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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 7 mai 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 79

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Examen d’un rapport d’information sur les péages ferroviaires (M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial) 2

La commission des Finances a procédé, en application de l’article 146 du Règlement, à l’examen d’un rapport d’information sur les péages ferroviaires, présenté par M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a indiqué que la révision des péages ferroviaires, préparée par le Gouvernement pour 2010, a été le sujet de départ du présent rapport d’information. Les polémiques entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), l’établissement public gestionnaire de l’infrastructure, ont montré l’acuité de ce sujet qui touche à la question essentielle du financement de la régénération du réseau. Le rapport thématique de la Cour des comptes « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine », appuyé sur un rapport particulier relatif aux comptes 2000-2005 de RFF et complété dans les prochaines semaines par un rapport particulier sur les comptes 2000-2005 de la SNCF, a toutefois élargi le débat aux conditions non seulement financières mais également techniques du renouvellement du réseau et au partage des frontières entre RFF et la SNCF. Une mission parlementaire a en outre été confiée au sénateur Hubert Haenel sur le système ferroviaire et sur la loi de 1997.

Le présent rapport traite donc à la fois de la question des péages ferroviaires et des conditions d’application de la réforme de 1997, dont l’apport essentiel est la création de RFF, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire indépendant de la SNCF.

Il s’agit d’un rapport d’étape sur un sujet de fond qui sera examiné une nouvelle fois par le rapport spécial relatif au projet de loi de finances pour 2009. Ce rapport, volontairement bref, présente huit propositions tendant, d’une part, à rapprocher progressivement les péages de la vérité des coûts ferroviaires, et, d’autre part, à recommander une application pleine et entière de la réforme de 1997.

L’augmentation des péages est indispensable pour contribuer au financement de la régénération et à la vérité des coûts loin d’être actuellement atteinte. Elle doit toutefois être mesurée et progressive, pour ne pas nuire à la dynamique de la grande vitesse et aux tentatives de relance du fret ferroviaire (Proposition n° 1).

La contribution de la SNCF aux dépenses de régénération pourrait se faire en combinant une augmentation raisonnable de ses redevances d’utilisation du réseau et une hausse de ses dividendes versés à l’État que celui-ci pourrait affecter à un compte spécial « régénération » de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Même si l’augmentation de la dépense publique qui en résulterait doit être compatible avec la norme de dépenses, la maximisation des dividendes serait un meilleur signal économique pour la SNCF qu’une hausse importante des péages décidée en fonction de sa capacité contributive supposée. De façon que les consommateurs soient mieux informés des coûts des transports ferroviaires, les billets de TGV devraient comporter le montant des péages correspondant au trajet effectué (Proposition n° 2).

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné la nécessité que les comptes de Réseau ferré de France retracent avec précision les moyens alloués à la régénération du réseau, avec mention de l’origine du financement (Proposition n° 3).

Par ailleurs, RFF devrait assurer son désendettement par ses moyens propres, quitte à ce que ses sources de revenus soient élargies. La reprise de sa dette dite non amortissable, de 13,5 milliards d’euros, suggérée par la Cour des comptes, semble en effet difficile à mettre en œuvre (Proposition n° 4).

Alors que la liste des projets d’investissements ferroviaires résultant du Grenelle de l’environnement n’est pas assortie des financements correspondants, il est indispensable que l’État applique l’article 4 du décret du 5 mai 1997. Cet article prévoit que RFF ne peut réaliser un investissement à la demande de l’État ou d’une collectivité territoriale qu’à la condition que ceux-ci assument leur part de financement et qu’en conséquence les comptes de l’établissement public ne soient pas dégradés sur toute la période d’amortissement de l’investissement. À plusieurs reprises, en particulier dans le cas de la ligne à grande vitesse (LGV) Est, l’État n’a pas respecté ses engagements à cet égard, ce qui a conduit RFF à augmenter son endettement. C’est pourquoi le Rapporteur spécial recommande que RFF publie chaque année un tableau des investissements réalisés dans le cadre de l’article 4, avec le détail de leur financement (Proposition n° 5).

Le transfert de la propriété des gares à RFF présenterait l’intérêt d’augmenter ses revenus, d’améliorer la structure de son bilan, de réduire ses coûts d’emprunts et de préparer l’ouverture à la concurrence qui ne saurait être compatible avec la situation actuelle où l’opérateur historique maîtrise des services aux voyageurs importants pour tout opérateur (Proposition n° 6).

Pour améliorer à la fois le volume et la qualité des sillons ferroviaires, il semble opportun de transférer à RFF les bureaux d’horairistes nationaux et régionaux, dont l’activité fait partie intégrante de la mission dévolue à l’établissement public. Cette solution semble préférable au transfert à RFF de la totalité de la branche infrastructure de la SNCF, ou, inversement, à la refilialisation de RFF au sein de la SNCF (Proposition n° 7).

Enfin, la création d’une autorité de régulation ferroviaire dotée de compétences pleines et entières est indispensable mais devrait s’effectuer dans le respect de la géométrie de la réforme de 1997 (Proposition n° 8).

En conclusion, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné que la réforme de 1997, saine dans son principe, ne doit pas être remise en cause. Un ajustement supplémentaire des frontières de RFF et de la SNCF doit certes être effectué avec le transfert des gares au gestionnaire d’infrastructure. Mais, pour que RFF puisse se désendetter, il convient que l’État et les collectivités territoriales respectent l’article 4 du décret de 1997 et qu’un calendrier raisonnable, assorti de moyens suffisants, soit établi pour les projets d’extension du réseau à grande vitesse liés au Grenelle de l’environnement, sauf à se reposer sur RFF dont l’endettement augmenterait alors inéluctablement.

Le Président Didier Migaud a remercié le Rapporteur pour ses travaux et ses propositions, la réflexion de la commission devant se poursuivre au cours de la table ronde organisée mercredi 14 mai.

M. François Goulard a dit souscrire à la plupart des conclusions du Rapporteur, sauf à celle selon laquelle la loi de 1997 est adaptée. Au contraire, cette loi a établi un mauvais partage des responsabilités, et notamment le partage « physique » de la gestion des infrastructures entre la SNCF et RFF, d’où le retard considérable qui en est résulté et dont les conséquences ont été néfastes. Les dix années de discussion entre les deux entités sur le partage du foncier entre elles a immobilisé la situation, empêchant de valoriser le foncier. Le transfert des gares à RFF serait positif, mais l’objectif de ce transfert doit être très précis : la valorisation du foncier, qui est de l’intérêt de toutes les parties et aussi des collectivités territoriales. Par ailleurs, RFF est obligé par convention de recourir aux services de la SNCF pour l’entretien et l’étude du réseau ; la SNCF est assurée de vendre ses prestations, que RFF de son côté est obligé d’acheter. Ce système n’incite pas à rechercher la productivité et il faut le réformer de façon urgente, la question des péages n’étant que la manière de faire émerger cette réforme de fond.

Le système ferroviaire actuel apparaît complètement bloqué depuis la guerre, et il est difficile de renoncer à telle ou telle liaison ferroviaire. Alors que se développent les préoccupations environnementales, il importe de prendre les bonnes décisions au cas par cas : il n’est pas utile de maintenir des lignes ferroviaires lorsque la desserte par autocar, voire la mise à disposition de taxis, sont moins coûteuses, comme le souligne, à juste titre, le président de la SNCF. Le maintien des lignes ne doit pas entraîner de catastrophe financière. La réforme des péages, favorisant des tarifs adaptés aux liaisons, doit permettre une certaine lisibilité dans la dépense, ainsi qu’une vérité des coûts pour la collectivité et les organismes eux-mêmes.

M. Alain Rodet a estimé que le mauvais partage des responsabilités en ce qui concerne le foncier a conduit à une sous-utilisation regrettable. Il est vrai qu’aujourd’hui les lignes les moins coûteuses ont déjà été construites. Le programme d’équipement dans le cadre du Grenelle de l’environnement comporte beaucoup de liaisons coûteuses, mais on constate que d’autres liaisons, moins coûteuses, n’y figurent pas : il faut que la dimension de la rentabilité figure parmi les préoccupations des décideurs.

M. Charles de Courson s’est dit attristé de constater que l’État a été incapable, dix années durant, d’arbitrer entre la SNCF et RFF. Cette situation va aujourd’hui prendre fin. Cependant il a appelé à la clarté : lorsque l’on dit que la SNCF est excédentaire cette année de 700 millions, il ne faut pas oublier que RFF a constitué 800 millions d’euros de dette et que, depuis l’origine, cet établissement public ne couvre pas ses coûts. Le Rapporteur spécial a signalé la convergence des tarifs des péages français avec ceux de l’Allemagne et leur niveau plus élevé que les tarifs des péages belges ; cependant on peut se demander si la comparaison est pertinente surtout par rapport à la Belgique, car, la France ayant une densité de population très inférieure, la distance moyenne y est beaucoup plus longue.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné que les prix des péages français sont proches de ceux de l’Allemagne, avec des distances très comparables.

M. Charles de Courson a estimé que l’on devrait se trouver en dessous des prix de revient allemands. Admettre des hausses successives de tarifs par RFF est difficile, mais l’objectif principal doit être de ramener les comptes de RFF d’un déficit de 1 milliard ou 1,2 milliard d’euros à l’équilibre, voire à l’excédent. Cependant la réforme doit aller jusqu’au bout, c’est-à-dire au transfert vers RFF des 55 000 cheminots chargés de l’entretien des voies qui sont restés à la SNCF. RFF doit gérer ce personnel en examinant l’opportunité du recours à la sous-traitance pour certaines tâches. La gestion est loin d’être optimisée aujourd’hui. La troisième proposition du Rapporteur spécial, relative à la traçabilité des comptes, ne pourra prendre son effet que quand RFF aura la pleine gestion de ces 55 000 agents.

Une autorité de régulation ferroviaire va être créée pour éviter les conflits entre la SNCF et RFF. Elle devra veiller à la répartition des sillons, aujourd’hui peu opérante, ce qui explique les difficultés de fret. L’autonomie de RFF doit être affirmée. Son désendettement par ses propres moyens ne peut être approuvé.

L’État doit recevoir la rémunération normale de ses capitaux afin de contraindre la SNCF à améliorer sa gestion. Il ne serait pas satisfaisant de substituer les dividendes aux péages, ce qui ne serait pas neutre au regard de la concurrence.

Il serait souhaitable que le Rapporteur spécial évalue le montant des provisions à passer pour maintenir en bon état les infrastructures confiées à RFF. On sait que les ouvrages d’art ne sont pas entretenus sur de nombreuses lignes secondaires. Le partage des responsabilités d’entretien des routes et infrastructures ferroviaires doit être clarifié : la jurisprudence du Conseil d’État quant à la compétence des communes dans l’entretien des ponts se trouvant au-dessus des lignes ferroviaires place les communes dans une situation inextricable. L’État ayant construit ces ponts, il doit conserver la charge de ses ouvrages et il n’est pas normal d’en confier le maintien aux communes, car dans la plupart des cas, les budgets très limités des petites associations foncières ne permettront pas de conserver les ponts en l’état. Elles ont d’ailleurs refusé le transfert. La détérioration de nombreux ponts sur le Rhône dans les années passées montre l’importance de la question des provisions constituées aux fins d’entretien.

M. Charles de Courson a ensuite indiqué que dans le partage opéré en 1997, des charges ont été transférées à RFF pour soulager la SNCF. La SNCF a même bénéficié de la création du service annexe d’amortissement de la dette (SAAD), ultérieurement pris en charge par l’État.

Pour M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, il faut « imputer le crime à celui qui l’a commis initialement ».

M. Charles de Courson a estimé que RFF ne pourrait pas devenir une entreprise à part entière avec 30 milliards de dette, un montant au demeurant en augmentation.

En accord avec la proposition n° 5 concernant l’information sur les investissements réalisés dans le cadre de l’article 4 du décret du 5 mai 1997, M. Charles de Courson a recommandé la prudence quant au transfert des gares à RFF, celles-ci ayant une partie voyageurs et une partie liée à l’exploitation commerciale des services aux voyageurs. Des superpositions de domanialité peuvent exister, comme à la Gare Montparnasse, où des droits à construire sur la dalle de couverture ont été vendus (hôtels, restaurant, etc.).

M. François Goulard a précisé qu’il fallait distinguer le concept général de « gare » de la définition technique du « bâtiment voyageur ». S’il existe plusieurs opérateurs ferroviaires, le bâtiment voyageur ne doit pas être remis à l’autorité de l’un d’entre eux.

M. Charles de Courson a souligné le fait que, dans le cas du transfert, il faudrait, d’une part, instaurer un loyer payé à RFF par la SNCF, et, d’autre part, transférer également des éléments de passif pour équilibrer les comptes. S’agissant des responsabilités respectives de RFF et de la SNCF, il a souligné qu’il faut aller dans le sens de la Cour des comptes et créer une autorité indépendante pour la fixation des péages et avec des personnels transférés. Il s’est enfin déclaré en accord avec la proposition n° 8 du Rapporteur spécial.

M. Philippe Vigier a émis des réserves au sujet de la compensation d’une hausse limitée des péages par une augmentation des dividendes versés à l’État. Son expérience pratique relative au contrat de projet État-région (CPER) de la région Centre montre que la SNCF et RFF n’apportent aucune contribution à la centaine de millions d’euros nécessaire pour régénérer une ligne TER, qui, dès lors, est financée par l’État et les collectivités territoriales. Comment la SNCF pourrait-elle assumer une hausse des péages et verser de surcroît des dividendes plus élevés ?

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a alors précisé que l’accroissement de dividendes de la SNCF versés à l’État serait reversé à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

M. Philippe Vigier, a, par ailleurs, remarqué que pour le financement de la rénovation de 80 gares TER de la région Centre, la contribution de la SNCF, qui devait être de 40 %, s’est finalement limitée à 10 %, la rénovation de la seule gare de Chartres coûtant 1,5 million d’euros. On voit mal comment la SNCF pourrait, avec des charges financières plus élevées, accroître sa contribution aux dépenses de rénovation (réparation) ou de régénération (réfection complète) des voies.

M. François Goulard a estimé que la SNCF pourrait absorber une hausse des péages, à condition de réaliser des gains de productivité au-delà du rythme actuel. Il a signalé par ailleurs que la loi de février 2005 crée des obligations pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées, d’où un besoin d’investissement accru. Au rythme actuel d’investissement, ni la SNCF, ni RFF ne seront au rendez-vous en 2015 sur ce sujet important.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a précisé que son rapport ne doit pas être considéré comme définitif mais qu’il intervient à un moment particulier du débat sur les péages, sur la situation financière de RFF et sur la répartition des rôles entre les différents acteurs. Concernant la valorisation du foncier, voulue par la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de 2004, beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire.

La dotation financière de RFF devrait être augmentée pour faire correspondre son actif à sa dette actuelle. Sur les conditions d’exercice des services effectués par la SNCF, quand elle est maître d’œuvre délégué, le Rapporteur spécial s’est déclaré en accord avec les observations de M. François Goulard. En revanche, l’autorité de régulation ne doit pas être investie de responsabilités trop vastes, au-delà de son activité de régulation, par exemple sur la définition et la vente de sillons qui doivent rester l’apanage de RFF. Mais il ne faut pas, à ce stade, donner à RFF plus de responsabilités qu’il n’en peut supporter, par exemple en lui confiant l’ensemble de la branche infrastructure de la SNCF.

M. Hervé Mariton n’est pas, non plus, favorable à l’autre schéma évoqué par la Cour des comptes, consistant à réintégrer RFF et l’ensemble de son patrimoine et de ses responsabilités au sein d’une filiale de la SNCF. Mme Anne-Marie Idrac, lorsqu’elle était présidente de la SNCF, avait avancé cette hypothèse à l’automne 2007 au cours d’un entretien avec les membres du bureau de la commission des Finances. Il estime préférable d’améliorer le fonctionnement de RFF, en lui attribuant les gares et les bureaux des horairistes, en augmentant ses ressources grâce à une hausse des péages et aux concours de l’AFITF, et enfin en l’incitant à faire des progrès de productivité dans toutes ses activités. Une meilleure transparence est également souhaitable concernant les investissements prévus par l’article 4 du décret de 1997, dont l’inobservation a été une source d’endettement inopportune.

Sur proposition du Président Didier Migaud, la Commission a alors autorisé la publication du rapport d’information.