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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 7 octobre 2008

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de M. Charles Milhaud, président du directoire de la Caisse nationale des Caisses d’épargne, sur la crise financière internationale 2

– Informations relatives à la Commission 9

M. le président Didier Migaud. Nous accueillons M. Charles Milhaud, président du directoire de la Caisse nationale des caisses d’épargne, la CNCE, accompagné par M. Julien Carmona, membre du directoire en charge des finances et risques, et M. Didier Banquy, secrétaire général.

Dans un contexte d’aggravation sensible de la crise financière internationale et de crise de confiance généralisée, l’objectif de la commission des finances est double : évaluer les différents dispositifs de réponse à la crise – je parle des réponses immédiates, seules à même d’enrayer le phénomène de défiance – et contribuer à dégager des projets de réformes, qui devront être portés par les législateurs, les gouvernements et les superviseurs au niveau national et supranational.

Vous êtes, monsieur le président Milhaud, le premier dirigeant bancaire à être entendu à propos de cette crise financière internationale. Je vous remercie d’avoir maintenu cette rencontre avec la commission des finances, malgré un emploi du temps que nous savons très chargé…

Nous ne vous demanderons naturellement pas de nous donner les détails d’une certaine opération en cours, dont le principe n’est d’ailleurs pas un secret, mais plutôt de nous faire part de la situation de votre groupe et, au-delà, de répondre à nos questions relatives aux sorties de crise envisageables. Quelle appréciation portez-vous sur les réponses apportées par les différents États aux difficultés qu’ils ont à affronter ? Comment restaurer la confiance ? Sur quoi devront porter les réformes ? Qu’attendez-vous de la Banque de France, de la Banque centrale européenne et des États ?

M. Charles Milhaud. Nous ne vivons pas une crise de solvabilité mais de liquidité. Il faut en finir avec les discours sur les risques de faillite des établissements de crédit. La crise de liquidité est due à un phénomène général : ces établissements ne se prêtent plus les uns aux autres. La solution est entre les mains de la Banque centrale européenne et, dans une moindre mesure, de la Banque de France : augmenter les possibilités de collatéraux, c’est-à-dire de papiers acceptables par les instances monétaires pour financer l’activité courante. La confiance reviendrait et les établissements de crédit se prêteraient de nouveau. En attendant, les échéances tombent et les exigences en trésorerie de tous les établissements prennent de plus en plus d’ampleur, d’autant qu’ils empruntent pratiquement au jour le jour auprès de la Banque centrale européenne en contrepartie de placements à terme.

La CNCE dispose de près de 19 milliards de fonds propres. Son ratio de solvabilité s’élève à 8,35 %, l’un des meilleurs taux en ce qui concerne les risques. Elle peut mobiliser 20 milliards d’actifs éligibles. Néanmoins, si la crise devait continuer, il faudrait suppléer à l’ensemble des tombées, ce qui mettrait tous les établissements en situation de thrombose. La Banque centrale européenne tarde un peu à modifier ses directives ; il serait intéressant qu’elle revoie les conditions d’emprunt offertes aux banques.

Bref, il convient de redonner de la liquidité au système bancaire.

M. Olivier Dassault. Nous n’avons sans doute pas suffisamment médité la réplique de Don Fernand dans le Cid : « Le trop de confiance attire le danger ». Si les phénomènes que nous subissons se sont propagés, c’est notamment à cause des effets comptables désastreux induits par les nouvelles normes internationales IFRS, International Financial Reporting Standard. Ces règles de comptabilité contraignent les banquiers à évaluer leurs actifs selon les cours du marché. Du fait de la logique de titrisation, par ailleurs bien utile, vous subissez aujourd’hui des pertes comptables qui ne sont que potentielles. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Seriez-vous favorable à ce que les livrets d’épargne réglementés de type livret A soient employés pour soutenir les PME, sans que cela nuise au logement social ? La représentation nationale a besoin d’être rassurée.

La confiance vis-à-vis des institutions s’est gravement effritée. Il faut se placer à la pointe d’une initiative européenne pour faire émerger un régulateur communautaire unique.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis des pouvoirs publics, plus particulièrement du Parlement ? En quoi pouvons-nous apporter des solutions concrètes aux difficultés que vous devez surmonter ?

M. Jean-Pierre Balligand. Avant de s’attaquer au livret A – qui, je le rappelle, n’est pas totalement à la disposition des collecteurs –, il faut revenir sur le problème du livret de développement durable, le LDD, ancien CODEVI, dont les dépôts ne sont plus du tout centralisés. Je rappelle que le LDD offre un avantage fiscal en contrepartie d’une mission d’intérêt général : le financement des PME-PMI. Or Mme Lagarde nous a indiqué que seules 52 % des sommes collectées servent cet objectif, les 48 % restants en étant détournés. Des actions peuvent être menées en partenariat avec OSEO pour financer des PME. Si le Gouvernement utilise le LDD pour financer les PME, cela dégagera suffisamment de moyens financiers pour abonder le dispositif.

Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les Caisses d’épargne, tout comme les autres banques de dépôt françaises, possèdent un réseau très développé. Elles doivent donc prendre garde au resserrement, qui entraînera une remontée des lignes d’escompte. Quelle est votre philosophie en la matière et quelle est celle des dirigeants de banque, pris collectivement ? Pour nombre de PME françaises, en région, l’urgence commence à se faire sentir. Aujourd’hui, une PME qui présente de bons résultats ne peut pas emprunter à moins de 5,5 ou 5,6 %. Le défi consiste à monter un dispositif n’avalant pas d’argent public.

M. Bernard Carayon. Quel lien établissez-vous entre la politique monétaire américaine conduite depuis cinq ou six ans, l’excès de liquidités et les prises de risques excessives dont nous sommes témoins depuis plusieurs années ?

Quel est le niveau pertinent pour organiser la régulation internationale ?

Quelles sont les conséquences pour les PME de l’arrêt du crédit interbancaire ?

M. Michel Bouvard. Une somme non négligeable – environ 18,5 milliards –, provenant des LDD et des livrets d’épargne populaire, vient d’être déconcentrée de la Caisse des dépôts en direction des réseaux bancaires, ce qui couvrira à peu près les surplus du livret A encaissés cette année à la Caisse des dépôts. Nous avons souhaité que la déconcentration porte sur le LDD parce que ce produit est centré sur les PME et les travaux énergétiques contribuant au développement durable. Quels moyens les banques françaises se donnent-elles afin d’assurer la transparence de ces usages ? Dans quel délai les phénomènes de contraction du crédit trouveront-ils une solution ? Quels moyens de travail envisagez-vous avec OSEO, qui va bénéficier d’une remontée de 4 à 6 milliards des prêts de la Caisse des dépôts ?

Les caisses d’épargne sont le deuxième prêteur de France aux collectivités territoriales, après Dexia. Dans quelle mesure le réseau des caisses d’épargne aura-t-il encore les moyens de prêter aux collectivités territoriales, notamment au cours du dernier trimestre de l’année, période durant laquelle elles tendent de plus en plus à mobiliser leurs emprunts ?

Les normes comptables et bancaires s’avèrent très procycliques. Quelles modifications peuvent être envisagées dans ce domaine, sans affecter les règles prudentielles relatives aux fonds propres, afin de ne pas accentuer les cycles dépressifs et de ne pas favoriser le credit crunch durant les périodes de récession ?

M. Charles Milhaud. Il est certain que les normes IFRS sont procycliques et ont aggravé la crise. Leur application, ajoutée à la trimestrialité de la présentation des résultats, entraîne une volatilité complètement folle, avec des effets en cascade car les banques provisionnent des risques qui ne sont pas certains. Pour les analystes, dépréciation signifie pertes, ce qui n’est pas toujours le cas. Cela dit, dès lors qu’il n’existe plus de marché sur tel ou tel objet, la valeur tombe à zéro. Pour résoudre ce vrai problème, il importe de retrouver la possibilité de transformer des actifs en titres d’investissement. Cependant, ces normes étant européennes, il ne sera pas aisé de les modifier.

M. Michel Bouvard. Les autres banquiers, notamment étrangers, avec lesquels vous êtes en contact font-ils le même constat ? Existe-t-il un consensus ?

M. Julien Carmona, membre du directoire, en charge des finances et risques. Parmi les banques françaises, indiscutablement. Quant aux assureurs, ils bénéficient de normes un peu moins tyranniques. Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, nombre d’acteurs se sont aussi exprimés à ce propos. Tout dépend effectivement de directives de la Commission européenne. De surcroît, pour rédiger ces normes, la Commission s’en est remise à un organisme privé d’experts-comptables, l’IASB, International Accounting Standards Board, qui l’a enfermée dans des systèmes bloqués. Tout récemment, l’IASB a effectué un premier geste pour revenir à un système un peu plus rationnel économiquement en acceptant de modifier la norme IAS 39, qui gouverne la juste valeur ; cela reste néanmoins insuffisant au regard des attentes des banques et de l’environnement financier.

M. Charles Milhaud. Au regard des volumes de crédit accordés, les banques n’ont pratiquement plus de passif. Les dépôts de ces dernières années portent pour beaucoup sur deux produits : les OPCVM, organismes de placement collectif en valeurs mobilières, et les assurances. Comparativement aux besoins, les dépôts de passif sont relativement faibles. Seuls les encours du livret A progressent depuis le début de l’année alors qu’ils stagnaient depuis quatre ans. Les dépôts sur les plans épargne logement se sont considérablement réduits. Certaines banques – des établissements britanniques ou encore Dexia – s’étaient réorganisées en estimant qu’elles n’avaient finalement pas besoin de dépôts dans la mesure où elles pouvaient emprunter sur le marché. Il convient tout d’abord de faire en sorte que les banques aient à nouveau un passif plus pérenne.

Ensuite, elles rencontrent un problème de court terme. Dans le groupe CNCE, cette année, le volume d’épargne a doublé alors que les dépôts sur livret A, produit simple, sécurisé et rémunéré à 4 % nets d’impôts, étaient multipliés par six. L’une des options consisterait à mobiliser des dépôts de livret A, en recourant notamment à un moyen spécialisé comme le papier hypothécaire. Tous les leviers doivent en effet être employés pour résoudre la crise de liquidité. La Caisse des dépôts, au lieu de placer sur les marchés, qui sont atteints, pourrait refinancer les banques avec des créances presque certaines. Le risque lié à l’octroi de crédit serait porté par les banques, sur leurs fonds propres, et non par la Caisse des dépôts. Or le système français est plutôt surcapitalisé : alors que le ratio normatif est de 4, toutes les banques françaises se situent au-dessus de 8.

Parler du problème de la garantie de dépôt a actuellement un effet anxiogène sur le client. Les banques françaises pourraient éventuellement être reprises mais ne présentent absolument pas ce risque, d’autant qu’elles sont très vigilantes vis-à-vis des risques. Le vrai problème est celui du passif bancaire. Il faut juste répondre aux besoins à moyen terme afin de réamorcer la pompe de la confiance dans la gestion de la liquidité.

M. Michel Bouvard. Le président Milhaud nous explique comment davantage encore de liquidités pourraient être transférées à partir de la Caisse des dépôts. Mais Jean-Pierre Balligand et moi n’avons pas obtenu de réponse à notre question : quelle sera la traçabilité des 18,5 milliards d’euros qui étaient centralisés à la Caisse des dépôts jusqu’à avant-hier et qui vont être déconcentrés ? Parviendront-ils bien aux PME, qui en ont besoin sous la forme de prêts de trésorerie ? Avant d’en transférer davantage, il est indispensable que nous sachions comment ces sommes seront utilisées. Or il apparaît que, ces dernières années, sous tous les gouvernements, les établissements financiers, bénéficiaires du LDD à hauteur de 91 %, n’ont pas justifié de son emploi.

M. Charles Milhaud. Il suffit de comparer le chiffre de l’encours des crédits accordés aux PME-PMI avec celui des transferts. Si l’autorité régulatrice nous le demande, nous fournirons ces informations.

M. Michel Bouvard. Vous pourriez le faire spontanément.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes devant des parlementaires !

M. Charles Milhaud. Je suppose que la question ne s’adresse pas uniquement à la CNCE, mais à tout le système bancaire. Il suffirait que les autorités nous demandent de remplir un état récapitulatif de ces informations.

Mais je crois avoir été mal compris : je propose non pas de transférer les encours de livret A sur le passif mais de mobiliser du papier, c’est-à-dire d’emprunter auprès de la Caisse des dépôts sur les ressources du livret A.

M. Michel Bouvard. À titre personnel, j’y suis totalement défavorable.

M. Charles Milhaud. Je dis très nettement qu’il s’agit d’une des solutions susceptibles de faciliter la constitution de liquidité bancaire.

M. Julien Carmona. Le système de contrôle est sans doute à parfaire, mais nous remettons chaque mois des états détaillés des crédits que nous accordons aux PME en les mettant en face de nos ressources LDD et livret d’épargne populaire. Il est absolument certain que nous aurons la capacité de mettre en place les crédits correspondant aux encours éligibles.

Notre groupe est plutôt en phase de conquête de parts de marché sur le métier des entreprises. Ainsi, nos engagements envers les PME ont progressé de plus 50 % au cours des douze derniers mois. Notre part de marché est aujourd’hui de l’ordre de 5 à 6 % et nous inscrirons l’objectif de 10 % dans notre plan stratégique, soit le même taux que pour les particuliers.

En tout cas, même si le coût du risque augmente, les banques continueront à prêter aux entreprises.

M. Charles Milhaud. Pour ce qui concerne les collectivités locales, tout dépendra de la possibilité de mobiliser des liquidités au niveau de la banque centrale, en particulier pour les gros projets. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi nous ne pouvons mobiliser du papier auprès de la Banque centrale européenne à partir de nos créances sur les collectivités locales, ce qui représenterait des sommes non négligeables.

Avec les subprimes et leur mode de distribution du crédit hypothécaire, les États-Unis ont bâti une machine à perdre. Une autre faute majeure de ce pays a été de laisser Lehman Brothers déposer le bilan car cela a entraîné une réaction de défiance dans l’ensemble du système bancaire.

M. Julien Carmona. Après le 11 septembre, il était justifié de maintenir des taux très bas pour réamorcer la machine mais cela a alimenté des bulles qui devaient éclater un jour. D’abord, la régulation américaine est éclatée entre des acteurs multiples. Ensuite, le comportement des courtiers des crédits subprimes a joué. Enfin, il n’y a aucune norme de protection du consommateur.

M. Charles Milhaud. Pour la régulation, le niveau mondial serait l’idéal puisque le système financier est mondial, mais un système européen serait déjà satisfaisant.

M. Jean-Louis Dumont. Certaines banques – à commencer par la BNP – commencent à faire leur marché chez les concurrents en difficulté, qu’il s’agisse de banques ou de compagnies d’assurance. Compte tenu des attaques de ces derniers jours, ne craignez-vous pas que votre groupe devienne un objet de convoitise ?

M. Charles Milhaud. La CNCE étant un établissement mutualiste et par conséquent absent du marché, je ne vois pas comment il pourrait être convoité.

Le problème de liquidité n’est pas propre à notre groupe mais commun à tout le système bancaire français. Je recommande non pas de décentraliser de l’utilisation de l’épargne mais de tirer partie des poches de liquidités pour réamorcer la pompe avec toute la sécurité requise.

Pour le reste, ce qui est en train de se passer entraîne incontestablement une redistribution, une reconfiguration en deux temps. Certaines banques nationalisées vont en effet se retrouver restructurées puis remises sur le marché, éventuellement après avoir été découpées. Mais il n’est pas exclu que certains repreneurs fassent de bonnes affaires, notamment dans le cas de Fortis, voire dans celui d’AIG.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président Milhaud, vous entendez les doutes qui habitent nos esprits. Si les Caisses d’épargne ne sont pas présentes sur le marché, ce n’est pas grâce à vous car vous aviez eu quelques tentations.

Je ne puis oublier la façon dont vous avez traité la Caisse des dépôts, ce qui vous a valu les observations de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers.

Peut-on encore vous croire ?

M. Charles Milhaud. Tout ce que je peux vous dire, c’est que la Caisse des dépôts n’a pas été scindée par ma seule volonté ; ce serait me conférer un pouvoir excessif.

Lorsque nous avons mené l’opération IXIS, le groupe Caisse d’épargne était destiné à la cotation. Nous avons considéré qu’il était préférable de s’allier avec les Banques populaires et nous allons jusqu’au bout de cette logique. Il est vrai que la crise favorise une certaine prise de conscience mais nous agissons surtout parce que le rachat de Fortis annonce une reconfiguration de l’ensemble du système bancaire.

M. Michel Bouvard. Le mariage entre les banques populaires et les Caisses d’épargne sera-t-il consommé dans le lit de Natexis ?

M. Charles Milhaud. Pourquoi ne serait-il pas consommé ? Vous le verrez à l’usage.

M. Marc Goua. Ne pensez-vous pas que nous avons insuffisamment attiré l’attention sur le financement de crédits à quinze ou vingt ans par des dépôts à vue, ce qui requiert évidemment un refinancement ?

OSEO ne joue pas son rôle en ce qui concerne les contre-garanties à apporter pour la création et le développement d’entreprises.

M. Charles Milhaud. La Banque de France suit les situations de transformation de très près. Le propre du système bancaire est d’essayer de disposer de produits de passif sur des durées de plusieurs années.

Malgré tous ces excès, le système a tout de même permis de financer l’économie de manière très soutenue. L’ingénierie financière ne doit donc pas être rejetée dans son ensemble.

Aujourd’hui, je préconise simplement que, sur des périodes courtes, tous les moyens possibles soient employés pour faciliter la liquidité, faute de quoi des ruptures se produiront dans le financement des PME.

M. Hervé Mariton. Quels changements de situation objectifs rendent possible le rapprochement avec le groupe Banques populaires, qui ne l’était pas hier ?

M. Charles Milhaud. Lors de l’opération Natexis, la presse en a immédiatement conclu que nous nous apprêtions à fusionner, ce que nous n’avions jamais dit. Cela faisait partie de nos projets mais je devais d’abord réduire le nombre de caisses d’épargne et restructurer le groupe afin d’urbaniser le paysage et de le rendre comparable à celui des Banques populaires. Nous considérions que l’horizon était plutôt 2010-2012.

La situation est aujourd’hui différente. La crise favorise les évolutions. Surtout, les opérations Dexia et Fortis nous incitent à réfléchir : nous pourrions devenir un acteur pesant 17 milliards de produit net bancaire et 40 milliards de fonds propres.

M. Patrick Lemasle. La CNCE est-elle impactée par la crise américaine ? À quel niveau ? Quel montant atteignent les « fonds pourris » que vous détenez ?

Votre besoin de liquidités est-il assez urgent, urgent ou très urgent ? À combien s’élève-t-il ?

La crise ne risque-t-elle pas de s’approfondir encore avec la fusion de deux établissements dont les réseaux sont en concurrence ? Avant cette fusion, je lis que la CNCE envisageait déjà de supprimer un millier d’agences et 4 000 emplois.

M. Charles Milhaud. Je répète que le groupe CNCE ne rencontre pas de problème de liquidité particulier mais que celui-ci est commun à tout le système bancaire. Les directeurs financiers de toutes les banques de France, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne et de Grande-Bretagne sont obligés de faire leur marché pour financer leurs liquidités parce que les structures de bilan ne sont plus ce qu’elles étaient et parce que le marché monétaire est bloqué. Il nous a seulement paru intelligent, avec Philippe Dupont, d’aller plus loin et plus vite pour réunir deux établissements solides.

M. le président Didier Migaud. En clair, que pensez-vous des rumeurs de la semaine dernière ?

M. Charles Milhaud. Vous parlez du Canard enchaîné ?

M. Julien Carmona. Notre groupe se compose de trois périmètres.

Les Caisses d’épargne elles-mêmes passent globalement au travers de la crise sans casse, qu’il s’agisse de la solvabilité ou des liquidités. En face de 100 de crédit, nous avons 90 de dépôt ; c’est le ratio le plus élevé de France, excepté La Banque postale, et le ratio moyen des banques européennes est plutôt de 70 ou 75 de dépôt pour 100 de crédit. Par conséquent, la crise est là mais nous nous en tirons plutôt mieux que d’autres. Les pertes des Caisses d’épargne directement liées aux subprimes sont infinitésimales. Sur un produit net bancaire d’un peu plus de 6 milliards, les pertes liées à la gestion financière, au premier semestre, étaient de l’ordre de 200 millions, non pas parce qu’elles ont pris des risques spéculatifs mais parce que, par tradition, elles détiennent des portefeuilles financiers importants et des réserves de liquidités. Le fait est que presque toutes les classes d’actifs – actions, fonds monétaires, titres, immobilier – présentent des performances négatives ; les investisseurs s’en ressentent forcément, même si leur gestion est prudente. Ces pertes, pas forcément définitives, sont en tout cas absorbables. Le modèle des Caisses d’épargne est donc robuste et sûr.

Celui du Crédit foncier ne l’est pas moins, notamment pour affronter la crise de liquidités en mobilisant des actifs auprès des banques centrales. Il émet notamment au travers de la Société de crédit foncier, issu d’une très bonne loi de 1999, susceptibles de subsister assez durablement de manière autonome.

En revanche, Natexis subit l’impact de la crise, peut-être parce que nous n’avons pas été bons mais aussi parce qu’il s’agit d’une banque de financement et d’investissement, qui intervient sur les marchés. Depuis le début de la crise, Natexis a enregistré un peu moins de 4 milliards d’euros de dépréciation. Pour le groupe CNCE, les pertes de Natexis et de CIFG représentent environ 3 milliards d’euros avant impôt, soit 2 milliards d’euros après impôt, l’équivalent d’une année de résultat. Nous nous en passerions bien mais nos fonds propres ne sont heureusement pas attaqués, ce qui nous permet d’absorber la crise.

M. François Goulard. L’ensemble Caisse d’épargne plus Banques populaires constituera un acteur majeur à l’échelle française mais relativement peu présent hors de nos frontières. Adopterez-vous une stratégie de diversification géographique ?

J’ajoute que, pour ma part, j’ai toujours apprécié la sagesse du président Milhaud.

M. Charles Milhaud. Je suis très sensible à vos propos, monsieur le député.

Le développement international fait partie de notre stratégie. Les Caisses d’épargne ont commencé à s’implanter sur l’autre rive de la Méditerranée, en Tunisie, au Maroc et en Algérie. Les Banques populaires sont aussi présentes en Afrique, notamment en Algérie, ainsi que dans quelques pays de l’Est. Nous avons pour objectif de développer une banque commerciale accompagnant les PME françaises dans les pays où le taux de croissance du PIB excède 4 ou 5 %. Nous détenons également une participation dans une banque italienne. Tout cela sera consolidé dans un seul ensemble.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie pour ces informations.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Gilles Carrez, Rapporteur sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 1128).

Elle a également nommé M. Richard Dell’Agnola, Rapporteur spécial sur la mission Culture ; création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

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