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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 19 novembre 2008

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 46

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008

M. le président Didier Migaud. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, pour nous présenter le projet de loi de finances rectificative pour 2008 adopté aujourd'hui même en Conseil des ministres. Cet exercice traditionnel prend cette année un relief particulier, le Gouvernement ayant dû revoir quelque peu ses hypothèses macro-économiques pour la période 2008-2012, et le projet de loi de programmation des finances publiques 2009-2012 comme le projet de loi de finances pour 2009 ayant dû être révisés en cours même d’examen. C’est donc un rebasage de la loi de finances pour 2008, monsieur le ministre, que vous allez nous exposer, ainsi que ses conséquences en matière de recettes et de solde budgétaire. Vous nous commenterez également les modifications de crédits intervenues en cours d’année, vous ferez le point sur la régulation budgétaire et nous présenterez les nouvelles mesures, en particulier celles concernant la lutte contre la fraude fiscale, conformément à l’engagement que vous aviez pris, et que pour ma part je salue.

Avant de vous laisser la parole, je tiens à saluer la présence à cette réunion d’un député allemand du parti des Grünen, membre de la commission des finances du Bundestag et invité par notre collègue Jean-Pierre Brard.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Voici donc le deuxième projet de loi de finances rectificative de l’année 2008, une première loi de finances rectificative pour le financement de l’économie ayant été adoptée en octobre dernier. Il réactualise les prévisions de recettes en fonction des dernières estimations connues. Il opère les nécessaires ajustements de dépenses en fin d’exercice avec ouvertures et annulations de crédits, lesquelles se compensent strictement. Il introduit enfin de nouvelles dispositions en matière fiscale.

Le solde budgétaire associé à ce collectif s’établit à -51,4 milliards d’euros, en recul de deux milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie et de 9,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Cette aggravation du déficit témoigne à la fois du jeu des stabilisateurs économiques et de la forte augmentation de la charge de la dette du fait de l’inflation.

Les prévisions de recettes fiscales, déjà revues à la baisse de cinq milliards d'euros dans la loi de finances rectificative d'octobre dernier, le sont de nouveau de deux milliards d’euros, soit une baisse totale de sept milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale – conformément d'ailleurs à la prévision du président de votre commission des finances…

Le produit de l’impôt sur les sociétés est lui aussi revu à la baisse d’un milliard d’euros, suite à la crise du secteur financier qui représente, à lui seul, un quart des recettes. L'hypothèse est prudente car nous ne connaîtrons le montant exact des rentrées qu'après le paiement du dernier acompte en décembre.

Les recettes de TVA, dont nous constatons la diminution depuis septembre, sont elles aussi revues à la baisse d’un milliard d’euros. Cette révision intègre notamment un remboursement de 600 millions d’euros collectés à tort sur les contributions d’exploitation versées par les régions à la SNCF, au titre des transports régionaux de voyageurs. Les sommes indûment versées par les régions leur ont été restituées aujourd’hui même et la DGF qui leur sera allouée en fin d'année ajustée en conséquence. Les deux opérations se traduisent tout de même par un gain de quelque 85 millions d’euros pour les régions – et donc une perte de même montant pour l’État –, mais il m'étonnerait qu'elles s'en plaignent.

La dégradation du déficit est cependant contenue grâce à une stricte maîtrise des dépenses, hormis l'augmentation de la charge de la dette. Le projet de loi de finances rectificative propose des ouvertures de crédits, strictement limitées à celles nécessaires pour solder la gestion. Ces ouvertures, qui correspondent à des besoins apparus en cours d'année, s’élèvent à 1,1 milliard d’euros, dont près de 800 millions d’euros afin de mettre à niveau les dotations versées à la Sécurité sociale et d’éviter la reconstitution d'une dette de l’État à son égard. J’ai ainsi tenu à ce que soient notamment rebudgétisées l’allocation aux adultes handicapés – AAH –, l’allocation de parent isolé – API – ou encore l’aide médicale d’État – AME.

Dans le prolongement de l'apurement de 5,1 milliards d'euros de dettes constituées auprès du régime général en 2007, j'ai choisi d’affecter le surplus de recettes attendu par la Sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires prévues dans la loi TEPA, d'une part à hauteur de 150 millions d'euros au financement des exonérations de charges sur les rachats de jours de RTT, d'autre part à hauteur de 750 millions d'euros au remboursement de dettes anciennes.

Ces ouvertures sont entièrement gagées par des annulations de crédits de même montant, réparties sur l’ensemble des missions du budget général et portant sur des crédits initialement mis en réserve au titre de la réserve de précaution ou devenus sans objet.

D’autres ouvertures, dont l’urgence ne permettait pas d’attendre le collectif de fin d’année, ont été intégrées par anticipation dans un décret d’avance, actuellement soumis à l’avis des commissions des finances des assemblées. Ce décret comporte 380 millions d’euros pour le financement de la prime de Noël, revalorisée et désormais versée en novembre aux bénéficiaires du RMI et de l’allocation de solidarité spécifique – ASS. Ces ouvertures sont également strictement compensées par des annulations de même montant.

Le projet de loi de finances rectificative comporte en outre diverses mesures fiscales.

Tout d’abord, pour soutenir nos entreprises, ce qui est particulièrement important dans la conjoncture actuelle, il est proposé d’instituer un dégrèvement permanent de taxe professionnelle à hauteur de la valeur locative des équipements et biens mobiliers neufs acquis par les entreprises entre le 23 octobre 2008, date de l’annonce de la mesure par le Président de la République, et le 31 décembre 2009. Cette mesure bénéficiera même aux entreprises dont la taxe professionnelle est aujourd’hui plafonnée. La baisse attendue de recettes pour l’État est estimée à environ un milliard d’euros en 2011.

Ensuite, sont prévues des mesures spécifiques au profit des territoires touchés par les restructurations du ministère de la défense : exonération d’impôt sur les bénéfices, totale pendant cinq ans puis partielle pendant deux ans, exonération de certaines cotisations patronales de sécurité sociale, crédit de taxe professionnelle pour les micro-entreprises.

Enfin, pour mieux lutter contre la fraude fiscale, le projet de loi tend à renforcer les prérogatives des agents des impôts. Lors des perquisitions opérées dans les entreprises, ils auront désormais le droit d’entendre – ce n’est pas possible aujourd’hui – les auteurs présumés de la fraude. Quant à la lutte contre l’évasion des capitaux vers les paradis fiscaux, le projet de loi porte de trois à six ans le délai de prescription et alourdit le montant de l’amende encourue pour non-déclaration de compte, laquelle pourrait aller jusqu'à 5 000 euros...

M. Henri Emmanuelli et M. Jérôme Cahuzac. Terrible sanction !

M. le Ministre. ...lorsque le compte est détenu dans un État ou un territoire ne permettant pas l'accès aux informations bancaires.

Parallèlement à ces mesures de lutte contre la fraude fiscale, le projet de loi comporte des dispositions visant à garantir une meilleure sécurité juridique aux contribuables de bonne foi. J’ai, sur le sujet, repris nombre des propositions du rapport contre les fraudes et les pratiques abusives portant atteinte aux finances publiques que j’avais commandé l’an passé à Olivier Fouquet, président de section au Conseil d'État. Une réforme de la procédure de répression des abus de droit est en cours. Ainsi les sanctions seraient-elles modulées et la pénalité de 80 % applicable en cas d’abus de droit ramenée à 40 %. Une solidarité de paiement des pénalités serait par ailleurs introduite entre les parties à l’acte ou à la convention et le redevable de droit de ces pénalités. L'actuel comité consultatif pour la répression des abus de droit changerait de dénomination et sa composition serait élargie à des professionnels – avocats, notaires, experts-comptables.

Il est également prévu d'ouvrir, à titre expérimental pour une durée de trois ans, aux bénéficiaires d'une succession, d'un legs ou d'une donation, la faculté de demander à l’administration fiscale de valider leur calcul des droits dus. À défaut de contrôle dans le délai d’un an, aucune rectification ni remise en cause des éléments déclarés ne pourrait intervenir.

Il est aussi envisagé de créer une procédure de rescrit spécifique pour la valorisation d'une entreprise en cas de transmission et la qualification d'une activité professionnelle au regard de certaines catégories de revenus – bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux – ou d’impôt – impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés – en vue de déterminer les obligations comptables et fiscales auxquelles sont soumis les bénéficiaires.

J’ai demandé à la Direction générale des finances publiques une expérimentation des garanties fiscales à partir de 2009 dans une vingtaine de brigades de vérification. Les vérificateurs auront un champ de vérification limité, de façon que le contribuable contrôlé, particulier ou entreprise, ne puisse pas être contrôlé de nouveau dans le même champ et que ce qui a déjà fait l'objet d'un contrôle une première fois ne puisse pas être remis en cause. Les vérificateurs devront également corriger les erreurs éventuellement commises au détriment des contribuables : cette partie de leur activité sera revalorisée et fera elle aussi l’objet de mesures avec des indicateurs appropriés.

Enfin, pour servir le développement durable, le projet de loi institue un malus annuel de 160 euros, applicable aux seuls véhicules émettant plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre.

Au total, le déficit public devrait avoisiner 2,9 % du PIB en 2008. De nombreuses incertitudes demeurent toutefois concernant notamment les rentrées d’impôt sur les sociétés en fin d’année, et les dépenses de sécurité sociale en novembre et décembre. Mais nous devrions pouvoir rester en dessous du seuil de 3 %, ce qui est essentiel.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Outre des mesures budgétaires, comme il est de tradition, le projet de loi de finances rectificative comporte des mesures ayant trait aux relations entre le contribuable et l’administration fiscale. Le premier volet vise à simplifier, à sécuriser et à améliorer ces relations, dans l’intérêt des contribuables. Nombre des mesures préconisées avaient fait l’objet d’amendements de notre part par le passé et figuraient dans un rapport de notre collègue Jean-Yves Cousin. Le second volet, en contrepartie dirais-je, tend à renforcer la lutte contre la fraude fiscale.

J’en viens aux mesures budgétaires. Les recettes d’impôt sur le revenu sont revues à la baisse de 300 millions d’euros par rapport à la dernière prévision. Pourquoi ? J’ai entendu évoquer une dégradation du taux de recouvrement et de moindres plus-values immobilières, ce qui n'aurait rien d'étonnant dans le contexte de crise immobilière qui commence à faire sentir ses effets.

Confirmez-vous, ce qui serait une bonne nouvelle par rapport aux années antérieures, des plus-values de recettes de fiscalité pétrolière, aussi bien pour la TIPP que pour la TVA ?

Pour ce qui est des dégrèvements de taxe professionnelle accordés depuis le 23 octobre dernier, et qui portent sur l’ensemble des investissements des entreprises, à l’exception de l’immobilier, comment le dispositif va-t-il fonctionner pour la période comprise entre le 23 octobre et le 31 décembre 2008 ? Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette réforme et qu'envisagez-vous au-delà du 31 décembre 2009 ?

Pourrions-nous en savoir davantage concernant la prévision de prélèvement sur la Coface, fortement reconsidérée depuis septembre ? L’an dernier, une fraction de ce prélèvement avait été réintégrée dans le déficit. Selon la doctrine comptable imposée par Eurostat, en comptabilité maastrichtienne, il n'est plus possible de déduire du déficit les comptes excédentaires de la Coface.

S’agissant des dépenses, malgré l’opération vérité opérée en loi de finances initiale pour 2008, on note un nouveau dérapage de 400 millions d’euros des crédits prévus pour l’AME, l’AAH, l’API.

M. Henri Emmanuelli. Tout simplement, parce que les besoins sont sous-estimés au départ !

M. le Rapporteur général. On avait procédé à une réévaluation en 2008 pour précisément parer aux insuffisances constatées les années antérieures.

L’État continue dans ce collectif à rembourser sa dette à l’égard des organismes sociaux. Priorité avait été donnée au régime général de sécurité sociale. Il est maintenant prévu de rembourser 750 millions d’euros, notamment à la caisse de retraite de la SNCF et au régime social des indépendants. Comment voyez-vous la poursuite de ce remboursement alors que s'est, hélas, reconstituée en 2008 une dette de l’État à l’égard du régime général ?

S’agissant enfin de la réserve de précaution, vous nous aviez indiqué que la moitié environ de cette réserve, soit 3,5 milliards d’euros, serait annulée. Où en est-on, compte tenu notamment du décret d’avance ?

M. le Ministre. Pour ce qui est de la fiscalité pétrolière, au 30 septembre 2008, nous avons enregistré une moins-value de TIPP de 339 millions d’euros et une plus-value de TVA de 906 millions, soit un solde positif de 567 millions d’euros, lequel sera utilisé pour augmenter la prime à la cuve, mettre en place le chèque transport, financer des mesures ponctuelles en faveur des marins-pêcheurs, des agriculteurs et des ambulanciers. Toutes ces mesures se seraient traduites par une aggravation du déficit sans ces plus-values de TVA, puisqu’elles avaient de toute façon été prises avant que ces dernières ne soient constatées.

Le produit de l’impôt sur le revenu est estimé à 51,5 milliards d’euros, contre 51,8 milliards initialement prévus. Le taux de recouvrement n’a vraisemblablement pas diminué, mais sans doute a-t-il moins augmenté que les années passées.

M. Henri Emmanuelli. Quel est-il, au fait ?

M. le Ministre. De 95 % à 96 %. Il progressait régulièrement, mais ce mouvement semble s’être arrêté cette année. D’où la nécessité de réviser les prévisions de recettes.

S’agissant de la taxe professionnelle, j’ignore ce qu'il adviendra au-delà du 31 décembre 2009. Nous examinerons tout cela de plus près dans le cadre du travail portant sur les collectivités locales. Cet impôt sera certainement encore réformé, mais je ne sais pas en quoi consistera cette réforme.

M. Jérôme Cahuzac. C’est rassurant !

M. le Ministre. Nous nous attachons d’abord à l’organisation des collectivités, nous réformerons ensuite, le moment venu, la fiscalité en conséquence. Pour l'heure, les mesures prises pour 2009 doivent être tenues pour conjoncturelles.

Pour la période du 23 octobre au 31 décembre 2008, le dégrèvement fonctionnera de la même manière que pour 2009. Les investissements réalisés par l’entreprise pendant cette période, déduits de sa base de taxe professionnelle 2008, seront donc exonérés de cet impôt en 2010, compte tenu du décalage de deux ans.

M. le Rapporteur général. Ces dégrèvements seront bien compensés à l’euro près pour les collectivités.

M. Henri Emmanuelli. Je peux comprendre que l’État ait des difficultés, mais il est insupportable de continuer d'entendre parler de compensation « à l’euro près », dont chacun sait qu’il n’en est rien !

M. le Président Didier Migaud. La formule, prononcée la première fois par qui l'on sait, est devenue une formule consacrée.

M. le Ministre. Remarquez que je ne l’ai pas moi-même employée.

S’agissant du prélèvement sur la Coface, nous l'avons ramené de 2,9 à 2,5 milliards. Nous avons ajusté le produit constaté aux critères de la comptabilité maastrichtienne – je rappelle que cet ajustement technique nous avait coûté l’an passé près de 0,1 point de déficit.

Le montant des annulations de crédits sera un peu inférieur à la moitié de la réserve de précaution. En décret d’avance puis en collectif, il devrait représenter environ 2,8 milliards d’euros sur les 7 milliards mis en réserve.

S’agissant enfin des dettes de l’État à l’égard de la Sécurité sociale, nous ne pouvons pas aller beaucoup au-delà de ce que nous faisons. Nous aurions pu ne rien faire, je ne l’ai pas voulu. Nous continuons à clarifier les relations financières entre l’État et les organismes sociaux, même si c’est évidemment plus difficile dans la conjoncture actuelle.

M. Jérôme Cahuzac. Dans la suite logique de la contraction de la consommation des ménages, ce sont donc encore près de deux milliards d’euros de recettes de TVA en moins qui seront enregistrés.

L’État avait remboursé un peu plus de cinq milliards d’euros à la Sécurité sociale. Hélas, au même moment, une autre dette de 2,5 milliards se reconstituait. Après la poursuite du remboursement dont vous avez fait état, la dette restante ne sera-t-elle bien que de 1,3 milliard ? Rien ne m’a-t-il échappé ?

Pourrions-nous enfin connaître le coût, analytique et agrégé, pour l’État de la défiscalisation des heures supplémentaires, de l’augmentation du nombre de successions s’effectuant désormais en franchise de droits et du bouclier fiscal ?

M. Michel Bouvard. Le groupe UMP se félicite de la maîtrise des dépenses, dans un contexte pourtant difficile. À l’exception de la charge de la dette qui augmente notamment du fait de l'inflation et de la remontée des taux d’intérêt, cette année encore, la dépense est tenue. Nous nous félicitons également de la poursuite de la clarification des relations entre l’État et les organismes sociaux, avec le remboursement de dettes anciennement constituées, de même que des mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude fiscale.

Quelques questions. On observe encore, comme chaque année, des dépenses supplémentaires pour l’indemnisation de calamités agricoles. Ne conviendrait-il pas de prévoir dès le départ des crédits suffisants ?

Le produit attendu de l’impôt sur les sociétés est revu à la baisse d’un milliard d’euros. Le secteur des banques et des assurances en rapporte traditionnellement près d’un quart. Quelle part de cette diminution lui est imputable ? Car dans le même temps où celui-ci subit une crise sévère, d’autres sociétés du CAC 40 annoncent des résultats florissants…

Le rachat des heures supplémentaires dans la fonction publique a visiblement rencontré un grand succès. Pouvez-vous faire le point sur cette mesure ?

S’agissant des dégrèvements de taxe professionnelle, je souhaiterais être sûr qu’ils seront bien compensés également pour les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle.

Enfin, si on ne peut que se réjouir de n’avoir dû annuler que la moitié des crédits mis en réserve de précaution, comment et surtout quand les sommes qu'il est prévu de libérer le seront-elles pour les responsables de programmes et des budgets opérationnels de programme ? Il importe en effet que cette réserve de précaution, dès lors qu’elle n’est plus nécessaire, puisse être mobilisée rapidement pour être utilement utilisée. Cela étant, cette réserve de précaution constitue une avancée indéniable par rapport au gel de crédits tel qu’il était pratiqué avant la LOLF.

M. Jean-Pierre Brard. Je m’associe aux questions de Jérôme Cahuzac et de Michel Bouvard, que je ne reprendrai donc pas, me contentant d'en ajouter quelques-unes.

Quel sera le coût approximatif du bouclier fiscal en 2008 ? À combien évaluez-vous le coût total de la loi TEPA ? Disposez-vous de données précises sur les pertes de recettes d’ISF imputables à cette loi TEPA ?

S’agissant de la lutte contre la fraude fiscale, je suis tenté de vous faire confiance a priori. Mais conformément à l’adage selon lequel « la confiance, c’est bien, le contrôle, c’est mieux », pourrait-on connaître les résultats effectifs des mesures prises ? Où en est-on concernant le Liechtenstein, mais aussi Monaco et Andorre ? Enfin, qu’en est-il de la lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire par le biais des carrousels ? Cette lutte supposerait une étroite coopération avec nos voisins européens. Or, les résultats semblent bien faibles, l'Union refusant par exemple de créer un fichier communautaire des raisons sociales qui permettrait de combattre plus efficacement le fléau.

Enfin, que recouvre la notion de « crédits sans objet », dont vous avez dit que certains avaient été annulés. S’ils étaient sans objet, pourquoi avaient-ils été programmés ?

M. Charles de Courson. Je souhaiterais compléter la question que vous a posée le rapporteur général concernant la Coface. Le prélèvement s'élève à 2,5 milliards d’euros, en diminution de 0,55 milliard par rapport à la loi de finances rectificative pour le financement de l'économie d'octobre 2008. Pourriez-vous nous en dire davantage car j’ai entre-temps appris que la Coface était en passe de doubler ses cotisations d’assurance, pour faire face à l'augmentation du nombre d’impayés ? Dans le cadre du soutien nécessaire à nos exportations, est-il opportun d’opérer un prélèvement ? Ne vaudrait-il pas mieux inviter la Coface à modérer l’augmentation de ses cotisations et donner la priorité à la compétitivité des entreprises ? Eurostat retiendra-t-il la totalité de la recette ou seulement une fraction, comme l'année dernière ?

Ma deuxième question concerne le nouveau malus annuel de 160 euros pour les véhicules les plus polluants. Combien cette mesure rapportera-t-elle ? Les véhicules flex-fuel seront-ils exonérés ? Les familles comptant trois enfants et plus bénéficieront-elles d’abattements ?

Ma troisième question a trait aux exonérations de taxe professionnelle. Les entreprises plafonnées bénéficieront quand même du dispositif, si bien que celles d'entre elles qui auront réalisé de nouveaux investissements seront plafonnées à un taux réel inférieur à 3,5 % de la valeur ajoutée, alors que celles qui n'en auront pas fait resteront plafonnées à 3,5 %. N’y a-t-il pas là un risque de rupture d’égalité ? Enfin, la réforme aura-t-elle une incidence sur la cotisation minimale ?

S’agissant de la répression de l’abus de droit, le projet de loi comporte des dispositions relatives à la procédure. Mais qu'envisagez-vous concernant le fond du sujet ? En effet, ce dispositif fonctionne très mal, car l'interprétation de l’abus de droit par la jurisprudence impose aujourd'hui à l’administration fiscale de prouver « le caractère exclusif du montage fiscal », ce qui est extrêmement difficile.

Enfin, un communiqué du gouvernement belge nous apprend que « les gouvernements belge et français se sont engagés à donner leur garantie pour couvrir le portefeuille Financial Product de la filiale FSA de Dexia de 16,5 milliards de dollars géré par FSA Asset Management pour la première perte de 3,1 milliards de dollars, excédant les provisions existantes de 1,4 milliard au 30 septembre 2008. « [...] »Les États bénéficieront d’actions ordinaires de Dexia ou d’actions préférentielles en cas de pertes finales supérieures à 4 milliards de dollars », ajoute ce communiqué Or, la loi de finances rectificative d’octobre 2008 ne prévoit que des garanties à Dexia, pas à cette filiale. Déposerez-vous, dans le cadre du collectif, un amendement à ce sujet, puisqu’il ne saurait, aux termes de la LOLF, y avoir de garantie de l’État sans vote du Parlement ?

M. François Goulard. Comme notre collègue Michel Bouvard, je tiens à souligner le sérieux qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi de finances rectificative, dans les circonstances actuelles. Le nouveau dégrèvement prévu de taxe professionnelle, qui n’en est qu’un parmi d’autres, ne sera pas sans incidence sur le comportement des collectivités. La multiplication des dégrèvements et des exonérations encourage en effet leur irresponsabilité, puisqu’augmenter les impôts revient pour elles à faire payer l’État, et non le contribuable local. C'est aussi accorder une prime à la mauvaise gestion puisqu’à potentiel fiscal équivalent, les collectivités qui, moins bonnes gestionnaires, appliquent des taux d’imposition plus élevés, reçoivent davantage de l’État. La compensation « à l’euro près », selon la formule consacrée, est-elle bien équitable ?

M. Thierry Carcenac. S’agissant de la lutte contre la fraude fiscale, il était question de mettre en place un service national judiciaire. Où en est-on à ce sujet ? Jusqu’où envisagez-vous d’aller ?

L'article 2 du projet de loi prévoit d’affecter aux départements une part du produit de la TIPP afin de compenser certaines charges nouvelles qui leur ont été transférées. La commission consultative sur l'évaluation des charges, qui s’est réunie la semaine dernière, a constaté que l’État leur devait toujours 11 millions d'euros, notamment après le transfert du RMI et de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA – depuis 2004. Un rattrapage était prévu au moins en 2007 et 2008. Or, ce collectif ne comporte aucune mesure en ce sens.

M. le président Didier Migaud. Si les mesures prises en matière de lutte contre la fraude fiscale vont dans le bon sens, elles paraissent toutefois moins ambitieuses que celles annoncées. Qu’est-ce qui justifie ce qui pourrait apparaître comme un recul ? Le Gouvernement a-t-il simplement besoin de temps supplémentaire pour compléter certains dispositifs ?

M. Jean-Louis Dumont. Ma question concerne la composante additionnelle « Recherche » de la taxe sur les installations nucléaires de base, qui intéresse tout particulièrement les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, un futur stockage réversible de déchets radioactifs en couches géologiques profondes étant prévu à Bure. Si l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et Areva remplissent convenablement leurs obligations, il n’en va pas de même pour EDF. Je déposerai en séance publique un amendement tendant à exiger d'EDF qu'il verse sa contribution en numéraire, et non en prestations techniques dont le montant est estimé de manière forfaitaire, au GIP géré par le département de la Meuse. Des rapports révèlent en effet que l'entreprise recycle l’argent dans ses propres filiales et ne remplit pas ses obligations comme elle le devrait, tout particulièrement dans un département rural comme la Meuse. Il ne s’agit pas d’augmenter la redevance due par EDF, mais de faire en sorte qu'elle s’en acquitte pleinement.

M. le Ministre. Monsieur Cahuzac, vos analyses sur les recettes de TVA sont justes. Celles-ci diminuent bien en effet de deux milliards d’euros, si l’on fait abstraction des plus-values de TVA pétrolière. Mais sur un total de recettes qui dépassent les 130 milliards, cela ne représente que quelques pour cent. Pour autant, nul ne nie le ralentissement de la consommation observé en septembre et octobre, les consommateurs ayant notamment procédé à des arbitrages entre carburant et autres biens.

La dette de l’État à l’égard de la Sécurité sociale s’est, hélas, reconstituée en 2007 à hauteur de 1,7 milliard. Il en ira encore de même en 2008, à un niveau beaucoup plus faible. Nous souhaitons contenir ce mouvement. D’où les remboursements auxquels nous procédons au profit de la caisse de retraite de la SNCF et du régime social des indépendants. Dans le projet de loi de finances initiale pour 2009, nous avons essayé de doter de manière suffisante les lignes budgétaires afférentes. Ce problème récurrent de dette devrait donc être enfin réglé et ne devrait plus rester qu’un reliquat à rembourser.

J’en viens à la loi TEPA. Le coût de la défiscalisation des heures supplémentaires est estimé à 4,3 milliards d’euros, dont 4,1 milliards au titre des cotisations sociales et 0,2 milliard au titre de l’impôt sur le revenu. Les mesures relatives aux successions représentent un coût pour l’État – mais un avantage pour les contribuables ! – de deux milliards au 30 septembre 2008 ; les exonérations d’ISF pour les souscriptions au capital de PME un coût d’environ 600 millions d’euros ; le bouclier fiscal sur les revenus 2007 un coût de 260 millions d’euros ; le crédit d’impôt à hauteur de 20 % des intérêts d’emprunt acquittés pour l’achat, sous certaines conditions, d’une résidence principale, un coût de 220 millions d’euros.

Monsieur Bouvard, je vous remercie d’avoir souligné que la dépense était, cette année comme les années précédentes, tenue. S’agissant de la diminution du produit de l'impôt sur les sociétés, j'ignore encore dans quelle proportion elle est imputable aux différents secteurs. Aucune banque ni compagnie d’assurance ne nous ont communiqué la moindre information. Il faut attendre fin décembre pour être définitivement fixé, même si nous savons que les résultats ne seront pas bons et avons donc dégradé encore les prévisions.

Le rachat des heures supplémentaires dans la fonction publique est utilisé à 85–90 % dans l’éducation nationale, puis dans la police, et, dans une bien moindre mesure, dans les autres ministères. La mesure connaît un grand succès et répond parfaitement au besoin de flexibilité induit par la diminution des effectifs, notamment d’enseignants.

Les annulations de crédits mis en réserve résultent d’une analyse menée en concertation avec les différents ministères. Les crédits non annulés sont remis à la disposition des gestionnaires des budgets opérationnels de programme dans des délais raisonnables et assez brefs, même si cela prend toujours un peu de temps.

Monsieur Brard, nous continuons de progresser dans la lutte contre la fraude fiscale, notamment pour ce qui est du Liechtenstein. Parvenus au terme de l'instruction administrative d'un certain nombre de dossiers, nous allons probablement les transmettre à la justice afin que toute la lumière soit faite. S’agissant de la fraude à la TVA intracommunautaire, le dernier sommet Ecofin a décidé la création d’Eurofisc, plate-forme beaucoup plus structurée que la structure actuelle, Eurocanet – European carousel network. Les choses avancent, et je ne suis pas inquiet car la France est vraiment moteur sur le sujet.

Les crédits « sans objet », monsieur Brard, sont des crédits qui le sont devenus car ils n’ont pas été dépensés ou de manière moindre qu’escompté. Ils ne l’étaient pas au départ !

Messieurs de Courson et Bouvard, vous m'avez tous deux interrogé sur la Coface. Les 2,5 milliards d’euros constituent la dernière évaluation des résultats comptables dont nous disposons pour 2008. C’est le montant retenu a priori par la comptabilité nationale et Eurostat.

Monsieur de Courson, la recette escomptée du bonus automobile annuel est assez faible – trois millions d’euros à l’horizon 2010, qui seront affectés au budget général – car seuls seront concernés les véhicules de très grosse cylindrée, qui ne sont pas les plus nombreux. Je signale au passage que très peu de modèles français sont concernés. Nous espérons par ailleurs que ce malus infléchira les achats des automobilistes.

Pour les entreprises qui bénéficient d'un plafonnement de leur cotisation de taxe professionnelle, car celle-ci est supérieure à 3,5 % de leur valeur ajoutée, je laisserai le spécialiste de ce dispositif vous apporter des précisions techniques.

M. Charles de Courson. Je précise que, dans le dossier qui nous a été remis, figure un exemple indiquant qu'une entreprise déjà au plafond pourra bénéficier d’un dégrèvement complémentaire.

M. le Rapporteur général. La mesure vise à aider les entreprises industrielles qui réalisent de gros investissements, comme celles du secteur automobile, déjà plafonnées à 3,5 %. Il serait dommage que le nouveau dispositif ne profite pas aux entreprises qui paient le plus de taxe professionnelle.

M Christophe Bonnard, conseiller technique auprès du ministre. À l'instar du dispositif prévu en 2004 à l’occasion de l’institution du dégrèvement pour investissements nouveaux, il y aura bien un dégrèvement complémentaire pour les entreprises plafonnées, ce qui leur permettra de réduire leur cotisation de taxe professionnelle.

M. Charles de Courson. De fait, le plafond effectif pourra donc tomber pour les entreprises concernées en dessous de 3,5 %. N’y a-t-il pas là risque de rupture d’égalité ?

M. le Ministre. Je ne le pense pas.

M. Christophe Bonnard. L’entreprise concernée bénéficiera du dégrèvement complémentaire chaque année tant que les biens demeureront dans sa base d’imposition et feront l’objet d’un amortissement et tant qu’elle sera plafonnée en fonction de la valeur ajoutée.

Si la cotisation de taxe professionnelle calculée sur les équipements et biens mobiliers tombe en dessous de 1,5 % de la valeur ajoutée, la cotisation minimale reste due pour la différence dans les conditions de droit commun. Je souligne que les entreprises industrielles assujetties à la cotisation minimale sont très peu nombreuses.

M. Charles de Courson. Vous avez résolu le problème du plafond, pas celui du plancher. Si une entreprise ne s’acquitte que de la cotisation minimale et que ses nouveaux investissements ne la font toujours pas dépasser ce seuil, elle ne gagnera rien au nouveau dispositif.

M. le Rapporteur général. Je préfère, pour ma part, qu’on concentre les faibles marges de manœuvre dont on dispose sur les entreprises qui paient le plus de taxe professionnelle.

M. le président Didier Migaud. Cela paraît de bon sens.

M. le Ministre. Monsieur de Courson, soyez rassuré, il y aura bien un amendement dans le projet de loi de finances rectificative concernant FSA, la filiale de Dexia. Il ne saurait y avoir de garantie de l’État sans vote du Parlement.

Oui, monsieur Goulard, il faut d’une manière générale mieux orienter les aides de l’État aux collectivités en fonction de ce que l’on veut impulser ou non.

S’agissant, monsieur le Président et monsieur Carcenac, de la lutte contre la fraude fiscale, nous n’avons pas encore terminé les consultations entamées avec l'ensemble des ministères concernés par la mise en place d’un service fiscal judiciaire. Les avis sont pour l’instant assez divergents, mais j’espère toujours aboutir. Je forme le vœu que l’arbitrage final nous soit favorable et si d’aventure il ne l’était pas, je remettrais l’ouvrage sur le métier. Il est en effet indispensable qu’un pays comme le nôtre dispose d’un tel outil, utilisé à bon escient. Nous avons mis plusieurs années à créer la douane judiciaire. Le fisc judiciaire sera aussi difficile à mettre en place.

S'agissant des 11 millions d’euros que l’État devrait, monsieur Carcenac, aux départements du fait du transfert du RMI, je vais faire effectuer les vérifications nécessaires. Si un tel écart est avéré, nous devrons en discuter. Je ne suis pas du tout opposé à ce qu’on résolve ce problème.

Monsieur Dumont, s’agissant du laboratoire de Bure et de la contribution d’EDF, je ne peux pas vous répondre sur-le-champ, mais je prends note de votre question et vais faire procéder à une expertise.

M. Gaël Yanno. Pourrions-nous avoir des précisions à propos des mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude fiscale sur Internet ? Enfin, l’État a prévu d’accorder sa garantie à des prêts étudiants par l’intermédiaire d’Oseo. J’aimerais savoir si les 7 000 étudiants de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française pourront en bénéficier.

M. le Ministre. Nous allons le vérifier.

S’agissant de la fraude sur Internet, il est proposé d'élargir le droit de communication des agents de l'administration fiscale aux données des fournisseurs d’accès, ce qui n'était pas possible jusqu’à présent, contrairement aux données des banques par exemple. Nous allons également porter de cinq à quinze le nombre de douaniers affectés à la surveillance de plates-formes comme e-Bay ou PriceMinister. L’URSSAF procédera, de son côté, aux vérifications nécessaires pour lutter contre le commerce illégal, qui lui fait perdre des rentrées de cotisations comme il fait perdre à l’État des ressources fiscales.

M. le président Didier Migaud. Il me reste, monsieur le ministre, à vous remercier au nom de la commission.

La commission a ensuite entendu une communication de M. Michel Bouvard, en sa qualité de président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, sur l’état des discussions entre la Caisse des dépôts et l’État sur le projet de fonds stratégique d’investissement.