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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 30 septembre 2008

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 123

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, sur la situation du groupe Dexia

M. le président Didier Migaud. Merci, Madame la ministre, de nous consacrer un peu de temps pour répondre à nos interrogations sur les derniers développements de la crise financière, et plus particulièrement sur la situation du groupe Dexia qui, après l’effondrement du cours de l’action hier, a fait l’objet cette nuit de décisions des gouvernements français, belge et luxembourgeois.

Le groupe Dexia s’est trouvé fragilisé principalement par le biais de sa filiale FSA, qui pratiquait une activité de réassurance. Nous sommes ici d’autant plus sensibles à sa situation qu’il a la particularité d’être la banque des collectivités territoriales ; il a aussi un réseau de banque de détail en Belgique et au Luxembourg. Je vous invite à présenter les décisions qui ont été prises, puis nous pourrons avoir un échange entre nous.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi. Je vous remercie de me permettre d’évoquer devant vous cette opération européenne, concertée et rapide de stabilisation et de restructuration du capital d’une banque dont la surface de bilan atteint 650 milliards, qui est la septième banque en France et qui finance la moitié des collectivités territoriales françaises.

Une opération voisine, mais non similaire, était intervenue la veille pour le groupe Fortis. Alertée par mes collègues belge, luxembourgeois et néerlandais et par le président de la Banque centrale européenne, j’ai pu, dès dimanche, entamer à Bruxelles, des discussions avec mon homologue belge sur le cas Dexia car je commençais à suspecter ce qui risquait de se passer.

Nous n’imaginions cependant pas l’importance des attaques dont Dexia allait faire l’objet dans la journée de lundi. Elles ont précipité la concertation que nous avons menée à partir de la fin de l’après-midi, en étroite collaboration avec la Caisse des dépôts – actionnaire de la holding.

Pour mémoire, la holding s’appelle « groupe Dexia » et elle a trois filiales : la filiale française, « Dexia Crédit local », qui est l’ancien Crédit local de France et qui a une activité de financement des collectivités locales ; la filiale belge, « Dexia Banque Belgique », qui a une activité de banque de détail ; enfin, « Dexia Banque internationale à Luxembourg », qui est une banque de détail au Luxembourg. De plus, Dexia Crédit local a pour filiale à 90 % FSA, le rehausseur de crédits américain, qui a connu des difficultés suite à la crise.

Plusieurs schémas ont été envisagés. Pour notre part, nous avons milité en faveur d’une opération au niveau de la holding. C’est ce qui a été décidé.

La France apporte 3 milliards, la Belgique 3 milliards et le Luxembourg 376 millions. Avec les 2 milliards souscrits par la Caisse des dépôts et le milliard souscrit par l’État, les parties françaises atteignent ensemble 26 % du capital de la holding, ce qui leur confère une minorité de blocage – fixée à 25 % en droit belge. La Caisse des dépôts a non seulement fait son devoir d’actionnaire, mais elle est allée au-delà.

Cette opération nous est apparue indispensable, d’une part pour assurer la continuité du financement des collectivités locales, d’autre part pour éviter une faillite ce matin, qui aurait probablement entraîné un effet de dominos. En vertu du droit belge, elle doit se dénouer dans un délai de quinze jours, et elle prendra la forme d’une souscription au capital qui peut être organisée rapidement, sans tenir d’assemblée générale, conformément au droit belge. Cette opération en capital n’aggravera pas notre déficit maastrichtien ; nous procéderons soit par un prélèvement sur les recettes de privatisation, soit par une dotation en capital en loi de finances rectificative, soit par l’emprunt – en passant par une structure du type de l’ERAP, utilisée pour France Télécom.

En conjuguant les efforts de trois États pour recapitaliser une banque importante et contribuer à la stabilité financière, l’un de nos objectifs était de donner un signal fort aux marchés. La remontée du cours de l’action Dexia montre qu’il a été bien reçu.

M. le président Didier Migaud. Nous saluons tous la réactivité des autorités françaises, belges et luxembourgeoises, mais des questions nous sont posées sur les « contreparties » demandées par le gouvernement français. Que signifiera pour nous le fait d’avoir désormais la minorité de blocage ? Qu’a-t-on demandé concernant le management ?

Mme la ministre. Nous avions exigé que le management change. Le président du conseil de surveillance et le président du directoire, MM. Miller et Richard, ont l’un et l’autre démissionné ce matin. Ils devront être remplacés dans de très brefs délais ; il a été convenu que le président du conseil de surveillance serait de nationalité belge, et le président du directoire de nationalité française.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dexia avait passé ses premières provisions au titre de FSA il y a six mois à un an : le risque était donc bien identifié ; côté français, Dexia Crédit local a dégagé l’an dernier une marge de 1 milliard, et ses clients sont tout sauf insolvables. Alors on s’interroge…

Comme beaucoup d’autres banques, Dexia s’est engagé sur des établissements financiers américains en difficulté ; son engagement sur Lehman Brothers était, paraît-il, de 300 millions.

Ce qui est extrêmement inquiétant, c’est la rapidité avec laquelle Dexia s’est trouvé en situation de quasi-faillite. Je me réjouis de la vitesse de réaction des trois États européens concernés, mais cette affaire pose le problème de la liquidité interbancaire : les banques ne se prêtent plus entre elles, et Dexia, qui prête aux collectivités locales à 5, 10 voire 30 ans, s’est trouvé acculé à se refinancer pratiquement au jour le jour. Comment peut-on desserrer l’étau ? La banalisation du livret A va accroître encore l’afflux de liquidités vers la Caisse des dépôts et à l’évidence, tout n’ira pas au logement social ; comment s’y prendre pour que ces liquidités soient réinjectées au plus vite dans l’économie, en particulier en direction des PME – qui risquent de beaucoup souffrir des restrictions de crédit ?

Par ailleurs, est-il possible d’assouplir les critères de contreparties d’actifs, pour permettre aux banques de se refinancer dans de meilleures conditions ?

Mme la ministre. Le fonctionnement des établissements bancaires et financiers pose trois problèmes : la solvabilité, la valorisation des actifs nets et, en effet, la liquidité. Actuellement, vous avez raison, toutes les banques fonctionnent en jour le jour, avec des ouvertures de liquidités massives par la Banque centrale européenne. Il nous faut donc tout d’abord examiner avec la Caisse des dépôts, comment utiliser les abondantes liquidités qu’elles détiennent du fait du mouvement actuel de « fuite vers la sécurité » de la part des déposants. On constate par ailleurs que, par crainte ne pas pouvoir se refinancer, les banques s’approvisionnent abondamment en liquidités auprès de la Banque centrale européenne, puis en rapportent une partie le soir. Se pose aussi la question de la valorisation des actifs. Afin de rétablir la confiance, il conviendrait d’assouplir certaines règles ; nous y travaillons au niveau européen, et il faudra également une harmonisation au niveau international.

L’autre problème, c’est celui de la réglementation, au-delà de celle de la vente à découvert. Aux États-unis en particulier, celle-ci impose de détenir les titres avant de « shorter » ; mais des gérants de fonds utilisent des mécanismes de crédit pour se protéger et continuer à spéculer à la baisse. Il faut donc s’efforcer d’anticiper ce type de mécanisme de spéculation : aujourd’hui, dès qu’une faiblesse s’est manifestée, tous les mouvements se concentrent sur la proie ; le phénomène a largement joué dans l’affaire Dexia.

M. Michel Bouvard. Je salue la concertation qui a été assurée avec la Caisse des dépôts, y compris avec la commission de surveillance – qui avait évoqué la situation de Dexia mardi dernier. En juin, Madame la ministre, Augustin de Romanet et moi-même étions venus faire le point avec vous : le groupe Dexia présentait des risques via FSA, mais il n’était pas considéré comme fragilisé puisqu’il venait de dégager un résultat de 821 millions – certes à la baisse mais, hors FSA, en progression de 12 %. Ce qui est symptomatique depuis quelques mois, c’est la dégradation rapide de la situation, notamment en raison de la restriction du crédit interbancaire et de la dégradation des notations.

Je rappelle que si la Caisse des dépôts est concernée, c’est parce qu’à l’origine elle avait pour filiale le Crédit local de France ; ensuite, le groupe Caisse des dépôts est resté actionnaire du groupe Dexia à hauteur de 13,9 % : 8,8 % au titre de la section générale, 3,1 % au titre des fonds d’épargne et 2 % au titre de la CNP. Dexia étant confronté à un problème de disponibilité de trésorerie et de risque de perte de confiance, il était naturel que la Caisse des dépôts s’engageât dans sa recapitalisation.

Elle y contribue à hauteur de 2 milliards, qui vont être répartis entre ses différentes entités. Je remercie le Gouvernement d’avoir compris qu’elle ne pouvait pas aller seule jusqu’à 3 milliards, au moins pour deux raisons : un montant aussi élevé aurait été déraisonnable et nous aurait, en outre, ramenés à une sorte de filialisation de l’activité bancaire de Dexia ; d’autre part, en intervenant seule, la Caisse aurait été en position de faiblesse pour discuter avec les actionnariats publics d’État de Belgique et de Luxembourg.

J’en viens à la question des disponibilités. Les ressources des fonds d’épargne n’ont jamais été aussi importantes, c’est vrai, du fait d’un retour vers le livret A en raison des incertitudes sur le marché financier, ainsi que d’une tendance à l’épargne liée au ralentissement économique. Il est évident qu’à un moment où l’on manque de liquidités, la Caisse des dépôts ne peut pas thésauriser ces disponibilités. Je souhaite donc qu’elles soient activées, dans le respect de la clause de répartition de l’épargne réglementée entre la Caisse et les établissements qui vont distribuer le livret A à partir du 1er janvier. L’État dispose des moyens pour cela, puisqu’il décide des emplois des fonds d’épargne ; dans le passé, quand les disponibilités ont dépassé les besoins du logement social, d’autres affectations ont été décidées, par exemple sur les infrastructures ou sur les équipements hospitaliers.

La Caisse est d’ores et déjà, à partir des ressources de la section générale, active sur le marché des PME, sous forme non pas de prêts, mais de participations ; nombre de directeurs régionaux nous disent qu’ils sont sollicités pour cela.

Je suis donc, avec la commission de surveillance, tout à fait ouvert à l’utilisation des disponibilités de la Caisse pour jouer un rôle contracyclique. En revanche, il ne faut pas pratiquer le saucissonnage : ayons une approche d’ensemble, pour voir ce qui peut être fait tant au titre de la section générale qu’au titre des fonds d’épargne – pour lesquels il faut respecter les règles de fonds propres et de prise de risque.

M. Jérôme Cahuzac. J’espère que ceux qui avaient prôné une réforme d’ampleur de la Caisse des dépôts se souviendront de ce qu’elle vient de faire…

En entrant au capital de Dexia à hauteur d’un milliard, l’État va logiquement être représenté au conseil d’administration, lequel aura notamment à déterminer les conditions de départ des présidents du conseil de surveillance et du directoire ; recevront-ils des indemnités ? Vous engagez-vous, Madame la ministre, à faire toute la transparence sur ces conditions de départ ? Pourrait-on savoir quel était le niveau rémunération de ces deux responsables ?

Par ailleurs, par qui et comment la participation totale de 3 milliards et sa répartition à hauteur de deux tiers et un tiers entre la Caisse des dépôts et l’État ont-elles été fixées ?

M. Jérôme Chartier. Madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer que cette augmentation de capital, dont nous nous réjouissons, s’est faite au cours de 9,90 euros – ce qui a permis de soutenir le cours, qui était tombé à 7,20 euros avant-hier, avant la suspension de la cotation hier ?

Cette opération va pleinement dans le sens du discours du Président de la République à Toulon sur l’intervention de l’État pour protéger l’épargne des Français. Mais d’un autre côté, elle peut faire craindre à nos compatriotes que d’autres établissements bancaires connaissent demain les mêmes difficultés. Ne serait-il pas opportun de créer un lieu d’information permanente, leur permettant d’être informés quasiment en temps réel de la situation financière, de l’exposition des banques françaises et de la réactivité du Gouvernement, afin de restaurer la confiance ?

En ce qui concerne les fonds d’épargne, il y a une limite à l’exercice proposé par Michel Bouvard : les Français ont besoin de sentir que leur épargne est en sécurité. Ils doivent être sûrs qu’elle ne va pas servir à payer les découverts des sociétés financières ou banques d’investissement américaines qui ont fait des opérations purement spéculatives.

M. Michel Bouvard. Cela ne peut pas se produire.

M. Jérôme Chartier. Encore faut-il que tous les Français le sachent.

M. Jean-Pierre Brard. Si le Crédit local de France n’avait pas été privatisé, nous ne serions pas dans ce pétrin… En tout cas, Madame la ministre, vous avez gagné vos galons d’urgentiste : le malade que vous avez transfusé vit toujours ! Il vous faut maintenant réfléchir à la prophylaxie que vous allez appliquer.

Comment en est-on arrivé là ? Cette affaire repose le problème des fameuses normes comptables, à propos desquelles, comme d’habitude, les Français se sont finalement couchés devant les Américains.

Avec quel objectif prenons-nous des participations dans le capital de Dexia ? Est-ce pour les revendre ensuite, ou est-ce pour avoir un vrai pouvoir de contrôle ? De façon plus générale, il faut s’interroger sur la gestion des participations publiques, dans les groupes industriels aussi bien que dans les banques : l’État n’est pas quitte, par exemple, de ce qui se passe chez Renault, où la logique de l’actionnaire l’emporte sur la logique industrielle.

Tirez-vous de la situation actuelle la conclusion qu’il faut renoncer à l’ouverture du capital de la Poste ?

Quel est votre sentiment sur l’activation des disponibilités de la CDC ? Pour ma part, je crois plus que jamais qu’il faut un pôle financier public, menant une politique transparente. Certes l’opacité ne date pas d’aujourd’hui, mais on se demande vraiment quelle est la politique de l’État, quels sont ses objectifs et qui décide…

Enfin, puisque vous parliez tout à l’heure de proie, ne pensez-vous pas qu’il faudrait interdire la chasse ?

M. Hervé Mariton. Quels ont été les signaux d’alerte sur la situation de Dexia ? Comment définit-on ces signaux ?

Au moment de la reprise de FSA, quelle a été la position de l’actionnaire Caisse des dépôts ? Quelle a été celle de l’État à l’égard de la Caisse, et donc indirectement de Dexia ?

M. Daniel Garrigue. Je souscris pleinement à ce qu’a dit Michel Bouvard à propos de la Caisse des dépôts, et je rassure Jérôme Chartier sur l’emploi des fonds d’épargne : ils ne seront pas utilisés pour des placements hasardeux.

Ma question porte sur la dimension européenne de cette affaire. La réaction a été forte à un niveau intergouvernemental, et la présidence française nous a peut-être permis de peser davantage ; mais la réaction de nos partenaires est-elle homogène face à cette crise, ou y a-t-il des divergences d’appréciation ? Que font la Banque centrale européenne et la Banque européenne d’investissement – qui a des capacités d’intervention beaucoup plus fortes que la Caisse des dépôts ? N’y a-t-il pas lieu d’anticiper le Conseil européen qui était prévu les 15 et 16 octobre ?

M. Jacques Myard – usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres. Quelles ont été les pertes enregistrées dans la filiale américaine ? Est-ce que cela correspond à la recapitalisation ? Comment les autorités publiques en ont-elles été alertées ?

Quant au milliard d’euros apporté par l’État, sur quels crédits est-il pris ?

M. Frédéric Lefebvre. Le fait que les décisions concernant Dexia aient été prises très rapidement et avec sang-froid est de nature à rassurer les épargnants, et il faut s’en réjouir.

Nombreux sont ceux qui par ailleurs nous interrogent sur les fonds de garantie, tant pour les banques que pour les assurances ; quelle réponse peut-on leur apporter ?

S’agissant de la notation des agences de notation, j’avais déposé un amendement qui avait été adopté à l’unanimité par la commission mais que vous m’aviez demandé en séance de retirer ; approche-t-on d’une solution ?

M. François Goulard. Je voudrais souligner la différence de philosophie entre les interventions des États-unis et celles des pays européens. Aux États-unis, l’État se propose de racheter les mauvaises créances, autrement dit de faire une mauvaise affaire avec l’argent du contribuable ; dans les pays européens, les États prennent des participations, ce qui est évidemment plus protecteur pour le contribuable, lequel peut espérer une remontée du cours de l’action : c’est à mon avis une modalité d’intervention bien préférable.

Je voudrais également insister sur le risque de liquidité. C’est une préoccupation majeure dans le monde bancaire et financier où, tous les matins, il peut arriver qu’on ne trouve pas le financement pour faire face aux échéances du jour – et donc qu’on risque le dépôt de bilan.

À moyen et long terme, deux questions se posent. La première est celle des normes comptables : avec les variations des valeurs boursières, les bilans sont bouleversés. La seconde est celle des ratios : la crise actuelle condamne Bâle II et l’idée de faire de plus en plus d’opérations avec de moins en moins de capital ; il faudra revenir à une conception plus classique et une exigence de fonds propres plus élevée. La France pourrait œuvrer en ce sens dans les prochaines semaines.

Mme Marie-Anne Montchamp. Immédiatement après le discours de Toulon, le Gouvernement s’est trouvé confronté avec Dexia à un cas pratique. Il l’a particulièrement bien traité, tandis qu’aux États-Unis le plan Paulson peine à se concrétiser. Nous nous trouvons devant un plan de fait, qui initie en Europe une démarche des États pour soutenir leur système bancaire. Qu’en est-il dans les autres États européens, étant entendu qu’il conviendrait d’éviter des disparités dans les modes d’intervention publique ?

D’autre part, comment et par quel mécanisme appréhende-t-on le risque financier de l’État ?

M. Jean-Pierre Balligand. L’État joue aujourd’hui le pompier en apportant un milliard d’euros, mais j’aimerais savoir ce qu’il va faire en tant qu’actionnaire et combien de temps il compte le rester : nous avons besoin de lisibilité.

Par ailleurs, il serait bon que la commission des finances mène une réflexion sur Bâle II. Et surtout, nous devons nous interroger sur le modèle bancaire. En général, une banque a des dépôts et consent des prêts, la titrisation posant par ailleurs le problème du transfert du risque ; mais Dexia est atypique car ce n’est pas une banque de dépôts ; et une banque qui a besoin de se refinancer sans cesse sur le marché peut, quand la conjoncture devient mauvaise, créer un effet systémique. Il faut travailler sur cette question car il y a un vrai problème de fragilisation.

M. le président Didier Migaud. Nous avons commencé un travail sur la crise financière et le modèle bancaire ; avec Gilles Carrez, nous vous ferons des propositions pour le poursuivre. Par ailleurs, une mission est conduite par Gaël Yanno et Dominique Baert sur les normes comptables ; nous attendons avec impatience la conclusion de leurs travaux.

Mme la ministre. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et je vous encourage à poursuivre vos travaux de réflexion.

Monsieur Cahuzac, en ce qui concerne les conditions de départ des responsables de la banque, je m’engage bien volontiers, du moins pour le côté français, à vous en indiquer le détail. Je ne connais pas la rémunération de M. Richard ni celle de M. Miller, mais Dexia étant une société cotée, la règle de transparence veut que leur rémunération figure dans les documents publics.

Monsieur Myard, s’agissant du FSA, le chiffrage n’est pas possible, du fait de la dévalorisation des actifs liée au processus IFRS, qui oblige à donner une valeur de marché instantanée.

Vous m’avez aussi demandé, Monsieur Cahuzac, comment avaient été déterminés les montants d’intervention de l’État et de la Caisse des dépôts. Pour faire face aux exigences de liquidités, il fallait une recapitalisation à hauteur de 6,4 milliards d’euros. La ventilation entre la France, la Belgique et le Luxembourg s’est faite en fonction des activités et de la situation de risque de chacune des trois filiales. En ce qui concerne la France, ma préférence aurait été que la Caisse des dépôts participe à hauteur des 3 milliards d’euros puisqu’elle était déjà actionnaire ; mais il y avait aussi une certaine logique à ce qu’elle ne le fasse qu’à concurrence de son pourcentage dans l’actionnariat.

M. Michel Bouvard. Elle est allée au-delà, en passant de 14 à 20 %.

Mme la ministre. En effet. Il restait donc un milliard d’euros, que l’État a pris en charge.

Monsieur Chartier, le prix a été fixé à 9,90 euros en vertu d’une règle du droit belge, selon laquelle il résulte du cours des trente jours précédents.

Ce n’est pas de gaîté de cœur que nous avons pris cette décision, mais tous les avis que nous avons recueillis, de la Banque centrale européenne et du gouverneur de la Banque de France comme de nombreux acteurs bancaires, nous ont convaincus que c’était indispensable.

M. Jérôme Chartier. Je m’interrogeais seulement sur les conséquences de cette action rapide sur la psychologie des Français : cela peut générer une anxiété sur la situation des autres établissements bancaires ; c’est pourquoi il est très important de bien leur dire que le système bancaire français est solide.

Mme la ministre. Dans tous les pays européens qui ont été concernés jusqu’à présent – Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Islande, France –, les États ont soutenu les banques en montant au capital. Les États-Unis ont réagi très différemment, en apportant leur soutien à certaines mais en laissant tomber Lehman Brothers – ce que, au vu des conséquences, ils pourraient regretter maintenant d’avoir fait –, et en proposant de monter une sorte de super-CDR ainsi que d’assouplir certaines règles. La réplique européenne, surtout quand elle a un caractère concerté, est évidemment bien davantage de nature à restaurer la confiance. C’est d’ailleurs ce que semble montrer la réaction des marchés à l’opération Dexia de cette nuit.

Par ailleurs, Monsieur Chartier, les fonds d’épargne ne peuvent pas être utilisés à des fins spéculatives et bénéficient de la garantie de l’État.

M. Michel Bouvard. En matière de gouvernance des fonds d’épargne, les règles sont très précises : ratios de fonds propres, emplois définis par l’État et règles prudentielles très strictes doivent être respectés. Par ailleurs, ces fonds bénéficient de la garantie de l’État ; c’est au titre de celle-ci que l’État garde chaque année le résultat de la section des fonds d’épargne. Cette garantie-là n’est pas liée au discours de Toulon !

Mme la ministre. Quant à l’activation des liquidités de la Caisse des dépôts, c’est un sujet auquel il faudra s’atteler.

Monsieur Brard, à défaut d’interdire la chasse, au moins faut-il la réglementer pour éviter de mettre en péril des établissements financiers.

Avons-nous eu des signaux d’alerte ? Dexia est une société de droit belge, soumise au superviseur belge, avec des risques potentiels importants dans la filiale américaine. Il y a probablement eu insuffisance de coordination entre les deux superviseurs. Néanmoins tout le monde savait depuis l’été que Dexia était fragilisé par FSA. Les choses se sont précipitées du fait de l’accélération de la course à la liquidité, des doutes sur le vote du plan Paulson et des fuites dans la presse sur une éventuelle augmentation de capital de Dexia de 7 milliards d’euros.

Aux dirigeants des banques venus ce matin, à l’invitation du Président de la République, rendre compte de leur situation, nous avons rappelé leurs obligations d’information vis-à-vis de leurs clients.

Monsieur Goulard, la grande difficulté actuelle concerne en effet la liquidité, l’ensemble des banques fonctionnant avec un refinancement au jour le jour, au moyen de liquidités mises sur le marché par les banques centrales, en euros et encore plus en dollars, à des coûts qui deviennent exorbitants.

Sur les normes prudentielles, il est clair qu’une réflexion doit être menée dans le cadre de la finalisation de la directive CR2 qui transpose Bâle II, en particulier sur la question des ratios de fonds propres. Mais il faut se garder de conclusions hâtives et éviter les effets procycliques ; poursuivons le dialogue engagé avec les banques au forum de stabilité financière, dans le cadre du Conseil ECOFIN et avec les gouverneurs des banques centrales.

Au niveau européen, le premier type d’intervention a consisté à entrer au capital
– Northern Rock, B&B, Fortis, Dexia –, le second à donner des garanties de l’État – comme avant-hier en Allemagne. L’Irlande a fait le choix d’une garantie couvrant une large catégorie de produits, pour rassurer tant les épargnants que les établissements bancaires, pour les encourager à se prêter entre eux, ce qui pose cependant des problèmes.

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre, je vous remercie.

——fpfp——