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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Vendredi 26 septembre 2008

Séance de 12 heures 30

Compte rendu n° 122

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le projet de loi de programmation des finances publiques et sur le projet de loi de finances pour 2009

Le Président Didier Migaud. Je veux saluer le progrès que constitue la loi de programmation des finances publiques pour la transparence et la visibilité de l’action publique. Quels que puissent être nos désaccords sur le fond, cet outil sera utile tant au Gouvernement qu’aux parlementaires et à l’opinion publique, puisqu’il permet de préciser davantage les intentions et de les resituer dans un contexte global et pluriannuel.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi. Je souhaite faire le point avec vous sur le contexte économique et le scénario macroéconomique retenu pour 2008 et 2009 dans ce projet de loi de finances. Je vous présenterai ensuite la politique fiscale que traduit ce texte, avant qu’Éric Woerth ne vous parle du budget, de la maîtrise des dépenses et de la trajectoire de déficit qui lui est associée.

Ma présentation ne se limitera pas à l’année 2008-2009, puisque j’évoquerai aussi le cadrage macroéconomique pour la période 2009-2012.

Quelles sont les caractéristiques de ce budget ? C’est d’abord un budget de vérité. Compte tenu de la situation économique, nous l’avons bâti sur une hypothèse de croissance prudente, que je qualifierai de « conservatrice ». C’est ensuite un budget orienté vers la croissance durable. C’est, enfin, un budget qui s’inscrit dans un souci de justice fiscale – avec le débat sur les niches, sur lequel je reviendrai à propos de la politique fiscale.

L’environnement économique reste difficile : au deuxième trimestre 2008, la croissance a été de moins 0,2 % dans la zone euro. Elle s’est établie à moins 0,3 % pour la France, en raison notamment du repli de nos exportations et d’un contexte international très dégradé. Nous ne sommes pas isolés : sur la même période, la croissance a été de moins 0,5 % en Allemagne, moins 0,3 % en Italie et moins 0,7 % au Japon. Ce contexte est cependant très différent des épisodes de croissance négative antérieurs. Même la récession du début des années 1990, née de la réunification allemande, de taux d’intérêt très élevés, d’un taux de chômage de 10,8 % et d’agents privés devenus largement insolvables, n’a guère à voir avec la situation actuelle. Le taux de chômage – 7,2 % – est en effet à son plus bas niveau depuis 1983, les agents sont nettement plus solvables et le crédit bancaire ne s’est pas effondré en France. Les fondamentaux de l’économie ont bien résisté au premier semestre : le crédit aux agents privés a continué de croître, de 11 % en juillet, tout comme les créations d’entreprise, avec 29 000 à 30 000 créations chaque mois. La France a en outre amélioré sa situation relative par rapport à la moyenne de la zone euro, qu’elle est en train de rattraper.

Depuis juillet, un certain nombre de mécanismes de rééquilibrage sont à l’œuvre. Malgré un environnement international difficile et l’approfondissement de la crise financière aux États-Unis, deux éléments favorables perdurent. Après une augmentation de près de 95 % en dix mois, le prix du baril de pétrole connaît un net décrochage. De même, alors que nous étions arrivés à un taux de change de 1,60 dollar pour un euro, nous sommes redescendus aux alentours de 1,44 nonobstant les sérieuses difficultés financières que nous connaissons aujourd’hui.

On peut donc espérer que la situation s’améliore graduellement, à partir d’un point bas au premier trimestre 2009, puisque l’année s’ouvrira avec un très faible acquis de croissance.

L’environnement international est aujourd’hui marqué par une grave crise financière, conséquence d’un profond dérèglement du fonctionnement des marchés financiers, qui trouve son origine aux États-Unis. Après des années marquées par une abondance de liquidités et des taux d’intérêt très bas, le secteur financier fait depuis un mois l’objet d’une véritable purge. La prévision de croissance des États-Unis pour 2009 s’établit donc à 0,5 %, contre 1,6 % pour 2008.

La zone euro n’est certes pas immunisée contre les effets de cette crise, mais sa situation économique et financière est différente de celle des États-Unis. Les désordres interbancaires y sont en effet beaucoup moins graves. Les agents y sont restés beaucoup plus solvables et sont pour l’essentiel endettés à taux fixe. Les effets de richesse y jouent moins. Enfin, l’ajustement immobilier est beaucoup plus graduel en France qu’aux États-Unis ou dans des pays comme l’Irlande ou l’Espagne. Malgré des pertes importantes, notre système financier demeure donc solide. Contrairement à nombre de banques américaines, qui dépendent à 100 % de leur activité de marché ou d’investissement, les grandes banques françaises tirent 75 % de leurs revenus de l’activité de dépôt. Il semble donc que nos acteurs financiers puissent mieux résister à la crise actuelle.

Comme la plupart des économistes, le Gouvernement s’attend donc à un redémarrage de l’activité à partir du printemps 2009. Nous sommes convaincus que c’est la poursuite de la réforme qui permettra à notre économie de résister à un environnement international défavorable et de bénéficier à plein de la reprise de la croissance.

Au-delà de la loi TEPA, de la loi de modernisation de l’économie et de la réforme du crédit impôt recherche, la politique de l’emploi contribuera à améliorer le fonctionnement de notre économie. Elle est ciblée sur les populations les moins insérées et les plus éloignées du travail – je pense aux seniors, avec le plan que nous avons annoncé en juin, aux jeunes des quartiers défavorisés, avec un objectif de 45 000 contrats d’autonomie signés pour cette année, et aussi à la réforme de la formation professionnelle, que nous mettrons en œuvre avant la fin de l’année.

La prévision de croissance pour 2008 – 1 % – est conforme à celle de l’OCDE. Les circonstances économiques nous ont bien sûr conduits à la réviser régulièrement au cours des douze derniers mois, mais elle est toujours restée conforme, à 0,1 % près, à celle du FMI, de la Commission européenne ou de l’OCDE.

Le Gouvernement s’engage, comme il l’a fait auprès de nos partenaires européens et de la Commission, à ce que le déficit public n’atteigne pas 3 % du PIB et, ainsi que cela a été convenu lors du Conseil ECOFIN informel de Nice au début du mois, à laisser jouer les stabilisateurs automatiques.

J’en viens à la politique fiscale, que je qualifie de cohérente : le volet fiscal de ce budget s’inscrit en effet dans la continuité de la politique que nous menons depuis un an.

J’ai publié début juillet un document sur la mise en perspective de la politique fiscale. Elle vise bien sûr le retour à l’équilibre des finances publiques. Compte tenu des aléas qui pèsent sur la croissance, le Gouvernement s’est donné comme cadre de travail un taux de prélèvements obligatoires stable de 43,2 % sur la période 2008-2012. Pour mémoire, ce taux s’élevait à 43,9 % en 2006 et à 43,3 % en 2007. Cette stabilité des prélèvements obligatoires sur la période n’empêche pas de faire évoluer telle ou telle imposition à la hausse ou à la baisse, dès lors que les prélèvements obligatoires dans leur ensemble restent stables.

Sur la période pluriannuelle, le montant net des allègements d’impôts, c’est-à-dire les diminutions d’impôts moins les augmentations d’impôts, s’élève à plus de 10 milliards d’euros. Ce calcul prend en compte les dispositions du projet de loi de finances pour 2009. Parmi les baisses d’impôts figurent naturellement celles qui résultent de la loi TEPA
– dispositif relatif aux heures supplémentaires, allègement des droits de succession, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale –, ainsi que le crédit impôt recherche, la suppression de l’impôt forfaitaire annuel, qui est l’une de nos principales propositions pour les trois prochaines années, ou encore l’incitation à l’intéressement. Au titre des hausses figurent le financement du RSA et de l’audiovisuel public, la fiscalité environnementale ou les mesures de redressement de la sécurité sociale.

Notre politique fiscale est au service d’objectifs économiques, au premier rang desquels figure la stimulation de l’investissement. La loi de finances pour 2008 a ainsi prévu le triplement et la simplification du crédit impôt recherche et la possibilité d’affecter l’ISF au financement des PME. Nous proposons aujourd’hui de supprimer l’impôt forfaitaire annuel en trois ans. Le Président de la République nous a en outre engagés à réfléchir à la suppression de la taxe professionnelle avec les représentants des différents échelons territoriaux.

Autre objectif : plus de justice fiscale et d’équité fiscale. Trois des quatre niches fiscales non plafonnées jusqu’à présent – le régime dit « Malraux », les réductions d’impôts au titre des investissements outre-mer et le régime des loueurs en meublé professionnels – seront plafonnées.

Dernier objectif, une croissance durable, avec les dispositifs facilitant l’investissement dans la rénovation de l’habitat ou dans l’accession à la propriété d’immeubles conformes à la norme la plus exigeante. Nous améliorons les dispositifs existants – on dit alors qu’on les « verdit » –ou nous élargissons le champ d’application de mécanismes de type prêt à taux zéro, qui concerneront non plus seulement l’accession à la propriété, mais aussi l’amélioration de l’habitat et la mise aux normes environnementales. Parmi les autres mesures au service d’une croissance durable figurent encore des aides à la filière bois et à l’agriculture biologique, une hausse de la TGAP destinée notamment à encourager le recyclage des déchets, une réduction progressive de la défiscalisation des biocarburants, processus déjà engagé en Allemagne, et l’extension de la taxe kilométrique sur les poids lourds à tout le territoire à partir de 2011, la taxe à l’essieu étant quant à elle ramenée au minimum communautaire.

M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le Président de la République l'a clairement dit hier : face aux difficultés de l’économie mondiale, l’impératif est celui de la vérité. Pour affronter les difficultés, rien ne sert de les nier ou de les minimiser : il faut les assumer. L’impératif, c'est aussi que l'État incarne la responsabilité, la vigilance, l'exactitude dans la gestion de l'argent des Français. Quand l'incertitude est aussi forte, que certains bilans ne veulent plus rien dire et que, cette nuit encore, des banques font faillite, jamais sans doute les Français n'ont autant attendu de l'État qu'il incarne la transparence, le réalisme, le sérieux, en un mot tout ce qui fonde la confiance.

C’est ce que nous faisons aujourd'hui. Pas avec le seul budget de l'État, pas sur une seule année, mais pour toute la sphère publique et sur toute la législature. Je vous présente pour la première fois, conjointement avec le projet de loi de finances, le projet de loi de programmation des finances publiques. Et ce sont ces valeurs de transparence, de réalisme et de responsabilité que ces projets incarnent.

La transparence d'abord.

Le déficit de l'État prévu pour 2008 était de 41,7 milliards d'euros. Il s'établirait à 49,4 milliards. Pourquoi ? D’abord parce qu'il y a moins de recettes fiscales en raison de la faiblesse de la croissance. J'avais parlé en juin de 3 à 5 milliards de moins. L'évolution de la conjoncture me conduit à retenir désormais 5 milliards. Ensuite, parce que la charge de la dette a augmenté plus vite que prévu, de 4 milliards d'euros, notamment à cause de l'inflation. Environ 15 % des obligations du Trésor sont en effet indexées sur les prix.

Mon objectif est que, hormis cette mauvaise surprise, le niveau des dépenses que vous avez voté soit scrupuleusement respecté. Même en tenant compte de ce dépassement de 4 milliards, la progression des dépenses reste du reste inférieure à l'inflation, comme je m'y étais engagé. La fameuse norme « zéro volume » est respectée.

Transparence pour 2008, transparence aussi pour 2009 : on ne me prendra pas en flagrant délit d'insincérité ou de brouillage – nous devons aux Français des comptes clairs et des comptes justes.

J'ai commencé l'année dernière en remboursant la dette de l'État à la sécurité sociale et en combattant les sous-dotations chroniques. Je poursuis cet effort cette année, avec près d’un milliard d'euros supplémentaires consacrés à la mise à niveau de dotations historiquement sous-dotées – remboursements à la sécurité sociale, OPEX, AME…

Je me suis également attaché à mettre fin à des pratiques de débudgétisation qui ne sont pas à la hauteur de ce que l’on attend des comptes publics. J’ai ainsi décidé que l'État devait reprendre la dette du FFIPSA et lui apporter des ressources durables pour réduire l'impasse de financement – cela représente 1,5 milliard.

M. Jérôme Cahuzac. Le compte n’y est pas.

Le ministre du Budget. J’ai également assuré le financement de l’AFITF, avec une subvention de 1,2 milliard.

Sans ces opérations « mains propres », le déficit de l'État serait resté stable en 2009. Avec ces opérations, il atteindra 52 milliards, au lieu d’un peu plus de 49. Avec des sous-budgétisations, en laissant s'accumuler les dettes, on peut toujours faire du déficit « à la découpe ». Je refuse cette logique pour mettre chacun face à ses responsabilités.

Transparence donc, mais aussi réalisme. Nous avons construit le budget sur une hypothèse de croissance de 1 %, et nous avons retenu une hypothèse de progression des recettes fiscales inférieure à celle de l'activité.

Jamais budget n'a été présenté sur des bases aussi prudentes. Le taux d’élasticité entre le taux de croissance et la recette fiscale est fixé à 0,8 %. C’est l’attitude responsable que les Français attendent de nous.

On peut raisonnablement penser que la faible croissance de 2008 et 2009 sera suivie d'un rebond en 2010. Nous préférons cependant retenir une hypothèse de croissance prudente de 2,5 % sur 2010-2012.

Le troisième maître mot de ces projets de loi, c'est la responsabilité. Nous sommes rattrapés par le passé, et il faut en tirer les conséquences.

C’est d’abord la dette accumulée les trente dernières années qui nous rattrape. Je vous l'ai dit l'an dernier, le temps est révolu où la baisse des taux d'intérêt masquait sa progression. Je vous ai avertis que les « bonnes surprises » sur les intérêts appartenaient au passé. Ce qui devait arriver est arrivé : la charge de la dette augmente de 4 milliards cette année, et elle augmentera dans l'avenir de plus de 2 milliards par an.

Nous sommes aussi rattrapés par la démographie, puisque l'arrivée des générations du baby boom à l'âge de la retraite se traduit pour les finances publiques par une dépense annuelle de pensions de 13 milliards supplémentaires. Nous avons confirmé la prolongation de la durée de cotisation décidée en 2003 et défini un « plan seniors » ambitieux, mais nous devrons assurément nous donner rendez-vous en 2010 pour un nouvel état des lieux.

En de telles circonstances, un Gouvernement responsable doit avoir une stratégie claire. Nous l'avons. Elle est, évidemment, de tenir compte des contraintes extérieures qui pèsent lourdement sur nos finances publiques ; de consolider nos objectifs d'assainissement des comptes ; de sécuriser, enfin, le financement de nos priorités politiques.

Je m’attarderai un instant sur l'impact des contraintes extérieures sur nos finances publiques car, pour démontrer la difficulté de l'exercice, il faut mesurer ce que représente le retournement de la situation économique. Alors que, pendant les meilleures années, le surplus de recettes fiscales a pu atteindre 10 milliards, nous nous attendons à ce qu’elles soient en recul de 5 milliards et, pour les exercices 2008 et 2009 cumulés, ce sont 20 milliards de recettes qui nous font défaut à cause de la faible croissance.

Notre réponse n'est jamais de rééquilibrer les comptes par la hausse des impôts, mais au contraire de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense publique et, à terme, de la dette publique…

M. Jérôme Cahuzac. Mais elle augmente !

Le ministre du Budget. Il n’est pas question d’arguer de la conjoncture pour nous exonérer de l'effort sur la dépense. Au contraire, nous allons réaliser un effort structurel colossal sur la dépense – un demi-point de PIB, soit 10 milliards – et nous le faisons dès 2008. Cet effort sans précédent est la clé de notre stratégie. Puissant et régulier, il nous permettra d'abord de stabiliser nos finances dans cette période difficile. Le déficit public sera stable en 2008 et 2009, s’établissant à 2,7 points de PIB, comme en 2007 et, en poursuivant dans cette voie, nous retrouverons dès 2010 le chemin de l'équilibre, pour arriver à un déficit de 0,5 point de PIB en 2012.

La progression de la charge de la dette et des pensions nous est imposée, au moins à moyen terme. Pour le reste des dépenses, faisons-nous ce qu'il faut ? Depuis que le financement du RSA fait débat, j'entends dire que nous ne faisons pas assez, qu'il aurait été facile de trouver 1,5 milliard d'économies supplémentaires mais que le courage nous manque pour les trouver. Or, je le dis haut et clair : la maîtrise de la dépense est sans précédent. Construire pour trois ans trois budgets sincères, ainsi conçus que les dépenses de l'État ne progressent pas plus que l'inflation, a requis une considérable volonté politique. C'est le fruit du travail du Gouvernement dans son entier, sous l'autorité vigilante du Premier ministre.

Je vous avais dit que je diviserais par deux le rythme de croissance de la dépense publique en euros constants ; c’est une des clés de notre stratégie, et nous réussirons cette année. En 2008, la croissance de la dépense publique sera d’environ 1 %, et nous continuerons dans cette voie, réalisant 10 milliards d'économies chaque année par rapport à la tendance historique.

S’agissant de l'État, les dépenses d'intervention et de fonctionnement des ministères en euros courants sont stabilisées sur la législature. La croissance des dotations aux collectivités locales est limitée à l'inflation. J’observe que, si ces efforts avaient été réalisés sur les dix dernières années, le budget de l'État serait à l'équilibre, ce qui nous placerait dans une position nettement plus favorable pour affronter la crise actuelle et préparer l'avenir.

Nous avons donc fait entrer l'éléphant dans la valise, à un élément près, le RSA. Le calendrier fait que vous en débattez d'abord, mais cela ne doit pas créer d'illusion d'optique. Le RSA, qui a demandé un financement complémentaire spécifique – dont Mme Lagarde a fait état dans sa présentation des prélèvements obligatoires en plus et en moins –, constitue la partie émergée de l'iceberg, mais la partie immergée, uniquement financée par des économies et des redéploiements, est incomparablement plus importante.

Ce projet de budget traduit une recherche d'efficacité dans tous les domaines. Toutes les économies, notamment celles que permet la RGPP, ont été exploitées. J’en donnerai quelques exemples : les aides à l'innovation seront désormais concentrées sur les entreprises de moins de 5 000 salariés ; plus de cinquante directions d'administration centrale ou structures équivalentes sont supprimées ; le fonctionnement du 1 % logement va être amélioré ; l'organisation des fonctions de soutien du ministère de la Défense va être profondément modifiée.

Grâce à cette recherche systématique d'efficacité des dépenses, pour la première fois nous n'allons pas remplacer près d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique, ce qui représente une baisse des effectifs de 30 600 emplois. Nous faisons en un an autant que pendant tout le quinquennat précédent, et cela sans reporter la charge sur les opérateurs puisque, pour la première fois, conformément aux directives que j'ai données aux représentants de l'État, leurs effectifs baisseront en 2009. C'est aussi grâce à cette méthode que tous mes collègues ont les moyens de leurs politiques, sans qu'il ait été besoin de leur attribuer les 15 milliards supplémentaires qu’ils demandaient.

C'est grâce à elle toujours que nous avons pu saluer l'effort des fonctionnaires en matière de réforme de l'État, en leur rendant, conformément à l'engagement du Président de la République, la moitié des économies réalisées par les suppressions d'emplois. Je précise incidemment qu’André Santini et moi-même avons mis fin à l’invraisemblable pratique consistant à négocier le point d'indice une fois le budget voté. Nous l'avons discuté très en amont, et pour les trois prochaines années.

De cet effort sans précédent sur les dépenses, il n'était pas possible d'exempter les collectivités locales. Les relations entre l'État et les collectivités locales sont complexes, je le sais ; mais nous respectons nos engagements, et les concours de l'État aux collectivités territoriales se verront appliquer strictement la même norme d'évolution que celle des dépenses de l'État, c'est-à-dire l'inflation. Ces concours augmenteront ainsi de 1,1 milliard en 2009, FCTVA compris et, si l’on considère les transferts de l'État de manière globale, la progression sera même de 2,3 milliards, ce qui équivaut au budget de l'outre-mer.

L'effort portera également sur la sécurité sociale. En 2009, nous parviendrons à stabiliser le déficit du régime général aux alentours de 9 milliards en dépit de la mauvaise conjoncture. Pour l'assurance maladie, l'ONDAM est fixé à 3,3 % ; nous évitons ainsi et l'optimisme de façade – un objectif que l'on sait impossible à atteindre – et la résignation qui conduit à laisser filer les dépenses plus vite que nos moyens. Comme le montre la tenue des dépenses en 2008, il existe une voie médiane, et l'ambition peut être réaliste quand on s'en donne les moyens. Mais, pour parvenir à l'équilibre de l'assurance maladie en 2011, il faut consentir à un effort collectif gigantesque. Ce n'est pas seulement par la loi que nous comblerons les déficits de l'assurance maladie, mais aussi par des changements de comportements et par une action puissante et soutenue des gestionnaires, et je n'accepte pas de faire passer l'efficacité par pertes et profits au prétexte que seule la qualité compte.

Je reviendrai, lundi, sur la sécurité sociale en présentant le PLFSS, mais je puis déjà souligner que nous avons pris nos responsabilités en reprenant la dette du régime des salariés et des exploitants agricoles, en apportant des recettes nouvelles à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse et en fixant des objectifs de dépense réalistes.

Que l'État peut-il faire de plus ? Mettre chaque gestionnaire face à ses responsabilités, pour que son seul souci soit de respecter ses objectifs. Il ne faut plus considérer que le dépassement est de droit. D'ailleurs, le dépassement de l'ONDAM en 2008 sera très nettement inférieur à ce qu'il a été l'an dernier. Cet effort marqué et constant sur toute la dépense publique est un apport majeur de la loi de programmation.

En avons-nous fait assez ? Notre effort est régulier et calibré pour la période actuelle ; plus brutal, il serait dangereux, et nous ne pouvons risquer de transformer la reprise en « re-crise ».

J'ai entendu parler de « budget de rigueur ». Or un budget de rigueur se traduit par des coupes importantes et des hausses massives d'impôt; il n’y a rien de tel dans ce budget. La maîtrise des dépenses ne sacrifie en rien les dépenses prioritaires, au contraire : la recherche et l'enseignement supérieur, le Grenelle de l'environnement, la valorisation du travail sont au cœur de ce budget car ce sont les véritables réformes porteuses de croissance.

Les moyens alloués à la recherche et l'enseignement supérieur sont sans précédent. S’élevant à 1,8 milliard supplémentaire par an, ils permettront le financement des chantiers engagés par le Gouvernement que sont l’autonomie des universités, le renforcement de l’excellence de la recherche publique et la dynamisation de la recherche privée. Le Grenelle de l'environnement est un engagement crucial du Président de la République et du Gouvernement. Son financement met en œuvre tous les leviers nécessaires à ce changement radical : des crédits budgétaires bien sûr, mais aussi des leviers réglementaires et fiscaux. Le projet de loi de finances propose ainsi un verdissement général de la fiscalité. La revalorisation du travail se poursuit avec la montée en puissance des lois sur l'emploi et le pouvoir d'achat, par la rationalisation, conforme à la RGPP, des contrats aidés et des dispositifs d'exonérations ciblés, et par la généralisation du RSA.

Pas de coupes sombres donc – au sens où l'on taillerait dans les crédits sans discernement –, ni de hausses d'impôt. Toute notre stratégie, je le répète, consiste à réduire les dépenses publiques et non à augmenter les prélèvements obligatoires. Faut-il pour autant bloquer toute évolution de la fiscalité ? Non, bien entendu. Les mesures fiscales contenues dans ce projet sont globalement équilibrées. Mais, sauf à se complaire dans l’immobilisme, il faut accepter que certains impôts croissent pour que d'autres diminuent. En tout état de cause, le bilan pour cette année n'est qu'une petite partie de l'histoire, et je tiens à rappeler que les mesures décidées depuis le début de la législature ont pour conséquence plus de 10 milliards de baisse de prélèvements.

Sécuriser les recettes est crucial. À cet égard, créer des niches fiscales pour les substituer à la dépense budgétaire n’est pas une solution. Pour la première fois, nous présentons une évolution pluriannuelle des recettes, et nous établissons des règles relatives aux niches fiscales et sociales, ce qui devenait impératif. La loi de programmation prévoit donc un objectif annuel de dépenses fiscales et sociales, l’évaluation des crédits d'impôt, le plafonnement des niches qui ne le sont pas à ce jour, et l'assurance que l’on met un terme à leur prolifération.

Le Gouvernement sera par ailleurs très ouvert aux initiatives parlementaires portant sur le plafonnement global des niches, qui est une mesure de justice comme l’est le bouclier fiscal. Il était choquant que l'on puisse avoir à donner plus de la moitié de ses revenus à l'État, mais aussi que, grâce aux niches fiscales, on puisse s'exonérer complètement d'impôt sur le revenu. Aussi ne faut-il pas percer le bouclier mais créer un « plancher fiscal ». Mme Lagarde et moi-même sommes aussi prêts à aborder, lors du débat budgétaire, la limitation de la durée de certains crédits d'impôt.

Ce projet de budget marque donc la fin des artifices budgétaires et une étape majeure vers une plus grande transparence des comptes publics. Il traduit un effort de maîtrise des dépenses sans équivalent depuis trente ans, avec une réduction du déficit structurel de 0,5 point de PIB chaque année. Plus généralement, il reflète une stratégie pour les finances publiques, en sortant du cadre strictement annuel et du seul budget de l'État.

Le Président Didier Migaud. Je remercie les ministres et, selon l’usage, je donne en premier lieu la parole au rapporteur général.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Je vous remercie à mon tour, madame la ministre, monsieur le ministre, pour ces exposés qui reflètent un souci de vérité et de responsabilité. Trois mots caractérisent ce projet de budget : clairvoyance, équité et réalisme.

Clairvoyance car, comme nous l'avions demandé, afin qu’en cette période de très grandes difficultés économiques internationales auxquelles notre pays ne peut échapper, les déficits ne se creusent pas, le Gouvernement a protégé les recettes. Pour cela, il a fait le choix de la compétitivité des entreprises par la suppression en trois ans de l’impôt forfaitaire annuel – et, je l’espère, bientôt celle de la taxe professionnelle – avec, en contrepartie, la réduction progressive de l’exonération de TIPP sur les biocarburants.

Ce choix est d’autant plus justifié que les mesures de soutien à l’économie que nous avons décidées il y a un an vont produire leurs effets au moment où nous en avons le plus besoin, qu'il s'agisse du soutien du pouvoir d'achat par la revalorisation du travail avec le dispositif relatif aux heures supplémentaires, de la mise en œuvre du RSA dès le 1er juillet 2009, ou encore du soutien à la compétitivité des entreprises par le biais du crédit impôt recherche, qui connaît un vrai succès. De plus, alors que le crédit aux PME risque de se contracter et en tout cas de renchérir, nous leur avons heureusement permis un apport d'un milliard de fonds propres par l’exonération partielle d’ISF. Cette mesure prend tout son effet maintenant, tout comme les dispositions de la loi de modernisation de l’économie. Je soulignerai encore notre soutien ciblé à certains secteurs cruciaux en temps de crise. Ainsi avons-nous pris les mesures nécessaires pour soutenir le logement social – et je rappelle à ce sujet que 100 000 logements sociaux sont produits, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. D’autres pays européens adoptent maintenant, pour faire face à la crise, des mesures similaires, celles que nous avons l’avantage d’avoir décidées il y a un an. Autrement dit, le projet de budget qui nous est présenté doit être replacé en perspective, car il s’articule avec la loi TEPA, la loi de modernisation de l’économie et les dispositions de la loi de finances pour 2008 relatives au crédit impôt recherche. Un ensemble de dispositions fiscales a ainsi été constitué, particulièrement adapté à la période actuelle.

Équité ensuite puisque, au-delà de la généralisation du RSA est enfin prévu le plafonnement de toutes les niches fiscales. De plus, le Gouvernement s’est dit ouvert à l’idée de leur plafonnement global par voie d’amendement parlementaire. Les mesures proposées s’inspirant directement des recommandations de la mission que nous avions formée, je suis heureux de constater que l’inlassable travail de notre Commission à ce sujet a porté ses fruits. Je m’en réjouis d’autant plus que le problème est posé depuis vingt ans et qu'aucune majorité n’avait eu le courage de s’y attaquer pour rétablir l’équité fiscale.

Le projet se caractérise encore par son réalisme. Depuis 2004, en exécution, les recettes fiscales ont toujours été supérieures aux prévisions. Pour 2008, on prévoit une ressource inférieure de 5 milliards à la prévision initiale, mais le décalage sera bien plus grand dans d’autres pays européens. En 2009, nous resterons dans une séquence vertueuse : taux de croissance estimé à 1 %, calibrage des recettes à 1 % et taux d’élasticité de 0,8 %. Ne nous berçant pas d'illusions, nous éviterons toute mauvaise surprise. Quel changement avec d'autres temps !

S’agissant de la maîtrise des dépenses, le terme mis à l’indexation sur la seule inflation a été une mesure de première importance. Pour les ministères proprement dits, l’accroissement de la dépense est fixé à zéro, ce qui explique que, pour financer la recherche, il faille trouver de l'argent ailleurs. Pour le reste, les engagements pris – service de la dette, dotation aux collectivités locales, prélèvement européen – doivent être tenus. Je souligne que la forte maîtrise des dépenses publiques résulte de la RGPP, qui a permis d’étudier la dépense secteur par secteur. Ce faisant, nous sommes dans la droite ligne de ce que recommandait en son temps notre Président Didier Migaud, alors rapporteur d'une certaine Commission : que l’on dépense mieux en dépensant moins. C’est la démarche qui a conduit à la LOLF, considérable innovation budgétaire. Il ne s’agit pas de dégrader le service public, mais d’améliorer l’efficacité de la dépense, et je suis convaincu que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’aura aucun impact sur la qualité des services publics – au contraire.

Les collectivités territoriales sont protégées puisque l’évolution de leur dotation est la même que celle du budget de l’État – une augmentation de 2 %. Bien sûr, ce peut être dur, mais je note que le Gouvernement a, fort justement, choisi de protéger l’investissement des collectivités locales en ne remettant pas en cause les règles du FCTVA. D’autre part, par la taxe d'habitation et la taxe professionnelle, les collectivités disposeront de 1 milliard supplémentaire, si bien que leurs ressources progresseront en réalité de 3,2 %, beaucoup plus que celles de l’État.

Je me réjouis par ailleurs du moyen imposé par le ministre du Budget pour qu’une solution soit enfin trouvée à la lancinante question du FFIPSA ; de même, la vérité sur la dotation publique à l’AFITF et l'abondement de missions sous-dotées traduisent le souci de sincérité complète de ce projet de budget.

Quelques mots sur le projet de loi de programmation pluriannuelle, un texte ardemment voulu par notre Commission. Nous attendons beaucoup de cet exercice et le projet que vous nous présentez va largement dans le sens que nous souhaitons, qu’il s’agisse des recettes, des objectifs de dépenses fiscales ou du principe de la compensation de tout euro de dépense nouvelle par une économie identique. Ainsi le Gouvernement balise-t-il le retour au quasi-équilibre des comptes en 2012 avec un déficit de 0,5 point du PIB. D’évidence, cet outil nous sera très utile. Je note en particulier l’affirmation selon laquelle en trois ans la dépense de l’État n’augmentera pas plus que l’inflation.

Nous avons donc fait un progrès décisif dans la bonne gouvernance des finances publiques…

M. Dominique Baert et M. Jérôme Cahuzac. Voilà qui n’est pas très aimable pour un certain ancien ministre des Finances…

Le Rapporteur général. …en nous dotant d'outils qui permettront l’enclenchement d’effets vertueux aussitôt qu’un retournement favorable de la croissance se manifestera.

Vous connaissez maintenant mon avis sur ces textes, et j’en viens à quelques questions.

La première porte sur les recettes pour 2008. Appartenant, comme M. Mariton, à une commission qui suit l’évolution de la fiscalité pétrolière, j’aimerais savoir où nous en sommes car la baisse prévue du produit de la TIPP – 100 millions – me semble très faible. Qu’en est-il exactement ? La redistribution budgétaire envisagée par le Président de la République pour financer des mesures de solidarité sociale se fera-t-elle en associant TIPP et TVA ou seulement par l’affectation du surcroît de recettes de TVA ? Dans ce cas, quel sera-t-il, et quelle sera la perte de TIPP ?

S’agissant de la loi de programmation pluriannuelle, les mesures fiscales prévues pour 2009 s’équilibrent. Le même principe étant acquis pour la fiscalité environnementale, comment sera compensée la forte augmentation de l’éco-PTZ ?

En ce qui concerne les dépenses, ma question concerne la réserve de précaution. En 2008, elle ne permet pas de faire face à l’augmentation de 4 milliards du coût de la dette. Ne faudrait-il pas revoir la méthode, sachant qu’elle est calibrée de façon uniforme sur toutes les missions ? Chacun sait que, sur certaines, les crédits sont gelés de manière artificielle
– puisqu’ils ne peuvent pas ne pas être dégelés.

S’agissant de l’inflation, vous semblez raisonner pour 2008 par rapport à l’inflation réelle, qui a connu un ressaut, alors que jusqu’à présent on raisonnait toujours par rapport à l’inflation prévisionnelle. Est-ce une exception, ou faut-il considérer que la règle du « zéro volume » s’appliquera dans les années qui viennent en considération de l’inflation constatée, et non de l’inflation prévue ?

J’en viens au déficit. Depuis 2000, le déficit budgétaire de notre loi de finances était toujours corrigé à la hausse par Bruxelles dans son calcul selon les règles de Maastricht. Or, pour 2008 et les trois années suivantes, vous prévoyez que les clés de passage de l’un à l’autre nous seront au contraire favorables. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

Quant à la dette, pour maîtriser son évolution, il faut trouver des recettes. En 2009, vous prévoyez 5,5 milliards de recettes de privatisation. Quelle part pensez-vous affecter à la caisse d’amortissement de la dette ?

Le ministre du Budget. S’agissant de la fiscalité pétrolière, ce sont les recettes supplémentaires de TVA qui étaient visées par le Président de la République. Elles devraient en particulier contribuer au financement de la revalorisation, annoncée hier, de certains minima sociaux – RMI, ASS – sur la base de l’inflation constatée.

La fiscalité environnementale ne s’équilibre pas totalement. La TGAP va rapporter sur les trois exercices de la programmation environ un milliard supplémentaire, dont 200 à 300 millions en 2009. L’éco-PTZ ne va pas coûter très cher tout de suite car la montée en puissance du dispositif sera progressive : de moins de 100 millions l’année prochaine, on devrait passer à 200 ou 250 millions en 2010 et 400 à 500 millions à partir de 2011 ou 2012. Mais, parallèlement, le dispositif de crédit d’impôt en faveur du développement durable, qui coûte aujourd’hui 2,4 milliards, va être maîtrisé par une définition plus précise des équipements visés. De plus, à partir de 2012, la taxe sur les poids lourds – qui nécessite des équipements préalables – rapportera de 800 à 900 millions.

La réserve de précaution, c’est vrai, est environ pour moitié absorbée par des dépenses attendues ; l’autre moitié permet de financer des dépenses imprévues, telles que, en 2008, celles liées à la fièvre catarrhale ou à la situation en Afghanistan, ou encore – en principe – l’augmentation des prélèvements sur recettes de l’Europe et des collectivités locales. Une fois ces dépassements de dépenses absorbés par la réserve de précaution, il reste cette année celui correspondant à la charge d’intérêts de la dette. Pour l’année prochaine, dans la mesure où nous avons déjà demandé aux ministères des efforts très importants à plusieurs reprises, nous avons limité les gels automatiques.

Concernant l’inflation, nous ne tenons pas compte de l’inflation réelle, ce qui est évidemment plus difficile et plus vertueux en termes de maîtrise des dépenses : en 2008, le budget avait été construit sur une hypothèse d’inflation de 1,6 %, et la base 2008 utilisée pour construire le budget 2009 n’a pas été révisée en fonction de l’inflation réelle ; le budget de 2009 est fondé sur une hypothèse d’inflation de 2 % appliquée à cette base.

Cette année, le passage de notre comptabilité budgétaire à la comptabilité maastrichtienne nous est favorable. En 2007, certaines recettes non fiscales n’ont en effet pas été validées par Eurostat ; de plus, nous recueillons en 2008 les fruits de l’effort de sincérité que nous avons fait l’année dernière en matière de budgétisation. Les clés portent sur une dizaine de lignes – j’y reviendrai dans le débat en séance publique.

La ministre de l’Économie. En ce qui concerne les recettes de privatisation, la seule opération importante réalisée en 2008 concerne EDF, dont les actions ont été cédées à 82,5 euros et cotent aujourd’hui à 51 euros ; c’est donc pour l’État une opération patrimoniale réussie.

M. Jérôme Cahuzac. Vous ne pouvez pas dire cela !

La ministre de l’Économie. L’objectif de telles cessions d’actifs doit être prioritairement le désendettement de l’État.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est jamais le cas !

Le Président Didier Migaud. Nous en arrivons à une première série de questions.

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, ma première question concerne les heures supplémentaires.

Établissez-vous une relation et, si oui, laquelle, entre ce que vous estimez être le succès des heures supplémentaires et l’évolution préoccupante du chômage ? Confirmez-vous que les derniers chiffres du chômage révèlent une augmentation de 35 000 à 40 000 du nombre de chômeurs ?

À propos de la relation entre les heures supplémentaires et le pouvoir d’achat, confirmez-vous que le pouvoir d’achat des salariés du secteur marchand aura baissé cette année de 0,4 % ? Confirmez-vous que, pour les fonctionnaires, la baisse du pouvoir d’achat est de 0,9 %, comme l’indiquait la note de conjoncture de l’INSEE en juin, et que pour les retraités, elle est comprise entre 1,5 et 1,7 % ?

Ma deuxième question porte sur les prélèvements obligatoires. L’engagement avait été pris de les baisser de 4 points, c’est-à-dire de 68 milliards. Cet objectif est-il abandonné pour la mandature ?

Troisièmement, en ce qui concerne l’inflation, qui a fait l’objet de débats non seulement entre majorité et opposition mais aussi, semble-t-il, au sein du Gouvernement, confirmez-vous le chiffre que vous avez annoncé pour cette année ? Sur quoi vous fondez-vous pour prévoir une diminution l’année prochaine ?

S’agissant de la croissance, qui a sans doute fait l’objet de débats encore plus vifs, vous étiez passé d’une prévision comprise entre 2 et 2,5 % à une hypothèse de 1,7 %, mais dans la journée le Premier ministre l’a ramenée à 1 % ; des éléments nouveaux étaient-ils apparus entre votre intervention et la sienne ?

À propos du discours du Président de la République à Toulon, pouvez-vous tout d’abord nous indiquer ce que signifie la promesse d’apporter une garantie aux « épargnants » – mot utilisé après celui de « déposants » –, étant entendu que l’épargne peut prendre la forme d’un portefeuille d’actions ?

Pouvez-vous d’autre part nous expliquer ce qu’entendait le Président de la République en annonçant que, si les banques se défaussaient de leur fonction traditionnelle de financement des entreprises, l’État jouerait son rôle ? Pouvez-vous nous dire comment et pour quel montant ?

Un mot sur EDF : n’occultez pas le fait qu’entre l’annonce de la vente et la vente elle-même, l’action a baissé ! L’État y a donc perdu.

Monsieur le ministre, vous avez, vous aussi, salué le discours du Président de la République qui, comme je l’ai dit hier au cours d’un débat télévisé, a dû aller à Toulon pour s’apercevoir que sa politique était en rade !

En ce qui concerne le déficit budgétaire, confirmez-vous que, de loi de finances initiale à loi de finances initiale, il s’aggrave de 20 à 30 % ? S’agissant du déficit primaire, les raisons que nous avions l’année dernière de nous réjouir avec le Rapporteur général – qui tout à l’heure n’a pas évoqué le sujet – auraient-elles disparu ? Quelle va être l’évolution de notre endettement ?

À propos de la sincérité du budget, j’aimerais quelques précisions. L’Assemblée a voté il y a quelques jours une dépense fiscale d’un milliard au titre de l’article 1er d’une loi supposée dynamiser les revenus du travail. Ce milliard – qui majore les dépenses fiscales, en contradiction avec nos souhaits unanimes – est-il comptabilisé dans le PLF 2009 ?

Quant à la dette de l’État envers la sécurité sociale pour 2008, après l’extinction de 5,1 milliards, la Cour des comptes considère qu’elle s’est reconstituée à hauteur de 2,8 milliards : ce montant est-il inscrit dans le PLF ? Vous avez indiqué que vous souhaitiez poursuivre l’effort, mais le chiffre que vous avez donné ne me semble pas correspondre à celui de la Cour des comptes.

Le besoin de financement du FFIPSA se situe entre 6 et 7 milliards. Inscrivez-vous le montant nécessaire dans le PLF ?

Concernant la sécurité sociale, l’un de vos collègues du Gouvernement avait, lui, affirmé en 2004 que l’on parviendrait par la loi à l’équilibre de l’assurance maladie… Je vous donne acte de votre volonté de maîtriser les dépenses maladie. La promesse faite par le Président de la République pendant sa campagne d’augmenter de 1 euro le prix de la consultation des médecins généralistes sera-t-elle tenue ? Si oui, comment comptez-vous la financer ou la gager ?

Enfin, vous dites que vos priorités sont respectées, en citant l’exemple de la recherche. Est-ce cohérent avec la perspective de suppression de 900 emplois dans ce secteur ? Quelle économie nette pour le budget de l’État attendez-vous de la suppression de plus de 30 000 fonctionnaires, annoncée à Toulon par le Président de la République ?

M. Jérôme Chartier. Première question sur ce budget que je qualifierai de responsable : vous avez expliqué pour partie les 4 milliards de surcoût de la dette par l’indexation des OAT sur l’inflation ; pourriez-vous préciser les autres facteurs ?

Pourriez-vous, en second lieu, nous indiquer le nombre estimé d’heures supplémentaires travaillées en 2008, et en conséquence la masse financière qui aura été réinjectée dans l’économie du fait de leur exonération ?

En ce qui concerne les financements innovants, nous confirmez-vous que les titres EDF qui ont été cédés pour financer le programme universitaire ont été placés dans un fonds dont on utilise à cette fin les intérêts ? Quel est le planning des opérations, à la suite de cette cession réussie ?

S’agissant des contrats aidés, leur nombre reste-t-il fixé à 230 000 comme l’an dernier, ou prévoyez-vous de l’augmenter du fait du ralentissement de la croissance ?

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, pourriez-vous nous préciser le bilan pour les Français des mesures prises depuis quinze mois, y compris, naturellement, l’exonération des heures supplémentaires ?

Quant à la pluriannualité budgétaire, comment s’articule-t-elle avec la RGPP ? Avez-vous des perspectives de rentrées liées aux restructurations que cette dernière entraîne ?

En ce qui concerne la DSU, beaucoup de maires se sont émus du fait que des communes de 10 000 habitants pourraient la perdre. S’agit-il d’un recentrage sur les principes de la DSU ou d’une réduction du volume global ?

S’agissant de la ponction de 50 millions sur les crédits de l’AGEFIPH, pourriez-vous nous assurer que cette somme est toujours destinée au monde handicapé ?

Concernant enfin le 1 % logement, le milliard dont on a beaucoup parlé demeure-t-il destiné à des opérations de rénovation ou de restructuration urbaines ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est la « fin des artifices », nous a dit M. Woerth : ce n’est pas gentil pour le ministre Sarkozy, qui était donc dans les faux-semblants !

Vous administrez aux Français un remède de cheval, mais vous maîtrisez de mieux en mieux la communication pour accréditer votre version des faits. Cela nous oblige à faire durer le débat : l’expérience montre en effet que, lorsque le débat dure, les médias finissent par comprendre. Nous nous expliquerons donc longuement pour faire de la pédagogie.

Nous avons beaucoup amélioré nos relations avec Mme Lagarde et M. Woerth. Cela me fait penser à l’humanisation de la peine de mort, par la substitution de la guillotine à l’écartèlement ! Avant de nous passer la cagoule, les ministres nous disent au revoir avec un sourire – mais cela ne change rien à la cruauté de la peine…

J’en viens à mes questions. Comment compenserez-vous aux communes les coupes claires effectuées sur la DSU au moment même où la crise aggrave les besoins sociaux et où les communes ayant des logements sociaux se retrouvent pénalisées par la suppression de ce critère ?

Envisagez-vous de créer un véritable impôt minimal sur le revenu, au lieu de l’ersatz aujourd’hui prévu pour le RSA ?

Accepterez-vous un amendement plafonnant la restitution au titre du bouclier fiscal – par exemple à 5 000 euros par an – pour en cibler le bénéfice sur les foyers moyens et modestes ?

Quelles dispositions envisagez-vous pour pénaliser les placements dans les paradis fiscaux ou bancaires pourfendus hier par l’UMP à Toulon ? Il va bien falloir reparler du Liechtenstein !

Vous voulez relancer les privatisations. L’État va-t-il utiliser sa participation dans le capital de Renault pour faire pression sur M. Ghosn afin qu’il renonce à sa politique de licenciements ?

Vous avez dit que 50 % des économies réalisées grâce aux suppressions de postes dans la fonction publique seraient reversées aux fonctionnaires. Combien cela représente-t-il en moyenne par mois et par fonctionnaire ?

J’associe à ma dernière question mon collègue Gérard Bapt. Un jeune de sa circonscription qui vient de partir en Afghanistan a dû s’acheter lui-même son gilet pare-balles et ses godillots – 1 000 euros. Pouvez-vous nous en dire plus ? Si ce cas n’est pas une exception, nous renouons avec la tradition du Moyen-Age, qui voulait que les lansquenets partant à la guerre se payent leur équipement ! Nous attendons une réponse précise.

M. Charles de Courson. Je voudrais d’abord féliciter le Gouvernement. Le cadrage macroéconomique est prudent. Compte tenu des incertitudes, je me demande néanmoins s’il ne faudrait pas augmenter un peu la réserve, que vous avez maintenue à 7 milliards.

Ce budget est le plus sincère que j’aie vu depuis quinze ans. On pourrait certes aller plus loin, par exemple en tenant davantage compte des dégrèvements, de la PPE et du prélèvement européen dans la norme de dépenses, mais l’effort est réel, tout particulièrement en ce qui concerne les opérateurs, chez qui on supprime 1 100 emplois. Cela va deux fois moins vite que sur l’ensemble des emplois publics mais, par comparaison avec les budgets précédents, c’est un bon début.

Vous faites aussi un réel effort sur les dépenses, même si je persiste à penser – et nous avons fait des propositions – qu’on peut aller encore plus loin sur les exonérations de charges patronales. Je sais que vous y êtes plutôt favorable : il faut continuer à défendre ce point de vue au sein du Gouvernement.

En ce qui concerne les collectivités locales, il n’y a pas de rigueur particulière puisqu’on se contente d’appliquer le parallélisme.

J’en viens à mes inquiétudes. Le déficit pour 2008 bondit de 7,7 milliards et, à périmètre constant, il est maintenu pour 2009. Mais la dette augmente plus vite que le PIB
– elle passe de 65,3 % du PIB en 2008 à 66 % en 2009. Vous prévoyez pourtant de redescendre à 61,8 % en 2012, en retenant une hypothèse de croissance de 2,5 % à partir de 2010. Si la récession se poursuit plus longtemps que prévu, la dette publique continuera donc à augmenter, d’autant que les taux d’intérêt augmentent.

Nous entrons dans une période de graves difficultés sociales. Pour protéger les plus vulnérables, le Président de la République a donc annoncé hier des mesures partielles, dont une prime exceptionnelle pour maintenir le pouvoir d’achat des minima sociaux, financée sur le fonds pétrole. Ce n’est pas un financement durable, alors que nous avons pris l’engagement de réévaluer les minima sociaux et les petites retraites.

Ma troisième inquiétude concerne les collectivités locales. Le Président de la République a répété hier qu’il fallait réformer la taxe professionnelle – que M. Strauss-Kahn a tuée, comme chacun le sait. Mais dans quelle direction faut-il aller ? Je vous l’ai dit hier, monsieur le ministre, il faut, pour responsabiliser les collectivités territoriales, une vraie réforme fiscale qui dote d’un impôt moderne les grandes collectivités. Vers quoi vous orientez-vous ? Vous espérez faire passer la croissance de la dépense publique locale de 4,25 % en moyenne entre 1998 et 2007 à 1,25 % entre 2008 et 2012, soit une baisse de 3 points – au lieu de 1 pour l’État et la sécurité sociale. En l’état actuel des choses, vous ne pourrez pas obtenir cette baisse.

Vous annoncez enfin la suppression en quatre ans de toute détaxation des biocarburants. Ne risque-t-on pas de mettre les unités de production en déficit ?

La ministre de l’Économie. Je n’établis pas, monsieur Cahuzac, de corrélation absolue entre l’augmentation du nombre des heures supplémentaires effectuées et l’évolution du chômage sur les six premiers mois de l’année 2008. Entre le quatrième trimestre 2007 et le quatrième trimestre 2006, le volume des heures supplémentaires a augmenté de 40 %. Entre le premier trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2007, il a continué d’augmenter – de 6 % – alors même que le nombre des créations nettes d’emplois a dépassé 40 000 au premier trimestre 2008. Depuis le début du deuxième trimestre 2008, on assiste à une stabilisation des heures supplémentaires depuis environ deux mois ; la tendance est à la baisse du nombre des créations d’emplois, et à l’augmentation de celui des demandeurs d’emploi. Je ne confirmerai pas les chiffres qui circulent ici ou là, puisque la DARES doit publier le chiffre définitif en fin de journée de lundi.

M. Jérôme Cahuzac. Avez-vous au moins un ordre de grandeur ?

La ministre de l’Économie. Tout ce que je peux vous dire est qu’il n’est pas bon.

M. Henri Emmanuelli. Nous vous l’avions annoncé !

La ministre de l’Économie. Je vous ai dit qu’il n’y avait pas de corrélation entre créations d’emplois et recours aux heures supplémentaires. S’il y avait une corrélation, nous aurions eu à la fois une augmentation des heures supplémentaires et une diminution du nombre des créations d’emplois.

M. Henri Emmanuelli. Mais non ! Il y a la conjoncture !

La ministre de l’Économie. Vous donnez vous-même la réponse : la baisse du PIB de 0,3 % au deuxième trimestre et l’augmentation de 95 % du prix du pétrole en dix mois ne pouvaient qu’avoir une répercussion sur l’emploi.

En ce qui concerne les heures supplémentaires et le pouvoir d’achat, vous avez fait référence au chiffre qui a été donné par une dépêche de l’agence Reuters. Nous retenons pour notre part une progression du pouvoir d’achat de 3,3 % pour 2007, rapportée à une croissance de 2,2 %, la prévision pour 2008 étant de 1 % pour la progression du pouvoir d’achat et de 1 % pour la croissance. Notre prévision pour 2009 s’établit quant à elle à 2 % pour la progression du pouvoir d’achat et entre 1 % et 1,5 % pour la croissance.

Vous avez parlé de diminution du pouvoir d’achat. Le Président de la République s’est engagé durant sa campagne à diminuer les prélèvements obligatoires sur dix ans, en espérant que les effets de son action se fassent sentir dès le début de la période. Compte tenu de la crise internationale que nous traversons, il était plus prudent de prévoir de stabiliser le taux des prélèvements obligatoires sur l’ensemble de la période.

M. Emmanuelli m'a interrogée sur nos prévisions en matière d'inflation. Nous prévoyons que, par un effet mécanique, étant donné la baisse du prix du baril et celle des prix alimentaires, le taux d’inflation, que nous évaluons à 2,9 % pour 2008, sera de 2 % en 2009, puis de 1,75 % les trois années suivantes – mais il ne s’agit, par force, que d’estimations. Qui aurait prévu qu’en juin dernier l’inflation s'établirait de 3, 6% en glissement annuel ?

S’agissant des déposants et des épargnants, je rappelle que le Fonds de garantie des dépôts bancaires, créé par la loi et doté de 1,8 milliard, garantit à hauteur de 70 000 euros les dépôts de tout client d’un établissement bancaire en défaut. Si, donc, la situation s’aggravait au point qu’une banque vienne à faillir, les dépôts seraient, comme l’a affirmé le Président de la République, protégés dans leur intégralité…

M. Henri Emmanuelli et M. Jérôme Cahuzac. Mais c'est impossible !

La ministre de l’Économie. …dans la limite de ce cadre légal et du plafond indiqué. Pour autant, il n’y aucune raison de craindre aujourd’hui qu’une banque se trouve dans cette situation.

M. Jérôme Cahuzac. Puis-je rappeler que ce n’est pas nous qui avons évoqué cette éventualité mais le Président de la République, suscitant la surprise ?

La ministre de l’Économie. S'agissant du financement des entreprises, nous avons, dans le cadre du Conseil ECOFIN, demandé que la Banque européenne d’investissement mobilise des lignes de crédit exclusivement destinées aux PME, à hauteur de 15 milliards pour la période courant de la fin 2008 à la fin 2009 et de 30 milliards au total pour les trois exercices, la dotation globale étant augmentée s’il apparaît qu'au terme des dix-huit premiers mois la mesure est efficace. Dans le même temps, la collecte de l’épargne est particulièrement importante en France en ce moment, ce qui s’explique par le fait que les ménages thésaurisent et parce que les banques qui souhaitent commercialiser le Livret A multiplient les offres alléchantes. Comme il en est résulté un supplément de collecte de 20 milliards, il ne serait sans doute pas inopportun d’envisager avec la Caisse des dépôts – la priorité absolue demeurant le financement du logement social dans les limites prévues – de flécher ce complément d’épargne vers le financement des PME.

Le ministre du Budget. S’agissant du déficit budgétaire, je pense, Monsieur Cahuzac, avoir tout dit : celui de l'État évolue et les déficits globaux se stabilisent. De plus, le déficit de l'État est constitué à périmètre non constant, puisque certaines dépenses y sont réintégrées qui existaient déjà mais qui n'y figuraient pas.

M. Henri Emmanuelli. Voilà qui change tout !

Le ministre du Budget. Le changement est que cela améliore la sincérité du PLF.

M. Jérôme Cahuzac. Mais cela ne change rien au stock de la dette, entendu au sens du traité de Maastricht.

Le ministre du Budget. C’est exact, mais je parle du déficit, non de la dette. Par ailleurs, le déficit qui nous accable est bien un déficit primaire, dû à l’augmentation très brutale – plus de 4 milliards – de la charge de la dette. Ce surcroît, monsieur Chartier, s'explique pour 2,5 milliards par l’inflation, mesurée au plus mauvais moment, et pour 1,5 milliard par l’augmentation des taux d’intérêt.

La sincérité du projet de budget étant à son maximum, les crédits d'impôt relatifs à l’intéressement et à la participation y sont inclus, et Mme Lagarde les a d’ailleurs mentionnés. J’ajoute que la contribution sociale de 2 % sur les revenus de l’intéressement et de la participation ainsi que sur les plans d’épargne entreprise rapportera 2 milliards de 2009 à 2012.

Par ailleurs, la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale s’est effectivement reconstituée à hauteur de 1,7 milliard l’année dernière, mais il n’est pas certain qu'elle s'établira à 1,1 milliard cette année. Comme nous avons rehaussé l'AME et l'allocation de parent isolé, j’espère une stabilisation.

M. Jérôme Cahuzac. C’est pourtant ce qu’avance la Cour des comptes.

Le ministre du Budget. Même la Cour peut se tromper !

Les 7,5 milliards de dette du FFIPSA sont repris dans la dette de l’État. Il résulte de l’opération une dépense budgétaire supplémentaire de 1,5 milliard due à la charge d’intérêt supplémentaire, comprise entre 300 et 400 millions, et au fait que l'État perd les recettes « maladie », qui sont transférées à la CNAMTS. Le risque « vieillesse » est repris par la MSA.

La baisse des effectifs de la fonction publique entraînera une économie brute d’un milliard, et de 500 millions nette. On comptera 900 emplois en moins dans la recherche, dont 450 emplois du titre II et 450 emplois chez les opérateurs. Pour autant, le ratio retenu ici n'est que d’un fonctionnaire parti à la retraite non remplacé sur huit. Et qui peut penser un instant qu’une amélioration de la productivité n’est pas possible ?

M. Jérôme Cahuzac. Dans la recherche ?

Le ministre du Budget. Dans la recherche comme ailleurs.

Je pense avoir répondu à M. Chartier s’agissant de la dette. Le volume des contrats aidés est maintenu. La DSU est recentrée sur les communes éligibles mais elle progresse. Certaines communes, dont la mienne, sont laissées de côté, mais d’autres, en difficulté, bénéficieront à la fois de la DSU et de la nouvelle dotation de développement urbain.

L’AGEFIPH a d'importantes réserves financières, qui doivent être mobilisées, et je ne vois pas ce qu'il y a de scandaleux à ce qu'elles le soient pour les stagiaires handicapés de la formation professionnelle – l’argent des handicapés va bien aux handicapés.

Concernant le 1 % logement, un milliard est redéployé : dans un objectif de plus grande clarté, 800 millions vont à l’ANRU et à l’ANAH, ce qui conduit à une économie pour l’État, et quelque 200 à 250 millions de dépenses nouvelles seront consacrés aux quartiers anciens dégradés.

Nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement des sujets abordés par M. Brard. S’agissant du Liechtenstein, le Président de votre Commission et le rapporteur général sont tenus régulièrement informés de la progression de l'enquête, qui est près d'aboutir et à laquelle se consacre un tiers de la direction nationale des enquêtes fiscales. Par ailleurs, une réunion des pays membres de l’OCDE consacrée à la fraude fiscale va se tenir.

Monsieur de Courson, la réserve va passer de 7 milliards cette année à 6,3 milliards l’année prochaine et sera répartie un peu différemment, certains crédits ayant été déjà fixés au plus juste. Merci d’avoir noté l’effort sur les opérateurs.

Quant aux collectivités locales, il faut surtout revoir leur organisation ; le débat a été lancé par le Président de la République. Il en découlera une réforme de la fiscalité.

En ce qui concerne les biocarburants, il existe en effet un programme d’extinction de l’aide fiscale car les matériels sont amortis, et par ailleurs la TGAP sanctionne le non-recours à des carburants propres ; nous voulons également permettre aux nouvelles générations de biocarburants de se développer.

La ministre de l’Économie. Le produit de la cession des actions EDF a été inscrit sur un compte d’affectation spéciale, dont les intérêts contribuent à réduire le besoin de financement de l’État ; ce sont bien ces intérêts qui vont servir à financer le plan de rénovation universitaire annoncé par le Président de la République.

La question des paradis fiscaux devra être abordée par les pays du G8, auxquels le Président de la République souhaite associer de grands pays émergents affectés par la crise actuelle. Il est également indispensable d’en discuter avec des pays tels que la Suisse, le Luxembourg et le Liechtenstein.

M. Jérôme Chartier. Le compte d’affectation spéciale est-il géré par le Trésor ou par la Caisse des dépôts ?

La ministre de l’Économie. Par le Trésor.

M. Michel Bouvard. À l’évidence, la commission des Finances a été entendue sur les niches fiscales, sur les sous-budgétisations, sur la prise en compte des opérateurs dans l’évolution des effectifs et sur les indicateurs. Vont également dans le bon sens la dépense fiscale normée, l’ouverture à la possibilité d’un plancher fiscal – afin que nul ne puisse, en ayant des revenus importants, échapper à l’impôt sur le revenu.

Deux questions d’abord au sujet des opérateurs.

Qu’en est-il de leur endettement ? D’après mes informations, les agences de l’eau vont emprunter plus d’un milliard.

D’autre part, ce budget comporte à nouveau des transferts de recettes à des opérateurs, notamment à l’ADEME. Nous avons déjà souligné le problème que cela pose, non seulement en diminuant les moyens de l’État, mais aussi en rendant plus difficile le contrôle parlementaire.

En ce qui concerne les allègements et exonérations de charges sociales, la Cour des comptes évoquait la possibilité de recentrer le dispositif issu des 35 heures et des mesures qui ont suivi sur les entreprises de moins de 20 salariés. Qu’en pensez-vous ?

Concernant l’AFITF, je salue l’effort consenti pour lui permettre d’exécuter normalement son budget de cette année. Néanmoins, nous lui avons transféré des dépenses qui relèvent normalement du budget de l’État. Envisagez-vous de faire évoluer cette situation ?

M. Hervé Mariton. Où en est-on dans la transmission à Bruxelles du calendrier de rééquilibrage de nos finances publiques ?

Concernant les stabilisateurs, je comprends que la situation actuelle de la croissance conduise à ne pas aller au-delà dans la réduction de la dépense publique mais, dans votre scénario, lorsque la croissance reprendra, envisagez-vous d’aller plus loin dans cette réduction ?

J’ai bien compris ce que voulait dire l’opération vérité concernant le FFIPSA, mais pour l’AFITF, il s’agit d’avoir ou non les moyens de ses ambitions : c’est une question de choix budgétaire ordinaire.

Sur les effectifs des fonctionnaires, je me félicite du nouvel effort accompli, après la réduction de 29 000 du flux d’entrées dans la fonction publique entre 2002 et 2007.

Concernant la fiscalité, autant je comprends le plafonnement des niches fiscales, autant la notion d’impôt plancher ne me paraît pas une bonne voie. L’impôt minimum alternatif serait un deuxième impôt sur le revenu.

Enfin, quelles vont être les contreparties, en termes de baisses d’impôts, des malus créés en fiscalité verte ?

M. Gaël Yanno. Ma question concerne le plafonnement de la dépense fiscale outre-mer. Contrairement à d’autres dispositifs de défiscalisation, celui-ci ne permet pas au contribuable de valoriser son patrimoine. Si l’on veut non seulement progresser dans le sens de l’équité fiscale, mais aussi préserver l’investissement outre-mer, il faut éviter d’inciter le contribuable à réaliser des arbitrages en défaveur de celui-ci. Il convient donc que le pourcentage du revenu soit net de rétrocession, de même que l’enveloppe de 40 000 euros.

Je remercie le Gouvernement des dispositions transitoires destinées à ne pas sanctionner les décisions d’investissement outre-mer qui ont été prises avant le 1er janvier 2009 et du pourcentage retenu.

M. Yves Censi. On insiste souvent sur la nécessité d’orienter l’épargne vers l’épargne longue, afin de financer les entreprises, exigence qui est encore plus forte en période de crise. N’est-il pas inquiétant, dans ce contexte, de défavoriser la capitalisation longue par une taxe destinée à financer le RSA ?

Je me réjouis de ce qui est prévu pour le FFIPSA. J’aimerais cependant savoir, Monsieur le ministre, si l’adossement de la branche maladie au régime général conditionne le financement de cette dette par le budget – ce que je ne souhaitais pas pour ma part.

La ministre de l’Économie. M. Mariton m’a interrogée sur la révision du programme de stabilité et des objectifs de moyen terme. Nous adresserons ce document à Bruxelles le 1er décembre.

L’application du principe des stabilisateurs permet, en cas de moindre recette fiscale, de ne pas exiger d’augmentation de la diminution de la dépense de l’État. Je vous rappelle que le déficit budgétaire devrait s’établir à 2,7 % du PIB en 2008 et 2009, puis à 2 % en 2010, à 1,2 % en 2011 et à 0,5 % en 2012. Il faudra donc faire un effort supplémentaire.

Nous aurons bien entendu un débat sur le plafonnement des niches fiscales et sur l’impôt plancher. Je rends hommage aux travaux effectués par votre Commission sur cette question. Nous nous sommes penchés sur l’application de l’impôt plancher aux États-Unis, et je dois dire que nous sommes dubitatifs quant à son efficacité.

En ce qui concerne le plafonnement global des niches fiscales, en revanche, ma position a évolué – j’y étais à l’origine plutôt hostile. Il faut se rappeler que ceux que l’on vise sont ceux qui perçoivent beaucoup de revenus mais échappent à l’imposition par l’utilisation des niches. Dès lors, c’est bien le plafonnement global qui doit être envisagé.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement déposera donc un amendement ?

Le Président Didier Migaud. Le Gouvernement ou le Parlement, mais ce sera en tout cas un amendement !

La ministre de l’Économie. Nous avons bien pris note de vos préoccupations concernant le net et le brut et le double mécanisme du 15 % et du 40 000 euros, monsieur Yanno. Nous devons en débattre. Pour l’instant, nous sommes sur du brut, sachant qu’il faut aussi permettre le développement des territoires qui sont financés par ces mécanismes.

Le ministre du Budget. Il est vrai que nous avons fait beaucoup de progrès s’agissant des opérateurs. Peu d’entre eux disposent ainsi d’une autorisation d’emprunt. Nous devons cependant continuer à progresser.

Sur les allègements de prélèvements obligatoires, je pense que nous avons pris la bonne décision : augmenter le coût du travail risquerait de provoquer une hausse du chômage.

J’en viens à l’AFITF. Elle est aujourd’hui financée par des recettes de privatisation
– autrement dit, elle grignote du capital. La logique est finalement la même que si elle avait emprunté. C’est pourquoi il faut passer à une logique budgétaire : comme pour le FFIPSA, c’est d’une opération de remise à niveau qu’il s’agit.

M. Michel Bouvard. Le problème n’est pas tant celui du circuit financier que celui du périmètre, à savoir que l’AFITF intervient essentiellement sur des travaux routiers.

Le ministre du Budget. J’en viens à la baisse de la fiscalité dite environnementale. Nous allons réduire au fil du temps le nombre des matériaux éligibles au crédit d’impôt développement durable, mais intégrer la main-d’œuvre qui ne l’était pas.

En ce qui concerne l’outre-mer, je partage la position de Mme Lagarde, étant entendu que le chiffre de 40 000 euros pourra évoluer au cours de la discussion. L’essentiel est de parvenir à l’objectif, qui est de limiter les avantages fiscaux liés aux investissements outre-mer.

Le Président Didier Migaud. Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie.

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