintien de la Caisse des dépôts comme prêteur.

S’agissant du niveau de la collecte, la Caisse des dépôts reste attachée au caractère entièrement dédié du livret A. Néanmoins, si les pouvoirs publics devaient retenir la proposition d’une centralisation partielle, il paraîtrait opportun que la loi fixe un taux minimum de centralisation et prévoit un mécanisme permettant de faire varier ce taux en fonction des besoins des organismes d’HLM. Il conviendrait également que la commission de surveillance donne son avis avant toute modification de ce taux.

La Caisse des dépôts considère par ailleurs qu’il pourrait être opportun de consentir également des prêts au logement social sur le livret d'épargne populaire. Le rapport ne retient pas cette proposition. Pourtant, dès lors que le taux va baisser et que la différence avec le livret A va se réduire, on pourrait bien utiliser les ressources de ce livret pour le logement social.

La Caisse des dépôts n’est pas hostile à l’idée d’émettre des obligations garanties par l’État pour se procurer des ressources supplémentaires. À ce stade, cela n’a pas semblé nécessaire, la ressource de l’OAT ayant un coût supérieur à celui du livret A.

Les présidents de la commission de surveillance et les directeurs généraux successifs ont plaidé régulièrement en faveur de la diminution du coût de la ressource. Le Gouvernement a pris des décisions dans ce sens. D’une part, il a tenu compte des circonstances exceptionnelles en fixant à 3,5 % le taux du livret A au 1er janvier 2008, ce qui permet une économie de 450 millions d’euros de charges annuelles d’intérêt pour les organismes d’HLM. D’autre part, il a fixé une nouvelle règle de calcul des taux, qui permet d’éviter la prise en compte du caractère très atypique du niveau de l’EURIBOR, qui avait atteint presque 5 % en raison de la crise des subprimes.

Le directeur général est favorable à la baisse des commissions et il souhaite que le surcroît de charge qui résulterait, pour les Fonds d'épargne, de dispositions transitoires en faveur des réseaux historiques qui distribuent le livret A – La Poste et Caisses d’épargne –, ne soit pas répercuté dans le taux des prêts des fonds d’épargne aux organismes de logement social.

Il apparaît enfin que la Caisse des dépôts doit rester au cœur du dispositif, non pas pour des motifs de parts de marché ou d’ego ou en raison du bénéfice qu’elle fait sur ses opérations : la Caisse ne fait aucun bénéfice sur l’opération de transformation du livret A, elle agit dans le cadre fixé par l’État et l’intégralité des résultats qui peuvent être dégagés est appréhendée par le Trésor public. La Caisse n’est pas dans une logique de puissance ou de pouvoir, elle est dans la logique de constater sur le terrain que l’approche de neutralité entre des professionnels de la banque à caractère non lucratif et des professionnels du logement social est de nature à permettre une appréciation aussi juste que possible des capacités de financement des organismes d’HLM.

C’est pour cette raison que la Caisse est attentive à deux propositions du rapport Camdessus qui pourraient l’éloigner de son rôle central. La première concerne la « déliaison », c'est-à-dire la suppression du lien entre l'octroi de prêts Caisse des dépôts et le bénéfice d'avantages fiscaux pour l'emprunteur. Cette proposition est dangereuse, car elle pourrait conduire à une discrimination entre les bailleurs sociaux : certains auraient accès aux conditions de financement des banques, tandis que les plus petits ou les moins solvables s’adresseraient à la Caisse des dépôts. Il n’y aurait ainsi plus de mutualisation des risques.

Techniquement, on ne voit pas non plus l’utilité de cette mesure, les banques étant très loin d’utiliser la marge qui leur est offerte, puisqu’il suffit, pour obtenir l’avantage fiscal, de prendre la Caisse des dépôts à hauteur de 50 %. Sur les 50 % restant, les banques ne prennent que 5 %. La déliaison peut donc présenter des inconvénients.

La proposition de créer un établissement public séparé pour gérer les fonds d'épargne est inutile, comme l’a déjà dit et bien dit M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance.

Manifestement, le monde du logement social a devant lui de grands défis d’adaptation, qui touchent à l’amélioration du parcours résidentiel mais aussi au fait que les organismes d’HLM doivent prendre conscience qu’ils ont des droits, mais aussi des devoirs, notamment de rénovation, de réhabilitation, de vente aux occupants et de construction neuve. C’est l’esprit de la charte d’utilité sociale qui a été proposée par le ministre du logement et lancée par le Président de la République dans son discours de Vandœuvre-lès-Nancy. Cette charte consiste, pour les organismes d’HLM, à s’engager, contre certains avantages, dans un certain nombre d’opérations de rénovation, de construction ou de vente.

Le monde HLM garde un bénéfice à disposer, avec la Caisse des dépôts, d’un tiers de confiance qui garantit sur tout le territoire, en toutes circonstances et avec un très haut degré de sécurité, la transformation de l’épargne des Français.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a remercié M Bouvard et M. de Romanet pour leurs exposés précis, leurs prises de position et leurs ouvertures.

S’agissant de la ressource dont doit disposer le financement du logement social, dans le rapport Camdessus, il est proposé un élargissement à des financements obligataires, au motif qu’à l’horizon 2012 les actifs financiers, au titre de la différence entre ce qui est collecté et ce qui est prêté, ne seront plus suffisants pour opérer la transformation nécessaire en prêts à long terme. Quel est le sentiment de la Caisse à ce propos ? Qu’est-ce qui permet à M. Camdessus d’être aussi catégorique ?

Par ailleurs, dans la mesure où la distribution va être élargie, comment peut-on envisager l’évolution du commissionnement ? Quels devraient être les niveaux de rémunération ?

Si le taux de centralisation doit être fixé par la loi après avis de la commission de surveillance, le plancher devrait-il être des deux tiers, comme le propose le rapport ou plutôt de 70 % ?

Enfin, si l’on a aujourd’hui un problème de quantité de production de logements sociaux, la cause principale ne tient en aucun cas au mode de financement.

M. Jean-Louis Dumont a souligné que c’est moins le plan de financement que le foncier disponible qui permet de construire. Tant que l’on mettra le foncier en dernier, même si l’on dispose de financements élevés, on ne parviendra pas à répondre aux besoins.

On parle aujourd’hui beaucoup du livret A, mais la question du taux est récurrente depuis des années, de même que celles du type de collecte et de la centralisation. On voudrait mettre à mal un système qui lie épargne populaire, solidarité et logement et qui est ainsi au cœur de la démocratie. Dans le logement locatif comme dans l’accession sociale – puisqu’on ne peut plus parler de l’accession très sociale, l’expérimentation à hauteur de 1 000 logements ayant été abandonnée –, on est en fait dans une gestion administrée : on ne construit et on ne prête qu’avec des autorisations administratives, même si la délégation des aides à la pierre permet une plus grande fluidité. Or les élus de tous bords sont aujourd’hui confrontés à la menace de voir disparaître cette délégation.

La réhabilitation est réclamée depuis des années par le mouvement HLM et par les opérateurs, à condition qu’un accompagnement financier soit prévu.

Le démantèlement de la collecte de l’épargne populaire au bénéfice du logement locatif social rendra certainement service à des réseaux bancaires, fussent-ils de l’économie sociale.

On connaît depuis longtemps les défauts de la Caisse des dépôts, en particulier en ce qui concerne les discriminations, mais il demeure préférable de lutter contre ces discriminations que de ne plus avoir de financement du tout.

M. Daniel Garrigue a souligné l’efficacité du mécanisme de transformation des fonds d’épargne. Aux défis auxquels sont confrontés les acteurs du logement social, s’ajoute celui du programme de renouvellement urbain. La Caisse des dépôts y est impliquée en tant que partenaire de l’ANRU, par le biais d’apports directs de fonds importants, mais aussi parce que ce programme repose pour l’essentiel sur les prêts de la Caisse. Il serait quand même paradoxal, alors que l’on est engagé dans ce programme considérable, de remettre en cause la centralisation des fonds d’épargne.

M. Jean-Pierre Balligand a mis en garde ses collègues contre les menaces qui pèsent sur l’avenir de la Caisse des dépôts car ce n’est pas le logement social mais bien la Caisse en tant que telle qui est visée dans cette affaire.

Si les fonds souverains sont aujourd’hui à la mode, pour sa part la Caisse a toujours été un fonds de pension collectif, un petit fonds souverain actionnaire, de façon diversifiée et sécurisée, de la moitié des sociétés du CAC 40, et propriétaire de certains bijoux comme la Caisse nationale de prévoyance.

Il convient donc d’être vigilant car la Caisse remplit bien ses fonctions et la France en a besoin, quand on voit actuellement l’affolement du système financier : au-delà de l’affaire de la Société Générale, étant donné la crise des subprimes et la recherche permanente de la rentabilité maximale, avec des taux dépassant les 18 %, la France a la chance de disposer d’un établissement qui investit sur le long terme, ce qui est le propre d’un fonds souverain, qui plus est dans le logement social.

À côté du logement social et de l’ANRU, il y a aussi le plan Hôpital dans lequel la Caisse s’est engagée pour 2 milliards d’euros, les grandes infrastructures où elle a investi 2,9 milliards, les transports en commun en site propre qui ont bénéficié de 1,1 milliard, la mise aux normes du traitement des eaux usées à laquelle elle a consacré 3 milliards. Dans toutes ces opérations, la Caisse remplit des missions d’intérêt général, qui ne sauraient relever de la rentabilité à court terme. À côté de l’économie de marché, on a besoin d’un tel instrument de régulation.

Il ne faut pas prendre à la légère le rapport Camdessus. S’il prend acte de la banalisation du livret A, conformément au mandat qu’il a reçu, on ne saurait oublier que les banques françaises, qui avaient déposé le recours, avaient affirmé qu’il n’y avait aucun danger puisqu’elles ne contestaient pas la centralisation. Cela est totalement faux : le rapport propose de commencer par laisser 30 % de la centralisation aux banques qui effectueraient la collecte. Dans cette hypothèse, la Bourse étant ce qu’elle est, il n’est pas impossible que, dans un premier temps, la banalisation entraîne un accroissement de l’épargne collectée.

Parmi les 45 millions de détenteurs de livrets A, les plus intéressants pour les banques sont ceux qui n’y touchent jamais et non pas les familles les plus modestes qui l’utilisent comme un véritable compte en banque. Il ne faut pas que, dans le cadre de la banalisation, les banques privées puissent démarcher les clients les plus intéressants pour leur proposer, à court terme, des produits sécurisés deux fois plus rentables. Il y aurait là un véritable risque de siphonage des fonds d’épargne, dans un contexte de crise des liquidités bancaires.

C’est parce que la Caisse des dépôts assure la sécurité de l’épargne des Français et veille à ce qu’elle soit utilisée dans l’intérêt général qu’elle est sous le contrôle du Parlement. Dès lors que l’on s’en prend à un système qui a fait ses preuves depuis 190 ans, il y a tout lieu d’être particulièrement vigilant.

M. Charles de Courson a souhaité savoir à combien on estimait l’augmentation, au moins dans un premier temps, du montant des dépôts qui pourrait résulter de la banalisation de la collecte.

A-t-on également évalué le niveau du risque en fonction du taux de centralisation. Si l’on tombe à 30 %, n’existe-t-il pas un énorme risque de liquidités au regard de la très forte transformation à laquelle il a été procédé à partir des fonds collectés ?

Il serait également intéressant de savoir si la détermination du taux de centralisation est de nature législative ou réglementaire.

M. Augustin de Romanet a considéré que la crainte de M. Camdessus que l’on ne dispose pas de suffisamment de ressources en 2012 est hypothétique, en particulier parce qu’elle repose sur une projection de la tendance à l’accroissement des prêts qui est actuellement très forte en raison de la montée en puissance du plan de cohésion sociale. Qui plus est, un manque de ressources pourrait être compensé par l’utilisation de celles du livret d’épargne populaire Enfin, et en tout état de cause, le Gouvernement disposerait d’une marge de manœuvre en augmentant le plafond du livret A, qui n’a pas varié depuis 1991.

S’agissant du niveau de rémunération, on est dans une négociation traditionnelle. Les banques disent qu’il leur faut une commission de 0,8 % pour placer le produit, le rapport Camdessus propose 0,4 %. Il faudra parvenir à une proposition raisonnable, mais c’est très difficile car il faut entrer dans les coûts analytiques des établissements. Il convient que le taux de rémunération soit le plus bas possible et qu’il demeure un intérêt pour le réseau bancaire à placer ce produit.

En ce qui concerne le taux de centralisation, il apparaît que, pour maintenir un minimum de liquidités au système, la Caisse a besoin d’au moins 125 % de dépôts par rapport aux prêts qu’elle effectue. Il n’y aurait donc que des avantages à ce que la loi fixe un taux plancher de centralisation.

La Caisse souhaite que, dans le futur système, la détermination du plancher de centralisation soit d’ordre législatif, comme l’est actuellement le principe de la centralisation à 100 %. Au-delà de ce plancher, le pouvoir réglementaire pourrait moduler le taux de centralisation, après saisine pour avis de la commission de surveillance.

La Caisse des dépôts est particulièrement mobilisée sur la question du foncier. La Société nationale immobilière réfléchit aux possibilités pour l’État de vendre du foncier et pour les Domaines d’autoriser des décotes.

M. Henri Emmanuelli a considéré qu’apporter un financement privilégié aux établissements publics fonciers qui ont été mis en place par un certain nombre de collectivités locales, donnerait à la Caisse des dépôts un levier pour agir sur le foncier.

Le Rapporteur général s’est demandé quelle valeur ajoutée apporterait la création, que propose le rapport Camdessus, d’un établissement public doté de la personnalité juridique.

M. Michel Bouvard a répondu que la valeur ajoutée serait nulle. M. Camdessus s’est fondé sur un rapport de la Cour des comptes qui n’a jamais critiqué une quelconque opacité des fonds d’épargne, mais qui a observé que ces sommes n’apparaissaient nulle part en comptabilité de bilan. Pour trouver une solution, elle n’a pas recommandé la création d’un nouvel établissement. Il s’agit donc d’une suggestion de M. Camdessus, qui ne présenterait aucune utilité, qui rendrait le dispositif plus complexe, qui ferait échapper les fonds d’épargne au contrôle du Parlement.

Si l’on veut s’assurer d’un certain niveau de ressources, on peut imaginer une rémunération fondée sur des objectifs. Il faudra toutefois prévoir une rémunération spécifique pour La Poste, qui assure la bancarisation des publics défavorisés. En la matière, il est peu probable que l’on parvienne en cinq ans, comme l’affirme le rapport Camdessus, à un équilibre entre les banques ordinaires et la banque postale.

Si le livret A est actuellement centralisé, tous les produits d’épargne réglementée ne le sont pas. Ainsi, une grande partie des sommes placées sur le livret de développement durable échappe à la Caisse des dépôts. Si la centralisation du livret A n’était plus totale, il faudrait engager une réflexion sur l’ensemble de l’épargne réglementée et se demander quel usage des établissements bancaires ordinaires peuvent faire d’une épargne défiscalisée dont il ne paraît pas anormal qu’elle soit consacrée à des missions d’intérêt général. Il faudra donc s’assurer que la part de cette épargne gérée par les banques sera bien consacrée à ces missions.

M. Jean-Claude Flory a insisté à son tour sur la nécessité de prévoir des rémunérations différenciées selon le type d’opérateurs, en particulier pour la Poste qui a une fonction sociale évidente, un certain nombre de livrets étant utilisés comme des comptes courants.

Le rapport Camdessus part du postulat qu’il faudrait davantage de transparence dans les comptes de la Caisse des dépôts, s’agissant des fonds affectés au logement. Sans doute convient-il de mieux identifier ces fonds, mais on n’a pas besoin pour cela de créer un nouvel établissement. Le rapport préconise en outre que cet établissement assure le suivi des reliquats de financement qui seraient générés par la réforme. Sans doute conviendrait-il que cette tâche soit assurée, au sein de la Caisse, dans les meilleures conditions de transparence.

Il serait d’ailleurs intéressant de savoir quel peut être l’effet de levier de la réforme sur le volume de la collecte, sur la diminution des coûts de gestion et en termes de logements soutenus.

M. Augustin de Romanet a répondu que, s’il était difficile de l’évaluer exactement, l’impact de la baisse des taux consentie aux organisations HLM serait nécessairement massif.

Le président de la commission de surveillance s’est largement exprimé sur la création d’un nouvel établissement. M. Balligand s’étant inquiété du sort qui était fait à la Caisse des dépôts dans le rapport de M. Camdessus, on peut observer que la proposition de créer cet établissement public vient quelques phrases seulement avant les réflexions sur la gouvernance de la Caisse. Sans doute faut-il rappeler que le contrôle exercé par les parlementaires au sein de la commission de surveillance n’existe dans aucune société anonyme contrôlée par un conseil d’administration. Les comités spécialisés se réunissent seize fois par an et la commission de surveillance vingt-deux fois !

L’établissement public n’apporterait pas de valeur ajoutée et serait source de complexité. Il faudrait créer l’établissement, trouver des règles comptables, savoir comment il s’intégrera dans les règles maastrichtiennes de déficit budgétaire. On ouvrirait une boîte de Pandore.

M. Jean-Pierre Balligand a souligné que, d’une certaine manière, la Caisse des dépôts a des subprimes plein ses cales, si l’on considère qu’elle prête à des organismes d’HLM qui ne sont pas toujours solvables ou ont une faible solvabilité. La grande différence tient au fait que les opérations sont toutes garanties par les collectivités locales et qu’il n’y a aucune aventure dans l’immobilier au plein sens du terme.

M. Michel Bouvard a relevé l’avantage qu’il y a à ce que la Caisse reste le prêteur principal, étant donné la sécurisation qu’elle apporte. Elle a une vision de la situation de la totalité des organismes de logement social et elle joue un rôle de conseil de gestion et de sécurisation des garanties des emprunts apportés par les collectivités locales à chaque opération de logement social. S’il n’y a pas eu ces dernières années de défaillance majeure d’un organisme de logement social, la Caisse ne considère pas que la garantie apportée par la collectivité locale dispense de s’intéresser à la qualité de la gestion de l’organisme. Et quand il y a des problèmes, elle sait trouver les contacts nécessaires.

Tout cela justifie amplement que la Caisse reste le prêteur essentiel et il faut à ce propos rendre hommage au travail exemplaire accompli par la direction des fonds d’épargne, qui a permis à ce système de fonctionner à la satisfaction de tous depuis des décennies.

Le Président Didier Migaud a remercié tous les participants à cette audition.

——fpfp——