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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Lundi 22 décembre 2008

Séance de 10 heures 

Compte rendu n° 54

Présidence de M. Didier Migaud Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, et de M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009

M. le président Didier Migaud. Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, pourriez-vous apporter des précisions sur le dernier acompte au titre de l’IS pour 2008 ? Les réalisations correspondent-elles à vos attentes ? Des modifications sont-elles intervenues qu’il faudrait traduire en loi de règlement ?

M. Éric Woerth. Monsieur le rapporteur général, notre idée est bien de présenter à nouveau les trajectoires globales. Pour ce qui est de l’impact sur les années à venir, nous anticipons 1 milliard d’euros de crédit d’impôt recherche prévu pour 2010 – en d’autres termes, cette somme est « ramenée » de 2010 vers 2009 –, un autre milliard pour 2011 et 1,8 milliard pour 2012, soit un total de 3,8 milliards.

Concernant le carry back de l’impôt sur les sociétés, nous avons réduit le montant de 300 millions d’euros par an, chaque année de 2010 à 2012. Pour 2009, le coût est de 1,8 milliard.

S’agissant des avances versées sur les marchés publics – 1 milliard d’euros –, nous prévoyons d’anticiper 500 millions sur 2010 et sur 2011.

Nous travaillons actuellement à la fixation avec chaque ministère des montants correspondant au soutien à l’investissement. En tout état de cause, les anticipations représenteront plusieurs centaines de millions d’euros par an.

Si nous n’avons pas modifié les chiffres du solde des administrations publiques et des soldes sociaux, en les adaptant par exemple aux nouvelles prévisions concernant la masse salariale, c’est que nous n’avons pas changé les hypothèses macro-économiques. Je vous rappelle que l’État en est à 3,5 % de déficit, les organismes divers d’administration centrale à + 0,2, les collectivités locales à – 0,3 et les administrations de sécurité sociale à – 0,3, soit un solde total négatif de 3,9 % qui correspond bien à la prévision initiale de 3,1 % et au 0,8 % qui résulteront du financement du plan de relance.

Je conviens que le passage de la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale maastrichtienne a réservé de mauvaises surprises ces dernières années. Mais nous avons tiré les enseignements de ces expériences et nous nous sommes montrés prudents. L’estimation d’un écart favorable de 10 milliards d’euros peut donc être maintenue.

Pour ce qui est notamment des règles de gestion et de la répartition des compétences entre les missions, je vous ferai parvenir une note qui comportera toutes les précisions. Il faut savoir que les trois responsables administratifs de programme sont trois fonctionnaires de la direction du budget. Ceux-ci sont les mieux à même de veiller à ce que les crédits soient mis à disposition le plus rapidement possible. D’une certaine manière, la direction du budget jouera un rôle inverse de celui qu’elle tient habituellement puisqu’elle s’emploiera à amplifier l’élan de consommation des crédits. Patrick Devedjian et moi-même y veillerons personnellement.

Si nous prévoyons une stabilité de la charge de la dette, c’est que la baisse des taux, notamment des taux courts, compense l’augmentation en volume. En 2008, le surcoût de la dette est dû à une inflation importante qui a maintenant disparu – mais je reconnais que l’on ne peut guère préjuger de ce qu’il en sera dans six mois, étant donné la volatilité de tout en ce moment.

Enfin, monsieur le président, vous m’avez interrogé sur le dernier acompte au titre de l’impôt sur les sociétés. Les chiffres ne sont pas « fiabilisés », comme on dit. Mais les indications dont nous disposons ne sont pas des plus optimistes.

M. Patrick Devedjian. Éric Woerth a dit l’essentiel à propos de l’impact du plan de relance sur la programmation triennale. Le recensement des projets est en cours. L’objectif étant que la dépense soit effective à hauteur de 75 % en 2009, il faut que ces projets soient prêts à être engagés dès l’année prochaine. En revanche, il ne peut s’agir de projets déjà engagés.

Pour respecter le principe d’équité territoriale que nous avons fixé, nous associons les préfets de région à notre recensement. À raison de dix projets par département, on devrait arriver à environ mille projets.

Pour ce qui est du modus operandi, les responsables de programme travailleront avec les sous-directions du budget pour être au plus près de la dépense et optimiser les circuits. Nous n’avons pas d'a priori quant à la méthode : il pourra s’agir de gestion directe, de transferts ou de délégation. Dans tous les cas de figure, le principe fondamental reste la traçabilité. Je suis tenu de rendre compte tous les trois mois au Conseil des ministres du développement du plan de relance. Bien entendu, j’en rendrai également compte au Parlement. Nous établirons des indicateurs de performance qui permettront de suivre le niveau de la dépense et l’aboutissement des projets.

M. le président Didier Migaud. Nous aurons l’occasion de revenir sur les questions techniques ayant trait à la LOLF. Il peut arriver qu’une architecture soit conforme à sa lettre et pas tout à fait à son esprit, dès lors que la distinction entre telle ou telle opération d’investissement est difficile à faire.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre du budget, vous affirmez vouloir maintenir vos hypothèses de croissance, qui ne sont d’ailleurs pas exactement celles de l’INSEE. Pour que ces hypothèses se vérifient, confirmez-vous qu’il faudra une croissance de 1,5 % pour chacun des deux derniers trimestres de l’année ?

S’agissant de la dette, confirmez-vous que vous raisonnez à fiscalité constante pour évaluer le déficit budgétaire ? Selon la presse économique, certains pays comme les États-Unis ou l’Allemagne vendent moins facilement leurs bons du Trésor, ce qui est tout à fait nouveau. Notre pays a-t-il rencontré des difficultés comparables ? Notre dette est-elle mieux notée que celle des États-Unis et de l’Allemagne ?

Sept plans, semble-t-il, ont été annoncés. Il est un peu difficile de s’y retrouver. La partie consacrée au logement et à l’automobile, pour laquelle on prévoit 2 milliards d’euros, comprend-elle l’achat de 30 000 logements que le Président de la République avait annoncé ? Les mesures relatives aux banlieues en font-elles partie ? Mme Fadela Amara avait quant à elle parlé de plusieurs milliards.

Je remarque par ailleurs que les véhicules que Renault fabrique en France, la Vel Satis et la Laguna, ne sont pas concernés par la prime à la casse puisque leurs émissions de CO2 dépassent le seuil fixé. C’est en dehors de notre pays, en Espagne et au Maroc notamment, que Renault construit les véhicules qui répondent aux critères du plan de relance. Si la prime remporte le succès que vous escomptez, à quelle nouvelle dégradation de notre commerce extérieur doit-on s’attendre ?

Dans ce plan d’un montant total de 26 milliards d’euros, les crédits de paiement consacrés à l’investissement public ne s’élèvent qu’à 2,7 milliards, soit un peu plus de 10 %. Pourquoi ?

En ce qui concerne le Fonds stratégique d’investissement, confirmez-vous que l’État empruntera 14 milliards d’euros pour arriver aux 20 milliards annoncés ? Selon quels critères et quels circuits ce fonds sera-t-il géré ? Qui décidera ? Interviendrez-vous dans cette gestion ?

On annonce des aides aux collectivités locales. Dans le cadre du programme de développement des itinéraires routiers, quel sort réservez-vous aux voies qui sont toujours des routes nationales ? Pour la modernisation d’une de ces routes dans le Sud-Ouest, le préfet de région a indiqué que l’État ne contribuerait qu’à hauteur de 60 %, les collectivités devant financer les 40 % restants, faute de quoi le projet ne se ferait pas. Sur le principe, le fait que l’État sollicite les collectivités pour ces routes restées nationales vous paraît-il acceptable ? On voit mal, étant donné les sommes en jeu, comment les collectivités pourraient faire face !

Les projets de construction et de modernisation d’hôpitaux sont-ils éligibles à votre plan ? Le Président de la République n’a pas prononcé un seul mot à ce sujet.

Enfin, sans revenir sur la question de savoir si le remboursement de la TVA est un droit ou une subvention – tout élu local sait ce qu’il en est en réalité –, je remarque que le remboursement anticipé suppose que les investissements des collectivités soient supérieurs à ce que celles-ci avaient prévu. Qui en jugera, quand et sur quels critères ?

M. Jérôme Chartier. Les projets des collectivités territoriales sont en général cofinancés. Un projet municipal, par exemple, bénéficiera du financement du département, parfois de la région. La décision de sa mise en œuvre dépend souvent de ces financements complémentaires. Comment le Gouvernement entend-il garantir aux mairies qu’elles obtiendront rapidement un accord de principe des autres niveaux de collectivités sur le cofinancement de projets supplémentaires en 2009 ? Avez-vous pensé à des procédures d’incitation ?

Vous allez effectuer une révolution copernicienne de la direction du budget – qui se devra désormais d’encourager, pour la bonne cause, les « budgétivores » – mais, s’agissant des collectivités, la mise en œuvre du plan de relance risque de se heurter à des difficultés qui tiennent aux différents niveaux d’administration.

En outre, le Gouvernement envisage-t-il des mesures complémentaires pour inciter les très petites entreprises à l’embauche ? Lors d’une visite en Normandie, la semaine dernière, j’ai constaté que ni la chambre de commerce et d’industrie ni la chambre de métiers n’ont encore délivré d’informations sur la possibilité offerte aux TPE d’être exonérées de charges sociales pour l’embauche d’un salarié supplémentaire. Quels moyens de communication envisagez-vous pour diffuser le plus rapidement possible des explications relatives à ce dispositif ? Confirmez-vous que la mesure s’applique à partir du 4 décembre ?

Dans le contrôle des engagements, distinguera-t-on les projets engagés normalement en 2009 et les autres, ou ne fera-t-on qu’une seule catégorie, sachant que le FCTVA est destiné à financer tous les projets ? En cas de besoin complémentaire, pourra-t-on envisager un nouveau collectif budgétaire pour abonder le fonds ? Par ailleurs, le vote des budgets municipaux intervient généralement au mois de mars. En permettant aux mairies d’engager avant cette date un montant équivalant à un tiers – et non pas un quart – des crédits engagés en 2008, on provoquerait un effet d’accélération dès le début de 2009.

Le collectif budgétaire prévoit d’abonder le fonds stratégique d’investissement à hauteur de 3 milliards d’euros. Cela signifie-t-il que ce fonds passe sous la responsabilité du Gouvernement ?

Enfin, l’État conditionne-t-il à une baisse des primes la garantie qu’il pourrait accorder aux organismes d’assurance crédit ? Les primes ont en effet considérablement augmenté ces dernières semaines et les entrepreneurs s’en inquiètent.

M. Jean-Pierre Brard. La seule chose certaine dans les propos du Gouvernement, c’est que nous vivons une période où règne la « volatilité de tout », pour reprendre l’expression de M. Éric Woerth. Quant au reste, messieurs les ministres, vous êtes englués dans vos dogmes idéologiques. Le président Migaud parlait d’« architecture » ; celle de votre plan me fait penser à la cathédrale de la Sainte-Famille, à Barcelone : on n’est pas près d’en voir la fin !

Avec Patrick Devedjian, c’est Thierry la Fronde qui entre au Gouvernement – à ceci près que Thierry la Fronde avait la fronde et le projectile, tandis que Patrick Devedjian a la fronde, mais qu’il cherche encore le projectile.

Aveuglés par votre dogme de l’offre, vous ne voyez pas la grande pauvreté qui s’installe dans le pays. Vous ne voulez pas donner du pouvoir d’achat alors que ce serait la seule mesure à effets immédiats. Le plan d’investissement n’est pas, en soi, une mauvaise chose, mais il suppose un temps d’inertie important. Pas plus que vous n’avez écouté vos économistes en 2005, vous n’avez tenu compte de la première alerte lancée par le FMI en 2007. Vous avez prétendu réagir en 2008 dans le secteur bancaire. Or, et tous les promoteurs vous le diront, les banques ne bougent pas. Vous n’avez d’ailleurs rien fait pour qu’elles bougent puisque vous avez renoncé à jouer un rôle actif et délégué la tâche à des gens qui sont responsables, pour une large part, de nos difficultés !

Il est paradoxal de vanter la rapidité de réaction du Gouvernement alors que, depuis trois mois, c’est l’échec : la seule chose à laquelle on assiste, c’est la fermeture d’entreprises. L’économie réelle s’enfonce à cause de votre politique.

Quant à prédire le déficit de 2012, il faut être très audacieux ou très inconscient pour le faire ! Les ministres n’ont pas réagi au chiffre de 100 milliards de déficit pour 2009 avancé par le président Didier Migaud. C’est un tiers du budget de la nation ! Autant dire que le budget n’a plus aucune réalité ! Les lois de finances rectificatives vont se succéder à un rythme soutenu. Plus rien n’est vrai dans ce que vous nous présentez.

Le plan d’aide à l’embauche montre à quel point vous êtes intoxiqués. Un petit patron n’embauche pas en fonction des aides qu’on lui accorde, mais en fonction des commandes que lui passent ses clients, donc en fonction du pouvoir d’achat. Votre disque est rayé et vous conduisez le pays tout entier à la catastrophe.

Après la crise bancaire, c’est la crise économique qui s’installe. Le désespoir qui s’accumule au tréfonds du peuple français peut aussi mener à la crise sociale, et ce n’est pas avec votre poudre de perlimpinpin que nous nous en sortirons !

M. Charles de Courson. Messieurs les ministres, je m’étonne que vous considériez la situation économique et budgétaire actuelle comme proche de celle du mois de novembre. Si seulement c’était le cas !

La crise que nous devons affronter n’est évidemment pas un problème français : c’est un problème international. À cet égard, je m’interroge sur le cadrage que vous avez retenu. Alors que vous réajustez la prévision d’inflation de 2 à 1 %, il est à craindre que l’on n’arrive à 0, voire à une déflation. De même, la croissance peut très bien être négative.

Si la déflation qu’envisagent de nombreux économistes de par le monde se confirmait, la très forte augmentation du déficit et de l’endettement publics pèserait beaucoup plus lourd puisque le PIB n’augmenterait plus, ou même baisserait légèrement. Il serait alors nécessaire de réajuster la politique dans plusieurs domaines, notamment celui de la fonction publique.

À mon sens, on est loin d’avoir tiré toutes les conséquences de la dégradation de la situation.

——fpfp——