Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 25 juin 2008

Séance de 14 heures 15

Compte rendu n° 100

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Examen, conjointement avec la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, du rapport d’information sur les exonérations de cotisations sociales (M. Yves Bur, Rapporteur)

La commission des Finances a examiné, conjointement avec la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, le rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales, présenté par M. Yves Bur.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, s’est déclaré heureux que les deux Commissions aient travaillé ensemble sur le sujet des exonérations de cotisations sociales en produisant un résultat d’un volume impressionnant au service de la connaissance et de la transparence des dispositifs en cause. Alors qu’il s’agit désormais de s’atteler aux pistes d’amélioration du système, le Parlement ne devrait pas laisser se dérouler l’examen de projets de loi contenant de nouvelles exonérations de cotisations sans réagir. La somme des allégements et autres niches sociales a dépassé les limites de l’acceptable, et les commissions des Affaires sociales et des Finances seront très vigilantes sur cette question. Quant à la remise en cause de l’existant, elle doit néanmoins se faire de façon prudente, eu égard aux secteurs particulièrement concernés que sont l’industrie, les hôtels, cafés et restaurants ou les services à la personne.

Le Président Didier Migaud s’est félicité de ce que les deux Commissions aient créé une mission d’information commune ayant produit un travail de qualité. La commission des Finances a publié il y a trois semaines un rapport d’information relatif aux niches fiscales et la concomitance des travaux des deux missions n’est pas fortuite : sans être identiques, le sujet des dépenses fiscales et celui des exonérations des cotisations sociales se rejoignent. En particulier, le déficit d’évaluation de ces « moindres recettes », qu’il faut bien appeler des dépenses, est patent ; dans le champ social, il se double de la question du poids budgétaire de la compensation des exonérations. Le travail accompli par le rapporteur est à saluer ; il faut souhaiter qu’au sein de la « boîte à outils » qu’il propose, un certain nombre de préconisations puissent être débattues à l’occasion de l’examen des prochains projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. Bien qu’il eût été possible de se montrer plus allant sur certaines propositions, beaucoup d’entre elles méritent d’être retenues. Il faudra néanmoins veiller à la lisibilité de l’ensemble, d’une part, et à la préservation du pouvoir d’achat des salariés, d’autre part. C’est dans cet esprit qu’un certain nombre d’aménagements pourraient être apportés à telle ou telle recommandation.

M. Gérard Bapt, Président de la mission d’information commune, a souligné que la mission avait mené beaucoup d’auditions, ayant permis à ses membres d’entendre de très nombreux représentants des employeurs, des salariés, mais aussi des experts et des gestionnaires de la sécurité sociale ou de l’État. Réunie hier, la mission a adopté le rapport de M. Yves Bur. Les grandes lignes du rapport peuvent recueillir l’assentiment général, de même que l’ensemble des propositions, à une exception près.

M. Yves Bur, Rapporteur, a estimé qu’il fallait se diriger vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales. Tel sera le titre du rapport de la mission d’information commune constituée en novembre dernier par les commissions des Affaires sociales et des Finances.

Pourquoi une révision générale ? Parce que nous sommes face à 72 dispositifs : dans ce foisonnement peu cohérent, certains se cumulent entre eux, d’autres n’ont pas prouvé leur efficacité, d’autres encore ont un coût considérable pour nos finances publiques. Il faut donc mettre en place une nouvelle gouvernance – ou même tout simplement une gouvernance de cet ensemble dont le coût avoisine 50 milliards d’euros pour la sécurité sociale, en grande partie – mais pas parfaitement – compensés par l’État.

En particulier, il faut instaurer une évaluation systématique ex ante, sous la forme d’une étude d’impact, des mesures d’exonération envisagées : Quel outil pour quel besoin ? Quel calibrage et quel chiffrage, brut et net ? Quel gage, quelle compensation pour assurer la neutralité financière du dispositif ? Quelle durée d’application, et quelles modalités d’évaluation périodique ? La loi de financement pourrait voir sa dimension de pilotage renforcée, à la fois à travers le vote d’un « objectif de coût des exonérations de cotisations sociales » et la ratification, pour l’année à venir, de l’ensemble des nouvelles mesures d’exonération votées dans l’année écoulée. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet tout récemment au Sénat d’une modification du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions. À la tacite reconduction aujourd’hui trop souvent de mise, doit succéder une discipline de réévaluation systématique des exonérations en vigueur.

La mission a distingué trois grandes catégories d’exonérations : les allégements généraux, les exonérations ciblées et les exemptions d’assiette ou « niches sociales ».

– Depuis quinze ans, les allégements généraux ont présenté un intérêt certain au cours des deux phases, « offensive » puis désormais « défensive », de leur application. Les évaluations sont partielles et peu cohérentes entre elles en termes de méthode, mais une chose est certaine : la première phase de cette politique, dite « Juppé », jusqu’en 1997, a permis de prouver clairement qu’elle avait un effet sur l’emploi. Dès lors, la suppression du dispositif serait très préjudiciable à notre économie, sans doute à hauteur de 800 000 emplois, ce que tous les partenaires sociaux et experts entendus par la mission ont admis, quoiqu’à des degrés divers. Il est cependant envisageable d’atténuer le coût des allégements généraux, qui s’élève à 23 milliards d’euros en 2008. Plusieurs pistes sont ouvertes par la mission, afin d’offrir une sorte de boîte à outils pour une réforme. Il ne s’agit pas en effet de dicter au gouvernement les contours d’un dispositif futur.

On peut ainsi envisager de passer progressivement de 1,6 à 1,4 SMIC (soit, à terme, un gain de 6 milliards d’euros), par étapes, dont la première pourrait consister à abaisser le seuil de sortie des allégements de 1,6 à 1,55 SMIC, la deuxième de 1,55 à 1,5, etc. Une autre réforme envisageable serait de réserver les allégements généraux aux 500 ou 1 000 premiers salariés des entreprises, pour un gain de 3 à 4 milliards d’euros, là où la Cour des comptes recommandait de manière beaucoup plus drastique de réserver les allégements aux entreprises de moins de 20 salariés. Il est également possible d’instaurer une conditionnalité en termes d’ouverture d’une négociation salariale, ou encore d’adapter les allégements généraux afin de limiter le développement du travail à temps partiel. En effet, celui-ci a pu être encouragé par le passé, avant 1993 ; il est en revanche aujourd’hui trop souvent subi plutôt que choisi. On pourrait enfin introduire progressivement l’annualisation du calcul des allégements, afin de lutter contre les comportements d’optimisation de certaines entreprises, et ne plus calculer le seuil en fonction du SMIC voire, au-delà, introduire une désindexation permettant une extinction progressive de ces allégements.

– Pour les exonérations ciblées, la révision générale doit consister à réexaminer, dispositif par dispositif, au moyen d’un cahier des charges type, la pertinence des mesures existantes. Celles-ci sont en effet foisonnantes et leur impact marginal est mal évalué, bien que leur coût avoisine 5,5 milliards d’euros. Ciblées tantôt sur des personnes à protéger, tantôt sur des secteurs d’activité à encourager, tantôt sur des territoires à accompagner, elles répondent à des logiques croisées qui ne forment pas un ensemble cohérent. Quant à leur efficacité individuelle, elle est sujette à caution. La mission s’est penchée en particulier sur trois politiques : le zonage prioritaire (ZFU, ZRU et ZRR), l’outre-mer et le secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR). Chacun de ces exemples montre le déficit d’évaluation et le coût important des mesures en place, pour un impact marginal qui n’est pas évident.

Dès lors, plusieurs améliorations sont envisageables, une fois acquis le principe d’un réexamen systématique :

– la suppression du cumul parfois possible entre exonération ciblée et allégements généraux et la remise en cause des exonérations ciblées dont l’efficacité ne serait pas démontrée ;

– la recherche d’un financement direct sur crédits budgétaires, mieux susceptibles, par rapport à de moindres recettes, de faire l’objet d’une gestion par la performance ;

– a minima, une harmonisation des dispositifs, par secteur ou par public visé ;

– l’enrichissement des annexes aux lois de finances et de financement dans le but d’un meilleur pilotage.

– S’agissant enfin des niches sociales, les études sont rares également, circonscrites pour l’essentiel à deux rapports : le premier rapport ad hoc du gouvernement, quinquennal, remis à l’automne dernier, et le rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement, qui s’est emparé du sujet en 2002 et de nouveau en 2007. Bien que le champ couvert comme les méthodes de calcul diffèrent d’un rapport à l’autre, la mission a pu conclure à l’existence d’exemptions d’assiette caractéristiques d’un régime trop favorable en l’état actuel des comptes sociaux.

En effet, pour le Gouvernement, la somme des niches relatives à l’épargne salariale et à l’actionnariat salarié, des aides directes consenties aux salariés, des dispositifs de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire et des indemnités de rupture du contrat de travail aboutit à une perte totale d’assiette de quelque 41 milliards d’euros. La Cour des comptes est allée plus loin, d’une part en élargissant les pertes d’assiette aux prestations sociales, revenus de capitaux mobiliers, revenus fonciers et cotisations des employeurs publics, d’autre part en traduisant ces pertes d’assiette en pertes de recettes, pour un total de 32,1 à 36,6 milliards d’euros.

Le premier réflexe d’amélioration doit consister à clarifier la ligne de partage entre exonérations de cotisations, qui doivent être compensées et continuer à couvrir des droits, et exemptions d’assiette, non compensées mais n’ouvrant pas de droits et contribuant de façon spécifique au financement de la protection sociale.

La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a montré, avec l’exemple des stock-options, la difficulté qu’il y a à se saisir d’un dispositif particulier, de telle sorte qu’il vaut mieux aborder la question dans son ensemble. Le rapport préconise ainsi l’instauration d’une flat tax sur la quasi-totalité des niches sociales :

– 5 % sur tous les dispositifs d’épargne salariale avec franchise de 200 euros et affectation aux régimes obligatoires de base, pour un rendement potentiel de 650 millions d’euros ;

– 5 % également, sans franchise ni annualisation de la perception, sur les autres niches sociales, regroupées en trois catégories (prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire, avantages directs consentis au salarié et indemnités de rupture du contrat de travail), pour un rendement potentiel de 1,23 milliard d’euros.

La flat tax ayant pour définition une vocation générale, il ne serait pas opportun de recréer en son sein de nouvelles niches en faveur de tels ou tels bénéficiaires ou secteurs.

Ces premières préconisations pourraient être encore détaillées mais elles forment d’ores et déjà un ensemble assez ambitieux, qui permet de donner corps sans plus tarder à la perspective d’une révision générale des exonérations de cotisations sociales.

En conclusion, il ne s’agit pas de proposer au gouvernement de cumuler toutes les mesures proposées par le rapport, mais simplement de constituer une boîte à outils à laquelle il pourra être recouru dans la perspective des débats sur les prochains projets de loi de finances et de financement.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a remercié le rapporteur pour la clarté de son exposé et le courage de ses positions. Toutefois, il y a loin de la théorie à la mise en œuvre pratique. Il faut garder à l’esprit que le présent rapport a pour objectif d’offrir une boîte à outils. Il a le mérite de donner un cadre clair pour une démarche lisible et progressive.

M. Pascal Terrasse a souligné que le présent rapport prend au fond l’exact contre-pied des propositions énoncées hier par le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), M. Frédéric van Roekeghem, car l’enjeu de ce rapport c’est bien l’amélioration du financement global de la protection sociale, tout en maîtrisant les prélèvements obligatoires et en réorientant les prélèvements sur les entreprises.

Vu le poids considérable des exonérations de charges sociales dans le financement de la protection sociale, on ne peut que regretter le manque d’évaluations – non pas quantitatives mais qualitatives – de ces exonérations. Il est à cet égard dommage que le rapport proposé n’évalue pas au moins 3 ou 4 des 72 dispositifs d’allégements recensés.

Un autre enjeu s’attache aux exonérations de cotisations sociales : elles ne doivent pas tenir lieu de politique salariale pour les entreprises, notamment les plus grandes. Une réduction des allégements de charges a été annoncée en cas de défaut de négociations salariales dans l’entreprise ; c’est bien mais il faut aller plus loin. Les allégements de charges français, qui déstabilisent le financement de nos retraites, n’ont quand même pas, à travers les fonds de pension, à payer les retraites américaines. Certains territoires, certaines activités justifient des régimes particuliers, mais encadrés ; la conditionnalité des allégements doit être la règle.

S’agissant enfin des niches sociales, il faut d’abord mettre l’accent sur cette question et aller jusqu’au bout ! L’absence de charges sociales sur les stock-options ou les parachutes dorés n’entraîne pas seulement un gros manque à gagner pour la sécurité sociale ; elle a un effet dévastateur sur l’opinion publique, qui n’accepte les efforts demandés que si elle a le sentiment qu’ils sont partagés.

M. Gérard Bapt, Président de la mission d’information commune, a signalé les deux points sur lesquels les membres socialistes de la mission d’information commune s’écartent quelque peu des propositions du rapport : il faut aller plus loin dans la conditionnalité des allégements de charge en la faisant porter non sur l’ouverture de négociations salariales mais sur la conclusion d’accords en la matière ; il conviendrait d’exonérer de la flat tax certains avantages en nature des salariés, par exemple les tickets-restaurant.

Par ailleurs, le principe selon lequel il ne faut plus créer de nouvelles « niches sociales », qu’on ne peut qu’approuver, place l’exécutif devant ses responsabilités et ses contradictions, puisqu’il ne cesse d’instaurer de tels dispositifs : que l’on pense par exemple à la loi en faveur de l’emploi, du travail, et du pouvoir d’achat (TEPA), ou à l’annonce récente d’une nouvelle prime d’intéressement exonérée.

Mme Jacqueline Fraysse a souligné l’importance des questions traitées par le rapport et la qualité de celui-ci. Le groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR) attache une grande importance à la réforme du financement de la protection sociale.

Sans entrer dans le détail des questions soulevées, on peut relever quelques points forts : le caractère excessif des exonérations existantes ; leur injustice flagrante, notamment – mais pas seulement – celle des stock-options ;  leur absence de transparence et de contrôle.

La conditionnalité et la modulation des exonérations sont une nécessité. Cette modulation doit accompagner les politiques d’investissement et de création de l’emploi des entreprises et sanctionner la spéculation et les délocalisations ; elle doit aussi tenir compte de la politique salariale, de l’organisation du travail et de l’effort de formation. Avant de remettre en cause la prise en charge à 100 % des affections de longue durée (ALD), on ferait mieux de dégager des moyens grâce à la modulation des exonérations de charges.

M. Maxime Gremetz a déclaré partager le point de vue de Mme Jacqueline Fraysse sur la modulation des cotisations sociales. Le système d’exonération de cotisations sociales est critiquable car il est général et s’applique sans distinction aux grands groupes et aux petites et moyennes entreprises. La Cour des comptes fait le même constat dans deux rapports sur les niches sociales et sur les aides des collectivités territoriales aux entreprises. En effet, il faut prendre en compte l’ensemble des aides publiques données aux entreprises, qu’elles prennent la forme d’exonérations ou de subventions des régions. Des économies substantielles pourraient être réalisées dans ce domaine. Proposer de baisser le seuil d’exonération de 1,6 à 1,4 SMIC risque d’avoir pour effet pervers de tirer les salaires vers le bas. L’abaissement relatif des niveaux de salaire est en partie dû à cet effet de seuil. La proposition de réserver les exonérations de cotisations sociales aux 500 ou 1 000 premiers emplois n’est pas satisfaisante. Il faut cibler les aides sur les petites entreprises car elles investissent et créent des emplois.

M. Louis Giscard d’Estaing a souligné que le tissu industriel français ne comprenait pas assez de PME employant 500 à 1 000 salariés.

M. Maxime Gremetz a considéré comme insuffisante la proposition de conditionner le bénéfice des exonérations à l’ouverture d’une négociation sur les salaires. À titre d’exemple, les salariés de l’entreprise RKW sont actuellement en grève pour obtenir des augmentations de salaires ; or l’ouverture des négociations avec la direction ne semble garantir en rien la satisfaction de leurs revendications. Il faut donc impérativement conditionner le bénéfice des exonérations de cotisations à la création d’emplois. La première loi sur la réduction du temps de travail, qui a posé cette condition, a permis de faire baisser significativement le chômage. La Cour des comptes constate aussi les effets d’aubaine existant dans ce domaine et suggère également de poser des conditions. Le rapport de la mission manifeste une volonté louable de transparence, mais les solutions proposées ne sont pas assez audacieuses. Certaines propositions, comme celle d’abaisser le seuil d’exonération à 1,4 SMIC, risquent en outre d’avoir des conséquences néfastes.

M. Louis Giscard d’Estaing a tenu à saluer, en tant que membre de la mission d’information commune, le travail du président et du rapporteur. Cette mission révèle pleinement que le Parlement ne dispose pas de moyens autonomes d’évaluation, car ses travaux se sont largement appuyés sur ceux de la Cour des comptes. La création d’un office parlementaire d’évaluation des politiques publiques semble dès lors indispensable. Les exonérations concernent essentiellement les cotisations patronales. Seuls quelques dispositifs, comme celui des heures supplémentaires dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, concernent les cotisations salariales. La conditionnalité est un des enjeux majeurs de la réforme des cotisations sociales. La loi « Robien » avait d’ailleurs posé des contreparties, ce qui n’était pas le cas de la seconde loi sur la réduction du temps de travail. Le rapport propose plusieurs pistes de réforme pertinentes. C’est le cas notamment de l’abaissement du seuil d’exonération et de la proposition de mettre en place une flat tax à un taux de 5 %.

M. Michel Issindou a considéré que la mission fait plusieurs propositions intéressantes. Certaines mesures doivent néanmoins être aménagées. Ainsi, il faudrait conditionner le bénéfice des exonérations, non pas à l’ouverture de négociations salariales, mais à la conclusion d’un accord salarial dans un délai de deux ou trois années. Par ailleurs, devraient être exclus du bénéfice des exonérations les emplois rémunérés en-deçà du SMIC ou le temps partiel subi. Si l’on réserve les exonérations aux plus petites entreprises, il faut être très attentif à déterminer un seuil d’application pertinent. La création d’une flat tax est une idée séduisante, mais il faut se garder de traiter de la même manière les différentes formes de rémunération indirecte telles que les chèques-restaurant ou les parachutes dorés. Compte tenu du déficit de notre protection sociale, la réforme des niches sociales doit impérativement être ambitieuse et permettre d’économiser 5 à 6 milliards d’euros.

M. Charles de Courson a regretté qu’un parlementaire n’ait pas été à la fois membre de la mission sur les niches fiscales et de celle sur les niches sociales afin de contribuer à l’harmonisation de leurs positions respectives. Il s’est félicité de la reprise par la mission d’une réforme proposée par le Nouveau Centre (NC) et consistant à concentrer les allégements généraux sur les petites et moyennes entreprises et les salaires inférieurs à 1,4 SMIC. Conditionner le bénéfice des exonérations à l’ouverture de négociations salariales semble délicat car le législateur n’est pas en mesure d’apprécier la qualité du dialogue social. Concernant les exonérations ciblées, au lieu de se concentrer sur des propositions de méthode, le rapport de la mission aurait pu proposer la suppression de certaines d’entre elles. Le débat sur la flat tax doit essentiellement concerner les revenus les plus importants. Il serait préjudiciable de se disperser. La mise en place par le gouvernement de Raymond Barre d’une contribution de 1 % sur les traitements des fonctionnaires pour participer financièrement à l’indemnisation des demandeurs d’emploi relève de la même logique qui est de développer une sorte de péréquation entre les travailleurs.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a estimé que le Parlement doit se montrer responsable, en évitant par exemple que le nombre de dispositif d’exonération passe prochainement de 72 à 74. Évoquant la proposition d’écrêtement des allégements généraux contenue dans le rapport, il a fait part de son inquiétude devant le risque de trappe à bas salaires, en particulier pour les ouvriers des entreprises exposées à la concurrence internationale dont les salaires sont fréquemment compris entre 1 et 1,2 SMIC. Dès lors, il conviendrait plutôt de préconiser un rabotage de l’ensemble des allégements. À défaut, on pourrait craindre le développement de formes de rémunération dissimulée, soit de la main à la main, soit à travers de fausses heures supplémentaires.

Sur l’économie d’ensemble des sujets abordés dans le rapport, il ne faut pas perdre de vue le paquet global qu’ils représentent, qu’il s’agisse des allégements de charges patronales, de la question du salaire direct et du salaire différé, ou du dynamisme particulier du secteur des services à la personne. Ainsi, le système des aides à la personne comprend à la fois des exonérations sociales, des exonérations fiscales et des crédits d’impôt. De même, la rémunération d’un salarié modeste comprend aujourd’hui à la fois un petit salaire direct, un peu d’épargne salariale et quelques aides directes de l’employeur du type chèque emploi-service universel (CESU) préfinancé, sans oublier la prime pour l’emploi. Il n’est pas possible de traiter séparément chacun de ces éléments.

Le Président Didier Migaud s’est félicité du salutaire rappel de la fonction législative des parlementaires. En être davantage conscient signifie dépasser les clivages entre majorité et opposition pour s’installer dans un dialogue entre Gouvernement et Parlement. Il convient également de rapprocher autant que possible les discussions sur les sujets fiscaux et sur les questions de finances sociales. Il est par ailleurs regrettable que le rapporteur se soit heurté au mauvais vouloir de certains conseillers sociaux de nos ambassades. Un courrier aux ministres compétents les informera de cet état de fait. En conclusion, le rapport contient une louable remise en cause d’une situation devenue problématique. Il est aussi un bon point de départ pour entreprendre des travaux complémentaires sur la question des trappes à bas salaires, qui doit être résolue. Dans la perspective des prochains projets de loi de finances et de financement, beaucoup de travail reste à accomplir afin d’exonérer moins pour exonérer mieux.

En réponse aux intervenants, M. Yves Bur, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

– Une analyse plus détaillée des exonérations ciblées aurait nécessité beaucoup plus de temps. Elle n’en a pas moins paru souhaitable à la mission, qui propose qu’elles soient revisitées au moyen d’un cahier des charges type, d’autant que les quelques évaluations dont on dispose déjà laissent entendre que l’efficacité de ces dispositifs n’est pas toujours satisfaisante.

– La prochaine revalorisation de 0,9 % du SMIC montre que le moment est opportun pour faire des choix, dans la mesure où une augmentation de 1 % du SMIC majore d’environ 600 millions d’euros le coût des allégements généraux.

– S’agissant du passage progressif du seuil des allégements généraux de 1,6 à 1,4 SMIC, il faut bien avoir à l’esprit que 90 % des salariés concernés se situent en-dessous de 1,35 SMIC et que le risque de trappe à bas salaires s’apparente davantage à une crainte qu’à une réalité. En outre, pour un salarié rémunéré à 1,3 SMIC, le passage du seuil de 1,6 à 1,5 puis à 1,4 SMIC se traduirait par une baisse du taux d’exonération de 10 % à 8 % puis à 5  %, pour des montants d’allègements s’élevant respectivement à 170, 136 et 85 euros. Il ne fait pas de doute que sans les phases successives de la politique d’allégements généraux, autant d’emplois n’auraient pu être créés et sauvegardés. Cette politique ne peut donc être tenue pour un cadeau aux entreprises et son abandon exercerait un impact très préjudiciable à notre économie. Enfin, le niveau actuel du seuil, soit 1,6 SMIC, correspond à celui du salaire médian, la France se trouvant ici dans une situation atypique par rapport à ses partenaires de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où le rapport entre salaire minimum et salaire médian est inférieur à 45 % .

– La flat tax ne pèserait pas sur les salariés mais serait une contribution patronale. Le rapporteur pour les recettes et l’équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale se doit de trouver des ressources nouvelles et de demeurer attentif à l’évolution très rapide de l’assiette des niches sociales. Enfin, il serait paradoxal d’introduire déjà des niches dans la flat tax.

Relevant que la mission avait couvert un champ très large, M. Gérard Bapt a néanmoins estimé que la suggestion du président Pierre Méhaignerie devrait être ajoutée à la boîte à outils évoquée par le rapporteur.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a attiré l’attention sur la question des aides à la personne en vue de la préparation des projets de lois de finances et de financement.

Puis, la commission a autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

——fpfp——