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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 9 juillet 2008

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 105

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le rapport préalable au débat d’orientation budgétaire 2

– Examen du rapport préalable au débat d’orientation budgétaire 21

Le Président Didier Migaud : Nous accueillons une nouvelle fois M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, afin de l’entendre sur la situation et les perspectives de nos finances publiques à moyen terme.

Nous connaissons les résultats de 2007 et nous disposons de quelques chiffres relatifs à 2008 : compte tenu de la dégradation de la situation internationale, les hypothèses de croissance et d’inflation sont revues, la première à la baisse, aux environs de 1,8 %, la seconde à la hausse, à hauteur de 2,9 %.

C’est dans ce contexte nouveau qu’il convient de définir une trajectoire de nos finances publiques, de façon à assurer le respect des engagements pris à l’égard de la Commission européenne, à savoir un budget en équilibre et une dette inférieure à 60 % du PIB en 2012.

Le problème est que les objectifs d’équilibre et de réduction significative de la dette publique, notifiés dans le pacte de stabilité, ont été décalés d’année en année : en 2002, il s’agissait de les atteindre en 2006 ; en 2003, c’était en 2007 ; et la fuite en avant n’a pas cessé puisque l’engagement était pris pour 2010 en 2006 mais a été reporté à 2012 en 2007.

Vous comprendrez donc notre inquiétude, monsieur le ministre, l’exercice nous paraissant d’autant plus malaisé que le Gouvernement a posé comme postulat de ne pas accroître les prélèvements obligatoires et semble avoir adopté pour règle de réduire les recettes.

Votre stratégie repose donc sur deux piliers : stimulation de la croissance et maîtrise des dépenses publiques. Vous attendiez beaucoup, dans un contexte plus favorable, de la loi TEPA, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, de la LME, loi de modernisation de l’économie, de la loi pour le pouvoir d’achat et de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Au-delà de toutes ces dispositions déjà mises en œuvre, quelles mesures entendez-vous prendre ? Comment atteindre des objectifs inchangés dans un contexte plus défavorable ? Comment comptez-vous respecter les engagements pris pour 2012, selon quel calendrier et au travers de quelles mesures nouvelles ?

Je regrette que nous n’ayons pu recevoir les documents nécessaires dans les délais prévus par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, c’est-à-dire avant le 30 juin. Comprenez l’agacement de nos collègues, qui n’ont pu étudier les documents budgétaires avant de se réunir en commission des Finances et qui ne pourront peut-être même pas le faire avant le débat en séance publique.

M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique : Pardonnez-moi pour ces neuf ou dix jours de retard. Le déplacement du Premier ministre au Canada nous a contraints à reporter d’une semaine les réunions d’arbitrage, sans compter la présidence française de l’Union européenne, qui complique l’agenda des uns et des autres. Découvrir un rapport sur table n’est pas idéal pour travailler, je vous en donne acte. Nous avons terminé ce matin même, avec le Premier ministre, de recevoir les ministres avec lesquels des points restaient à régler.

L’année dernière, ma toute première intervention devant vous avait précisément eu lieu à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, rebaptisé cette année débat d’orientation des finances publiques, expression qui me semble beaucoup plus juste. Je n’ai cessé de le rappeler tout au long de l’année, le redressement de nos finances publiques est l’affaire de tous, pas seulement celle de l’État. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir invité ce soir à nous rejoindre les membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, en particulier M. Yves Bur, rapporteur du PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale – pour les recettes et l’équilibre général.

Beaucoup a été fait cette année, à commencer par la RGPP. Le moment est crucial pour nos finances publiques : nous ne pouvons plus nous réfugier derrière les solutions de facilité du passé, notamment celle de l’endettement à bas coût ; nous devons faire face à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom.

Les travaux menés depuis un an constitueront les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, inscrite dans la réforme constitutionnelle. La contrainte financière est extrêmement forte, vous le savez mieux que quiconque. Nous nous sommes néanmoins donné les moyens de la supporter tout en maintenant un service public de qualité et un système social protecteur.

Je commencerai par faire un point sur l’exercice 2008.

L’objectif de 2,5 points de PIB de déficit public pour 2008 demeure. Toutefois, pour l’atteindre, il faudra être extrêmement vigilant vis-à-vis du niveau de dépense.

Les recettes fiscales de l’État seraient en moins-value par rapport à la loi de finances initiale, la LFI. Quand nous avons révisé notre prévision de croissance du PIB, en avril, avec une fourchette de 1,7 à 2 %, nous supposions implicitement une moins-value de recettes fiscales de 3 à 5 milliards d’euros par rapport à la LFI. Nous avions du reste dégradé la prévision de déficit en la ramenant de 2,3 à 2,5 % du PIB. Cette prévision tenait compte des rentrées fiscales de 2007. Les données supplémentaires disponibles à ce jour pour 2008 ne remettent pas en cause ce diagnostic.

L’impôt sur les sociétés pourrait se situer en baisse de 1 à 3 milliards par rapport au montant inscrit en LFI. Cette révision intègre une hypothèse prudente de baisse du bénéfice fiscal, notamment dans le secteur financier. Toutefois, avec le mécanisme de « cinquième acompte » de décembre, un fort aléa existera dans les deux sens jusqu’à la fin de l’année.

L’impôt sur le revenu net pourrait se situer en deçà des prévisions de LFI, dans une fourchette de moins 1,5 à moins 2 milliards d’euros. Cette révision à la baisse s’explique pour l’essentiel par les moins-values constatées en exécution 2007, liées au dynamisme de certains crédits d’impôts, en particulier la prime pour l’emploi et le crédit d’impôt développement durable.

La TVA, la taxe sur la valeur ajoutée, est en ligne avec la prévision émise en LFI.

Pour la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, on peut s’attendre à une légère moins-value.

S’agissant des dépenses de l’État, la charge de la dette dérapera, à cause de l’augmentation des taux d’intérêt depuis l’adoption de la LFI mais surtout de l’augmentation de l’inflation, qui pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées.

Pour autant, nous avons l’objectif de respecter les montants de dépenses que vous avez votés à hauteur de 341 milliards d’euros.

Les crédits mis en réserve début 2008 étaient typiquement destinés à faire face aux besoins apparaissant en cours d’exécution. À ce stade de l’année, la visibilité sur l’utilisation de cette réserve n’est que partielle. Toutefois, on peut estimer qu’environ la moitié des crédits mis en réserve – soit quelque 3 milliards d’euros – pourraient faire l’objet d’une annulation.

En ce qui concerne la sécurité sociale, la réunion récente de la commission des comptes m’a donné l’occasion de fournir le détail des prévisions pour le régime général. Nous respectons le cadrage financier de la LFSS, la loi de financement de la sécurité sociale. Pour 2008, les objectifs de solde du régime général devraient être respectés et les déficits devraient continuer de diminuer. Le déficit du régime général serait de 8,9 milliards contre 9,5 milliards en 2007, exactement en phase avec la LFSS pour 2008 – la prévision est passée de moins 8,9 à moins 8,8 milliards d’euros. Cette prévision intègre un risque de dépassement de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, à hauteur de 700 millions d’euros et la revalorisation anticipée des retraites de 0,8 % en septembre. Ces résultats s’expliquent principalement par les mesures prises dans le PLFSS, la situation de l’emploi et la bonne tenue des recettes.

Le comité d’alerte a prévu un dépassement de l’ONDAM compris entre 500 et 900 millions. Il n’a pas déclenché d’alerte, ce qui témoigne aussi de l’effet des mesures destinées à maîtriser les dépenses. Néanmoins, avec Roselyne Bachelot, je reste particulièrement vigilant car nous ne nous satisfaisons pas de ce dépassement, même s’il est inférieur au seuil d’alerte et même s’il est bien inférieur au dérapage de 3 milliards d’euros enregistré à la même époque l’année dernière.

Roselyne Bachelot et moi venons d’entamer un cycle de rencontres avec les mutuelles, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et les partenaires sociaux. Après ces réunions, nous disposerons d’un éventail de propositions à partir duquel nous prendrons nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant fin juillet. Certaines mesures pourraient commencer à s’appliquer dès 2008 pour que nous nous approchions au plus près de l’ONDAM que vous avez voté. À mon sens, le premier pas vers le retour à l’équilibre, c’est de tenir nos engagements.

Je reviens maintenant sur notre stratégie de moyen terme et sa concrétisation dans la préparation du budget triennal, du PLF – le projet de loi de finances – et du PLFSS.

Nous ne modifions ni nos objectifs ni notre stratégie pour le rétablissement des finances publiques. J’entends parfois dire que nous repousserions ce rétablissement au-delà de la fin du quinquennat. Je tiens à vous rassurer et à renouveler nos engagements : tout le travail accompli depuis un an en matière de finances publiques, avec votre aide, a bien pour objectif de rétablir l’équilibre global d’ici à 2012, dès 2011 pour la sécurité sociale.

Pour y parvenir, la stratégie que nous mettons en œuvre avec constance conjugue le développement de la croissance potentielle de l’économie, grâce aux réformes structurelles
– la LME ou la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail en sont les exemples les plus récents –, et la maîtrise de la dépense publique. Je l’ai dit et répété, il faut diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, soit plus 1 % par an environ en euros constants.

Je voudrais très concrètement vous présenter la préparation du premier budget triennal et la situation à laquelle nous aurons à faire face en 2009.

Aucun doute, le contexte est très difficile. Pour 2009, nous avons un objectif ambitieux, conforme au retour à l’équilibre de nos finances publiques d’ici à 2012 : réduire le déficit public de 0,5 point de PIB.

Pour y parvenir, il nous faut réussir principalement : à stabiliser en trois ans la dépense de l’État en euros constants sur le périmètre élargi que nous avons défini pour le PLF 2008 ; à accomplir de 4 à 5 milliards d’euros d’effort de redressement sur l’assurance maladie dès 2009 pour assurer le retour à l’équilibre du régime général en 2011 ; à poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance, dans un environnement mondial difficile.

Pour l’État, le budget pluriannuel se construit dans un environnement contraint comme jamais auparavant.

La stabilisation des dépenses en euros constants sur le périmètre de la norme élargie représente un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé. En moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de la dépense de l’État sur ce périmètre élargi aurait été de 1,1 %.

Par le passé, certains postes de dépense étaient sous-dotés. Je tiens à faire disparaître ce phénomène, en particulier en ce qui concerne les relations entre l’État et la sécurité sociale, d’autant qu’il est complètement vain, pour le ministre des comptes, de faire passer une dépense d’une poche à une autre.

Parallèlement, les dépenses héritées du passé sont bien plus dynamiques qu’auparavant.

L’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom accroît le montant des pensions. Le nombre de personnes atteignant soixante ans passe de l’ordre de 550 000 par an pour les générations nées pendant la Seconde Guerre mondiale à près de 800 000 pour les générations du baby-boom. De 2009 à 2011, ces dépenses progresseront de 2 à 2,75 milliards d’euros par an en moyenne.

La charge de la dette s’accroît. Nous avons longtemps été « anesthésiés » car nous bénéficiions de la baisse des taux au gré du refinancement de la dette. Nous savions que nous étions arrivés à l’étiage et que le risque d’une remontée des taux d’intérêt était plus que probable. Cette remontée survient de manière plus brutale que prévu, du fait de la poussée inflationniste. De 2003 à 2007, la charge de la dette était pratiquement stable. À partir d’aujourd’hui, elle augmentera de 1,5 à 2,5 milliards d’euros chaque année. À titre de comparaison, 2 milliards, c’est pratiquement le budget de la culture, la moitié du budget de l’agriculture ou de celui des affaires étrangères.

Au total, de 2003 à 2007, la charge de la dette et les pensions représentaient moins de 30 % de l’augmentation de la dépense de l’État. À l’avenir, ce sera exactement l’inverse : elles en absorberont environ 70 %. Il s’agit d’un renversement majeur : de 70 % de marge de manœuvre, nous passons à 70 % de contrainte.

L’augmentation de l’inflation en 2008 ne joue pas non plus dans le bon sens. Son effet sur les dépenses frappe principalement la charge des obligations indexées. Par ailleurs, en 2009, plusieurs prestations sont indexées sur l’inflation, notamment les retraites et les prestations familiales.

Il faut aussi tenir compte de l’évolution des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales. Si l’on tient compte de leur progression, ce n’est plus 70 % de la progression des dépenses qui est contrainte mais presque 100 % !

Au total, réaliser le zéro volume sur la norme élargie équivaut pratiquement à stabiliser en euros courants les dépenses des ministères.

Cela signifie d’abord zéro valeur sur les dépenses de personnel. Nous y parvenons grâce à la RGPP, qui nous permettra dès 2009 de ne pas remplacer entre 30 000 et 32 000 fonctionnaires partant à la retraite, c’est-à-dire pratiquement un sur deux, objectif que nous nous sommes fixé. Cela s’accompagnera bien évidemment, comme l’avait annoncé le Président de la République, d’un retour financier de 50 % aux agents, par le biais de mesures catégorielles.

C’est aussi zéro valeur pour les budgets d’intervention et de fonctionnement des ministères. Il faut naturellement effectuer des choix, ce qui est par nature très compliqué. J’ai rencontré tous les ministres, d’abord de manière bilatérale puis avec le Premier ministre. Nous avons aussi disposé depuis un an de l’enceinte de discussion inédite offerte par les dizaines de réunions de la RGPP ; c’est ce qui nous a permis d’aller au fond des sujets. On me demande souvent où est la RGPP dans le budget : elle est absolument partout ! Cette démarche est le creuset du budget triennal.

Enfin, parmi les dépenses, il y a naturellement des priorités : l’enseignement supérieur et la recherche, première d’entre elles, dont nous nous sommes engagés à augmenter les crédits d’1,8 milliard d’euros par an ; la justice, plus particulièrement l’administration pénitentiaire. Par ailleurs, on peut dire, comme Hervé Morin, que le budget d’équipement de la défense est devenu une « quasi-priorité ». La LFI pour 2009 sera aussi la première traduction du Grenelle de l’environnement.

Comme il faut financer ces priorités avec une enveloppe constante, il est évident que certains budgets doivent baisser. Il n’y a eu aucun tabou dans nos discussions. Même au sein des ministères prioritaires, la RGPP permet de rationaliser les dépenses. Nous avons aussi exploré les pistes de ressources extrabudgétaires comme les partenariats public-privé ou la création de foncières immobilières.

Même si je ne dispose pas ce soir des montants plafonds par mission arrêtés à l’euro près, je vous confirme que nous touchons au but et j’ai la ferme intention de vous les présenter en séance plénière dès mardi prochain. Préparer un budget triennal prend un peu plus de temps, surtout quand c’est la première fois. Mais c’est une avancée, je pense que nous partageons tous cette opinion. Cela donne plus de visibilité aux gestionnaires, cela oblige à articuler les réformes et leurs conséquences financières sur trois ans. Mais, de ce fait, c’est aussi plus compliqué et cela interdit les astuces parfois utilisées par le passé pour boucler le budget. Je suis résolu à lutter contre les sous-budgétisations chroniques.

J’en viens à la sécurité sociale.

Pour parvenir à l’équilibre du régime général en 2011, il faut que l’assurance maladie soit elle-même à l’équilibre d’ici là. L’UNCAM, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, vient de nous soumettre des propositions d’économies pour 2009. Elles contiennent beaucoup d’éléments intéressants et nous étudierons évidemment en détail chacune d’entre elles.

Au-delà du détail de ces mesures, je retiens un message fort de l’UNCAM : les marges d’efficience importante que recèle notre système rendent possible le retour à l’équilibre. Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie le rappelle régulièrement. C’est le sens de la politique que nous voulons mener : traquer les abus, les gaspillages, les dépenses inutiles ou redondantes. Les rencontres que Roselyne Bachelot et moi-même avons commencé à organiser avec les mutuelles et les partenaires sociaux nous permettront de disposer d’un éventail de propositions, à partir duquel nous prendrons nos responsabilités.

Ce n’est pas simplement l’amélioration du solde des finances publiques qui est en jeu mais bien l’avenir de notre système d’assurance maladie, un système généreux qui prend en charge à 100 % les personnes les plus malades et offre un très bon niveau de couverture sociale à tous les autres. Nous voulons conserver ce système, sans en rejeter le coût sur nos enfants et nos petits-enfants, ce qui n’aurait rien de social ni de républicain.

Par ailleurs, la protection sociale a réalisé un important effort de couverture du risque chômage quand il est élevé. La baisse du chômage doit, en retour, pouvoir être mise à profit pour réduire les cotisations et procéder ainsi, à taux de prélèvements constant, à une hausse des cotisations retraite. Ce mouvement doit être engagé dès 2009.

Mais l’amélioration de la branche vieillesse dépendra principalement de l’évolution de l’emploi des seniors, des âges de cessation d’activité et de la liquidation de pensions. Pour l’emploi des seniors, des concertations ont été engagées en mai et juin. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en annonçant la majoration de la surcote dès la première année et la libéralisation du cumul emploi-retraite pour ceux qui ont atteint le taux plein, en fermant progressivement la solution de facilité des préretraites financées sur fonds publics, en taxant les préretraites d’entreprise et en interdisant le recours aux mises à la retraite d’office. Il faut aussi que les comportements changent effectivement, que les entreprises s’impliquent davantage encore dans une gestion active des âges ; ce n’est que par une mobilisation collective que nous réussirons.

Je veux aussi continuer à clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale.

L’année dernière, nous avons apuré la dette de l’État envers la sécurité sociale, qui se montait à 5,1 milliards d’euros fin 2006. Je suis en train d’étudier toutes les options pour régler la dette qui s’est recréée en 2007. Mais il faut aussi traiter le mal à la racine : dans le cadre du budget pluriannuel, je tiens à une juste budgétisation des dépenses de l’État, compensant les dispositifs gérés par la sécurité sociale.

Par ailleurs, la dette sociale incombant actuellement à l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, sera transférée à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale. À cet effet, nous utiliserons les ressources liées aux excédents du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Nous traiterons également la question du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, du point de vue de son déficit mais aussi de sa dette.

J’ajouterai un mot sur les collectivités locales, avant d’y revenir plus longuement en séance plénière. Une réunion de la Conférence nationale des exécutifs, la CNE, sera d’ailleurs organisée demain à Matignon.

L’effort de maîtrise de la dépense publique doit être partagé. Il est illusoire de vouloir réussir sans la participation de tous. L’ensemble des transferts de l’État aux collectivités locales, tous types de transferts confondus, excède 90 milliards d’euros. C’est énorme ; c’est le fruit du passé. Il est impossible d’exiger un effort sans précédent sur les autres dépenses de l’État sans réfléchir aux moyens de rendre compatible l’évolution de cette masse avec la progression des dépenses de l’État.

Pour finir, j’évoquerai deux sujets de gouvernance importants : la loi de programmation des finances publiques et la maîtrise des niches fiscales et sociales.

La révision de la Constitution a été l’occasion – nous verrons ce qu’il en adviendra – d’ouvrir un large débat sur l’opportunité d’inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques. Je ne reviendrai pas sur les débats nourris qui ont eu lieu. Nous avons d’ailleurs, dans un très fructueux groupe de travail, œuvré de concert pour parvenir à des conclusions dont s’inspire largement l’amendement adopté.

Le résultat auquel nous sommes pour l’instant parvenus me parait optimal : une loi de programmation des finances publiques s’inscrivant dans un objectif d’équilibre. Car il ne suffit pas de se dire favorable au retour à l’équilibre, il faut également dire comment y arriver. C’est, de mon point de vue, le plus difficile…

Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront déclinés à la rentrée dans une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Celle-ci définira une stratégie d’ensemble cohérente, dépassant la vision limitée qu’offrent les débats annuels sur le PLF et le PLFSS.

J’ajoute que les lois de programmation des finances publiques pallieront la situation actuelle, dans laquelle les programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne ne sont pas soumis au Parlement et ne possèdent par conséquent pas la portée politique suffisante pour encadrer l’action publique.

Cette solution – objectif d’équilibre et loi de programmation pluriannuelle – est à la fois très structurante, très opérationnelle, très engageante politiquement et tout à fait complémentaire avec les réformes menées, car le chemin à suivre découlera de l’ensemble des réformes mises en œuvre.

Un autre sujet me tient à cœur autant qu’à vous : celui des niches fiscales et sociales. Je tiens à saluer tout particulièrement les deux excellents rapports auxquels de nombreux députés présents dans cette salle ont participé et dont Didier Migaud, Gilles Carrez et Yves Bur ont été les maîtres d’œuvre. Bien sûr, nos discussions se poursuivent, mais disons d’emblée que je suis très favorable à nombre de vos propositions.

Le nombre de niches et leur montant sont devenus de véritables enjeux de finances publiques. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière Conférence nationale des finances publiques, qu’elles seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique. C’est pourquoi aussi j’ai discuté, lors de mes rencontres bilatérales avec les ministres, non seulement des dépenses budgétaires mais aussi des dépenses fiscales et des exonérations de charges sociales.

En tant que ministre des comptes, j’avais considéré avec sympathie l’initiative de vos collègues du Sénat : un amendement à la révision de la Constitution qui tendait à rendre obligatoire la validation en PLF ou en PLFSS des dispositifs de nature fiscale ou sociale prises au travers de lois ordinaires. Je crois savoir qu’il en était de même pour vous mais je comprends que la commission des lois y voie des obstacles juridiques.

Le Président Didier Migaud : Je ne suis pas persuadé que les obstacles soient juridiques…

M. Éric Woerth : Il nous faut alors poursuivre l’idée peut-être un peu différemment. À propos des dépenses fiscales et des exonérations diverses et variées de charges sociales, j’envisage donc plusieurs actions dès 2009 : nous améliorerons la qualité de l’information du Parlement en récapitulant clairement toutes les décisions prises à ce sujet dans le PLF et le PLFSS de l’exercice, même si les sénateurs ont supprimé cette disposition…

Le Président Didier Migaud : Nous entendons bien la rétablir en commission mixte paritaire.

M. Éric Woerth : Nous instaurerons un objectif de dépenses fiscales dans le PLF, probablement de manière indicative à ce stade. Ses modalités restent à définir. Et je fais étudier un objectif analogue pour les exonérations sociales dans le PLFSS. Je reste bien entendu ouvert à la discussion sur ces sujets.

Nous sommes confrontés à une situation inédite pour nos dépenses publiques : la dynamique de la charge d’intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes pesant sur les autres dépenses, qu’il s’agisse de la masse salariale ou des dépenses d’intervention. Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d’améliorer son efficience. Nous nous en donnons pleinement les moyens, avec la RGPP et les discussions qui s’engagent dans la sphère sociale, avec le budget triennal, avec la maîtrise des niches et avec la loi de programmation des finances publiques. Cette alliance de réformes de structure profondes et de règles de gouvernance efficaces nous permettra d’atteindre nos objectifs.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Je vous remercie de nous donner ces renseignements précis alors que vous n’avez achevé les derniers arbitrages budgétaires que ce matin.

Le ressaut d’inflation change un peu la donne pour plusieurs postes budgétaires. Quelles prévisions d’inflation retenez-vous pour 2009, pour la période triennale 2009-2012 et pour l’exécution de 2008 ?

Pendant plusieurs années, le stock de dette a augmenté de plus d’un quart et même de près d’un tiers mais les frais financiers sont restés bloqués autour de 38 ou 39 milliards d’euros. Force est de constater que, pendant les trois ans à venir, nous allons subir une augmentation considérable de la charge de la dette, comprise entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros. Quel montant précis prévoyez-vous pour 2009 et pour l’exécution 2008 ?

Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de l’évolution des charges de personnel en activité ?

Comment modulerez-vous la base 2008 pour prendre en compte l’inflation dans le calcul du montant des dotations versées aux collectivités territoriales en 2009 ?

Comment seront financées des priorités avérées comme la recherche et l’enseignement supérieur, la défense ou le revenu de solidarité active, le RSA ? À ce propos, Martin Hirsch a évoqué une fourchette de 1 à 1,5 milliard d’euros.

À combien se chiffreront les réductions d’impôts découlant des textes adoptés avant l’examen de la LFI pour 2009, comme la loi TEPA, qui monte en régime, la LME ou la loi pour le pouvoir d’achat ? Je les évalue pour ma part à quelque 4 milliards d’euros. De nouvelles baisses d’impôts sont-elles envisageables dès le budget 2009 ? Il a par exemple été envisagé de supprimer complètement l’impôt forfaitaire annuel, dont le produit s’élève à 1,6 milliard d’euros. Il a aussi été question ici ou là d’accélérer la réforme de la taxe professionnelle.

Pourrez-vous dès mardi prochain non seulement nous communiquer les montants correspondant à chacune des missions pour 2009 mais également nous donner des indications concernant la programmation triennale ?

M. Yves Bur : Depuis que vous êtes le ministre des Comptes publics au sens large, il y a un pilote dans l’avion aussi pour les comptes sociaux.

Vous avez démontré que les finances sociales ne sauraient être exonérées des efforts qui s’imposent aux finances publiques. J’ai noté avec intérêt que vous comptez vous attaquer au règlement de la dette sociale dès 2009. Cependant, le recours aux excédents du FSV pour financer l’ouverture de la CADES m’interpelle. Cette contribution est-elle de nature à constituer une recette pérenne, au même titre que le produit de la CRDS, la contribution pour le remboursement dette sociale ? Il en va de la crédibilité de la signature de la CADES.

La situation du FFIPSA constitue un autre motif d’inquiétude. Si elle continue à filer, sa dette cumulée pourrait atteindre 20 milliards d’euros à l’horizon 2012. Il est temps de mener une opération vérité pour en finir avec l’insuffisance de la dotation du FFIPSA et apurer sa dette. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant de l’ONDAM, si le comité d’alerte n’est pas intervenu, un plan d’économies de 250 millions d’euros a été adopté. Les 700 millions de dépassement de l’ONDAM ne doivent pas nous exonérer d’un effort en temps réel pour que l’objectif reste contenu dans l’enveloppe votée. Cela dit, comment parvenir aux 3 milliards d’euros d’économies proposés par l’UNCAM ou aux 4 milliards demandés par la ministre de la Santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sans se pencher très sérieusement sur la prise en charge et l’accompagnement thérapeutiques des 8 millions de personnes touchées par une ALD, une affection de longue durée ?

Enfin, comptez-vous puiser dans la boîte à outils que nous avons mise à votre disposition au travers de nos rapports relatifs aux exonérations de cotisations sociales ?

Le Président Didier Migaud : Je reprends à mon compte les remarques de Gilles Carrez et d’Yves Bur, que je trouve très pertinentes.

Je salue le progrès incontestable pour la transparence et la gouvernance des finances publiques que représente la démarche pluriannuelle – il est d’ailleurs compréhensible que sa première mise en œuvre soit un peu délicate. Précisément, monsieur le ministre, cela nous permettra de mieux apprécier notre capacité collective à respecter l’engagement du retour à l’équilibre en 2012.

Vous avez pour objectif de réduire de 0,5 point de PIB le déficit de l’ensemble des comptes publics ; or le compte n’y est pas tout à fait.

Vous voulez, pour cela, dynamiser la croissance économique afin d’atteindre au moins 2,5 %, limite basse des fourchettes de croissance prévues depuis quelques années. Malgré la dynamisation de la croissance, nous buterons donc sur l’hypothèse basse.

Et puis, le Gouvernement affirme que la loi TEPA, la LME et le crédit d’impôt recherche généreront respectivement des surplus de croissance de 0,3, 0,3 et 0,05 point. Si j’ajoute ce total de 0,65 point à 1,7 %, limite basse de la fourchette de croissance pour 2008, j’arrive à 2,35 %. Pourquoi alors prévoyez-vous une fourchette d’1,75 à 2,25 % ?

Les membres de la commission des Finances et de la commission des Affaires sociales sont unanimes, je pense, pour demander une préservation de nos recettes. Quelles sont les projections de diminution de recettes, compte tenu des engagements déjà pris ? Confirmez-vous par exemple que les textes déjà votés auront un poids de 4 milliards d’euros pour l’année 2009, sans compter le 1,5 milliard du RSA ? Les engagements pris par le Président de la République conduiront-ils à de nouvelles mesures fiscales ou sociales, comparables à celles apparues dans le cadre de la loi TEPA, qui se solde par 1,6 milliard d’euros d’exonérations patronales supplémentaires ? Comment concilier des mesures sur la participation ou l’intéressement, voire une baisse de la TVA sur la restauration, avec l’objectif de retour à l’équilibre ?

M. Éric Woerth : Monsieur Carrez, l’inflation, en 2008, s’établira probablement autour de 3 %. Nous retenons une hypothèse de 2 % pour 2009 et de 1,75 % pour 2010 et 2011.

La charge de la dette devrait augmenter de 2 milliards d’euros en 2008 et d’1,5 à 2,5 milliards en 2009.

Compte tenu du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux et du GVT
– glissement vieillesse technicité –, l’évolution des charges de personnel, en 2009, sera de moins 2 % en volume, soit pratiquement zéro valeur. Des discussions très directes avec les organisations syndicales des fonctionnaires sont en cours à propos du point d’indice, qui restera un outil de rémunération dans la fonction publique : il est envisagé de l’accroître de 0,8 % en 2009 – plus 0,5 au 1er juillet et plus 0,3 % en octobre – puis de 0,5 % en 2010 et en 2011. Je rappelle que je fais aussi fonctionner la garantie individuelle du pouvoir d’achat, la GIPA, qui balaie l’ensemble des rémunérations des fonctionnaires et permet d’opérer des rattrapages afin qu’aucune ne progresse moins vite que l’inflation. Les fonctionnaires dont le traitement indiciaire n’aura pas progressé autant que l’inflation en 2008 recevront ainsi un complément de rémunération en janvier 2009 pour tenir compte du pic inflationniste actuel.

Le recalage de la base 2008 consécutif à l’inflation entraîne 450 millions d’euros de surcroît de dépenses pour les allocations familiales et 1,9 milliard pour les retraites hors État. Le coût total, toutes prestations confondues, approche 3 milliards d’euros.

Je n’ai pas intégré de prévisions financières concernant le RSA parce que j’ignore combien coûtera le dispositif. Une conférence de consensus s’est tenue aujourd’hui. Le Président de la République et le Premier ministre ont tranché en faveur du RSA. Cependant, le texte n’existant pas encore, ni les modalités ni le calendrier ne sont encore fixés. Cela dit, je pense que l’effet du RSA sur les finances publiques sera modéré en 2009 et que la montée en puissance interviendra en 2010 et 2011.

Les prévisions de recettes fiscales intègrent les baisses d’impôts dès qu’elles sont acquises. La loi TEPA a coûté 1 milliard d’euros environ en 2007. Elle devrait coûter de l’ordre de 8 milliards en 2009, de l’ordre de 10 milliards en 2009 et de 12 à 14 milliards en régime de croisière. La LME devrait coûter entre 200 et 300 millions d’euros en 2009. Mais ces mesures auront un effet positif sur le système économique et créeront de la richesse, ce qui rapportera des recettes.

J’ai évidemment l’intention de protéger nos ressources, sans tomber dans l’excès qui consisterait à accroître le volume des prélèvements obligatoires. Si les impôts rentrent mieux grâce au dynamisme de la croissance, tant mieux ; s’ils rentrent mieux à cause d’une augmentation des taux, c’est totalement contre-productif. J’ignore quelles pourront être les conséquences financières des mesures qui seront votées en 2009 et 2010. Tout dépendra des calendriers et des modalités d’application retenues, qui devront aussi respecter les orientations fixées par le Président de la République. En tout cas, la taxe professionnelle, ressource essentielle des collectivités territoriales, ne sera pas touchée en 2009. Une réflexion est en cours, dans le cadre de la RGPO – la révision générale des prélèvements obligatoires –, en vue de doter les collectivités territoriales de ressources liées à leur attractivité économique, mais elle ne fait que commencer.

J’ai en effet l’intention de vous donner dès mardi des précisions sur les données pluriannuelles.

J’en viens aux questions de M. Yves Bur sur la sécurité sociale.

Le transfert de la dette de l’ACOSS vers la CADES permettra d’alléger le financement du régime général d’environ 400 millions d’euros, ce qui est considérable. J’ai bien noté les inquiétudes exprimées au sujet du FSV, mais les autres possibilités sont toutes à écarter pour diverses raisons. Il faut surtout éviter de jouer les gribouille : le fléchage se fera bien en direction de la CADES. À la fin de 2008, la dette sociale s’élèvera à 23 milliards d’euros pour le régime général. Il faut y ajouter 3,8 milliards d’euros pour le FSV et 7,5 milliards d’euros pour le FFIPSA. Le FSV est redevenu excédentaire en 2007 de 200 millions d’euros. L’excédent a tendance à augmenter rapidement puisque la bonne situation de l’emploi fait croître les recettes et diminuer les prestations. Il atteindra 1 milliard d’euros en 2008 et 2 milliards en 2009. Il est donc possible de l’utiliser pour l’affecter à la CADES, dans la mesure notamment où le FSV est aujourd'hui financé par 1,5 point de CSG. Cela dit, il faut arrêter une quantité de recette utilisable. De nombreux réglages restent à faire et nous en discuterons cet automne. Le montant choisi, qui devra également permettre la protection du FSV, déterminera le volume de dette repris. Pour ce qui est du FFIPSA, qu’il n’est pas question de négliger, je ne vois pas d’autre solution que le budget de l’État car cette dette n’est pas de même origine et de même nature que celle de la CADES, qui est, elle, clairement une dette sociale.

Il faut bien entendu rester dans la limite de l’ONDAM. Lors des réunions préparatoires de la commission des comptes de la sécurité sociale, j’ai indiqué à la CNAM que je ne me satisfaisais en aucune façon de la prétendue bonne nouvelle que constituerait le déficit de 3,7 milliards d’euros, sous prétexte qu’il ne dépasserait pas trop l’ONDAM. L’évolution des dépenses d’assurance maladie ne doit pas être la somme de l’ONDAM et du seuil d’alerte. Pour autant, je ne suis pas sûr que l’on puisse rattraper 700 millions d’euros en quatre ou cinq mois. Si l’on pouvait simplement, à la fin du mois de juillet, anticiper par la voie réglementaire, des mesures pour 2009 en concertation avec les acteurs du système social, ce serait une bonne chose.

Le rapport du M. Yves Bur sur les niches sociales est excellent. Je n’ai pas l’intention de le laisser dormir.

Le Président Didier Migaud : Il faut donc l’exécuter…

M. Éric Woerth : Tout dépend du sens que l’on donne à ce verbe... La proposition d’une taxation minimale doit être examinée. L’année dernière, nous avions travaillé sur les stock options. Comme pour les niches fiscales, il ne faut fermer la porte à aucune hypothèse à ce stade. Nous travaillons sur ces sujets, comme les parlementaires nous pressent quotidiennement de le faire.

Le Président Didier Migaud : Est-ce à dire que l’hypothèse d’un plafonnement global n’est pas rejetée a priori ?

M. Éric Woerth : Par principe, je ne la rejette pas. Attention toutefois : cela ne risque-t-il pas d’être une fausse bonne idée ? Si l’on vise un certain nombre de personnes qui s’exonèrent de l’impôt, il y a sans doute de meilleurs moyens que le carpet bombing, c'est-à-dire l’arrosage à grande échelle, pour être certain de les atteindre : peut-être convient-il plutôt de s’attaquer à quelques-unes des niches. En revanche, si l’on se fixe un principe moral visant à empêcher que l’on puisse s’exonérer de l’impôt au-delà d’un certain taux, on atteindra des personnes de catégorie moyenne qui bénéficient de niches telles que les emplois familiaux ou les travaux en matière de logement. Nous ferons des propositions mais nous ne rejetons aucune hypothèse.

Je rappelle aussi que le calendrier d’élaboration du projet de loi de finances fait que nous avons plus approfondi la partie dépenses que la partie recettes.

Monsieur le Président, je vous remercie d’avoir noté que la visibilité pluriannuelle est une bonne chose. Je confirme l’objectif de réduction du déficit de 0,5 % en 2009. Je ne lâcherai rien là-dessus même si je sais bien que cela ne conduit pas tout à fait à l’équilibre en 2012. On ne peut raisonner de façon linéaire : à côté d’un travail méthodique sur la dépense de l’État et sur la dépense fiscale, il faut mettre dans la balance un peu plus de croissance économique. À moins que l’on ne prenne en compte que les mauvaises nouvelles, les rentrées fiscales ne sont pas condamnées à rentrer moins bien que prévu. Lorsque je parle d’une moins-value de recettes fiscales comprise en 3 et 5 milliards d’euros en 2008, c’est par souci de prudence et de vérité à l’égard des parlementaires. La situation peut se retourner, comme on l’a constaté l’année dernière pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.

L’économie n’est pas une science exacte…

Le Président Didier Migaud : C’est vrai.

M. Éric Woerth : La fréquentation quotidienne d’économistes m’en a convaincu. C’est nous qui provoquons la dynamique de croissance. Il faut reconnaître au Gouvernement le mérite de donner des chiffres permettant de vérifier les hypothèses de croissance qu’il formule à propos de tel ou tel texte. On a annoncé 0,3 point de croissance pour la loi TEPA et je ne vois pas pourquoi cela ne se vérifierait pas, étant donné le succès du recours aux heures supplémentaires et la recapitalisation des PME que d’autres dispositions devraient provoquer. Il en va de même pour la loi de modernisation de l’économie ou pour le crédit d’impôt recherche, dont tous se félicitent.

Le Président Didier Migaud : Le crédit d’impôt recherche est en effet très positif.

M. Éric Woerth : En relançant la recherche, on développera des produits plus innovants qui contribueront à la croissance.

Il est vrai, monsieur le Président, que l’addition des prévisions du Gouvernement en la matière aboutit à 0,65 point de croissance. Mais les fourchettes que nous donnons commencent à intégrer les effets de la loi TEPA. Si, par rapport à d’autres pays, la croissance française se tient plutôt correctement dans un environnement économique qui a tendance à la tirer vers le bas, c’est en partie grâce à ce texte. En revanche, la LME n’est pas encore adoptée et le crédit d’impôt recherche ne fera sentir ses effets qu’après un certain laps de temps.

Nous nous efforçons donc de livrer des hypothèses de croissance prudentes : ni euphorisantes, ni excessivement pessimistes. Bien que le deuxième trimestre soit un peu moins bon que le premier, nous ne sommes pas loin d’atteindre aujourd'hui, en acquis de croissance, le bas de la fourchette fixée entre 1,7 et 2 %.

Enfin, je suis très vigilant quant à la protection des recettes, étant entendu que le Gouvernement a déjà eu le courage d’abaisser les prélèvements obligatoires en 2007 et que ces mesures porteront leurs effets. Une baisse de la TVA sur la restauration ne présente par de danger pour les recettes à court terme. Beaucoup de modalités techniques restent à discuter avec la profession. Il s’agit d’un engagement du précédent Président de la République que Nicolas Sarkozy a tenu à reprendre.

Le Président Didier Migaud : Nul doute que les Allemands nous aideront à protéger nos recettes…

M. Michel Bouvard : Je salue la volonté dont vous faites preuve, monsieur le ministre, pour tenir la dépense : jamais encore il n’y a eu une telle continuité en la matière.

Depuis plusieurs années, la commission des Finances regrette que les ministères multiplient les opérateurs. C’est un moyen commode de contourner la norme de dépense et de s’affranchir des plafonds d’autorisation d’emplois. Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il pour que les opérateurs respectent ces critères en 2009 ? La Cour des comptes et la commission des Finances ont constaté qu’ils ont recréé plus du tiers des emplois supprimés lors de la première année d’application du plafond. Force est de constater que les ministères font preuve d’une imagination débordante.

Je me réjouis de la détermination du Premier ministre à tenir la dépense et du soutien qu’il vous a renouvelé ce matin même devant les parlementaires de la majorité, monsieur le ministre. Certains opérateurs ont bénéficié ces dernières années de recettes transférées partiellement ou en totalité du budget de l’État. Envisagez-vous que le Parlement se prononce régulièrement, après évaluation, sur les recettes ainsi affectées ?

Le tome II du rapport a trait à la maquette budgétaire et aux indicateurs. Je salue la qualité de ce document : le nombre total des indicateurs est réduit d’une centaine alors que celui des indicateurs d’efficience progresse, ce qui traduit une démarche de qualité dans la gestion publique. Deux nouveaux programmes sont créés. L’un porte sur l’entretien des immeubles de l’État, ce qui est une excellente chose. En revanche, l’autre regroupe au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » les autorités administratives indépendantes. Quelle en est la raison ? La commission des Finances et la mission d'information sur la loi organique relative aux lois de finances – MILOLF – militent depuis des années contre ce regroupement : chacune de ces autorités contribue à la mise en œuvre d’une politique publique et a donc vocation à être intégrée dans la mission sur laquelle porte son action. Il revient au Parlement de juger de leur efficacité dans le cadre de la mission concernée. Il y va de notre capacité d’évaluer une politique à coût complet. Le regroupement de toutes les autorités dans une mission spécifique ne permet pas une telle évaluation, à moins que l’on ne multiplie les documents de politique transversale, ce qui serait dommageable. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous accorderez la même attention que par le passé aux propositions de la commission des Finances.

M. Thierry Carcenac : On ne peut qu’être d’accord sur la nécessité de résorber la dette. Par ailleurs, vous avez fait état, monsieur le ministre, d’une action importante en matière de dépenses, notamment de plafonds d’emplois. Ce matin, un ministre a annoncé que son seul département contribuerait à plus de 13 000 des 30 000 ou 32 000 non-remplacements que vous avez évoqués. S’agit-il, du reste, d’emplois temps plein – ETP – ou d’emplois temps plein travaillé – ETPT ? Après la suppression de 18 000 emplois l’année dernière, quelles seront les conséquences de cette nouvelle réduction ? Qu’en est-il du plafond d’emplois global que vous souhaiteriez voir figurer en loi de finances initiale ?

En matière de recettes, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche regrette la façon de procéder du Gouvernement. La loi TEPA a provoqué une perte de recettes que nous aurons à supporter pendant plusieurs années. Si l’on compare l’inflation et la situation du pouvoir d’achat, on comprend que la progression des recettes de TVA soit faible en 2008. Dès lors, où est l’effet des mesures TEPA ? Ce ne sont pas la diminution des droits de succession et l’instauration du bouclier fiscal qui peuvent relancer véritablement la consommation.

Une autre perte de recettes est due à la fraude fiscale, qui porterait sur un montant évalué entre 28 et 40 milliards d’euros. Quelles dispositions entendez-vous prendre dans ce domaine pour retrouver des recettes ? Vous avez laissé entendre que nous voudrions surtout augmenter les taux. Ce n’est pas tout à fait notre point de vue : nous préférerions que l’action porte avant tout sur les niches et sur la fraude.

M. Charles de Courson : Lors du vote de la loi TEPA en juillet dernier, j’étais de ceux que l’évolution de l’environnement économique mondiale et ses conséquences sur notre pays inquiétaient beaucoup. Les développements récents, hélas, n’incitent guère à l’optimisme. Plusieurs problèmes se cumulent.

D’abord la crise énergétique. J’ai remarqué que vous reteniez une stabilisation du prix du baril à 125 dollars et une stabilisation de la parité euro-dollar. Comme l’on n’en sait rien, je me garderai bien de vous contredire ! Tout au plus serait-il souhaitable de mener des analyses de sensibilité car nul ne sait si, dans six mois, le baril ne sera pas à 200 dollars.

Ensuite une crise agricole. Celle-ci n’est probablement pas structurelle : si les récoltes sont bonnes, on peut espérer que les prix des matières premières agricoles baisseront à nouveau, comme c’est déjà le cas pour le blé.

Une crise bancaire extrêmement grave. Comme toujours, les banquiers affirment à l’opinion publique que « Tout va très bien, madame la marquise » ; en privé, la chanson est quelque peu différente. Il suffit d’ailleurs d’examiner les comptes trimestriels publiés. Tout récemment, ce ne sont pas moins de 43 milliards d’euros de provisions supplémentaires qui ont été comptabilisés pour les seules banques suisses. Tous les banquiers nous disent que l’augmentation ou la baisse du taux de la banque centrale européenne leur importe peu : ils augmenteront de toute façon leurs taux car il leur faut impérativement reconstituer leurs marges. Aux États-Unis, alors que le taux de la réserve fédérale est de 2 %, les taux d’intérêt pratiqués par les banques sont en constante augmentation. Il est donc parfaitement inutile de critiquer M. Jean-Claude Trichet – ce que je n’ai jamais fait, au demeurant – parce qu’il a pratiqué une augmentation de 0,25 point : cela ne change rien à la stratégie de hausse des taux d’intérêt adoptée par les banques.

La crise bancaire est assortie d’un début de décrochage immobilier. Cela a commencé il y a dix-huit mois aux États-Unis, où les baisses de mises en chantier ont baissé de 48 %. Le décrochage est spectaculaire en Espagne, où l’on a dépassé les 40 % de baisse, en Grande-Bretagne ou en Irlande. Même si la France n’en est qu’à 21 %, soit moitié moins, la baisse est forte. Dans les pays les plus touchés, la crise immobilière a un effet très dépressif sur la consommation. Le phénomène sera peut-être atténué en France mais il nous atteindra immanquablement.

Au regard de cette situation, est-il raisonnable de maintenir l’hypothèse d’une croissance annuelle à environ 2 % dans les trois prochaines années et d’une inflation redescendant de 3 % en 2008 – alors que nous en sommes déjà à 3,4 % – à 2 % puis à 1,75 % les années suivantes ? Que fera le Gouvernement si, comme de nombreux chefs d’entreprise et banquiers le craignent, nous subissons un fort ralentissement pendant dix-huit mois ou deux ans ?

Par ailleurs, je tiens à vous féliciter d’avoir continué à élargir la norme de dépense conformément à nos demandes et à vos engagements. Celle-ci atteint 341 milliards d’euros. Encore un petit effort, monsieur le ministre, encore une trentaine de milliards et le compte y sera ! Il ne manque plus que les dégrèvements sur impôts de tiers – c'est-à-dire essentiellement les collectivités locales – et les remboursements : je rappelle que la prime pour l’emploi n’est toujours pas dans la norme.

M. Éric Woerth : C’est une dépense fiscale.

M. Charles de Courson : On ne peut pas dire cela puisqu’elle concerne à 80 % des personnes non imposables.

Depuis la norme « fabiusienne », qui était de 270 milliards d’euros, vous avez fait 70 % du chemin. Lorsque l’on aura intégré les derniers 30 milliards, on disposera du périmètre qui est en cohérence avec la comptabilité nationale. Pour ma part, je continuerai à élargir la norme du Gouvernement pour me référer à la norme réelle.

Voilà maintenant quinze ans que je dénonce, dans une indifférence quasi générale, le scandale des pensions civiles qui est en passe de devenir très grave. Ce poste représente 34 milliards d’euros dans le budget de l’État, soit 9 % du périmètre réel. Il augmentera de 2 à 2,75 milliards d’euros par an. Or pas le moindre effort supplémentaire n’est demandé aux intéressés : depuis plus de dix ans, la retenue pour pension est bloquée à 7,85 %. Ce taux produit 5 milliards d’euros, si bien que le contribuable doit financer les 29 milliards d’euros restants. En d’autres termes, l’effort contributif des fonctionnaires civils représente 15 % du financement de leurs pensions, là où le régime général en est à 45 %. Il faut à cet égard féliciter la gauche d’avoir bloqué en 1983 toute évolution des cotisations retraite patronales : la dérive a été prise en charge à presque 100 % par des augmentations de cotisations des salariés ou par des réductions de prestations.

Le temps ne serait-il pas venu de stabiliser au moins à 15 % du coût la part couverte par la retenue pour pension ? Si on ne le fait pas, ce pourcentage continuera de diminuer. Or 15 % de 2 à 2,75 milliards d’euros représentent 300 à 400 millions d’euros. L’assiette de la retenue pour pension étant de 70 milliards d’euros, l’augmentation représenterait aux alentours de 0,05 point. Cela ne semble pas excessif et l’on pourrait même aller un peu au-delà. La gauche l’avait fait, même si elle l’a oublié depuis.

Par ailleurs, pourquoi certains continuent-ils à soutenir que les transferts de l’État vers les collectivités locales sont de 70 milliards d’euros alors qu’ils s’élèvent, en comptabilité nationale, à 93 milliards ?

M. Éric Woerth : Je n’ai pas dit autre chose.

Le Rapporteur général : La différence entre les deux chiffres vient de ce que vous prenez en compte des impôts transférés au titre des compétences des collectivités locales. Mais c’est maintenant derrière nous.

M. Charles de Courson : Non, c’est une subvention dissimulée.

Vous n’avez pas été très clair sur le périmètre de ces transferts, monsieur le ministre. La position soutenue par le groupe Nouveau Centre est que l’on ne peut redresser les finances si leur évolution n’est pas conforme au « zéro valeur » et si elle ne s’accompagne pas d’un effort de redistribution des communes et collectivités riches vers les communes et collectivités pauvres. Quelle est votre position sur ce point ?

Enfin, à quoi bon se priver de 3 milliards d’euros de recettes en portant la TVA sur la restauration à 5,5 % si c’est pour ne pas baisser les prix, comme l’a déclaré M. André Daguin, président de l’Union des métiers de l'industrie hôtelière, et alors que deux pays, l’Allemagne et le Danemark, sont très hostiles à cette mesure et que les engagements de création d’emplois n’engagent que ceux qui y croient ?

M. Hervé Mariton : Je remercie M. le ministre pour la clarté de son propos et je l’encourage à poursuivre dans la voie qu’il a tracée.

Dispose-t-on d’éléments plus précis sur le calendrier de la RGPO ?

L’inflation a certes un coût – pensions, dette… –, mais n’a-t-elle pas aussi une incidence sur les recettes ? Il serait intéressant de disposer d’un chiffre traduisant le coût net de l’inflation dans le budget en 2008 et en 2009. Comme le suggère le rapporteur général, il peut y avoir un effet sur les recettes de la TVA et sans doute sur celles de l’impôt sur le revenu.

Quelles sont les prévisions retenues concernant la situation de l’emploi, dont l’évolution semble devenir moins linéaire que ces derniers mois ?

La dette coûte plus cher. Cela renouvelle-t-il le sujet de sa gestion ? On entend certaines suggestions de travail entre différents pays sur la gestion de la dette. Quelle est la portée de ces réflexions ?

Selon vous, on peut estimer à 3 milliards d’euros le montant de l’annulation des crédits mis en réserve en 2008 afin de couvrir le dérapage de certaines dépenses. Qu’en sera-t-il de la réserve restante ?

Vous avez fixé des priorités de dépenses mais vous êtes resté pudique sur vos priorités en termes d’économies. Quelles sont-elles ?

Le budget de la défense devrait respecter le « zéro volume ». Confirmez-vous que les dépenses de personnels sont comprises dans ce périmètre ?

Au cours du débat sur la réforme des retraites, on a évoqué le transfert d’une part supplémentaire du financement des majorations familiales de retraite, de la branche retraite vers la branche famille. Cette très mauvaise idée a-t-elle toujours cours pour 2009 ?

Quant à l’objectif d’équilibre en 2012, il conviendrait, comme l’a dit le Président Didier Migaud, d’accélérer le mouvement en fin de période. Il y a quelques jours, Mme Christine Lagarde a évoqué une situation dans laquelle la croissance ne serait pas au rendez-vous. Comment le Gouvernement compte-t-il s’adapter aux perspectives de croissance d’ici à 2012 pour tenir son objectif ? Est-il clair que cet objectif engage la majorité et le Gouvernement quelles que soient les hypothèses de croissance ?

M. Jacques Pélissard : Je remercie M. le ministre pour la franchise et la clarté de ses propos. Mes questions porteront sur les collectivités locales.

Sauf erreur de ma part, les dotations d’État au profit des collectivités locales se conformeront au « zéro volume ». Dans ce contexte, j’aimerais obtenir des précisions et des apaisements concernant le fonds de compensation pour la TVA. Pour nous, il s’agit d’une somme qui nous est remboursée et non d’une dotation d’État. Elle ne saurait être incluse dans l’enveloppe normée. Confirmez-vous, monsieur le ministre, la position que le Premier ministre avait prise lors de la dernière conférence des finances publiques ?

Si la dotation globale de fonctionnement – DGF – continue de progresser à raison de l’inflation et de la moitié de la croissance du PIB, les dotations de l’enveloppe normée suffiront-elles comme variables d’ajustement ?

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la réforme de la taxe professionnelle. Tous les membres de la commission des Finances veulent aider l’État à maîtriser sa dépense et ses déficits. Si l’État n’a pas de dotation nouvelle à accorder aux collectivités locales, il pourrait au moins leur donner de la liberté et, en l’occurrence, de l’autonomie fiscale. Une réforme de la taxe professionnelle ne peut s’inscrire que dans une réforme d’ensemble de la fiscalité locale, articulée à une réforme des dotations d’État. Nous raisonnons à budget constant : nous ne demandons pas plus d’argent mais plus de liberté. Après les propositions que nous avons formulées, vous annoncez une réflexion en 2009. Ne pourrait-on commencer plus tôt, tant il semble urgent de mener cette réforme d’ensemble ? Seule une gestion de proximité découlant de la liberté et de l’autonomie fiscale peut être efficace. Sinon, nous connaîtrons encore des dérapages regrettables.

M. Éric Woerth : Je partage votre détermination concernant les opérateurs, monsieur Michel Bouvard. Le PLF proposera un plafond d’emplois les concernant. Ces emplois seront en diminution, de façon à éviter l’effet de vases communicants entre l’effort de l’État et les opérateurs.

Les affectations de recettes sont désormais intégrées dans la norme. Le jaune budgétaire « opérateurs » présente les recettes affectées existantes.

Les opérateurs sont de plus en plus mis sous contrôle et c’est une bonne chose. Les discussions budgétaires intègrent systématiquement cet aspect. En outre, les subventions aux opérateurs sont comprises dans les budgets de ministères. Dès lors que ces budgets ne progressent pas, il appartient aux ministères de faire des choix.

M. Charles de Courson. Sauf quand les recettes sont affectées.

M. Éric Woerth : En effet, mais celles-ci sont publiées et doivent être évaluées.

Pour ce qui est de la maquette, nous avons déjà pris en compte certaines remarques que l’on nous a adressées. Nous sommes tout disposés à discuter d’autres évolutions pour mieux coller à la réalité.

Je précise à M. Thierry Carcenac que les emplois non renouvelés sont comptabilisés en équivalents temps plein et non en équivalents temps plein travaillé. Tant la réduction de 22 000 emplois dans le budget de 2008 que celle de 30 000 à 32 000 prévue pour 2009 correspond à des ETP, de même que les 13 500 non-renouvellements annoncés par le ministre de l’Éducation nationale.

L’impact de la loi TEPA est avant tout une question de mesure et d’évaluation. Il faut laisser le dispositif s’inscrire dans la durée. Les heures supplémentaires sont déjà en augmentation. Je ne doute pas que la mesure d’affectation de l’ISF au financement des PME remportera du succès. Nous devrons en tenir compte dans l’évaluation des recettes fiscales mais nous en recueillerons par ailleurs les fruits. De plus, le pouvoir d’achat redistribué par la loi TEPA a un réel impact sur la bonne tenue de la consommation en France, malgré un environnement plus compliqué qu’en juillet dernier.

Je partage votre analyse sur la fraude fiscale, monsieur Carcenac. Le ministère présentera plusieurs initiatives à la rentrée. Il ne s’agit pas de mener une chasse trop zélée mais de lutter contre la grande fraude. La délégation nationale à la lutte contre la fraude travaille à établir des typologies de fraude récurrente et à déterminer, en fonction des résultats, si l’arsenal réglementaire et judiciaire permet une lutte efficace. Il s’agira ensuite de remédier aux lacunes constatées dans le PLF ou le PLFSS. Un travail méthodologique permettra d’intensifier la lutte contre la grande fraude fiscale ou sociale.

Cette lutte doit cependant être ressentie comme juste. Il faut que les instructions fiscales soient respectées. Tout récemment, l’administration a livré des informations incomplètes sur les avantages fiscaux liés à la mobilité, tandis que les contrôles ont été effectués comme si l’information avait été complète. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher au contribuable la mauvaise foi ! Il faut veiller à la qualité de l’information en amont.

M. Charles de Courson a demandé ce que le Gouvernement ferait si la situation n’était pas conforme aux prévisions. Mais nous définissons notre action en fonction de ce que nous prévoyons… Pour le reste, il faut chercher à s’adapter. Je pense vraiment que la RGPP sera très productive. J’ai affirmé qu’elle est partout et c’est l’exacte vérité. Le fait que tel ou tel ministre remette en cause l’un ou l’autre des schémas définis, comme cela s’est encore produit ce matin, montre bien que l’on est au cœur du processus. Nous devons exploiter encore mieux cette mine d’informations, tant en ce qui concerne l’organisation des structures que dans le domaine des politiques publiques. Dès la rentrée, la RGPP comportera trois branches : la première poursuivra le travail sur l’organisation des services publics ; la deuxième se consacrera à la mise en œuvre des 336 mesures du comité de pilotage ; la troisième devra vérifier que les conclusions de la RGPP débouchent bien sur des solutions, en concertation avec les parlementaires et les partenaires sociaux.

Au total, les gisements restent importants en matière de réduction de la dépense publique. Pour ce qui est de la préservation des recettes, la prudence s’impose.

S’il fallait encore élargir la norme, on engloberait des dépenses que je considère comme moins pilotables que celles qui sont déjà intégrées. Cela me semble peu compatible avec l’idée même de norme. Je propose que nous construisions ensemble l’objectif de dépense fiscale.

M. Charles de Courson. L’objectif en la matière serait-il une croissance zéro ?

M. Éric Woerth : Je n’ai rien fixé, bien entendu.

Le Président Didier Migaud : De toute façon, cet objectif serait impossible à tenir en 2009.

M. Éric Woerth : Il faut évaluer objectivement tout le dispositif.

En ce qui concerne les pensions civiles, je sais bien que la cotisation des fonctionnaires ne couvre qu’une faible partie de la dépense. Cela dit, peut-on à la fois restreindre l’évolution du point d’indice – et le débat sur ce point est déjà très lourd –, se diriger vers une rémunération au mérite, parvenir à une rémunération collective limitée, assurer la garantie individuelle de pouvoir d’achat, jusqu’à ce que l’on ait une fonction publique de métiers – réforme qui suppose une refonte totale des grilles –, et aborder ce sujet ?

Les transferts de l’État aux collectivités locales font l’objet de plusieurs hypothèses que je viens de soumettre au Premier ministre. Il en retiendra une et en informera demain la conférence des exécutifs locaux. Nous en discuterons, j’imagine, dans la confiance et dans la joie… Cela dit, le lien État-collectivités locales doit suivre la discipline que l’État s’impose à lui-même.

Le Président de la République souhaite tenir certaines promesses que l’on a faites à une époque précédente au sujet de la TVA sur la restauration. Je ne saurais préjuger de l’issue du débat européen.

Je renvoie M. Hervé Mariton à Mme Christine Lagarde pour ce qui concerne le calendrier de la RGPO. Les travaux sur la taxe professionnelle et sur d’autres sujets avancent. Mercredi prochain, la ministre de l’Économie réunira des parlementaires pour évoquer la partie fiscale du PLF pour 2009 et 2010.

Je suis d’accord avec M. Jacques Pélissard : il faut donner plus d’autonomie aux collectivités locales. Le Premier ministre l’a dit l’année dernière et il va falloir maintenant le faire, sachant que le sujet de la fiscalité locale est extrêmement sensible. L’autonomie constitue sans nul doute la vraie réponse, la contrepartie étant la capacité à mieux définir la fiscalité et à être jugé par les électeurs sur les réalisations.

L’inflation a en effet un coût, monsieur Hervé Mariton, mais les surplus de recette qui lui sont liés sont minimes. Il s’agit en effet d’une inflation liée au prix des matières premières et non à une avancée rapide, voire une surchauffe, de l’économie. C’est une nouveauté. Le pouvoir d’achat ne suit pas : la TVA payée par les consommateurs réduit d’autres dépenses. Quand un prix augmente, ils consomment moins ailleurs. La stabilisation actuelle des recettes de TVA tient à ce que la consommation ne se porte pas si mal. Mais l’inflation représente un coût net.

Nous retenons pour 2009 la création de 200 000 emplois.

Je compte annuler l’autre moitié de la mise en réserve, soit 3 milliards d’euros. Le reste aura servi à couvrir la mauvaise surprise que constitue la charge de la dette.

Pour ce qui est des priorités en matière d’économies, je vous renvoie à la discussion budgétaire, lorsque nous pourrons vous présenter des chiffres exacts. Le « zéro volume » prévu pour la défense comprend les dépenses de personnel. Le modèle retenu est le recyclage des économies réalisées en matière de fonctionnement – emplois, immobilier, etc. – en dépenses d’équipement.

Je ne partage pas l’avis de M. Hervé Mariton sur un éventuel transfert de la branche famille vers la branche vieillesse. C’est le même citoyen qui, à certains moments, bénéficie de prestations familiales, est au chômage, est malade, prend sa retraite… Il faut couvrir ces aléas de la vie qui concernent une même personne. C’est la base du pacte social que l’État se doit de garantir. Dès lors que les excédents de la branche famille apparaissent durables et que la branche vieillesse connaît de réels problèmes, le transfert des avantages familiaux de la retraite – par exemple le départ anticipé – vers la branche famille semble cohérent.

Pour ce qui est des questions posées par M. Jacques Pélissard, mieux vaut attendre les déclarations que le Premier ministre fera demain sur le sujet.

Enfin, je pense que la dette française est plutôt bien gérée. Le fait que 10 % de son montant soit distribué sous forme d’obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation – OATI – ne saurait constituer une erreur. La répartition du risque ne peut éviter l’exposition au risque.

Le Président Didier Migaud : Merci, monsieur le ministre. Nous nous retrouverons mardi matin en séance publique.

Ensuite la Commission a autorisé la publication du rapport du Rapporteur général.

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